On a peu de renseignements sur la vie extérieure de Napoléon durant son premier séjour à Auxonne, de juin 1788 à septembre 1789[1]. On croit savoir que, à son arrivée, il logea aux casernes et occupa, dans le pavillon dit de la Ville, la chambre n° 16, côté sud, escalier n° 1 ; puis qu'il eut, dans le même pavillon, la chambre n° 10, au deuxième étage de l'escalier n° 3. Le régiment, qui était venu en garnison à Auxonne le 18 décembre 1787, était tel que lorsque Napoléon l'avait quitté, avec les mêmes chefs, et il reprit sa place dans sa compagnie, avec le numéro 11 sur les lieutenants en second. En même temps qu'il comptait au régiment et y faisait son service, il dut suivre l'école d'artillerie que commandait le maréchal de camp baron du Teil. Ce du Teil, qui joua un rôle important dans la vie militaire de Napoléon et dont, à Sainte-Hélène, l'Empereur se souvint pour l'inscrire dans son testament[2], était né en 1722 au château de Pommiers, près la côte Saint-André, et entré en très bas âge comme cadet dans l'artillerie, y avait fait toutes les campagnes depuis 1733 jusqu'en 1760. Colonel du régiment de la Fère en 1776, nommé, en 1779. au commandement de l'École d'artillerie d'Auxonne, où il avait été promu maréchal de camp sur place en 1784, Jean-Pierre du Teil, bien qu'il portât les titres de baron du Teil, seigneur de Pommiers-lès-Saint-André, de Chars et des Rousselières[3], était le fils d'un pauvre et brave officier d'artillerie ; et, de race militaire, assez porté, semble-t-il, vers les idées nouvelles, il se montrait disposé à faire le meilleur accueil aux jeunes gens désireux de s'instruire et à faciliter leurs débuts[4]. Il s'intéressa particulièrement à Napoléon en qui il voyait un travailleur, l'appela diverses fois à faire partie de commissions où il était le seul de son grade, et lui aurait même, dit-on, donné le commandement d'une grande école qui aurait été exécutée au polygone d'Auxonne en l'honneur du prince de Condé, gouverneur de Bourgogne. En dehors de la maison du général, qu'il fréquentait, dit-on, ainsi que celle de M. Pillon d'Arquebouville, directeur d'artillerie, Napoléon aurait eu ses habitudes chez M. Naudin, commissaire des guerres, avec qui il se lia, qu'il fit plus tard inspecteur aux revues, puis intendant général de l'Hôtel des Invalides ; il aurait pris enfin une intimité avec M. Lombard, professeur de mathématiques à l'École d'artillerie, qui le guidait dans ses expériences de chimie, et il aurait même, en 91, logé chez lui. De ses camarades, c'était toujours des Mazis qu'il préférait, mais il fit à ce moment la connaissance de Gassendi, dont il sentit tout le mérite. La tradition de promenades solitaires autour de la ville, de continuels retards aux heures des repas qu'il prenait à la pension des officiers, chez un nommé Dumont ; des anecdotes montrant qu'il n'aimait point être dérangé dans son travail par les fantaisies de camarades sonnant du cor ou se livrant à d'autres musiques[5] ; des remarques sur sa mise peu soignée ; voilà toute la récolte qu'on a faite. On a dit qu'il était pauvre et on a cité les comptes de son tailleur, le nommé Biautte : Doit M. Buonaparte : Fait culotte de drap : 2 livres Deux caleçons : 1 liv. 4 s. Doit M. Buonaparte : Fait anglaise bleue : 4 livres Bordure : 1 livre Napoléon a fort bien dit qu'il n'était point riche, quoiqu'il se soit encore attribué une pension qui ne paraît pas très positive. Aussi devait-il, comme un de ses camarades qui finit officier général et trouva une mort glorieuse au champ d'honneur, être exaspéré par les changements d'uniforme qu'imposaient à chaque instant les fantaisies ministérielles[6], tantôt la culotte noire en place de la bleue, tantôt des redingotes anglaises au lieu de manteaux, sans parler du reste. D'argent de chez lui, il n'avait pas à en attendre : vainement en avait-il demandé à son grand-oncle pour aller à Paris[7], où, disait-il, l'on peut se produire, faire des connaissances, surmonter des obstacles. Le grand-oncle avait répondu que la vendange s'annonçait mal et qu'il n'avait point d'argent à gâcher. D'ailleurs, Napoléon n'ignorait pas que l'affaire de la Pépinière tournait aussi médiocrement, que sa mère ne recevait rien de ce qu'on lui avait promis, que les frais continuaient sans qu'on pût tirer des arbres aucun bénéfice. Il avait sur ce point des notions si certaines que, au mois d'avril, il prenait sur lui d'écrire à l'Intendant, alors à la Cour, la lettre suivante : Auxonne, 2 avril 1789[8]. Monsieur, pardonnez si, jusqu'au centre des plaisirs, je viens vous importuner de mes affaires. Depuis trois ans que l'on nous a promis des indemnités pour cause de la résiliation de notre contrat d'établissement d'une pépinière de mûriers, depuis trois ans que le procès-verbal en a été dressé et que vous avez eu la bonté de l'envoyer à la Cour, nous n'en entendons cependant pas parler. Ce retardement produit le tort le plus éminent à nos affaires que cette entreprise a beaucoup dérangées... Vous êtes convenu de la justice de nos prétentions et je sollicite aujourd'hui votre bonté, afin que, comme protecteur de la justice, vous daigniez nous la faire rendre. Vous savez, monsieur, que, l'année dernière, nous n'avons délivré que quatre à cinq mille arbres, tandis que nous en avions dix mille bons à être transplantés. Cette année, nous n'en avons délivré que quelques centaines, et cependant le Roi devait encore en prendre dix mille. Cela fait de la cultivation qui nous ruine, et je ne puis vous dissimuler que la pépinière est aujourd'hui dans le plus mauvais ordre. Il faut cependant prendre un parti et il n'est pas juste que nous en soyons encore la victime... J'attends la réponse que vous me ferez l'honneur de me faire, et tout aussitôt je prendrai mes mesures en conséquence... Il faut bien jouer le tout ou rien lorsqu'il n'y a pas d'autre parti à prendre. Je suis charmé que cette circonstance me procure l'occasion de me renouveler à votre souvenir. Pauvre comme il était, il n'avait de refuge que dans le travail. Je n'ai pas d'autre ressource ici que de travailler, écrivait-il en juillet 1789[9]. Je ne m'habille que tous les huit jours. Je ne dors que très peu depuis ma maladie. Cela est incroyable. Je me couche à dix heures et je me lève à quatre heures du matin. Je ne fais qu'un repas par jour, cela me fait très bien à la santé. On prétend même que, à un moment, pour plus d'économie, Bonaparte avait supprimé la viande de ce repas et avait prétendu ne vivre que de laitage. Ce travail acharné n'est point interrompu, comme on en aura plus loin la preuve, lorsque, avec un détachement de cent canonniers sous les ordres de M. du Manoir, lieutenant en premier, Napoléon est envoyé pour occuper la petite ville de Seurre où une émeute a éclaté à propos des grains, et où deux négociants de Lyon ont été massacrés. Il y resta près d'un mois et ce qu'il y vit le plus, sans contredit, ce furent ses livres[10]. Si l'on manque de détails authentiques sur l'existence extérieure de Napoléon, c'est durant cette période, qu'on a, par contre, le plus de documents positifs sur son existence intérieure, sur l'éducation intellectuelle et morale qu'il s'est donnée. On peut suivre pas à pas son esprit, et cela vaut mieux sans doute que de glaner des anecdotes apocryphes. En arrivant à Auxonne, Napoléon avait une rude besogne à faire : apprendre son métier d'artilleur tout d'abord ; car, sortant de l'École militaire, ayant de ce chef une infériorité notoire sur les élèves des Ecoles d'artillerie, n'ayant même, à l'École militaire, passé qu'une année, alors que ses camarades en passaient deux, trois, quatre et cinq, il n'avait, dans son premier séjour à Valence pu acquérir qu'une teinture de son état de soldat, non s'instruire de ce qu'il devait savoir comme officier. Sans doute, les études auxquelles il se livre paraîtront singulièrement naïves aux ingénieurs des armées modernes, mais peut-être les historiens militaires les considéreront-ils d'autre façon ; peut-être trouveront-ils, dans le 1er cahier sur l'artillerie, l'origine de certaines idées que Napoléon a appliquées sur le champ de bataille et qui n'ont pas été sans influence sur ses victoires. D'ailleurs, on n'apporte ici qu'une part sans doute médiocre de ces études : une annotation sur le manuscrit intitulé Principes d'artillerie prouve que Napoléon avait rédigé au moins cinq cahiers et l'on n'en a retrouvé qu'un seul dans les papiers Libri. Du moins y a-t-on retrouvé le Mémoire sur la manière de disposer les canons pour le jet des bombes, que l'on croyait perdu. On savait que Napoléon avait été nommé, par le général du Teil, l'un des membres de la commission chargée de suivre les épreuves relatives au tir des bombes de tous calibres avec des mortiers de toute grandeur, des canons de 8, de 12 et de 16 et avec des tronçons de 24. Les autres membres de la Commission étaient M. de Quintin, chef de brigade, MM. Duhamel, de Menibus, Gassendi, capitaines, MM. Reilhière et du Vaisseau, lieutenants en premier[11]. Seul Bonaparte figurait en qualité de lieutenant en second. C'est aux hommes compétents de déterminer, d'après l'état des connaissances à cette époque, la valeur de ce mémoire. On est surpris de constater à quel point dans tout ce qu'il écrit durant cette période, cet officier, qui n'a point vingt ans, semble peu séduit par ces objets qui attirent d'ordinaire l'attention des jeunes hommes de son âge dès qu'ils reçoivent l'épaulette. Sauf une remarque sur l'uniforme du corps auquel il appartient, nulle part une allusion à ce qui est, pour tant d'autres, l'agrément et peut-être l'unique séduction du métier. Un seul mémoire, un projet pour établir, entre officiers du même corps, un tribunal d'honneur qui, en renforçant les liens qui les unissent, protège efficacement les nouveaux venus contre les anciens, et même, au besoin, en dehors des relations de service, les inférieurs en grade contre leurs supérieurs ; rien pour le panache et la gloriole, mais, par contre, une instruction suivie, puisée aux sources, de ce qu'il importe de savoir sur l'artillerie, son histoire, ses origines et ses progrès. C'est que si, en 1788, Napoléon voulait être un bon artilleur, on ne saurait affirmer qu'il crût passer sa vie au service de France. N'avait-il pas perpétuellement dans la pensée l'exemple de ce Paoli qui, simple enseigne des gardes corses au service du roi de Naples, avait été appelé par ses concitoyens à une sorte de dictature à la fois militaire et politique, avait organisé sa nation, et d'elle, les tribunaux, les finances, la police, l'administration et l'armée et, d'une peuplade, avait, aux applaudissements de tous les philosophes, fait une nation. Pourquoi, lui, Bonaparte, ne serait-il pas un nouveau Paoli ? Par quel lien si fort était-il attaché à la France ? En quoi le service, où il était à présent, engageait-il la suite de sa vie ? En ce temps-là, pour les Français d'origine, le sentiment de patrie était-il donc si fort ? Napoléon n'avait-il point vu ministre de la Guerre un officier général qui, né Français, avait par deux fois déserté le service de France et promené son ambition sous les drapeaux de cinq puissances européennes ? N'aurait-il pas d'autres excuses à présenter que M. le comte de Saint-Germain si, sa patrie redevenue libre ou, simplement, prétendant l'être, le rappelait pour prendre un commandement dans l'armée nationale ? Est-ce que, tout à l'heure, le corps entier de la noblesse de France n'allait pas montrer qu'il était pour lui des devoirs envers la monarchie qui primaient les devoirs envers la patrie ? Est-ce que, pour la combattre et la soumettre, celte patrie révoltée, elle n'allait pas, après avoir épuisé ses ressources, passer de solde en solde au service de toutes les puissances coalisées ? Est-ce que les insurrections de Vendée, de Bretagne, d'Anjou, du Midi ne devaient pas sembler légitimes à qui combattait pour son roi contre sa patrie avec l'argent, la poudre, les fusils étrangers ? Pourquoi Bonaparte eût-il pensé autrement que ses contemporains ? Eux combattaient pour leur roi. Lui se serait battu pour l'indépendance de son peuple, pour la Corse, vendue, vaincue, conquise, non soumise. Parce que, en otage, il avait été pris de son île, élevé dans une école des vainqueurs, à parler leur langue et à obéir à leur discipline ; parce que, après, il avait endossé un uniforme et fait des manœuvres ou des exercices, il serait engagé pour sa vie entière à servir le petit-fils de ce Roi qui avait acheté des Génois leurs droits hypothétiques sur la Corse, et qui, muni de ces droits, mais les soutenant d'une armée nombreuse, aguerrie et pourvue de tout ce que comporte la guerre moderne, avait dispersé les misérables bandes de francs-tireurs, qui essayaient de défendre leur patrie contre une invasion que rien, hormis la force et l'ambition, ne pouvait justifier ? Comment Napoléon eût-il été Français, pourquoi l'eût-il été ? Tout en lui était corse. Il ne pensait, ne rêvait qu'à la Corse. Il avait pour elle cette passion sauvage des enfants exilés, reployés sur eux-mêmes, qui ne communiquent à qui que ce soit leur secret et qui meurent parfois de ce grand et terrible amour. Son ambition ? L'exemple de Paoli, son héros, presque son dieu, n'était-il pas là pour lui montrer la route ? Est-il moins ambitieux celui qui rêve de devenir le dictateur élu d'un peuple libre que celui qui rêve d'arriver à quelque grade dans le petit corps spécial d'une armée étrangère ? Que cette idée de dictature hante le cerveau de Napoléon, nul doute. Il a senti à quel point l'instruction qu'il a reçue à Brienne et à Paris est insuffisante ; il n'y a rien appris de ce qu'il veut savoir, de ce qu'il lui importe de connaître ; car il ne suffit point que la Corse trouve en lui un soldat, il faut qu'elle trouve un législateur et un politique. C'est donc par la base qu'il reprendra son éducation entière. Mais qu'on ne s'attende pas qu'il s'attarde aux langues mortes, à la pure littérature ou à la philosophie spéculative. Il veut apprendre ce qu'est l'homme, d'où il vient, comment il est fait ; il veut apprendre ce qu'est ce globe que l'homme habite et surtout quelles formes diverses ont prises les diverses sociétés que l'homme a organisées, quelles vicissitudes les empires et les républiques ont subies, qui les a gouvernés, quels rouages ont reçus leurs administrations, quelle part prenait au gouvernement le peuple, quelle la noblesse, de quelle façon était entendue l'hérédité monarchique. Il veut tout connaître des armées, des finances, du commerce. Les documents qu'il a aux mains sont médiocres et confus ? Il sait en extraire le suc et en faire jaillir la clarté. Il tamise les renseignements, réduit les périodes oratoires au nécessaire d'une note brève, ne s'inquiète que du chiffre, du fait, se réservant en lui de tirer les conséquences. Son esprit, dégagé déjà, semble-t-il, des superstitions et même des croyances religieuses, ne cherche point le surnaturel et, dans les évolutions de l'humanité, ne voit que l'homme ; mais, sous quelque latitude que l'homme soit placé, à quelque époque qu'il vive, à quelque nation qu'il appartienne, l'homme l'intéresse. Il fait ainsi un cours de politique par l'histoire, et toute l'histoire. Il ne se contente pas de s'instruire de l'Antiquité, de démonter les ressorts des gouvernements étrangers, de suivre toutes les phases de leurs annales, de s'enquérir de ces peuples, qui semblent morts parce que, depuis des siècles, ils n'ont plus renouvelé leurs invasions, qu'il n'a point paru parmi eux de soldat organisateur qui ait rué de nouveau les sectateurs de Mahomet contre les croyants à Jésus-Christ ; il veut aussi savoir ce que, en ce temps tout le monde ignore, l'histoire de son temps. Pour la lire, il faut bien qu'il prenne les livres qui en parlent, car, hormis dans les pamphlets ou dans quelques imbéciles apologies, où la trouver cette histoire ? Il prend donc les pamphlets : mais avec une justesse qui étonne, avec une droiture qui est la loi même de sa nature, il ne retient que le fait, le chiffre, la date. Le pamphlet qu'il feuillète et où il prend ses notes est obscène et abonde en tableaux graveleux où l'imagination d'un jeune homme peut s'égarer. Lui passe dédaigneux, indifférent, notant seulement au bout de la plume les mots qu'il ignore et qui le surprennent. Ce qu'il cherche là, ce ne sont pas les secrets que la Gourdan met au service des débauchés, c'est d'où viennent Necker, Terray, Turgot, où en est la marine de France et ce qu'on a dit au parlement d'Angleterre. Voilà le moyen ; voici le but : c'est la Corse Il prétend écrire son histoire, non pas qu'il veuille courir les palmes académiques ou qu'il attende, comme on l'a dit, quelque faveur d'une dédicace flatteuse à un ministre. C'est au fer rouge qu'il veut marquer les oppresseurs de son pays, c'est l'apologie de son peuple qu'il veut écrire, mais c'est aussi un pamphlet contre qui l'a conquis. Tout ce qu'il entasse d'histoire n'a pour but que de prouver que sa nation a toujours été libre et qu'elle mérite de le redevenir. Son but, c'est d'apprendre à ses compatriotes ce qu'ils sont et ce qu'ils doivent être ; c'est d'appeler l'attention des philosophes et des écrivains sur ce coin de terre un instant célèbre et déjà oublié ; c'est encore — à défaut de l'indépendance, pourquoi ne souhaiterait-il pas un sort plus heureux pour sa nation ? — d'émouvoir les puissants du jour et de leur révéler comment loin d'eux on gouverne. Donc trois sortes d'études : Artillerie, afin de devenir un soldat utile à cette Corse qui, dans la Guerre de l'Indépendance, n'a pu, ni su mettre en ligne un canon et qui a été écrasée par le canon ; Histoire générale, comprenant depuis l'histoire naturelle de l'homme jusqu'à l'histoire de Louis XV et de Frédéric, l'histoire des Egyptiens, des Mèdes, des Perses, des Grecs, des Carthaginois, des Français, des Anglais, des Arabes, l'histoire universelle, cherchée moins dans les faits que dans les institutions et les mœurs ; enfin, Corse, l'histoire, plutôt l'épopée de la Corse. Telles sont les trois séries de notes qu'on va trouver. Au premier groupe d'études, auquel il convient de rattacher le Projet de constitution de la calotte du Régiment de La Fère (n° VIII) appartiennent les manuscrits suivants : N° IX. Principes d'artillerie (sans date). N° X. Ier cahier sur l'histoire de l'artillerie (Auxonne, janvier 1789). N° XI. Trait concernant l'histoire de l'artillerie (février 1789). N° XII. Mémoire sur la manière de disposer les canons pour le jet des bombes (30 mars 1789). N° XIII. Lettre au général du Teil (sans date). Du second groupe, histoire naturelle, histoire universelle, histoires particulières, font partie selon l'ordre chronologique des lectures : N° XIV. Notes diverses. République de Platon. N° XV. Quelques notions sur le gouvernement des anciens peuples. Extraits de Rollin. N° XVI. Observations diverses. (Extraits de Rollin. Complément du n° XV.) N° XVII. Notes diverses. Extraits de l'Histoire philosophique du commerce des deux Indes, de Raynal. N° XVIII. Notes tirées de l'histoire d'Angleterre. N° XIX. Le comte d'Essex, nouvelle anglaise. N° XX. Notes tirées de l'histoire de Frédéric II. N° XXI. Notes diverses. Extraits des Mémoires de l'abbé Terray. N° XXII. Compagnie des Indes. N° XXIII. Notes extraites des Mémoires du baron de Tott sur les Turcs et les Tartares (janvier 1789). N° XXIV. Sur les lettres de cachets par le comte de Mirabeau (février 1789). N° XXV. Notes diverses tirées de l'Espion anglais. N° XXVI. Études de la nature. Histoire naturelle de Buffon (Auxonne, mars 1789). N° XXVII. Histoire des Arabes, par l'abbé Marigny (Seurre, avril 1789). N° XXVIII. Le masque prophète. N° XXIX. Gouvernement de Venise (Seurre, mai 1789). N° XXX. Mably. Considérations sur l'histoire de France (Auxonne, août 1789). N° XXXI. Notes tirées de la géographie de Lacroix. Quelques pièces se rattachent sans doute à cet ordre d'idées, mais entrent dans le domaine de la politique active et doivent former une subdivision. Ce sont : N° XXXII. Dissertation sur l'autorité royale (oct. 1788). N° XXXIII. Notes sur le rapport de M. Necker (mai 1789). N° XXXIV. Notes tirées des Gazettes (juin 1789). Enfin les études sur la Corse devraient fournir deux manuscrits ; mais l'un d'eux, celui des Lettres sur la Corse à M. Necker, n'a pas été retrouvé. On a donné dans un paragraphe spécial, sous le n° 13 bis, les lettres et documents qui s'y rapportent, et sous le n° XXXV la Nouvelle Corse, qui est certainement de cette date. On voit par cette énumération que, bien que vivement intéressé par les événements qui se déroulent à Versailles, Napoléon n'a pas, en France, pris encore de parti. Sans doute, il est attiré par les idées nouvelles, mais les émeutes auxquelles il assiste à Auxonne (19 et 20 juillet), la révolte des canonniers du régiment réclamant la masse noire (16 août) et manquant d'écharper le capitaine de Boubers, auquel Napoléon est très attaché, sont pour choquer son esprit. Si à ce moment, a-t-il dit, on lui eût donné l'ordre de tourner les canons contre le peuple, il n'eût point hésité à obéir. Au surplus, au moment de cette échauffourée du 16 août il est sur le point de partir en congé. Conformément à l'usage constamment suivi pour les officiers corses ou servant en Corse, il devance d'un mois l'époque habituelle des départs et, en conséquence, dès le 9 août, son colonel adresse au ministre de la Guerre la demande suivante[12] : J'ai l'honneur de prévenir Monsieur le comte de la Tour du Pin que M. de Buonaparte, lieutenant en second au régiment de la Fère artillerie, est dans le cas de profiter cette année d'un semestre d'hiver et, comme cet officier est originaire de la Corse et qu'il doit se rendre dans cette île, que d'ailleurs il n'y a qu'une saison favorable pour faire la traversée, je supplie Monsieur le comte de vouloir bien m'autoriser à lui permettre de partir dans le courant de septembre prochain. La demande est naturellement accordée ; et Napoléon part vers le milieu de septembre, peut-être même dans les premiers jours du mois. On prétend[13] qu'il passa par Valence où il revit ses anciennes connaissances. Il est certain du moins qu'il s'embarqua à Marseille où il alla présenter ses respects à l'abbé Raynal[14]. Peut-être l'y avait-il connu l'année précédente, en 1788 ; mais en tous cas, ce n'avait pu être plus tôt. A la fin de septembre ou dans les tout premiers jours d'octobre, il arrivait en Corse. |
[1] M. Pichard, maire d'Auxonne, qui a publié une brochure : Napoléon à Auxonne (1re édition, Auxonne, 1847, in-8° de 96 pages ; 2e édition, Auxonne, 1857, in-16 de 100 pages), fait preuve des meilleures intentions, mais manque absolument de critique et accepte sans contrôle toutes les légendes : il débute par donner une date fausse de l'arrivée de Napoléon, confond les deux séjours, celui de 88-S9 et celui de 91, etc.
[2] 4e Codicille, § Ier. Nous léguons aux fils ou petit-fils du baron du Teil, lieutenant général de l'artillerie, ancien seigneur de Saint-André, qui a commandé l'École d'Auxonne avant la Révolution, la somme de 100.000 francs comme souvenir de reconnaissance pour les soins que ce brave général a pris de nous lorsque nous étions comme lieutenant et capitaine sous ses ordres. M. le baron Joseph du Teil prépare en ce moment sur les officiers généraux de sa famille, qui ont presque tous appartenu à l'arme de l'Artillerie, une notice qui, étant donnés les documents dont il dispose, ne peut manquer d'être d'un vif intérêt.
[3] Généalogie de la maison du Teil, Paris, 1879, in-8°.
[4] Jean-Pierre du Teil n'émigra point ; arrêté à Grenoble, il fut conduit à Lyon et guillotiné, selon la généalogie citée, le 22 février 1791. Son frère, aussi officier d'artillerie, né en 1738, lieutenant-colonel en 1785, maréchal de camp en 1792, lieutenant général en 1793, commanda l'artillerie devant Toulon, fut ensuite à l'armée des Alpes, puis, en 1800, eut le commandement de la place de Metz. Retraité en 1813, il est mort le 25 avril 1821.
[5] Tout cela vient du Mémorial. Or, au point de vue des dates, le Mémorial est suspect : par exemple, il y est dit qu'en 1786, à Auxonne, Napoléon manqua se noyer, (III, 385). Or, en 1786, Napoléon n'est pas à Auxonne. L'anecdote peut être vraie, mais la date est certainement fausse. Les anecdotes rapportées, I, 142 et suivantes (éd. de Londres), paraissent plus authentiques.
[6] Un officier royaliste au service de la République, le général Dommartin, par A. de Besancenet. Paris, 1876, in-8°.
[7] Le fragment donné par Blanqui d'une lettre à l'archidiacre Lucien avec la date de 92 me semble bien mieux aller à la date de 88 ou de 89. La date de 92 est certainement fausse puisque l'archidiacre était mort en 91. Ce fragment au contraire pourrait se rapporter à ce que dit Napoléon dans la lettre du 22 août 89, qu'on dit adressée à Fesch et qui m'inspire des doutes sérieux. Voici les deux pièces : d'abord le fragment de la lettre à l'archidiacre : Envoyez-moi 500 francs, cette somme me suffira pour aller à Paris ; là au moins on peut se produire, faire des connaissances, surmonter des obstacles : tout me dit que j'y réussirai. Voulez-vous m'en empêcher faute de cent écus. Voici ensuite la lettre que l'on dit adressée à Fesch à la date du 22 août 1789. J'ignore où elle a été publiée d'abord. M. Iung l'a donnée en la morcelant (I, 187, 188, 189), tantôt avec la date du 12, tantôt avec la date du 22. Elle est in-extenso dans Martel, Œuvres littéraires de Napoléon Bonaparte, Paris, 1888, in-12, t. Ier, sans indication de source. Je répète que beaucoup de mots et de tournures m'y étonnent.
Auxonne, le 22 août 1788.
Vous saurez que je viens de recevoir réponse de M. Vautier ; il me dit qu'il reconnaît que Joseph a des titres particuliers pour obtenir une place dans les tribunaux et qu'il saisira la circonstance avec plaisir, que, pour le moment, des personnes proposées depuis plusieurs années empêcheront qu'il ne soit placé, mais qu'il fera son possible pour hâter son retour.
Je suis indisposé : les grands travaux que j'ai dirigés ces jours derniers en sont cause. Vous saurez, mon cher oncle, que le général d'ici m'a pris en grande considération au point de me charger de construire au polygone plusieurs ouvrages qui exigeaient de grands calculs et, pendant dix jours, matin et soir, à la tête de deux cents hommes, j'ai été occupé. Cette marque inouïe de faveur a un peu irrité contre moi les capitaines, qui prétendent que c'est leur faire tort que de charger un lieutenant d'une besogne si essentielle et que, lorsqu'il y a plus de trente travailleurs, il doit y avoir l'un d'eux. Mes camarades aussi montrent un peu de jalousie, mais tout cela se dissipe. Ce qui m'inquiète le plus c'est ma santé, qui ne me parait pas trop bonne.
J'étais sur le point de faire passer au libraire l'ouvrage dont je vous entretins ; mais le fâcheux contretemps de la disgrâce de M. l'archevêque de Sens, arrivée avant-hier, m'oblige à des changements considérables. Il est possible même que j'attende les Etats généraux.
Ecrivez à votre ami qui est à Pise : demandez-lui l'adresse, c'est-à-dire la rue où reste Paoli à Londres. Ne manquez pas à cette commission.
Le triste état de ma famille m'a affligé d'autant plus que je n'y vois pas de remède. Vous vous êtes abusé en espérant que je pourrais trouver ici de l'argent à emprunter. Auxonne est une très petite ville et j'y suis d'ailleurs depuis trop peu de temps pour pouvoir y avoir des connaissances sérieuses. Ainsi, du moment que vous n'espérez pas dans notre vigne, je n'y pense plus et il faut abandonner celte idée du voyage à Paris. Si nous avions été à Paris, vous auriez mal fait de mener avec vous Isoard. Il n'aurait pu que vous embarrasser. Je vous accuse d'exagération en me disant que la Sposata ne produira que 15 mezzins... Adieu, bien des choses à Isoard, donnez-moi communication des nouvelles que vous recevrez de la famille sur votre projet.
[8] Iung, I, 293.
[9] Fragment publié en 1838 par M. Blanqui.
[10] Coston, I, 130, donne des détails sur cette émeute et ajoute que Napoléon logea quelque temps chez M. Lambert, alors procureur, Grand'rue, n° 13, puis chez M. Philippot, aux Capucins. Il est contredit sur ces deux points par M. P. Noël, qui, dans la Monographie de la ville de Seurre, Dijon, 1887, 8° (p. 59 et 94), dit que Bonaparte logea dans la rue aux Oies, plus tard dite, à cause de ce séjour, rue Bonaparte, et actuellement dénommée rue Dulac. M. Noël raconte qu'une nouvelle émeute s'étant produite, le lieutenant Bonaparte fit charger ostensiblement les armes à sa troupe, puis, s'avançant vers le rassemblement, dit : Habitants de Seurre ! Que les honnêtes gens se retirent et rentrent chez eux. Je n'ai ordre de tirer que sur la canaille ! Nul Seurrois ne voulut mériter cette épithète et la foule se dispersa aussitôt. Coston abonde en anecdotes sur le séjour de Bonaparte à Seurre, les bals auxquels il assista chez M. Lombard, M. de Montot, M. Milot, les excursions qu'il fit avec Des Maris au Creuzot et à Montcenis, les amours qu'il eut avec Mme P... r, née N... s, femme du receveur du grenier à sel, et une fermière, Mme G... t.
J'ai dit ailleurs ce que j'avais trouvé dans une brochure intitulée : Le général Thiard, par J.-P. Abel Jeandet, Chalon-sur-Saône, 1869, in-8°, p. 13.
[11] Pichard, loc. cit., 34.
[12] Iung, I, 204.
[13] Coston, I, 139.
[14] On en trouvera plus loin la preuve, § 14. Les Mémoires de Malouet (I, 227) donnent bien des détails curieux sur l'arrivée de Raynal à Toulon et disent bien qu'il y resta trois ans l'hôte de Malouet, mais ne fournissent pas de date précise. C'est certainement 1787. Raynal était à Marseille depuis six mois au moment des élections aux Etats généraux (Malouet, I, 245), par conséquent Bonaparte aurait pu l'y voir en 88.