DU CHANGEMENT produit dans les dispositions de la Reine-mère par la surprise de Meaux, il y a des témoignages caractéristiques. Immédiatement avant l'agression (24 septembre), elle recommandait à M. de Gordes, lieutenant général en Dauphiné, de faire toujours vivre les subjects de delà en toute doulceur et tranquillité à l'observation des édits et ordonnances[1]. Mais une dizaine de jours après, elle faisait écrire par le Roi au même M. de Gordes : Là où vous en sentiriès aulcungs qui branlent seulement pour venir secourir et ayder à ceux-ci de la nouvelle religion, vous les empescherés de bouger par tous moiens possibles, et si vous connoissés qu'ils soyent opiniastres et voulloir venir et partir, vous les taillerés et ferés mettre en pièces sans en espargner ung seul, car tant plus de morts moings d'ennemis[2]. Elle était convaincue que les protestants avaient pris les armes, non, comme ils le déclaraient, pour prévenir la persécution, mais pour s'emparer du Roi et du gouvernement. Elle se tint pour avertie, et, naturellement rancunière, elle prépara sa revanche. Elle n'avait en attendant qu'à lâcher la main aux masses catholiques. L'Église avait regagné presque tout le terrain qu'elle avait perdu de 1559 à 1562 par le scandale de ses abus, la violence des Guise, le zèle et la science des ministres réformés. Prêtres et moines étaient allés par les villes, villages et maisons des particuliers admonester un chacun de la doctrine des protestants. Ils s'étaient remis à instruire le peuple, qui n'avait le plus souvent couru au prêche que par manque de bons prônes. Un de leurs arguments, le plus simple, faisait impression. Était-il possible que pendant quinze ou seize siècles, jusqu'à l'apparition de ces novateurs, Dieu eût laissé dans l'erreur et privé de sa grâce et du sang de Jésus-Christ tant de roys, princes et grands personnages ? Le supposera seroit blasphémer contre sa bonté et l'accuser d'injustice[3]. L'ordre nouveau des jésuites, que le péril de la foi avait décidé l'Église gallicane à reconnaître, apporta au catholicisme français le secours de son savoir, de sa parole, de son prosélytisme et de son habileté. Il s'attacha plus particulièrement à reconquérir, par la prédication, l'enseignement et la direction de conscience, les classes dirigeantes de l'État, haute bourgeoisie, noblesse et princes[4]. En même temps, le parti catholique s'organisait pour le combat. L'expérience avait prouvé que le Roi, avec les quelques milliers d'hommes qu'il entretenait en temps de paix, était, au début des hostilités, incapable de faire front aux forces protestantes volontaires, dont la mobilisation était préparée de longue main[5]. L'idée était venue à Monluc en 1563, et elle fut reprise par Tavannes et d'autres chefs catholiques, d'opposer confraternité catholique à confraternité protestante, intelligence à intelligence. En Bourgogne, où Tavannes était gouverneur, des ecclésiastiques, des nobles et des bourgeois se groupèrent en ligues ou associations, qui, au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et par la communion de son précieux sang, signaient le serment de soutenir de tout leur pouvoir l'Église de Dieu, maintenir nostre foy ancienne et le roy nostre sire, souverain naturel et très chrestien seigneur, et sa couronne. Ces confréries du Saint-Esprit, comme on les appelait généralement en Bourgogne, devaient avoir un fonds commun, des troupes prêtes à marcher et des émissaires chargés de surprendre et de signaler les pratiques des huguenots. La province seule pouvait mettre sur pied 1.500 cavaliers et 4.500 fantassins[6]. Les Lorrains, favorisés par la réaction catholique, reparaissaient à la Cour et aux armées. Le jeune duc de Guise, Henri, alors âgé de dix-huit ans, annonçait une valeur brillante et digne de sa race. Mais il se gardait bien de se poser, comme Condé l'avait fait, en concurrent d'Henri d'Anjou. L'esprit dirigeant de la famille, le cardinal de Lorraine, affectait le plus grand dévouement pour ce fils si aimé de la Reine. II lui avait promis, écrivait l'ambassadeur anglais Norris, deux cent mille francs par an du clergé de France pour soutenir la religion romaine ; sur quoi le pape, le roi d'Espagne et les autres princes papistes ont promis aide et secours en tout ce que Monsieur tenterait pour la ruine de ceux de la religion»[7]. C'était flatter Catherine en sa faiblesse maternelle et en même temps la rassurer sur la fidélité du parti catholique que d'en reconnaître le duc d'Anjou pour chef. Aussi le Cardinal était-il grand favori. Seul, prétendait l'ambassadeur anglais, il fait tout en toute chose. Le chancelier de L'Hôpital avait rendu les sceaux le 24 mai 1568, jugeant plus opportun de céder à la nécessité de la République et aux nouveaux gouverneurs que de desbattre avec eux[8]. Je m'esbahis, madame, écrivait Jeanne d'Albret à Catherine, vu que de tant de pareilles menées qu'il (le Cardinal) a faictes vous n'avez jamais vu une bonne fin, comme il vous peult, sans changer de main, ainsi souvent tromper[9]. C'est au cardinal de Lorraine naturellement que Condé, Coligny imputent les dénis de justice et les attentats dont leurs coreligionnaires avaient été victimes pendant les troubles et depuis la signature de la paix. Mais la Reine n'agissait pas par suggestion ; elle s'aidait du Cardinal comme elle s'était aidée de L'Hôpital. Ayant changé de politique, elle changeait de serviteurs[10]. Cependant les catholiques prolongeaient la guerre par
l'assassinat. Le protestant Rapin, que le Roi envoie porter l'ordre au
parlement de Toulouse d'enregistrer la paix de Lonjgumeau, est saisi, jugé,
exécuté par ce même parlement pour une condamnation antérieure que deux ou
trois amnisties avaient annulée. La garnison d'Auxerre pille les cinquante
mille écus que Coligny expédiait aux reîtres pour hâter leur départ de
France. Le sieur d'Amanzé, qu'il charge d'aller réclamer cet argent, est
assassiné par six hommes masqués. Un grand seigneur, René de Savoie, seigneur
de Ci-pierre, est massacré à Fréjus, avec trente-six des siens, par le baron
des Arcs. La populace s'en mêle et fait rage. En trois mois, raconte
d'Aubigné, qui toujours exagère, les peuples, soutenus de gens notables,
mirent sur le carreau plus de dix mille personnes[11]. Le gouvernement
laissait faire. C'était sa vengeance contre un parti qu'il ne trouvait pas
assez résigné. Les huguenots ne se pressaient pas de restituer au Roi les
villes qu'ils avaient occupées pendant la guerre ; Montauban, Sancerre, Albi,
Millau, Castres faisaient compter les clous
de leurs portes aux garnisons
royales qu'on leur envoyait. La Rochelle, qui s'était déclarée dans la
dernière guerre pour le prince de Condé (9 janvier 1568), consentait à recevoir son
gouverneur, Guy Chabot de Jarnac, mais non les soldats qui l'accompagnaient.
Aussi, quand Coligny s'indignait que les assassins et les factieux eussent
sinon exprès
commandement de faire ce qu'ilz font, à tout le moins ung tacite consentement, la Reine ripostait que le Roi son
fils avait donné l'ordre de faire bonne justice à tous ses sujets sans
distinction et que desjà l'effect se verroit de sa
volunté si n'eust esté que les armes sont encore plus entre les mains de ceux
qui ne les debvroient point avoir que entre les siennes[12]. Entre Catherine et l'Amiral, les explications sont d'autant plus aigres que leurs rapports ont été plus cordiaux. L'Amiral était comme le Connétable, son oncle, assez rude et fâcheux. Il en voulait, ce qui est légitime, à M. de Prie, le gouverneur d'Auxerre, qui avait fait assassiner un de ses gentilshommes ; mais en annonçant à la Reine-mère la mort de Mme de Prie, il en tira une leçon qui portait plus loin que le mari. Je ne veulx pas estre si présomptueux de juger des faits de Dieu, mais je veulx (peux ?) bien dire avec tesmoignage de sa parole que tous ceulx qui violent une foy publique en seront chastiez[13]. Il lui promettait d'empêcher tant qu'il pourrait les troubles et prises des armes en ce royaume, mais, ajoutait-il, si nous y sommes contraintz pour deffendre la liberté de nos consciences, nos honneurs, vyes et biens, l'on cognoistra que nous ne sommes pas si aisés à battre et desfaire comme le cardinal de Lorraine s'en vante tous les jours[14]. Il se plaignait qu'on eût dessein de l'assassiner, comme il l'avait appris de bonne source ; elle le pria de faire connaître ces donneurs d'avis qui cherchaient à le mettre en défiance. Mais, répliquait-il, ne lui avait-elle point fait dire qu'il ne tenait la vie que d'elle, plusieurs ayant offert de le tuer, ce qu'elle n'avait pas voulu permettre. Elle devrait lui faire justice de ces méchants, et, pour surcroît d'obligation, les lui nommer afin qu'il sût de qui se garder. Ces récriminations étaient de mauvais augure ; les actes aussi. Un millier de huguenots et de protestants étrangers s'étaient glissés le long de la frontière et se disposaient à rejoindre aux Pays-Bas Guillaume le Taciturne et son frère Ludovic, qui avaient pris les armes contre les Espagnols. Catherine donna l'ordre au maréchal de Cossé de courir sus à ces bandes et de livrer au duc d'Albe pour les traiter ainsy qu'ils le méritent les Elamans (probablement les Flamands) et autres sujets du roi catholique qui s'y étaient enrôlés. Le capitaine qui les commandait, Cocqueville, avait été pris dans Saint-Valery (sur Somme) et décapité, avec quelques-uns de ses compagnons. Quant aux autres François qui sont prisonniers, ajoutait Catherine, je trouve bon qu'une partie soient punis comme les autres qui ont été exécutez et le reste soit envoié aux gallères[15]. On voit à quel degré de passion elle est montée. Ce n'est plus la même femme. Condé et Coligny, inquiets, s'étaient mis à l'abri dans Noyers-sur-Serain, à l'entrée du Morvan, une petite place assez forte qui appartenait à la princesse de Condé[16]. L'idée vint à Catherine de se saisir d'eux, et peut-être même de les traiter, à la façon du duc d'Albe, comme les comtes d'Egmont et de Horn. Mais elle cachait soigneusement ses intentions. Le Roi en son Conseil examinait les griefs des chefs protestants et y répondait. Il ordonnait des enquêtes sur les crimes et les massacres, dont ils se plaignaient, envoyait à Auxerre un maitre des requêtes, déléguait à même fin le premier président du parlement de Dijon. Il prononçait la dissolution des confréries du Saint-Esprit, dont le voisinage inquiétait les gens de Noyers[17] ; il arrêtait la marche des compagnies de Brissac, qu'il avait décidé de cantonner dans l'Auxois ; il remontrait à Tavannes, son lieutenant général en Bourgogne, que Condé l'accusait de vouloir attenter sur sa personne. Mais Catherine délibérait à part avec le cardinal de Lorraine et le nouveau garde des sceaux, Birague. Un certain Lescale fut pris mesurant la hauteur des murs de Noyers. Elle envoya Gonthery, secrétaire de Birague, et, en recharge, un capitaine, le sieur du Pasquier, donner l'ordre — probablement un ordre verbal — à Tavannes d'investir la ville de Noyers. Mais le gouverneur aurait, comme le raconte son fils, fait répondre que la Royne estoit conseillée plus de passion que de raison et que l'entreprise estoit dangereuse, proposée par gens passionnés et inexperts, que luy n'estoit propre pour telles surprises.... que quand il voudroit exécuter ce commandement, le Prince et l'Amiral ayant de bons chevaux se pourroient sauver et luy demeurer en croupe avec le blasme d'avoir rompu la paix[18]. Dans une lettre officielle au Roi où il se défendait de tout mauvais dessein contre un Bourbon. Tavannes ajoutait : Il est vray, quant il sera question des commandemantz de Vostre Majesté, de vostre Estat et du faict de ma charge, je vouldrois non seulement entreprendre contre luy, mais contre mon père s'il vivoit[19]. Tavannes, prêt à marcher sur un ordre du roi, refusait de se commettre dans une tentative dressée de quenouille et de plume. Cependant comme il craignait que la Reine-mère n'insistât, et, sur un nouveau refus, n'envoyât quelque autre capitaine en son gouvernement pour exécuter ce coup de main, il résolut de donner l'alarme au prince de Condé. Il fit passer e des messagers proche Noyers avec lettres qui conte-noient : Le cerf est aux toiles, la chasse est préparée ». Les porteurs de dépêches furent, comme il l'espérait, arrêtés, et Condé, interprétant l'obscurité des textes à la lumière de ses soupçons, partit secrètement de Noyers avec Coligny, le 23 août. Il laissait pour adieu au Roi un mémoire où il énumérait les griefs du parti et n'en rendait responsable que le cardinal de Lorraine, la racine et la semance de toutes les divisions et partialitez qui ont cours en ce royaume[20]. Les fugitifs arrivèrent à La Rochelle, le 14 (ou le 18) septembre, et ils y furent rejoints par Jeanne d'Albret et son fils Henri de Navarre, qui leur amenaient les contingents gascons. D'heureux coups de main leur livrèrent Saint-Jean d'Angély, Saintes et Cognac. Forcés par la nécessité de prendre leur point d'appui loin de Paris, ils se cantonnèrent dans l'Ouest, où les grandes familles aristocratiques, les La Rochefoucauld, les La Trémoille, les Soubise et presque toute la noblesse avaient passé à la Réforme. En arrière des places fortes conquises et en avant de ses boulevards insulaires de Ré et d'Oléron, La Rochelle formait comme un réduit central, accessible par mer aux Anglais protestants, mais presque inexpugnable par terre aux Français catholiques. Catherine était encore une fois surprise par les événements. Elle voulut négocier, car elle était d'avis de négocier toujours, de négocier quand même. Condé refusa d'écouter un gouvernement qui, par deux édits publiés le 28 septembre, accordait la liberté de conscience, mais défendait sans acception de personnes tout exercice d'autre religion que de la catholique et romaine, commandait aux ministres réformés de sortir du royaume dans les quinze jours, démettait de leurs charges, avec promesse toutefois de les indemniser, les officiers du roi qui seraient de la nouvelle Église[21]. La Reine-mère avait encore fait nommer son fils, le duc d'Anjou, lieutenant général du royaume (29 août) avec la direction particulière des forces de l'Ouest. Elle lui adjoignit, pour suppléer à son inexpérience, deux capitaines qui avaient fait leurs preuves dans les guerres du Piémont, Tavannes et Sansac. Ce partage du commandement, inspiré par les mêmes causes, eut les mêmes résultats qu'en 1567 ; la guerre traîna. Sansac dut enfin se retirer. Tavannes, libre de ses mouvements, franchit la Charente en mars 1569 et surprit à Bassac — près de Jarnac — Coligny, qui se gardait mal. Condé, accouru à l'aide, chargea avec trois cents chevaux la masse des escadrons catholiques et y pénétra d'un élan furieux, mais il fut accablé par le nombre, jeté à bas de cheval et tué de sang-froid par les gardes du duc d'Anjou (13 mars). Coligny couvrit la retraite et sauva l'armée protestante. Catherine reçut à Metz la nouvelle de la victoire de
Bassac. Depuis deux mois, elle avait quitté Paris, et, malgré les fatigues et
la maladie, elle travaillait à fermer l'entrée de la Champagne et des
Trois-Évêchés aux auxiliaires étrangers qui se préparaient à rejoindre les
huguenots. L'habitude s'établissait entre gens de même croyance de s'entraider
sans distinction de pays. Guillaume de Nassau en révolte contre le Roi
catholique, et Condé et Coligny en révolte contre le Roi très chrétien,
s'étaient promis par traité (août 1568)
de s'aider, favoriser et secourir l'ung à l'aultre
de tout ce qui dépendrait de leurs puissances et
forces. Et failli que ceste alliance demeure
tellement ferme que, quant il plairoit à Dieu favoriser l'ung ou l'autre pais
en luy donnant entière liberté de conscience que pour ceste occasion ceulx
qui seront si heureubc ne laisseront de secourir l'aultre partye comme si ils
estoient en la mesme peine...[22] Guillaume de Nassau, au lieu d'attaquer le duc d'Albe, était entré en France le 19 novembre 1568. et l'on pouvait se demander s'il reculait devant les Espagnols ou projetait de se rapprocher de ses coreligionnaires français. Le gros de l'armée royale étant engagé dans l'Ouest, Charles IX n'avait que quelques milliers de soldats en Champagne, et le duc d'Albe ne se pressait pas de lui expédier les renforts qu'il lui avait promis. Catherine fit offrir à cet intrus équivoque de lui accorder libre passage vers l'Allemagne, et pour la pitié que le Roi avait de sa troupe de faire dresser estappes pour la jecter... hors de nécessité[23]. Malgré les protestations de l'ambassadeur d'Espagne, elle fournit au sujet rebelle de Philippe II l'argent et les vivres dont il avait le plus grand besoin. Mais, de peur qu'il ne fût tenté de s'en servir contre elle, comme on avait lieu de le craindre, elle fit si bien travailler ses mercenaires allemands qu'ils s'ameutèrent et le contraignirent à repasser la Moselle (13 janvier 1569). Ce premier péril écarté, elle tâcha de barrer la route à l'armée que le duc des Deux-Ponts, Wolfgang de Bavière, amenait d'Allemagne au secours des huguenots. Mais elle 'partagea encore la défense des frontières de l'Est entre le duc d'Aumale et le duc de Nemours, qui ne s'entendirent pas. Wolfgang, que Guillaume de Nassau avait rejoint avec 1.200 cavaliers, profita de ces divisions et, gagnant de vitesse ses adversaires (mars 1569), il traversa la Bourgogne, franchit la Loire et arriva dans la Marche. Le duc d'Anjou, menacé d'être pris entre ces étrangers et les huguenots, appela sa mère à l'aide. Il se plaignait du duc d'Aumale, qui avait laissé passer l'invasion, et du cardinal de Lorraine, qui ne lui envoyait pas l'argent de la solde. Catherine, qui se reposait à Monceaux, accourut au camp et massa toutes les forces royales contre le duc des Deux-Ponts. Mais elle n'eut pas la joie d'assister à une victoire de ce fils si cher, les reîtres catholiques, qu'on ne payait pas, ayant refusé de se battre. Cet (si) les reystres, écrivait-elle à Charles IX, euset voleu (eussent voulu) marcher jeudi le jour de la Feste-Dyeu (10 juin), je me pouvés dyre la plus heureuse femme du monde et vostre frère le plus glorieulx[24]. C'était pour elle une grande déception ; mais quelques
mois après, Tavannes battit Coligny à Moncontour (3
octobre 1569), et elle crut que la partie était gagnée. Le hasard,
comme dans la première guerre civile, l'avait bien servie. Condé avait péri (13 mars) ; Wolfgang était mort de maladie la
veille de sa jonction avec les huguenots (11
juin). Mort aussi d'Andelot, le meilleur lieutenant de Coligny (7 mai 1569). Monsieur
mon fils, vous voyés corne Dieu nous ayde car y lé (il le ou les) vous fayst
mourir (votre ennemi ou vos ennemis) sans coups frapper[25]. Elle espérait d'autres marques de la protection divine. M. de Fourquevauls, écrivait-elle à son ambassadeur à Madrid, la nouvelle de la mort d'Andelot nous a fort resjouys, depuis celle du feu conte de Brissac[26] que j'ay tant regretté ; j'espère que Dieu fera aux aultres à la fin recevoir le traictement qu'ils méritent. L'on tient aussy que Baudiné[27] est mort et que la peste est parmy eulx à Xainctes où ils sont encores. Et, sans transition, elle conclut : Je vous prie au reste, Monsieur de Fourquevauls m'envoyer par la première commodité deux douzaines d'éventails...[28] (19 mai 1569). Elle laissa trop voir sa joie pour son honneur. Le cardinal de Châtillon, alors réfugié en Angleterre, écrivait à l'Électeur Palatin, Frédéric III (10 juin), que son frère avait été empoisonné, et il en donnait pour preuve tant l'anatomye (autopsie) qui a été faite de son corps que les propos d'un Italien qui s'était vanté, devant (avant) ladite mort, à plusieurs tant à Paris qu'à la Cour, d'avoir donné la poison et qui, depuis, sachant son coup réussi, demandait récompense d'un si généreux acte[29] ; mais la douleur fraternelle ne le rendait-elle pas trop crédule ? L'ambassadeur d'Angleterre en France, Norris, dans une dépêche à Cecil, du 27 mai 1569, annonçait aussi qu'un Italien se flattait d'avoir empoisonné d'Andelot et fait boire à la même coupe l'Amiral et son frère[30]. Il rappelait au secrétaire d'État d'Élisabeth que depuis longtemps il lui avait signalé que quelques Italiens étaient partis de Paris bien payés, pour exécuter le même dessein. Il est vrai que, le 14 juin, il rapportait que Coligny avait fait tirer à quatre chevaux l'empoisonneur, un gentilhomme du camp du duc d'Anjou, et que M. de Martigues, lieutenant général du roi en Bretagne, était l'instigateur du crime[31]. Comme ces détails sont faux, on peut se demander si Norris était mieux renseigné sur la cause de la mort. Mais à l'arrivée à Londres de sa première lettre, le 1er
juin[32], la Cour
d'Angleterre prit ostensiblement des mesures pour protéger Élisabeth, à qui
Charles IX disait en vouloir d'aider ses sujets rebelles. Despuys cella, écrivait le 10 juin l'ambassadeur de
France à Catherine, l'on a ordonné je ne sçayquoy de
plus exprès en l'essay accoustumé de son boyre et de son manger et l'on a
osté aulcuns Italiens de son service, et est sorty du discours d'aulcuns des
plus grandz qu'encor qu'il ne faille dire ny croire que telle chose (l'empoisonnement de d'Andelot) ayt été faicte du vouloir ny du commandement de Voz
Majestez ny que mesures vous le veuillez meintennant (maintenant)
aprouver après estre faict, que neantmoins touz princes debvoient dorsenavant
avoir pour fort suspect tout ce qui viendra du lieu d'où de telz actes
procèdent ou qui y sont tolérez, et s'esforce l'on par ce moyen de taxer et
rendre, icy, odieuses les actions de la France ; et [je] croy
qu'on en faict aultant ailleurs[33]. Il est étrange
que La Mothé-Fénelon ait attendu des instructions pour protester contre ces
soupçons infamants. Il annonce à la Reine ce 10 juin qu'il va le faire, ayant
appris par une lettre du Roi du 14 mai — une dépêche officielle qui avait
voyagé bien lentement[34] — que M.
d'Andelot dans un combat avait été frappé d'un coup d'arquebuse dont il n'est depuis sceu guérir (dont on n'a pas su
depuis qu'il se fût guéri). Sur cette asseurance, dit-il, j'asseureray
fort que ce qu'on dict du poyson est une calomnie et que Voz Majestez ne
serchent ceste façon de mort, mais bien l'obeyssance de voz subjects et de
donner ung juste chastiement à ceulx qui presument de la vous denyer[35]. Il n'a pas
l'air bien convaincu, et pour cause. Personne n'avait entendu parler d'une
blessure de d'Andelot[36]. Aussi la
Reine-mère, dans une lettre du 9 juillet 1569, où elle relevait les
inexactitudes de Norris, disait que d'Andelot était mort d'une grosse fiebvre à l'occasion de beaucoup de travail qu'il
auroit pris[37]. Et en effet il
est possible qu'une fièvre pestilentielle,
qui fit beaucoup de victimes dans le camp huguenot ait achevé de ruiner un
organisme affaibli par les fatigues et les soucis de la campagne. L'historien
protestant, La Popelinière, sans écarter l'hypothèse du poison, semble croire
plutôt à un accès pernicieux de fièvre chaude[38]. Mais il est
regrettable pour le Roi que, sept jours après la mort de d'Andelot, il en ait
donné une explication imaginaire, et que sa mère ait été obligée d'en
découvrir ou d'en inventer une meilleure. Encore plus inquiétante que ces contradictions est la conversation que Catherine eut à Metz avec Francès de Alava et que l'ambassadeur d'Espagne rapporta immédiatement à son maitre, le 7 avril, juste un mois avant l'événement. Elle se lamentait de l'impuissance des forces royales contre les rebelles et demandait ce qu'elle devait faire. Le conseil de l'Espagnol fut de sonner le glas, comme on dit en Italie, à l'Amiral, d'Andelot et La Rochefoucauld.... La Reine répliqua qu'il n'y avait pas trois jours qu'elle avait réglé l'affaire du glas, en promettant de donner 50.000 écus à qui tuerait l'Amiral et 20.000 ou 30.000 à qui tuerait les deux autres[39]. Elle attendait de trouver l'homme d'exécution. Mais entre l'aveu de ses intentions et la date de la mort, la coïncidence est troublante[40]. Et malheureusement ce n'est pas la seule fois où on puisse la suspecter d'avoir voulu se défaire des chefs rebelles autrement que par voie de justice. Le 18 juillet 1569, Norris écrivait encore à Cecil : Je suis informé que le capitaine Haijz, un Allemand (an Almain), est expédié d'ici pour chercher à tuer l'Amiral par le poison et qu'il reçoit le même salaire que d'autres auparavant ont eu pour une entreprise semblable[41]. L'emploi d'autres émissaires que les Italiens trop suspects n'est pas douteux. Dans une dépêche du 8 août, Francès de Alava raconte à Philippe II qu'ayant en son hôtel un Allemand qui revenait du camp de l'Amiral et qui paraissait bien instruit de ce qui s'y passait, il avait proposé au Roi et à la Reine de le leur envoyer, s'ils désiraient lui parler. Mais comme il ajouta que ce transfuge savait qu'on tramait la mort de l'Amiral, la mère et le fils, le prenant par le bras, le poussèrent dans un cabinet, où il n'y avait personne set e ensemble lui dirent que, pour Dieu, il ne fût pas question de cette affaire, car ils en attendaient à tout moment une bonne nouvelle ; et ceci fut dit avec une joie qui trahissait, sans le moindre doute, qu'ils avaient machiné cette mort. La Reine ajouta que pour rien au monde cet Allemand ne devait venir leur parler et elle pria l'ambassadeur de l'engager, comme de lui-même, à se taire, et même, s'il le jugeait à propos, de lui faire quelque bon présent, pour qu'il se tût. Alava voulut savoir si c'étaient des Allemands qui devaient tuer l'Amiral : Chut ! pour le moment, fut la réponse ; ne nous demandez rien ; vous saurez tout sans tarder. Et ils parlaient avec tant de précaution qu'ils ne quittaient pas des yeux les murs de la pièce comme pour scruter s'il n'y avait pas quelque fenêtre ou autre ouverture par où on pût les entendre[42]. Un mois après cette scène tragi-comique, les huguenots arrêtaient à son retour au camp un domestique de l'Amiral, Dominique d'Alba, qui, dépêché à Wolfgang de Bavière, était resté si longtemps en route qu'il en était devenu suspect. On trouva sur lui un passeport au nom du duc d'Anjou, daté du 3o août, et une poudre blanche, que les médecins et les apothicaires consultés déclarèrent être du poison. D'Alba confessa que pris par les catholiques, et pressé par La Rivière, capitaine des gardes du Duc, de faire mourir l'Amiral, il avait consenti et reçu argent et poison en forme de poudre blanche. Jugé par un conseil de guerre, où l'Amiral et les deux Bourbons s'abstinrent de siéger, il fut condamné à être étranglé et pendu (20 septembre)[43]. Si elle s'acharna contre Coligny, c'est qu'il commandait sans partage, depuis la mort de Condé, les forces protestantes. Les deux jeunes princes du sang, Henri de Navarre et le fils de Condé, Henri de Bourbon, qui, selon la casuistique huguenote, légitimaient la révolte par leur présence, étaient en droit les chefs de l'année et en fait les pages de monsieur l'Amiral, comme on les appelait. Supprimer Coligny, c'était frapper le parti à la tête. Qu'il méritât la mort, Catherine n'en pouvait douter. Les lois du royaume, quoi qu'il pût dire pour sa défense, n'admettaient pas d'excuse à la rébellion. Mais les rois de France, à l'exception peut-être de Louis XI, ne procédaient contre les coupables que par force d'armes ou par jugement. Tout en considérant la justice comme l'attribut essentiel de la souveraineté, ils en laissaient la fonction à leurs officiers, et se seraient fait scrupule de commander d'autorité le meurtre d'un sujet[44]. Quant à l'idée de soudoyer un empoisonneur, elle ne leur venait même pas. Catherine n'avait pas de ces répugnances. Elle est d'un pays où de jeunes dynasties fondées par la violence et de vieilles oligarchies soupçonneuses n'ont d'autre règle de droit que le souci de leur sécurité. Le poison est, comme l'assassinat, un moyen de se défaire d'ennemis qui échappent à la puissance des lois. Dans sa lutte contre le parti protestant, Catherine se servit des armes que lui fournissaient les institutions françaises et, au besoin, de celles que lui suggérèrent ses souvenirs italiens. Le jour même où la poudre blanche procurée à Dominique d'Alba par le capitaine des gardes du duc d'Anjou était reconnue pour du poison (13 septembre 1569), le parlement de Paris, en suite de la procédure qu'il avait commencée en juillet par l'ordre du Roi déclarace par arrêt Coligny crimineux de lèze majesté au premier chef, perturbateur et violateur de paix, ennemi de repos, tranquillité et seureté publique, chef principal, autheur et conducteur de la rebellion conspiration et conjuration contre le Roy et son estat. Pour tous ces crimes, il le privait de tous honneurs, états, offices et dignités, confisquait ses biens et le condamnait à être étranglé et pendu à une potence en place de Grève. Il assurait à qui livrerait Coligny es mains du roy et de sa justice, fût-il même complice de Coligny, cinquante mil escus d'or soleil à prendre sur l'Hôtel de Ville de Paris et autres villes de ce royaume[45]. Le Roi trouva bon l'arrêt du Parlement, fors excepté qu'il falloit adjouster, après : à qui livrerait Coligny, ces mots : mort ou vif. Ainsi fut fait dans un nouvel arrêt du 28 septembre. La mise à prix de la tête d'un rebelle, cette délégation par l'État à de simples particuliers de son droit de tuer, est une mesure inhumaine, mais légale, dont on trouverait des exemples même au XIXe siècle parmi les peuples civilisés. Un jeune gentilhomme d'humeur sanguinaire, Louviers de Maurevert, ou Maurevel, s'offrit pour l'exécution. Autrefois page dans la maison de Guise, il avait tué son gouverneur, qui le fouettait pour quelque faute, et, contraint de s'enfuir à l'étranger, avait fini par obtenir sa grâce. Il se présenta à l'armée des princes comme une victime des Guise, et il y fut naturellement bien accueilli, surtout par Mouy, un des principaux capitaines, dont il avait été auparavant le serviteur, Brantôme dit, le page. Il ne trouva pas l'occasion d'assassiner Coligny, mais, pour ne pas perdre sa peine, il tua son ancien maître d'un coup de pistolet dans le dos (9 octobre). Au camp catholique où il se réfugia, il fut, raconte Brantôme, qui parle en témoin, assez bien venu de Monsieur (le duc d'Anjou) et d'aulcuns du Conseil et aultres ; mais pourtant... fust-il abhoré de tous ceux de notre armée. Ce n'était pas d'ailleurs par répugnance de l'acte lui-même que personne ne le vouloit accoster et même l'on reconnaissait qu'il avait faict un grand service au roy et à la patrie pour leur avoir exterminé un ennemy très brave et très vaillant ; mais on l'estimait infâme d'avoir perfidement et proditoirement tué son maistre et son bienfaiteur[46]. Si la morale du temps eût facilement excusé un meurtre politique, l'ingratitude et la félonie dont celui-là était entaché le rendaient exécrable à des gentilshommes. La famille royale fut moins scrupuleuse. Charles IX, alors à Plessis-lesTours, aurait même écrit le 10 octobre à son frère le duc d'Alençon, qu'il avait laissé à Paris, de bailler le Collier de l'Ordre (de Saint-Michel) à l'assassin de Mouy et de le faire gratifier de quelque honneste présent selon ses mérites par les manans et habitants de Paris[47]. Mouy commandait à Niort, qui de frayeur, capitula, après le meurtre. Les vaincus de Moncontour fuyaient à la débandade. Mais l'intervention de Charles IX arrêta la poursuite que Tavannes voulait mener à outrance. Catherine laissait trop voir sa préférence pour le duc d'Anjou, à qui elle avait fait donner le commandement en chef des armées et une sorte de vice-royauté dans les pays où il opérait. Elle s'était dévouée à sa fortune et cherchait à lui créer dans l'État une place à part, non au-dessous, mais à côté du Roi. Elle avait imaginé un gouvernement hybride, véritable triarchie, dont elle était la tête, le duc d'Anjou le bras et Charles IX la raison sociale. Le jeune Roi, fier et sensible, souffrait de la gloire de son frère ; il se hâta de le rejoindre pour achever la défaite des rebelles. Mais courir après les fuyards, que talonnait la nécessité, lui parut indigne de sa grandeur. Il résolut donc d'assiéger les places fortes qui servaient de boulevards à La Rochelle, et de se donner le plaisir d'y faire des entrées triomphales. Pendant que les forces royales s'épuisaient contre Saint-Jean-d'Angély, qui se défendit longtemps (16 octobre-2 décembre), Coligny filait vers le Midi. Il hiverna dans la région plantureuse de l'Agénois et de Montauban, s'y refit et se renforça de l'armée de Mongoméry, qui avait reconquis le Béarn sur les catholiques. Au printemps il précipita sa marche à travers le Languedoc, et, pillant et brûlant pour bien montrer que tous les huguenots n'étaient point morts, il atteignit le Rhône. Pendant le siège de Saint-Jean d'Angély, Catherine avait négocié avec les protestants. Elle leur fit offrir la paix avec la liberté de conscience (février 1570) ; ils réclamèrent de plus la liberté de culte (mars 1570). Catherine ne s'attendait pas à cette exigence. Charles IX,
qui se révélait violent, s'emporta jusqu'à la menace contre les députés du
parti, qui, tout en l'assurant de leur fidélité, mettaient à prix leur
obéissance (25 avril 1570). Mais la
progression de Coligny vers le Nord, le long de la vallée du Rhône, le rendit
plus conciliant. Les articles de l'accord étaient presque arrêtés, quand
Téligny, le principal ambassadeur, eut l'imprudence de lui déclarer qu'il avoit commandement de la part des princes et de
l'Amiral de luy dire comment ils ne pouvoient veoir de seureté pour leurs
biens ne leur vye, si ce n'estoit qu'ils eussent Calais et Bordeaux pour leur
demeurer. Demander deux ports et surtout Calais, cette place forte
toujours convoitée par l'Angleterre et que Coligny en 1562 avait promis de
restituer à Élisabeth, c'était presque une provocation. De quoy le Roy fust si despité qu'il mit la main à la
dague, et pense-t-on qu'il en eust donné audict Telligny si on ne se feust
mis entre eux deux.... Et dict (le Roi) comme il
lui feroit sentir qu'il n'estoit point roy de paille comme ils (les huguenots)
l'ont estimé[48]. Cependant Coligny avançait toujours. Après une longue halte à Saint-Étienne, il repartit, échappa au maréchal de Cossé, qui lui barrait la route à Arnay-le-Duc (26 juin) et s'établit fortement à La Charité-sur-Loire, d'où il menaçait les abords de Paris. Dans l'Ouest, La Noue, le Bayard huguenot, avait repris l'offensive, occupé Niort, Brouage et Saintes. Depuis longtemps, Catherine était lasse de la guerre. Elle supportait mal l'effort d'un long dessein : elle était femme. La lutte s'éternisait sans résultats ; l'argent manquait[49] ; les Espagnols ne lui envoyaient plus de secours. Et surtout elle avait contre Philippe II des griefs personnels. Sa fille Élisabeth, reine d'Espagne, était morte le 3 octobre 1568, un an avant Moncontour. Malgré son chagrin, Catherine avait immédiatement posé la candidature de sa dernière fille, Marguerite, à la main de son gendre. Mais Philippe II refusait la femme qu'elle lui offrait, et même empêchait, croyait-elle, le roi de Portugal, don Sébastien, de l'épouser. Sans plus de souci de ses convenances que de ses ambitions matrimoniales, il profita de l'ascendant que lui donnaient à Vienne sa puissance et sa qualité de chef de la Maison des Habsbourg et il prit pour lui l'aînée des archiduchesses, qu'elle destinait à Charles IX. Il laissa au roi de France la cadette, et, pour bien marquer les rangs, décida que les deux contrats seraient passés à Madrid et le sien signé un quart d'heure avant celui de son futur beau-frère. La paix avec les huguenots, ce serait en quelque sorte la vengeance de la mère de famille contre ce gendre discourtois. Elle commençait à le croire capable du crime dont on l'accusait. La mort à vingt-trois ans d'Élisabeth de Valois, quelques mois après celle de l'infant don Carlos, qui avait même âge qu'elle, est une simple coïncidence de temps, mais où les contemporains cherchèrent une relation de cause à effet[50]. La légende se forma vite d'un don Carlos amoureux de sa belle-mère et payé de retour, et d'un Philippe II punissant une faiblesse du cœur, où le corps n'avait pas eu de part. En réalité, Élisabeth, mariée trop jeune et affaiblie par de nombreuses couches, fut emportée par une fièvre puerpérale, une fin aussi fréquente alors qu'elle est rare aujourd'hui. Don Carlos était un dément, illuminé parfois, comme sa bisaïeule Jeanne la Folle, d'éclairs d'intelligence et de bon sens, mais que ses crises de fureur, sa haine contre son père et ses projets de fuite en Italie et de là peut-être aux Pays-Bas alors en révolte, décidèrent Philippe II, dans l'intérêt de la dynastie et de l'Espagne, à enfermer (18 janvier 1568). Le prisonnier mourut six mois après, dans l'appartement où il était séquestré, d'une indigestion de liqueurs glacées, qui acheva l'œuvre du désespoir, de la honte, de la rage impuissante. Le crime du père, si l'on peut dire, fut de traiter son fils malade en rebelle, de le retrancher de soi comme du reste du monde, et de refuser avec une volonté impitoyable d'aller le voir, malgré ses supplications, même à l'heure de son agonie[51]. Élisabeth était reconnaissante au prince, étant sa marâtre, de l'affection qu'il lui témoignait. L'aubligation que je luy ay, écrivait-elle à l'ambassadeur de France, le jour même de l'arrestation, et la peine en laquelle est le Roy pour avoir été contraint de le tenir et mettre comme il le tient, m'ont mise de façon que j'ay craint de ne le vous savoir compter (conter) comme j'eusse voulu. Et d'ailleurs Philippe II, qui vient de lui dire ce qu'il a fait, lui a commandé de n'escrire tant qu'il me dye. Elle ne se ressentait moins, ajoutait-elle, de l'infortune de son beau-fils, que s'il eût été son propre fils. Cette sorte de mère adoptive parle avec une sincérité touchante de leurs rapports : ...Si je le désirois, c'estoit pour faire service, ce qui signifie assurément qu'elle s'employait à le réconcilier avec le Roi son mari. Mais elle n'y avait pas réussi. Dieu a voulu qu'il est déclaré ce qu'il est, à mon grand regret. Le même ambassadeur écrivait à Catherine : La Royne s'en passionne et en pleure pour l'amour de tous deux[52] (c'est-à-dire du père et du fils). Il y a loin de cette compassion si valve à une tendresse coupable. Quel autre sentiment que la pitié pouvait inspirer à la douce jeune femme ce blême adolescent, maladif et contrefait, avec une épaule trop haute et une jambe trop courte, enragé de se marier et qui s'appliquait, sans beaucoup de succès, à faire la preuve de sa virilité, un demi-homme naturel, disait moqueusement l'ambassadeur de France. Après les mauvais offices de Philippe II, Catherine inclinait à croire qu'il avait empoisonné sa fille. Mais il faut bien dire qu'immédiatement après la mort d'Élisabeth, alors qu'elle avait le plus de chances d'être bien renseignée, elle n'en disait ni n'en savait rien. Quelque désir qu'elle eût de bien marier ses enfants — et c'est assurément la preuve qu'elle les aimait, — elle n'aurait pas couru le risque de donner sa dernière fille au meurtrier de sa fille aînée. Elle en voulait à tous ceux qui contrecarraient ses combinaisons matrimoniales. Marguerite, qui avait dix-sept ans et s'annonçait sensible, écoutait volontiers le jeune duc Henri de Guise. Le cardinal de Lorraine ne décourageait pas, disait-on, l'idylle, dans l'espoir qu'elle aboutirait au mariage et assurerait la fortune de sa maison. Par crainte de cette même grandeur ou par haine d'une sœur, autrefois très chère, le duc d'Anjou dénonça l'intrigue à la Reine. Catherine était une mère de famille autoritaire. Elle entendait disposer de sa fille, qu'elle destinait à un prince souverain, sans elle et même malgré elle, au mieux de ses intérêts et de sa politique. Charles IX, colère et hautain, fut blessé, en son orgueil de frère et de roi, de l'outrecuidance de ces cadets de Lorraine. Un matin, il arriva chez la Reine-mère, tout en chemise et y manda Marguerite. Quand ils furent seuls avec cette amoureuse, ils se jetèrent sur elle et la battirent rudement. Au sortir de leurs mains, ses vêtements étaient si déchirés, et sa chevelure si en désordre que Catherine, de peur qu'on se doutât de rien, passa une heure à rajuster la toilette de sa fille (25 juin 1570)[53]. Le Roi commanda à son frère, le bâtard d'Angoulême, de tuer le duc de Guise, et celui-ci, pour sauver sa vie, fut obligé d'annoncer son prochain mariage avec la princesse de Portien, Catherine de Clèves, une jeune veuve très aimable, à qui il faisait, par surcroît, une cour assidue. Le cardinal de Lorraine partit pour son diocèse. Le crédit des chefs catholiques était passé. La paix fut signée avec les protestants à Saint-Germain. L'édit de pacification (8 août 1570) leur accordait la liberté de conscience dans tout le royaume et la liberté de culte dans tous les endroits où il existait avant la guerre, dans le logis des hauts justiciers et dans les faubourgs de deux villes par chaque grand gouvernement, exception faite pour la Cour et pour Paris, où, y compris une zone de deux lieues de rayon autour de la résidence royale et de dix autour de la capitale, il n'y aurait d'autre exercice que de la religion romaine. Ils obtenaient aussi de garder pendant deux ans La Rochelle, Montauban. La Charité-sur-Loire et Cognac, comme refuge provisoire contre les violences catholiques, en attendant l'effet des mesures de pacification. Les princes de Navarre et de Condé et vingt gentilshommes protestants, désignés par le Roi, jureraient au nom de tout le parti de restituer au bout et terme de deux ans ces quatre places de sûreté. Pour rendre cette paix durable et fortifier la cause protestante en Europe, deux chefs huguenots, réfugiés pendant la guerre en Angleterre, le cardinal de Châtillon et Jean de Ferrières, vidame de Chartres, cherchèrent à rapprocher Catherine d'Élisabeth. Comme ils connaissaient les appétits de grandeur de la Reine-mère, ils présentèrent le projet d'alliance sous la forme la mieux faite pour la tenter, un mariage entre la Reine d'Angleterre et le duc d'Anjou, frère cadet de Charles IX. Jusque-là les rapports entre les deux Cours n'avaient pas été cordiaux, mais ce n'était pas la faute de Catherine. Elle avait, après la mort de François II, pressé Marie Stuart, à qui elle gardait rancune, de retourner en Écosse et elle l'y laissa aux prises avec ses sujets presbytériens, qui, soutenus par les forces anglaises, avaient imposé à la régente, Marie de Lorraine, sa mère, la reconnaissance de leur Église[54]. Quoique Élisabeth se fût pendant la première guerre civile, alliée à Condé et Coligny pour lui reprendre Calais, elle avait à deux reprises, quelques mois après le traité de Troyes, sollicité sa main pour Charles IX[55]. Il s'ensuivit de cette recherche, qu'Élisabeth finit par décliner (12 juin 1565), que les Anglais n'aidèrent plus aussi ouvertement les huguenots pendant les deux guerres qui suivirent et que Catherine, rompant décidément avec la politique d'Henri II et des Guise, abandonna la défense du catholicisme et, par suite, des intérêts français en Écosse. Marie Stuart, livrée à elle-même, avait réussi d'abord à calmer par ses ménagements l'opposition religieuse, mais elle la souleva plus ardente, en faisant ou laissant tuer Darnley, son mari, qui d'ailleurs l'avait outragée, et en épousant de gré ou de force l'un des meurtriers, Bothwen, que d'ailleurs elle ne détestait pas[56]. Évadée du château fort où les lords rebelles l'avaient enfermée et de nouveau vaincue, elle s'était enfuie en Angleterre pour chercher asile et appui auprès d'Élisabeth, sa cousine (15 mai 1568). Elle n'y trouva qu'une prison. La fille d'Henri VIII et d'Anne de Boleyn garda en son pouvoir cette suppliante, qui descendait comme elle d'Henri VII Tudor et que beaucoup de catholiques anglais, vu son hérésie et l'irrégularité de sa naissance, considéraient comme la légitime héritière de Marie Tudor. Contre tout droit, elle se constitua juge des accusations dont les Écossais chargeaient leur souveraine, et, inquiète du nombre et du zèle des défenseurs de Marie Stuart, elle resserra toujours plus étroitement sa captivité. Cette application hypocrite de la raison d'État, sous couleur de justice et de vertu, et l'acharnement des protestants d'Angleterre et d'Écosse, qui lui donnait un air de persécution religieuse, provoquèrent dans tout le monde catholique, et particulièrement en France, la seconde patrie de la victime, une grande indignation. On oublia les fautes passionnelles, dont Marie Stuart, d'ailleurs, d'après les idées du temps, ne devait compte qu'à Dieu, et on ne vit plus en elle qu'une martyre de sa foi. Le pape Pie V, par une bulle du 25 février 1570, qui fut placardée sur la porte de l'évêque anglican de Londres le 15 mai, excommunia et déposa la Jézabel anglaise, comme hérétique et bâtarde. Ce fut pour conjurer l'effet de ce jugement privatoire et détourner la France de s'unir contre elle avec l'Espagne qu'Élisabeth encouragea les avances à la Reine-mère. Elle avait trente-sept ans ; le Duc d'Anjou, seulement dix-neuf. Mais cette différence d'âge pouvait-elle entrer en compte avec les avantages et les espérances que le Vidame, un imaginatif de grande envergure, énumérait avec une confiance superbe. Monseigneur (le duc d'Anjou) (devenu l'époux d'Élisabeth) pouroit instement (justement) avec forces du Roy (de France), faveur d'Angleterre et moiens du prince d'Orange (Guillaume de Nassau) avoir la confiscation de la Flandre par droict de féodalité pour félonie commise. Ainsi la Maison d'Autriche qui se bastit l'Empire héréditaire et la monarchie trouveroit en ung instant deux frères, roys ausy puissants l'ung que l'autre, pour contre poids de son ambition, ligués avec les princes protestants de l'Allemaigne, et auroient les deux frères plus de part en l'Empire que ceulx qui se veulent attribuer tout pouvoir par la ruyne des anciennes Maisons de la Germanie. Le partage de monsieur d'Alençon (le dernier fils de Catherine) seroit aisé à trouver en la duché de Milan avec la faveur de l'Allemaigne, des Suisses ausy et des princes italiens dévotieux de la France, et, si besoing estoit pour le recouvrement du royaume de Naples, la faveur du Turc se trouveroit par après bien à propos. De cette façon, ung grand plaisir viendroit à la Royne de veoir tous ses enfants roys[57]. Catherine fut tellement éblouie par ce mirage d'avenir qu'elle oublia de se demander si Élisabeth était sincère. Le duc d'Anjou résistait à l'appât ; il avait des préventions contre cette vieille fille coquette, amoureuse de son corps, sensible aux hommages et au frôlement des beaux jeunes hommes, et dont les familiarités avec son cousin Leicester prêtaient à des bruits fâcheux. Il m'a faict dire par le Roy, écrivait la Reine-mère à La Mothe-Fénelon, ambassadeur de France à Londres, qu'il ne la veut jamais espouser, quand bien mesme elle le voudroit, d'aultant qu'il a toujours si mal oui parler de son honneur et en a vu des lettres escriptes de tous les ambassadeurs qui y ont esté qu'il penseroit estre déshonoré...[58] Elle ne se consolait pas de perdre un tel royaume pour ce dégoût et suggérait d'autres solutions. Élisabeth ne pourrait-elle pas adopter pour héritière une de ses parentes, que le duc d'Anjou épouserait, ou bien encore s'accommoder elle-même du duc d'Alençon ? De luy, il (Alençon) le désire [ce mariage] et il a seize ans passés ; mais voudra-t-elle de ce tout jeune prince, d'aultant qu'il est petit de (pour) son âge. Elle fit si bien qu'elle ramena le duc d'Anjou et s'empressa de l'annoncer à l'ambassadeur (18 février 1571). C'était un succès de conséquence ; il coupait court à un projet de mariage entre Élisabeth et le fils de Jeanne d'Albret, qu'à défaut de don Carlos, de don Sébastien et de Philippe II elle destinait à sa fille Marguerite. Henri de Navarre était le chef du parti protestant et il serait roi à la mort de sa mère. D'un coup, Catherine gagnerait deux couronnes[59]. Mais pour réussir elle avait besoin des huguenots. Or les grands du parti, malgré la paix, restaient distants et défiants. Coligny, la reine de Navarre, les princes s'étaient retirés à La Rochelle ; ils avaient décliné l'honneur d'assister aux épousailles de Charles IX à Mézières avec l'archiduchesse d'Autriche, Élisabeth (26 novembre 1570). L'Amiral dénonçait avec sa rudesse habituelle les crimes des catholiques et réclamait l'application de l'Édit non seulement en parcelles mais principallement en effect. Comme Catherine affectait de se plaindre de ses exagérations et de son humeur, il répliquait : Je vous supply tres humblement de ne dire que ce sont de mes opinions ou que je menace le Roy. Le maréchal de Cossé avait été mal accueilli à La Rochelle, où il était allé faire à Jeanne d'Albret des ouvertures de mariage. Ce fut un incident de politique italienne qui changea ces dispositions. Le pape Pie V, ayant de sa propre autorité promu Côme de Médicis, duc de Florence, à la dignité de grand-duc de Toscane, l'empereur Maximilien, comme suzerain de l'État que Charles-Quint avait créé, et Philippe H, en qualité de souverain italien, avaient protesté contre l'initiative du Pape et l'élévation du Duc. Côme, inquiet, envoya en Allemagne un agent, Frégose, pour s'y assurer l'appui éventuel des princes protestants. De Heidelberg, où il fut froidement reçu par l'Électeur Palatin, à qui tous les papistes et particulièrement ceux d'Italie étaient suspects, le négociateur alla trouver à La Rochelle Ludovic de Nassau, frère de Guillaume d'Orange, qui travaillait à organiser la grande flibuste des corsaires Rochelais et des gueux de mer des Pays-Bas contre la marine espagnole. Dans leurs entretiens, il fut question d'opposer à Philippe II la France et la Toscane unies. Charles IX, informé de ce projet d'accord, y adhéra avec enthousiasme. Il souffrait de la dépendance où sa mère le tenait et il saisit cette occasion de s'émanciper. Il chargea l'ambassadeur florentin, Petrucci, d'écrire à Côme qu'il le soutiendrait contre tous ses ennemis, qu'il ne cherchait pas d'agrandissement en Italie et portait uniquement ses vues sur les Flandres. Il déclarait à Petrucci qu'il lui serait facile de gagner la Reine à ses projets, mais en attendant il se cachait d'elle. Ma mère est trop timide, lui disait-il un jour. Peut-être espérait-il s'avancer si loin qu'elle serait bien obligée de le suivre. La poursuite de ses négociations matrimoniales amena Catherine à favoriser cette intrigue qu'elle ignorait. Le mariage d'Angleterre et le mariage de Navarre étaient en suspens. Les Anglais débattaient gravement les libertés religieuses qu'ils accorderaient ou plutôt n'accorderaient pas au prince-consort catholique[60]. Au fond, Élisabeth n'avait pas grande envie de se marier, mais elle jugeait utile de se rapprocher de la France, et il ne lui déplaisait pas d'ajouter un nom de plus à la liste déjà longue de ses prétendants. Elle comptait sur les susceptibilités antipapistes de son peuple pour l'aider, quand il en serait temps, à se dégager. Jeanne d'Albret, instruite des vues de Catherine sur son fils, laissait tomber la conversation. Comme, parmi les chefs protestants, Ludovic de Nassau était le seul qui s'entendît avec cette souveraine revêche, Catherine se décida, mais pour d'autres raisons que son fils, à rechercher cet ennemi déclaré de l'Espagne. Ludovic en profita. Dans les deux entrevues qu'il eut avec le Roi et la Reine-mère, très mystérieusement, à Lumigny (14 juillet) et quelques jours après à Fontainebleau, il demanda le secours d'une armée française pour délivrer les populations des Pays-Bas de la tyrannie du duc d'Albe. Le succès était facile ; la moitié des villes se soulèverait à l'apparition des forces libératrices. Le Roi pouvait compter sur Élisabeth et les princes protestants d'Allemagne, pourvu qu'il offrît de partager avec l'Angleterre et l'Empire la souveraineté des dix-sept provinces[61]. En présence de sa mère, Charles IX répondit prudemment qu'il se porterait volontiers à cette entreprise s'il était assuré de cette assistance ; mais en secret, il promit à Ludovic d'armer une flotte pour faire peur à Philippe II. Catherine, un moment séduite, croyait tous les rêves permis si le duc d'Anjou obtenait la main d'Élisabeth Mais le prétendu ne montrait aucun empressement à plaire. Dans une lettre du 2 août 1571, à M. de Noailles, évêque de Dax et ambassadeur de France à Constantinople, elle déplorait coment yl n'y a personne isy qui ne luy aye peu faire entendre ce que c'et de la grendeur que cet (ce) mariage lui pouroyt aporter, et l'amitié dé prinse d'Alemengne pour parvenir à l'Empire et la conqueste dé Péys-Bas...[62] Coligny jugea le moment si décisif qu'il résolut de se rapprocher de la Cour et d'offrir à la Reine-mère son humble service pour pacifier le royaume. Il arriva à Blois le 12 septembre et, après la gêne des premières rencontres, la confiance s'établit. Catherine déclara avec conviction qu'elle voulait oublier le passé et que s'il se montrait bon sujet et serviteur du Roi, elle l'embrasserait et lui ferait toutes sortes de faveurs[63]. Elle le fit rentrer au Conseil, le gratifia d'un don de 150.000 livres, et, malgré sa religion, d'une abbaye de 20.000 livres de revenu[64]. Mais elle entendait être payée de complaisance en retour. Elle réclamait les quatre places de sûreté quelques mois plus tôt que ne le portait l'Edit de pacification. L'Amiral s'y était engagé un peu à la légère ; et maintenant il s'excusait, prétendant qu'il ne pouvait donner cet ordre sans le consentement des chefs du parti, Henri de Navarre et Henri de Bourbon. Elle répliqua qu'elle n'en croyait rien, que les princes avaient toujours fait ce qu'il avait voulu[65]. Elle était impatiente aussi d'arrêter le mariage du prince de Navarre avec Marguerite. Un jour qu'elle exprimait à l'Amiral le souhait de voir Jeanne d'Albret à la Cour, il eut la maladresse de dire que la reine de Navarre lui avait fait peur de quelque embûche pour le dissuader d'y venir et qu'elle se montrerait encore plus circonspecte quand il s'agirait d'elle-même. Ce propos la toucha au vif. Vous et moi, s'écria-t-elle, nous sommes trop vieux pour jouer à nous tromper l'un l'autre. C'est vous qui devez être le plus en défiance de lui (Charles IX). Est-ce qu'elle (Jeanne d'Albret) peut croire que le Roi veut faire alliance avec son fils pour la faire mourir ?[66] Mais c'était sur la politique extérieure que s'accentuait leur désaccord. Elle rêvait de pourvoir royalement le duc d'Anjou, mais elle n'imaginait pas d'y réussir par la force ouverte. Elle n'avait ni les armées, ni les ressources, ni l'autorité au dedans, ni les alliances au dehors qu'il eût fallu pour s'agrandir aux dépens de la Maison d'Autriche. En avait-elle même la volonté ? Elle n'aimait pas la guerre, ce jeu brutal où son adresse féminine restait sans emploi, et même elle en avait peur. La puissance de Philippe II, après l'exécution, l'emprisonnement ou la fuite des révoltés des Pays-Bas, lui paraissait formidable et lui inspirait de l'admiration et de l'effroi. Il y aurait trop de risques à prendre ce qu'elle avait tenté de se faire donner. Les mariages avec dot et espérances étaient le genre de conquête approprié à son sexe et à ses moyens. Après avoir fait sans succès le siège de Philippe II, dont elle avait tant attendu, elle poursuivait mêmes avantages du côté protestant. Ainsi ferait-elle repentir ce roi d'Espagne, qui l'entravait en tout et ne lui complaisait en rien. Elle lui préparait partout des embarras et des ennemis ; elle ne décourageait pas les rebelles des Pays-Bas et même consentait à les aider sous main de quelques subsides. Mais elle trouvait trop dangereux de leur fournir ouvertement des hommes et de l'argent ou même de laisser les huguenots marcher en troupe à leur secours. Coligny poussait à l'invasion des Flandres et à la rupture avec l'Espagne. Catherine désavouait tout acte public d'hostilité qui pourrait entraîner la guerre. C'était l'opposition de deux politiques s'ajoutant au conflit de deux religions. Elle avait appris le projet de ligue franco-florentine par le refus de Côme. Le Grand-Duc, rassuré sur les intentions de Maximilien et de Philippe II, avait répondu par des conseils pacifiques aux avances belliqueuses de Charles IX. Joyeuse de ce refus, qui dégoûterait, pensait-elle, son fils de toute nouvelle velléité d'action personnelle, elle lui fit l'éloge de Côme et de son fils, François de Médicis, si dévoués au bien de la France. Remarquez donc bien leur bonté, dit-elle, et tenez-vous-en à leur conseil de rester en paix et d'ordonner votre royaume, parce que cela est saint et bon. Et le jeune Roi, confus de son échec, mettait la main droite sur son cœur et engageait sa foi que jamais il ne ferait ni guerre ni entreprise à l'insu de sa mère[67]. Quelques jours après, la victoire de Lépante (7 octobre 1571) consacrait la puissance maritime des Espagnols, et semblait justifier la sagesse de Catherine. Mais elle n'aurait pu éloigner les chefs protestants sans manquer les mariages, et ils en profitaient pour circonvenir Charles IX et lui vanter les belles et glorieuses entreprises de Flandre. Ainsi, dit Marguerite de Valois, gagnèrent-ils son cœur. Coligny était en si grande faveur qu'il obtint la démolition de la Croix de Gastine, que les Parisiens avaient fait élever sur l'emplacement du logis et en commémoration du supplice de deux bourgeois huguenots. Des préparatifs mystérieux d'expédition lointaine se faisaient à Nantes et à Bordeaux. Philippe Strozzi, colonel de l'infanterie française, et le baron de La Garde, général des galères, armaient en guerre des navires marchands et rassemblaient une flotte puissante. Le 1er avril 1572, le contrat de mariage d'Henri de Navarre avec Marguerite de Valois fut signé, et le 29 avril un traité d'alliance avec l'Angleterre conclu[68]. La prise de Brielle par les gueux de mer (1er avril) et le soulèvement, qui suivit, des villes de Zélande semblaient confirmer les pronostics de Ludovic sur la fragilité de la domination espagnole. Je sais, écrivait, entre le 17 et le 20 avril, Petrucci, que le Roi a résolu quelque chose contre la volonté de sa mère et qu'il a donné des ordres. Charles IX chargea son ambassadeur à Constantinople (11 mai 1572) d'informer le Grand-Seigneur qu'il ferait partir vers la fin du mois une armée de mer de douze ou quinze mil hommes... soubz pretexte de garder mes havres et costes des depredations, mais en effect en intention de tenir le Roy catholique en cervelle et donner hardiesse à ces gueulx des Païs-Bas de se remuer et entreprendre, ainsi qu'ils ont faict aiant jà prins toute la Zélande et bien esbranlée la Holande..... Toutes mes fantaisies, déclarait-il fièrement, sont bandées pour m'opposer à la grandeur des Espagnols...[69] Quelques jours après, Ludovic de Nassau sortait secrètement de Paris, muni d'une lettre de créance où Charles IX avouait son entreprise ; il parut subitement avec une troupe de huguenots devant Mons et Valenciennes, qui lui ouvrirent leurs portes. Catherine était perplexe. Elle ne savait que résoudre en cette alternative également périlleuse de rompre avec Philippe II ou avec les protestants. La Royne fluctue entre paix et guerre, dit Tavannes, crainte de civile la penche à l'étrangère ; comme femme, elle veut et ne veut pas, change d'advis et rechange en un instant[70]. Elle attendait l'inspiration du succès. Malheureusement pour les huguenots, Valenciennes fut presque aussitôt perdue que prise, et les Espagnols bloquèrent dans Mons Ludovic de Nassau et ses compagnons. Ces échecs lui dictèrent son parti. Le jeune Roi lui-même, impressionnable et mobile, craignait de s'engager plus avant, et il défendit à l'Amiral de conduire lui-même des renforts aux assiégés. Probablement sous la dictée de sa mère, il écrivit à M. de Vulcob, son ambassadeur en Autriche, une lettre (16 juin 1572) où il qualifiait l'agression de Ludovic de Nassau de malheureuses entreprises et louait le juste jugement de Dieu envers ceulx qui s'eslèvent contre l'auctorité de leur prynce[71], désaveu indigne qui devait, par la voie de Vienne, parvenir à Madrid, et dégager, s'il en était besoin, sa responsabilité. Ici, écrivait Petrucci le 4 juillet, on discute s'il y a lieu de porter la guerre en Flandre ou non. Beaucoup la préconisent et la voudraient, mais le Roi et la Reine ne veulent pas, parce qu'ils sont déjà fatigués des tambours et des trompettes[72]. Le 3 juillet, Catherine écrivait au pape que son fils ne ferait la guerre à Philippe II que contreint par force[73]. Les dispositions de l'Europe protestante commandaient la prudence. La reine d'Angleterre supputait froidement les avantages et les risques d'une intervention aux Pays-Bas, et, par jalousie de la France, refusait de se concerter avec Charles IX. Elle rétablissait les relations commerciales avec les Flandres, qu'elle avait suspendues, et renouait avec le duc d'Albe. Son projet de mariage avec le duc d'Anjou s'était rompu sur la question religieuse, comme elle s'y attendait. Catherine, qui ne renonçait pas volontiers à une couronne royale, avait aussitôt posé la candidature de son troisième fils, le duc d'Alençon, un catholique tiède. Élisabeth demanda un mois de réflexion. Son ministre Cecil écrivit gravement à Paris que la Reine-mère la déciderait en lui offrant Calais avec le jeune Prince. Et c'est Coligny que les Anglais chargèrent de cette proposition. Ils n'auraient pas agi autrement s'ils avaient voulu le perdre[74]. Les princes protestants d'Allemagne ne montraient pas plus de zèle qu'Élisabeth pour la Réforme[75]. De Constantinople, Noailles avertissait sa Cour de ne pas compter sur les Turcs. En cas de guerre, Charles IX serait seul. Au contraire, les puissances catholiques s'entremettaient vivement pour empêcher un conflit entre la France et l'Espagne[76]. Le nouveau pape, Grégoire XIII, rompant avec l'intransigeance hautaine de Pie V, accréditait auprès de Catherine un nonce qu'il savait lui être agréable : Salviati, parent des Médicis. La République de Venise faisait partir en hâte pour Paris un ambassadeur extraordinaire, chargé de soutenir la cause de la paix[77]. Philippe II laissait passer les provocations et se bornait à remontrer à Charles IX que ses complaisances pour ses sujets huguenots risquaient de compromettre l'union des deux Couronnes. Cependant, malgré la défection de l'Angleterre et l'apathie de l'Allemagne, Coligny s'obstina. Obsédé par le cauchemar de la guerre civile, il aimait mieux, disait-il, être traîné mort par les rues de Paris que de reprendre la campagne contre le Roi. Avec la connivence de Charles IX, toujours partagé, il continua le plus secrètement possible à recruter des soldats. Mais les 4.000 hommes commandés par Genlis qu'il expédia au secours de Mons furent surpris par les Espagnols, que des avis de France avaient prévenus de leur marche, et presque tous tués ou faits prisonniers (17 juillet). La peur, dit Tavannes, saisit la Reine des armes espagnoles. L'Amiral, toujours suspect, redevenait dangereux. Elle trouvait partout cet homme sur sa route ; chef de parti, il avait tenu en échec toutes les forces du Roi ; conseiller de la Couronne, il lançait son fils dans une aventure. Ami, ennemi, il était également à craindre. Elle revint à l'idée de se défaire de lui par un assassinat, et elle s'en ouvrit aux Guise, qui n'avaient pas pardonné à l'Amiral le crime de Poltrot de Méré. Précisément l'ambassadeur florentin, dans une lettre du 23 juillet, note les fréquentes conférences — et à des heures extraordinaires — de la Reine-mère avec Mme de Nemours, veuve de François de Guise, et qui, quoique remariée, estimait de son devoir de le venger[78]. Cependant Charles IX, furieux que le duc d'Albe, ayant trouvé sur Genlis la lettre royale qui avouait l'entreprise de Ludovic, l'accusât publiquement de duplicité, inclinait de nouveau à la guerre. Mais la Reine, qui s'était absentée pour aller au-devant de sa fille, la duchesse Claude de Lorraine, accourut, et, par ses raisons et ses larmes, calma ce ressentiment belliqueux. Dans son audience solennelle à l'envoyé de Venise, il protesta de ses intentions pacifiques ; et Catherine ajouta que non seulement en paroles, mais encore en actes, son fils et elle montreraient toujours plus leur résolution[79]. Deux conseils extraordinaires, l'un du Conseil privé, l'autre des chefs d'armée, furent tenus dans les premiers jours du mois d'août pour en finir avec la question des Pays-Bas. Les gens d'épée, Montpensier, Nevers, Cossé, le duc d'Anjou, et Tavannes peut-être, se prononcèrent, comme les gens de robe, pour la paix. Catherine était présente. L'Amiral, irrité de ce désaveu unanime s'échappa dans la chaleur de la discussion jusqu'à lui dire : Madame, le Roi renonce à entrer dans une guerre ; Dieu veuille qu'il ne lui en survienne pas une autre dont il ne serait pas en son pouvoir de se retirer. Cette parole de colère, qui trahissait son appréhension, fut interprétée par Catherine et les catholiques ardents comme une menace[80]. Coligny s'entêta, et sûr de l'assentiment tacite du Roi, il poursuivit ses levées presque ouvertement. Les gentilshommes et les capitaines huguenots que le prochain mariage d'Henri de Navarre ou le dessein des Flandres avait attirés en nombre à Paris parlaient de changer le Conseil du Roi. Les ambassadeurs étrangers prévoyaient des troubles. La décision de Catherine n'en fut que plus ferme. Un homme contrecarrait sa volonté, prenait de l'empire sur son fils, mettait le Roi et le royaume en péril : il fallait qu'il mourût. D'accord avec les Guise, elle manda Maurevert, qui avait déjà fait ses preuves comme tueur du Roi. Elle attendit pour sonner le glas les noces de sa fille. Le cardinal de Bourbon consentit, sans dispenses de Rome, à unir Henri de Navarre, que la mort de Jeanne d'Albret avait fait roi, avec Marguerite, un réformé et une catholique parents au troisième degré (18 août). Quatre jours après (le vendredi 22), entre dix et onze heures du matin, Coligny, qui revenait du Louvre à son logis, rue de Béthizy, fut frappé d'une balle d'arquebuse qui lui emporta l'index de la main droite et lui brisa le bras gauche. Quelques gentilshommes de sa suite coururent à la maison d'où le coup était parti. Ils trouvèrent l'arquebuse fumante, mais l'arquebusier avait disparu. Charles IX jouait à la paume, quand la nouvelle lui survint. De colère, il jeta sa raquette et se retira sans mot dire dans sa chambre. Catherine écouta, calme et muette, le récit du crime, et s'enferma avec le duc d'Anjou[81]. A l'hôtel de la rue de Béthizy, où le blessé avait été
conduit, affluait, inquiète et furieuse, la noblesse protestante. Le roi de
Navarre et le prince de Condé coururent demander justice à Charles IX, qui
leur promit de la faire si mémorable... que l'Amiral et ses amis auraient de quoy se contenter.
La Reine-mère apparut pour déclarer que c'estoit un
grand outrage fait au Roy, et que si l'on supportoit cela aujourd'huy, demain
on prendroit la hardiesse d'en faire autant dans le Louvre, une autre fois
dedans son lict et l'autre dedans son sein et entre ses bras[82]. Coligny ayant
exprimé le désir de voir le Roi, elle s'avisa, pour empêcher un entretien
seul à seul, de changer la visite en démonstration solennelle de sympathie.
La Cour, les plus grands seigneurs, les princes du sang, et même les ennemis
de la victime étaient là ; il n'y manquait que les Guise. Hardiment, l'Amiral
engagea Charles IX à se défier de ses conseillers, qui livraient aux
Espagnols le secret de ses délibérations, et de nouveau il lui recommanda la
conquête des Flandres. Le Roi lui jura par la
mort-Dieu de le venger de cette agression[83]. Cependant l'enquête ouverte à l'heure même par une commission du Parlement avait établi que la maison où le meurtrier était posté appartenait à un serviteur du duc de Guise. L'affaire aussitôt parut claire : c'était la revanche des Lorrains sur l'inspirateur présumé de Poltrot, une vendetta. Et si Mr de Guise ne se fust tenu caché tout ce jour-là, certifie la Reine de Navarre, le Roy l'eust faict prendre[84]. Catherine essaya, sans se découvrir, d'apaiser Charles IX. Elle lui représenta qu'un fils était bien excusable de vouloir venger la mort de son père. Elle lui rappela que l'Amiral avait fait tuer Charry, ce mestre de camp qui l'avait si fidèlement servie durant sa régence. Mais le jeune Roi persistait dans son passionné désir de faire justice[85]. Les gentilshommes huguenots, sachant à qui s'en prendre, manifestaient leur haine avec éclat. Les plus ardents passaient à grandes troupes, cuiracés, devant le logis de MM. de Guise et d'Aumalle[86]. Ils allèrent harceler Catherine jusqu'au jardin des Tuileries. Ils usoient, dit Brantôme, de paroles et menaces par trop insolentes, qu'ils frapperoient, qu'ils tueroient[87]. Catherine avait tellement compté sur la mort de Coligny et le désarroi de son parti qu'elle était prise de court. Si le duc de Guise, pour se disculper, la dénonçait comme sa complice, que ne devait-elle pas craindre à l'avenir de ces gens de guerre indignés d'un si lâche attentat ? Alors lui vint ou lui fut suggérée l'idée de se sauver elle-même et la paix publique en les faisant massacrer tous. Elle mit dans le secret le duc d'Anjou et le duc de Guise, acharné à la vengeance de son père. Elle s'assura de Tavannes, le grand capitaine, du duc de Nevers, du garde des sceaux Birague, cruels par fanatisme ou par raison d'État. Le concours des Parisiens n'était pas douteux. Les amis de l'Amiral, inquiets des dispositions du peuple, prièrent le Roi de faire garder son logis. Le duc d'Anjou y envoya de ses soldats, ceux-là même qui ouvrirent la porte aux assassins. L'exaspération des huguenots précipita la crise. Le samedi 23, Pardaillan, un gentilhomme gascon, menaça, au souper de la Reine, qu'ils se feraient justice si on ne la leur faisait pas. Catherine résolut d'agir la nuit même. Mais il lui fallait le consentement du Roi. Quelque experte qu'elle fût à manier cette nature violente et faible et capable des plus brusques revirements, elle doutait de pouvoir facilement le décider à faire mettre à mort ces capitaines et ces gentilshommes dont il avait agréé les services et embrassé la vengeance. Albert de Gondi, sa créature et le favori de Charles IX, de qui elle sçavoit qu'il le prendroit mieux que de tout autre, alla le trouver en son cabinet le soir sur les neuf ou dix heures et, allant au but sans détour, il se dit obligé comme son serviteur tres fidelle de lui avouer que le duc de Guise n'était pas seul et que la Reine et le duc d'Anjou avoient esté de la partie. Sa mère avait toujours eu, comme il le savait, un extreme desplaisir de l'assassinat de Charry, le brave et loyal Charry, qui, du temps où les catholiques étaient pour M. de Guise et les protestants pour le prince de Condé, n'avait voulu dépendre que d'elle, et dès lors, elle avoit juré de se venger dudit assassinat. L'Amiral ne serait jamais que tres pernicieux en cest Estat, et quelque apparence qu'il fist de vouloir servir Sa Majesté en Flandre... il n'avoit d'autre dessein que de troubler la France... Quant à elle, son dessein n'avoit esté en cet effect que d'oster cette peste de ce royaume, l'Amiral seul ; mais le malheur avoit voulu que Maurevert avoit failly son coup, et, ajoutait perfidement Gondi, les huguenots en estoient entrez en tel desespoir que, ne s'en prenant pas seulement à M. de Guise, mais à la Royne sa mère et au roy de Pologne son frère[88], ils croyoient aussi que le Roy Charles mesme en fust consentant et avoient résolu de recourir aux armes la nuict mesme[89]. Au Roi, affolé par cette confidence, tiraillé entre les inspirations de son honneur, son amour filial et l'appréhension d'une nouvelle guerre civile, sinon d'une attaque cette nuit même, la franchise si bien calculée de Gondi ne laissait entrevoir d'autre issue que le massacre des chefs protestants alors à Paris. Réussit-il à le convaincre ou simplement à l'ébranler ? Catherine est-elle intervenue de nouveau pour arracher à ses rancunes et à ses craintes l'ordre de mort ? Lui-même raconta depuis à sa sœur Marguerite qu'il y eut beaucoup de peine à l'y faire consentir, et sans ce qu'on luy fist entendre qu'il y alloit de sa vie et de son Estat, il ne l'eust jamais faict[90]. La nuit était déjà bien avancée[91] quand les complices eurent fini d'arrêter les moyens d'exécution et de se répartir la besogne. Seuls les deux princes du sang, le roi de Navarre et le prince de Condé, devaient être épargnés. Le Roi se chargea de dépêcher les gentilshommes logés au Louvre, en sa maison, ses hôtes. Guise, Tavannes, Nevers opéreraient hors du château. Les milices municipales, convoquées le lendemain dimanche, fête de Saint-Barthélemy, de fort grand matin, occupèrent les places et les ponts, les parcages et les portes. On attendait le lever du jour pour ôter aux proscrits ce moyen de salut, la fuite dans la nuit. Au dernier moment, Catherine se fust volontiers desdicte ; le cœur lui faillit. Etait-ce réaction d'humanité ? on voudrait le croire ; ou simplement, comme il est plus vraisemblable, le malaise de l'inquiétude et de la peur ? Les confidents de son émoi furent obligés de relever son courage. A l'aube, les Suisses de la garde royale commencèrent la tuerie au Louvre. Guise courut d'abord à l'hôtel de Béthisy achever l'Amiral La plupart des gentilshommes protestants furent égorgés dans leurs lits, quelques-uns arquebusés sur les toits, où ils s'étaient réfugiés. Le fanatisme généralisa les meurtres. Les milices et la populace se joignant aux soldats immolèrent les hérétiques sans distinction d'âge ni de sexe. A midi, il y avait déjà trois mille victimes. Le sang et la mort courent les rues en telle horreur, que Leurs Majestés mesmes, qui en estoient les auteurs, ne se pouvoient garder de peur dans le Louvre[92]. Le carnage s'arrêta, reprit, dura plusieurs jours. Le gouvernement hésitait à prendre la responsabilité de son crime. Le Roi, dans ses lettres du 24 août aux ambassadeurs et aux gouverneurs de provinces, parlait d'une bataille entre les partisans de Guise et de l'Amiral, où il n'était intervenu que pour calmer la sédition[93]. Puis il alla au Parlement déclarer que tout avait été fait avec son consentement, par son commandement. Enfin, le 28, il défendit de molester les huguenots qui se tiendraient tranquilles en leurs maisons, ajoutant toutefois par recommandations secrètes de tailler en pièces tous les autres[94]. Revirement et contradictions, ordres et contre-ordres laissaient toute liberté aux passions. A mesure que se propageait la nouvelle des matines à parisiennes, les catholiques en un grand nombre de villes coururent sus aux réformés. Meaux, aux portes de Paris, ouvrit le 26 août, et Bordeaux, à l'extrémité du royaume, ferma le 3 octobre le cycle des tueries provinciales. Après cette extermination de plusieurs milliers d'hérétiques, Catherine passa un moment pour le plus ferme soutien du catholicisme. Le peuple de Paris enthousiaste la proclamait la Mère du royaume et la Conservatrice du nom chrétien. Grégoire XIII précipita le départ du cardinal Orsini, qui, choisi peut-être pour aller reprendre la Reine-mère sur sa politique protestante, fut, par un renversement de rôle, chargé de la féliciter au nom du Pape et du Sacré Collège pour son zèle catholique[95]. Quand Philippe II apprit l'exécution sanglante qui sauvait les Pays-Bas espagnols et le catholicisme français, il montra contre son naturel et coustume tant d'allegrie qu'il l'a faict plus magnifeste que de toutes les bonnes advantures et fortunes qui lui vindrent jamais. Il reçut en audience l'ambassadeur de France, Jean de Vivonne, sieur de Saint-Gouard, et, le voyant approcher, il se prist à rire — ce fut peut-être l'unique fois de sa vie en public — et dit de Charles IX qu'il n'y avoit roy qui se peut (pût) faire son compaignon ne an valleur ne an prudance. Il ne parvenait pas à cacher son grand plaisir, mais, pour n'avoir pas à s'acquitter du service qu'on venait de lui rendre sans le vouloir, il affectait d'admirer le désintéressement de si haultes entreprises, tantost louant le filz d'avoir un telle mère... puis la mère d[avoir] un tel filz[96]. Catherine triomphait des acclamations du peuple et des compliments des princes. Suis-je, demandait-elle à l'envoyé du duc d'Albe, aussi mauvaise chrétienne que le prétendait don Francès de Alava ?... Beatus qui non fuerit in me scandalizatus[97]. Elle aurait volontiers laissé croire aux puissances catholiques, afin de se faire payer très cher, qu'elle préparait depuis longtemps le massacre des huguenots. Mais en vérité elle n'avait prémédité que d'assassiner Coligny ; et c'était par peur des représailles qu'après l'avoir manqué elle avait décidé de frapper avec lui les autres chefs du parti. Si l'Amiral était mort du coup d'arquebuse qu'on lui tira, écrivait le 24 août de Paris le nonce Salviati au cardinal Côme, secrétaire d'État de Grégoire XIII, je ne me résous pas à croire qu'il se fût fait un si grand carnage[98]. La mort de l'Amiral, affirmait l'ambassadeur d'Espagne, a été un acte réfléchi, celle des huguenots le fruit d'une résolution soudaine[99]. La fureur des soldats et des masses avait encore ajouté au nombre voulu des victimes[100]. Catherine espérait que la Saint-Barthélemy l'aiderait à marier le duc d'Anjou en Espagne ; mais Philippe II savait que le salut du catholicisme avait été son moindre souci et il refusa la récompense attendue[101]. Elle revint alors sans scrupule aux alliances protestantes. Elle expliqua — ce fut sa justification — que les huguenots complotaient la ruine du Roi et du royaume et qu'elle avait été obligée, pour se défendre, de les assaillir. Elle recommanda bien (13 septembre) à Schomberg, qui allait en Allemagne comme ambassadeur, de ne pas laisser entrer en l'entendement des princes que ce qui a été faict à l'Amiral et à ses complices soyt faict en haine de la nouvelle religion, ni pour son extirpation, mais seullement pour la pugnition de la scelere conspiration qu'ils avoient faicte...[102] Sans s'émouvoir de l'indignation des hommes d'État anglais contre cet acte trop plein de sang, la pluspart innocent, et trop suspect de fraulde, elle continua de négocier le mariage du duc d'Alençon avec Élisabeth[103]. Elle renoua les relations avec Ludovic et Guillaume de Nassau. Elle laissa le légat, qui venait la féliciter, se morfondre quelque temps à Avignon, et, quand elle consentit à le recevoir, elle s'excusa d'entrer dans la ligue des puissances méditerranéennes contre le Turc, ou même de faire publier le concile de Trente. Elle ne s'embarrassait pas des contradictions. Depuis ces horribles journées, Charles IX était renfrogné, mélancolique, hanté par l'image de ces cadavres sanglants, courbé et vieilli par son crime. Mais Catherine ne montra jamais ni regret ni remords. Elle avait exterminé sans combat ces capitaines huguenots dont la résistance sur les champs de bataille avait été invincible. Elle tenait sous sa main les deux princes du sang, les deux seuls chefs possibles, du moins elle le croyait, d'une nouvelle révolte ; et elle les avait forcés à se convertir. Le parti protestant était désarmé, décapité. Que pourraient quelques gentilshommes avec des bourgeois et des gens du peuple contre les armées royales ? La pensée de sa victoire la remplissait de joie. Le jour de la fête d'investiture de l'Ordre de Saint-Michel (29 septembre), quand elle vit parmi les nouveaux chevaliers son gendre Henri de Navarre, qui s'inclinait avec belle grâce devant l'autel et devant les dames, elle se tourna vers les ambassadeurs et tout à coup éclata de rire[104]. Mais elle se réjouissait trop vite. La bourgeoisie protestante, amoureuse de ses aises et craintive des coups, se fût volontiers humiliée devant le pouvoir, pourvu qu'on lui laissât la liberté de conscience. Mais les masses étaient peu sensibles à l'intérêt et à la peur ; elles suivirent les pasteurs, qui, jusque-là relégués au second rang par les chefs militaires, apparurent comme les prophètes de Dieu et inspirèrent à l'Église opprimée la résolution de défendre sa foi et de punir la trahison et le parjure. Montauban, Nîmes, Aubenas et Privas fermèrent leurs portes ou différèrent de les ouvrir. A La Rochelle comme à Sancerre, autre boulevard de la Réforme au centre du royaume, les gens du commun, les soldats ou les marins, mirent à la raison ou à mort les gros bourgeois qui délibéraient de se soumettre. La Rochelle où s'étaient enfermés cinquante-cinq ministres, cinquante gentilshommes échappés aux massacres et quinze cents déserteurs de la flotte de Strozzi, refusa de recevoir le gouverneur envoyé par le Roi, Biron, un modéré pourtant et qui avait sauvé la vie à plusieurs protestants à la Saint-Barthélemy. L'assemblée des ministres, animée des plus furieuses passions, implora le secours d'Élisabeth d'Angleterre, comme héritière des droits des Plantagenets, contre ceux qui veullent exterminer vostre peuple de la Guienne qui de toute éternité vous appartient et vous est subject[105]. Une armée royale, que commandait le duc d'Anjou, assiégea la place pendant plusieurs mois (novembre 1572-juillet 1573) et ne put l'emporter de force, malgré la canonnade sans trêve, la ruine des remparts, les nombreux assauts et les vains efforts des Anglais pour rompre le blocus. Mais elle en serait venue à bout, par la famine, sans les affaires de Pologne. Le dernier des Jagellons, Sigismond Auguste II, étant mort sans héritier mâle, une Diète s'était réunie le 7 juillet 1572 pour lui élire un successeur. Le tzar, Ivan le Terrible, avait posé sa candidature pour absorber pacifiquement la Pologne ; l'envahissante Maison d'Autriche, déjà souveraine de la Bohême et de la Hongrie, avait mis en avant un de ses nombreux archiducs. Catherine fut tentée de faire échec aux Habsbourg et de donner une couronne, si lointaine qu'elle fût, au duc d'Anjou, cet enfant si cher, pour qui elle avait brigué la main d'Élisabeth d'Angleterre, de la reine douairière de Portugal et de la fille de Philippe II, le vicariat d'Avignon et jusqu'au trône d'Alger. Peut-être aussi cherchait-elle, en l'éloignant avec honneur, à lui épargner l'affront de perdre, par un coup d'autorité royale, cette situation prépondérante dans l'État à laquelle il tenait plus qu'à la vie[106] et que Charles IX supportait avec une impatience jalouse. Elle fit partir immédiatement le plus délié de ses diplomates, Jean de Monluc, l'évêque de Valence[107]. Il arriva en Pologne en même temps que la nouvelle des massacres de Paris. L'émotion fut grande dans ce pays où les protestants étaient nombreux, et où l'aristocratie catholique, sauf quelques évêques, faisait profession de tolérance. Monluc désespéra un moment de faire élire le duc d'Anjou, que la Cour de Vienne dénonçait comme l'un des principaux instigateurs de la Saint-Barthélemy. Mais ses habiles plaidoyers et les récits spécieux qu'il fit distribuer en polonais et en latin retournèrent l'opinion. Il s'y appliquait à pallier l'horreur des faits et à réduire cet égorgement en masse à une mesure de salut public prise contre quelques chefs huguenots séditieux et dénaturée par la fureur de la populace[108]. La crainte ou l'antipathie qu'inspiraient deux des compétiteurs aida au succès de sa thèse. Charles IX offrait d'ailleurs, si son frère était choisi, de fournir aux Polonais l'argent pour construire une flotte dans la Baltique, et il leur promettait de les accorder avec le Grand Turc, son allié et leur ennemi. La majorité de la Diète se prononça pour le duc d'Anjou (9 mai 1573) ; mais les protestants et leurs amis firent insérer, dans les articles que le nouveau roi devait jurer, l'engagement solennel de maintenir la liberté religieuse. Pour complaire aussi à ces sujets lointains de son fils, Catherine lâcha La Rochelle, qui mourait de faim[109]. Le siège fut levé le 6 juillet, et Charles IX le même mois accorda (Édit de Boulogne) aux réformés la liberté de conscience dans tout le royaume et la liberté de culte dans les trois villes de La Rochelle, Nîmes et Montauban. Sancerre, après une résistance héroïque, obtint aussi en août une capitulation honorable, qui fut du reste violée. C'était un nouveau répit laissé au parti protestant. Après la Saint-Barthélemy, qu'il ne pouvait oublier ni pardonner, il eût été prudent, quoique inhumain, de le réduire à l'impuissance. Mais Catherine n'était pas capable d'un effort suivi. Elle négligea, pour une œuvre de magnificence ou d'union familiale, les cruelles obligations de son crime. Maintenant elle dissuadait le duc d'Anjou de tout excès de zèle catholique. Un jésuite, le Père Edmond Auger, célèbre prédicateur et confesseur, avait pris un grand ascendant sur le jeune prince. Donné vous guarde, écrivait-elle à son fils, de mestre Aymont, le jésuiste, car yl escript partout que vous avé promis de aystirper tous ceulx qui ont jeamès ayté hugenos, et qu'i le set (qu'il le sait) corne seluy qui s'et meslé de vostre comsense (conscience). Ces bruis là font gren mal à toutes les afeyres qui cet présentet (se présentent)[110] (30 mai 1573). Très enthousiaste de son dessein de Pologne, elle en avait causé en mars avec le maréchal de Tavannes et se fâchait que le bonhomme soutînt que le royaume de Pologne est desert et ne veault rien, n'est si grent que l'on dist et que les jeans sont brutaulx. Elle affirmait au contraire qu'y (ils) sont bien sivils et jeans de bon entendement et que c'et un bon et grent royaume qui a toujours sant (cent) cinquante mils chevauls pour faire cet qu'il veut. — Yl faut voir, reprenait Tavannes. — Sa vraie raison, expliquait Catherine au duc d'Anjou, c'est qu'il ne voulait pas le suivre et s'en aller or (hors) de son fumier[111]. Elle était fort en colère contre le cardinal de Lorraine, qui ne se pressait pas de lui faire avoir du Clergé de France trois cent mille francs, dont elle avait besoin. Et même n'avait-il pas osé lui dire que, tout en accordant ce subside, en darière (par derrière) l'on dyst que c'et un grent argent qui s'en va hors de Franse.... Encore, remarquait-elle aigrement, ne sortira-t-i pas tent d'argent qu'il (le Cardinal) a fest [sortir] pour le royaume d'Écosse. En comparaison de plus de dix millions dépensés là-bas, qu'était-ce que la somme qu'elle réclamait et pour un si grand résultat ? Car c'est jouindre une couronne à jeamès alla Franse, et pour le plus pour troys milions de francs pour une foys, et le trafic et les comodités que cet réyaume [de France] enn auré (aurait) qui profiteront plus que vint millions par an et que c'et, aultre (outre) sela, la grandeur de ceste couronne et la ruyne de ceulx qui nous ont voulu ruyner[112]. Ce noir projet contre la couronne de France, c'était en l'espèce le refus de Philippe II de marier avantageusement le duc d'Anjou et la compétition d'un archiduc autrichien au trône de Pologne. La politique extérieure de Catherine a toujours un caractère personnel et maternel. Mais elle triomphait trop de l'élection, comme si le nouveau roi était capable de fonder à l'Est de l'Europe une dynastie française, pour prendre à revers les Habsbourg de Vienne. Ses rêves de grandeur reposaient sur un être d'imagination. Elle croyait que son fils serait un grand souverain, comme elle l'estimait un grand capitaine, parce qu'elle l'idolâtrait. En réalité, son héros était surtout occupé d'intrigues de Cour et d'intrigues de cœur, et n'avait ni énergie d'homme, ni ambition de roi. Mais elle, aveuglée par la tendresse, s'attachait uniquement à sauvegarder ses intérêts et son avenir. Elle avait laissé tomber les négociations avec Guillaume de Nassau qui offrait à Charles IX de l'aider à conquérir et à. mettre sous son obéissance tous les Pays-Bas, sauf les provinces de Hollande et Zélande, qui resteraient libres, sous sa protection d'ailleurs, à condition qu'il rétablît la paix religieuse dans son royaume[113]. Elle les reprit pour calmer les ressentiments de l'Allemagne protestante et assurer au duc d'Anjou un libre et sûr passage jusqu'en Pologne. Le Duc aurait bien voulu se dédire, tant la France avait d'attraits, mais le Roi, son frère, heureux de se débarrasser de lui, l'avait pressé, aussitôt qu'il sut la nouvelle de son élection, de rejoindre au plus tôt ses sujets, dont il était désiré et attendu avecques très grande affection. La Reine-mère tâchait de stimuler son orgueil. ... Je vous ay trop montré, lui écrivait-elle, que je vous aime mieux où vous pouvez acquérir réputation et grandeur que de vous voyr auprès de moy, encore que ce me soit un grand contentement, mais je ne suis pas de ces mères qui n'ayment leurs enfans que pour eulx, car je vous ayme pour vous voir et desirer le premier en grandeurs et honneur et réputation...[114] Le bruit courut que les Guise complotaient d'empêcher le départ de celui qu'on regardait comme le chef du parti catholique. Charles IX ne fut que plus impatient de pousser son frère hors du royaume. Il l'accompagna aussi loin qu'il put et ne s'arrêta qu'à Vitry, où la maladie l'obligea de s'aliter. Il mit tant d'affectation dans ses adieux que les spectateurs sentirent le contentement sous les plaintes et les cris[115]. Catherine, qui, voyant l'état du Roi décliner, commençait peut-être à regretter le succès de sa diplomatie, suivit le duc d'Anjou jusqu'à l'extrémité de la Lorraine, à Blamont, où elle avait donné rendez-vous à Ludovic de Nassau et au duc Christophe, fils de l'Électeur palatin, pour débattre avec eux les conditions d'un accord entre l'Allemagne protestante et la France (29 novembre-3 décembre). Elle avait déjà fait passer à Ludovic 300.000 écus pour marcher au secours de Guillaume, son frère. Elle promit d'embrasser les affaires du dict Pays-Bas aultant et aussi avant que les princes protestants les vouldront embrasser[116] — autant et aussi avant, mais elle ne disait pas au delà. Le Roi de Pologne, tant en son nom que comme député du Roi de France son frère, voulut bien lui aussi entendre à cet accord. Mais Ludovic, qui l'accompagna jusqu'en Hesse-Cassel, ne put le décider à mettre en articles les conversations de Blamont. Il jura en alemand qu'il leur joueroyt ung bon tour ayant desjà de l'argent pour le moins[117]. L'état du royaume lui en fournit bientôt l'occasion. Les huguenots du Midi étaient en armes depuis la Saint-Barthélemy et n'avoient pas cessé de remuer ménage. Ils protestaient contre l'édit de Boulogne (juillet 1573), qui n'accordait le libre exercice du culte qu'à Nîmes et Montauban. Même parmi les catholiques, il y avait des mécontents. Le massacre de la Saint-Barthélemy avait fait horreur à quelques-uns. Des gouverneurs, des lieutenants généraux du Roi, Matignon en Basse-Normandie, Saint-Herem en Auvergne, Chabot-Charny à Dijon, le vicomte d'Orthe à Bayonne[118], etc., n'avaient pas exécuté les ordres de mort. Arnaud Du Ferrier, ambassadeur de France à Venise, avait franchement reproché à Catherine d'avoir si bien servi les intérêts de Philippe II, le meurtrier, prétendait-il, de sa fille[119]. Le premier président de Thou gémissait en secret de ne pouvoir effacer cette journée du livre de l'histoire. Cet acte inhumain, dit le vicomte de Turenne, — un petit-fils du connétable — me navra le cœur et me fit aimer et les personnes et la cause de ceux de la Religion, encore que je n'eusse [alors] nulle cognoissance de leur créance[120]. Les rancunes des uns et les sympathies des autres servirent de levain à l'agitation. Dans l'armée que Charles IX avait envoyée contre La Rochelle, combattaient côte à côte sous les ordres du duc d'Anjou, des hommes très opposés d'idées, d'opinions, de sentiments, massacreurs de la Saint-Barthélemy, ennemis des massacreurs, protestants convertis ou protestants loyalistes, le roi de Navarre, le prince de Condé, La Noue, les Guise. Pour les Montmorency, la Saint-Barthélemy n'était pas seulement un malheur public. Cousins germains de Coligny, partisans des alliances protestantes, signataires du traité avec Élisabeth et négociateurs du mariage anglais, ils se sentaient menacés dans leur situation et leur crédit par le triomphe du parti catholique et le retour en faveur des Guise, leurs ennemis. Ils croyaient même qu'ils auraient été englobés dans le massacre, si le maréchal de Montmorency n'avait pas été absent de Paris. Ce chef de leur maison, calme et loyal, se résignait à la mauvaise fortune. Damville, le puîné, gouverneur du Languedoc, prudent et avisé, consentait à servir fidèlement la Cour, tant qu'il le pourrait sans se perdre. Mais les cadets, Méru, gendre du maréchal de Cossé, et Thoré, étaient des esprits ardents et aventureux, prêts à prendre l'offensive. Leur neveu, Turenne, annonçait déjà la valeur brillante et le talent d'intrigue qui le rendirent plus tard célèbre. Au camp de La Rochelle, des intelligences s'établirent entre ceux qui pour divers motifs, par esprit d'humanité ou par esprit de faction, condamnaient cette tant détestable et horrible journée. Tous se groupèrent autour du duc d'Alençon, le troisième fils de Catherine, un moricau, qui, tout enfant, n'était, au dire de sa mère, que guerre et tempeste en son cerveau. A seize ans, pour avoir une couronne, il se déclara prêt à épouser Élisabeth, qui en avait trente-sept, et même, s'il le fallait, à renoncer à la messe. Il s'était attaché à l'Amiral, qui lui avait promis une principauté en Flandre, et, en apprenant l'attentat de Maurevert, il osa dire : Quelle trahison ! C'était le chef que les protestants cherchaient pour autoriser une nouvelle prise d'armes. Toujours formalistes, ils ne croyaient pas l'insurrection légitime sans le concours d'un prince du sang. Or cette fois, ils auraient mieux encore : un frère même du Roi, un fils de France. Quand le duc d'Anjou partit pour la Pologne, le duc d'Alençon prétendit, comme par droit de succession, au commandement suprême des armées, qui devenait vacant. Mais Charles IX, heureux d'être débarrassé de cette sorte de maire du palais que les préférences maternelles lui avaient imposé, déclara qu'il n'y aurait plus de lieutenant général[121]. Catherine, qui savait les attaches de son plus jeune fils avec les Montmorency, les nouveaux catholiques et les Nassau, n'avait que trop de raisons d'approuver ce refus. Pendant que la Cour revenait de Lorraine à Paris, quelques partisans du duc le poussèrent à s'enfuir avec le roi de Navarre et à gagner Sedan, qui appartenait au duc de Bouillon, un huguenot. Là, en sûreté, dans cette place très forte, il se ferait payer son retour, sous menace de guerre civile, au prix qu'il fixerait. Catherine, avertie par sa fille Marguerite, fit si bonne garde qu'elle empêcha la fuite. A Chantilly, où la Cour s'était arrêtée chez les Montmorency, les intrigues recommencèrent. Les huguenots, ainsi que Ludovic l'avait prévu, se mirent de la partie. Ils avaient de très bonnes plumes et, comme au temps du tumulte d'Amboise, leurs pamphlétaires firent merveille, mais cette fois contre Catherine de Médicis. Le De furoribus gallicis, qui parut en français sous le titre de : Discours véritable des rages exercées en France (1573) et dont l'auteur anonyme serait non Hotman, mais un ministre réformé de Lyon, Ricaud[122] y raconte avec une indignation éloquente les massacres de Paris. De tout temps d'ailleurs, le gouvernement des femmes, et surtout des étrangères, si contraire aux lois du royaume, n'a-t-il pas amené la ruine et la honte ? Dans la Franco-Gallia, qui parut la même année[123], Hotman expose la Constitution ancienne du royaume, du moins telle qu'il l'imaginait. Autrefois la monarchie n'était pas héréditaire en droit, bien qu'elle le fût en fait. La souveraineté résidait dans les États généraux, dont la compétence s'étendait à l'universalité des affaires, dont le pouvoir allait jusqu'à déposer les rois. La nation, sans être tenue de suivre l'ordre de primogéniture, choisissait son chef dans une famille dont tous les membres, avaient un rang et un rôle prééminent. Souveraineté des États et participation des princes du sang à l'autorité royale, c'était le double jeu d'arguments que les théologiens et les jurisconsultes huguenots avaient souvent déjà employé contre les Guise et même contre le roi. Mais tout en soutenant que les États sont souverains pour constituer le gouvernement, Hotman, qui prévoit la mort prochaine de Charles IX, leur dénie le droit d'y appeler une femme. La loi salique, qui exclut les femmes du trône, les exclut par là même de la régence. L'histoire justifie la sagesse de la coutume. Brunehaut et Frédégonde se sont souillées de vices et de crimes ; Isabeau de Bavière a vendu la France aux Anglais ; Blanche de Castille provoqua par sa tyrannie l'insurrection de la noblesse. Catherine de Médicis n'est pas nommée, mais c'est elle que vise cet ardent réquisitoire contre les reines-mères. La noblesse protestante de l'Ouest élut pour chef des armes La Noue sous l'autorité d'un chef plus grand que de tout le temps passé. C'était désigner clairement le duc d'Alençon. Le maréchal de Montmorency, pour prévenir la guerre civile, alla prier Charles IX de donner contentement à son frère ; et le Roi, inquiet de l'agitation générale, consentit à le faire chef de son conseil et à lui donner le commandement des armées[124]. C'était la lieutenance générale sans le nom. Charles IX dépérissait de fièvre. Catherine, craignant, s'il venait à mourir, que le duc d'Alençon ne voulût profiter de l'éloignement du roi de Pologne, héritier légitime, pour le déposséder, fit si bien qu'elle réduisit son pouvoir à un vain titre. Cependant La Noue avait fixé la prise d'armes du parti à la nuit du mardi gras (23-24 février). Le Duc se laissa persuader par son entourage de s'enfuir le 10 mars de Saint-Germain à la faveur du désarroi que provoquerait à la Cour la nouvelle de l'insurrection. Mais il fut pris au dépourvu par l'arrivée, dix jours trop tôt, du capitaine huguenot, Chaumont-Guitry, qui devait l'escorter avec une troupe de cavaliers, et, de peur, il alla tout avouer à sa mère. L'alarme fut chaude au château. Les courtisans, épouvantés, coururent à Paris par tous les chemins et en tout équipage. Catherine y rentra sans hâte, ayant dans son carrosse le Duc son fils et le roi de Navarre son gendre, qu'elle gardait sous son regard et dans sa main. Charles IX pardonna ; mais il emmena les deux princes au château de Vincennes, où il alla s'installer pour respirer un air plus pur que celui de Paris. La surveillance se fit plus étroite, à mesure que la révolte s'étendit dans l'Ouest, et quand on apprit que le meurtrier innocent d'Henri II, Mongomery, l'un des meilleurs lieutenants de Coligny, venait de débarquer en Normandie (11 mars 1574). Les princes, qui craignaient peut-être pour leur vie, décidèrent à nouveau de chercher un refuge à Sedan. Deux des gentilshommes du Duc, La Molle et Coconat, grands massacreurs de la Saint-Barthélemy et fameux héros d'alcôves, s'entendirent avec Thoré et Turenne ils s'assurèrent le concours de capitaines et de soldats sans emploi, d'un bourgeois de Paris, de marchands de chevaux et de deux personnages pittoresques : Grantrye, ancien agent de France près les Ligues grises, qui pensait avoir découvert la pierre philosophale, et Côme Ruggieri, un familier de la Reine-mère, astrologue, devin, nécromancien, fabricant de philtres et jeteur de sorts. Mais Catherine fut prévenue. Charles IX, furieux d'une trahison qui suivait un pardon si récent, fit arrêter son frère et son beau-frère (avril) et les fit interroger par des commissaires. Le Duc, tremblant et humble, raconta les détails du complot, et, dans ce long récit, compromit tout le monde. Henri de Navarre se défendit avec dignité, s'excusant de ses projets sur le mépris que lui témoignait la Reine-mère, la faveur dont jouissaient les Guise et le bruit qui courait qu'on voulait se défaire du duc d'Alençon et de lui. Thoré et Turenne avaient pris le large. Condé, qui était dans son gouvernement de Picardie, gagna l'Allemagne. La Molle et Coconat furent, au désespoir des dames, décapités, les capitaines pendus[125]. Mais Côme Ruggieri, protégé par la terreur qu'il inspirait, fut condamné seulement à quelques années de galères et bientôt gracié. Le nom du maréchal de Montmorency avait été prononcé plusieurs fois dans les interrogatoires. Charles IX le fit emprisonner le 4 mai, et avec lui le maréchal de Cossé, qui était le beau-père d'un Montmorency, Méru. Mais il aurait fallu aussi arrêter l'autre fils du Connétable, Damville, gouverneur du Languedoc depuis la démission de son père, et qui avait en main une armée, une garde de corps albanaise, toutes les ressources d'une grande province et la clientèle que son père et lui s'y étaient créée dans les trois ordres par un demi-siècle de gouvernement. Le Roi l'avait chargé de conclure la paix avec les protestants du Midi, et il lui faisait un crime de n'y avoir rias réussi, comme s'il lui était possible de gagner par la simple promesse de la liberté de conscience un parti qui réclamait impérativement le libre exercice du culte, la réhabilitation des victimes de la Saint-Barthélemy et la réprobation officielle des massacres. Catherine, dans une lettre qu'elle lui écrivait le 18 avril, le louait de son zèle au service du Roi[126], mais le même jour Charles IX lui commandait d'envoyer trois ou quatre de ses compagnies d'ordonnance à Guillaume de Joyeuse, son lieutenant à Toulouse, mais qui était dévoué à la Cour ; on voulait l'affaiblir pour le frapper plus sûrement. La disgrâce des maréchaux entraînait la sienne. Innocent ou coupable, ses attaches de famille paralysaient l'action du gouvernement. Les huguenots de l'Ouest étaient en armes. Condé négociait avec les princes protestants d'Allemagne une nouvelle invasion. Le jour même où il enfermait Montmorency à la Bastille, Charles IX signa la révocation de son frère. Mais c'était une mesure plus facile à prendre qu'à exécuter. Le prince-dauphin, fils du duc de Montpensier, nommé gouverneur du Languedoc, n'avait pas les moyens de le réduire de force. Un diplomate, Saint-Sulpice, et le secrétaire d'État, Villeroy, envoyés en mission auprès de lui, reçurent à leur étape d'Avignon l'ordre de lui signifier sa destitution et, s'il n'obéissait pas, de lui débaucher ses troupes. Mais ils se gardèrent bien de cet acte d'autorité à la romaine[127]. Damville, dépouillé de sa charge et qui redoutait pis, se rapprocha des protestants, vers qui, depuis plusieurs mois, il avançait à pas comptés. Il signa le 29 mai avec les députés des Églises du Languedoc une suspension d'armes, qui devait durer jusqu'au 1er janvier 1575. La trêve finie, il conclut une Union des catholiques modérés avec les huguenots du Midi[128]. C'était l'alliance contre la Reine-mère des malcontents des deux religions. Tel fut le résultat de la politique de violence inspirée par l'attentat de Meaux et qui, se proposant la ruine des protestants, aboutit à la division des catholiques. Catherine eût bien mieux fait — et non pas seulement pour sa mémoire — de s'en tenir à son premier système de conciliation et d'apaisement, si bien adapté à son sexe, à l'égalité de son caractère, à son humeur, au charme insinuant de ses manières. Les belles paroles qu'elle avait à souhait, les protestations d'amitié et de saintes intentions, les sourires et les promesses, qui n'étaient pas toujours sincères, tout cet art très féminin où elle excellait, n'était d'aucun emploi dans une guerre d'extermination. L'esprit de suite, si nécessaire pour une entreprise de cette ampleur, était d'ailleurs la qualité qui lui manquait le plus. Elle partait, s'arrêtait, pour repartir et s'arrêter encore, lasse d'un effort durable ou distraite de son principal objet par ses combinaisons matrimoniales, ses prétentions à toutes les couronnes, ses appétits de gloire et de grandeur. Quelle conclusion plus inattendue de sa brouille avec Philippe II et de ses alliances protestantes que le massacre de la Saint-Barthélemy Et quelle impuissance à tirer parti de ce crime abominable ! Elle lâcha La Rochelle, qu'il eût fallu réduire à tout prix, pour préparer au duc d'Anjou un facile accès et un heureux avènement en Pologne. Par passion aussi pour les intérêts de son second fils, elle s'acharna contre les Montmorency. Sans doute, Thoré et Méru, ainsi que Turenne, étaient des conspirateurs qu'il était légitime de poursuivre à outrance. Mais le chef de leur maison, le maréchal de Montmorency, avait toujours déconseillé les projets de fuite du duc d'Alençon[129]. Il n'était coupable que de les avoir tus, ou même de ne les avoir dénoncés qu'à moitié. Cossé, que l'on supposait informé par son gendre Méru, n'était suspect lui aussi que d'avoir gardé le silence. On ne pouvait reprocher à Damville, si réservé en ses paroles et si correct en ses actes, que d'être trop puissant dans sa province. Mais le gouverneur du Languedoc n'était pas d'humeur à se sacrifier à la tranquillité de la Reine-mère. Pour se défendre, il appela les huguenots à l'aide et, par contrecoup, aida à les défendre contre leurs ennemis. Le protestantisme fut sauvé, moins par la force de ses adhérents que par l'appoint du Languedoc catholique. Tant de haine, et qui eut de si grandes conséquences, s'explique surtout par l'amour ardent, exclusif qu'elle portait au duc d'Anjou, ses chers yeux, comme elle l'appelait. Elle avait fait de lui une sorte de vice-roi, qui, elle aidant, était aussi puissant que le Roi même. Elle n'avait pas réfléchi que ce morcellement de l'autorité royale était d'un fâcheux exemple et qu'il pourrait induire son troisième fils en tentation, comme il arriva. Les déceptions et l'ambition de ce fils de France donnèrent à la révolte un chef bien plus autorisé que les princes du sang. Des troubles qui suivirent comme du crime qui précéda, Catherine est absolument responsable. Charles IX a régné ; elle a gouverné. Le jeune Roi mourut le 30 mai 1574, à vingt-quatre ans. Son dernier mot fut : Et ma mère[130]. Elle-même écrivait que son fils n'avait rien reconeu tent que apres Dieu moy[131]. Cette superstition de piété filiale mérite d'être retenue dans un jugement sur Charles IX. Sauf une courte velléité de pouvoir personnel, le fils a laissé à sa mère toutes les prérogatives du pouvoir : initiative et exécution. Il a souffert pour lui plaire une sorte de partage avec le duc d'Anjou. Violent, impulsif et docile, il a subi toute sa vie, mineur ou majeur, l'action d'une tendresse impérieuse. |
[1] Lettres, III, p. 59.
[2] Lettres, III, p. 65,
note 1. Cette lettre du Roi ne peut pas être du 13 octobre, puisque Catherine
s'y réfère dans une lettre du 8. Voir d'Aumale, Histoire des Princes de
Condé, p. 564, qui semble croire que la lettre est du 28 septembre. Elle
est probablement du même jour que la lettre de Catherine, c'est-à-dire du 8
octobre, conformément à l'habitude de la Reine-mère de faire suivre les lettres
du Roi d'une lettre d'elle.
[3] Mémoires de Castelnau,
liv. III, ch. VI, p. 137.
[4] P. Henri Fouqueray, Histoire
de la Compagnie de Jésus en France ; des origines à la suppression, t. I
(1528-1575), Paris, 1910 et passim, liv. II et liv. III.
[5] Voir à ce sujet une page
intéressante, sinon tout à fait impartiale, de Jean de Tavannes dans les Mémoires
de Gaspard de Saulx, seigneur de Tavannes ; Règne de Charles IX, anno 1567,
éd. Buchon, p. 318, et surtout p. 320.
[6] Mémoires de Gaspard de
Saulx, seigneur de Tavannes, p. 318, Tavannes et Hippolyte Abord, Histoire
de la Réforme et de la Ligue dans la ville d'Autun, t. I, 1855, p. 384,
392.
[7] Lettre du 7 juin 1568 : Duc
d'Aumale, Histoire des princes de Condé, t. II, p. 364.
[8] Duféy, Œuvres complètes de
L'Hospital, II, p. 252.
[9] Lettres, III, p. 349.
[10] L'ambassadeur vénitien, Jean
Correro, dans sa Relation de 1569, explique bien les raisons qui ont déterminé
la Reine-mère à se servir des Guise et du cardinal de Lorraine : Tommaseo, Relations,
etc., t. II, p. 150-152.
[11] Les crimes et les assassinats
commis par les catholiques sont énumérés dans un Mémoire adressé au Roi par
Coligny et Condé, et daté du jour même de leur fuite (23 août 1568). On les
compte par centaines, et c'est trop ; mais on est loin de dix mille. D'Aubigné,
historien, ne laisse pas de parler en poète. Ce Mémoire a été publié en
appendice par M. le comte Delaborde dans son Coligny, t. III, P. 496
sqq., 515.
[12] Delaborde, III, p. 33. — Lettres,
III, p. 14 (août 1568).
[13] Delaborde, III, p. 36 (12
juillet 1568).
[14] Delaborde, III, p. 44.
[15] 5 août 1568. Lettres,
t. III, p. 266-267.
[16] S. C. Gigon, La troisième
guerre de religion, Paris, s. d. (1909), p. 35.
[17] Abord, Histoire de la
Réforme et de la Ligue dans la ville d'Autun, t. I, p. 392.
[18] Mémoires de Gaspard de
Saulx, seigneur de Tavannes, éd. Buchon, p. 335.
[19] Lettre du 10 août 1568,
publiée par Gigon, p. 385. De cette lettre M. Gigon croit pouvoir conclure que
Catherine n'a jamais songé (cf. p. 37) à investir Noyers et que c'est une
invention du fils de Tavannes, le rédacteur des Mémoires. Mais le récit
du fils et la lettre du père ne se contredisent pas ; ils se complètent.
[20] Delaborde, III, p. 509.
[21] L'un de ces édits est de
septembre sans précision du jour, l'autre du 25 ; tous deux ont été publiés le
28 septembre. Fontanon, t. IV, p. 292-295.
[22] Groën van Prinsteret, Archives
de la maison de Nassau, 1re série, III, p. 285.
[23] Groën van Prinsteret, Archives
de la maison de Nassau, 1re série, III, p. 315-316.
[24] 22 juin 569, Lettres,
t. III, p. 245.
[25] 14 juin 1569, Lettres,
III, p. 251.
[26] Timoléon de Cossé-Brissac, qui
avait été nommé colonel général de l'infanterie française, après la révocation
d'Andelot, avait été tué au siège de Mussidan (28 avril 1569).
[27] Galliot de Crussol, seigneur
de Beaudiné, capitaine protestant, frère du duc d'Uzès et de Jacques d'Acier.
[28] Lettres, III, p. 241.
[29] Kluckhohn, Briefe Friedrich des Frommen Kürfürsten von der Pfals,
t. II, 1re partie, p. 334-338, Brunswick, 1870.
[30] Calendar of Stats papers, Foreign series, of the reign of Elisabeth,
1569-1571, p. 79. La Cour d'Angleterre avait reçu
un premier avis anonyme du 10 mai signalant la mort d'Andelot et les soupçons
d'empoisonnement, ibid., p. 70.
[31] Calendar of Stats papers…, p. 88.
[32] Teulet, Correspondance
diplomatique de Bertrand de Salignac de La Mothe-Fénelon, ambassadeur de France
en Angleterre de 1568 à 1575, Paris, 1840, t. II, p. 8, 3 juin 1569.
[33] 10 juin 1569, Correspondance
diplomatique de La Mothe-Fénelon, t. II, p. 16-17.
[34] La dépêche de Charles IX est
dans le Supplément à la Correspondance diplomatique, t. VII, p. 21-22.
[35] Correspondance diplomatique,
t. II, p. 17.
[36] D'Andelot, lorsqu'il cherchait
à rejoindre Condé et Coligny à La Rochelle avec les contingents bretons, avait
eu un engagement assez vif avec Martigues, qui voulait lui barrer le passage de
la Loire. De ce combat sur les digues, La Popelinière, l'historien protestant,
dit seulement, liv. IV, f° 129a, septembre 1568 : Andelot
avec peu de gens y survint lequel importuné à coups de pistoles par L'Ourche,
lieutenant de Martigues, de se rendre, fut secouru par son escuyer
Sainct-Bonet, qui d'une pistolade renversa mort ce lieutenant. Il ne dit
pas que d'Andelot ait été blessé. [La Popelinière], La Vraye et entière
Histoire des troubles et choses mémorables avenues tant en France qu'en
Flandres et pays circonvoisins depuis l'an 1562... A La Rochelle, MDLXXIII.
[37] Supplément à la Correspondance,
t. VII, p. 30.
[38] La Popelinière, liv. V, f° 176b, mai 1569.
[39] Lettre citée par Pierre de
Vaissière, De quelques assassins, Paris, 1912, p. 99.
[40] Il n'y a pas à faire état dans
cette conversation, De quelques assassins, p. 99, de ce propos que sept
ans auparavant elle aurait eu même dessein. Elle n'a pas montré dans la
première guerre civile de passion contre les protestants, mais elle avait
intérêt à le persuader à l'ambassadeur de Philippe II. C'était une façon
d'effacer la tare de ses cinq ans de politique modérée. Il ne faut pas toujours
la croire sur parole. Elle donne souvent, par calcul, aux inspirations du
moment la consécration du passé.
[41] Calendar of Stats papers, Foreign series, of the reign of Elisabeth, 1569-1571, p. 96.
[42] Francès de Alava à Philippe
II, 8 août 1569, Archives nationales, K. 1312, n° 43. Voir Pierre de Vaissière,
De quelques assassins, 2e éd., Paris, 1912, p. 100-101, dont j'emprunte
la traduction élégante et fidèle. Cette dépêche est du 8 août. Alava dit que
dans la dépêche précédente, celle du 6 août, Arch. nat., n° 40, il a oublié de
rapporter cette conversation à Philippe II. L'oubli est un peu étrange, étant
donné l'importance du fait. Aussi ne suis-je pas surpris qu'à quelques jours de
distance, son imagination aidant, il ait donné à ce récit, très exact au fond,
une forme, si j'ose dire, dramatique.
[43] L'arrêt rendu contre Dominique
d'Alba, valet de chambre de l'Amiral, le 20 septembre 1569, est rapporté dans
les Mémoires de la troisième guerre civile et des derniers troubles de
France... Charles IX régnant, 1571 [Jean de Serres], p. 411-415.
[44] Même quand ils soustraient
pour raison d'État les criminels de lèse-majesté à la juridiction ordinaire,
ils les font juger par une commission, qu'ils composent d'ailleurs
arbitrairement de membres de divers parlements, de conseillers en leur Conseil
ou d'autres personnages. Ces jugements par commissaires sont trop souvent une
parodie de la justice, mais ils prouvent que le roi n'exerce plus la justice
que par délégation.
[45] Delaborde, Coligny,
III, p. 145.
[46] Brantôme, VII, p. 253.
[47] Delaborde, III, p. 159 et P.
de Vaissière, De quelques assassins, 1912, p. 112-113 affirment avec
assurance l'authenticité de cette lettre. Mais il y a quelques raisons d'en
douter. Le style sent le pastiche. D'autre part, la promotion des chevaliers
avait lieu une fois l'an seulement, le 29 septembre, jour de la Saint-Michel,
et l'assassinat est du 9 octobre. La lettre dit que Maurevert a esté choisi et éleu par les frères compaignons dudict ordre
pour y estre associé. Où, quand et comment aurait eu lieu cette élection
? S'il existait des listes complètes des chevaliers de l'Ordre, la question
d'authenticité serait vite résolue. Mais y en a-t-il encore ? Les Statuts de
l'Ordre de Saint-Michel, Imprimerie royale, 2725, ne donnent en général que le
nom des chefs et des officiers. A tout le moins peut-on rechercher dans les
acquits du domaine de la ville (Archives nationales, H, 2065) celui du présent fait par Paris à Maurevert. Mais il serait
étonnant qu'un pareil don eût échappé à M. Guérin, qui en signale d'autres justement
en ce mois d'octobre 1569, dans ses notes du t. VI des Registres des
Délibérations du Bureau de l'Hôtel de Ville de Paris, 1568-1572, Paris,
1892.
[48] Lettre citée par Delaborde,
III, p. 201.
[49] C'est une des raisons de bien
des revirements. Voir Germain Bapst, Histoire des Joyaux de la Couronne de
France, Paris, 1889, liv. II, ch. I, p. 86 sqq.
[50] Mort de don Carlos, 24 juillet
1568 ; mort d'Elisabeth, 3 octobre 1568.
[51] L'ouvrage capital, c'est
encore l'étude si documentée de Gachard, Don Carlos et Philippe II,
Bruxelles, 1863, 2 vol., avec ses nombreux appendices. On peut lire aussi le Don
Carlos et Philippe II, 3e éd., 1888, du Comte Charles de Mouy.
[52] Gachard, Don Carlos et
Philippe II, 1863, II, p. 524-523 et la note 2 de la page 524.
[53] Récit de l'ambassadeur
d'Espagne, F. de Alava, cité dans Lettres, III, introd. p. LXIV. Marguerite, dans ses Mémoires,
ne parle pas de la correction, et, en disculpant le duc de Guise, elle se
disculpe elle-même. Elle se donne le beau rôle d'avoir fait faire le mariage du
Duc avec la princesse de Portien pour couper court à de faux bruits, dont
l'auteur responsable, prétend-elle, était le sieur du Gast, favori du duc
d'Anjou. Mémoires de Marguerite, édit. Guessard, p. 19-20, 22-23.
[54] Chéruel, Marie Stuart et
Catherine de Médicis, Paris, 1858, ch. II, p. 17-28.
[55] Chéruel, Marie Stuart et
Catherine de Médicis, demande en mariage faite en septembre 1564 — le
traité de Troyes est du 11 avril — par Castelnau de Mauvissière. — Nouvelle
demande en février 1565, par Paul de Foix, Mignet, Histoire de Marie Stuart,
1851, t. I, app. D, p. 473 sqq. Cf. t. I, p. 195-199.
[56] Sur la culpabilité ou le degré
de responsabilité de Marie Stuart dans l'assassinat de Darnley et son mariage
avec Bothwen, on peut lire Mignet, Histoire de Marie Stuart, 1851, s
vol. — Cf. Martin Philippson, Histoire du règne de Marie Stuart, 3 vol.,
Paris, 1891-1892. — Gauthier, Histoire de Marie Stuart, 2e éd., Paris,
1875, et enfin Andrew Lang, The Mystery of Mary Stuart, Londres, 1900,
qui reprend les discussions antérieures et revendique pour Marie le bénéfice du
doute.
[57] Octobre 1570, H. de La
Ferrière, Le XVIe siècle et les Valois, d'après les documents inédits du
British Museum à du Record Office, 1879, p. 270-271.
[58] Lettre du 2 février 1571, Supplément
à la Correspondance, t. VII, p. 179.
[59] Sur le mariage français et les
dispositions vraies ou feintes d'Elisabeth, voir dans les Mémoires et
instructions pour les ambassadeurs ou Lettres et négociations de
Walsingham, ministre et secrétaire d'Etat sous Elisabeth, reine d'Angleterre,
trad. de l'anglais, Amsterdam, 1700, une lettre d'Elisabeth du 24 mars 1574 p.
68-72 et passim, et la réponse de Walsingham à lord Burleigh (Robert Cecil), p.
74 sqq.
[60] Walsingham, p. 77, 125.
[61] Pour les références, Kervyn de
Lettenhove, t. II, p. 307-312.
[62] Lettres, t. IV, p. 63.
[63] Desjardins, Négociations de
la France avec la Toscane, t. III, p. 705.
[64] Desjardins, Négociations de
la France avec la Toscane, t. III, p. 706.
[65] Négociations, p. 709.
24 septembre 1571.
[66] Petrucci à Côme, Blois, 16
octobre 1571, Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane,
t. III, p. 722.
[67] Abel Desjardins, Charles
IX. Deux années de règne, 1570-1572, 1873, p. 35-37. Cf. Négociations,
III, p. 753, 3 octobre 1571.
[68] Le traité dans Du Mont, Corps
diplomatique, t. V, 1re partie, p. 211-215.
[69] Marquis de Noailles, Henri
de Valois et la Pologne en 1572, Paris, 1867, t. I, p. 9, note 1. — Cf.
Baguenault de Puchesse, Jean de Morvillier, 1869, p. 253.
[70] Mémoires de Tavannes,
éd. Buchon, p. 419.
[71] Lettres, t. IV, p. 104,
note 1.
[72] Desjardins, Négociations
diplomatiques, t. III, p. 788.
[73] Lettres, t. IV, p. 106.
[74] Mémoires de Walsingham,
p. 256 : lord Burleigh à Walsingham, p. 257-259 ; Walsingham à Burleigh, 13
juillet 1572.
[75] Sur les négociations avec l'Allemagne
protestante, on peut voir W. Platzhoff, Frankreich und die Deutschen
Protestanten in den Jahren 1570-1573 (Historische Bibliothek, t.
XXVIII), Munich et Berlin, 1912, p. 23 sqq.
[76] Baumgarten, Vos der
Bartholomaeusnacht, 1882, p. 218 sqq.
[77] Giovanni Michiel, parti de
Venise le 10 juillet, arriva le 24 à Paris. C'est pour le temps, avec un train
d'ambassadeur, un voyage ultra-rapide.
[78] Petrucci à François de
Médicis, 23 juillet, Négociations diplomatiques, t. III, p. 799.
[79] Relation de Giovanni Michiel,
dans Alberi, Relazioni degli ambasciatori Veneti al Senato, serie Ia, Francia, t. IV, p. 281.
[80] Alberi, Relazioni,
serie Ia, Francia, t. IV, p. 285. — Cf. Brantôme, éd. Lalanne, t.
IV, p. 299.
[81] Mémoires de l'Estat de
France sous à Roy Charles IX, s. l. n. d., t. I, f° 272. — Diego de Çuñiga
à Philippe II, cité par Forneron, Histoire de Philippe II, t. II, p.
326.
[82] Mémoires de l'Estat de
France, t. I, f° 275.
[83] Mémoires de l'Estat de
France, t. I, f° 276-277.
[84] Mémoires de Marguerite de
Navarre, éd. Guessard, p. 28.
[85] Mémoires de Marguerite de
Navarre, éd. Guessard, p. 29.
[86] Jean de Tavannes, Mémoires
de Gaspard de Saulx, seigneur de Tavannes, éd. Buchon, p. 434.
[87] Brantôme, t. IV, p. 301.
[88] C'est le duc d'Anjou, qui fut
bientôt après élu roi de Pologne.
[89] Mémoires de Marguerite de
Valois, éd. Guessard, Soc. H. F., p. 29-31.
[90] Éd. Guessard, p. 27.
[91] Registres des délibérations
du Bureau de la Ville de Paris, t. VII, éd. par Bonnardot, 1893, p. 10-11.
Le prévôt des marchands est mandé au châtel du Louvre aujourd'huy
samedi au soir bien tard. Le Roi lui déclare le complot contre sa vie et
son État, et lui donne l'ordre de convoquer les milices bourgeoises. Le
greffier dresse les mandements, qui sont portés
aux quarteniers, archers, arquebusiers, le dimanche 24, jour de
Saint-Barthélemy de fort grand matin.
[92] Mémoires de Tavannes,
éd. Buchon, p. 435. — Un récit plus détaillé du massacre dans Histoire de
France, de Lavisse, t. VI, 1, p. 129-131.
[93] Mémoires de l'Estat de
France, I, f° 296-299.
[94] Sur ces variations, voir
l'introduction de La Ferrière au t. IV des Lettres de Catherine de Médicis,
p. XCII,
XCIII,
XCV
sqq.
[95] Lucien Romier, La
Saint-Barthélemy, Revue du XVIe siècle, t. I, p. 552.
[96] Lettres de Saint-Gouard du 12
et du 19 septembre 1572 : Groën von Prinsterer, Archives de la maison de
Nassau, Première Série, Supplément, 1847, p. 125a et 127a.
[97] Cité par La Ferrière, Lettres,
Introd., t. IV, p. XCIV.
[98] Theiner, Annales ecclesiastici, t. I (1856), p. 329.
[99] Cité par Decrue, Le Parti
des politiques, Paris, 1892, p. 175. — C'est aussi l'avis de Tavannes, Mémoires,
éd. Buchon, p. 434.
[100] La thèse de la préméditation a
été reprise par M. Lucien Romier, ce patient explorateur des archives
italiennes (La Saint-Barthélemy, Les événements de Rome et la préméditation
du massacre, Revue du XVIe siècle, t. I, 1913, p. 529-561) ; mais il
n'incrimine pas, comme on a paru le croire, Catherine et Charles IX. Ce
seraient les Guise qui, au mois d'avril 1572, auraient délibéré de faire tuer
Coligny et les autres chefs huguenots pour couper court à la politique
protestante du gouvernement et empêcher la rupture et la guerre avec l'Espagne.
Rien, au contraire, dit M. Romier, p. 546, n'indique que Catherine de Médicis ait été complice ni même
informée du projet des Guise. C'est tardivement que la Reine-mère trouva
dans ce projet un moyen commode pour résoudre des difficultés imprévues
(c'est-à-dire celle des Pays-Bas). Au vrai, Catherine, dans ses entrevues
mystérieuses, en juillet 1572, avec la duchesse de Nemours, n'a, comme les faits
le prouvent, arrêté que l'assassinat de Coligny. M. Romier prétend que les
Guise avaient depuis plus longtemps et d'eux-mêmes prémédité une extermination
générale. Le cardinal de Lorraine était parti pour Rome en mai, prévoyant, dit encore M. Romier, p. 553, le meurtre des chefs huguenots, mais ignorant que les
circonstances feraient du Roi et de la Reine les complices de cette tragédie et
il avait obtenu du pape (27 août), alors que la
nouvelle de la Saint-Barthélemy n'était pas encore connue à Rome, la
désignation d'un légat, le cardinal Orsini, qui devait arriver à Paris peu
après le massacre attendus pour défendre, au nom du Saint-Siège, la conduite
des Guise et obliger Charles IX à prendre les justiciers comme ministres. Il est bon de retenir de cette
thèse que, dans ses recherches d'archives, M. Romier n'a pas trouvé la moindre
preuve d'un projet concerté de longue main par Catherine contre les
protestants. Quant au grand dessein qu'il prête aux Guise et au rôle du
cardinal Orsini, il ne ressort pas des documents quand on les examine sans idée
préconçue. Les vanteries du cardinal de Lorraine, qu'on n'a rapportées, et pour
cause, qu'après l'événement, ne sont pas des preuves suffisantes. Il est vrai,
que depuis la mort de François de Guise, les siens cherchaient à se venger de
Coligny, qu'ils regardaient comme le complice de Méré, et certainement ils
guettaient l'occasion de le tuer, mais ils n'étaient pas, en 1572, assez
puissants pour engager une bataille dans Paris, contre la volonté du Roi et de la
Reine-mère. S'ils avaient considéré le mariage d'Henri de Navarre et de
Marguerite de Valois comme un moyen d'attirer les chefs protestants à Paris et
de les leur livrer tous réunis, le cardinal de Lorraine n'eût pas travaillé de
toutes ses forces à Rome à l'empêcher. Le jeune duc de Mayenne, au lieu d'aller
prendre du service à Venise contre les Turcs, serait resté avec le duc de
Guise, son frère, et le duc d'Aumale, son oncle, pour prendre part à la lutte.
La délibération de famille des Lorrains en avril 1572 contre le parti
protestant et le gouvernement allié des protestants est une pure hypothèse et
il n'y a pas trace de préparatifs et d'armements faits par les Guise en vue
d'un coup de main qui aurait été un coup d'État.
[101] Lettres, t. IV,
Introd., p. CXX.
[102] Groën van Prinsterer, Archives
de la maison de Nassau, Première série, t. IV, Supplément, p. 12a. Cf. la lettre du duc d'Anjou
au même Schomberg : ...Quelque chose que l'on puisse
dire par dela contre la vérité de ce qui est advenu en ce Royaulme, nous
voulons estreindre la negociation plus que jamais et faire cognoistre aux
princes que nous sommes leurs plus seurs et parfaicts amys.... deux
lettres de Schomberg du 9 et 10 octobre, en réponse probablement à celle où
Charles IX expliquait à sa façon la Saint-Barthélemy, dans le Bulletin de la
Société du protestantisme français, t. XVI, 1867, p. 546-551.
[103] Sur cette recherche poursuivie
concurremment par la Reine-mère et, à son insu, par le duc d'Alençon, voir La
Ferrière, Le XVIe siècle et les Valois, p. 337 sqq. ; — Walsingham, p.
394-396 et passim — et La Mothe-Fénelon, Correspondance diplomatique,
t. V, p. 128, 142, 192 et passim. Les lettres du Roi et de la Reine-mère en
réponse à celles de l'ambassadeur sont au tome VII : Supplément à la
Correspondance.
[104] Dépêche de l'ambassadeur
d'Espagne, Diego de Çuñiga, citée par Forneron, Histoire de Philippe II,
t. II, p. 332, note 1.
[105] H. de La Ferrière, Le XVIe
siècle et les Valois, 1879, p. 336.
[106] Mémoires de Marguerite,
éd. Guessard, p. 14.
[107] Sur cette négociation on peut
voir les Mémoires de Jean Choisnin, un des secrétaires de Monluc, éd.
Buchon, Panthéon littéraire, p. 677 sqq., et Marquis de Noailles, Henri
de Valois et la Pologne en 1572, t. I et II, 1867.
[108] Lettres de Catherine de
Médicis, t. IV, Introd., p. CLVI sqq, CLXII sqq.
[109] Charles IX a-t-il donné à son
frère l'ordre d'abandonner le siège de La Rochelle ? ce n'est pas sûr. Dans sa
lettre du 1er juin, aussitôt qu'il eût appris la
promotion du duc d'Anjou au trône de Pologne, il lui ordonna de faire
partir le plus tôt que faire se pourra 4.000 Gascons qui étaient demandés probablement par les Polonais contre les
Turcs, et de se préparer lui-même à partir. Rien de plus. Mais Catherine ajoute
dans la lettre qui accompagne celle du Roi : Le Roi
vous mande son intention, en cas que vous auriez pris La Rochelle par force ou
par composition ; à quoy je vous prie vous resouldre et prendre cette seureté
de moi... (Lettres, t. IV, p. 227 et note 1). N'était-ce pas
engager le duc d'Anjou, s'il ne pouvait prendre La Rochelle, à conclure avec
les Rochelais un accord dont telle prenait sa responsabilité ?
[110] Catherine au roi de Pologne,
30 mai 1573, Lettres, t. IV, p. 225.
[111] 15 mars 1573, Lettres,
IV, p. 181. Tavannes mourut en juin.
[112] 30 mai, au roi de Pologne, ibid.,
t. IV, p. 225.
[113] Groën van Prinsterer, t. IV, p. 44a sqq. Projet rédigé par Ludovic de
Nassau et Schomberg, le 27 mars 1573, et amendé par Guillaume de Nassau, ibid.,
p. 1146.
[114] Lettre de Charles IX, t. IV,
p. 227, note 1 ; — de Catherine, ibid., p. 227.
[115] Mémoires de Philippe
Hurault, comte de Cheverny, (alors chancelier du duc d'Anjou, qui devint
plus tard chancelier de France), éd. Buchon, p. 231.
[116] Lettre du comte de Nassau, Groën
van Prinsterer, t. IV, p. 279.
[117] Mémoires inédits de Michel
de La Huguerye, publiés par le baron A. de Ruble (Soc. H. F.), t. I, 1877,
p. 195.
[118] Sur l'authenticité de la
fameuse lettre du vicomte d'Orthe au Roi, consulter les références, Lettres,
t. II, p. 117. Voir la liste des gouverneurs qui se montrèrent humains, Lettres,
t. IV, Introd., p. CXI.
[119] La lettre de Du Ferrier du 16
septembre 1572 et la réponse de Catherine du 1er octobre, un monument
d'inconscience, dans Lettres de Catherine, t. IV, p. 130-133, texte et
notes.
[120] Comte Baguenault de Puchesse, Mémoires
du vicomte de Turenne, depuis duc de Bouillon, 1565-1586, (S. H. F., 1891,
p. 31).
[121] Mémoires de Philippe
Hurault, comte de Cheverny, éd. Buchon, p. 230-231.
[122] R. Dareste, Essai sur
François Hotman, 1850, p. 63 ; id., Revue Historique, t. II (1876),
p. 369, et Elkhan, Dis Publisistik der Bartholomdusnacht und Mornays
Vindicias contra tyrannos, Heidelberg, 1905, p. 33-36. Sur Jean Ricaud ou
Rigaud, quelques indications dans Haag, La France protestante, t. VIII,
p. 432.
[123] Franc. Hotomani
Jurisconsulte Franco-Gallia Libellus statum veteris reipublicæ gallica tum
deinde a Francis occupatæ describens, Coloniæ, 1574. Mais il y a eu une
première édition parue à Genève en 1573 ex officina
J. Staeril.
[124] Decrue, Le Parti des
politiques au lendemain de la Saint-Barthélemy, 1892, p. 131-132.
[125] Histoire de France de
Lavisse, t. VI, note 1, p. 148, sqq. Voir le procès criminel dans Archives
curieuses de Cimber et Danjou, 1re série, t. VIII, p. 127-220.
[126] Lettres, IV, p. 291.
[127] Mémoires d'Estat par M.
de Villeroy, Sedan, 1622, t. I, p. 8. Les deux envoyés royaux n'avaient pas pu
pousser plus loin qu'Avignon : ...est certain, avoue
Villeroy, que si nous eussions esté auprès dudict sieur mareschal [de
Damville] qu'il lui y eust esté très facile de nous
faire le traitement duquel l'on nous vouloit faire ministres en son endroict.
[128] D. Vaissète, Histoire
générale du Languedoc, édit. nouvelle, Toulouse, t. XII ; Preuves,
col. 1114-1138 et 1138-1141.
[129] Decrue, Le parti des
politiques au lendemain de la Saint-Barthélemy, 1892, p. 176-177.
[130] A Henri III, 31 mai 1574, Lettres,
t. IV, p. 310.
[131] A la duchesse de Ferrare, 11 juin, t. V, p. 12.