La société de Joséphine avait été, sauf quelques exceptions assez rares, la société de Barras : C'était avec Mme Tallien et Mme de Château-Renaud qu'avaient été les grandes liaisons, non seulement de Joséphine, mais du général Bonaparte et il n'est que de renvoyer sur ce sujet à ses premières lettres d'Italie. A présent, on se souvenait à Paris de Chanteloup et, à partir du moment où le général Barras avait été prié d'en sortir, la mode s'était formée d'être sur la route de Grosbois. Généraux, fonctionnaires de tous les ordres, ministres en exercice et ministres in partibus, législateurs des deux Conseils, financiers, et jolies femmes — car, au château, se trouvaient d'abord Mme Tallien qu'on appelait Tallita dans cette intimité et Mme de Château-Renaud laquelle avait alors des bontés pour ce Fournier qui se para plus tard du nom de Sarlovèze. M. de Châteaurenaud, polir ne point compromettre Mlle Lange qu'immortalisa l'opérette et qui avait alors épousé M. Simon, fabricant de voitures à Bruxelles, avait sauté la fenêtre d'un premier étage et s'était abîmé la figure et déformé le nez. Mais on trouvait que cela lui seyait. Derrière les intrigues de ces clames et de quelques autres qui les accompagnèrent et les rejoignirent, s'agitaient des conspirations assez sérieuses, non pas pour inquiéter Bonaparte, mais pour l'induire à des précautions. On savait que des généraux, ralliés en apparence, se réunissaient chez l'ancien directeur et que celui-ci leur avait proposé d'entourer le Consul un jour de revue et tous ensemble de lui plonger leur épée dans le cœur. Bernadotte était un de ces conjurés, et non pas le moins violent en paroles, le moins décidé dans ses discours. A cette proposition, il sauta de son siège et, se promenant à travers la pièce : C'est sublime, s'écria-t-il, sublime ! C'est un moyen infaillible, digne de l'antiquité. César, c'est César qu'il faut tuer ; il y eût un arrêt : Mais... ajouta-t-il, je n'en aurais jamais le courage. Barras apprit un matin par un billet de Fouché que, s'il ne partait pas, il serait enlevé par la gendarmerie. Il envoya les jeunes gens qui se trouvaient chez lui, s'assurer que les gendarmes marchaient et, aucun doute ne subsistant, il se décida à un départ qui eut tout l'air d'une fuite. Néanmoins, il avait eu soin de cacher, chez plusieurs de ses amis, des lingots d'or qui lui assurèrent, où qu'il portât ses pas, une existence enviable. Mais la société qu'il avait formée au Luxembourg et à laquelle Joséphine avait intimement participé disparut avec lui, et une formule différente prévalut. *** Les membres du Consulat provisoire : Bonaparte, Sieyès et Roger Ducos avaient tenu leur première séance au Luxembourg le 20 brumaire. Le 24, Bonaparte quitta sa petite maison de la rue de la Victoire pour aller demeurer au Luxembourg. Roger Ducos et Sieyès avaient repris chacun son appartement dans le palais. Le Général eut celui qu'avait occupé le général Moulins, au rez-de-chaussée, à droite en entrant par la rue de Vaugirard ; Mme Bonaparte habita l'appartement de Gohier au premier ; elle communiquait avec son mari par un escalier dérobé. Une vie simple : tous les jours, une table de vingt couverts où s'asseyaient ceux que le Général avait retenus, huit personnes parfois. Des mets peu compliqués mais bien accommodés, un seul service relevé du dessert. Bonaparte était servi par deux mamelouks. L'on restait à table un quart d'heure à vingt minutes. Chez Mme Bonaparte, on entrait sur un billet. On y trouvait quelques-unes des femmes tout .à fait intimes, comme Mme de Kreny, puis des femmes de grands fonctionnaires dès qu'il y en eut. Beaucoup d'hommes, et des hommes connus, comme M. de Laigle, M. de Mun, M. Just de Noailles, sans parler des frères de Bonaparte et des grands employés du Régime, comme Defermon, Regnaud, Boulay, Monge, Berlier, Cambacérès. Mais fallait-il que les dames qui entouraient, Mme Bonaparte fissent attention à leurs toilettes. Autrement recevaient-elles, par la voie du Moniteur, un avertissement qui n'était point sans frapper. On y lit en Variétés, à la date du 4 ventôse : Dans le mois de décembre dernier, il y eut grande assemblée au Luxembourg. Lorsque tout le inonde fut rendu dans la salle de compagnie, B... commanda à ses gens de faire grand feu. Il affecta même de leur répéter cet ordre à deux ou trois reprises ; sur quoi, l'un d'eux se permit de lui observer qu'il était impossible de mettre plus de bois dans la cheminée. Cela suffit, dit alors B... d'une voix un peu plus élevée. J'ai voulu qu'on prit soin de faire grand feu, car le froid est excessif : ces dames d'ailleurs sont presque nues. On comprend que Joséphine fut tremblante comme la feuille, ainsi que dit Victorine de Chastenay, et qu'elle redoutât constamment de pareilles algarades qui, empruntant la trompette du Moniteur, retentissaient dans la France et l'Europe. Ainsi, à propos du même sujet, Bonaparte faisait mettre dans son journal : Les femmes reprennent les étoffes de soie ; ce n'est pas parce que le froid les force à se couvrir, mais parce que la mode veut bien s'accommoder avec la décence. On assure que Bonaparte a témoigné plusieurs fois qu'il n'aimait pas les femmes nues dans un salon et l'on s'habille aujourd'hui pour plaire. Tout cela tombait sur Joséphine à laquelle les modes de nudité allaient à merveille et qui se trouvait contrainte à se vêtir. Cela rendait la vie compliquée. En sorte que, au Luxembourg, dans le salon même, tout paraissait décousu jusque dans le genre des politesses. Il y régnait une sorte de gêne et d'embarras comme si l'on se sentait constamment en représentation et sous l'œil du public, des journalistes et des pamphlétaires qui ne laissaient rien passer et qui n'attendaient qu'une occasion pour les attaques. Bonaparte avait soin de donner à sa vie une publicité qui ne laissât aux pamphlétaires aucun moyen de le calomnier. Malgré la lourdeur de ses occupations, il allait se promener tous les jours, en calèche, sur le boulevard, son piqueur Lavigne à la tête, Roustam, son mameluck, à la portière. Il allait au Jardin des plantes, faire une visite au vénérable Daubenton ; un autre jour, il visitait les prisons et s'informait des motifs pour lesquels chaque individu était détenu. Il allait très souvent à Malmaison, où il trouvait quelque moyen d'être libre et où sa femme avait un peu moins de gêne, mais il en revenait à temps pour assister au spectacle, aux Français ou aux Italiens. L'Opéra annonça qu'il préparait une fête brillante en l'honneur de Bonaparte. Il y aura bal paré, disait le Moniteur, précédé de ballets analogues aux circonstances. Devisme, directeur du théâtre, avait même mis un avis dans le Moniteur pour faire appel à tous les virtuoses qui voudraient paraître dans le ballet de Mirza : cela faisait une nouvelle. Aussi l'Ami des Lois s'en empara et dit que le premier consul Bonaparte venait de commander une fête qui coûterait 200.000 francs. Cela est faux, répliqua le Moniteur ; le premier consul Bonaparte sait que 200.000 francs sont le prêt d'une demi-brigade pendant six mois. Et le journaliste, écrasé par le démenti, n'osa point répliquer. Ce n'est pas pourtant que Bonaparte admette qu'on le
présente comme indifférent aux choses d'art et particulièrement à la musique.
Piccini, revenu à Paris au commencement de l'an VII, s'est trouvé réduit à la
misère et, en l'an VIII, il a demandé une audience au Consul. La réponse fut prompte et accompagnée d'une carte d'entrée
dont Piccini se hâta de profiter. Il se rendit au Luxembourg. Il y avait
beaucoup de monde. Bonaparte, dès qu'il l'aperçut, vint au-devant de lui et
le pria de s'asseoir. Piccini refusait : Asseyez-vous, je vous prie,
reprit le Premier Consul. Un homme de votre mérite ne doit se tenir debout
devant personne. Après avoir causé quelque temps avec lui : Vous allez,
lui dit-il, passer chez ma femme. J'irai
vous y trouver et nous déjeunerons ensemble. Il le conduisit lui-même à
l'appartement de Mme Bonaparte, l'annonça et retourna finir son audience. Il vint ensuite, comme il l'avait promis. Pendant ce temps, Piccini avait été comblé des attentions les plus délicates. Le Premier Consul s'entretint avec lui près d'une heure. Il fit créer pour lui une sixième place d'inspecteur de l'enseignement au Conservatoire à titre de récompense nationale et lui demanda une nouvelle marche pour la Garde consulaire. Dès qu'il la reçut, Bonaparte lui envoya un de ses 'aides de camp pour le remercier et le prier de recevoir vingt-cinq louis. Mais Piccini ne profita point de ce retour de fortune ; il mourut à Passy, le 17 floréal an VIII, à l'âge de 72 ans. Ce qu'il faut retenir, c'est le rôle attribué à Joséphine. Elle a pour charge et mission d'accueillir dans son salon ceux que son mari introduit, de les combler des attentions les plus délicates, de leur prodiguer les agréments de sa conversation ; de leur annoncer parfois de bonnes nouvelles, mais le Consul a soin qu'elle ne paraisse dans aucune circonstance officielle. Ainsi, aux réceptions : les réceptions ont lieu à huit heures du soir. La salle où le Consul reçoit est au rez-de-chaussée, et peu grande. Avant huit heures, il y a déjà assez de monde, et lorsque, au coup de l'horloge, le Consul parait, on forme le cercle et cela, aux yeux de certains, semble montrer un goût royal, tandis que c'est une habitude militaire. En fait, c'est ainsi que Bonaparte parle à ses hommes, depuis son arrivée à l'Armée d'Italie — il n'y a pas quatre ans ! Joséphine était délivrée de beaucoup de soucis — certes. — Elle était déjà la première femme en France, mais ce qu'elle s'ennuyait ! N'ayant plus personne qu'elle pût fréquenter de ses anciennes relations, empêchée de se rendre aux petits théâtres qu'elle aimait, elle avait pour ressource — vraiment médiocre — les bals, dits de société, auxquels l'invitait François-Étienne Despréaux. Despréaux danseur, maitre de ballet, chansonnier et tenancier d'un de ces bals où l'on entrait en payant, était aussi et surtout le mari de la Guimard. Il costumait ses doigts et les faisait si bien danser qu'ils semblaient des êtres vivants ; son bal servait à le faire vivre et n'était point trop mauvaise compagnie. Cela prenait l'apparence d'une leçon de danse, mais tournait volontiers à ce qu'on appellerait aujourd'hui la leçon de flirt. Or Despréaux qui avait jadis rencontré Mme de Beauharnais, se présenta chez elle au Luxembourg pour l'inviter à venir au bal chez lui. Elle y vint le lendemain avec son fils et sa fille. Elle revint plusieurs fois et elle arrivait toujours la première. Telle était l'indigence de ses soirées qu'à la première invitation d'un maître de danse à des bals demi-payants, elle se précipitait, avec Hortense et Eugène, chez Mlle Guimard ! Assurément, on s'est rarement autant ennuyé qu'a fait Joséphine durant ces premiers mois du Luxembourg, mais comment s'y soustraire Bonaparte, revenant d'Egypte, a payé pour elle une si forte somme qu'elle a réfléchi. C'est unique un homme qui, d'un coup, aligne deux millions et ce n'a guère été moins. Bonaparte a payé le 24 brumaire 1.195.000 francs de biens nationaux dans le département de la Dyle, qui, le 8 frimaire an XIII, serviront à la dot de Marie-Adélaïde dite Adèle ; fille naturelle de M. de Beauharnais, lorsque Joséphine la mariera à François-Michel-Augustin Lecomte, capitaine d'infanterie, nommé pour ce mariage receveur particulier à Sarlat. Il a payé le principal de Malmaison, 225.000 francs. Il a payé aux fournisseurs de Joséphine 1.200.000 francs. Mais il sait ce que valent ces fournisseurs de jolies femmes dans l'art d'enfler les factures. Elles n'y regardent point, car, à moins d'un coup de chance, elles ne paieront pas et s'il se rencontre quelqu'un qui paie, que leur importe ? Il a donc soin de s'enquérir, de rabattre et de régler à moitié tout juste : 600.000 francs. Les fournisseurs gagnent encore de cinquante à quatre-vingts pour cent : c'est honnête. Jamais Joséphine n'avait rêvé d'être sans dettes et cela, assurément, est contraire à son tempérament ; aussi se hâte-t-elle d'en faire de nouvelles ; mais du moins renonce-t-elle à spéculer sur les fournitures et, dès le 22 frimaire, écrit-elle à ce sujet au citoyen Lagrange, en le priant de régler ses intérêts avec les compagnies de subsistances et d'habillement militaires d'après les intentions du ministre de la Guerre et de mettre dans cette affaire toute la discrétion et la délicatesse dont il est capable. Ceci finit et achève tout, c'est l'acquit, semble-t-il, et il ne sera plus question d'affaires, quels que soient les besoins de Joséphine et quelles que soient ses dettes. Avec une clairvoyance méritoire, Sandoz-Rollin, ministre de Prusse, écrit de Bonaparte à sa cour le 20 pluviôse : En politique comme en administration personne n'influe d'une façon habituelle sur sa volonté et sur son esprit, sa femme moins encore que qui que ce soit et il ne l'écoute que pour les objets de bienfaisance. C'est là le ministère qu'il lui a assigné, ministère qui aura des ramifications presque à l'infini, qui reliera au nouveau régime la société ancienne, qui assurera aux personnages ruinés des moyens de vivre, des restitutions de forêts, des places et des rangs, qui les jettera tous empressés et pantelants aux pieds de celui qui leur procurera les moyens de refaire leur fortune. Le moment n'est pas encore venu ; on n'a à peu près rien de ce qu'on souhaiterait dans le salon de Min' Bonaparte, rien que la famille qu'on prétend accroître. On y a admis Murat, sans grand plaisir à dire vrai, car le Consul le trouve peu sûr, encore ne sait-il pas tout. Mais Murat passe pour avoir fait, non sans succès, la cour à Joséphine lorsqu'il a porté à Paris les drapeaux de Mondovi. Il en est même résulté pour lui en ce temps une sorte de disgrâce et il a failli s'écarter de Bonaparte. Or, à présent, Joséphine prend sa cause en main ; elle se met par là hors de soupçon, aux yeux du Consul. De plus elle croit s'assurer dans les jeunes époux des alliés fidèles. Enfin, à ce moment, Caroline est fort intime avec Hortense et Hortense : n'est pas sans quelque influence sur sa mère. Tout de même, si Moreau s'était présenté, il eût été agréé d'enthousiasme. Point de doute à ce sujet car on lit dans le Moniteur du 24 brumaire : On assure que Moreau doit épouser une des parentes de Bonaparte. Or Caroline — née Maria-Annunziata — est la dernière des sœurs de Bonaparte qui ne soit point mariée. Moreau n'étant point venu pour cette invite, on prend Murat, dont Caroline a le goût et qui a une façon cavalière de se poser en amant qui plaît. Cependant l'on avance dans les étonnantes complications que Sieyès a préparées, pour les modes d'élections dans la Constitution nouvelle, et l'on parvient à mettre presque sur pied les fameuses listes d'éligibilité, base essentielle et mort-née — du chef-d'œuvre enfanté par le plus distingué des idéologues politiques. Parallèlement, on met en ordre les Tuileries où le Premier Consul devra habiter et cela donne lieu dans le Moniteur à des communications comme celle-ci : Le Premier Consul a chargé le citoyen David de faire placer dans la galerie des Tuileries le buste antique de Junius Brutus qui a été apporté d'Italie. Ce beau morceau de sculpture était exposé à Rome, au Capitole dans la salle appelée des Sénateurs. Comment douter dès lors que Bonaparte ne soit en propre l'ennemi des tyrans et qu'il ne défie les poignards ? Quelques jours plus tard, il est vrai, Junius Brutus sera confondu dans la galerie des Tuileries avec bien d'autres orateurs et guerriers plus ou moins mémorables, parmi lesquels huit Français. On y rencontre en statues Démosthène, Alexandre, Annibal, Scipion, Brutus, Cicéron, Caton, César, Gustave-Adolphe, Turenne, le Grand Condé, Duguay-Trouin, Marlborough, le prince Eugène, le maréchal de Saxe, Washington, le Grand Frédéric, Mirabeau, Dugommier, Dampierre, Marceau et Joubert. Assurément, c'est là un extraordinaire mélange et certains personnages, à ce moment même ennemis de la France ou sortant tout juste de l'être, n'ont aucune raison de figurer — et de figurer officiellement — dans le palais du Gouvernement français. Il y là, en même temps que d'étranges exclusions — Hoche en particulier, — de curieuses adjonctions. En floréal, d'ordre du Consul, on ajoute Sully, Colbert, Ruyter, Montesquieu et Lhopital. Cela ne peut s'exécuter en marbre qu'avec du temps et la manifestation suffit, tout autant pour le moins que vingt-sept statues, pour attester qu'on est sorti des époques révolutionnaires. Il y en a bien d'autres témoignages. D'abord, au-dessus de la grand'porte des Tuileries où se trouvaient les mots Egalité, Unité, Liberté, le Consul fit substituer le mot de République à celui d'Unité. Devant le palais, le Comité de Salut public a fait planter des arbres (de la Liberté) qui, dit le Moniteur, masquent totalement ce bel édifice. Ordre de les arracher. Partout, sur les murs, on avait peint des bonnets rouges pour immortaliser les blessures que la pierre avait reçues au Dix Août : Faites-moi disparaître ces saloperies-là, dit Bonaparte à l'architecte et l'on s'empresse. L'on pense qu'il va résulter de l'installation aux
Tuileries une nouvelle étiquette et l'on ne se trompe point : Jusqu'à présent, écrit Sandoz Rollin, le 20
pluviôse (9 février 1800), les convocations fréquentes du Conseil d'État et des
ministres rendaient le Consul presque invisible aux ministres étrangers, mais,
ajoute-t-il, cela ne sera pas de durée. Dès qu'il
aura pris possession de son nouveau logement aux Tuileries, je suis sûr qu'il
sera très accessible au Corps diplomatique. Nulle cérémonie n'est observée au
reste. On converse assis on debout, selon que cela est à la convenance de
celui qui est admis. Cependant, le Consul regarde l'étalage du luxe et d'une
grande représentation comme nécessaire pour une nation frivole. Aussi, les
meubles de son nouvel appartement sont riches et magnifiques. Sa chambre à
coucher est celle qui occupait Louis XIV. Peut-être, mais ce n'était point qu'il y couchât. On avait placé un lit de parade qui n'était pas le lit de Louis XVI dans la chambre qui faisait suite à son cabinet, en allant au midi vers le grand escalier du Pavillon de Flore, et cela faisait une représentation qu'il s'efforça constamment à rendre de plus en plus somptueuse, mais il n'y couchait pas ; il couchait dans l'appartement de sa femme au rez-de-chaussée : il y descendait par un petit escalier donnant dans une garde-robe attenant à son cabinet et qui avait servi d'oratoire à Marie de Médicis. Ces coins et ces racoins étaient à l'infini dans les Tuileries. Cela était grand et incommode. Ainsi, de son cabinet, le Consul passait, à droite, par une petite pièce où se tenait Duroc, dans les grands appartements donnant sur la cour et, de la chambre à coucher de parade, dans lé grand salon de réception, au plafond duquel Lebrun avait peint un Louis XIV triomphant ; puis venaient la salle des Gardes et le grand escalier du Pavillon de Flore. La première fois que Rœderer vit Bonaparte aux Tuileries, il lui, dit en considérant tes vieilles et sombres tapisseries et l'obscurité des appartements où il n'y avait pas de jour : Ceci est triste, Général. — Oui, répondit-il, comme la grandeur. C'est à quoi l'on avait visé dans le palais au temps des rois et c'était ce qu'on avait atteint. Si, au rez-de-chaussée destiné à Joséphine, on n'eut dans les arrangements qu'un médiocre souci de la grandeur, l'on chercha la commodité : on y parvint presque. On pénétrait par un perron ouvrant sur la cour du Carrousel, à l'encoignure du Pavillon de Flore, et menant à l'escalier conduisant aux appartements du Consul. On pénétrait du palier dans une série de petites pièces sur lesquelles se développaient les salons, en façade sur les jardins. Lecomte qui, comme architecte, a eu mission de faire tout avec peu d'argent, s'est employé de son mieux à satisfaire une femme naturellement capricieuse et portant à l'extrême le goût d'être à la mode, dans ses ajustements comme dans ses appartements. Au cas présent, et durant le temps presque entier qu'elle passa aux Tuileries, soit près de neuf animées, Joséphine, quelle que fût sa volonté de mettre Louis XIV à la mode du jour, se heurta à deux obstacles que les ordres du Consul ne permettaient point de tourner et qui tenaient au bâtiment même. Du dedans, une personne assise ne voyait rien du dehors, tant les appuis des croisées étaient élevés, mais on n'eût pu les abaisser sans gâter l'architecture de la façade et il fallait vivre derrière un mur. Si fort qu'on l'ornât, il n'en était pas plus gai. D'autre part, si quelqu'un s'avisait d'ouvrir une fenêtre ou de lever un rideau, la foule accourait, d'autant plus empressée qu'elle était littéralement à pied d'œuvre. Rien ne la séparait du palais qu'une terrasse haute de deux marches. La rue entrait dans les Tuileries et, ni le Consul, ni l'Empereur, ni Louis XVIII, ni Charles X n'osèrent s'affranchir de cette sujétion. Il fallut Louis-Philippe pour creuser un fossé et dresser une balustrade. Donc, Joséphine n'avait point la liberté d'ouvrir ses fenêtres, ni Bonaparte celle de sortir dans le jardin ; ce ne fut que bien plus tard qu'il fit creuser le souterrain qui mit la Terrasse du Bord de l'eau en communication avec le palais, plus tard, lorsqu'il était mari d'une jeune femme et père d'un beau petit garçon. Les salons qui donnaient sur le jardin furent donc habillés avec des soies de couleur qui s'accordaient mal que bien avec les plafonds peints et décorés à la façon du XVIIe siècle. Le premier après l'antichambre était tendu de taffetas lustré d'un bleu violacé, brodé de chèvrefeuilles marron. Les rideaux de même avec broderies de drap. Les meubles recouverts de même. Au mur, le tableau célèbre du Dominiquin représentant sainte Cécile coiffée d'un turban et jouant de la harpe. Le second salon, qui a pris une sorte de célébrité, était orné de tentures en satin jaune et feuille morte avec des franges rouges. Des glaces, drapées et non encadrées, ce qui est d'un bien meilleur effet. Sous ces glaces, de belles consoles en porphyre et en marbres rares ; ces consoles supportent des vases en porcelaine de Sèvres, d'autres de granit rose montés en bronze et de très beaux candélabres. Au plafond, est suspendu un lustre de cristal de roche monté en bronze. Les chaises sont recouvertes de charmantes tapisseries. Ensuite, vient la chambre à coucher commune, à Bonaparte et à sa femme. Les meubles sont recouverts de soie bleue et blanche avec des franges d'or. Le lit, placé dans un enfoncement, est en acajou massif avec des ornements de bronze doré, riches mais un peu lourds. Aux motus de jolis tableaux anciens. Puis la salle de bain qui n'a rien de remarquable. C'est là que Bonaparte se rase et fait une toilette rapide. De cette pièce, un escalier dérobé conduit au-dessus, dans le cabinet de travail du Consul. Après la salle de bain sur laquelle est pris un couloir, vient un cabinet de lecture, c'est-à-dire une petite pièce entourée, jusqu'à hauteur de la cheminée environ, de bibliothèques fermées, en bois de palissandre, incrusté à la grecque de bois de citronnier. Les murs au-dessus sont tendus de vert. Dans cette pièce est placée la Madonna della Sedia : mais c'est une copie, à moins que le tableau original n'ait été restauré de manière à perdre tout caractère. A la suite du cabinet de lecture, le cabinet de toilette de Mme Bonaparte est décoré avec la plus grande élégance. C'est une chambre basse de plafond, à rideaux de mousseline brodée doublé de taffetas lustré avec des franges blanc et or. Ensuite vient une petite chambre qu'occupa Mlle Hortense jusqu'à son mariage. Tout cela en façade sur le jardin, triste et obscur ; on a tenté d'y remédier en disposant partout des glaces et l'on a formé, dans la salle de bains, une niche de trois glaces, de même que dans le boudoir. Au surplus, dans les premiers temps d.0 Consulat, les travaux se bornent à peu de chose. On a balayé, de devant le palais, les ignobles échoppes qui en encombraient les cours. On s'est efforcé d'installer dans les Tuileries tous ceux qui touchaient au gouvernement. On a placé, près des appartements de la femme du Consul, les bureaux de la Secrétairerie d'Etat, ceux de l'aide de camp chargé du service intérieur. Comment se représenter dans ce palais où chaque génération depuis Louis XIV a travaillé et laissé son empreinte, les corridors-noirs, les escaliers où l'on ne passe qu'en s'effaçant, les entresols gagnés sur l'étage formant des petits appartements, comme le Premier Consul en a un au premier étage : ces chambres à l'infini où l'on a tué, au Dix Août, des femmes, des soldats suisses, des chevaliers du poignard dont le sang anonyme traîne encore sur les parquets. Durant ces premiers mois, on va au plus pressé. Le Consul désire prendre possession. Deux, trois fois, l'annonce a été faite qu'il allait quitter-le Luxembourg et venir aux Tuileries, mais il manquait toujours quelque ressort à la Constitution ou quelque clou au palais. Enfin, dans la nuit du 21 au 22 frimaire (12 au 13 décembre 1799), la Constitution a été définitivement arrêtée entre les Consuls provisoires et les Commissions législatives des Anciens et des Cinq-Cents. Elle a été présentée par les Consuls aux Français qui, le 18 pluviôse (7 février 1800), l'ont acceptée par 3.011.007 voix contre 1.562. Quelque chose de nouveau s'est produit. Après dix années continuelles de révolutions sanglantes, la France est en possession d'un gouvernement élu par la nation. Aucune des constitutions antérieures, ni celle de 91, ni celle de l'an Ill n'a été soumise au peuple, seule celle de 93 l'a été, mais on l'a tout de suite déclarée inexécutable. Tout est prêt le 30 ventôse (19 février) pour l'installation et, comme on n'a travaillé ostensiblement qu'à dater du 24 frimaire (14 décembre), c'est en deux mois que tout a été accompli, que tout a été meublé, décoré, doré dans ces appartements où l'on se battait huit années auparavant. Le cortège part à une heure du Luxembourg. En tête une musique militaire, puis l'Etat-Major de la 17e division, puis des voitures, beaucoup de voitures, tous les fiacres de Paris, dont les numéros sont recouverts de papier. Dans ces voitures, les conseillers et le secrétaire d'Etat, le secrétaire général, les ministres, enfin les Consuls. Le Premier Consul, avec Cambacérès et Lebrun, dans une voiture attelée de six chevaux blancs que l'Empereur lui avait donnés. A peine arrivé au-devant du palais, Bonaparte monte à cheval et parcourt les rangs de la nouvelle Garde consulaire, formée de la Garde des Conseils et de la Garde à cheval du Directoire. Après quoi, il se rend dans une des salles du palais, où les ministres de l'Intérieur, de la Marine, de la Guerre et le général Murat présentent successivement les employés de leurs départements, l'Etat-Major de la 17e division et celui de la Garde. Nulle femme ne parait officiellement, mais, des fenêtres du Pavillon de Flore, elles assistent à l'arrivée et à la revue. Ainsi paraît-on inaugurer un gouvernement purement masculin et Joséphine, comme il convient, n'a pris aucun rang dans le cortège, car elle n'a aucune place dans la Constitution, et, semble-t-il, aucun rôle dans la société. Elle n'a pas plus à se montrer lors de l'arrivée aux Tuileries, que lors des cercles diplomatiques, celui par exemple du 2 ventôse (21 février) où les membres du Corps diplomatique, au nombre de douze, sont reçus dans les grands appartements avec un luxe d'introducteurs digne des beaux temps de la monarchie, remettent leurs lettres de créance et reçoivent du Premier Consul quelques mots de bienvenue. Dès lors la vie est réglée. Le 2 et le 17 de chaque mois, réception des ambassadeurs ; le 2 de chaque décade les sénateurs et les généraux ; le 4, les membres du Corps législatif ; le 6 les membres du Tribunat et de la Cour de cassation ; les officiers, préfets, juges, citoyens qui désirent conférer avec le Premier Consul sont reçus sur la présentation de leurs ministres et quant aux citoyens qui ne remplissent aucune fonction publique, ils s'adresseront au citoyen Benezech, conseiller d'Etat, qui prendra les ordres du Consul. Tous les quintidis, à midi précis, il y aura grande parade de toute la garnison et de la Garde des Consuls dans la cour du palais du Gouvernement. Après la parade, le Premier Consul recevra les militaires de tous grades. Qui ne la connait cette Parade du Quintidi où s'empressent les Parisiens et les étrangers, et qui suffit à rendre l'aspect de l'Etat-Major et de la Garde consulaires. On a là sous les yeux ces jeunes hommes déjà somptueusement parés, dont le nom a atteint en quelques années une renommée universelle ; ils entourent le Consul, maigre, sec, froid, sans un galon ; distingué bien mieux par la simplicité de son costume et l'austérité de sa tenue. Tout, chevaux, harnachements, uniformes, les soldats qui défilent, la cour du Carrousel et les maisons qui l'entourent, les Tuileries et chacune des fenêtres avec ses spectatrices, tout fait, de cette gravure d'après le dessin d'Isabey, un des plus curieux tableaux d'histoire et une réalité frappante y est accompagnée d'une vision élégante des choses. Une revue exceptionnelle est passée au Champ-de-Mars le 25 ventôse (16 mars) de toutes les troupes qui se trouvent à Paris ; cela faisait quinze à dix-huit mille hommes. Les deux consuls Cambacérès et Lebrun sont placés avec une nombreuse société sur le balcon de l'Ecole militaire. Sans doute Joséphine est-elle dans la nombreuse société, mais il reste à la deviner. De même assiste-t-elle au bal masqué qui devait avoir lieu au Théâtre de la République et des Arts le 5 ventôse et qui est remis au 6 (25 février) ? Cela est un événement, car depuis près de dix ans il n'a plus été question de ce qui fut le divertissement favori des Parisiens. Il paraît, écrit le Moniteur, que le bal sera un des plus brillants qu'on ait jamais vus à l'Opéra, s'il faut en juger par les préparatifs qu'on fait pour y figurer et le désir que le public témoigne, de toute part, de jouir d'un divertissement dont il a été privé pendant tant d'années. Les portes ouvrent à minuit ; on entre moyennant un billet de six francs ; ni armes, ni cannes, qu'on dépose à l'entrée. Dans le vestibule intérieur, on trouve des masques, des dominos et des habillements de bal. Les militaires payants doivent laisser à la porte leurs armes et leurs éperons. Il vient cinq à six mille personnes ; la recette atteint 26.008 francs ; un journal écrit : En voyant assises à ces jeux quelques personnes de la famille du Premier Consul, on a supposé que lui-même était venu dans une loge grillée contempler ce spectacle bien propre à lui inspirer une noble vanité. C'était une révolution qu'un bal masqué ; et cette révolution se renouvela trois fois en germinal ; les bals coupés par un concert religieux où l'on exécuta, en présence de Mme Bonaparte, le Stabat de Pergolèse, la salle étant éclairée de la même manière que les jours de bal masqué. Les bals masqués ressuscitent donc en même temps que la
musique sacrée : signe des temps. Peu à peu, d'autres se produisent qui
annoncent les jours nouveaux. Quoiqu'on affirme que l'épouse du Consul n'a
rien à voir dans le Gouvernement, il arrive que peu à peu, en sortant des
audiences officielles, on aille chez Mme Bonaparte. Certaines gens disent
bien que cela se passait de même sous la tyrannie, et qu'après avoir été
présenté au roi, on allait ainsi chez la reine ; mais les autres sont à ce
point altérés de bonnes façons, de courtoisie, de sociabilité qu'ils suivent
le mouvement. Je ne m'attendais pas, dit le
Premier Consul au ministre de Prusse, d'avoir
réveillé tant d'enthousiasme dans cette nation. On ne saurait s'en faire une
idée... Et après un temps il ajoute : Il n'y
a que cette nation au monde susceptible de passer de l'abattement le plus
profond à l'élan le plus extraordinaire. On ignore cela dans l'étranger et
par conséquent ses moyens et sa puissance. Bien plus que les
mouvements qui touchent à la politique, les mouvements sociaux sont profonds
et étendus. La France dans son ardeur à revivre se jette vers, celui qui
semble lui promettre, en même temps que la paix, la prospérité et la gloire,
une existence régulière, décente et douce. Que l'on ait la liberté d'aller,
de venir, de commercer et même de penser ; le surplus viendra par surcroît ; mais
on est las de n'être ni gouverné, ni gardé, de lie sentir jamais aucune
sécurité ni pour l'heure présente, ni pour l'heure prochaine. Sans sécurité,
une société est impossible : seule la sécurité assure l'existence sociale et,
dans l'oisiveté des jours, amène des plaisirs qui ne soient point surpris,
qui n'aient point la brusque violence des joies dérobées. Depuis la chute du roi, l'on a vécu si vite que partout, et chez tous, s'est répandu le besoin de s'asseoir, de se reposer, de causer gentiment, de prendre des jours où l'on vivra à sa fantaisie et pour son plaisir. Cela qui, durant un siècle, avait semblé l'essentiel pour la société française ; cela qui l'avait portée en Europe à une force de popularité aristocratique, qui dans l'exil assura à bien de ses membres les moyens de vivre ; cela, cette grâce, cette aisance, ce ton de bonne compagnie, cette façon unique de recevoir, d'accueillir, de rassurer, de mettre en valeur, cette supériorité qui paraissait ingénue et qui en tous cas n'était jamais apprise, pour désigner les places.et formuler les titres et les noms, cet art des nuances qui contrastait si fort avec la brutalité jacobine, où et comment le retrouver, non pas entier, certes, mais même morcelé et brisé : Qui pourrait, hormis une femme, introduire chez les victorieux, chez les coupeurs de tètes et de bourses, une façon à peu près décente de vivre, l'art perdu de se tenir, de parler, de marcher, d'entrer dans un salon, de s'y asseoir et de causer Ce n'est pas tout de suite qu'on s'y mettra et pour atteindre une forme tolérable, la raideur de la discipline ne sera point inutile. Elle ménagera le passage. Aux hommes, oui, mais les femmes ! On a vu ce que Bonaparte a écarté et ce qui s'est écarté presque de soi. Mais il faut quelque chose pour le remplacer. Le Premier Consul, écrit un contemporain qui fut spectateur et même acteur, s'était montré sévère sur le choix de la société de Mme Bonaparte. Elle s'était composée depuis le 18 brumaire, des femmes des fonctionnaires civils et militaires. Pour elles comme pour leurs maris, la transition avait été un peu brusque. Il leur fallait une institutrice, et ce fut Joséphine. A la vérité, y était-elle préparée ? Ce qu'on sailli de son existence antérieure, n'apprend pas que, par son éducation, elle y ait été disposée. Du jour ou elle a débarqué à Brest, venant de sa chère Martinique, la grosse fille qu'elle était, a regardé autour d'elle et a bu, à petites gorgées, l'étonnant breuvage français. Petites, toutes petites, car on ne voyait âme qui vécut chez le marquis, rue Thévenot, chez le vicomte, rue Neuve Saint-Charles ; la combinaison de Mme Renaudin a fait faillite et Alexandre, malgré qu'on l'eût marié à une fille sans dot pour ne pas lui rendre les comptes qu'on lui devait, réclamait son argent par des procès qui menaçaient de scandales. Ce fut par un trou de serrure, qu'elle fut admise à l'apprendre, au couvent de Panthemont où elle s'était réfugiée en attendant que la justice l'eut séparée de ce mari par qui elle a connu l'abjection des âmes de réformateurs et de pédagogues incapables de pitié, rudes et cruels sous des airs galants, jouant à l'austérité sur un plateau de vices, papillottant d'autant plus que leur noblesse d'hier est aussi controuvée que leur morale. De Panthemont, où par les dames pensionnaires, par les pensionnaires, par les religieuses même, elle a vu passer du monde, où elle s'est fait prendre en gré par quelques personnes, où sa jeunesse, son inexpérience et ses malheurs lui ont valu des protectrices, elle s'en vient à Fontainebleau, où, après la vente de la maison de Noisy, le marquis et Mme Renaudin sont venus se réfugier. La jeune femme, devenue vraiment désirable et charmante, les rejoint, son procès une fois gagné et vit près d'eux. Or, il s'est naturellement formé une société dans cette ville royale, à l'ombre de ce château débordant d'histoire, la maison des rois, la demeure des siècles a dit Napoléon. Cette société se compose de serviteurs du palais, accrédités par une petite ou une grande charge — plutôt petite — mais rehaussée par le brevet royal. Là, la vicomtesse de Beauharnais établit des relations et elle achève de se former. Elle court à cheval à la suite des chasses royales, et elle acquiert à fréquenter les amies de sa tante des façons et une tenue qui la mettent par le ton et les manières au niveau des femmes qu'elle rencontre. Peut-être les façons sont-elles un peu déférentes, et la jeune femme se prodigue-t-elle en offres de service, mais ceci ne se montre que plus tard. Pour le moment, elle n'a pas été sans contracter des liaisons qui, par la suite, présenteront quelque intérêt. Après le voyage et le séjour aux 11es et ce retour mouvementé qui la jette en pleine révolution, elle se muet en intimité avec la princesse de Hohenzollern, avec la marquise de Moulins, avec tout un groupe de créoles, dont la directrice est Mme Hosten, de Sainte-Lucie ; puis la marquise d'Espinchal, Mme de Barruel-Beauvert, Mme de Lameth, Mme de Genlis et aussi Charlotte Robespierre. Tout ce monde la forme, la pousse, l'éduque et elle est au point lorsque la royauté tombe et qu'avec elle s'écroule une société dont elle ne fut jamais, mais qu'elle a assez regardée — et assez enviée — pour en avoir acquis une sorte de teinture. Elle profite des moindres ouvertures pour glisser des recommandations en faveur de gens qu'elle connaît peu on prou ; mais cela déjà la montre lancée, en possession d'une sorte d'état : Comme elle est bonne et obligeante, dit quelqu'un qui l'a connue alors, elle s'emploie à rendre autant de services qu'il lui est possible. Dès lors, sa réputation de conduite est fort compromise, mais celle de sa boulé, de sa grâce et de la douceur de ses manières ne se dément pas. Et, après les séjours à Croissy où la société se réunit chez Chanorier, on l'intimité s'accroît par Mme Hosten avec tous ses créoles, et où se rencontrent dans une misère commune, Mme de Vergennes et ses filles, des dames de l'ancien monde, des prêtres, des gentilshommes et le reste, il y a la prison, et, dans cette prison, des relations tout à fait souhaitables, Rohan, Béthune, Salut, la duchesse d'Aiguillon et l'abbé de Boulogne, M. de Gouy et les Saint-Pont, Delphine de Custine et Ch. de Lameth, le comte de Soyecourt et Champcenetz. Il y a même Alexandre de Beauharnais, mais il fait la cour à Delphine, tandis que Joséphine s'est établie en coquetterie réglée avec le général Hoche. Après la prison, c'est Hoche, puis Barras. Pour Barras elle fait à des jours les honneurs de sa maison à Chaillot, et cela lui ouvre d'autres sociétés. Chez elle, rue Chantereine, elle reçoit des hommes d'ancien régime, comme Caulaincourt, Ségur ou Montesquiou ; gens de la cour qui ont achevé son éducation et qui lui ont fait croire à elle aussi qu'elle fut ce qu'elle n'a jamais été. De femmes, en dehors des deux ou trois rencontrées chez Barras, aucune. Mais il n'importe. Elle apprend, elle sait, elle devine ; où ne va pas une femme intelligente, adroite, épiant les êtres, attentive aux Mouvements, et se pliant aux formes ? Elle parvient à donner si bien l'illusion que Frotté écrit à ce moment même : Mme de Beauharnais, jadis femme de la cour, galante, agréable, beaucoup d'esprit, devenue républicaine, mais demeurée aristocrate. Telle est l'institutrice qui s'impose au inonde nouveau, institutrice d'un genre particulier, car elle ne sait guère ce qu'elle doit apprendre aux autres ou son instruction est si récente et si superficielle qu'elle manque à tout instant. Mais, avec un art infini, elle ne se lasse pas, elle répare chaque faute et couvre chaque trou. Dans quelques mois — lorsqu'au lieu de prince régent, elle aura dit à un ambassadeur prince régnant, elle ne se consolera pas de deux jours. Son attention est portée à ces choses avec le sérieux qu'il y faut mettre dès qu'on ne les tient pas pour des niaiseries comiques. Elle a trouvé pour l'instruire des choses et la mettre au courant une femme qui exerce sur elle une influence due à sa carrière, à sa fortune et à son mérite ; c'est la marquise de Montesson. On sait mal par eue de Genlis, sa nièce, par quels moyens Charlotte-Jeanne Béraud de la Haie de Riou, épouse du lieutenant général marquis de Montesson, convola à l'âge de trente-six ans avec le petit-fils du régent : mariage secret sans cloute, mais authentique, et qui, sans lui donner le rang et le titre de princesse, lui assura une position intermédiaire qui pouvait passer pour unique. Elle n'allait point à la Cour et ne sortait guère de chez elle, mais chez elle — à Paris comme à Sainte-Assise — elle avait une cour. Elle réunissait tous les talents qui pouvaient sembler agréables, peignant les fleurs comme son maitre Van Spaendonck, jouant de la harpe et chantant en artiste. Elle rendit au duc d'Orléans la vie à ce point agréable qu'il trouva du plaisir aux poèmes et aux tragédies dont elle était l'auteur. Elle jouait elle-même les rôles et s'ingéniait à remplir, près de ce duc d'Orléans, le personnage d'une Pompadour légitime. Seulement, elle ne faisait point de politique et se bornait à être charitable et bienfaisante. Grâce à des protecteurs qui sont demeurés inconnus, elle traversa la Révolution sans en être la victime et, au temps du Directoire, elle reprit sa vie. Ce fut aux eaux de Plombières que, à la suite de l'accident dont avait été victime Mme Bonaparte, elles entrèrent en relations. Joséphine lui témoigna tout de suite une déférence à laquelle elle se montra d'autant plus sensible qu'elle paraissait éprouver un pressentiment des destinées auxquelles étai t appelé le général Bonaparte. Vous ne devez jamais oublier que vous êtes la femme d'un grand homme ! écrivait-elle à Joséphine après le commun séjour à Plombières. Il y avait là n'Il rappel à la pudeur qui était opportun et qui frappa Bonaparte, lorsqu'après son retour, il fit une sorte de révision des papiers de sa femme. Aussitôt que Joséphine en eut la possibilité, elle entra avec Mme Montesson dans une intimité matinale où, familièrement assise près de son-lit, elle lui posait toutes les questions qui l'intéressaient et, près de cette femme qui savait tout des femmes et des hommes de l'ancienne cour, elle apprenait les parentés, les successions, les liaisons et les inimitiés. Si l'histoire de France ne s'apprend que par les généalogies, si, de là seulement, on tire des indications utiles sur les êtres, qu'est-ce d'une société comme celle que Joséphine abordait et où elle devait servir de conductrice et de guide au Premier Consul. Assurément, ce ne fut point gratuitement que Mme de Montesson donna ses leçons. Elle les fit payer de la restitution de sa fortune, de la restitution du douaire de 160.000 francs l'an que le duc d'Orléans avait cru assurer à sa femme et de bien d'autres faveurs, mais qu'était-ce là près du prix que reçurent pour leurs services d'autres femmes comme Mme de la Rochefoucauld, Chastullé, qui ne savaient à peu près rien de ce qu'elles contaient et qui affectèrent contre Napoléon une haine d'alitant plus acerbe qu'elles avaient plus éprouvé ses bienfaits. Quoiqu'on fût aux Tuileries et qu'on eût pris mal que bien un de ces airs de gouvernement qui ne seyent qu'à ceux qui l'assument, rien ne pouvait acquérir en France une assurance et une stabilité que moyennant la victoire. Partout l'on conspirait contre le Consulat et l'effort que les Anglais et les Émigrés se préparaient à tenter dans le sud-est, semblait appuyé par une armée dont le général Willot était le chef. Dans le sud-ouest, en Vendée, en Normandie, en Bretagne, l'Insurrection était déclarée, ou s'apprêtait. Dans le gouvernement, Fouché était associé à Talleyrand et à Clément de Ris pour examiner les éventualités. Dans le Sénat, pour le cas de la mort de Bonaparte, les uns penchaient pour La Fayette, d'autres pour Carnot. Au Tribunat, les factieux écoutaient la musique de de Staël, et se préparaient à suivre Benjamin Constant, comme s'il n'eût pas dé les conduire au tripot. Il y avait partout comme un enthousiasme de révolution. On conspirait ouvertement dans les milieux gouvernementaux. Les Royalistes tenaient leurs fusils chargés et les Jacobins aiguisaient des poignards, mais il fallait que les batailles prochaines débarrassassent de Bonaparte. Le régime tenait à la victoire. Il ne s'agissait point d'un succès contesté, d'une résistance opposée à l'ennemi ; il ne s'agissait point que Gènes résistât et qu'on y mangeât la peau des havresacs ; il fallait que le vainqueur d'Italie et d'Égypte affirmât, prouvât sa maîtrise, qu'il emportât un triomphe incontesté. S'il réussissait il achevait tout ; s'il était battu tout s'effondrait ! Joséphine, retirée à Malmaison, attendait, tenue en confiance par des lettres de Bonaparte, point du tout amoureuses et passionnées comme il les écrivait deux ans auparavant, mais confiantes ; gentilles, piquantes parfois, qui semblaient hors dès craintes, des soupçons et des inquiétudes. Dans ces lettres, pas un mot de ses projets et de ses actes : il est ici, il est là ; rien de plus. Il ne la met point au courant du plan qu'il a conçu, ni de son exécution. Elle peut aussi bien penser qu'il n'y a point de bataille et qu'il fait là un voyage de plaisir. Il écrit de Genève où il est arrivé le 18 floréal (8 mai) à minuit : Je suis à Genève. J'en partirai cette nuit. Je désire que tu m'écrives souvent et que tu sois persuadée que ma Joséphine m'est bien chère. Un billet par chaque courrier : Je ne vois pas d'inconvénient, écrit-il le 25, à ce que tu viennes à ma rencontre, mais il faudra marcher incognito et ne pas dire où tu vas parce que je ne veux pas qu'on sache ce que je dois faire. Tu peux dire que tu vas à Plombières. Et cette, lettre date de Martigny le 28 : Je suis ici depuis trois jours au milieu du Valais et des Alpes, dans un couvent de Bernardins ; l'on n'y voit jamais le soleil : juge si l'on y est agréablement. J'aime bien te voir gronder, toi qui es à Paris au milieu des plaisirs et de la bonne compagnie. L'armée file en Italie ; nous sommes à Aoste, mais le Saint-Bernard offre bien des difficultés à vaincre. Je t'ai écrit souvent. Quant à mademoiselle Hortense, quand elle sera grande clame on lui écrira. Aujourd'hui elle est trop petite, on n'écrit pas aux enfants. Et ce mot à propos de la mort, d'ailleurs apocryphe, d'une dame de la société de Joséphine : Son mari doit être bien triste : perdre sa femme, c'est perdre, sinon la gloire, au moins le bonheur. Et il termine : Mille choses aimables à Hortense et mille douceurs à Joséphine. Et cette lettre qu'il écrit d'Ivrée : Je suis au lit. Je pars dans une heure pour Verceil. Murat
doit être ce soir à Novare. L'ennemi est fort dérouté. Il ne nous devine pas
encore. J'espère dans dix jours être dans les bras de ma Joséphine qui est
toujours bien bonne quand elle ne fait pas la Civetta... Mille choses tendres. J'ai reçu la lettre d'Hortense, je
lui enverrai par le prochain courrier une livre de cerises très Nonnes. Nous
sommes ici avancés d'un mois sur Paris. Tout à toi. Tout va bien. Le Premier Consul, comme on sait, n'a point assumé le commandement de l'armée ; ce n'est donc pas lui, mais Berthier, qui officiellement est responsable. Mais voici qu'on entre pleinement dans l'action. Le 13 prairial (2 juin) Bonaparte a atteint Milan où il passe une semaine. Le 20 (9 juin) au moment du départ, il écrit : Je suis à Milan, très enrhumé. Je ne sors pas de la pluie ; je l'ai eue sur le corps pendant quelques heures. Je ne t'engage pas à venir ici. Je serai de retour dans un mois. J'espère que je te trouverai bien portante. Je vais partir pour Pavie et la Stradella. Nous sommes maîtres de Brescia, Crémone et Plaisance. Mille choses tendres. En effet le 10 (21 juin), à Stradella, il passe la nuit à causer avec Desaix qui arrive d'Égypte ; le lendemain il couche à Voghera, et le 13/24 juin, de San-Giuliano-le-Vieux, il reconnaît les champs de Marengo. Le soir il couche à Torre di Garofoli — le lendemain c'est la bataille — les deux batailles : la première perdue à trois heures et demie, les divisions Lannes et Victor si éprouvées que la division Monnier et la Garde consulaire arrivent à peine à les dégager. Bonaparte et Berthier se sont retirés derrière la Buzana : mais Ghilini vient les trouver, il les mène sur le clocher de Saint-Julien-le-Neuf, d'où ils aperçoivent la division Desaix qui se hâte vers la bataille. Le Général a une conférence avec Desaix, Marmont et Murat, la reprise est décidée. Desaix est tué, mais c'est la victoire, si positive que le soir, à Torre di Garofolo, l'Autrichien Stal vient demander un armistice. En deux heures, tout a changé de face. La révolution déjà esquissée à Paris tourne en acclamations passionnées ses insultes toutes prêtes et ravale ses invectives. Mais Bonaparte ne s'attarde pas ; le 10 messidor (29 juin) il est à Lyon et il écrit à Lucien, ministre de l'Intérieur : J'arriverai à Paris à l'improviste. Mon intention est de n'avoir ni arcs de triomphe ni aucune espèce de cérémonies. J'ai trop bonne opinion de moi pour estimer beaucoup de pareils colifichets. Je ne connais d'autre triomphe que la satisfaction publique. Pour quoi il arrive aux Tuileries à deux heures dix matin accompagné d'un aide de camp et
d'un secrétaire. Et Chaptal, qui ne l'aime point, écrit à Dejean : Depuis la bataille
de Marengo, la France n'est plus la même. Il n'y a plus qu'un sentiment et il
est partout pour le Premier Consul... A ce moment-ci, Bonaparte qui y est déjà si naturellement porté, qui, dès son retour d'Égypte, a montré sa joie de posséder une maison à lui, une maison qui lui appartienne, et qui soit sa chose a Malmaison pour demeure. Qui sait si l'idée d'entrer en maître à Malmaison n'a pas influé en quelque chose sur la réconciliation. Au moins assure-t-on que dans ces premiers temps, on n'a point vu Bonaparte plus satisfait qu'à Malmaison. Il le découvre et il l'explore. Il en parcourt les allées qui lui offrent à chaque pas des surprises nouvelles, qui font naître mieux le sens, le goût, la jouissance de son bien. Il y a là des vues si multiples, des aspects si variés qu'il s'y perd et qu'il a la joie de se retrouver. Il en prévoit les embellissements, il en calcule les revenus ; il rêve de les augmenter : c'est un bourgeois qui jouit de sa campagne et qui devant le château qu'il n'eût point rêvé tel demeure à la fois étonné et très content. Car, et c'est ici qu'il faut s'abstraire de certaines idées qu'on conçoit devant une telle fortune, jusque-là comment Bonaparte a-t-il vécu ? à quels logements de hasard s'est-il abrité ? De fait il a, durant ses semestres, posé dans la bicoque d'Ajaccio et, dès qu'en Italie il a eu quelque argent, il a complété, bâti, acheté des enclaves, mais à peine s'il vient de passer en venant d'Égypte par cette demeure paternelle, dont il a mis le caractère et les dimensions presque au niveau de sa fortune. Cela hors du compte, car on n'habite point aisément Ajaccio et la Grotte de Milelli, où est-il chez lui ? Nulle part, et point certes dans la maison de la rue Chantereine qu'il a quittée pour jamais. Il aura Malmaison et ce sera là sa demeure à lui tout autant qu'à Joséphine. Car à Malmaison, Joséphine n'a qu'un goût, mais formel, celui de se promener sur la grand'route, soit du côté de Marly, soit du côté de Nanterre, au milieu de la poussière qu'élève le passage des voitures. Cette poussière pour elle, c'est quelque chose de Paris : Elle a la nostalgie continuelle de la grand'ville et par cette poussière elle s'y sent rattachée. Il faut avouer que lorsqu'après le i8 brumaire on prit l'habitude de venir d'octidi à primidi, passer à Malmaison un temps de repos et de réflexion, de promenade et de conversations, le Général trouvait à inviter des hommes, qui lui donnaient la réplique, mais Joséphine était réduite presque à rien. Le Premier Consul, sévère sur le choix de sa société, avait écarté à peu près toutes les femmes qui la composaient. Il restait depuis le 18 brumaire quelques groupes de fonctionnaires civils et militaires. Pour elles comme pour leurs maris, écrit un témoin, la transition avait été un peu brusque, et l'on se tilt moins étonné à les trouver dans la loge que dans le salon. Aussi Joséphine s'y soustrayait-elle. Si Bonaparte était occupé et ne pouvait l'accompagner, elle sortait à cheval avec sa fille Hortense, escortée par le prince de Poix ou M. de Laigue, et courait les environs. Ce fut de là, peut-on dire, qu'elle ramena peu à peu les femmes dont elle s'entoura. Autour d'elle, abondaient les hommes jeunes, gais, tout prêts à être amoureux et tout disposés à faire des maris : c'étaient les membres de la maison militaire du Consul, ses aides de camp, ses compagnons de guerre, ceux qui l'avaient suivi en Italie et en Égypte, ceux qui avaient commandé sous ses ordres ; et, en parallèle, se trouvait l'Institut que tenait à Montagne-de-Bon-Air la citoyenne Campan, où Hortense avait été éduquée aussi bien que Caroline et où Leclerc avait quelque temps replacé sa femme pour qu'elle y apprit au moins à écrire. Mme Campan qui fréquentait à Malmaison avait, outre ses pensionnaires, des nièces à placer, elle s'y employa el cela ne nuisit point à son commerce qui se trouva florissant, si bien qu'elle fut comme désignée an choix de Bonaparte lorsqu'il projeta les maisons de la Légion d'Honneur. Celte jeunesse a besoin de s'agiter, de rire, de faire du bruit. Et l'on ouvre à son exubérance tous les jeux dits de société. Aux barres, tout le monde s'y met et court les uns après les autres ; plus vive, plus alerte, irrattrapable, si juste en sa robe blanche, si mince et si hardie, Hortense passe telle qu'une biche défiant les chiens. Bonaparte, qui veut être de la partie, se fâche de ne point la prendre et pour l'atteindre, en pleine course, lui lance son chapeau. Toutefois qu'on prenne garde que, s'il veut bien rire des autres, il entend qu'on le respecte et il reçoit mal Isabey qui, en familiarité dans la maison, s'en étant fait l'amuseur, perd la mesure et le franchit à saute-mouton. Cela n'est point peu de chose de savoir s'arrêter en ces jeux qui dégénèrent aisément : jeux de château, fort gais, parait-il, sauf pour celui qui en est victime, inventions plaisantes et récriminations dont on rit, cela s'est fait, se fait encore, se fera probablement tant qu'il y aura des châteaux et des gens qui s'y ennuieront. |