APERÇU DE L’HISTOIRE DE L’ÉGYPTE

Depuis les temps les plus reculés jusqu’à la Conquête Musulmane.

 

INTRODUCTION.

 

 

L’histoire nous apprend que l’Égypte est bornée au Nord par la Méditerranée, au Sud par la cataracte d’Assouan. Mais l’histoire, en posant ces limites, ne tient aucun compte des indications fournies soit par la géographie, soit par l’étude comparée des races. Au Nord-Est du continent africain, de la mer à l’équateur, s’étend une zone immense de terrain formée par le même fleuve, par lui seul fertilisée. D’un autre côté, des races diverses qui peuplent les rives de ce fleuve, les unes sont incultes, sauvages, incapables de se gouverner elles-mêmes ; au contraire, en deçà du tropique, on rencontre une nation qui mérite l’admiration des hommes par sa gloire, par son industrie, par tous les éléments de civilisation qu’elle possède en son sein. L’histoire devrait donc dire que l’Égypte s’étend là où coule le Nil, et qu’ainsi l’Égypte a le droit de revendiquer comme son domaine toutes les terres qu’arrose ce fleuve célèbre, aussi loin qu’elles s’étendent vers le Sud.

L’Égypte est un pays privilégié entre tous. Son territoire nourrit une population docile, prompte au bien, facile à instruire, capable de progrès. La fertilité proverbiale de son sol, la douceur de son climat, écartent presque absolument d’elle le froid et la faim, deux fléaux qui, dans des pays moins favorisés, engendrent de véritables maladies sociales. Que dire du Nil ? Le Nil est le roi des fleuves. Chaque année, presqu’à jour fixe, grossi par les pluies torrentielles qui sont tombées dans certaines régions du Soudan, il sort de son lit, inonde les terres dont on lui facilite l’accès, et ne se retire qu’après y avoir déposé un limon bienfaisant. Autre part, l’inondation des fleuves est presque toujours un malheur public ; loin de traiter le Nil en ennemi qu’il faut sans cesse combattre, l’Égypte voit en lui un ami qui l’oblige, puisque avec la fécondité il lui apporte la richesse.

Envisagée comme nation, l’Égypte ne mérite pas moins de fixer notre attention. Son rôle dans les affaires du monde a toujours été grand. A portée presque égale de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, il ne s’est pour ainsi dire point passé un évènement remarquable auquel, par la force des circonstances, elle ne se soit trouvée mêlée. C’est même là le côté saillant de son histoire. L’Égypte ne brille pas quelques instants, comme tant d’autres pays, pour s’éclipser ensuite dans une nuit plus ou moins profonde : elle a, au contraire, l’étrange fortune de maintenir son action à travers soixante-dix siècles, et à presque toutes les époques de cette immense durée on la trouve exerçant sur quelque point une notable influence. Dans l’antiquité pharaonique, c’est l’Égypte apparaissant à l’origine des temps comme l’aïeule de toutes les nations, c’est Chéops bâtissant, au moment où le reste de la terre n’a pas encore d’histoire, des monuments que l’art moderne ne surpasserait pas, c’est Thoutmès, c’est Aménophis, c’est Ramsès, enchaînant à leur char toutes les races d’hommes alors connues ; — sous les Grecs et les Romains, c’est l’Égypte régnant par les idées comme auparavant elle avait régné par les armes ; ce sont les sectes philosophiques d’Alexandrie conduisant, à un moment de crise suprême, le grand mouvement d’où est sorti le monde moderne ; — au moyen-âge, c’est l’art arabe créant au Caire ses inimitables merveilles ; ce sont les Croisades, c’est Saint-Louis prisonnier à Mansourah ; — au commencement du siècle, c’est Bonaparte et son aventureuse mais brillante expédition ; — enfin de nos jours, c’est la dynastie de Méhémet-Ali, c’est la civilisation introduite sur les bords du Nil, c’est l’Égypte marchant à grands pas dans la voie du progrès et par là appelant sur elle l’attention du monde entier. Par son histoire plus encore que par la fertilité de son sol, l’Égypte a donc mérité de fixer les regards. Au rapport de Platon, quand Solon visita l’Égypte, les prêtres de Saïs[1], lui dirent : ô Solon, Solon ! vous autre Grecs, vous êtes des enfants ; en Grèce il n’y a pas un vieillard !... C’est pour avoir ouvert la voie où tant de peuples se sont avancés à sa suite que, déjà, il y a deux mille cinq cents ans, l’Égypte jouissait de la gloire qui la suivra à travers les tiges.

L’histoire générale de l’Égypte depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, peut se diviser, selon les diverses civilisations que ce pays a successivement adoptées, en trois grandes périodes principales qui sont :

I. PÉRIODE PAÏENNE ;

Il. PÉRIODE CHRÉTIENNE ;

III. PÉRIODE MUSULMANE.

La période païenne est celle pendant laquelle l’Égypte possède sans interruption la religion, l’écriture, la langue dont l’ensemble constitue cette civilisation qui a laissé de si nombreux vestiges sur les deux rives du Nil. Elle commence à l’origine de la monarchie, et après une durée de 5385 ans[2], se termine, l’an 241 avant l’hégire[3], au moment où l’empereur Théodose proscrit les anciens dieux et ordonne que la religion chrétienne sera désormais la religion officielle du pays.

La période chrétienne commence à la promulgation de l’édit de Théodose, et finit quand les lieutenants de Mahomet, 18 ans après l’hégire[4], imposent l’islamisme à l’Égypte. Pendant cette période, qui ne dure que 259 ans, l’Égypte relève des empereurs byzantins, dont le siège est Constantinople.

La troisième période commence avec l’établissement de l’islamisme et dure encore.

Nous allons, dans cet abrégé de l’histoire d’Égypte, nous occuper seulement des deux premières périodes, c’est-à-dire prendre l’histoire d’Égypte à son origine et la mener jusqu’au moment où, avec les Arabes, la religion musulmane parait sur les bords du Nil.

 

 

 



[1] SA-EL-HAGGAR (province de GHARBYEH).

[2] Les Autorités qui nous livrent ces chiffres ne se servant jamais que de l’année SOLAIRE de 365 jours, nous ne pouvons, en les citant, employer un autre mode de compter. Ainsi lorsque nous disons, d’après ces mêmes autorités, que la monarchie égyptienne a duré 5385 ans, nous entendons, comme elles l’entendent, 5385 années solaires, lesquelles font en réalité, dans la manière de supputer des Arabes, à peu près 5547 années LUNAIRES de 354 jours. Quant aux dates avant l’hégire, nous les rapportons également au calendrier solaire, et l’an 400 avant l’hégire signifie la 400e année solaire avant l’an 622 de J.-C., qui est le point de départ de l’ère musulmane.

[3] 381 après J.-C.

[4] 640 après J.-C.