LES CONTES POPULAIRES DE L’ÉGYPTE ANCIENNE

 

CONTES

LE VOYAGE D’OUNAMOUNOU AUX CÔTES DE SYRIE

 

 

Le manuscrit qui nous a conservé ce conte a été trouvé vers l’automne de 1894 dans les environs du village d’El-Hibéh, presque en face de Fechn, et les principaux des fragments qui en subsistent furent acquis peu après par Golénicheff. Ils comprenaient le premier quart et la deuxième moitié de la première page, la seconde presque entière, et quelques lignes assez mutilées que Golénicheff l’attribua à la troisième page. En 1892, Henri Brugsch découvrit, dans un lot de papyrus qu’il venait d’acquérir un morceau qui compléta la deuxième page. Depuis lors, aucun fragment n’a reparu, et il est à craindre que le manuscrit ne demeure incomplet pour toujours.

Golénicheff inséra, en 4898, une traduction russe accompagnée d’une phototypie comprenant les vingt et une premières lignes, dans le Recueil de mémoires offert à M. de Rosen par ses élèves de l’Université de Saint-Pétersbourg à l’occasion de son jubilé. L’année d’après, il publia le texte transcrit en hiéroglyphes et une traduction complète, fort bonne dans l’ensemble :

Golénicheff, Papyrus hiératique de la collection W. Golénicheff, contenant la description du Voyage de l’Égyptien Ounou-Amon en Phénicie, dans le Recueil de Travaux, 1899, t. XXI, p. 74-104 (tirage à part, chez Bouillon, 1889, 24 p. in-4°).

Le texte fut presque aussitôt repris et traduit en allemand par :

W. Max Müller, Studien zur vorderasiatischen GeschichteII. Die Urheimat der Philister. Der Papyrus Golénischeff. Die Chronologie der Philistereinwanderung (dans les Mitteilungen der vorderasiatischen Gesellschaft, 1900, 1), 1900, Berlin, in-8°, p. 44-29, puis par :

A. Erman, eine Reise nach Phönizien im 11. Jahrhundert vor Christ, dans la Zeitschrift, 1900, t. XXXVIII, p. 1-14.

Erman, reconnut que le fragment. considéré par Golénicheff comme appartenant à la page III du manuscrit appartenait en réalité à la première page, et il rétablit la suite des événements plus exactement qu’on ne l’avait fait jusqu’alors ; il admit d’ailleurs que le document est historique. Lange donna ensuite une traduction danoise dans laquelle il suivit l’ordre indiqué par Erman :

H. O. Lange, Wen-Amon beretning om hans rejse tel Phönizien, dans la Nordisk Tidskrift, 1902, p. 515-526 (tirage à part de 11 p., in-8°, sans pagination spéciale).

Enfin on lit une traduction allemande nouvelle dans le charmant petit ouvrage de A. Wiedemann, Altægyptische Sagen und Mærchen, in-8°, Leipzig, 1906, p. 94-113, ainsi qu’une courte analyse avec traduction en anglais dans Breasted, Ancient Records of Egypt, t. IV, p. 214-287, qui tient encore pour l’historicité du morceau.

Tous les savants qui se sont occupés de ce papyrus ont admis, plus ou moins aisément, que l’écrit qu’il contient est un rapport officiel adressé à Hrihorou par Ounamounou au retour de sa mission en Phénicie. La tournure générale du morceau, le ton emphatique qui y prédomine, l’importance qui y est attribuée tout du long à l’idole Amon-du-Chemin, me portent à croire, et Wiedemann est également de cet avis, que nous avons là un document du genre de celui qui nous est parvenu sur la stèle de Bakhtan (cf. plus haut, le cycle de Ramsès II, la Geste de Sésostris). Il s’agissait sans doute de donner la vogue à une forme d’Amon qui portait ce nom, et qui devait protéger les voyageurs en pays étranger. La relation d’Ounamounou montrait comment elle avait sauvé un envoyé égyptien à Byblos et probablement aussi en Alasia. C’était une pièce du chartrier officiel de cet Amon, et le rédacteur lui a imprimé les allures historiques qui sont nécessaires pour prêter de la vraisemblance aux documents de ce genre. Peut-être avait-il en mains des actes authentiques qui lui permirent de dater exactement son histoire. Si on pouvait le croire avec certitude, il en résulterait des conséquences importantes pour l’histoire des Ramessides. On verrait en effet que, dès l’an V de son règne, le dernier d’entre eut n’avait plus que l’apparence du pouvoir ; le grand-prêtre Hrihorou exerçait le pouvoir, au Sud, Smendès l’exerçait au Nord, et d’autres princes florissaient ailleurs. Smendès avait à côté de lui, une femme, que son nom de Tantamânou rattache à la famille thébaine, et qui semble avoir eu des droits au moins égaux aux siens, puisqu’on ne le cite guère sans la mentionner avec lui : c’était à elle peut-être qu’il dut de régner par la suite.

Les renseignements que notre manuscrit nous apporte sur l’état, de la côte syrienne ne sont pas moins précieux. Un siècle après Ramsès III, les Zakkala, ces alliés des Philistins qu’il avait établis entre le Carmel et l’Égypte, formaient encore une population distincte qui gardait son vieux nom ; un de ses princes résidait à Dora, ses matelots couraient en nombre la mer Syrienne et ils menaçaient des villes telles que Byblos. Ils étaient placés encore sous l’influence de l’Égypte, mais ils ne relevaient plus d’elle directement, et le prince de Dora ne se gênait pas pour faire parade de son indépendance devant Ounamounou. La côte phénicienne de Tyr à Byblos demeurait elle aussi en rapports avec l’Égypte ; l’égyptien y était compris communément, au moins parles personnages de haut rang, et les princes de chaque cité entretenaient des sentiments de respect presque craintif pour Pharaon. C’était un souvenir de la longue domination exercée durant quatre ou cinq siècles par les rois Thébains, mais il ne suffisait plus toujours à procurer une réception pacifique aux envoyés égyptiens. Notre conte parle des légats de Khâmoîs qui auraient été retenus prisonniers par Zikarbal, prince de Byblos, et qui, morts après dix-sept ans de captivité, auraient été enterrés au voisinage de la ville. Deux des Pharaons de la XXe dynastie portèrent ce prénom de Khâmoîs, et la momie de l’un d’eux est conservée au musée du Caire (n° 1496) ; comme l’expédition d’Ounamounou date de l’an V du second d’entre eux, Ramsès XI, le Khâmoîs qui envoya les pauvres diables à leur perte est nécessairement le premier, Ramsès IX. Malgré tout, le nom de Thèbes exerçait encore un prestige étonnant sur ces anciens vassaux de l’Égypte. Le prince de Bybos se défendait d’être le serviteur de Pharaon et il niait que ses pères l’eussent été jamais. Il fouillait même ses archives pour démontrer qu’ils avaient toujours échangé leur bois contre des cadeaux de valeur égale, qu’ils ne l’avaient jamais cédé pour rien. Lorsqu’il avait bien exhalé sa mauvaise humeur en discours violents, il faisait abattre des arbres au Liban pour le compte d’Amon et il les livrait en se contentant de présents très médiocres. Chacun aura remarqué la ressemblance qu’il y a entre notre récit et ce que la Bible raconte des négociations de David et de Salomon avec le roi de Tyr, afin d’obtenir de ce dernier les bois nécessaires à la charpente des palais et du temple de Jérusalem. Comme notre Zikarbal de Byblos, Hiram le Tyrien n’est pas satisfait du prix qu’il reçoit de ses fournitures ; il se plaint de la pauvreté des villages et du territoire dont Salomon lui octroie la suzeraineté, mais il les accepte et il ne se risque pas à pousser trop loin la réclamation.

Au sortir de Byblos, Ounamounou est jeté en Alasia par les vents, et là il se trouve hors de l’attraction de l’Égypte. Que l’Alasia soit, comme je le crois, le massif montagneux situé à l’embouchure de l’Oronte, ou, comme d’autres l’aiment mieux ainsi, la grande île de Cypre, il importe peu ; il n’avait jamais été soumis à l’Égypte de manière durable, et l’Égyptien n’était pas compris vulgairement par son peuple comme il l’était dans les cités de la Phénicie. Ounamounou y courait de nombreux dangers, auxquels la vertu secrète de l’Amon-du-Chemin l’arrachait, nous ne savons comment. Le conte s’arrête à l’instant critique, et il y a peu de chances que nous retrouvions jamais les feuillets qui en contenaient la fin. Je n’ai essayé ni de deviner sur quelles péripéties il s’achevait, ni de rétablir les incidents qui remplissaient la très longue lacune de la première page ; j’ai introduit entre les fragments quelques phrases qui les relient tant bien que mal. J’ai tenté de reproduire dans ma traduction le style traînant et diffus, parfois embarrassé du conteur, et d’expliquer de mon mieux le sens des périodes ampoulées qu’il met dans la bouche de ses personnages. On relèvera ça et là des ébauches de description pittoresque et des images heureuses : l’auteur, quel qu’il soit, avait ce que nous appellerions fait de bonnes études, et il excellait à bien présenter les histoires qu’il racontait.

 

L’an V, le troisième mois de la Moisson, le 16, ce jour-là, partit Ounamounou le doyen de la salle[1] du temple d’Amonrâ, roi des dieux, seigneur de Karnak, afin de quérir le bois pour la barque très auguste d’Amonrâ, roi des dieux, qui se trouve sur le Nil, Amânousihaît[2].

Le jour que j’arrivai à Tannis, l’endroit où sont Smendès et Tantamânou, je leur mis en main les rescrits d’Amonrâ, roi des dieux[3]. Ils les firent lire en leur présence, et ils dirent ; Qu’on agisse, qu’on agisse, selon ce qu’a dit Amonrâ, le roi des dieux, notre maître ! Je demeurai jusqu’au quatrième mois- de la Moisson dans Tanis, puis Smendès et Tantamânou me dépêchèrent avec le capitaine de navire Mângabouti, et je m’embarquai sur la grande mer de Syrie le quatrième mois de la Moisson, le 1er. J’arrivai à Dora, ville du Zakkala, et Badîlou, son prince, me fit apporter dix mille pains, une amphore de vin, une cuisse de bœuf. Un homme de mon navire déserta, emportant un vase d’or du poids de cinq tabonou[4], cinq vases d’argent de vingt tabonou, et un petit sac d’argent de onze tabonou, ce qui fait un total de cinq tabonou d’or et de trente et un tabonou d’argent. Je, me levai de bon matin, j’allai à l’endroit où le prince était, je lui dis : On m’a volé dans ton port. Or, c’est toi le prince de ce pays, c’est toi son inquisiteur, cherche mon argent ! Las, cet argent, il appartient à Amonrâ, le roi des dieux, le maître des contrées, il appartient à Smendès, il appartient à Hrihorou, mon maître, et aux autres nobles de l’Égypte, il est à toi, il appartient à Ouaradi, il appartient à Makamarou, il appartient à Zikarbal, le prince de Byblos[5]. Il me dit : A ta colère et à ta bienveillante[6]. Mais, vois, je ne sais rien de cette histoire que tu me dis. Si donc le voleur est de mon pays qui est descendu dans ton navire et qui t’a volé ton argent, je te le rembourserai de mon trésor, jusqu’à ce qu’on trouve le voleur lui-même ; mais si le voleur qui t’a volé il est à toi, et s’il appartient à ton navire, demeure quelques jours auprès de moi que je le cherche !

Je fus neuf jours abordé dans son port ; puis j’allai près de lui, et je lui dis ; Ainsi, tu ne trouves pas mon argent. Je partirai donc ainsi que le capitaine du navire ; avec ceux qui vont au port de Tyr. Si tu trouves mon argent, garde-le près de toi et quand je rentrerai en Égypte, je m’arrêterai chez toi et je le prendrai. Il y consentit, et le quatrième mois de la Moisson, le 10, je m’embarquai de nouveau sur la grande mer de Syrie. J’arrivai au port de Tyr, je contai mon histoire au prince de Tyr et je me plaignis du prince de Dora qui n’avait pas trouvé les voleurs et qui ne m’avait pas rendu mon argent, mais le prince de Tyr était l’ami de celui de Dora. Il me dit : Tais-toi, ou il t’arrivera malheur ! Je sortis de Tyr, dès le matin, et je descendis sur la grande mer de Syrie pour aller à l’endroit où était Zikarbal, le prince de Byblos. Or il y avait des Zakkala avec un coffre sur le navire ; j’ouvris le coffre, j’y trouvai de l’argent, trente tabonou, je m’en emparai. Je leur dis : Voici, je prends votre argent et il restera avec moi jusqu’à ce que vous ayez trouvé mon argent à moi. Si vous dites : Nous ne a connaissons celui qui l’a volé, nous ne l’avons pas pris, je le prendrai quand même. Quand ils virent que je tenais ferme, ils s’en allèrent, et moi j’arrivai au port de Byblos. Je descendis du bateau, je pris le naos qui contenait la statue d’Amon, le dieu du Chemin[7], j’y mis à l’intérieur le matériel du dieu. Le prince de Byblos me fit dire : Va-t-en de mon port ! Je lui envoyai dire : Pourquoi me chasses-tu ? Est-ce que les Zakkala t’ont dit que j’avais pris leur argent ? mais voici, l’argent qu’ils avaient était mon argent à moi, qui m’avait été volé tandis que j’étais dans le port de Dora. Or, moi, je suis le messager d’Amon, que Hrihorou, mon maître, a envoyé vers toi pour « se procurer les bois nécessaires à la barque d’Amon, et le navire que Smendès et Tantamânou m’avaient donné est reparti aussitôt. Si tu veux que je m’en aille de ton port, donne un ordre à un des capitaines de tes navires pour que, lorsqu’on prendra le large, je sois emmené en Égypte ! Je passai dix-neuf jours dans son port, et il prenait le temps de m’envoyer dire chaque jour : Va-t-en de mon port ![8]

Or, comme il sacrifiait à ses dieux, le dieu saisit un grand page d’entre les pages, et il le fit tomber en convulsions[9]. Il dit : Apporte le dieu à la lumière ! Amène le messager d’Amon qui est avec lui ! Renvoie-le, fais-le partir ! Tandis que le convulsionnaire était en convulsions, cette nuit-là, j’avais trouvé un navire à destination d’Égypte, j’y avais chargé tout ce qui était à moi, et je contemplais l’obscurité, disant ; Qu’elle descende pour que j’embarque le dieu si bien que nul œil ne l’aperçoive que le mien ! quand le commandant du port vint à moi. Il me dit : Reste jusqu’à demain au gré du prince. Je lui dis : N’es-tu pas celui qui prenais le temps de venir à moi chaque jour, disant : Va-t-en de mon port et ne me dis-tu pas maintenant : Reste ici ! afin que parte le navire que j’ai trouvé, après quoi tu viendras et tu me diras de nouveau : Sauve-toi vite ! II tourna le dos, il alla, il dit cela au prince, et le prince envoya dire au capitaine du navire : Reste jusqu’à demain matin, au gré du prince ! Lorsqu’il fut matin, il m’envoya prendre en haut, tandis que le sacrifice avait lieu, dans le château où il réside au bord de la mer. Je le trouvai assis dans sa chambre haute, le dos appuyé à un balcon, tandis que les vagues de la grande mer syrienne battaient derrière lui. Je lui dis : A la grâce d’Amon ! Il me dit : Combien y a-t-il jusqu’aujourd’hui que tu as quitté l’endroit où est Amon ? Je lui répondis : Cinq mois et un jour jusqu’aujourd’hui ! Il me dit : Allons, toi, sois vrai. Où sont-ils les rescrits d’Amon qui devraient être dans ta main ? Où est-elle la lettre de ce grand-prêtre d’Amon qui devrait être dans ta main ? Je lui dis : Je les ai donnés à Smendès et à Tantamânou. II se mit fort en colère, il me dit : Ainsi donc, il n’y a plus rescrits, ni lettres en ta main l Et où est-il ce navire en bois d’acacia que t’avait donné Smendès ? Où est-il son équipage de Syriens ? Ne serait-ce pas qu’il t’avait remis à ce capitaine de vaisseau, lors du départ, pour qu’il te fit tuer et qu’on te jetât à la mer ? S’il en est ainsi, de la part de qui chercherait-on le dieu, et toi aussi, de la part de qui chercherait-on ?[10] » Ainsi me dit-il. Je lui dis : N’était-ce pas un navire d’Égypte et n’était-ce pas un équipage d’Égypte qui navigue au compte de Smendès ? car il n’y a pas avec lui d’équipages syriens ? Il me dit : N’y a-t-i1 pas vingt vaisseaux actuellement dans mon port qui sont en association avec Smendès ? Et cette Sidon, cette autre ville que tu veux atteindre, n’y a-t-il pas chez elle dix mille autres navires qui sont en association avec Ourakatîlou[11] et qui voyagent vers sa maison[12] ?

Je me tus en cette heure grave. Il reprit, il me dit : Tu es venu ici pour remplir quelle mission ? Je lui dis : Je suis venu pour la charpente de la barque très auguste d’Amonrâ, le roi des dieux. Ce que fit ton père, ce que fit le père de ton père, fais-le aussi ! Ainsi lui parle-je. Il me dit : Eux, ce qu’ils firent et que tu me donnes à faire, je le ferai. Autrefois les miens exécutèrent cette mission, parce que Pharaon, vie, santé, force, leur fit amener six navires chargés de marchandises d’Égypte qu’on déchargeait dans leurs entrepôts. Toi donc, fais-m’en amener à moi aussi ! Il fit apporter les journaux de ses pères et il les fit lire en ma présence, et on trouva qu’en tout mille tabonou d’argent[13] étaient inscrits sur son registre. Il me dit : Si le souverain de l’Égypte était mon maître et que je fusse, moi, son serviteur, il n’aurait pas à faire apporter de l’argent et de l’or, disant : Exécute la mission d’Amon. Ce n’était pas un ordre royal que l’on apportait à mon père. Or moi, certes, moi, je ne suis pas, moi, ton serviteur ; je ne suis pas, moi, le serviteur de celui qui t’a envoyé. Je crie à voix forte aux arbres du Liban, et le ciel s’ouvre, et les bois demeurent étendus sur le sol au bord de la mer[14] ; mais qu’on me montre les voiles que tu apportes pour conduire tes bateaux chargés de tes bois en Égypte ! Qu’on me montre les câbles que tu apportes afin de lier les poutres que je te couperai pour t’en faire des cadeaux ! Si moi je ne fais pas les câbles, si je ne te fais pas les voiles de tes navires, les façons de l’avant et de l’arrière sont lourdes, elles se briseront[15] et tu mourras au milieu de la mer[16] ; car Amon tonne et il déchaîne Soutekhou en son temps[17]. Or Amon veille sur tous les pays ; s’il les régit, il régit la terre d’Égypte d’où tu viens, avant tous, et la perfection sort d’elle pour atteindre celui où je suis. Qu’est-ce donc que ces courses folles qu’on te fait faire ?[18]

Je lui dis : Mensonge ! Il n’y a point de course folle pour ceux à qui j’appartiens ! Il n’y a navires sur le Nil qui ne soient d’Amon ; c’est à lui la mer, et c’est à lui ces arbres du Liban de qui tu dis : Ils sont miens ! mais qui sont le domaine de la barque Amânousihaît, la reine des barques. Las ! il a parlé Amonrâ, le roi des dieux, disant à Hrihorou, mon maître : Envoie-moi ![19] et il m’a envoyé avec ce dieu grand. Or, vois, tu as fait demeurer ce dieu grand pendant vingt-neuf jours depuis qu’il a abordé à ton port, sans que tu susses s’il était là ou non ; et n’est-ce pas lui qui est là, tandis que tu marchandes des cèdres du Liban avec Amon, leur maître ? Et quand tu dis : Les rois d’auparavant ont envoyé de l’argent et de l’or ! oui-da, s’ils avaient envoyé la vie et la santé, ils n’auraient pas envoyé les présents matériels ; or ils ont envoyé des présents matériels au lieu de la vie et de la santé à tes pères. Mais Amonrâ, le roi des dieux, c’est lui le maître de la vie et de la santé, c’est lui le maître de tes pères, et ils passaient leur temps de vie à sacrifier à Amon. Toi-même, toi, tu es bon serviteur d’Amon. Si tu dis : Je le ferai, je le ferai ! à Amon et que tu exécutes son ordre, tu vivras, tu seras sauf, tu seras en santé, tu seras un bienfait pour ton pays tout entier et pour ton peuple. Mais ne convoite pas la chose d’Amonrâ, le roi des dieux, car le lion il aime son bien[20] ! Et maintenant, fais-moi venir mon scribe que je l’envoie à Smendès et à Tantamânou, les protecteurs qu’Amon a mis au nord de son pays, et pour qu’ils te fassent apporter tout ce de quoi je leur mande ; Que cela soit apporté ! en attendant que je retourne au Sud et que je t’expédie ton misérable reste, tout, tout ! Ainsi lui parlé-je. Il remit ma lettre à son messager ; il chargea sur un navire, la passerelle, la tête d’avant, la tête d’arrière[21] et quatre autres poutres équarries à la hache, en tout sept pièces, et il les expédia en Égypte.

Son messager alla en Égypte, et il revint vers moi en Syrie au premier mois de l’hiver. Smendès et Tantamânou expédièrent quatre cruches et un bassin d’or, cinq cruches d’argent, dix pièces de lin royal pour dix manteaux, cinq cents rouleaux de papyrus fin, cinq cents peaux de bœufs, cinq cents câbles, vingt sacs de lentilles, trente touffes de poisson sec ; et Tantamânou m’expédia cinq pièces de lin royal pour cinq manteaux, un sac de lentilles, cinq couffes de poisson sec. Le prince se réjouit, il leva trois cents hommes, trois cents bœufs, et il mit des officiers à leur tête pour faire abattre les arbres ; ils les abattirent et les bois passèrent l’hiver gisant sur le sol, puis le troisième mois de la Moisson on les traîna au rivage de la mer. Le prince sortit, il se tint auprès d’eux, il me fit dire ; Viens ! Comme je passai près de lui, l’ombre de son ombrelle[22] tomba sur moi, et Penamânou, un des familiers qui étaient à lui, se mit entre le prince et moi, disant ; L’ombre de Pharaon, v. s. f., ton maître, tombe sur toi  ![23] mais le prince s’irrita contre lui et lui dit : Toi, laisse-le ! Je passai jusqu’auprès de lui et il m’interpella disant ; Vois, la mission qu’exécutèrent mes pères auparavant, je l’ai exécutée moi aussi, quand même tu ne m’as pas fait ce que tes pères m’avaient fait. Or, toi, vois ! jusqu’au dernier de tes bois est arrivé et il est là ; agis maintenant selon ton cœur et viens pour les charger, car ne te les a-t-on pas donnés ? Toutefois ne viens pas pour contempler les terreurs de la mer, ou si tu contemples les terreurs de la mer, contemple aussi la mienne à moi[24]. Las ! je ne t’ai pas fait ce qu’on fit aux envoyés de Khâmoîs[25] qui demeurèrent dix-sept ans en ce pays et qui y moururent. Il dit à son familier : Mène-le qu’il voie leur tombe dans laquelle ils sont couchés. Je dis : Ne me la fais pas voir. Khâmoîs, les gens qu’il t’envoya comme ambassadeurs c’étaient des gens de sa domesticité ; ce n’était pas un dieu l’un de ses ambassadeurs. Toi pourtant, tu me dis : Cours, vois tes pairs[26]. Que ne te réjouis-tu plutôt et ne fais-tu pas dresser une stèle sur laquelle tu dirais : AMONRÂ, LE ROI DES DIEUX, M’ENVOYA L’AMON-DU-CHEMIN COMME SON AMBASSADEUR DIVIN AVEC OUNAMOUNOU COMME SON AMBASSADEUR HUMAIN POUR LES BOIS DE LA BARQUE TRÈS AUGUSTE D’AMONRÂ, LE ROI DES DIEUX. JE LES COUPAI, JE LES CHARGEAI, JE LUI FOURNIS MES NAVIRES ET MES ÉQUIPAGES ET JE LES EXPÉDIAI EN ÉGYPTE, AFIN D’OBTENIR DIX MILLE ANNÉES DE VIE D’AMON EN PLUS DE CE QUI M’ÉTAIT DESTINÉ ; IL EN SOIT AINSI ! Quand, après d’autres jours, un messager viendra de la terre d’Égypte « qui connaîtra l’écriture et qu’il lira ton nom sur la stèle, tu recevras l’eau de l’Amentît, comme les dieux qui y demeurent ![27] Il dit : C’est un grand thème à discours ce que tu m’as dit ! Je lui dis : Les nombreuses paroles que tu m’as dites, quand je serai arrivé à l’endroit où est ce premier prophète d’Amon, et qu’il aura vu comme tu as exécuté sa mission, il te fera amener des dons !

J’allai au bord de la mer à l’endroit où les bois restaient, et j’aperçus onze navires qui venaient du large et qui appartenaient aux Zakkala avec cette mission ; Qu’on l’emprisonne et qu’il n’y ait bateau de lui qui aille au pays d’Égypte ! Je m’assis, je pleurai, le secrétaire du prince sortit vers moi, et il me dit : Qu’as-tu ? Je lui dis : Ne vois-tu pas les hérons qui redescendent vers l’Égypte ? Vois-les, ils reviennent aux eaux fraîches, mais las, jusques à quand resterai-je abandonné ? Car ne vois-tu pas ceux-là qui viennent pour m’emprisonner encore ? Il alla, il le dit au prince ; le prince se mit à pleurer à cause des paroles qu’on lui disait si tristes, il fit sortir son secrétaire qui m’apporta deux amphores de vin et un mouton, et il me fit amener Tantanouît, une chanteuse d’Égypte qu’il avait avec lui, disant : Chante-lui, que son cœur se fasse des idées douces ! Et il m’envoya dire : Mange, bois, que ton cœur ne se fasse des idées ! tu entendras tout ce que j’ai à dire demain matin ! Quand il fut matin, il fit appeler ses gens sur sa jetée, il se tint au milieu d’eux, et il dit aux Zakkala : Qu’est-ce que votre manière de venir ? Ils lui dirent : Nous sommes venus à la poursuite de ces navires tout brisés que tu expédies en Égypte avec nos maudits camarades ! Il leur dit : Je ne puis pas emprisonner le messager d’Amon dans mon pays. Laissez que je l’expédie et puis vous courrez après lui pour l’emprisonner.

Il m’embarqua, il m’expédia ; je m’éloignai du port de la mer et le vent me jeta au pays d’Alasia[28]. Ceux de la ville sortirent contre moi pour me tuer et je fus traîné au milieu d’eux à l’endroit où était Hatibi, la princesse de la ville. Je la trouvai qui sortait d’une de ses habitations et qui entrait dans l’autre, je l’implorai disant aux gens qui se tenaient auprès d’elle : N’y a-t-il pas quelqu’un d’entre vous qui entende le langage de l’Égypte ? L’un d’eux dit : Je l’entends. Je lui dis : Dis à ma dame : J’ai entendu dire jusque dans la ville de Thèbes et dans l’endroit où est Amon : Si on agit injustement en toute ville, on agit justement au pays d’Alasia, et voici qu’on y agit injustement chaque jour ! Elle dit : Las ! Qu’est-ce que tu dis là ? Je lui dis : Maintenant que la mer s’est mise en fureur et que le vent m’a jeté au pays où tu es, ne permets-tu pas qu’ils me prennent devant toi pour me tuer ? Comme, moi, je suis un messager d’Amon, certes, vois, moi, on me cherchera jusqu’à la fin des temps[29]. Et quant à cet équipage du prince de Byblos qu’on cherche à tuer, si leur seigneur trouve plus tard dix de tes équipages, ne les tuera-t-il pas en représailles ? Elle fit convoquer son peuple ; on les arrêta et elle me dit : Va reposer .....

 

 

 



[1] Le titre Samsou hai nous est connu surtout par les représentations des tombeaux de l’empire memphite et du premier empire thébain, mais il se perpétua, au moins dans les temples, jusqu’à la fin de la civilisation païenne de l’Égypte. On voit les personnages qui le portent surveiller parfois les travaux de menuiserie, et c’est peut-être pour cela qu’Ounamounou avait été choisi comme ambassadeur du dieu dans une expédition qui avait trait à des acquisitions de bois. La traduction que je donne répond mot pour mot aux termes égyptiens, mais elle n’en rend pas le sens ; je la garde, faute de mieux.

[2] C’est le nom officiel de la grande barque d’Amon de Karnak (cf. Brugsch, Dict. géographique, p. 165).

[3] Amonrâ était censé régner sur Thèbes et le grand-prêtre n’était que l’exécuteur terrestre de ses ordres. Les actes officiels prenaient donc souvent la forme de décrets rendus par le dieu, et c’était le cas ici.

[4] Sur la valeur du tabonou, voir ce qui est dit dans Le cycle de Satni-Khâmoîs, L'Aventure de Satni-Khâmoîs avec les momies.

[5] Le sens de cette longue énumération paraît être tel ; l’argent, qui a été volé, est la propriété à la fois de ceux qui l’ont confié à Ounamounou, Hrihorou et Amon dont Hrihorou est le grand-prêtre, Smendès, Tantamânou, les autres princes égyptiens, puis des étrangers auxquels il est destiné, soit comme présent, soit comme prix des bois demandés. Un de ceux-ci, Zikarbal, est le prince de Byblos que nous rencontrerons plus loin ; nous ne savons qui sont les deux autres, Ouaradi et Makamarou. Zikarbal est la forme réelle du nom Acerbas, Sychas, Sichée, que portait le mari de la fameuse Didon.

[6] C’est une formule de politesse syrienne ou égyptienne : Je me soumets par avance à ta colère ou à ta bienveillance, selon que ma conduite ou mes explications te plairont ou ne te plairont pas.

[7] C’est l’idole que Hrihorou avait donnée à Ounamounou pour le protéger dans son expédition. Golénicheff a fait remarquer dès le début (Recueil de Travaux, t. XXI, p. 94, note 1) qu’elle était à l’Amon de Karnak, ce que, dans la Stèle de Bakhtan, le Khonsou envoyé en Asie est au Khonsou demeuré à Thèbes, un véritable ambassadeur d’Amon auprès des princes et des dieux étrangers.

[8] Les restitutions que j’ai insérées dans ce paragraphe sont imprimées en italiques (noirs et/ou en vert foncé) ; elles ne donnent qu’un canevas très court des événements accomplis entre Dora et Byblos. Le texte original devait renfermer deux ou trois épisodes dont je n’ai tenu aucun compte, mais auxquels il est fait allusion par la suite ; le départ du navire qui avait amené d’Égypte Ounamounou, l’introduction de l’idole Amon-du-Chemin, les raisons pour lesquelles le prince de Byblos refusait de recevoir Ounamounou.

[9] C’est une scène de fureur prophétique du genre de celles qui se passaient en Israël. Le page, saisi par le dieu, tombe dans une sorte d’extase épileptique pendant laquelle il sent la présence de l’idole Amon-du-Chemin ; il donne au prince l’ordre d’en haut qui l’oblige à recevoir Ounamounou et à faire ce que celui-ci désire. Frazer (Adonis, Attis, Osiris, p. 61) se refuse à croire comme Wiedemann (Altægyptische Sagen und Märchen, p. 99) que le dieu possesseur soit Amon ; il croit que c’est plutôt Adonis, parce qu’Adonis était le dieu de la cité, et que le droit de possession sur un des fonctionnaires du pays lui appartenait plutôt qu’à un dieu étranger. L’exemple de Balaam prouve que le dieu d’un peuple pouvait saisir même le prophète d’un dieu étranger, et justifie notre interprétation.

[10] Le prince de Byblos, apprenant qu’Ounamounou n’a point avec lui les lettres de créance qu’il devrait avoir, lui dit ouvertement qu’il le soupçonne d’être un aventurier ; Hrihorou et Smendès l’auraient embarqué avec ordre au capitaine de le jeter en pleine mer. En ce cas, on peut le traiter sans miséricorde ; car, s’il leur arrivait quelque mésaventure à lui et à sa statue d’Amon-du-Chemin, qui s’inquiéterait de leur destinée ? On verra que, plus loin, Ounamounou insiste sur ce fait que s’il venait à disparaître, on le chercherait jusqu’à la consommation des temps pour venger sa mort. C’est à quelque discours de ce genre, mais qui se trouvait dans les parties perdues du texte, que le prince de Byblos répond présentement.

[11] Ouarakatîlou est une forme dialectale du nom qui serait en hébreu Birkatel ou Berekôtel.

[12] Ounamounou, pour répondre au soupçon de Zikarbal, ‘rappelle qu’il est bien venu sur un navire égyptien monté par un équipage égyptien et non par un équipage syrien ; ce n’est pas, sous-entend-il, à des Égyptiens que des princes égyptiens auraient confié la besogne de supprimer un Égyptien. Zikarbal n’a pas de peine à le faire taire, en lui remontrant que la plupart des navires qui font le cabotage pour le compte de l’Égypte sont des navires syriens, qui, par conséquent, n’auraient pas de scrupule à exécuter sur un Égyptien les ordres que les princes d’Égypte leur auraient donnés du départ.

[13] La valeur ancienne transcrite en valeur moderne représente 92 kilogrammes d’argent.

[14] Il semble bien qu’on doive considérer ce membre de phrase comme l’expression emphatique de la confiance que le prince de Byblos a en son propre pouvoir. Il n’est pas le serviteur de l’Égypte, et, par suite, il n’est pas le serviteur d’Amon, et Amon n’a aucun pouvoir sur le territoire qu’il occupe. S’il crie aux cèdres du Liban de descendre à la mer, le ciel s’ouvre, et les arbres renversés par les dieux du pays, tombent d’eux-mêmes au bord de la mer.

[15] Les navires de mer égyptiens avaient, à l’avant et à l’arrière, deux pointes recourbées qui s’élevaient au-dessus de l’eau et qui étaient décorées ordinairement de tètes de divinités, hommes ou bêtes. Ces deux extrémités étaient maintenues par des cordages qui, frappés à la proue, passaient sur des matereaux plantés le long de l’axe du pont et allaient s’attacher à la poupe vers la hauteur du gouvernail. La force de la vague et du vent fatiguait beaucoup ces avancées et elle menaçait sans cesse de les enlever ; lorsqu’elles venaient à se séparer de la coque, le navire sombrait sans rémission.

[16] Les lacunes qui interrompent les lignes 16 et 17 du texte rendent le sens incertain ; voici pourtant comment je le conçois. Après avoir dit à Ounamounou qu’il est indépendant de lui et d’Amon, Zikarbal veut montrer qu’il peut plus pour Ounamounou qu’Ounamounou ne peut pour lui. Il demande à Ounamounou de lui montrer les voiles et les câbles des vaisseaux qui emporteront les bois, et il les trouve insuffisants ; si lui, Zikarbal, n’en donne pas de plus résistants, les navires d’Ounamounou ne résisteront pas à l’orage et ils sombreront en pleine mer.

[17] Voir ce qui est dit dans le conte Comment Thoutîyi prit la ville de Joppé.

[18] Le lien qui unit la fin de ce discours au commencement n’est pas évident au premier abord. La transition s’établit après le passage où Zikarbal montre les dangers de mort qui menacent Ounamounou pendant le retour : Ton navire, mal gréé, sombrera et tu périras dans la mer, car après tout il ne fait pas toujours beau temps, mais, à des intervalles fréquents, Amon fait gronder le tonnerre, et il donne pleine carrière à Soutekhou, le dieu de l’orage. Or, Amon, s’il veille sur tous les pays, veille principalement sur l’Égypte et il lui a donné la sagesse plus « qu’aux autres nations. Comment se fait-il que le souverain d’un pays si sage ait commandé à Ounamounou une course aussi folle que celle qui l’a amené à Byblos ?

[19] C’est-à-dire : remets à Ounamounou une statue d’Amon, où sera enfermée un peu de la force d’Amon et qui sera l’ambassadeur-dieu à côté de l’ambassadeur-homme. C’est la statue de l’Amon-du-Chemin dont il est question immédiatement après quand Ounamounou dit ; Hrihorou m’a envoyé avec ce dieu grand ! Cf. Le cycle de Ramsès II, La Fille du prince de Bakhtan et l'Esprit possesseur, les deux Khonsou et l’envoi que l’un d’eux fait au Bakhtan de la statue animée de l’autre.

[20] En d’autres termes : Donne gratuitement le bois à Amon et ne demande pas qu’il te le paie ; car Amon est un lion et le lion n’aime pas qu’on lui veuille prendre sa proie ! La phrase est probablement un proverbe populaire.

[21] La barque d’Amon avait deux têtes de bélier à l’avant et à l’arrière ce sont les billes de bois destinées à ces deux têtes que Zikarbal envoie comme cadeau préliminaire, pour provoquer la libéralité de Hrihorou et de Smendès.

[22] C’est une ombrelle analogue à celle que l’on voit figurée dans les bas-reliefs assyriens et qui est tenue au-dessus de la tête des rois par un eunuque ou par un officier debout derrière eux.

[23] Le sens de ce discours qui était clair pour un Égyptien ne l’est plus pour nous. Je crois y distinguer au fond l’idée courante en Orient que toute personne sur laquelle tombe l’ombre d’un être puissant, dieu, génie, roi, est sous la protection et par suite sous l’autorité de cet être. Penamânou, voyant l’ombre de l’ombrelle du prince de Byblos tomber sur Ounamounou, dit à celui-ci en se moquant que l’ombre de son Pharaon tombe sur lui, c’est-à-dire, en d’autres termes, que désormais il n’a plus pour Pharaon et pour maître que le prince dont l’ombre tombe sur lui, le prince de Byblos.

[24] Je crois qu’il faut comprendre ce passage comme il suit. Après avoir remis les bois à Ounamounou, le prince de Byblos, qui n’a pas encore pardonné l’insuffisance des cadeaux reçus, ajoute : Et maintenant, va-t’en vite, quand même le temps serait mauvais, et si tu te laissais entraîner à prendre en considération la colère de la mer lorsque tu seras au moment de ton départ, songe que ma colère pourrait être pire encore que celle de la mer, et que tu risquerais de t’attirer le sort des envoyés de Khâmoîs, que j’ai retenus ici prisonniers jusqu’à leur mort.

[25] Ce Khâmoîs est le Pharaon Ramsès IX, ainsi qu’il a été dit plus haut.

[26] Ounamounou développe ici le thème déjà indiqué plus haut, que son ambassade n’est pas une ambassade ordinaire, mais qu’elle renferme un dieu, l’Amon-du-Chemin. Il se plaint donc que le prince de Byblos veuille l’assimiler aux envoyés purement humains de Khâmoîs, et les représenter comme étant ses pairs.

[27] En récompense du service rendu par le prince, son double aura les libations d’eau fraîche que les bienheureux ont dans l’Hadès ; cf. le Conte des deux Frères.

[28] Pour le site du pays d’Alasia, voir ce qui est dit plus haut.

[29] C’est le même argument qu’Ounamounou a déjà employé plus haut vis-à-vis du prince de Byblos.