Si les précieuses découvertes de l'archéologie attirent de plus en plus l'attention sur tout le détail matériel de la vie grecque ou romaine, on est moins curieux aujourd'hui de pénétrer dans l'âme antique. Il nous a semblé pourtant que des études particulières sur l'état moral dans l'antiquité à diverses époques ne seraient pas sans intérêt, et nous avons essayé de faire ce qu'on pourrait appeler de la psychologie historique en un certain nombre de chapitres distincts, mais qui ne sont pas sans liaison, qui se soutiennent mutuellement. Dans ce volume, l'Éloge funèbre chez les Romains laisse voir quel sentiment civique animait les grandes cérémonies funéraires en un temps où Rome, naïve encore et peu lettrée, avait déjà la conscience de sa grandeur future. Le philosophe Carnéade à Rome nous fait assister au premier éveil de la curiosité philosophique et de la science morale chez un peuple qui jusque-là n'avait été que politique et guerrier. Les consolations dans l'antiquité permettent de se figurer les entreprises ou généreuses, ou ridicules de la philosophie sur la douleur. L'examen de conscience met en lumière les désirs de perfection intérieure qui s'étaient emparés de certaines écoles. Enfin, au moment où la philosophie et l'ancienne religion sont aux prises avec le christianisme, on voit par deux illustres exemples ce que pouvaient être un chrétien devenu païen et un païen devenu chrétien. A. de telles études ne convient pas l'appareil de l'érudition. On ne peint pas les âmes avec des gloses. Sans doute un auteur, en ce sujet comme en tout autre, doit observer les règles d'une sévère critique et s'appuyer sur des textes ; mais il n'est pas tenu de verser toutes ses notes devant le lecteur. C'est à l'écrivain de mériter du crédit par la clarté de son exposition, la vraisemblance de ses tableaux, la sincérité manifeste de son style. Le public se plaint quelquefois, non sans raison, que l'antiquité devienne de plus en plus un domaine réservé aux seuls initiés, entouré de barrières épineuses, comme, pour tenir à distance les profanes. Nous voudrions, au contraire, qu'elle fût accessible par plus d'un côté à tous les esprits cultivés, aux jeunes gens, même aux femmes. Intéresser tout le monde, si l'on peut, à l'histoire des idées morales, c'est faire une œuvre morale soi-même. Décembre 1882. |