Napoléon dit, dans les Époques de ma vie, qu'il partit le 30 octobre 1784 pour l'École militaire de Paris. Ses biographes les plus autorisés[1] donnent une date différente : celle du 17 octobre. Or la lettre de service est en date du 22 octobre[2] ; il a fallu que, après avoir passé à la signature, elle fût expédiée, qu'elle parvint à Brienne, que les jeunes gens fissent leurs préparatifs, se missent en route, et arrivassent à Paris. Il semble donc bien que huit jours ne furent pas de trop et que la date du 30 doit être adoptée. Bonaparte eut pour compagnons de route MM. de Montarby de Dampierre, de Cominges, de Castres et Laugier de Bellecourt[3]. Ces jeunes gens, presque tous ses cadets — Montarby de Dampierre seul est son aîné de cinq jours, étant né le 10 août 1769. Les autres sont nés le 22 août 1770, le 10 avril 1771 et le 24 novembre 1770 — devaient prolonger bien après lui leur séjour à l'École. Un part en 1786, un autre en 87, le dernier en 88, nul d'entre eux ne semble avoir marqué. Cominges reparaît dans le banquet des anciens élèves de Brienne en l'an X, mais on peut croire qu'il a quitté l'armée. A son arrivée à Paris Napoléon n'a pu, comme le raconte Mme Junot[4], être rencontré bayant aux corneilles au Palais-Royal et être emmené dîner par M. Démétrius Comnène : les jeunes gens, les enfants, pourrait-on dire, car Bonaparte venait d'avoir quinze ans, qui sortaient de Brienne pour venir à l'École de Paris, étaient conduits de maison à maison par un minime qui ne les quittait point. Napoléon n'a pu davantage, comme le dit le même auteur, faire de fréquentes visites à M. Comnène ; les élèves de l'École militaire ne sortaient jamais, pas même pendant les vacances, et leurs parents même ne pouvaient les voir sans la permission par écrit du commandant de l'Hôtel. On est en droit de penser que malgré les variations qu'avait subies, depuis 1776, l'institution formée par le maréchal de Belle-Isle et par Paris Duverney, les règles générales qu'ils avaient tracées subsistaient encore sur tous les points où des délibérations et des ordonnances particulières ne les avaient point modifiées. Si l'on ne peut être aussi affirmatif qu'on le souhaiterait, c'est que jusqu'ici les documents font défaut[5]. Supprimée par ordonnance du 1er février 1776, l'École militaire que Louis XV avait créée par édit du 13 janvier 1751 avait été rétablie de fait par deux ordonnances des 17 juillet et 18 octobre 1777 sous le nom de corps des cadets gentilshommes. Elle était, ainsi que l'avait été l'ancienne école, établie dans le palais construit par Gabriel de 1751 à 1756 dans la plaine de Grenelle et qui demeure un des chefs-d'œuvre de l'architecture civile au siècle dernier[6]. On en connaît l'aspect général sur le Champ-de-Mars ; on a dans les yeux la ligne charmante, à la fois élégante et noble, svelte pourtant, de ce bâtiment élevé seulement d'un étage et d'un comble, et dominé par le haut dôme quadrangulaire, délicat et fin en sa structure, merveilleux en ses détails : l'avant-corps aux huit colonnes corinthiennes supportant un fronton décoré de jolies statues bien en leur place, puis, au-dessus, ce groupe en ronde-bosse où s'accroche l'horloge. Sur l'autre façade, l'aspect est plus flatteur encore : ces deux ailes basses qui avancent jusqu'à la belle grille dorée, ces deux pavillons sortant que surmonte un belvédère, ces colonnades à jour au premier étage ; au centre, ce pavillon orné d'un fronton, de colonnes et de statues, tout est d'une ordonnance parfaite, si caractéristique du temps où ce palais a été construit qu'on voudrait ne voir passer en ces cours que des personnages dessinés par Moreau le jeune ou gouachés par Baudouin. Et l'intérieur est aussi magnifique, aussi agréable à l'œil que l'est l'extérieur. Et les communs, écuries, manèges remises sont de même style. En ouvrant cet asile à la noblesse de son royaume Louis XV avait prétendu qu'il fût digne d'elle et de la royauté. Il a été bien servi. Sans doute on peut blâmer le luxe des grands appartements, la somptuosité des salons du gouverneur : mais n'est-ce point pour donner une idée plus haute du souverain qu'il représente ? On n'a pas encore imaginé en ce temps que pour former la jeunesse au métier des armes il fallût d'abord l'enfermer en des taudis et lui enlever en même temps que le sens du goût la vue de jolies lignes. Si la caserne a été jugée nécessaire, si l'internat est réputé obligatoire, au moins par tout ce qui fait la joie des yeux rend-on les murs moins sombres et la claustration moins sévère. Il est vrai que les règlements de vie sont à l'unisson des lieux. La nourriture est abondante et recherchée Les jours gras, à dîner, les élèves ont la soupe, le bouilli, deux entrées et deux assiettes de dessert ; à souper, un rôti, deux plats d'entremets, une salade et trois assiettes de dessert. Les jours maigres, le nombre des plats est encore augmenté : on donne au dîner, la soupe, deux plats de légumes, un plat de graines, un plat de poisson, un plat d'œufs et trois assiettes de dessert ; au souper, un potage au riz et le même nombre de plats qu'au dîner. A déjeuner et à goûter, jours gras et maigres, c'est du pain sec. A tous les repas, du vin coupé de moitié d'eau, et, pendant l'été on en porte dans les salles de façon que la consommation monte à une pinte de vin par jour par chaque élève. Sur le papier, cela est luxueux, mais, dans la réalité, la qualité, paraît-il, est médiocre. Vaublanc raconte une certaine histoire de saumon salé et rance et de haricots véreux qui n'est point pour donner une haute idée de la nourriture. Il dit que l'abondance est servie dans des vases dégoûtants par leur saleté et qu'il a fallu une révolte générale pour que les élèves obtinssent de l'eau pure servie dans des carafes propres[7]. Pourtant Napoléon paraît avoir été très frappé du luxe déployé à l'École militaire. On prétend que, d'indignation, il écrivit un mémoire à ce sujet et l'envoya au père Berton, sous-principal de Brienne, mais l'authenticité de ce mémoire est plus que douteuse[8]. Sans s'y arrêter, il suffit que Napoléon ait, en diverses occasions et particulièrement à Sainte-Hélène, exprimé une opinion analogue. A l'École militaire, a-t-il dit[9], nous étions nourris, servis, magnifiquement, traités en tout comme des officiers jouissant d'une grande aisance plus grande que celle de la plupart de nos familles, plus grande que celle dont la plupart de nous devions jouir un jour. Il est certain que, si la nourriture laissait à désirer pour la qualité[10], elle était, comme quantité, fort suffisante, et il est incontestable que l'École était établie, comme personnel, sur un pied dispendieux. En dehors de l'administration proprement dite, de l'état-major, de la chapelle, des officiers de santé, du corps des professeurs, des contrôleurs, et inspecteurs des bâtiments[11], il y avait un bureau du contrôle général avec deux commis, un bureau de la comptabilité avec deux commis, un bureau de secrétariat avec quatre commis[12], puis un contrôleur de la bouche, un concierge en chef, un garde magasin, un arquebusier et un dérouilleur au dépôt des armes ; quatre sœurs et sept domestiques à l'infirmerie ; un perruquier, une femme de charge, une ravaudeuse ; trois garçons pour les classes, un pour la salle d'armes, un pour la salle du conseil, un pour les prisons, deux pour les bureaux, un pour la bibliothèque, douze pour les dortoirs, trois pour la chapelle ; un garçon de magasin des fourrages, trois suisses et sept portiers ; sept hommes à la cuisine, six à l'office, un à la pourvoierie, onze pour le service commun, un pour les fontaines, trois pour les écuries, quinze pour le manège ; au total : cent onze employés ou domestiques. Encore fallait-il ajouter dix capitaines des portes et cent vingt invalides[13] aux ordres de deux capitaines. Mais, sauf sur ces deux points, nourriture et personnel, il ne semble pas que d'ailleurs le luxe fût immense. Les cadets étaient habillés deux fois l'an, au 1er mai et au 1er novembre, et leurs deux habits n'avaient rien que de fort ordinaire[14]. Le trousseau était strictement le nécessaire. Dans l'ancienne école, on changeait de linge trois fois la semaine et probablement l'usage s'en était maintenu, mais ce n'est pas encore là de la prodigalité. Les élèves, à la vérité, avaient chacun leur cellule[15], mais il en était de même à Brienne et dans toutes les Écoles militaires[16], et c'était bien plus par discipline que par raffinement. Il ne faudrait point oublier pourtant que en fondant l'École militaire, Louis XV avait prétendu donner des preuves sensibles de son estime et de sa protection au corps de la Noblesse, à cet ordre de citoyens que le zèle pour son service et la soumission à ses ordres ne distinguaient pas moins que la naissance[17]. Pour attirer et attacher davantage encore à son service les jeunes gentilshommes, pour leur donner le goût des exercices et leur faire oublier l'ancien préjugé qui a fait croire que la valeur seule faisait l'homme de guerre, fallait-il les traiter comme on eût fait de soldats ? C'était déjà une révolution singulière dans les mœurs et les habitudes que de faire passer par une école, de forcer à l'instruction, à la discipline, au casernement, des enfants qui jusque-là n'avaient eu qu'à paraître pour obtenir l'épaulette et auxquels leur naissance tenait lieu de mérite. Sans doute, pour remplir l'École, au début surtout, il avait fallu s'adresser aux gentilshommes pauvres, mais ceux-ci ne s'étaient-ils pas ruinés au service du Roi, et, en envoyant leurs fils au Roi pour les rendre aptes à se faire tuer plus utilement pour lui, ne devaient-ils point s'attendre que le Roi les recevrait un peu comme ses enfants, presque de même façon que ses pages, lesquels n'avaient guère à prouver plus de quartiers que les élèves de la nouvelle école ? Ne se proposait-on pas, en admettant près des élèves du
Roi des pensionnaires à 2.000 livres, d'attirer à l'École et d'instruire au
métier militaire, les fils des grands seigneurs à qui l'on ne pouvait refuser
les grâces et qui autrement seraient venus prendre le commandement de leurs
régiments sans connaître le moindre mot de leur état ? N'espérait-on pas un
bon résultat de cette éducation commune où le mérite seul était prisé et ne
devait-on pas penser que, portant le même uniforme que les élèves du Roi,
soumis à la même discipline, réduits aux mêmes aliments — puisque nul ne devait
recevoir d'argent de sa famille — les pensionnaires prendraient de l'estime
et de l'amitié pour leurs camarades pauvres, se souviendraient par la suite
de ce passage sur les mêmes bancs et qu'il en résulterait pour le corps
d'officiers une précieuse communauté d'origine ? Sans doute, il ne semble pas
que la fusion se fût faite tout d'abord : Napoléon lui-même en a porté
témoignage. Sans être grand de taille,
disait-il à Sainte-Hélène, je ne manquais pas d'être
assez fort. Je me rappelle qu'à l'École militaire, nous autres petits
nobles nous nous donnions des roufflées avec les fils de grands
seigneurs, et j'en sortais toujours vainqueur ; mais ce n'était rien
que cela : battants et battus ne s'en réconciliaient pas moins après et ne
gardaient pas moins bon souvenir les uns des autres ; il est de ces fils de
grands seigneurs à qui ces roufflées
reçues ont plus tard sauvé la vie[18]. Enfin, pour le Roi, chef de la Noblesse, ne s'agissait-il pas de former, en même temps que des officiers sachant le métier de la guerre, des hommes du monde capables de paraître à la Cour et de soutenir le renom de cette éducation qui était alors une des qualités distinctives des gentilshommes français ? Aussi, en même temps que Louis XV plaçait les jeunes gens en un cadre à la fois grandiose et charmant, en même temps qu'il établissait les services intérieurs avec une largesse digne d'une maison royale, il prenait soin que dans les règlements, de tous genres composés avec un soin infini, à l'usage des officiers, des professeurs, des inspecteurs et des élèves, la question d'éducation fût mise au moins sur le même rang que la question d'instruction. Il voulait que les élèves apprissent ces formules dont l'usage seul distingue les gens de bonne maison et les fait reconnaître, qu'ils sussent tourner une lettre[19], qu'ils eussent dans la conversation des manières élégantes et nobles, ce ton de politesse si rare et si difficile à acquérir dans toute éducation publique ; enfin, qu'ils fussent d'abord des gentilshommes agréables en même temps qu'ils deviendraient des officiers instruits. Officier et gentilhomme, en ce temps, c'est même chose. On n'est point l'un sans être l'autre et, de même que quiconque est gentilhomme a un droit naturel à commander les gens de guerre et à servir le Roi dans ses armées, quiconque est officier a dû d'abord faire ses preuves de noblesse ou, par cent actions d'éclat, acheter le privilège, réservé à la Noblesse de se tenir en tête des soldats du Roi. Ce qui choquait Napoléon ne pouvait choquer ses camarades, et ne choquait point le public. En France, depuis huit siècles au moins, on était accoutumé à ce rôle que jouait la Noblesse et l'on savait que s'il avait son brillant, il n'était point sans entraîner des obligations qui eussent semblé fort lourdes aux bourgeois. Pour s'étonner, il fallait venir de Corse, de ce pays d'égalité démocratique, où tout homme était soldat pour son compte, où les nobles avaient si peu de privilèges et de devoirs qu'ils avaient la plupart mis en oubli leur noblesse même ; il fallait venir de ce pays qui n'avait jamais accepté une domination étrangère, jamais reconnu de roi, jamais contracté ces liens qui unissaient si étroitement en France la nation au souverain, les vassaux au suzerain, le corps de la Noblesse à son chef militaire. Aucune de ces idées n'est dans l'esprit de Napoléon, ne peut y être. En lui, la Révolution est accomplie avant que, dans les faits, elle soit commencée ; car, que se proposera la Révolution ? Faire table rase des institutions monarchiques. Or, pour Napoléon, ces institutions n'existent pas : de naissance, il ne peut en avoir ni la superstition comme certains, ni le respect comme beaucoup, ni même la compréhension comme l'ont tous les anciens Français. L'École militaire est une institution monarchique, une institution destinée à maintenir la monarchie telle qu'elle existe, pour et par le Roi, pour et par la Noblesse, non pas à faire des officiers de troupe ou d'état-major, à produire des généraux ; ce n'est là qu'un accessoire. Et c'est pour cela que les critiques de Napoléon tombent à faux ; c'est pour cela que les écoles militaires qu'il a créées ne sauraient en rien être comparées à l'École militaire créée par Louis XV : parce que les unes devaient, d'abord et uniquement, former des soldats et que l'autre devait d'abord polir des gentilshommes. Si l'on admet cette idée, on comprend fort bien, et le luxe intérieur de l'école, et son personnel domestique fort nombreux, et le brillant état-major qui y est attaché. Cet état-major avait pour chef suprême, pour surintendant, le ministre de la Guerre, qui venait parfois s'assurer de l'observation des règlements : au-dessous, venaient un gouverneur de l'hôtel, inspecteur des écoles militaires, un sous-inspecteur général, un directeur général des études, un aide-major[20], quatre sous-aides-majors[21], un contrôleur général[22], un commissaire des guerres[23], un secrétaire garde des Archives[24] et un trésorier général[25]. De plus un commissaire du Roi pour vérifier la noblesse des élèves[26], un médecin[27], un chirurgien-major, deux chirurgiens, un apothicaire et des chirurgiens spécialistes. Le gouverneur de l'hôtel, inspecteur général des Écoles, était un officier général que rien, hormis peut-être ses alliances, ne désignait pour un tel poste. Certes, le marquis de Timbrune-Valence avait bien servi et s'était trouvé à des actions de guerre ; capitaine en 1743, il avait été blessé à Dettingen ; colonel de Vermandois en 1749, il avait assisté à l'assaut de Mahon. Mais, c'était tout : ses autres grades : brigadier, et maréchal de camp, il les avait franchis à l'intérieur. C'était comme maréchal de camp que le 9 décembre 1773, il avait été nommé inspecteur général des Écoles militaires. Cela lui servit à être commandeur de Saint-Louis le 2 décembre 1778, lieutenant général le 5 décembre 1781, grand-croix de Saint-Louis le 25 août 1785[28], sans compter la commanderie de Saint-Lazare qu'il avait eue comme de droit. En 1788, lorsque Louis XVI supprima l'école, Timbrune conserva son traitement de 26.000 livres, eut 12.000 livres de pension et le gouvernement de Montpellier. Il sortit de France antérieurement au 11 octobre 1792[29] et semble être mort en émigration. Son second, le sous-inspecteur des écoles qui avait remplacé le chevalier de Kéralio retiré le 16 mai 1783 par suite des fatigues que lui causaient les inspections[30], était un brillant officier de cavalerie, le chevalier Marc-Antoine-Sérapion de Reynaud de Monts, qui, ayant débuté comme cornette aux carabiniers en 1757, était, depuis 1767, mestre de camp en second du régiment des dragons de Penthièvre. En sa qualité de sous-inspecteur, il fut nommé brigadier de dragons en 1784 et maréchal de camp en 1788 ; il n'émigra point, mais ne paraît pas avoir survécu à la Révolution. Le directeur des études est un personnage plus intéressant. Fils de ses couvres, entré au service en 1753 comme grenadier dans Aunis, capitaine en 1771, lieutenant-colonel des grenadiers royaux de l'Orléanais, inspecteur des études à l'École militaire le 1er juin 1783, puis directeur des études le 28 décembre de la même année à la mort du baron de Moyria, capitaine de la compagnie des Cadets-gentilshommes, Louis Silvestre, dit Valfort, était un rare exemple d'officier supérieur sorti du rang et il était plus singulier encore de le trouver à l'École militaire dont il était la cheville ouvrière. La dignité de M. de Timbrune ne lui permettait point d'entrer dans les détails ; le sous-inspecteur était absorbé par ses voyages à travers la France. Restait donc le directeur des études sur qui retombait tout le poids des affaires. Seul, il connaissait les élèves, suivait leurs travaux, était en état d'apprécier leur valeur. Or, on a retenu le témoignage que Valfort, promu maréchal de camp le 1er mars 1781 et retraité avec pension le 19 juin 1793, a rendu de Napoléon. Ce Valfort, dit Philippe de Ségur[31], avait été placé dans cette école par mon grand-père, et je me rappelle les transports de ce vieux guerrier lorsque, en 1796, les papiers publics nous apportaient la nouvelle des prodiges accomplis chaque jour par son élève. Dans son admiration, avec quelle complaisance il nous entretenait de l'étonnement dont, il y avait alors douze ans, le génie de Bonaparte lui avait laissé l'empreinte. Empressons-nous d'ajouter que six ans plus tard, Bonaparte, devenu Premier Consul, ayant rencontré et reconnu dans les Champs-Élysées, ce noble vieillard se plut à répandre sur ses dernières années les bienfaits d'une juste reconnaissance. Le corps des professeurs était composé : pour les études mathématiques, de MM. Dez[32], Grou, Le Paute d'Agelet[33], Verkaven[34] et Monge[35] ; pour l'histoire et la géographie, de MM. Huguin, de l'Esguille et Tartas. De l'Esguille se vantait à Las Cases[36] que si l'on voulait aller rechercher dans les archives de l'Ecole militaire, on y trouverait qu'il avait prédit une grande carrière à son élève en exaltant dans ses notes la profondeur de ses réflexions et la sagesse de son jugement. Cette note portait : Corse de nation et de caractère ; il ira loin si les circonstances le favorisent. Philippe de Ségur atteste personnellement que l'Esguille lui a fait les mêmes déclarations[37]. La grammaire française était enseignée par MM. Domairon et Collandière. Domairon était un méridional, né à Béziers, le 25 août 1745, qui, après avoir été quelque temps Jésuite[38], avait, à l'abolition de la compagnie, trouvé une place de précepteur à Montauban. En 1775, il était venu à Paris, où il avait collaboré au journal des Beaux-Arts et publié, en 1777, le Libertin devenu vertueux ou Mémoires du comte d'Aubigny. Il avait entrepris en même temps de grandes collections géographiques telles que le Recueil historique de faits mémorables pour servir à l'histoire de la marine et à celle des découvertes et la continuation du Voyageur français dont les tomes XXV à XLII sont de lui. Nommé, en 1778, professeur à l'École militaire, il y rédigea un certain nombre de traités pédagogiques et conserva sa place jusqu'à la dissolution de l'Ecole. Domairon frappé de la bizarrerie des amplifications de Napoléon disait de son style que c'était du granit chauffé au volcan [39]. A la Révolution, il disparut si complètement que, lorsque le Premier Consul, organisant l'instruction publique, voulut réserver à son ancien maître la quatrième place d'inspecteur général des études, ce fut en vain que le ministre de l'Intérieur s'enquit de lui près de tous ceux qui l'avaient connu[40]. Enfin, dans le voyage de Normandie, à Dieppe, au milieu des présentations officielles, le nom de Domairon, principal du collège, frappe les oreilles de Chaptal. Il s'enquiert, interroge : c'est bien son homme. Il le conduit à Bonaparte qui dit à Domairon de traiter de son institution, lui fait payer les 8.000 francs échus de son traitement et le fait installer comme inspecteur général des études, suppléant de M. Chénier. Domairon jouit de sa place jusqu'à sa mort arrivée le 16 janvier 1807. L'enseignement que devaient donner les professeurs d'histoire et de littérature était si étendu qu'il semble bien que, en deux heures ou même en quatre heures par jour durant une année, on n'en pouvait effleurer qu'une très minime partie, en admettant même que dans les collèges on eût débrouillé tous les éléments. Le Cours d'études ad usum nobilis juventutis regio sumptu institutæ que débitait avec privilège Nyon via Sancti Joannis Bellovacensis ne comprenait pas moins de quarante-neuf volumes, quatre atlas et un vocabulaire latin-français, et coûtait 131 livres 10 sous. Il y avait quantité de poètes et prosateurs latins, six morceaux d'auteurs grecs, huit volumes d'histoire, et quelle histoire ! puis, des mathématiques un peu, une sorte de philosophie scolastique, specimen methodi scolasticæ. C'était l'abbé Millot qui avait rédigé le cours d'histoire, Bouchaud la morale, Goullin l'histoire naturelle, Monchablon les extraits d'auteurs latins et l'abbé Batteux avait revu le tout. Sur les matières d'enseignement classique, grec et latin, ces gens, étant des cuistres, savaient leur métier ; mais, dès qu'ils en sortaient, qu'ils touchaient à l'histoire ou aux sciences naturelles, ils semblaient exhumer, d'un passé déjà très lointain, toutes les erreurs et les sottises des vieilles écoles, toutes les fausses théories où une religion étroite a mis son empreinte. Ils négligeaient les éléments, pensaient à une logique et à une grammaire générale et ne s'occupaient point d'enseigner l'orthographe. Napoléon, on le verra par la suite, refit son éducation tout entière pour l'histoire ancienne et moderne, la géographie, les sciences naturelles, mais il ne put se remettre au rudiment, déshabituer sa plume de fautes d'orthographe que ses instituteurs n'avaient point corrigées ; il ne put lire en leur langue les auteurs latins, il n'eut point, autrement qu'en des traductions, — et c'était le temps des infidèles, laides ou belles — la sensation de l'antiquité. Si ardemment qu'il s'y employât, il ne suppléa point aux humanités, il lui manqua ce fonds commun sur qui vivent la plupart des hommes qui ont fait des études et qui ne sont point indignes de ce frottement aux esprits immortels des vieux temps. On peut dire — parce qu'il fut un être d'exception — que cela fut heureux pour lui. Il dédaigna de jeter sa phrase dans les moules usuels : Il la brisa, la tordit, exprima des mots tout ce qu'ils contiennent de pensée. Il ne recula devant nulle image, et sut se passer d'avoir du goût parce qu'il avait du génie. Il courut au fait, le précisant, l'accentuant, le détaillant de façon à l'enfoncer dans tous les esprits. Il eut mieux que César, l'imperatoria brevitas, le martèlement des phrases claires, incisives et puissantes. Mais ce style qui n'est qu'à lui, ne doit rien à l'école. Si Domairon a écrit, dès 1785, la note qu'on lui prête, en vérité, ce jour-là, il a été prophète. Pour les langues étrangères vivantes, il ne semble point qu'elles fussent négligées : on ne comptait pas moins de trois professeurs pour l'allemand : MM. Hamman, Baur et Matterer et un pour l'anglais, M. Roberts. Napoléon ne paraît point avoir eu de dispositions pour ce genre d'études. On sait l'anecdote de Baur, le professeur d'allemand : Un jour que Bonaparte ne se trouvait pas à sa place en classe, Baur demanda où il était et on lui répondit qu'il subissait en ce moment son examen pour l'artillerie. Mais, fit-il, est-ce qu'il fait quelque chose ? — Comment monsieur, lui répliqua un élève, mais c'est le plus fort mathématicien de l'école. — Eh bien ! reprit Baur, je l'ai toujours entendu dire et je l'avais toujours pensé, que les mathématiques n'allaient qu'aux bêtes. A vrai dire, Napoléon n'avait guère profité des leçons de Baur ; il semble qu'il a toute sa vie et malgré ses séjours prolongés en Allemagne, ignoré la langue allemande. Il eut grand' peine au temps de sa captivité à apprendre quelques mots d'anglais ; il eut toujours besoin d'un traducteur pour l'espagnol et il parlait incorrectement l'italien même. Cette inaptitude de Napoléon pour les langues est à remarquer et il conviendrait d'examiner si elle ne s'est point rencontrée pareille chez la plupart des Héros. En tout cas, il est certain que si l'on a un triple vocabulaire pour exprimer la même idée, chacun des vocabulaires en soi est moins riche d'un tiers ; et comme les pensées sont corrélatives aux signes qui les précisent, celui qui connaît trois langues doit, à culture et à intelligence égale, penser trois fois moins que celui qui n'en sait qu'une seule. Les fortifications étaient enseignées par trois professeurs : MM. Rousseau, Fleuret et Marteau ; le dessin, par MM. Halm, Dubois de Sainte-Marie, et Laroche ; l'écriture par un sieur Daniel, qui n'avait pour ses leçons que quelques heures des après-midi des jours de congé. Enfin, le bibliothécaire de l'école était un sieur Arcambal[41]. La direction du manège était confiée à un grand maître en l'art de l'équitation ; M. Dauvergne, au dire de tous ses disciples, car il a fait école[42], était un homme du plus grand mérite sous tous les rapports. Il savait se faire aimer et respecter des élèves et toutes ses paroles étaient pour eux autant d'oracles. C'est qu'il ne se contentait pas d'être le théoricien et le démonstrateur le plus instruit et le plus disert, il était d'abord un praticien et nul ne s'entendait comme lui à dompter un cheval, à mener une course, à faire quelqu'un de ces exploits de cavalier accompli, qui prouvaient, dès ce temps, aux Anglais et aux anglomanes l'incontestable supériorité de la méthode française. On sait l'étonnante course au Champ de Mars où Dauvergne, montant un cheval barbe du manège de l'École, bat comme il veut un cheval persan appartenant au prince de Nassau et mené par un jockey anglais. Cela passionna Paris. Mais il faut en croire M. de Bois d'Effre lorsqu'il dit : Tous ceux de ses élèves qu'il a pu instruire seulement trois années ont eu du talent et s'ils ne l'ont pas conservé, c'est qu'ils ne l'ont pas pratiqué. Napoléon eut au plus un cours d'une année et n'eut plus d'occasion, sans doute, au régiment, de se perfectionner dans l'équitation. Au-dessous de Dauvergne se trouvaient deux sous-chefs, MM. de Vivefoy et de Bongars[43] et un maître de voltige nommé Scioly. Le personnel domestique comprenant quatorze palefreniers sous les ordres d'un maître palefrenier. Les chevaux étaient au nombre de quarante[44], presque tous de race normande ou espagnole, coûtant de 500 à 600 livres. A la salle d'armes présidaient les Etienne : Etienne l'aîné, maître d'armes, Etienne jeune et Etienne neveu prévôts ; c'étaient des hommes en grande réputation et gardant soigneusement les traditions et les préceptes de l'école française. Avec eux, point de masque. Tous les élèves tiraient à visage découvert et pourtant on n'avait point connaissance d'un seul accident : Cela venait, a dit M. de Vaublanc[45], des bons principes de nos maîtres qui nous accoutumaient à faire très peu de mouvements et à n'agir presque que du poignet, en tenant toujours la pointe au corps. On n'a nulle indication sur la façon dont tirait Napoléon. La danse enfin était montrée par deux maîtres, les sieurs Lafeuillade et Duchesne. Napoléon prit, dit-on, encore des leçons à Valence. Cela ne fit point de lui un danseur. A l'École militaire, on n'attachait pas moins d'importance aux devoirs religieux qu'à l'éducation sociale et on prétendait rendre ces gentilshommes des catholiques fervents. L'archevêque de Paris avait fait de leurs devoirs l'objet d'instructions particulières, que le Roi avait revêtues de son approbation. Chaque jour, après le lever, à six heures du matin, prière et messe à la chapelle, prière avant et après le repas, prière à la chapelle à huit heures trois quarts, avant le coucher. Les jours de congé, catéchisme pour les élèves nouvellement entrés dans l'Ecole ; les dimanches, catéchisme pour tous les élèves, grand'messe et vêpres. Tous les samedis, confessions ; tous les deux mois, communion. Les cérémonies du carême, celles surtout de la Semaine sainte, étaient extrêmement multipliées et les obligations du maigre sévèrement prescrites. Monseigneur de Beaumont, en terminant ses instructions, enjoignait aux directeurs de rappeler souvent aux élèves d'avoir un grand zèle pour bien servir le Roi, non précisément pour faire leur fortune, mais pour remplir une obligation que la loi naturelle et divine leur imposait. On affirme que ce fut là l'occasion de la première querelle de Bonaparte avec l'Église et qu'un confesseur maladroit voulut trop insister sur l'oubli dans lequel il devait tenir sa patrie et la reconnaissance à laquelle il était obligé vis-à-vis du Roi. Le personnel très nombreux comprenait deux directeurs du spirituel : les abbés Genet et Bourdon, puis un chapelain, un sacristain, deux diacres, deux chantres, un serpent et quatre enfants de chœur, sans compter M. le curé Gros-caillou qui figurait sur les états, l'École étant de sa paroisse pour les baptêmes et mariages seulement. Cela ne regardait point les Cadets gentilshommes. Ce qui les regardait, c'était l'article du règlement qui obligeait les élèves nouvellement arrivés et qui n'avaient pas reçu le sacrement de confirmation à le recevoir dans la première ou la seconde année de leur séjour. Dans l'année de son séjour à l'École, Bonaparte conformément au règlement fut confirmé par l'archevêque de Paris. Au nom de Napoléon, Monseigneur de Juigné témoigna son étonnement, disant qu'il ne connaissait pas ce saint, qu'il n'était pas dans le calendrier. L'enfant répondit avec vivacité que ce ne saurait être une raison, puisqu'il y avait une foule de saints et seulement trois cent soixante-cinq jours dans l'année[46]. On peut penser que le souvenir que Napoléon avait conservé de Monseigneur de Juigné ne fut pas étranger à l'offre que, au moment du Concordat, il lui fit faire du siège de Lyon. Le prélat qui était demeuré attaché aux Bourbons, refusa et resta en émigration jusqu'en 1803[47]. Il se détermina seulement alors à rentrer en France et fut, presque aussitôt[48], nommé membre du chapitre épiscopal de Saint-Denis. Il n'avait point sollicité cette place et voulut se défendre de l'accepter. Il demanda une audience de l'Empereur et lui représenta que son âge et ses infirmités ne lui permettaient ni d'assister au chœur, ni de remplir aucune fonction. Napoléon lui répondit : Je vous dispense de tout ; si je vous donne ces quinze mille livres de rente, c'est pour honorer le chapitre et reconnaître vos vertus[49]. Donc, des cours multipliés, une surveillance continue, militaire et religieuse à la fois, tel était le fonds de la vie[50]. On allait au manège en manquant certaines classes alternativement ; on ne faisait l'exercice que les jours de congé : néanmoins pour justifier le nom d'Ecole militaire et pour suivre les traditions, la compagnie des Cadets-gentilshommes, en dehors du cadre d'officiers chargés du commandement et de la surveillance générale, avait reçu, par le règlement du 19 mai 1784, un cadre fourni par les cadets eux-mêmes. Un cadet commandait en chef, distingué par trois galons d'argent sur chaque manche, deux sur le parement et le troisième sur l'avant-bras, cousus tous les trois parallèlement. Quatre cadets reconnaissables à un galon cousu sur l'avant-bras (droit et gauche) commandaient les quatre divisions, lesquelles étaient à leur tour partagées en pelotons, chacun sous les ordres d'un aide-peloton, portant un galon sur l'avant-bras droit seulement. Ces gradés devaient concourir à maintenir le bon ordre et la discipline et pouvaient infliger à leurs camarades des punitions dont ils avaient à rendre compte. Cette organisation avait-elle eu pour effet de supprimer les distinctions à peu près analogues réglementées en 1765 ? Alors, le premier grade était celui de sergent-major[51], puis ceux de capitaine, lieutenant, sergent, caporal et anspessade ; mais, en dehors des grades, pour exciter l'émulation des élèves, des classes étaient établies parmi eux, selon leur mérite et leur conduite, et ces classes étaient reconnaissables à des signes extérieurs. La première, dans laquelle le conseil de l'École devait obligatoirement choisir les gradés, se distinguait par une épaulette d'argent sur l'épaule droite. Les élèves de la deuxième portaient les épaulettes ponceau et argent ; ceux de la troisième les épaulettes rouges ; ceux de la quatrième les épaulettes de bure. On montait ou descendait tous les trois mois, à la suite d'un examen. Durant les premiers six mois qu'ils passaient à l'École, les élèves n'avaient point d'épaulettes : au bout de six mois on leur donnait celles qu'ils avaient méritées par leur conduite et leur application, même, si le conseil le jugeait à propos, l'épaulette d'argent. Ce règlement était-il encore en vigueur en 1785, certaines anecdotes, à la vérité peu faciles à contrôler et légèrement suspectes, semblent l'indiquer. Napoléon ne paraît point avoir eu de part aux grades de la compagnie. Il y resta sans doute trop peu de temps. De même ne doit-on pas s'étonner qu'il n'ait point obtenu une récompense fort enviée et qui suivait les élèves les plus distingués durant toute leur carrière. Le règlement du 21 janvier 1779 accordait la croix de Notre-Dame du Mont-Carmel à trois cadets gentilshommes sur une liste de six comptant dans les rangs de la compagnie ; une pension annuelle de 100 livres était attachée à la croix. Les trois cadets qui l'obtinrent dans la promotion de 1785 furent Picot de Peccaduc qui avait passé quatre ans à l'Ecole[52], Nepveu de Belleville[53], qui avait fini sa troisième année, et Le Picard de Phélipeaux[54], qui avait ses quatre ans. Il était déjà assez surprenant que, à la suite d'une seule année de séjour, Napoléon eût pu soutenir des examens que ses aînés ne préparaient qu'en trois ou quatre. Il a été publié une liste des jeunes gens qui se sont trouvés à l'Ecole Militaire en même temps que Napoléon[55]. Cette liste ne comprend que 135 noms, quoique, du 22 octobre 1784 au 28 octobre 1785, il ait passé à l'École 215 élèves. On ne saurait penser à établir quelle fut la destinée de ces 215 jeunes gens, mais d'une lecture attentive de la liste, on peut tirer certaines conclusions : 132 élèves venaient des écoles de province et obtinrent presque tous leur brevet d'officier[56] : 83 étaient pensionnaires à 2.000 francs : or, sur ces 83 pensionnaires qui, presque tous, appartenaient à des familles illustres, riches et considérables, 15 obtinrent le brevet d'officier[57], tous les autres (sauf 14 sur lesquels il y a doute) furent rendus à leurs familles. Ces chiffres démontrent d'une façon certaine qu'à l'École, il y avait deux catégories de jeunes gens : les élèves du Roi qui travaillaient, les pensionnaires qui ne travaillaient pas. Parmi les élèves du Roi, Napoléon dut naturellement être plus lié avec ceux qui, comme lui, se préparaient à l'artillerie : ils n'étaient point nombreux, vingt-quatre en tout, fournis par cinq promotions, puisque certains étaient à l'École depuis 1781[58]. Entre eux, il eut un ami, des Mazis ; un ennemi, Le Picard de Phélippeaux. Alexandre des Mazis était entré à l'École de Paris, au sortir de celle de Rebais, le 13 octobre 1783 ; il fut désigné, à l'arrivée de Napoléon, pour être son instructeur d'infanterie. Il s'acquitta avec tant de douceur de cette mission qu'il gagna l'affection de son pupille, et lorsque Napoléon se donnait, c'était pour toujours. Leur vie à l'École fut aussi commune qu'elle pouvait l'être ; ils sortirent dans la même promotion, furent classés dans la même régiment et seule l'émigration les sépara. Alexandre des Mazis suivit la fortune de son frère aîné, capitaine à son régiment, de préférence à celle de son ami. Il guerroya en Allemagne, puis en Belgique, avec divers corps d'émigrés, passa en Portugal où l'on réclamait des officiers d'artillerie et où il obtint le grade de major. Las de voyages et d'aventures, dès que son ancien camarade, devenu Premier Consul, eut rouvert la France aux émigrés, il se hâta de faire sa soumission. Arrivé à Paris, il demanda de l'emploi : Bonaparte lui proposa de rentrer dans l'armée. Il refusa. La place d'administrateur du mobilier national, puis impérial, lui convint : elle le fit officier civil de la Maison, et plus tard l'Empereur l'approcha plus encore de sa personne en lui conférant la clef de chambellan. M. Alexandre des Mazis conserva sa place au retour des Bourbons et obtint d'eux, pour ses services militaires, la croix de Saint-Louis. Quant à Phélippeaux, on ne sait d'où venait la haine réciproque que Bonaparte et lui éprouvaient l'un contre l'autre. M. Picot de Peccaduc, qui était leur sergent-major, a raconté qu'il avait tenté, en se plaçant entre eux, d'arrêter, du moins pendant les heures d'étude, les effets de l'inimitié à laquelle ils ne cessaient de se livrer, mais qu'il avait dû y renoncer parce qu'il interceptait les coups de pied qu'ils s'adressaient sous la table et que ses jambes en étaient toutes noires. Le Picard de Phélippeaux était un Poitevin, fils d'un officier au régiment de Fleury, mort jeune. Il avait deux ans d'âge[59] de plus que Bonaparte et était son grand ancien à l'École où il était entré le 29 septembre 1781. Il n'a donc pu que difficilement exister entre eux une rivalité pour les études, pour les grades, pour la croix de Saint-Lazare ; ce sont là des explications qu'on a inventées depuis mais qui ne tiennent pas à l'examen : ils se détestaient, voilà le fait. On peut penser que la Corse et sa conquête y étaient pour quelque chose et que le choc a pu venir de la politique, entre le républicain, le Corse, le rêveur d'indépendance qu'était alors Bonaparte et le royaliste, le Vendéen, le monarchien que se montra toute sa vie Phélippeaux. Ils sortirent dans la même promotion : Phélippeaux, malgré ses quatre années d'école n'ayant gagné qu'un rang sur Bonaparte. Il fut classé au régiment de Besançon et, en juillet 1789, étant de l'armée appelée sous Paris pour le coup d'Etat de la Cour, ses pièces en batterie à la place Louis XV, il attendait en vain l'ordre de mitrailler et, ne le recevant pas, frémissait de rage. Naturellement, il émigra, fut de l'armée des Princes d'abord, puis de l'armée de Condé. En 1795 il est désigné, en même temps que MM. Duprat et Beaumanoir de l'Angle, pour servir sous M. le Veneur lequel commandait en Berry, Touraine, Orléanais et Blaisois : il procède d'abord par de ces attaques isolées contre la gendarmerie qui semblent plutôt du brigandage que de la guerre, parvient à grouper une bande avec laquelle il s'empare de Sancerre, mais, les forces envoyées contre lui ne lui permettant point de continuer la résistance, il disperse ses hommes et, avec une audace incroyable, s'établit à Orléans. Il y est arrêté le 12 juin 1796, et, au moment où on le conduit à Bourges pour le juger, il s'évade ; il reste en France jusqu'après le 18 fructidor et rejoint alors l'armée de Condé. Elle part en Russie : Phélippeaux ne veut pas l'y suivre et retourne à Paris. Là, il invente et mène à bien de faire évader du Temple Sidney Smith, le marin anglais le plus redoutable pour son audace, l'artisan de tous les complots contre la Révolution. Sidney Smith est gardé à vue. Phélippeaux revêtu d'un uniforme d'officier de la place, muni d'un ordre contrefait, se le fait délivrer par le concierge et le mène en Angleterre. A Londres, la populace les acclame et le ministère donne au Français le grade de colonel. Quand Sidney Smith reprend sa croisière dans la Méditerranée, son ami l'accompagne et participe à tous ses combats. C'est le moment où Bonaparte marche sur Saint-Jean-d'Acre Phélippeaux se jette dans la place, improvise un armement avec les canons que l'on vient de prendre à la flottille française, relève de nouvelles fortifications à mesure que les premières sont forcées, tient tête lui seul — car seul il a un cerveau — à cette armée des Pyramides, du Mont Thabor, de Jaffa, de Nazareth, l'armée que commande Bonaparte ; repousse douze assauts, tue des Français par milliers et, devant cette bicoque, arrête la fortune de Napoléon. Les Français lèvent le siège et se mettent en retraite. Phélippeaux va les poursuivre, achever son triomphe, peut-être détruire cette armée qui traîne la peste avec elle ; mais l'effort auquel il a été obligé pendant le siège l'a épuisé. En deux jours il succombe. Sans cette mort, peut-être, de l'armée de Syrie, ne serait-il pas rentré un Français au Caire. L'antagonisme de Bonaparte et de Phélippeaux est à coup sûr un des plus étranges spectacles que fournisse l'histoire, mais, parmi ses condisciples, Napoléon a rencontré un autre adversaire qui a peut-être eu sur sa destinée une influence presque égale à celle de Phélippeaux. On a vu que, en son temps, le sergent-major de l'École était Picot de Peccaduc. Ce Picot de Peccaduc, né le 13 février 1767, fils d'un conseiller au Parlement de Bretagne, avait fait ses études à Tiron et en était venu le 4 juin 1781 à l'École militaire. Il en sortit officier d'artillerie de la même promotion que Napoléon avec le numéro 39, et fut classé dans le régiment de Metz. Il émigra en 1791 et, après avoir fait toutes les campagnes avec l'armée de Condé, passa en 1799 au service d'Autriche. Il y obtint un avancement rapide et, en 1811, pour marquer mieux son changement de nationalité, obtint de substituer à son nom celui de Herzogenberg auquel fut attaché plus tard un titre de baron. Général en 1814, le baron de Herzogenberg eut, semble-t-il, une influence prépondérante sur les plans de Schwartzemberg. Il commande à Chatillon pendant le Congrès et, lorsque les alliés occupent Paris, il en est commandant au nom de l'empereur d'Autriche. Il parvient ensuite à la dignité de Feld-maréchal-lieutenant, est directeur de l'Académie I. R. des Ingénieurs et Custos de l'Académie Thérésienne. Il meurt le 15 février 1834 après avoir été marié d'abord à une comtesse Obromoncz-Sedinitzky et ensuite à une comtesse de Grotzen. Il n'est point surprenant qu'on ne retrouve dans l'histoire de Napoléon qu'un très petit nombre des élèves de l'École militaire. La plupart émigrèrent[60] ; sur huit élèves nommés dans l'artillerie en 1785, il est le seul qui n'émigre point. Emigré : Roquefeuil[61] (n° 18), émigré Lelieur-de-Ville-sur-Arce[62] (n° 27) ; émigré, Raimond de la Nougarède[63] (n° 34) ; émigrés Picot de Peccaduc (n° 39), Le Picard de Phelippeaux (n° 41), Ferdinand de Broglie[64] (n° 45), et des Mazis (n° 56). Seul, Bonaparte reste au service. Dans la cavalerie et l'infanterie la proportion est peut-être plus grande encore. De tous les jeunes gens que Napoléon aurait pu connaître à l'École, un seul a été son lieutenant, presque son émule de gloire : c'est Davout ; mais il n'y est entré que le 27 septembre 1785 et Napoléon, qui est sorti le 28 octobre, a pu à peine le rencontrer[65]. Les anecdotes abondent sur le séjour de Napoléon à l'École militaire. Il en est une que l'Empereur, à Sainte-Hélène, a lui-même démentie[66], où on le montre tentant d'escalader, l'épée en main, la nacelle d'un ballon que le physicien Charles élevait devant les élèves de l'École Militaire et, sur le refus de l'aéronaute de l'emmener, perçant l'aérostat avec son épée[67]. Les autres historiettes qu'on a le plus souvent répétées n'ont pas plus d'authenticité. La mort de son père vint attrister pour Napoléon les premiers mois de l'année 1785. On a vu que Charles Bonaparte était déjà fort malade l'année précédente lorsqu'il avait amené à Saint-Cyr sa fille Marianna (Elisa) et que l'obligation d'aller aux eaux avait motivé son brusque départ et l'avait empêché de repasser par Brienne. Il avait consulté à Paris M. de la Sonde, médecin de la Reine, qui lui avait ordonné une cure de poires dont il s'était bien trouvé[68], mais une aggravation de son état le détermina, vers le mois de novembre 1784, à revenir en France où il se fit accompagner par son fils Joseph[69]. Jetés par la tempête sur les côtes de Calvi, ils eurent grand' peine à atteindre cette ville ; se rembarquèrent, subirent de nouveau un terrible coup de vent, abordèrent enfin en Provence, passèrent à Aix, où Charles consulta le Professeur Turnatori, et vinrent s'échouer à Montpellier où le patient espérait trouver des secours décisifs. Vainement consulta-t-il les médecins les plus en vogue ; de la Mure, Sabatier, Barthès[70]. La maladie ne pouvait que suivre son cours. Ne recevant de la science nul soulagement, Charles se tourna vers Dieu. Jusque-là, il n'avait été rien moins que dévot ; il s'était même permis quelques poésies antireligieuses, et à présent il ne se trouvait pas assez de prêtres pour lui à Montpellier[71]. Il avait pour confesseur l'abbé Pradier, ancien aumônier
du régiment de Vermandois qui entretenait semble-t-il, des relations intimes
avec lui. Dès son arrivée à Montpellier, il désira recevoir la communion qui
lui fut apportée par l'abbé Coustou, alors vicaire à l'église Saint-Denis.
L'abbé Coustou le trouva si faible que dès le lendemain il revint le voir.
Charles souffrait moins ; il put causer avec l'abbé dont l'instruction
variée, les paroles affectueuses, les manières polies et même distinguées le
séduisirent au point qu'il le pria de lui faire le plus souvent possible
l'aumône de ses visites. Il menait en effet une vie fort retirée avec son
jeune fils et son jeune beau-frère Fesch, lequel, du séminaire d'Aix où il
terminait ses études, s'était empressé de se rendre à Montpellier. Il ne voyait guère, en dehors des médecins, qu'un M.
Bimar, entrepreneur de messageries, et quelques membres de la famille Durand
à qui il avait été recommandé et par qui il recevait les fonds nécessaires à
son entretien d'ailleurs fort modeste[72]. A ces quelques personnes, il faut, au témoignage de Joseph, ajouter Mme Permon. Née à Ajaccio, Mme Permon était une grecque de cette fameuse colonie qui, venue de Morée, s'établit en Corse en 1675 sur les terres de Paonia, Revinda et Salogna, se transporta à Ajaccio en 1730, puis à Cargèse en 1774[73]. Elle disait descendre des Comnène et son frère avait même obtenu, en avril 1782, des lettres patentes récognitives de cette illustre origine[74]. Dans son enfance, elle avait été liée avec Mme Bonaparte ; puis, elle avait épousé une sorte de munitionnaire-homme d'affaires, venu à la suite des Français, et l'avait accompagné sur le Continent. Elle était pour le moment établie à Montpellier, ou elle jouissait des avantages d'une fortune prospère. Elle se rappela les soins qu'elle devait au mari et à l'enfant de son amie, et je conviens avec plaisir, dit Joseph[75], qu'elle m'apparut souvent dans ces lugubres circonstances un ange consolateur. Charles eut une longue et douloureuse agonie durant laquelle il s'écriait que nul secours étranger ne pourrait le sauver, puisque ce Napoléon dont l'épée devait un jour triompher de l'Europe tenterait vainement de le délivrer du dragon de la mort[76]. Il expira enfin, assisté par l'abbé Coustou, le 24 février 1785[77], et fut inhumé dans un des caveaux de l'église des Pères Cordeliers[78]. Louis Bonaparte, lorsqu'il vint à Montpellier à la fin du Consulat rechercha la sépulture de son père, la retrouva sur les indications de l'abbé Coustou, et fit transporter le corps à Saint-Leu. Aussitôt après la mort de Charles, Mme Permon vint prendre Joseph et l'emmena dans son hôtel où elle lui prodigua, dit-il, pendant quelques jours qu'il y passa, tous les soins qu'il aurait pu attendre de la mère la plus tendre et la plus passionnée[79]. Il partit de là pour Aix où il fit auprès de Fesch un séjour assez prolongé. Napoléon reçut la nouvelle de la mort de son père au commencement de mars. Sans doute, il eut en même temps des indications précises de Joseph au sujet des affaires et de la façon dont il devait en écrire à son grand-oncle. On a cette lettre[80]. Elle est d'un ton qui n'est point habituel à Bonaparte, mais il ne faut pas oublier qu'à l'École les correspondances, même les plus intimes, étaient revues et corrigées par les officiers de l'École et servaient d'exercice de style. Cette lettre à l'archidiacre Lucien n'est qu'une amplification de rhétorique où rien n'est du cru de Napoléon[81]. Il en faut pourtant retenir outre la date (23 mars), la requête que Napoléon y présente à son grand-oncle au sujet de la tutelle. Daignez donc nous tenir lieu du père que nous avons perdu. Ce vœu fut rempli le 10 août 1785, où le conseil de famille des enfants Bonaparte, réunis sous la présidence de Dominique Forcioli avocat au Conseil supérieur, faisant fonction de procureur du roi et composé, du côté paternel, de l'archidiacre Lucien Bonaparte, des chanoines Costa et François Paravicini, de Jean-Jérôme Leca et d'un Quondam ; du côté maternel, du prêtre François Ramolini, de trois Quondam et d'un Colonna, élut unanimement pour tuteur l'archidiacre Lucien. Cinq jours plus tard, le 28, Napoléon écrivait à sa mère la lettre suivante, où on ne sent pas moins les corrections des maîtres et d'où le naturel n'est pas moins absent[82]. Ma chère mère, C'est aujourd'hui que le temps a un peu calmé les premiers transports de ma douleur, que je m'empresse de vous témoigner la reconnaissance que m'inspirent les bontés que vous avez eues pour nous. Consolez-vous, ma chère mère, les circonstances l'exigent. Nous redoublerons de soins et de reconnaissance, et heureux si nous pouvons par notre obéissance vous dédommager un peu de l'inestimable perte de cet époux chéri. Je termine, ma chère mère, ma douleur me l'ordonne, en vous priant de calmer la vôtre. Ma santé est parfaite et je prie tous les jours que le ciel vous gratifie d'une semblable. Présentez mes respects à Zia Gertrude, Minana Saveria, Minana Fesch, etc. P. S. La reine de France est accouchée d'un prince, nommé le duc de Normandie, le 27 mars, à sept heures du soir. Votre très affectionné fils, NAPOLÉON DI BONAPARTE. Ces deux lettres étaient jusqu'ici les seules pièces authentiques émanant de Napoléon durant son séjour à l'Ecole. On peut à présent y joindre quelques vers inscrits sur son exemplaire du Cours de Mathématiques de Bezout[83] : Grand Bezout, achève ton cours, Mais avant permets-moi de dire Qu'aux aspirants tu donnes secours. Cela est parfaitement vrai, Mais je ne cesserai pas de rire Lorsque je l'aurai achevé Pour le plus tard au mois de mai Je ferai alors le conseiller. N. Comme tous les élèves de l'École militaire, qui n'avaient point démérité. Napoléon avait le droit d'être nommé officier à seize ans révolus. Il le fut en effet. J'ai été officier à l'âge de 16 ans 15 jours, écrit-il dans les Epoques de ma vie ; son brevet de lieutenant en second à la compagnie d'Autume au régiment de la Fère du corps royal de l'artillerie, en date du 1er septembre 1785[84], est antidaté pour lui donner le rang auquel il a droit ; car les examens n'étaient pas terminés le 1er septembre et la liste de classement n'était pas établie. Si, comme on le croit, Napoléon subit cet examen à Paris, vers le milieu d'août, les juges avaient encore à interroger les provinciaux, beaucoup plus nombreux, puisqu'ils fournissaient les sept huitièmes de la promotion. Cette liste où Napoléon, après une année seulement de séjour à l'école de Paris, se trouvait classé le 42e sur 58, n'a dû paraître qu'à la fin d'octobre[85]. On ignore aussi devant qui il subit cet examen. On est tenté de penser que ce fut devant Laplace[86] qui avait succédé à Bezout comme examinateur des élèves aspirants du Corps royal, tandis que Montre l'avait remplacé comme examinateur de la marine. Ce fait dont jusqu'ici on n'a point de preuve, expliquerait la faveur dont Laplace a joui durant tout l'Empire après le malheureux essai qui avait été fait de lui sous le Consulat, comme ministre de l'Intérieur[87]. On n'a point davantage les notes de sortie de Napoléon[88]. Dès le 23 septembre, Napoléon faisait ses préparatifs de départ et, à [cette occasion, il écrivait à M. Labitte, marchand de draps, rue Saint-Honoré au coin de celle des Prouvaires, une lettre qui montre, d'abord, qu'à ce moment il n'avait point encore reçu sa nomination, car il signe : Cadet gentilhomme à l'Ecole militaire ; ensuite, qu'il espérait être nommé au commencement du mois suivant ; enfin, qu'il comptait alors se rendre directement en Corse : Monsieur, L'année dernière, mon père venait à Paris et était chargé par M. Paravicini, mon oncle, de vous remettre une lettre avec le certificat de vie pour tâcher de retirer sa pension, en total ou en partie, mais la mort l'a arrêté dans sa course dans la ville de Montpellier ; ainsi, Monsieur, je vous envoie ces pièces, espérant que vous aurez la bonté de m'envoyer cette pension ou la partie que vous jugerez pouvoir m'envoyer pour la remettre. Je lui avais demandé un autre certificat plus frais, mais l'éloignement fait que je ne puis le recevoir à temps, vu l'obligation où je suis de retourner en Corse dans le commencement du mois prochain ; du reste, je vous promets de vous envoyer ce certificat avant la fin d'octobre. Dans l'ignorance où je suis de la rue où vous demeurez, j'adresse cette lettre à M. Coster, espérant qu'il aura la bonté de vous la faire passer. Je suis, avec le plus sincère attachement, votre très humble, etc. BUONAPARTE fils, Cadet gentilhomme à l'Ecole royale militaire de Paris[89]. On pourrait croire, d'après Mme d'Abrantès, que durant son année d'École, Bonaparte est sorti fréquemment chez Mme Permon, sous prétexte, tantôt d'aller voir sa sœur à Saint-Cyr, tantôt de soigner une entorse[90] ; qu'il passa même une semaine dans une mansarde au troisième étage à l'angle gauche de la maison qu'habitaient les Permon[91], impasse Conti. Cela est faux. D'abord les élèves de l'École militaire ne sortaient jamais que pour des promenades militaires où leurs chefs les conduisaient. Tout le monde s'accorde à dire que sur ce point le règlement était rigoureusement observé. Puis, une simple comparaison de dates renverse toutes ces légendes. Charles Bonaparte est mort, le 24 février 1785, à Montpellier. A ce moment, Mme Permon vivait dans cette ville où elle avait son unique installation. Il faudrait admettre que, de mars à octobre, Mme Permon se détermina à changer de résidence, fit ses préparatifs, opéra son déménagement, loua un appartement, s'y installa, etc. Cela peut être, mais il faut un temps moral, et Mme d'Abrantès le sent si bien qu'il lui échappe de dire[92] que, lorsque sa mère arriva à Paris, il y avait un an que Napoléon était à l'École militaire. S'il y avait un an, comme Napoléon a été admis le 22 octobre 1784, qu'il est entré le 31 octobre ou le 1er novembre, cela met au moins au 22 octobre 1785 ; or, Napoléon est sorti de l'École le 28, et il est parti le 30 pour le régiment de La Fère. Cela donne donc six jours durant lesquels Mme Permon a pu lui prodiguer les marques de son intérêt et obtenir sur sa conduite à l'École ces renseignements qui, publiés par sa fille à l'époque de la Restauration, devaient flatter le mieux ceux dont elle désirait s'attirer la bienveillance. Est-il possible encore que, comme l'affirme Mme la duchesse d'Abrantès[93], comme le répètent plusieurs historiens contemporains[94], Napoléon ait visité diverses fois sa sœur Marianna (Elisa), à la Maison royale de Saint-Cyr. Cela était déjà bien peu probable, eu égard aux règlements des deux instituts, ceux de Saint-Cyr plus rigoureux encore que ceux de l'École militaire[95], mais des documents jusqu'ici inédits[96] permettent d'affirmer que l'assertion est gratuite. Au commencement de l'année 1786, c'est-à-dire lorsque son frère Napoléon venait à peine de quitter Paris, Marianna écrivait à sa mère : Ma chère maman, Je suis très inquiète de votre santé, car il y a bien longtemps que je n'ai reçu de vos nouvelles. J'ai eu cependant l'honneur t vous écrire, mais je n'ai pas eu la satisfaction de recevoir une réponse. Vous savez que je vous aime de tout mon cœur. Je vous supplie donc d'avoir la bonté de me donner bientôt de vos nouvelles. Il ne manque que cela à mon bonheur. Je me plais toujours bien à Saint-Cyr et me porte à merveille. Mes maîtresses ont mille bontés pour moi. Je tâcherai d'y répondre par ma bonne conduite. Oserais-je vous supplier de présenter mes respects à mes oncles et tantes. Ma cousine de Casablanca serait bien fâchée que je finisse ma lettre sans la renouveler dans votre souvenir. Je l'aime de tout mon cœur. Soyez persuadée des tendres sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, ma chère maman, Votre très humble et très obéissante fille et servante BUONAPARTE. Je viens de recevoir votre lettre qui m'a fait un grand plaisir. J'ai eu l'honneur de vous écrire plusieurs fois. Je suis bien [fâchée] que mes lettres ne vous soient pas parvenues. Je vous supplie de vouloir bien me marquer dans votre réponse si j'ai reçu le sacrement de confirmation[97]. A cette lettre, Joseph, au nom de sa mère, et comme chef de famille, répond le 29 mai 1786 : Ma chère sœur, Je profite de l'occasion que m'offre Mme de Petitij, veuve de M. de Petitij, lieutenant du roi et commandant de la place d'Ajaccio, pour vous donner des nouvelles de la famille lesquelles sont aussi bonnes que vous pouvez les désirer. Nous avons reçu votre lettre et nous avons appris avec beaucoup de plaisir que vous continuez à vous plaire à Saint-Cyr. Portez-vous toujours bien et surtout faites vos efforts pour contenter des dames qui ont tant de bontés pour vous. Ce n'est que par votre attention à remplir tous vos devoirs que vous pouvez en mériter la continuation. Soyez toujours bonne amie avec vos cousines, Mlles Colonna et de Casabianca, dont les parents sont en bonne santé. Votre oncle l'archidiacre, toujours tourmenté de sa goutte, se recommande à vos prières, et maman ne cesse de mettre devant vos yeux vos devoirs de religion et l'exactitude que vous devez montrer à remplir les obligations de votre état. Je suis avec tout l'attachement possible, ma chère sœur, Votre frère l'aîné, DE BUONAPARTE. Ajaccio, 29 mai 1786. Ainsi, ni dans la lettre de Marianna, ni dans la réponse de Joseph, on ne rencontre la moindre allusion à une visite que Napoléon aurait pu faire à sa sœur. On doit donc rejeter une légende qui ne repose que sur un témoignage dont on a montré la valeur. |
[1] Coston, I, 56, rapporte un Bulletin de sortie de Brienne, en date du 17 octobre, mais sans indiquer aucune source. Assier fait mieux, il donne à ce Bulletin la date du 17 septembre et marque comme référence Extrait du registre de Berton, sous-principal du collège de Brienne.
[2] D'après le journal anglais The Queen du 1er septembre 1894, qui a donné une curieuse description de l'hôtel de l'avenue Louise à Bruxelles occupé par S. A. I. le prince Victor Napoléon, ce document original fait partie de la collection du prince, et porte bien, comme nous le disons, la date du 22 octobre.
[3] Saint-Allais, Nobiliaire universel, t. XII, Catalogue des gentilshommes qui ont fait leurs preuves pour le service militaire, indique que tous ces élèves de l'école de Brienne ont été agréés le 22 octobre. La liste originale dont je dois la communication à M. le commandant Margueron porte comme titre : État des sujets admis par le Roi dans la compagnie des cadets gentilshommes, etc., et auxquels il doit être expédié des lettres de S. M. sous la date du jour de leur réception dans ladite compagnie.
[4] Mémoires de la Duchesse d'Abrantès, édit. de 1894, I, p. 58.
[5] Il faut rendre pleine justice à l'excellent travail de M. Hennet, Les Compagnies de cadets gentilshommes et les écoles militaires, Paris, 1889, in-8°, mais, par suite de l'absence de documents, M. Hennet laisse encore bien des points obscurs.
[6] Voir l'Ecole militaire de Paris, par Georges Farcy, architecte, Paris, 1890, in-12. Les plans qui accompagnent cette intéressante étude sont des plus curieux, mais il serait désirable que l'auteur la complétât et donnât une monographie complète de cet admirable édifice.
[7] Vaublanc, Souvenirs, I, 71, 81, 86.
[8] C'est Bourrienne qui le premier donne cet extrait. Il est réimprimé sans examen par Coston (I, 62, 63), puis par Iung (I, 117), lequel dit qu'il a été donné par Libri. Il n'y en a point trace dans Libri. Comment, étant donnée l'inspection plus que sévère des correspondances, ce mémoire aurait-il pu être envoyé à Berton par Napoléon ?
[9] Mémorial, IV, 122.
[10] Le témoignage de Vaublanc doit être retenu parce que le régime adopté dans l'ancienne école militaire semble avoir continué dans l'école des cadets, mais il n'est pas décisif par cela même.
[11] Au nombre de quatre ; Brongniart, contrôleur, Liger, inspecteur, Antoine Liger, sous-inspecteur, Quin, troisième vérificateur.
[12] Le premier commis de ce bureau était Caillard, frère du Gaillard, qui fut garde des Archives des affaires étrangères. J'ai dit quelque chose de ce Caillard dans mon livre le Département des Affaires étrangères pendant la Révolution.
[13] État actuel de Paris, Paris, 17S9. In-16 (quartier Saint-Germain).
[14] Dans l'ancienne école, l'uniforme était bleu, avec veste et parements rouges et boutons blancs. On ne mettait les parements que les dimanches et fêtes, et dans les grandes occasions. Dans la nouvelle école, il semble bien que l'uniforme était semblable à celui adopté pour les cadets des écoles de province, c'est-à-dire que l'habit étant demeuré des mêmes couleurs que jadis, la veste rouge avait été remplacée par une veste bleue.
[15] Dans l'ancienne école, le règlement punissait de prison celui qui entrait dans la chambre d'un camarade sous quelque prétexte que ce fût (Hennet, loc. cit., p. 63).
[16] Il faut saisir cette occasion pour discuter tout de suite une des légendes les plus accréditées sur le séjour de Napoléon à l'Ecole militaire. On vient de voir le règlement ; il est précis et formel : chaque cadet avait sa cellule, dans laquelle il était enfermé chaque soir en présence du major et du sous-aide major. Or, tous les historiens de Napoléon ont affirmé qu'il occupa à l'École militaire avec Alexandre Des Mazis, une chambre située au dernier étage et dont l'unique fenêtre donnait sur la grande cour. M. de Beauterne, dans l'Enfance de Napoléon, Paris, 1846, in-12, rapporte même toute une série d'anecdotes qui, dit-il, lui ont été confiées par Des Mazis lui-même. Sur un point où tous les ministres sans exception — chose rare ! — se trouvent d'accord et qui fait l'objet chaque fois d'un paragraphe particulier, comment se pourrait-il que le règlement ne fût pas appliqué ? Et pourtant ce Beauterne peut avoir eu les renseignements qu'il donne de Des Mazis même. Il n'est point douteux qu'il l'a connu, car en même temps que Des Mazis était dans la maison /le l'Empereur, conservateur du mobilier, ce Beauterne, Robert-François Antoine de Beauterne, était porte-arquebuse place ses ancêtres ont occupée près des rois depuis Louis XIII. A vrai dire, quand on a lu la Mort d'un enfant impie et les Conversations religieuses de Napoléon, on n'est point tenté d'accorder grande valeur à ce que dit Beauterne, mais, ici, il cite son auteur, il insiste sur le témoignage de Des Mazis. Qui faut-il croire ? J'ai vainement essayé de me renseigner près de M. Des Mazis, petit-fils du condisciple de Napoléon : il n'a pu, malgré sa bonne volonté, pour des raisons de famille que j'apprécie, me donner communication des papiers de son aïeul.
[17] Les dépenses étaient considérables, mais bien moindres encore que les revenus affectés à l'institution. Les recettes s'élevaient en 1786 à 7.116.840 l, 16 s. 2 d.
Les dépenses réelles ne comportaient pas 1.800.000 livres.
On pourrait facilement écarter près de 800.000 livres qui ne tiennent pas à l'école proprement dite : néanmoins, d'après les calculs que veut bien me communiquer M. le commandant Margueron, il semble qu'en 1781 et 1782, chaque élève du Roi coûtait en moyenne 5.937 l. 15 s. 2 d.
[18] On peut se demander si ce n'est pas à l'école militaire que Napoléon a connu Armand de Polignac. En tout cas, dans les lettres de grâce accordées à cet Armand de Polignac, condamné à la peine capitale pour sa participation à la conspiration de Georges, l'Empereur s'exprime ainsi : Nous nous sommes d'ailleurs souvenus que nous avions été liés avec ce jeune homme, au collège, dans les premiers jours de l'enfance... et il n'est pas vraisemblable que dans un document aussi important il ait accepté un souvenir inexact.
[19] L'article des correspondances forme dans le règlement un chapitre spécial auquel sont consacrés les articles CXLV à CLII. La fin de l'article CXLVIII est particulièrement remarquable : Comme il est de la plus grande importance pour un homme du monde de savoir écrire poliment et convenablement, on ne laissera partir aucune lettre qui ne soit écrite au moins passablement, quant au fond et au style, et toujours exactement quant à la forme. L'article CL ajoute qu'il sera établi des heures pendant lesquelles on enseignera aux élèves la forme qui doit être observée, et on leur donnera les préceptes généraux pour les faire parvenir à bien écrire. Il est encore question des lettres dans le règlement pour les inspecteurs. C'est à eux que l'on s'en rapporte pour guider les élèves dans leur correspondance et les accoutumer à observer dans leurs lettres les usages reçus dans le monde, en leur formant insensiblement un style convenable à des militaires, c'est-à-dire simple, noble et précis.
[20] M. de la Noix.
[21] MM. Fernon, de Tarragon, du Puy, de Mars.
[22] M. Pelé.
[23] M. David.
[24] M. Haquin.
[25] M. Choulx de Biercourt.
[26] M. d'Hozier de Sérigny.
[27] Ce médecin, M. Mac-Mahon, était vraisemblablement le grand-oncle de M. le maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta. Son grand-père Jean-Baptiste Mac-Mahon, avait occupé la même place, de 1770 à sa mort, arrivée à Spa le 15 octobre 1775 (Mercure de France, novembre 1775, p. 237). Né à Limerick en Irlande en 1713, il avait, comme on sait, été reçu docteur en médecine de l'Université de Reims, le 4 août 1739, puis agrégé au corps des médecins de la ville d'Autun, en 1742, et avait été nommé premier médecin de l'Ecole militaire en 1770. Son cousin, Jean, reçu docteur en médecine à Paris en 1750, lui succéda, mourut le 5 septembre 1786 et transmit sa charge à son propre fils mort en 1S31 (Documents manuscrits provenant de M. de Courcy. — Moniteur Orléanais, du 25 septembre 1876. — Galette héraldique, de février 1891). Les curieux pourront rechercher les divers mémoires du fameux procès que Jean-Baptiste Mac-Mahon eut à soutenir à propos de son mariage et des titres nobiliaires qu'il prit à ce moment et que ses descendants portent aujourd'hui.
[28] Mém. hist. concernant l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, Paris, imprimerie royale, 1785, in-4°.
[29] Date de l'arrêté de la première liste où il est porté. M. de Timbrune-Valence habitait alors rue Chantereine.
[30] Hennet (loc. cit., 82). La date est des plus importantes. Elle semblerait prouver que non seulement Kéralio n'a point fait l'inspection de 84, mais qu'il n'a point fait davantage l'inspection de 83. Toutefois les témoignages en faveur de la note de Kéralio paraissent si probants que je me contente d'indiquer mon doute.
[31] Histoire et Mémoires, I, 74.
[32] Dez a publié en 1786 dans le tome VII du Recueil des savants étrangers à l'Académie un mémoire sur la théorie du jaugeage.
[33] Le Paute d'Agelet est parti en 1785 avec La Pérouse et a péri avec lui.
[34] J.-J. Verkaven fut professeur de mathématiques des aspirants du corps du génie et plus tard professeur d'analyse à l'école de cavalerie à Saint-Germain.
[35] C'est la présence dans les listes de ce Monge (ou Mongez) qui a pu faire croire que Gaspard Monge avait été le professeur de Bonaparte. Ce Monge qu'on rencontre ici fut, ainsi que le Paute d'Agelet, désigné sur sa demande en juillet 1785 pour faire partie de l'expédition de La Pérouse et périt avec lui. D'Avrigni (Le départ de la Pérouse, Paris, 1807, in-8°, p. 38) le nomme Mongez. Mais Hennet (loc. cit., p. 52) atteste qu'il s'agit bien du même personnage. D'ailleurs, si Napoléon avait passé par les mains de Gaspard Monge, comment admettre que, ni l'un avec son implacable mémoire, ni l'autre avec le désir qu'il pouvait avoir de faire sa cour, ne s'en fût souvenu ? A la vérité, Monge, en 1783, avait remplacé Bezout comme examinateur des gardes du pavillon et de la marine, mais il semble que l'autre emploi qu'avait Bezout, celui d'examinateur des élèves et aspirants du corps royal de l'artillerie, avait été attribué à Laplace. En tout cas, ni Charles Dupin dans son Essai historique sur Gaspard Monge, Paris, 1819, in-4°, ni Jomard dans les Souvenirs sur Gaspard Monge et ses rapports avec Napoléon, Paris, 1853, in-8°, ne font la moindre allusion à ce fait. Au contraire, Jomard (p. 16) dit formellement que Monge n'a connu Bonaparte qu'en 1793.
[36] Mémorial, I, 134. Voir encore Premières années de Bonaparte, p. 10, un témoignage analogue.
[37] Ségur, Hist. et Mém., I, 74. Malgré les recherches qu'a bien voulu faire M. le commandant Margueron, aucune des notes de Bonaparte n'a pu être retrouvée, les feuillets sur lesquels ces notes se trouvaient, ont été lacérés.
[38] Le père Sommervegel (Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes publiés par la Société de Jésus, Paris, 1884, in-8°, t. II, col. 1086) dit que Domairon fut seulement novice : Il était entré au noviciat le 17 septembre 1760, et probablement ne prononça pas ses premiers vœux.
[39] Mémorial, I, 135, d'après les souvenirs personnels de Las Cases.
[40] Chaptal, Mémoires, 179, se trompe en disant que Domairon avait été minime et que Napoléon l'avait connu à Brienne. Mais, sauf sur ce point, son témoignage est à retenir.
[41] A défaut de prénom et d'indication particulière il est difficile de savoir s'il s'agit ici d'un des frères Arcambal : l'aîné, secrétaire de la guerre depuis le comte de Saint-Germain jusqu'à Duportail et ensuite archiviste du dépôt ; le second, entré comme élève adjoint, puis commissaire des guerres, commissaire ordonnateur à la Révolution adjoint au ministre de la guerre, ministre lui-même de la République Parthénopéenne plus tard, de Joseph et de Murat, officier de la Légion d'honneur, etc.
[42] Voir les Principes d'équitation et les principes de cavalerie du chevalier de Bois d'Effre. Les élèves qui semblent avoir continué la tradition de Dauvergne sont surtout le marquis de Chabannes et ce chevalier de Bois d'Effre. On trouvera dans Vaublanc quantité d'anecdotes sur lui (Souvenirs, I, 61), et un exposé de son enseignement dans Picard, Origines de l'école de cavalerie, Saumur, s. d., in-4°, t. I, p. 264, 413 et suivantes. Dauvergne était un chevau-léger de la garde, élève de cette école du comte de Lubersac sur laquelle son frère l'abbé a donné de si curieux détails. Dauvergne y avait été instruit aux frais du duc de Chaulnes ; il entra en 1756 à l'Ecole militaire comme chef de manège et n'en sortit qu'en 1788.
[43] Il s'agit ici de René-Guillaume de Bongars, lieutenant aux carabiniers, neveu d'un autre Bongars qui avait été major, puis lieutenant de roi de l'Ecole de 1753 à 1777. Que sont-ils à un Bongars (Joseph-Barthélemy-Clair) que je trouve page de vénerie dès l'organisation de la Maison impériale, qui est créé baron de l'empire par lettre du 5 août 1809, reçoit une dotation de 6.000 francs et accompagne l'Empereur dans la plupart de ses campagnes ? Y a-t-il un trait d'union à établir entre ces personnages ?
[44] Babeau, Vie militaire sous l'ancien régime. Paris, 1890, in-8°, p. 50. Les détails que donne M. Babeau se rapportent presque uniquement à l'ancienne école militaire : il parle à peine de l'école des Cadets gentilshommes.
[45] Souvenirs, I, 60.
[46] Mémorial. Éd. de Londres, I, 132.
[47] Boulay de la Meurthe, Documents sur la négociation du Concordat, III, 309, 10 août 1802.
[48] 1804, d'après l'Almanach ecclésiastique de France pour l'an 1813, p. 513. Le chapitre n'eut une institution régulière que par le décret du 20 février 1806.
[49] Vie de Messire Antoine-Eléonore-Léon Leclerc de Juigné, archevêque de Paris, par l'abbé Lambert, ancien vicaire général. Paris, 1821, in-8°, p. 95. Il convient d'attacher d'autant plus d'importance à ce témoignage que l'abbé Lambert, dont la Société d'histoire contemporaine vient de réimprimer les mémoires, était le confident intime de Monseigneur de Juigné.
[50] M. Hennet (p. 100) a donné l'emploi des journées et il faut le répéter d'après lui. De deux jours l'un, les élèves avaient, de 7 à 9 heures du matin, classe de mathématiques ; de 10 heures à midi, grammaire française ; de 2 à 4, fortification ; de 5 à 7, allemand. Le second jour, de 7 à 9, danse ; de 10 heures à midi, géographie ; de 2 à 4, dessin ; de 5 à 7, escrime : telles étaient les matières d'enseignement.
[51] D'après le témoignage de M. Picot de Peccaduc, le grade de sergent-major existait encore en 1784 et c'était lui qui le remplissait.
[52] Né le 13 février 1767, reçu le 4 septembre 1781 à l'École.
[53] Né le 3 septembre 1768, reçu le 15 septembre 1782 à l'École.
[54] Né le 1er février 1767, reçu le 29 septembre 1781 à l'École.
[55] Iung, I, 323.
[56] Sauf erreur, j'en trouve trois sur 132 qui sont remis à leur famille.
[57] Rohan Guéméné, sous-lieutenant d'artillerie ;
Prus Jablonowski, sous-lieutenant, Royal Allemand ;
De Malartic, sous-lieutenant aux gardes françaises ;
De Forbin, sous-lieutenant aux carabiniers ;
De Genibrouze de Castelvers, garde du corps du Roi ;
De Monteynard, sous-lieutenant aux carabiniers ;
De Saporta, sous-lieutenant dans La Rochefoucauld dragons ;
De Tircuy de Corcelles, sous-lieutenant aux chasseurs des Ardennes ;
De Monestay de Chasseron, garde du corps du roi ;
Mac Mahon de Leadmore, sous-lieutenant au régiment de Pont-à-Mousson ;
De Broglie, sous-lieutenant dans l'artillerie ;
De Cardevacque d'Havrincourt, sous-lieutenant dans Mestre de Camp cavalerie
De Levis-Mirepoix, sous-lieutenant dans Commissaire Général cavalerie ;
De Noue, sous-lieutenant dans le Roi infanterie ;
De Poilvilain de Crénay, sous-lieutenant aux carabiniers.
[58] Voici les noms que j'ai retrouvés : Picot de Peccaduc, Le Picard de Phélippeaux, Raimond de la Nougarède, de Roquefeuil, de Rolian Guéméné, Richard de Castelnau, de Beauvais, d'Ivoley, Lelieur de Ville-sur-Arce, des Mazis, de Najac, Dalmas, de Montagnac, de Cominges, de Broglie, Chièvres d'Anjac, Custine, Delpy de la Roche, Folliot d'Argence, Gaultier de Montgaultier, Gautier de Saint-Paulet, de Hédouville, Picquet de la Houssiette, Amariton de Montfleury. Je comprends parmi ces noms ceux de tous les jeunes gens qui ont passé à l'École du 22 octobre 1784 au 28 octobre 1785, par conséquent, aussi bien ceux qui ont été nommés officiers d'artillerie à la fin de 84, que ceux qui l'ont été en 86 et 87.
[59] Il est né le 1er avril 1767.
[60] Il est de tradition que Carrion Nisas a été à l'École militaire avec Napoléon. Arnault et quantité d'autres le disent formellement, mais je ne trouve le nom dans aucune liste. Pourtant il est remarquable qu'à partir du 1er février 1808, l'Empereur fait à sa femme, sur la petite cassette, une pension de 1.200 francs par mois et il est permis de penser que les faveurs accordées à Carrion Nisas, nommé tribun, puis capitaine aux Gendarmes d'ordonnance, adjudant-commandant, baron de l'Empire, etc. le sont à ce titre.
[61] Quatre Roquefeuil sont nommés chevaliers de Saint-Louis à titre d'anciens émigrés en 1815, 1816 et 1817. Je ne sais lequel de ces quatre fut le condisciple de Napoléon.
[62] Voir ci-dessus, § 7.
[63] Je pense qu'il s'agit ici du chevalier de la Nougarède, lequel, après avoir émigré, et fait les campagnes des Pays-Bas et d'Allemagne, passa avec Sombreuil à Quiberon, échappa au désastre, erra en Bretagne sous le nom de guerre d'Achille Le Brun et finit par commander la division des royalistes d'Ille-et-Vilaine à la tête de laquelle il guerroya jusqu'à la pacification. Mis en surveillance à cette époque, il rentra dans l'armée française, fit les campagnes de Calabre et d'Espagne, s'y distingua, fut décoré (officier au régiment du grand-duc de Berg, 27 janvier 1810) ; se rendit ensuite à Dantzig où il se signala pendant le siège, et, au retour des Bourbons, se trouvait en activité avec le grade de colonel.
[64] Le comte Ferdinand de Broglie, né le 30 janvier 1768, entré à l'École comme pensionnaire le 1er juin 1783, sorti le 19 septembre 1785, classé dans l'artillerie avec le n° 45, était le fils cadet du comte Charles-François de Broglie, frère puiné du maréchal Victor-François duc de Broglie. Il se trouvait en Allemagne quand la Révolution éclata fil la campagne avec les Princes et fut breveté colonel par eux le xi septembre 1792. Il passa au service de Russie en 1795, fut général major le 12 janvier 1798 et le 4 juin 1814 rentra au service de France avec le grade de maréchal de camp. Il eut constamment sous la Restauration des commandements territoriaux et mourut seulement le 9 avril 1837.
[65] Il est inutile de chercher à placer parmi les jeunes gens que Napoléon aurait pu connaître à l'Ecole militaire certains officiers, qui pourtant en ont été élèves et auxquels l'Empereur s'est intéressé par la suite, Le rapprochement des dates exclut toute probabilité de contact. Je suis amené à cette réflexion par la pièce suivante en date du 6 germinal an XIII :
RAPPORT : Vaugrigneuse, chef de bataillon d'artillerie, désirerait être à même de communiquer à l'Empereur des détails sur les pays qu'il a parcourus et lui donner des preuves de son dévouement.
DÉCISION : Renvoyé à M. le maréchal Duroc pour le voir. Je l'ai connu honnête homme. Je désire savoir ce qu'il a fait pendant la Révolution, ce qu'il a acquis en talents et en expérience, et ce qu'il faut faire pour le rendre utile.
Or, Arnaud-Alphonse-Joseph de Vaugrigneuse, né le 5 octobre 1765, fils de Melchior, ancien consul au Levant, et d'Anne du Teil de Forcaiquier, a bien été élève de l'École militaire de Paris, à sa sortie d'Effiat, mais il y a été reçu le 11 septembre 1781, et en est parti sous-lieutenant d'artillerie, le 26 septembre 1784, un mois avant que Napoléon y entrât. Je le trouve en 1804, chef de bataillon d'artillerie, employé à la Martinique, puis au 6e de l'arme jusqu'en 1813, mais où Napoléon l'a-t-il connu ?
[66] Mémorial, VI, 278.
[67] J'ai relevé les expériences faites à Paris, à cette date : j'ai trouvé celles de MM. Alban et Vallet, faite à Javel, en août 1785, mais pour trouver une expérience faites au Champ de Mars, il faut remonter à l'ascension de Blanchard, faite le 2 mars 1784. Il est donc inutile d'insister.
[68] Antommarchi, I, 257.
[69] Mémoires de Joseph, I, 28.
[70] Napoléon se souvint plus tard de Barthès et le nomma médecin du gouvernement sous le Consulat.
[71] Mémorial, édit. de Londres, 1823, I, 118. Antommarchi, I, 259. Cf. ce que dit Iung, I, 119, qui affirme que Charles est mort en libre penseur, maudissant les jésuites et lui applique ce que Napoléon a dit de l'archidiacre Lucien.
[72] Vie de M.-P.-F.-X. Coustou, vicaire général du diocèse de Montpellier, par l'abbé Coste. Montpellier, 1845, in-12.
[73] Histoire de la colonie grecque établie en Corse, par Nicolaos Stephanopoli. Paris, 1826, in-16.
[74] Lettre de Démétrius Comnène à M. Kech, Paris, 1807, in-8°. — Lettre à M. Millin sur la famille Comnène, Paris, 1808, in-8°. — Précis historique de la maison impériale des Comnène, Venise, 1789, in-8°. La question a un intérêt pour les Bonaparte, attendu que certains auteurs veulent qu'ils aient une origine commune avec les Comnène, qu'ils soient venus en Corse, à une époque plus ancienne, avec une autre colonie grecque, et qu'ils y aient alors traduit leur nom grec en langue italienne, que, de Calomeroi, ils soient devenus Bonaparte. Je crois bien que c'est dans la lettre à M. Millin, ci-dessus citée, que je trouve la première indication à ce sujet.
[75] Mémoires, I, 29.
[76] Joseph, I, 29.
[77] L'an 1785, et le 24 février, est décédé messire Charles Buonaparte, mari de dame Letitia de Ramolini, ancien député de la noblesse des Etats de Corse à la Cour, âgé de trente-neuf ans à peu prés. Signé : Martin, curé, et plus bas, Joseph Bonaparte et Fesch. Extrait du registre de la paroisse de Saint-Denis à Montpellier, ap. Coston, II, 44. Coston ajoute : Un procès-verbal d'autopsie, en date du 25 février 1785, constate que Charles Bonaparte est mort d'un cancer à l'estomac, et décrit les effets produits par cette maladie dès lors réputée héréditaire. Ce certificat, signé par les docteurs Farjon, Lamure, Bousquet et Fabre, est actuellement à Paris, entre les mains de M. le professeur Dubois.
[78] On sait que, le 5 prairial, an X, le conseil municipal de Montpellier prit une délibération en vue d'élever sur le tombeau de Charles Bonaparte un monument au Premier Consul. Ce monument devait représenter la ville de Montpellier accompagnée des figures de la Religion et des Sciences, ouvrant un tombeau de la main gauche et montrant un piédestal de la main droite. Au-dessous, cette inscription :
SORS DU TOMBEAU
TON FILS NAPOLÉON T'ÉLÈVE À L'IMMORTALITÉ
Le ministre de l'intérieur, Chaptal, présenta cette délibération au Premier Consul, le 13 messidor an X. La piété filiale, lui disait-il, lui interdisait de refuser cet hommage. Bonaparte refusa pourtant : Si c'était hier que j'eusse perdu l'auteur de mes jours, écrivit-il, il serait convenable et naturel que j'accompagnasse mes regrets de quelque haute marque de respect ; mais, il y a vingt ans, cet événement est étranger au public : n'en parlons pas.
[79] Que l'on compare ce récit de Joseph, si plein de reconnaissante gratitude, si vrai, car rien ne le forçait à payer aussi libéralement sa dette de cœur, au récit que fait des mêmes événements Mme la duchesse d'Abrantès. Ed. de 1893, I, 70. Ce sont les mêmes faits, mais, comme on sent la volonté de déprimer les Bonaparte, de les présenter comme de pauvres hères que les Permon ont accablés de leurs bienfaits, qui ne doivent d'être qu'aux Permon et qui, pour les Permon en la personne de Mme Junot ont été d'une criminelle ingratitude. Or, j'aurai occasion, dans la suite de ces études, de démontrer que les largesses de l'Empereur vis-à-vis de Junot ont passé le croyable ; que, non content de ce qu'il recevait, Junot a été le plus audacieux pillard de l'armée et que Napoléon, malgré qu'il en fût exaspéré, ne lui a point fait rendre gorge ; que Junot, admirable soldat, général inepte, fut mis constamment en mesure, par les plus beaux commandements, de gravir le dernier échelon de la hiérarchie militaire ; que, dans ces commandements, il ne se montra pas seulement inexpérimenté et incapable, mais déplorablement stupide. Il compromit le succès de grandes opérations, refusa même de marcher et pourtant ne fut pas disgracié. L'Empereur lui attribua une des plus belles sinécures de l'Empire, un gouvernement où, pensait-il, Junot ne pourrait faire de sottises. Il y fit folie sur folie, et il fallut bien s'apercevoir qu'il avait perdu la raison depuis fort longtemps. Pour Mme Junot, qu'il suffise en ce moment d'affirmer que Napoléon a poussé vis-à-vis d'elle la longanimité jusqu'à un point incroyable.
[80] Elle a été publiée par Blanqui, qui la tenait de M. Braccini et se trouve dans le Moniteur du 29 octobre 183S. Coston n'indique aucune source et dit seulement qu'elle a été insérée dans plusieurs journaux (I, 68). M. Iung (I, 121) donne en note cette indication : Mss.
[81] Coston, I, 67, et l'acte de Tutelle, II, 50.
Mon
cher oncle,
Il serait inutile de vous
exprimer combien j'ai été sensible au malheur qui vient de nous arriver. Nous
avons perdu en lui un père, et Dieu sait quel était ce père, sa tendresse, son
attachement pour nous ! hélas ! tout nous désignait en lui le soutien de notre
jeunesse ! Vous avez perdu en lui un neveu obéissant, reconnaissant !... Ah !
mieux que moi vous sentez combien il vous aimait. La patrie, j'ose même le
dire, a perdu par sa mort un citoyen éclairé et désintéressé. Cette dignité
dont il a été plusieurs fois honoré, montre assez la confiance qu'avaient en
lui ses concitoyens, et cependant le ciel le fait mourir, en quel endroit ? à
cent lieues de son pays, dans une contrée étrangère, indifférente à son
existence, éloigné de tout ce qu'il avait de plus précieux. Un fils, il est
vrai, l'a assisté dans ce moment terrible ; ce doit être pour lui une
consolation bien grande, mais certainement pas comparable à la triple joie
qu'il aurait éprouvée s'il avait terminé sa carrière dans sa maison, près de
son épouse et de toute sa famille. Mais l'Être suprême ne l'a pas ainsi permis.
Sa volonté est immuable. Lui seul peut nous consoler. Hélas ! du moins s'il
nous a privés de ce que nous avions de plus cher, nous a encore laissé les
personnes qui seules peuvent le remplacer. Daignez donc nous tenir lieu du père
que nous avons perdu. Notre attachement, notre reconnaissance sera
proportionnelle à un service si grand. Je finis en vous souhaitant une santé
semblable à la mienne.
NAPOLEONE DI BUONAPARTE.
[82] Blanqui. Moniteur du 29 octobre 1838, republiée par Coston (I, 69) sans indication de source, par Iung, I, 121, avec l'indication Mss.
[83] Ce volume précieux appartient à M. le conseiller Levie-Ramolino. En voici le titre : Cours de mathématiques à l'usage du corps royal de l'artillerie concernant l'application des principes généraux de la mécanique à différents cas de mouvement et d'équilibre, par M. Bezout, de l'Académie royale des sciences et de celle de marine, examinateur des élèves et aspirants du corps d'artillerie et des gardes du pavillon et de la marine, censeur royal, Paris, imp. roy., 1772.
[84] Ce brevet, selon le journal anglais The Queen, se trouve entre les mains de S. A. I. le Prince Victor Napoléon.
[85] Voir cette liste Coston, II, 52.
[86] Coston, I, 71. V. la notice sur Laplace en tête de l'Exposition du système du monde. Bruxelles, 1827, in-8°.
[87] Napoléon a écrit : Laplace, géomètre du premier ordre, ne tarda pas à se montrer administrateur plus que médiocre ; dès son premier travail, les consuls s'aperçurent qu'ils s'étaient trompés. Laplace ne saisissait aucune question sous son vrai point de vue ; il cherchait des subtilités partout, n'avait que des idées problématiques et portait enfin l'esprit des infiniment petits dans l'administration. (Mémoires de Napoléon, Paris 1830, t. VI, p. 107.)
[88] Plusieurs auteurs semblent croire à l'authenticité d'une note sur Bonaparte ainsi conçue : Napoléon Bonaparte, né en Corse. Réservé et studieux, préfère l'élude à toute espèce d'amusements ; se plaît à la lecture des bons auteurs ; très appliqué aux sciences abstraites ; peu curieux des autres ; connaissant à fond les mathématiques et la géographie ; silencieux, aimant la solitude ; capricieux, hautain, extrêmement porté à l'égoïsme ; parlant peu ; énergique dans ses réponses ; prompt et sévère dans ses réparties, ayant beaucoup d'amour-propre ; ambitieux et aspirant à tout ; ce jeune homme est digne qu'on le protège. J'ai cherché quelle était la source où Iung, entre autres (I, 125), avait puisé ce portrait qui n'a aucun caractère d'authenticité. Je l'ai trouvée dans les Mémoires historiques et inédits sur la vie politique et privée de l'empereur Napoléon, par le comte Charles d'Og... Paris, 1822, in-8°, que j'ai déjà signalés comme un recueil de pièces entièrement apocryphes, un véritable roman. Ici l'auteur (Barginet, dit-on) annonce que cette pièce a été imprimée en 1800, à Leyde, dans un ouvrage qui a été supprimé par la suite, et prétend l'avoir copiée sur une copie faite par Mallet-du-Pan, lequel tenait le texte de Mme de Staël. Voilà d'étranges références et il faut quelque naïveté pour les admettre.
[89] Coston, I, 72. Coston dit tenir cette lettre du gendre de M. Labitte, M. Rattier, négociant, rue des Fossés-Montmartre, à Paris. Il ajoute que M. Rattier s'étant présenté à l'Empereur comme gendre de M. Labitte, Napoléon lui accorda pour un de ces beaux-frères un siège d'avocat général et pour lui-même, la fourniture du Palais impérial et le titre de marchand de drap de l'Empereur. M. Iung publie cette lettre, I, 126, sans indication de source. S'il avait regardé les dates, il aurait vu que, s'il ressort de ce document que Napoléon désirait rentrer dans l'argent appartenant à son oncle, il n'en résulte nullement qu'il fût alors sans ressources et qu'il se trouvât sur le pavé depuis le 22 septembre jusqu'au jour où il reçut ses lettres de service.
[90] Edition de 1893, I, p. 59 et 81.
[91] Cette légende a donné lieu à une des plus ingénieuses recherches de M. Auguste Vitu dont le livre : La maison mortuaire de Molière demeure un chef-d'œuvre pour les travailleurs consciencieux. Dans La mansarde de Bonaparte au quai Conti, article qu'il a publié dans le Bulletin de la Société de l'histoire de Paris (novembre-décembre 1884), Auguste Vitu démontre victorieusement que les Permon habitaient impasse Conti, n° 2, mais non que Bonaparte ait résidé chez eux.
[92] I, 85.
[93] Mémoires, I, 81.
[94] En particulier Iung, I, 122, 123 et 124.
[95] Les parents des demoiselles qui voudront les voir pourront venir à Saint-Cyr seulement dans les huit jours des quatre têtes annuelles, savoir : Noël, Pâques, la Pentecôte et la Toussaint, à commencer le lendemain de chacune de ces fêtes. Lavallée, Histoire de la maison de Saint-Cyr, 1853, in-4°, p. 323, règlement de 1784.
[96] Je dois la communication de ces précieux documents à M. le conseiller Levie-Ramolino.
[97] Adresse à Monsieur, Monsieur de Buonaparte à Ajaccio en Corse, à Ajaccio. (Timbre de Versailles.)