Le contrat de mariage[1] de Catherine de Médicis portait qu'elle renonçait aux biens, meubles et immeubles de son père au proffit et utilité de Clément VII, mais son oncle étant mort en 1534, son cousin le cardinal Hippolyte en 1535, et son frère Alexandre de Médicis, duc de Florence, en 1537, et ainsi tous les mâles de la branche aînée ayant disparu, Catherine revint sur sa renonciation comme n'ayant été faite qu'en faveur du Pape. Elle poursuivit en Cour de Rome la restitution de ses biens patrimoniaux, que détenait Marguerite d'Autriche, veuve de son frère assassiné. Le projet de transaction qui, après négociations et procès, fut en 256o soumis aux deux parties, laissait à Marguerite la jouissance, sa vie durant, des biens situés en Toscane et la pleine propriété des joyaux ; bracelets, pierres précieuses et autres meubles, ainsi que des biens-fonds des Médicis situés dans le royaume de Naples[2]. Il attribuait à Catherine la nue propriété des immeubles de Toscane et du palais Médicis de Rome[3] avec ses appartenances et dépendances. Les revenus des fonds placés sur le Mont-de-la-Foi (Mont-de-Piété) étaient partagés entre Marguerite et Catherine, le capital (20.000 écus) restant à Catherine, à charge pour les deux héritières de désintéresser les créanciers du cardinal Hippolyte. La question de la villa Médicis (villa Madame)[4] était réservée, d'autant que le cardinal Alexandre Farnèse y prétendait aussi en vertu d'une donation d'Henri II[5]. Mais Catherine n'accepta pas ce compromis, sauf en ce qui regardait les bijoux et les domaines napolitains. Elle réclama la restitution immédiate des capitaux versés au Mont-de-Piété et la pleine propriété des biens-fonds de Rome et de Toscane. On recommença à plaider et à négocier. En septembre 1582, le tribunal de la Rote, la suprême juridiction pontificale en matière civile, condamna Marguerite à payer à Catherine 20.000 écus et à lui abandonner l'usufruit du palais Médicis avec ses appartenances et dépendances. Marguerite mourut en 1586 avant de s'être exécutée. Catherine s'entendit assez facilement sur les questions de créance et des biens de Rome avec les héritiers de la duchesse, son beau-frère le Cardinal Farnèse, et son fils le duc de Parme. Elle eut d'autres difficultés avec les Médicis régnant en Toscane. Côme, qui s'était fait proclamer duc à Florence, après l'assassinat d'Alexandre, avait pris à ferme de Marguerite, moyennant 8.500 écus d'or par an, tous les biens sis et situés en ville et duché de Florence : maisons, palais, villas, campagnes, maremmes, etc., qui étaient ensemble estimés un peu plus de 322.429 ducats[6]. Après la mort de l'usufruitière, François de Médicis, successeur de Côme, ne se pressa pas de laisser entrer la propriétaire en possession. Il prétendait garder l'héritage en nantissement de 240.000 écus qu'il avait dépensés pour l'entretien de ces immeubles. Catherine offrait, à titre de transaction, de lui céder le tout contre la quittance des 340.000 écus qu'il avait prêtés à Henri III, estimant qu'elle lui abandonnait plus de cent mil escus de la valeur des dits biens[7]. Mais François marchandait, et Catherine avait entamé une action contre lui lorsqu'il mourut. Le mariage de son successeur Ferdinand avec Christine de Lorraine arrêta le procès. Catherine constitua en dot tous ses biens de Toscane à sa petite-fille. A Rome elle céda au grand-duc le palais Médicis, dit palais Madame[8], moins les appartenances et dépendances que garda Saint-Louis-des-Français[9], et elle reçut en échange le palais que Ferdinand habitait au temps de son cardinalat et où fut transférée l'ambassade de France. |
[1] Le contrat de mariage dans Lettres, t. X, p. 478 sqq. (en français) ; une copie en latin (moins complète) dans Reumont-Baschet, La Jeunesse de Catherine de Médicis, p. 312-318.
[2] Lettres, t. IX, p. 438.
[3] Dit palais Madame, à cause de Madame Marguerite, qui depuis la mort de son mari, l'occupait. Aujourd'hui palais du Sénat.
[4] C'est la villa Médicis au Monte Mario, qu'il ne faut pas confondre avec la Villa Médicis du Pincio où est installée aujourd'hui l'Académie de France.
[5] Lettres, t. IX, p. 446-447.
[6] Lettres, t. IX, p. 444-445.
[7] 9 avril 5587, Lettres, t. IX, p. 599.
[8] L'ambassadeur Pisani avait déjà commencé les réparations et se préparait à s'y installer. Lettre du 17 juin 5587, Lettres, t. VIII, p. 485.
[9] Voir plus haut, la donation à Saint-Louis-des-Français.