CATHERINE était une femme heureuse ; le hasard et le fanatisme l'avaient d'eux-mêmes si bien servie qu'elle n'aurait pu souhaiter un dénouement plus favorable. Ses rivaux de pouvoir, le roi de Navarre et le duc de Guise, étaient morts[1], laissant pour chefs de leur maison deux enfants, Henri de Bourbon et Henri de Lorraine, celui-ci âgé de treize ans et celui-là de neuf. Le dernier des triumvirs, Montmorency, vieillissait assoupli par sa mésaventure de Dreux. Condé était las des batailles et désireux de reprendre à la Cour la place d'Antoine de Bourbon. La Reine-mère, forte de l'affaiblissement des partis, gouverna le royaume pendant quatre ans, avec une pleine autorité, non sans troubles, mais sans révolte. Cette période d'accalmie est, semble-t-il, le moment le mieux choisi pour la voir à l'œuvre et la bien juger. Avant, c'est l'essai orageux d'un régime de tolérance ; après, c'est une longue guerre d'extermination contre les protestants, deux crises d'illusion et de haine, où elle s'est peut-être montrée meilleure ou pire que nature. Mais durant sa paisible possession du pouvoir de 1563 à 1567, rien ne l'empêchait ni ne la détourna d'être elle-même. La façon dont elle dirigea les. affaires selon ses principes ou ses intérêts peut donner une idée suffisamment juste, sous les réserves d'ailleurs que ce genre d'appréciations comporte, de son intelligence politique et de son système de gouvernement. La première guerre de religion avait eu déjà le caractère international de celles qui suivirent. Catholiques et huguenots avaient appelé à l'aide leurs coreligionnaires de tous pays. Mais ce recours, ainsi qu'on s'en aperçut, était dangereux. Pour s'assurer l'appui du duc de Savoie, Emmanuel-Philibert, Catherine dut échanger Turin, Chieri, Villeneuve d'Asti, Chivasso, que le traité du Cateau-Cambrésis avait laissés provisoirement à la France, contre Pérouse et Savillan, qui valaient beaucoup moins (traité de Fossano, 2 novembre 1562). Il lui en coûta, du moins on veut le croire, de resserrer encore les possessions d'entre monts, porte ouverte sur cette Italie où l'attirait le mirage de Florence et d'Urbin. Dans une lettre à Bourdillon, gouverneur du Piémont, elle s'excusait presque de cet abandon sur la durée des troubles et sur le besoin qu'elle avait de trois mille hommes de pied et de deux cents chevaux promis par le duc de Savoie[2]. Les huguenots, par même nécessité, avaient fait pis : ils avaient introduit les Anglais dans le royaume. Elisabeth s'était fait livrer la place forte du Havre, contre un secours d'hommes et d'argent. Et maintenant, la paix faite, elle prétendait la garder si Condé et Coligny ne tenaient pas l'engagement pris à Hampton-Court (20 septembre 1562) de lui faire recouvrer dans le plus bref délai possible sa ville de Calais. Or, le traité du Cateau-Cambrésis de 1559 n'obligeait la France à restituer Calais à l'Angleterre que dans huit ans, et même stipulait pour toute sanction, en cas de retard, autant dire de refus, le paiement d'une indemnité de 500.000 couronnes. Les chefs protestants comprirent un peu tard qu'ils avaient été bien imprudents, pour ne pas dire criminels, de promettre cette rétrocession avant terme, ou même à terme. Condé, en avisant Élisabeth de la signature prochaine de la paix, la louait intentionnellement d'avoir, au début de la guerre, protesté que aultre occasion ne vous a menée à nous favoriser que le seul zelle que vous portez à la protection des fidelles qui désirent la publicacion de la pureté de l'Évangile[3]. Mais Élisabeth repoussa bien loin ces suggestions de politique désintéressée et rappela brutalement les clauses d'Hampton-Court ; elle voulait Calais en échange du Havre. Catherine n'eut garde de s'interposer tout de suite entre les anciens alliés. Elle laissa partir sans pouvoirs Bricquemault, un brave capitaine huguenot, que Condé et Coligny envoyaient en Angleterre proposer au nom du parti la restitution de Calais, à l'échéance fixée par le traité du Cateau-Cambrésis. Il revint sans avoir rien obtenu. Il expliqua naïvement à la Reine-mère que s'il avait été libre d'offrir comme otages son fils, Henri d'Orléans ou le prince de Navarre ou le duc de Guise, il aurait certainement réussi à conclure raccord. Elle s'amusa de ce diplomate si généreux et lui conseilla d'aller prendre du repos en sa maison. Et cependant, dit-elle, nous ne perdrons point le temps[4]. Elle était bien résolue à garder Calais et à reprendre Le Havre. Jusque-là Charles IX s'était borné à écrire à Élisabeth en termes amicaux que la paix étant rétablie entre ses sujets de diverses religions l'occupation du Havre était désormais sans objet (30 avril). Quand les rapports entre les protestants et les Anglais furent suffisamment tendus, il intervint directement. Catherine délégua en Angleterre un tout jeune secrétaire d'État, le sieur d'Alluye, qui parla très haut comme elle l'espérait. Élisabeth, irritée de ses bravades, se serait oubliée jusqu'à écrire en France qu'elle avait pris et gardait Le Havre, non pour le motif de la religion, mais bien pour se venger de ce royaume de France et des injures et des torts qu'on lui avait faits... et pour s'indemniser de Calais, qui était son droit[5]. Cette lettre, authentique ou non, exprimait si bien ses vrais sentiments, qu'elle indisposa beaucoup de huguenots. Condé, avec nombre de gentilshommes de la religion, rejoignit l'armée royale sous les murs du Havre. La tranchée était à peine ouverte que la place capitula (28 juillet 1563). Après le départ de cette garnison étrangère, Catherine fit arrêter (5 août) l'ambassadeur anglais, Throcmorton, qui, pendant la guerre civile, avait passé au parti protestant et qu'Élisabeth chargeait in extremis de négocier la confirmation du traité du Cateau-Cambrésis. Du château de Gaillon où elle s'était installée chez le cardinal de Bourbon pour suivre les opérations du siège, elle mena le Roi en son parlement de Rouen, et dans la séance même où Charles IX se déclara majeur, le Chancelier proclama les Anglais déchus par une agression sans motifs de tous les droits qu'ils pouvaient prétendre sur Calais (17 août). Élisabeth, intimidée par la décision du gouvernement et par l'accord des partis, se réduisit à l'indemnité de 5oo.000 couronnes, mais sans succès, et, après un long marchandage, elle finit par accepter 120.000 couronnes que Charles IX lui offrait à titre d'honnesteté et de courtoisie. Calais était définitivement acquis à la France (traité de Troyes, 12 avril 1564). Catherine se flattait de régler avec le même bonheur les querelles religieuses. Pour s'assurer le surcroît d'autorité que les hommes du temps attribuaient aux ordres du roi donnés par le roi même, et probablement aussi pour ruiner les prétentions de Condé à la lieutenance-générale, elle émancipa son fils. L'ordonnance de Charles V fixait à quatorze ans la majorité des rois de France, et Charles IX n'en avait que treize ; mais le Conseil, sollicitant ce texte dans le sens le plus favorable, arrêta qu'il signifiait l'entrée dans la quatorzième année. Le Chancelier avait fait aussi décider que l'inauguration du pouvoir personnel se ferait non au parlement de Paris, mais à celui de Rouen, sous prétexte que tous les parlements de France étaient des classes régionales du Parlement du roi. En fait, il voulait éviter les remontrances de la première Cour du royaume sur la déclaration confirmative de l'Édit d'Amboise, qui devait être jointe à l'acte de majorité. Charles se rendit processionnellement (17 août) au Parlement, accompagné de la Régente, des princes, du Connétable, des maréchaux de France et de beaucoup de seigneurs et autres conseillers en son Conseil[6]. Il prit place en son siège royal, ayant à sa droite sa mère, son frère Henri et les princes du sang, et à sa gauche les cardinaux de Châtillon et de Guise. Les portes ayant été closes, il dit que Dieu lui ayant fait la grâce de pacifier son royaume et d'en chasser les Anglais, il était venu en cette ville pour faire entendre qu'ayant atteint l'aage de majorité, comme j'ay à présent, que je ne veux plus endurer que l'on use en mon endroit de la désobeyssence que l'on m'a jusques ici portée depuis que ces troubles sont encommencez. Il ordonnait à ses sujets de garder son Édit de paix, sous peine d'estre chastiez comme rebelles et leur interdisait à tous petits ou grands (fussent ses frères) d'avoir sans son congé intelligence au dehors avec les princes amis ou ennemis et de faire cueillette ny lever argent en son royaume sans son exprès commandement. Le Chancelier, après avoir amplifié les défenses royales et annoncé l'incorporation de Calais au domaine, loua la sagesse de Charles V, qui, sans muer les lois de nature ne faire sage avant le temps celuy qui ne le peut estre, avait voulu, par cette sainte ordonnance, mettre fin aux régences toujours et partout fécondes en troubles et en désastres, comme on le voit dans toutes les histoires. Le Roi était maintenant majeur, mais, ajouta-t-il, je ne craindray point à dire en la présence de Sa Majesté (car il le nous a ainsy dict) qu'il veut estre réputé majeur en tout et partout, et à l'endroict de tous, fors et excepté vers la Royne sa mère, à laquelle il réservoit la puissance de commander. L'Hôpital ne laissa pas échapper l'occasion, qu'il eût pu choisir plus opportune, de faire la leçon aux magistrats. Il leur reprocha de se mettre au-dessus des ordonnances, et leur enjoignit d'appliquer les lois sans affection et passion. Il les reprit rudement de leur partialité, leurs injustices, leur avidité[7]. Après la réponse du premier président, la cérémonie de l'hommage et reconnaissance, tels que les sujets la doivent à leur roy, commença. La Reine-mère déclara qu'elle remettait aux mains de Sa Majesté l'administration du royaume. Elle fit quelques pas vers son fils. Charles IX descendit de son trône, le bonnet à la main, et luy faisant ladite dame, une grande reverence et le baisant, ledit seigneur luy a dit qu'elle gouvernera et commandera autant ou plus que jamais. Après elle, le duc d'Orléans, le prince de Navarre, Condé
et les autres princes du sang, les cardinaux, les grands officiers et les
seigneurs présents s'approchèrent du jeune Roi, qui s'était rassis en son
siège royal, et luy ont faict chacun une grande
reverence jusques près de terre luy baisant la main. Les portes furent alors ouvertes, et le Chancelier fit lire une déclaration datée de la veille, qui confirmait l'Édit de pacification et ordonnait à tous les habitants des villes et des campagnes qui avaient des armes en mains de les déposer. Seuls les gentilshommes étaient autorisés à en garder dans leurs maisons, mais il leur était défendu de porter ou faire porter par leurs gens dedans les villes et par les champs aucune hacquebute (arquebuse), pistole ne pistolet. Il n'y avait d'exception que pour les soldats du roi. Contrairement à l'habitude du temps, le gouvernement ne licencia pas toutes les troupes levées pendant la guerre ; il retint une partie des gens de pied, qu'il distribua en un corps de huit enseignes, les enseignes de 14 garde du roi, dont Catherine fit mestre de camp Charry, que le brave Monluc lui recommandait pour sa bravoure et sa fidélité. C'est l'origine du régiment des gardes-françaises[8]. Le Roi seul restait en force pour faire la loi aux partis. Le parlement de Paris, qui se regardait comme la première de toutes les Cours du royaume, la Cour des pairs et le lit de la justice du roi, fut blessé de l'acte accompli à Rouen. Il refusa d'enregistrer la Déclaration de majorité et remontra qu'en confirmant l'Édit de pacification, elle semblait lui donner le caractère d'une loi perpétuelle, ce qui allait à reconnaître l'existence de deux religions. Il sollicita pour les Parisiens la faveur de porter les armes qu'ils avaient prises pour la nécessité du temps, pour les affaires du roy et par son commandement[9]. Charles IX reçut les remontrances de fort bonne grâce, mais ordonna de passer outre. La Cour multiplia les difficultés et mit entre autres conditions à son obéissance la dispense de désarmer. Le Roi finit par se fâcher. Les députés du Parlement qu'il fit venir à Meulan (24 septembre) ne cachèrent pas à leurs collègues qu'il avait montré quelque mauvaise estime et malcontement de sadite Cour, mais ce n'était pas assez dire. Comme on le sait par d'autres témoignages, il parla haut et clair. ...A ceste heure que je suis en ma majorité, je ne veux plus que vous vous mesliez que de faire bonne et briève justice à mes subjets. Car les rois mes prédécesseurs ne vous ont admis au lieu où vous estes tous que pour cest effet... et non pour vous faire ny mes tuteurs ny protecteurs du royaume ny conservateurs de ma ville de Paris. Car vous vous estes faict accroire jusques icy qu'estiez tout cela[10]. Le Parlement céda (28 septembre). Catherine affecta de croire, et peut-être croyait-elle en effet, que les triumvirs avaient pris les armes sans raison. Jamais elle ne convint qu'elle eût mis le catholicisme en péril par son système de laisser faire. Dans une lettre de sa main à un de ses confidents d'alors, Artus de Cossé, sieur de Gonnor (19 avril 1563), elle parlait avec quelque orgueil de ce qu'elle avait si byen comensé à Saynt- Jermain, et avec dédain de la paix d'Amboise qui n'é pas plus aventageuse — elle entend pour les catholiques — que l'édit de jeanvyer. Ce n'est pas sa faute si les reîtres, qui ne sont pas encore payés, foulent le royaume et si les Parisiens sont mis à contribution[11], mais bien celle des hommes (les Guise) qui ont voulu fayre les roys. Elle ajoutait fièrement : ... Si l'on ne m'empesche encore, j'espère que l'on conestra que lé femme aunt railleur volonté de conserver le royaume que seulx qui l'ont mis an l'état en quoy yl est et vous prie que seulx qui en parleront leur montrer sesi, car s'et la vérité diste par la mère du roy qui n'ayme que luy et la conservation du royaume et de ses sugés[12]. Elle était impatiente de tout apaiser. La ville de Paris était un foyer de fanatisme dont les épreuves de la guerre avaient attisé l'ardeur. Elle vénérait comme un martyr de la foi le duc de Guise assassiné sous Orléans, et sa compassion se tournait en furie contre les huguenots. Le jour de l'exécution de Poltrot, que le Parlement avait condamné à être tenaillé au fer rouge en quatre endroits et puis tiré à quatre chevaux, la populace se saisit de ces quartiers de chair humaine, les traîna par les rues et les dépeça (18 mars 1563). Le lendemain se firent dans un sursaut d'émotion les obsèques solennelles du héros populaire, dont le cercueil traversait Paris à destination du château patrimonial des Guise à Joinville. Le Corps de ville conduisait le deuil qu'un immense cortège accompagnait : gentilshommes, délégations des Cours souveraines, clergé des paroisses, moines de tous ordres et de toute robe, arquebusiers de la milice bourgeoise portant la harquebouse sous l'aisselle, piquiers tenans leurs piques par le fer en les traînant après eulx, enseignes avec leurs enseignes ployées sur l'épaule, le fer contre bas, bourgeois ayant à la main des torches à leurs armes, prévôts, échevins, conseillers de ville, notables en robe noire montés sur des mulets. A Notre-Daine, Jacques le Hongre, un prédicateur fameux par ses attaques contre les hérétiques, prononça l'oraison funèbre parmi les pleurs et lamentations des assistants[13]. Après la paix, malgré l'Édit, les Parisiens ne se pressèrent pas de désarmer. Un autre tribun de la chaire, Artus Désiré, interprétait à sa façon le conseil du Christ à ses apôtres : Qui non habet gladium vendat tunicam et emat. Que celui qui n'a pas de glaive vende la tunique pour en acheter un. Ce fut en ce milieu surchauffé que Catherine, avec une imprudence généreuse, tenta un premier essai de réconciliati espérant, comme elle l'expliquait à la duchesse de Savoie, que l'exemple parti de la capitale apporteret l'entier repos par tout le royaume[14]. Au moment de mener huguenots et catholiques contre les Anglais du Havre, la veille de la Fête-Dieu (juin 1563), elle alla donc avec Charles IX coucher à Paris chez le prince de Condé, et, pour tâter l'opinion, traversa la ville en compagnie du chef des protestants. Le peuple, écrit-elle à cette confidente, fit demostration que d'aystre bien ayse de nous voyr tous. Déjà elle remerciait Dieu que ne auret plus (il n'y aurait plus) de defiense ny de ynymitié entre ledit prinse et sete vile. Mais le lendemain, quand, après la procession, elle repartit pour Vincennes avec son hôte, elle s'aperçut qu'elle s'était réjouie trop tôt. La princesse de Condé, qui avait pris les devants en neun (un) coche, croisa hors des portes une troupe de cinq cents Parisiens à cheval, qui s'étaient postés là en narmes (armes) pour se monstrer au Roy. Ils tuèrent, à sa portière, le capitaine huguenot Couppé, à qui ils avaient peut-être des raisons particulières d'en vouloir, et la laissèrent fuir ou la manquèrent. Le Roi et sa suite arrivèrent immédiatement après le meurtre. Condé, croyant à un guet-apens dressé contre sa femme et contre lui par la duchesse de Guise et le cardinal de Lorraine, menaça de quitter Paris et la Cour. La Reine eut beaucoup de peine à le calmer. Velà, Madame, ajoutait Catherine, come quant je pense aystre aur (hors) de ses troubles, je veoy qu'i semble qu'il y a je ne sé quel malheur qui nous y remest. Toutefois elle ne désespérait pas — elle ne désespère jamais — d'y donner si bon hourdre (ordre) que avent qu'i (ils) comenset plus Brans, que je leur coupperé chemin[15]. Quelques jours après, elle annonçait à la duchesse qu'elle avait réussi non sans peine, à réconcilier le prince de Condé avec le duc de Nemours et le cardinal de Guise et à les faire embrasser. Elle espérait qu'ayant rapoynté ses (ces) grans, le demeurant se meyntiendra en pays (paix)[16]. Le mestre de camp de la garde du roi, Charry, fort de la faveur de Catherine et catholique ardent, refusait d'obéir au colonel général de l'infanterie française, d'Andelot, qui, révoqué pendant la guerre, avait été depuis rétabli dans sa charge. Le 1er janvier 1564, comme il passait de grand matin sur le pont Saint-Michel, accompagné de son lieutenant et du capitaine La Tourette, il fut assailli par Chastelier-Portaut, le guidon (porte-enseigne) de l'Amiral, par Mouvans, le chef des huguenots du Midi, et un soldat. Avant qu'il eût eu le temps de dégainer, Chastelier-Portaut luy donna un grand coup d'espée dans le corps et la luy tortilla par deux fois dans ledict corps, afin de faire la plaie plus grande[17]. Charry et la Tourette morts, les assassins filèrent par le quai des Augustins et, au delà de la porte de Nesle, trouvèrent des chevaux qui les attendaient et s'enfuirent. C'était probablement une vendetta. Charry avait, quatorze ans auparavant, tué le frère de Chastelier-Portaut. A Paris l'impression fut vive. Les catholiques accusèrent d'Andelot et l'Amiral d'avoir dressé l'entreprise pour se débarrasser d'un adversaire. Catherine n'oublia jamais le meurtre de ce bon serviteur, mais elle jugea dangereux d'en rechercher trop curieusement les complices[18]. A quelques jours de là, elle régla une querelle de bien plus grande conséquence. Poltrot avait, spontanément ou à la torture, inculpé, disculpé et inculpé encore l'Amiral de participation à l'assassinat du duc de Guise, Coligny protesta (12 mars) contre les mauvais bruits qui couraient avec une brutale franchise. Il n'avait jamais recherché, induit ni sollicité quelqu'un à commettre ce crime ni de paroles, ni d'argent, ni par promesses, par soy ni par autrui directement ni indirectement. Même après le massacre de Vassy, bien qu'il tint et poursuivît le duc de Guise et ses adhérents comme ennemys publics de Dieu, du roy et du repos de ce royaume, [il] ne se trouvera qu'il ait approuvé qu'on attentât en ceste façon sur la personne d'iceluy. Mais ayant été ensuite duement averti que le duc de Guise et le maréchal de Saint-André avoient attitré certaines personnes pour tuer Monsieur le prince de Condé, luy et le seigneur d'Andelot, son frère, il confesse que depuis ce temps-là, quand il a ouï dire à quelqu'un que s'il peuvoit il tueroit ledit seigneur de Guise jusques en son camp, il ne l'en a destourné. Sincère jusqu'à l'imprudence, il écrivit à la Reine, que s'il se défendait d'être coupable, ce n'était pas pour regret à la mort de Monsieur de Guyse, car j'estime que ce soit le plus grand bien qui puisse advenir à ce royaume et à l'Église de Dieu et particulièrement à moy et à toute ma maison[19]. Cette justification maladroite était d'un innocent, mais, si elle avait pu convaincre la mère, la femme et les enfants du mort, elle étalait contre lui une telle haine qu'elle devait les irriter autant qu'un aveu de complicité. Les Guise, aussitôt la paix faite, avaient demandé justice du crime en même temps qu'ils armaient pour en tirer vengeance. Des gentilshommes huguenots accoururent offrir leurs services à Coligny ; il eut la sagesse de les engager à retourner en leurs logis. A la Cour, l'alarme fut chaude. Catherine crut à une nouvelle guerre civile. Elle évoqua l'affaire au Conseil. Mais plaignants et défenseurs exercèrent leur droit de récusation si rigoureusement qu'ils n'acceptaient d'autres juges que le Roi et la Reine-mère. A eux deux, ils ne voulurent pas connaître de l'affaire à fond. Charles IX, séant en son Conseil, arrêta que toutes choses seraient remises d'icy à trois ans, et fit promettre aux deux parties de ne se rien demander ny par justice ny par armes pendant ce temps-là. Catherine s'était effacée pour laisser au jeune souverain le mérite de la décision. Elle n'était pas loin de crier au miracle. Le Roy mon fils, écrit-elle à la duchesse de Savoie, de son propre movement, san que personne luy en dist ryen, a doné l'arrest... si bon que tout son Conseil ha dist que Dieu le feset parler et se sont aresté a set qu'il an na (ce qu'il en a) hordonné. Dieu l'avait inspiré comme autrefois Salomon en son jugement (janvier 1564)[20]. La bonne volonté ne suffisait pas. La lutte avait duré un an et laissé après soi des habitudes de désordre, des colères, des rancunes, tout un héritage de haine. Les gens d'épée convertis au protestantisme n'avaient renié que de bouche l'esprit d'orgueil et de violence. Ils n'étaient ni patients, ni résignés, ni moins avides. La guerre leur avait fourni l'occasion de commencer la réforme religieuse à leur manière, qui fut de piller les trésors des églises et de se saisir des biens du clergé. En Poitou et dans d'autres régions où ils étaient nombreux et puissants, ils refusaient de rendre les bénéfices qu'ils avaient sécularisés. Les catholiques de leur côté assaillirent les réformés qui rentraient en leurs logis. Dans certaines provinces, des compagnies de massacreurs s'étaient organisées et, moyennant salaire, elles dépêchaient les gens désignés à leurs coups. Des magistrats étaient sinon les inspirateurs, du moins les témoins complaisants de ces forfaits. La Curée, gentilhomme protestant du Vendômois, qui avait offert ses services au commissaire du roi, Miron, pour arrêter les assassins, fut surpris et tué par eux sur les indications de ce même commissaire. Le gouvernement s'efforça d'imposer à tous l'observation de l'Édit d'Amboise. Le maréchal de Vieilleville fut envoyé à Lyon, en Dauphiné, Languedoc, et Provence, avec charge de recouvrer les places fortes dont les huguenots s'étaient emparés[21]. Le maréchal de Bourdillon alla mettre les catholiques de Rouen à la raison. Le parlement de Provence, qui se distinguait par son fanatisme, fut suspendu en masse et remplacé par une délégation du parlement de Paris (24 novembre). Le président de cette commission, Bertrand Prévost, sieur de Morsan, procéda si rigoureusement contre les catholiques factieux que 2.000 d'entre eux se réfugièrent dans le Comtat, pour se mettre à l'abri sous la protection du pape. Mais ils furent extradés et jugés[22]. La Reine-mère écrivait aux lieutenants du roi. elle
rappelait à Montmorency-Damville, gouverneur du Languedoc et catholique zélé,
de faire inviolablement observer l'Édit de
pacification. C'était, ajoutait Charles IX, le seul
establissement de la tranquillité public et pour ceste cause, il fault que
vous qui estes gouverneur et qui sçavez en cela quelle est mon intention, que
sans passion ni acception de personne ni de religion vous teniez mains à ce
qu'il soit gardé et entretenu et que du premier qui y contreviendra la punition s'en fasse
exemplaires[23]. Catherine
déclarait sans détour au nouvel ambassadeur d'Espagne, don Francès de Alava,
successeur da Chantonnay, que la nécessité les avait contraints de faire ung édict pour la conservation du royaume, lequel
estoit sy utile que le roy, son fils, ne se
délibéroit pour quelque occasion que ce feust, le rumpre et violer ; que
partye du royaume avoit esté saulvé et par là il le falloit conserver[24]. Au XVIe siècle, l'organe essentiel de la volonté royale était le Conseil du roi, où l'on distinguait le Conseil privé, qui dirigeait l'administration, la justice et les finances du royaume, et le Conseil des affaires, une quintessence du premier, auquel étaient réservées les questions les plus importantes du dedans et du dehors[25]. Le Conseil du roi, à la fois conseil de délibération et conseil d'exécution, réunissait les fonctions que se partagent aujourd'hui le Conseil d'État, la Cour de Cassation et le Conseil des ministres. A cette époque les secrétaires d'État, qui furent à partir de Louis XIV les agents suprêmes du pouvoir central, n'étaient considérés encore que comme les expéditeurs des ordres du Conseil, et même quand ils assistaient aux réunions, ils ne délibéraient ni ne votaient. Quand certains d'entre eux y obtenaient séance et voix et se trouvaient ainsi associés aux actes du gouvernement, c'était par désignation particulière et non à titre de secrétaires d'État. L'autorité du Conseil se faisait sentir dans toutes les parties du royaume, à tous les sujets du roi, de quelque condition et état qu'ils fussent. Aussi importait-il qu'en. ces temps de passion religieuse, son impartialité ne pût être mise en doute. Catherine de Médicis y fit entrer des représentants des divers partis. Dans l'ensemble des listes du Conseil, de 1563 à 1567, on relève les noms de seize catholiques zélés : les cardinaux de Lorraine et de Guise, les ducs de Montpensier et de Nevers (Louis de Gonzague), le lieutenant général .du roi en Bourgogne, Gaspard de Saulx-Tavannes, le futur garde des sceaux, Birague, etc. ; de six protestants : Condé, les trois Châtillon, d'Estrées, La Rochefoucauld ; et d'une vingtaine de modérés : le chancelier de L'Hôpital, le surintendant des finances, Artus de Cossé, sieur de Gonnor, l'évêque d'Orléans, Morvillier, Jean de Monluc, etc.[26] Ces politiques comme on les appelait, à qui on peut joindre le Connétable et même le cardinal de Bourbon, ami personnel de Catherine, voulaient comme elle, par esprit d'humanité et dégoût des violences ou simplement pour le bien de l'État, appliquer l'Édit de pacification. Leur nombre, qui balançait celui de tous les autres conseillers, indique bien les tendances générales du gouvernement et son ambition de constituer la royauté en pouvoir supérieur aux partis, juge de leurs querelles et défenseur impartial de l'ordre public. La composition de ce Conseil et les rapports de la Cour de France avec Rome auraient dû rassurer les réformés. Catherine avait forcé le pape Pie IV, en le menaçant d'un Concile national, à convoquer le Concile général, mais elle n'avait pas obtenu qu'il se tint, comme le demandait aussi l'empereur Ferdinand, dans une ville du centre de l'Allemagne, où les protestants auraient pu aller et discuter en sûreté[27]. Au lieu d'un nouveau concile libre et saint, de qui elle attendait un remède aux dissensions religieuses, elle avait dû accepter la reprise à Trente du Concile deux fois réuni et deux fois interrompu. Au moins aurait-elle voulu qu'il abolit certains abus, autorisât quelques pratiques nouvelles et surtout se gardât de préciser le dogme ; concessions qu'elle croyait, à tort d'ailleurs, capables de ramener les dissidents. Ses ambassadeurs, le jour de la séance solennelle d'ouverture (26 mai 1562), insistèrent avec une cruauté moqueuse sur la corruption de l'Église. Le cardinal de Lorraine, qu'elle avait fait partir pour Trente, après le colloque de Poissy, avec une soixantaine d'évêques français, avait pour instructions de s'entendre avec les Allemands, qui, eux aussi, désireux de rétablir l'unité religieuse, réclamaient les plus larges réformes, et particulièrement les prières en langue vulgaire et le mariage des prêtres[28]. Les représentants de l'Église gallicane n'allaient pas jusque-là. Dans les Articles de Réformation qu'ils soumirent au Concile, le 2 janvier 1563, ils se taisaient sur le célibat ecclésiastique et se contentaient qu'on permit aux fidèles, après l'office, de chanter en français des cantiques spirituels et les psaumes de David. Ils proposaient d'accorder aux laïques la communion sous les deux espèces et d'ôter les superstitions qui pouvaient s'être glissées dans le culte des images, les pèlerinages, les confréries, les indulgences. Mais Français et Allemands se heurtaient au bloc des Italiens et des Espagnols, résolument hostiles à tout compromis. Le pape n'aimait pas l'Église gallicane, qui niait son infaillibilité, prétendait constituer dans l'unité catholique un corps à part, ayant ses libertés, coutumes et privilèges, et se montrait plus docile à la tutelle du roi qu'à l'autorité du Saint-Siège. Pendant un voyage du cardinal de Lorraine à Rome, les légats ripostèrent aux Articles de réformation de l'Église par un projet de réformation des princes. Ils y revendiquaient pour les tribunaux ecclésiastiques le droit exclusif de juger les clercs, défendaient aux juges séculiers d'intervenir dans les causes spirituelles, matrimoniales, bénéficiales et d'hérésie, même si les juges d'Église consentaient à se dessaisir, menaçaient d'excommunication les souverains qui, sauf en cas de guerre contre les infidèles ou dans une extrême nécessité, lèveraient sur le clergé aucun impôt, taxe, péage ou subside. C'était remettre en question les conquêtes des rois de France, aidés de leurs parlements, sur la juridiction, l'administration et la propriété ecclésiastique. Les ambassadeurs relevèrent vivement cette attaque à peine déguisée contre le pouvoir royal, et quelque temps après ils se retirèrent à Venise. Charles IX, n'étant pas d'humeur à endurer que les Pères voulussent rongner les ongles aux rois et croistre les leurs[29], enjoignit à ses représentants de ne pas revenir à Trente avant que les légats eussent réformé les articles qui concernaient ses droicts, usages, privilèges et authoritez et ceux de l'Église gallicane, pour n'en estre plus parlé ny mis aucune chose en controverse ou dispute[30]. Catherine était très mécontente du Concile, qui trompait toutes ses espérances. Quand le cardinal de Lorraine revint de Trente, réformateur repenti et qui cherchait à Rome un appui pour sa maison en deuil, il demanda que les décrets du Concile fussent reçus comme loi de l'État. L'affaire fut débattues en pleine compaignie du Conseil du roi, appellez les quatre presidens de sa Court de Parlement et ses advocatz et Procureur general (22 février 1564). Le Cardinal, irrité de l'opposition du Chancelier, son ancienne créature, lui dit qu'il était temps de déposer le masque (larvam deponere), c'est-à-dire de se déclarer pour la Réforme. L'autre répondit qu'il vît lui-même qui avait à Vassy violé l'Édit de janvier, d'où s'étaient ensuivies tant de funestes conséquences[31]. L'assemblée trouva dans les décrets, comme l'écrivait Catherine à l'évêque de Rennes, ambassadeur de France à Vienne, tant de choses contraires à l'autorité du Roi et préjudiciables aux libertez et privilleges de l'Église gallicane qu'il y avait été advisé et resolu de surseoir à leur enregistrement par les Cours souveraines encore pour quelque temps [32]. Ce quelque temps dura toujours. Les privilèges de l'Église gallicane aidaient à couvrir les agissements de la politique modérée. Pie IV ayant cité par devers lui les sept archevêques ou évêques d'Aix, Uzès, Valence, Oloron, Lescar, Chartres et Troyes comme suspects d'hérésie, le Roi repoussa la prétention de la Cour romaine d'évoquer directement la cause sans passer par la juridiction intermédiaire des prélats et métropolitains français[33]. Il protesta avec plus de vigueur encore quand le Pape menaça la reine de Navarre, Jeanne d'Albret, de la déposer et la priver de ses États si elle ne comparaissait pas dans six mois en personne ou par procureur à Rome pour se purger du crime d'hérésie[34]. Catherine chargea le sieur d'Oysel de faire entendre au Pape qu'il n'a nulle auctorité et juridiction sur ceulx qui portent tiltre de roy ou de royne et que ce n'est pas à luy de donner leurs Estats et royaumes en proye au premier occupant et mesmement (surtout) de ladicte royne de Navarre, qui a la meilleure partie de ses biens en l'obéissance du Roy mondict sieur et filz[35]. Pie IV n'osa passer outre. Jeanne d'Albret, dans une lettre à la Reine-mère, confessait ne jamais pouvoir recognoistre ceste digne faveur dernière et couronnant toutes les autres et se disait impatiente d'aller la trouver en quelque part qu'elle fût pour lui baiser les pieds de meilleure affection qu'au pape[36]. Les puissances catholiques étaient scandalisées de l'attitude du gouvernement français. Les ambassadeurs du Pape, de l'Empereur, du roi d'Espagne et du duc de Savoie arrivèrent ensemble à Fontainebleau où se trouvait la Cour, pour demander au Roi t comme par un commun accorda de faire observer par toute la France les décrets du Concile de Trente, de changer l'Édit de pacification, de punir les fauteurs des derniers troubles et les meurtriers du duc de Guise. Ils l'invitèrent à un congrès de princes et d'ambassadeurs chrétiens, qui se tiendrait à Nancy pour aviser aux moyens d'extirper les hérésies (12 février 1564). Charles IX répondit — on reconnaît le style de sa mère — que son intention était de vivre et de faire vivre son peuple selon l'ancienne et louable coutume tenue et observée en l'Église romaine, mais qu'il avait été forcé de faire la paix pour déchasser les ennemis du royaume et qu'il ne pouvait sans rechute de guerre rompre son Édit de pacification. Il s'excusait donc d'aller à Nancy (26 février)[37]. Mais justement pour résister à cette pression du dehors, Catherine ne devait pas être suspecte aux catholiques français de complaisance pour les huguenots. Elle avait vu l'attachement des grands corps de l'État et de la masse de la nation à l'Église traditionnelle. C'était une constatation dont un esprit réaliste comme le sien tint désormais un très grand compte. L'Édit contenait un maximum de concessions qu'elle jugeait dangereux de dépasser. Les chefs protestants s'étaient imaginés à tort que, la guerre finie, elle recommencerait à tout tolérer comme à Saint-Germain. Le prince de Condé faisait tous les jours prescher dedans la mayson du Roi[38]. La duchesse de Ferrare avait aussi converti son logis à Paris et à Fontainebleau en lieu de culte[39]. C'était, remarque Chantonnay, vouloir que le Roi souffrit en sa Cour ce que les hauts justiciers n'étaient pas autorisés à permettre en leurs maisons. Catherine attendit patiemment que Condé, très occupé d'une de ses filles d'honneur, renonçât de lui-même à dresser autel contre autel dans les résidences royales[40], mais la duchesse de Ferrare, Renée de France, persévérant en son zèle, elle lui fit interdire pendant le séjour du Roi à Fontainebleau de faire prêcher au château et même dans une maison qu'elle avait achetée au village (de Fontainebleau) et qu'elle prêtait et dédiait pour tel faict, même quand elle n'était pas à la Cour[41]. Bèze avait deviné les nouvelles dispositions de la Reine. Quand il revint à Genève en mai 1563, il était plein d'une confiance d'où il l'excluait. Grâce à la protection divine, les principaux ennemis de l'Évangile étaient morts ou impuissants ; les chefs réformés avaient part au gouvernement. Telle est, continuait-il, la nature de notre roi (Charles IX) et même de ses frères qu'elle permet à tous les fidèles (pios) d'attendre d'eux de sûrs et grands progrès en piété[42]. Mais il ne disait rien de Catherine : silence significatif. Clairement, dans une lettre du 2 juillet, Calvin parlait de la légèreté et de l'astuce de la Reine, qui ne permettent pas ou si peu d'espérer[43]. Deux semaines après (19 juillet), il se plaignait qu'elle s'opposât autant qu'elle pouvait à la bonne cause[44]. Il l'accusait contre toute justice (19 juillet) — c'était après le meurtre du capitaine Couppé — de favoriser l'agitation fanatique de Paris. Sa perfidie, écrivait-il encore au mois d'août, autorisait les ennemis de la Réforme à braver les Édits du Roi. Dans leur rédaction, le Chancelier se montre très libéral à notre égard, car au fond du cœur il nous est favorable. Mais par les artifices cachés de la Reine toutes les bonnes résolutions prises en Conseil sont éludées[45]. Ce revirement de Calvin à l'égard de L'Hôpital est à noter. De dépit, Bèze en revenait à la théorie du parti contre le gouvernement féminin. C'est le dernier des malheurs, écrivait-il le 20 juillet, que celui d'un peuple soumis à l'empire d'une femme (et d'une femme de cette sorte)[46]. C'en était fini des complaisances d'avant la guerre. L'Edit de Vincennes (14 juin 1563) avait défendu aux religionnaires de travailler boutiques ouvertes les jours de fête de l'Église catholique[47]. L'importante Déclaration et Interprétation du 14 décembre de la même année suppléa aux lacunes et aux obscurités de l'Édit d'Amboise par la limitation des droits de la minorité. L'Édit concédait aux protestants pour l'exercice de leur culte, en outre d'une ville par bailliage toutes les villes esquelles la religion estoit jusqu'au 7 mars pratiquée, mais la Déclaration expliqua qu'il fallait entendre par toutes les villes seulement celles qui estoient tenues par force durant les troubles, esquelles l'exercice de ladite religion se faisoit apertement ledit septiesme mars, excluant ainsi les autres où au même temps se tenaient des prêches ou assemblées de prières. Elle renouvela l'interdiction de besongner, vendre ny estaler les jours de fêtes à boutiques ouvertes et défendit d'ouvrir les boucheries pendant les jours maigres institués par l'Église catholique. Elle ordonnait aux religieux et religieuses qui s'étaient licentiez durant et depuis les derniers troubles de rentrer dans leurs couvents ou de quitter le royaume mesmes s'ils sont mariez contre le vœu de leur profession[48]. A Paris surtout, par crainte des émeutes catholiques, elle tendait à restreindre et presque à supprimer les signes extérieurs de la nouvelle religion. Elle refusait aux réformés de cette ville le droit de se transporter es bailliages circonvoisins pour assister à l'exercice qui s'y fera de ladite religion. Les enterrements se feraient de nuit... sans suyte ni compagnie, sous l'escorte du guet, tandis qu'ailleurs le convoi pouvait être de vingt-cinq ou trente personnes. Là, comme dans tous les lieux privés de la liberté du culte, les enfants à baptiser seraient portés au lieu d'exercice le plus proche, mais en compagnie de quatre ou cinq tant seulement. Ces mesures, dont quelques-unes s'expliquaient, sinon se justifiaient, par des raisons d'ordre public, blessaient la minorité comme autant d'affirmations de son infériorité légale. La neutralité de la Reine-mère entre Coligny et les Guise, ses efforts pour réconcilier Condé avec les Lorrains, paraissaient aux protestants une trahison. Ils interprétèrent comme une menace le privilège octroyé par le Roi le 13 janvier 1564 aux principaux chefs de maisons de Paris, d'avoir des armes, contrairement à la Déclaration jointe à l'acte de majorité (août 1563). Inquiets et soupçonneux, ils se munissaient de toutes choses nécessaires pour la guerre et parlaient licentieusement. Catherine s'en plaignait doucement dans une lettre à Coligny (17 avril 1564), où elle lui rappelait la bonne volonté du gouvernement à punir les violences des catholiques et les ordres qu'elle et son fils donnaient journellement aux gens de justice, lesquelz à en dire la vérité n'y ont pas faict en la plus part des lieux grand devoir jusques à présent. Mais là-dessus, ajoutait-elle, il fault que je vous dye qu'il me desplait bien fort de la deffiance en laquelle vous me mandez que sont entrez ceux de la relligion pour ung faulx bruit que l'on a faict courir que l'on se délibère avoir bientost la raison d'eux... J'ay si cher le repoz de cet Estat et désire tant la conservation de tous les subjects du roy mon dict sieur et filz, que pour riens au monde je ne vouldrois y avoir consenti et aussy peu permettray-je et endureray-je de mon vivant de qui que ce soyt que telle chose se feist. Elle priait l'Amiral d'affirmer à ceux de ses coreligionnaires qui lui en parleraient que l'Édit leur sera observé inviolablement, menaçant si elle voyait quelque apparence de trouble en quelque côté que ce fût d'employer le vert et le secq (sec) sans respect de religion, personnes ny autre considération que celle qui appartient à la conservation du repoz de cest Estat[49]. Il est d'usage de lui dénier le mérite de ses bonnes intentions pour l'attribuer tout entier au plus vertueux et au plus humain de ses conseillers, le chancelier de L'Hôpital[50]. Il y a une histoire et il y a une légende de L'Hôpital. L'histoire le glorifie avec raison comme partisan de la liberté de conscience et, sous certaines réserves, de la liberté de culte. La légende voudrait qu'il eût inspiré à Catherine de Médicis, presque malgré elle, une politique sage et modérée. A lui l'honneur des lois et des actes de tolérance, à elle la responsabilité des compromissions, des recule et des faiblesses. Mais ce partage inégal s'accorde mal avec les faits. Catherine aimait le pouvoir et s'en montrait d'autant plus jalouse qu'elle l'avait plus longtemps attendu. Elle était très active. Les dix volumes in-folio de sa correspondance qui ont été publiés et que la partie égarée ou détruite augmenterait encore de quelques autres prouvent que cette épistolière infatigable s'intéressait aux détails d'administration comme aux plus grandes affaires. Ses lettres, quand elles sont rédigées parles secrétaires d'État, portent souvent des apostilles de sa main, et il yen a beaucoup qui sont tout entières autographes. Il reste de L'Hôpital des harangues aux Parlements, aux États généraux, aux assemblées du clergé, où au nom du Roi et de la Reine-mère il fait appel en termes éloquents et même émouvants à la concorde, à la douceur, à l'esprit de charité ; mais on ne trouve pas dans ses œuvres, et pour cause, d'ordres aux grands officiers de la Couronne, aux gouverneurs de province, aux Cours de parlements, aux baillis et sénéchaux, aux trésoriers de France, comme il s'en trouverait nécessairement s'il avait été une sorte de principal ministre. Alors il faudrait supposer que Catherine de Médicis s'est résignée de 1560 à 1568 à être le secrétaire du Chancelier. Ce n'est pas la figure qu'elle fait aux ambassadeurs et aux hommes d'État de l'époque. A dire vrai, le jeu de bascule qu'imposait le conflit des passions religieuses suppose une main plus légère que celle de L'Hôpital. Assurément cet honnête homme était un habile homme ; le succès de sa carrière en est la preuve. Fils d'un médecin du connétable de Bourbon, ayant suivi à l'étranger son père fugitif, il était parvenu à faire oublier cette tache originelle. Ses poésies latines, d'une facture si solide, l'avaient mis en telle estime parmi les lettrés que les écoles de Ronsard et de Marot le prirent pour arbitre de leurs querelles littéraires[51]. Il avait épousé en 1537 la fille du lieutenant criminel, Jean Morin, qui lui apporta en dot une charge de conseiller au parlement de Paris[52]. De cette Cour dont le pédantisme, l'humeur procédurière et l'âpreté au gain le dégoûtèrent, il passa quelques années après à la co-présidence de la Cour des comptes. Enfin, par la protection du duc de Guise et du cardinal de Lorraine, dont il célébrait en vers latins la gloire militaire et l'éloquence, il fut promu à la chancellerie de France, un des grands offices de la Couronne et le seul qui fût accessible aux gens de robe. Mais sa vertu, qui dans cette ascension au pouvoir s'était pliée aux exigences de l'ambition jusqu'à le faire accuser par Bèze d'habileté courtisane, se retrouva tout entière en cette charge prééminente, et même elle parut aux magistrats qui en ressentirent les effets par trop rude, fâcheuse, indiscrète, appelant chat un chat. Peut-être n'était-ce pas ce vrai Caton qu'il eût fallu pour gagner aux idées de tolérance les officiers de judicature, grands et petits, qu'il accusait trop cruellement de vendre la justice. Il humilia le parlement de Paris en faisant enregistrer dans une Cour provinciale la Déclaration de majorité. On a l'impression — mais combien il répugne de toucher à cette grande mémoire — que le Chancelier n'eut pas toujours la souplesse et les ménagements nécessaires en ces temps malheureux[53]. Il était bon et humain. Sa religion était amour et charité ; il détestait de contraindre les consciences. Mais c'est une question de savoir si sa politique religieuse, du moins à la fin, fut uniquement inspirée par les principes de tolérance et s'il n'y entrait pas quelque sympathie personnelle pour les novateurs. On vient de voir quels services Calvin attendait de lui en 1563. Il professa toujours le catholicisme ; mais sa femme et sa fille, qui avaient passé à la Réforme, étaient de bien tendres solliciteuses. Au début de sa charge, il menaçait de toute la rigueur des lois les religionnaires qui troubleraient l'ordre ; plus tard il parut croire que la rigueur des catholiques justifiait l'esprit de révolte des protestants. Le Chancelier et Catherine évoluaient en sens contraire sans trop s'en apercevoir, lui poussé en avant par la générosité de son cœur ; elle, maintenue sur place ou même ramenée en arrière par le calcul des forces catholiques ou de ses propres intérêts. Cependant elle se défendait de vouloir rapporter l'Édit de pacification, et le fait est que tant que les protestants restèrent paisibles, elle l'observa et, autant qu'elle put, le fit observer. Elle 'tint à honneur de continuer, malgré la pression de la nation et des grandes puissances catholiques, cette politique de modération dont elle avait eu l'idée et pris l'initiative. Il serait injuste de l'oublier. Elle avait ses moyens propres de pacification : J'ay ouy dire au Roy vostre grand-père, écrivait-elle un jour à un de ses fils[54], qu'il falloit deux choses pour vivre en repos avec les François et qu'ils aimassent leur Roy : les tenir joyeux et occuper à quelque exercice... car les François ont tant accoustumé, s'il n'est guerre, de s'exercer que, qui ne leur fait faire, ils s'emploient à autres choses plus dangereuses. Elle avait toujours présente à l'esprit la Cour de François Ier et, aussitôt après le désarroi des premiers troubles, elle en reconstitua une sur ce modèle-là et encore plus nombreuse et plus belle. Elle y appela quatre-vingts filles ou dames des plus nobles maisons pour l'aider à faire les honneurs des résidences royales. Elle les voulait vêtues de soie et d'or, parées, dit Brantôme, comme déesses, mais accueillantes comme des mortelles. Elle espérait que leur bonne grâce ou leur beauté, une vie élégante et magnifique, des jeux et des spectacles attireraient ou retiendraient auprès du Roi les gentilshommes protestants et catholiques et les dégoûteraient de la guerre, l'horrible guerre civile. Parmi ces dames et ces demoiselles, il y en avait de plus favorites qu'elle emmenait dans ses villégiatures et ses chevauchées diplomatiques. C'est le fameux escadron volant dont elle se serait servie pour assaillir à sa façon et réduire les chefs de partis[55]. Mais il faut remarquer qu'il s'y trouvait des femmes qui n'étaient plus jeunes et d'autres qui passèrent toujours pour vertueuses. Que les mœurs fussent mauvaises dans cette Cour, c'est probable, car dans quelle grande Cour les mœurs sont-elles bonnes ? Catherine avait tant de volontés à ménager qu'elle a dû fermer les yeux sur bien des fautes, Elle avait trois fils dont l'un régnait, et elle fut bien obligée, quand ils devinrent des hommes, de faire comme d'autres mères et de se montrer aussi indulgente à leurs écarts qu'elle l'avait été aux infidélités de son mari. Il faut se défier des pamphlétaires et des prêcheurs qui, pour des raisons toutes différentes, dénaturent la vérité. On n'est même pas tenu de croire sur parole la reine de Navarre, Jeanne d'Albret, quand elle dénonçait à son fils la Cour de France comme un lieu de perdition, où ce ne sont pas les hommes... qui prient les femmes, mais les femmes qui prient les hommes [56]. Cette rigide huguenote, probablement par souci maternel de préservation, calomniait peut-être le désir de plaire et les avances, même innocentes, du cercle de la Reine-mère. Le duc de Bouillon, un huguenot lui aussi, et qui écrivait en sa vieillesse ses Mémoires pour l'instruction de ses enfants, parle d'un tout autre ton : L'on avoit de ce temps-là, dit-il en racontant son entrée à la Cour (en 1568), une coustume, qu'il estoit messeant aux jeunes gens de bonne maison s'ils n'avoient (de n'avoir pas) une maistresse, laquelle ne se choisissoit par eux et moins par leur affection, mais ou elles estoient données par quelques parens ou supérieurs ou elles mesmes choisissoient ceux de qui elles vouloient estre servies. Monsieur le maréchal de Damville, qui est à présent connétable de France[57] — c'était son oncle germain — me donna mademoiselle de Chasteau-Neuf pour maistresse, laquelle je servois fort soigneusement autant que ma liberté et mon aage (il avait alors treize ans) me le pouvoient permettre... Elle se rendit très soigneuse de moy, me reprenant de tout ce qui luy sembloit que je faisois de malseant, d'indiscret ou d'incivil, et cela avec une gravité naturelle qui estoit née avec elle que nulle autre personne ne m'a tant aidé à m'introduire dans le monde et à me faire prendre l'air de la Cour que cette demoiselle, l'ayant servie jusques à la Saint Barthelemy et toujours fort honorée. Je ne sçaurois desapprouver cette coustume d'autant qu'il ne s'y voyoit, oyoit, ny faisoit que choses honnestes, la jeunesse [étant] plus desireuse lors qu'en cette saison (c'est-à-dire sous Henri IV) de ne faire rien de messeant.... Depuis l'on n'a eu que l'effronterie, la medisance et saletés pour ornement, qui fait que la vertu est mesestimée et la modestie blasmée et rend la jeunesse moins capable de parvenir qu'elle ne l'a esté de longtemps[58]. Cette préparation des jeunes gentilshommes aux mœurs polies et aux élégances mondaines par des jeunes femmes de la noblesse peut servir de commentaire à ce jugement de Brantôme qu'on serait tenté de prendre pour un paradoxe. Sa compagnie (celle de Catherine de Médicis) et sa Cour estoit un vray Paradis du monde et escolle de toute honnesteté, de vertu, l'ornement de la France...[59] Que le duc de Bouillon ait, sans le vouloir ou à fin d'édification, quelque peu embelli le passé, ce passé de la jeunesse aux lointains si séduisants ; que Brantôme, en son parti pris d'admiration pour la Reine-mère, ne se soit plus souvenu de ses copieuses médisances sur les filles d'honneur, il n'est pas toutefois imaginable que ces deux hommes, de caractère si différent, se soient accordés à célébrer la Cour de Catherine, si, à défaut de vertu, un grand air de décence, la distinction des manières et le respect des convenances ne leur avaient pas fait illusion. Un point sur lequel les contemporains sont d'accord, c'est la grandeur de cette Cour. Comme Henri IV, après avoir conquis son royaume sur ses sujets, se flattait devant le maréchal de Biron de faire un jour sa Court plantureuse, belle et du tout ressemblable à celle de Catherine de Médicis, le Maréchal lui répondit : Il n'est pas en vostre puissance ny de roy qui viendra jamais, si ce n'est que vous fissiez tant avec Dieu qu'il vous fist ressusciter la Royne mère pour la vous ramener telle[60]. Les fêtes faisaient partie de son programme de gouvernement. Elle en donna de superbes à Fontainebleau, durant le séjour qu'elle y fit en février et mars 1564. C'était chaque jour un nouveau spectacle : défilé de six troupes en brillant équipage conduites par les plus grands seigneurs ; cavalcade de six nymphes toutes d'une parure ; joutes, tournois, rompements de lances, combats à la barrière ; très rares et excellens festins accompagnés d'une parfaite musique par des syrènes fort bien représentées es canaux du jardin ; audition des Églogues de Ronsard et d'une tragicomédie sur le subject de la belle Genièvre, qu'un adaptateur inconnu avait tirée du Roland furieux de l'Arioste[61]. Ainsi les carrousels, les parades, les luttes de force et d'adresse étaient entremêlés de divertissements plus délicats. Cartels de défi adressés de troupe à. troupe ou de chevalier à chevalier ; — mascarades, qui étaient des compliments récités par les danseurs à leurs dames ou l'éloge des souverains par les dieux et les déesses : Jupiter, Pallas, Mercure, l'Amour et par des personnages allégoriques, reconnaissables à leurs emblèmes ; — chœurs, chansons, dialogues et monologues, toute cette poésie de circonstance avait été composée par Ronsard, le grand Ronsard[62]. Ils étaient aussi de lui les intermèdes, ou, comme on disait au XVIe siècle, les entremets, déclamés ou chantés avec accompagnement de luths, de guitares, de hautbois, de violes, pour remplir les entr'actes de la Belle Genièvre. Cette tragi-comédie, la première en date, fut jouée devant la Cour, dans la grande salle du château, aujourd'hui la galerie Henri II, par d'illustres acteurs, les enfants de France : Marguerite de Valois et Henri d'Anjou[63], des princes et des princesses du sang, de grands seigneurs et de grandes dames : Condé, Henri de Guise, les duchesses de Nevers et d'Uzès, le duc de Retz, etc. Castelnau-Mauvissière, qui fut depuis ambassadeur en Angleterre, récita l'épilogue ou la moralité de la pièce. A ces gentilshommes qui avaient éprouvé les privations de la vie des camps, la Cour s'offrait comme un lieu de délices. C'était surtout le prince de Condé que Catherine voulait gagner. Dans les Églogues, Ronsard, assurément par ordre, lui faisait honneur, au même titre qu'à la Reine-mère, de la conclusion de la paix : Mais un prince bien né qui prend son origine Du tige de nos royd et une Catherine Ont rompu le discord et doucement ont faict Que Mars, bien que grondant, se voit pris et desfait[64]. Il avait fait dans les passes d'armes tout ce qui se peut désirer, non seulement d'un prince vaillant et courageux, mais du plus adroit cavalier du monde, ne s'espargnant en aucune chose pour donner plaisir au Roy et faire cognoistre à leurs Majestés et à toute la Cour qu'il ne luy demeuroit point d'aigreur dans le cœur[65]. Il tenait des Bourbons un tempérament très amoureux, et les soldats huguenots, qui n'étaient pas tous des puritains, chansonnaient avec sympathie : Ce petit prince tant joli — qui toujours chante, toujours rit — et toujours baise sa mignonne... Aimé de la belle maréchale de Saint-André, de qui il accepta le don princier du château de Valery — ce qui à cette époque n'était pas déshonorant — il aimait une des filles d'honneur, la coquette Isabelle de Limeuil, qui lui préférait, disait-on, un jeune secrétaire d'État, Florimond Robertet, sieur du Fresne, mais le Prince n'en voulait rien croire[66]. Quand elle eut accouché à Dijon, un jour d'audience solennelle, et que la Reine-mère, irritée du scandale, sinon de la faute, l'eut mise dans un couvent d'Auxonne, il lui écrivit quel estreme playsir il avait d'apprendre qu'elle était résolue à ne plus recevoir d'autre homme que lui ou venant de sa part. Car je vous assurre, mon cœur, qu'j m'annuyrés (que cela m'ennuierait) bien grandement que l'on peut (pût) prendre sur vos acsions seujet de dire : à quy sait (cet) enfant ? corne sy deus y avet passé...[67] Il la félicitait de prouver à tout le monde — un peu tard ce semble — que lui, Condé, en était bien le père ; mais Catherine, sans se laisser toucher par cet excès de confiance, raya Isabelle du rôle des filles d'honneur. Fontainebleau fut la première étape d'un très long voyage que Catherine entreprit pour montrer le jeune Roi aux peuples de son royaume et raviver leur foi monarchique. Cet immense tour de France dura plus de deux ans (mars 1564-mai 1566) de l'Ile-de-France au Barrois, de la Bourgogne en Provence, du Languedoc à Bayonne et à la frontière d'Espagne, de la Gascogne en Bretagne, et de la Loire en Auvergne, qui était le pays d'origine des La Tour, la famille maternelle de la Reine-mère. Charles IX menait avec lui son Conseil et, comme escorte, une petite armée, quatre compagnies de gens d'armes, une compagnie de chevau-légers et le régiment des gardes-françaises que commandait Philippe Strozzi. Toute la Cour l'accompagnait, gentilshommes, dames, grandes dames et princesses, à cheval, en litière[68], en coches ou chariots. Des milliers de serviteurs suivaient, laquais, piqueurs, valets de chiens et valets d'écurie, valets de train, fourriers, vivandiers cuisiniers, lavandières, ouvriers et ouvrières de tout état. Cette capitale ambulante se déplaçait à petites journées, s'arrêtant là où les affaires, les plaisirs et les facilités de ravitaillement le voulaient ou le permettaient. A chaque ville principale, à Troyes, à Dijon, à Lyon, à Marseille, à Montpellier, à Toulouse, à Bordeaux, à La Rochelle, etc., le Roi faisait son entrée solennelle. Il était reçu en avant des portes par les magistrats, qui lui présentaient les clefs, et, l'enceinte franchie, il défilait, avec tout son cortège en brillant apparat, entre la double haie des milices municipales, sous les arcs de triomphe dont les statues allégoriques et les inscriptions en vers et en prose disaient la gloire du maître et les souhaits de bienvenue des sujets. Ici et là, à Bar-le-Duc, pour le baptême du petit-fils de Catherine, Henri de Lorraine, à Bayonne, lors de sa rencontre avec la reine d'Espagne, sa fille, des combats, des cavalcades, des spectacles, des chants, des danses, des concerts de musique étalaient aux yeux de la nation et de l'étranger la grandeur et la richesse de la Couronne de France. Le jeune Roi, élevé dans les plaines du Nord, découvrit
les montagnes, la mer et le Midi. En Provence, comme il apparaît dans le
récit d'Abel Jouan, l'historiographe du voyage, commencèrent les étonnements.
C'était un autre pays, d'autres cieux, un autre climat. Autour d'icelle ville (Hyères) y a si grande abondance d'orangers, et de palmiers et
poivriers et autres arbres qui portent le coton (?) qu'ils sont
comme forests. La Crau est une grande pleine
toute couverte de thim, d'isope et saulges. Villeneuve-le-Maguelonne,
près de Montpellier, est un fort dans un marescage
de mer auquel y a grande abondance de grandz oiseaux que l'on appelle des
flamans... Charles connut les brusqu'es écarts de cette nature
méridionale : à Arles, au moment de passer le Rhône, il fut pendant vingt et
un jours fort assiégé de grandes eaux (16 novembre-7 décembre) ; à Carcassonne, la
neige tombée en une nuit le tint plusieurs jours bloqué ; à Bayonne, en juin,
cinq ou six de ses cavaliers d'ordonnance moururent étouffés
en leurs armes à cause de la grande chaleur[69]. Charles IX prit plaisir à Marseille à se promener dans
deux galères que commandait le comte de Fiesque. Il voulut même sortir du
port et pousser jusqu'au château d'If, mais la Méditerranée en furie repoussa
ce terrien qui s'aventurait au large. Il fut plus heureux à Bayonne et
Saint-Jean-de-Luz. Il contempla du pont d'un navire l'Océan immense, et
peut-être pensa-t-il aux capitaines Ribaut et Laudonnière, qui venaient de le
traverser pour aller, au péril de leur vie, fonder en marge de la Floride
espagnole une colonie française et un fort qu'ils baptisèrent de son nom : la
Caroline. Il admira Biarritz, le beau village sur le
bord de la mer auquel lieu l'on prend les balènes. Au Brouage, un beau
port naturel où l'on a fait une nouvelle ville,
les mariniers lui donnèrent le spectacle d'une naumachie. Le roi de France
prend goût à la mer. Il se plaît aussi à voir les divertissements de ses
peuples. Les courses de taureaux, qui ont dû rappeler à Catherine ses
souvenirs de Florence, étaient nouvelles pour son fils. Abel Jouan note
qu'aux arènes d'Arles des lutteurs attaquaient les taureaux sauvages et les
faisaient tomber en terre seul à seul, tandis
qu'à Bazas ils les assaillaient avec de grands
esguillons. Dans le récit officiel, les danses des diverses provinces
tiennent une grande place. C'est, à Brignoles, la
volte et la martingale dansées à la mode de Provence par de fort belles filles habillées de taffetas, les unes de
vert, les autres changeant, les autres de blanc ; à Montpellier, la treille qu'exécutent au son des trompettes, tenant en leurs mains des cerceaux tout floris, les
hommes tous masqués et revestus qu'il faisoit bon
voir ; à Saint-Jean-de-Luz, les canadelles
et le bendel des filles basques, ayant un tabourin (tambourin) en manière de crible auquel y a force sonnettes ;
à Nantes, le trihori de Bretagne et les guidelles et
le passe-pied et le guilloret. La Cour a ici et là des spectacles exotiques
; le Nouveau Monde est à la mode[70]. Les gens de
Troyes, qui cependant vivent loin de la mer, avaient, pour l'entrée
solennelle de Charles IX, fait marcher avec une troupe d'hommes habillés en satires une autre troupe déguisée en sauvaiges. Bordeaux, qui est un port, tint avec
plus de raison à montrer grand nombre de sauvages de
toutes sortes défilant avec les compagnies de la ville. Mais, au cours de ce voyage, Catherine n'eut pas affaire que de plaisirs. A Mâcon, où elle reçut la visite de la Reine de Navarre accompagnée de huit ministres du Saint Évangile, elle l'avait priée de renvoyer cette suite compromettante et lui avait fait promettre de ne plus contraindre, comme on l'en accusait à Rome, la conscience de ses sujets catholiques. Cette imprudence ou cette bravade de Jeanne d'Albret décida peut-être le gouvernement à interdire (Déclaration de Lyon, 24 juin 1564) l'exercice public du culte réformé dans tous les lieux et villes où le Roi passerait et pendant le temps qu'il y séjournerait ; avec promesse toutefois à ceux de ladite religion qui se contiendraient modestement en leurs maisons de n'estre recherchez en aucune manière[71]. L'Edit de Roussillon (4 août 1564) renouvelait la défense aux seigneurs hauts justiciers et autres gentilshommes huguenots d'admettre des étrangers à leurs cérémonies privées, aux ministres de prêcher hors des lieux privilégiés, de tenir des synodes et de faire des collectes. Il confirmait l'ordre aux prêtres, aux moines et aux religieuses mariés de rompre leur union et de retourner en leurs couvents et première vacation, ou de sortir du royaume sous peine des galères pour les hommes et de la prison entre quatre murailles pour les femmes[72]. A une époque où l'État et l'Église faisaient corps, cette rigoureuse mesure de police disciplinaire s'expliquait, mais la Réforme avait tant recueilli de ces défroqués qu'elle se sentit atteinte. Toutefois, si la Reine interprétait en toute rigueur l'Édit de pacification, elle entendait le maintenir contre l'arbitraire des officiers, des gouverneurs et des communautés de villes. Malgré les jurats, le maire et les magistrats, le Roi dispensa les réformés de Bordeaux et du Bordelais de tapisser le devant de leurs maisons les jours de procession, de payer les deniers des confréries et de jurer sur les bras de Sainct Antoine, et, malgré le corps de ville, il les déclara éligibles aux charges municipales (Valence, 5 septembre 1564)[73]. Catherine écrivait au baron de Gordes, lieutenant général du Roi en Dauphiné, de faciliter aux protestants du Briançonnais l'exercice de leur culte, et, comme les catholiques du pays se plaignaient de ce gouverneur politique, elle le fit remercier par le Conseil d'avoir toujours maintenu le repos et la tranquillité des sujets du roi dans sa province. Elle demanda au commandant des forces pontificales à Avignon, Serbelloni, et finit par obtenir qu'il laissât rentrer dans leurs maisons et rétablit dans leurs biens les religionnaires du Comtat-Venaissin[74]. Mais il ne dépendait pas d'elle d'apaiser l'esprit de
parti et les passions religieuses. Et audict pays de
Provence, en toutes les villes où ledit Seigneur passoit, les enfans venoient
au devant jusques à demie lieue hors les dictes villes, tous habillez de
blanc, criant : Vive le roy et la sainte messe...[75] Les réformés de Nîmes,
au contraire, protestaient aux cris de : Justice,
justice, contre l'intolérance de leur gouverneur,
Montmorency-Damville. A Carcassonne, Catherine reçut de graves nouvelles du
Nord. En partant, elle avait laissé le gouvernement de Paris et de l'Ile-de-France
au fils aîné du Connétable, le maréchal de Montmorency, homme sage et modéré,
mais esclave des consignes et ennemi des Guise. Comme il apprit que le
cardinal de Lorraine se disposait à traverser Paris avec une garde
d'arquebusiers, il lui fit signifier une déclaration du Roy, du 13 déc. (1564), défendant à tous ses sujets de
quelque condition qu'ils fussent, de voyager avec des armes à feu. Le
Cardinal, qui, par peur simulée ou non des complices de Poltrot, avait
sollicité et obtenu de la Reine (25 fév. 1563)
une dispense, négligea ou refusa de la montrer. Il entra dans Paris par la
porte Saint-Denis, mais son escorte fut chargée et mise en déroute par la
troupe du Gouverneur (8 janvier 1565)[76]. Catherine était
très perplexe : elle n'osait désavouer le fils du Connétable et d'autre part
appréhendait de mécontenter les Lorrains. Heureusement, les chefs réformés se
divisèrent ; l'Amiral accourut prêter main-forte à Montmorency, son cousin ;
Condé, qui coquetait avec les Guise — on parlait même, depuis la mort de sa
femme, Éléonore de Roye, de son remariage avec la duchesse douairière —, se
déclara pour le Cardinal et arriva lui aussi à Paris bien accompagné, pour le
défendre. La Reine, profitant de ce désaccord, interdit le séjour de la
capitale aux Lorrains, aux Châtillon et à quelques autres huguenots de
marque. Le calme revint. Le succès de cette intervention à distance la trompa sur l'état des esprits. Elle crut que les partis ou les chefs de partis se ralliaient ou se résignaient à son jeu de bascule. Confiante dans son habileté et son bonheur, elle s'achemina vers Bayonne, où elle se réjouissait de revoir sa fille, Élisabeth, la reine d'Espagne. Mais elle aurait dû réfléchir que cette rencontre, d'où les Châtillon, Condé, Jeanne d'Albret et le Chancelier étaient naturellement exclus, inquiéterait les protestants. Elle avait rêvé mieux qu'une simple réunion de famille. Aussitôt après la paix d'Amboise, dont le Pape, le Roi d'Espagne et l'Empereur se déclaraient très mécontents, elle avait mis en avant l'idée d'un congrès, où l'on aviserait ensemble aux moyens de pacifier les différends religieux. Elle espérait les convaincre de la nécessité de sa politique tolérante, et, si elle n'y parvenait pas, les leurrer de promesses à long terme. Après tout, il dépendait d'eux d'obtenir davantage. Elle était mère de famille ; elle avait encore une fille et tous ses fils à marier. Le cardinal de Lorraine avait si bien fait, écrivait-elle en juin 1563[77], que l'Empereur (Ferdinand) avait consenti au mariage de Marguerite de Valois avec son petit-fils Rodolphe, et de Charles IX avec l'une de ses petites-filles. Mais ces combinaisons matrimoniales étaient subordonnées à l'agrément de Philippe II, le chef de la maison des Habsbourg. D'ailleurs Catherine aurait mieux aimé marier sa fille à Don-Carlos, héritier présomptif au trône d'Espagne, et elle demandait à Philippe II pour son fils Henri, duc d'Anjou, la main de la reine douairière de Portugal, Doña Juana, avec une principauté pour cadeau de noces. Elle laissait entendre qu'à ce prix elle porterait remède à la situation religieuse en France, sans dire quel remède. Pie IV savait quel fond il devait faire sur elle. L'Empereur mourut sur ces entrefaites (25 juillet 1564). Elle mit toutes ses espérances en Philippe II, de qui d'ailleurs elle attendait le plus. Pour le gagner à son projet d'entrevue, elle déploya tous ses moyens : insinuante, suppliante, pressante, enveloppant son gendre de protestations de tendresse maternelle. Philippe II, accoutumé à traiter gravement les affaires et par raisons démonstratives et le plus souvent d'après des mémoires écrits, était déconcerté par cette diplomatie féminine, qui remplaçait les arguments par des effusions. Tout était vague dans les déclarations de la Reine, sauf le désir de marier avantageusement sa fille et ses fils. La correspondance des deux souverains pourrait se résumer ainsi : Commencez, disait Catherine, par établir mes enfants, et nous nous entendrons facilement sur la question religieuse. A quoi Philippe répondait : Cessez de favoriser les hérétiques, et nous penserons ensuite aux mariages. Il écarta toujours l'idée d'une rencontre, ne voulant pas, disait-il, éveiller les soupçons et la jalousie, probablement de la reine d'Angleterre, qu'il continuait à ménager. Mais il consentit que le duc d'Albe, un de ses principaux conseillers, accompagnât sa femme à Bayonne. Les provinces des Pays-Bas étaient travaillées par des prédicants calvinistes, Français ou non, qui s'y glissaient par la frontière de France, et il tenait à se renseigner sur les dispositions de sa belle-mère et le concours qu'il pouvait espérer d'elle contre ces agitateurs. A Bayonne, pendant le séjour de la reine d'Espagne (15 juin-2 juillet 1565), il y eut surabondance de fêtes et de cérémonies : entrées royales, visites et festins, courses de bague, feux d'artifice, messe solennelle, procession, combats à pied, à cheval, à la pique, à l'épée, promenade sur l'Adour et banquet dans l'île d'Aiguemeau (aujourd'hui île de Lahonce ou de Roll à deux lieues en aval de Bayonne), et pour le comble des dites bravades (magnificences), représentation d'une comédie française, qui dura de dix heures du soir à quatre heures du matin. Catherine tenait à prouver aux Espagnols que la France n'avait pas été ruinée par la guerre civile, et par surcroît elle satisfaisait ses appétits de luxe. La partie d'Aiguemeau (23 juin) coûta un grand denier. Les convives voguèrent vers l'île en des navires somptueusement accoustrés, que dominait celui du Roi faict en forme d'un magnifique château. Ils admirèrent en cours de route une baleine artificielle, que des pécheurs attaquaient, de leurs barques, à coups de harpons, comme ils le font en mer ; une énorme tortue marine, montée par six tritons habillez de drap d'argent sur champ verd, tous excellens joueurs de cornets, lesquels, si tost qu'ils eurent descouvert leurs Majestez, commencèrent à jouer ensemble ; Neptune, sur un char tiré par trois chevaux marins, et Arion, porté par des dauphins, accourant tous deux du large pour saluer Isabelle chère à Charles, ceste rare Isabeau ; trois sirènes qui, au passage du vaisseau royal, chantèrent Charles, Isabelle et Philippe, l'ornement de l'Espagne et de la France ; Charles, Isabelle, Philippe et Catherine, l'ornement de l'univers. En débarquant dans l'île, la compagnie royale fut régalée de danses par des bergères distribuées en groupes pittoresques, qui chacun portaient le costume — mais en toile d'or et de satin — d'un pays de France. Dans sa marche vers la clairière où la table avait été dressée, trois nymphes l'arrêtèrent pour célébrer l'accord des rois de France et d'Espagne et la protection qu'il assurait aux deux États contre le Nord et sa froide bruyne, c'est-à-dire probablement contre l'hostilité possible des Anglais[78]. Le festin, un ballet de satyres et de nymphes, et au retour, pendant la nuit, des illuminations sur l'eau terminèrent cette illustre journée [79]. Le lendemain (24) on combattit à cheval dedans les lices. Deux troupes de chevaliers, des Bretons, champions de l'austère vertu, et des Irlandais, défenseurs de l'honnête amour, députèrent au Roi et aux Reines, pour exposer leurs raisons, six excellens joueurs d'instruments deux desquels avoient deux lyres, accompagnées de leurs voix qui estoient excellentes, les deux autres deux luts, et les deux autres deux violons. L'un des chanteurs bretons célébra la cause du renoncement — était-ce un hommage à Élisabeth d'Angleterre, la reine-vierge ? — d'une voix si bien accommodée aux paroles qu'on entendoit tout ce qu'il récitoit, et n'en perdoit on une seule syllabe, tant il prononçoit distinctement et nettement, accordant sa voix à sa lyre parfaitement. Un Irlandais répliqua[80]. Ainsi dans le concours de la Wartbourg, Wolfram d'Eschenbach et Tannhäuser opposent la louange de l'amour pur et celle de la Vénus terrestre. Après ce prélude musical, les adversaires demandèrent à vider le débat en champ dos. Le Roi prit le commandement des Bretons, Monsieur celui des Irlandais Au lieu choisi pour le combat, des échafauds avaient été dressés pour les principaux personnages des deux Cours. La tribune royale était décorée des merveilleuses tapisseries représentant le triomphe de Scipion, que François Ier avait fait tisser d'après les dessins de Jules Romain. Par une porte du camp entra, précédé de neuf trompettes qui figuraient les neuf Muses, un char tout paré, portant les cinq vertus, l'Héroïque, la Prudence, la Vaillance, la Justice, la Tempérance ; par l'autre porte, le Chariot de l'Amour céleste, où trônait le dieu de l'Amour avec Vénus, sa mère, et les trois Grâces accompagnées d'un cortège de neuf petits Amours. Les chevaliers irlandais et bretons firent offrir aux dames qu'ils avaient choisies une médaille d'or illustrée d'une devise grecque ou latine et ils reçurent d'elles en retour s des faveurs s. Un combat et un carrousel suivirent. Espagnols et étrangers, dit l'auteur d'une relation publiée cette même année à Paris, ont à ceste fois esté contraints par la vérité reconnoistre et confesser qu'en ceste veuë la France a surmonté en parade, bravades, somptuosités et magnificences toutes autres nations et soi mesmes. C'était la réponse de la Reine-mère aux censeurs qui trouvaient qu'elle dépensait trop. Entre temps, le duc d'Albe et Catherine s'observaient. Le ministre espagnol était choqué qu'en pleine entrevue, le 18, Charles IX et sa mère fussent allés recevoir aux portes de Bayonne, à l'abbaye de Saint-Bernard, un envoyé du plus grand ennemi de la chrétienté et des Habsbourg. Soliman le Magnifique faisait demander à son allié le roi de France, de lui procurer un port de mer en Provence pour rafreschir ses soldats, au cas qu'ils ne prissent la ville de Malthe qu'ils tenoient assiégée[81]. Catherine jouait double jeu pour amener Philippe II à céder sur la question des mariages : elle priait et menaçait, essayant d'arracher par la crainte ce qu'elle ne pouvait obtenir par persuasion. Au moment d'entreprendre son grand tour de France, elle avait posé la candidature du Roi son fils, qui avait seize ans, à la main d'Élisabeth, qui en avait trente-deux, pour faire peur au Roi d'Espagne d'une alliance entre la France et l'Angleterre[82]. La présence de l'ambassadeur turc lui prouverait qu'elle avait, si elle le voulait bien, les moyens de mettre en péril sa domination dans la Méditerranée occidentale et la sécurité des côtes de son royaume. Mais elle avait affaire à forte partie. Le duc d'Albe avait pour instructions de proposer que les deux Cours, s'unissant contre l'hérésie, prissent l'engagement mutuel de bannir les ministres dans un mois, de supprimer la liberté du culte, de publier le concile de Trente et de casser les gouverneurs, conseillers, commandants d'armée, mestres de camp, capitaines et officiers du roi (magistrats) qui seraient de la nouvelle opinion[83]. Mais dans ce projet d'accord, toutes les charges étaient pour la France, obligée de rompre son Édit de tolérance et de se remettre aux troubles pour empêcher le calvinisme d'envahir les Pays-Bas. Le Duc, n'ayant que des exigences à offrir, se taisait et attendait les ouvertures. Il finit par se lasser et demanda une entrevue. Après quelques propos sur les divisions religieuses de la France, la Reine-mère le pria, puisqu'il connaissait si bien les maux du royaume, de lui indiquer un remède. Il répondit d'abord que ce n'était pas son affaire et qu'elle le connaissait mieux que lui. Elle insista : Quels moyens Philippe II emploierait-il pour faire rentrer les protestants et les rebelles dans le devoir ? Albe condamna comme funeste au catholicisme la politique de dissimulation, il voulait dire de modération, et conseilla les mesures énergiques. Comme elle lui demandait s'il était d'avis de recourir aux armes, il convint que c'était pour le moment inutile Mais de colère il s'écria qu'il fallait bannir de France cette mauvaise secte. Catherine suggéra, comme moyen de faire la loi à tous, l'idée d'une ligue entre la France, l'Espagne et le nouvel empereur, Maximilien ; et sur sa réponse que cette alliance n'était pas viable, elle rompit l'entretien[84]. Les jours suivants, elle parla mariage à sa fille. Élisabeth lui déclara que Philippe II ne voulait pas marier son fils, don Carlos, et qu'il ne donnerait pas de principauté en dot au duc d'Anjou, s'il épousait dopa Juana, sa sœur. Le duc d'Albe lui dit plus nettement encore que la reine d'Espagne était venue à Bayonne uniquement pour savoir si oui ou non la Reine sa mère se joindrait à Philippe II contre les hérétiques. L'entrevue tournait mal. Le nonce et le maréchal de Bourdillon s'entremirent. Catherine, quel que fût son dépit, tenait à se séparer de sa fille en bonne intelligence, et le duc d'Albe pouv.ait craindre qu'une tension entre les deux Cours ne profitât aux réformés. Le 20 juin, sous la présidence du Roi, un grand conseil fut tenu auquel assistèrent les deux Reines, le duc d'Albe et don Juan Manrique de Lara, ancien ambassadeur en France, avec Monsieur, frère du roi, le duc de Montpensier, les cardinaux de Guise et de Bourbon, le Connétable et le maréchal de Bourdillon[85]. Montmorency justifia la politique religieuse du gouvernement et montra les dangers d'une guerre civile. La Reine-mère, comme on le sait par une lettre de Philippe II au cardinal Pacheco, son ambassadeur à Rome, promit de porter remède aux choses de la religion une fois terminé le voyage qu'elle avait maintenant commencé... La Reine ma femme se contenta d'une pareille résolution parce que l'on comprend clairement, sans qu'il y ait le moindre doute, que le jour où l'on voudra apporter le remède, la chose est faite. Le remède, c'est évidemment celui que recommandaient les instructions remises au duc d'Albe[86]. L'ambassadeur ordinaire, don Francès de Alava, présent à Bayonne, doutait que Catherine tint sa parole. J'appréhende l'indécision que je sens en elle certaines fois et la peine que prendront, comme je le prévois, de lui mettre martel en tête, ces hérésiarques et d'autres qui le sont sans en porter le nom[87]. Le cardinal Granvelle, l'ancien gouverneur des Pays-Bas, et qui savait très bien les affaires de France, était encore plus sceptique. Il écrivait que Catherine avait promis de faire merveille, mais avec cette restriction qu'elle éviterait tout ce qui pourrait l'amener à en venir aux armes[88]. Et il concluait qu'elle ne ferait rien de bon. L'ajournement était une échappatoire qu'elle se ménageait. Mais les protestants s'inquiétèrent avec raison de cette rencontre où ils pensaient bien que les affaires religieuses avaient été examinées ; et plus tard, après la Saint-Barthélemy, ils s'imaginèrent sans raison que le massacre y avait été décidé. Il est vrai que des paroles de sang ont été prononcées à Bayonne ; mais les propos qu'on peut croire authentiques ont été tenus par quelques catholiques français. C'est le confesseur du duc de Montpensier qui dit au duc d'Albe : Le moyen le plus expéditif serait de trancher la tête à Condé, à l'Amiral, à d'Andelot, à La Rochefoucauld. Et quand même le représentant de Philippe aurait, lui qui s'en défend, conseillé à Catherine que l'on usât.... de la rigueur des armes pour exterminer[89] ceux de l'autre religion, où est la preuve que Catherine ait donné son acquiescement ? Il est probable que si Philippe II avait consenti aux mariages, elle eût interprété plus rigoureusement l'Édit de pacification. mais peut-être aussi se serait-elle dispensée, sous un prétexte ou sous un autre, de tenir sa parole. Après cette prétendue entente de Bayonne, les rapports entre les deux Cours ne cessèrent d'empirer[90]. Les Espagnols entravèrent le projet de mariage entre Charles IX et l'aînée des archiduchesses d'Autriche, et Catherine différa un an encore de rentrer à Paris, où elle avait promis d'être en novembre 1565 pour arranger les choses de la religion. Dans une lettre écrite de Cognac à la duchesse de Guise, elle lui parlait d'un bal où tout dense, huguenots et papistes ensemble, si bien que set (si) Dieu volet que l'on feust ausi sage alleur (ailleurs, c'est-à-dire dans le reste du royaume), nous serions en repos[91]. Mais les deux partis restaient sur le qui-vive. Le chancelier de L'Hôpital, dans ce large esprit de tolérance qui l'inclinait toujours plus vers la minorité dissidente, avait, sans consulter le Conseil, envoyé au parlement de Dijon, pour y être enregistré, un Édit qui permettait aux réformés, dans les villes où l'exercice de leur culte n'était pas autorisé, d'appeler toutes et quantes fois que bon leur sembleroit les ministres de ladite religion pour estre par eulx consolez en ladicte religion et endoctrinez et pareillement endoctriner et instruire leurs enfans. Le Parlement avait protesté, mais aucun des maîtres de requêtes du Conseil n'avait voulu rapporter cette protestation qui visait le Chancelier. Le cardinal de Lorraine s'en chargea et dénonça cette interprétation de l'Édit de pacification qui aboutissait à autoriser les réunions secrètes, contrairement à ce même Edit. Le cardinal de Bourbon s'écria que puisqu'on faisait des Édits sans consulter le Conseil, il ne falloit plus de Conseil et que de luy (quant à lui) il n'y assisteroit jamais. Le Chancelier s'échappa jusqu'à dire au cardinal de Lorraine : Mgr, vous estes desja venu pour nous troubler. L'autre riposta : Je ne suis venu pour troubler, mais pour empescher que ne troubliez comme avez faict par le passé, belistre que vous estes. Et les deux Cardinaux, se levant, allèrent trouver la Reine, alors malade, en sa chambre. Elle les apaisa du mieux qu'elle put et envoya son fils, le duc d'Anjou, présider la séance du Conseil qui avait été interrompue par cette dispute. L'édit du Chancelier fut cassé et annulé. Mais à la même heure survint un autre incident. Catherine ayant fait ouvrir le paquet de dépêches qui venait d'arriver d'Espagne, il s'y trouva des lettres où Philippe II lui reprochait de continuer, malgré ses promesses, à ménager les hérétiques et l'accusait de faire les plus grandes indignitez à la maison de Lorraine. C'était probablement une allusion à l'agression de la rue Saint-Denis et à la faveur de L'Hôpital, ancienne créature des Guise et qui apparaissait comme leur adversaire déclaré. La Reine reprit le Cardinal d'avoir adressé ses plaintes à Madrid, mais il s'en défendit et l'ambassadeur d'Espagne, qui était présent, certifia son dire. Il fut d'ailleurs pleinement justifié par d'autres lettres du même paquet et à lui destinées où Philippe II le blâmait d'avoir comporté ces indignités. Le Cardinal protesta qu'il les avait souffertes par le commandement du Roi et de la Reine auxquels pour mourir il ne voudroit en rien désobéyr, mais sous condition toutefois de maintenir la religion catholique et abolir la nouvelle, laquelle chose ne se faisant il criera si hault que tous les princes de la terre en oyront parler[92]. Il s'en alla si en colère que Catherine jugea bon d'employer la duchesse de Guise, sa belle-sœur, à le calmer. On voit dans quelles difficultés elle se débattait. Il faudrait lui savoir gré de ses bonnes intentions. Pendant le séjour très long qu'elle fit à Moulins[93], elle apaisa la querelle du maréchal de Montmorency et du cardinal de Lorraine, et même tâcha de réconcilier les Guise avec Coligny, qu'ils détestaient comme le complice de Poltrot. Le Conseil ayant prononcé l'innocence de l'Amiral (29 janvier 1566), elle força les Lorrains et les Châtillon à s'embrasser. N'aurait-elle pas eu intérêt à perpétuer les ressentiments si elle avait médité, avec d'autres catholiques ardents, comme l'insinue l'auteur des Mémoires de Soubise de faire mettre à mort à Moulins même tous les chefs protestants[94]. Le chancelier de L'Hôpital était alors si influent qu'un jour — mais ne serait-ce pas une seconde version de l'altercation rapportée ci-dessus — le cardinal de Lorraine lui reprocha de ravaler les conseillers au Conseil privé à n'être là que pour luy servir de tesmoings et pour l'ouyr regenter. Le Roi satisfit le Cardinal, mais il garda le Chancelier. L'Amiral était aussi en grande faveur. Avant même de passer à la Réforme, sous le règne d'Henri II, il avait entrepris de fonder au Brésil une colonie, qui servirait au besoin d'asile aux protestants français persécutés. Ce premier établissement en territoire portugais n'eut pas de durée. L'Amiral reprit son projet en 1562, et il crut mieux réussir dans l'Amérique du Nord où les pêcheurs bretons exploitaient depuis longtemps les bancs de morues de Terre-Neuve[95]. Entre le Saint-Laurent, découvert par Jacques Cartier, et la Floride que revendiquait l'Espagne, s'étendaient d'immenses territoires sans maîtres ; il y envoya successivement Jean Ribaut (1562-1563) et, après la paix d'Amboise, Laudonfière, qui bâtit au nord de la Floride le fort de la Caroline et commença le peuplement. Mais Philippe ne voulait pas souffrir, comme le disait sa femme à l'ambassadeur de France, Saint-Sulpice, que les François nichent si près de ses conquestes, mesme que ses flottes en allant et venant à la Neusve Espaigne, sont contraintes de passer devant eux. Catherine, que D. Francès de Alava questionnait sur cette expédition, répondit que Charles IX ne prétendait rien en cest endroit que conserver une terre qui pieça a été descouverte et possédée par les François, comme le nom de la Terre aux Bretons le témoigne encore assez (novembre 1565)[96]. Le 18 janvier 1566, il revint à la charge, la sommant de dire si le Roi son fils avait commandez à ceux qui sont allez a la Floride faire ceste entreprise et aussi commerce et trafic par delà, elle riposta que le commerce est libre entre les subjects des amis et que la mer n'est fermée à personne qui va et trafique de bonne foy et que quant à la Terre aux Bretons nous l'estimons nostre. Qu'il se sousvint aussi, lui dit-elle, que les roys de France neont pas accostumé de se laisser menacer ; que le mien (le Roi son fils) estoit bien jeune, mais non pas si peu connoissant ce qu'il est qu'il n'y ait tousjour plus affaire à le retenir qu'à le provoquer[97]. Mais les Espagnols, avant que la Cour de France en sût rien, s'étaient fait raison. Philippe II avait envoyé 2.000 hommes commandés par Pedro Menéndez de Avilés, qui assaillirent traîtreusement et massacrèrent les soldats et les colons (octobre 1565). Catherine fit demander à Madrid justice ou réparation (mars 1566). Et comme la reine d'Espagne se plaignait du crédit de Coligny, Fourquevaux, l'ambassadeur de France, répliqua : que la suffizance (capacité) dud. sr est telle, soit en Conseil et ailleurs, que s'il seroit ung Juyf ou un Turc, encore mériteroit-il estre estimé et favorizé ; car mesme oultre le lieu qu'il tient d'admiral, qui est un des plus grandz estatz du royaume, il n'y a prince aujourd'uy ny seigneur plus digne de toute grande charge qu'il est[98]. Malgré l'évidence, les protestants s'obstinaient à croire que Catherine s'entendait contre eux avec la Cour d'Espagne. Ils s'apercevaient que l'Edit, en parquant l'exercice du culte, brisait leur force de propagande, et ils en voulaient au gouvernement de l'appliquer à la rigueur. Les masses catholiques les détestaient et le leur montraient à l'occasion. Coligny estimait plus tard que, de la première à la seconde guerre civile, cinq cents de ses coreligionnaires avaient été assassinés. Il y eut aussi quelques meurtres de catholiques. A Pamiers, où les gens des deux religions étaient ennemis déclarés, les réformés, perdant patience, attaquèrent les couvents, tuèrent des moines, expulsèrent des catholiques de la ville (5 juin 1566)[99]. C'était depuis la paix d'Amboise la première grande sédition, et celle-ci sanglante. Catherine écrivait au maréchal de Montmorency que jamais les Goths ni les Turcs n'avaient commis tant de cruautés[100]. Elle voulut faire un exemple afin de bien prouver à Rome et à l'Espagne que la politique de tolérance n'était pas une politique de faiblesse. Le mestre de camp Sarlabous occupa militairement la ville[101], d'où la peur avait chassé les émeutiers. Vingt-quatre des plus compromis furent arrêtés par l'ordre du parlement de Toulouse. Ils parvinrent à s'enfuir de prison et se réfugièrent dans les montagnes avec leur ministre Tachard ; mais ils furent pris l'année suivante et exécutés (mai 1567). Les protestants célébrèrent ce Tachard comme un martyr. Ils étaient très inquiets des événements du dehors.
L'Église réformée des Pays-Bas était, comme l'Église française, la fille de
Genève, et c'était par les frontières de France ou même par des pasteurs de
langue française que la doctrine calviniste avait pénétré dans ces États de
Philippe II. Soudain, les haines accumulées par les persécutions religieuses
avaient fait explosion ; la populace avait couru aux églises catholiques,
renversé les autels, brisé les images (août 1566).
Les huguenots, qui tremblaient pour leurs frères en Dieu, auraient voulu que
la France se mêlât à cette révolte. Mais Catherine n'y voyait que matière à
réflexion. Dès les premières nouvelles des troubles, elle écrivait que son
gendre devrait prendre exemple sur nous, qui avons à
noz dépenz assez monstré aux autres comme se doivent gouverner
[102]. Quand le bruit
survint que les Espagnols allaient se relâcher de leur intolérance, elle
s'applaudit de sa modération. Suis merveilleusement
aise, déclarait-elle à son ambassadeur à Madrid, que maintenant ils louent et approuvent en leur fait ce
que autresfois l'on a tant voulu blasmer au nostre, quand l'on voulait que
pour la cause qui se présentoit nous achevissions de ruiner ce royaume. Ils
esprouveront combien sont empeschez ceuix qui s'y trouvent (aux troubles religieux). Quant à moy, je loue Dieu de quoy nous en sommes dehors
et le prie de très bon cœur de ne nous y laisser jamais retomber. Et
Charles IX appuyait : Tant y a que pour qui que ce
soit ni pour quelque cause qui puisse subvenir, je me garderay, tant que je
pourray, d'y revenir[103]. Comme Philippe, loin de faire des concessions, expédiait contre les rebelles le duc d'Albe et une armée, la Reine prit ses précautions. Elle fortifia les places de Picardie, défendit au capitaine Argosse, qui commandait à Calais, d'y laisser séjourner Italien ny autre étranger de quelque nation qu'ilz soyent[104]. Mais, d'autre part, elle ménageait soigneusement les susceptibilités espagnoles. Condé, las de vivre avec Isabelle de Limeuil, en Sardanapale, avait, sur le conseil des Châtillon, épousé Mlle de Longueville (novembre 1565), et, dans l'austérité du mariage, il s'était repris de passion pour la Réforme. Par deux fois, Catherine lui écrivit pour s'excuser de ne pas l'envoyer en son gouvernement de Picardie, jugeant sans doute dangereux — et qui pourrait l'en blâmer ? — d'exposer le chef des huguenots à la tentation de franchir la frontière des Pays-Bas[105]. Elle démentit le bruit que Charles IX appelait l'escadre turque et projetait la conquête de la Corse. ...Si le Roy, mon fils, répondait-elle à l'ambassadeur de France à Madrid, avoit autre que bonne intention à l'endroict dudict Sr. Roy Catholique, il la feroist connoistre comme il appartient à prince d'honneur[106]. Les deux Cours de France et d'Espagne s'observaient avec méfiance. Cependant le duc d'Albe marchait de Milan à Bruxelles par la Savoie, la Franche-Comté, la Lorraine avec dix mille hommes de vieilles troupes, si braves et si renommées qu'à leur approche les États catholiques mêmes prenaient peur. En France, Coligny, d'Andelot furent les plus ardents à demander une levée de six mille Suisses et de dix mille hommes de pied français pour couvrir la frontière. La Reine-mère, toujours prudente, informa officiellement le Roi d'Espagne de l'arrivée de ces renforts[107]. Philippe II s'étonna de cet armement qu'il prit pour une menace. Catherine faisait son ambassadeur à Madrid juge s'il estoit raisonnable parmi ceste turbulence d'armes, qui est partout, que nous fussions à la mercy de celluy qui nous voudroit commander quelque chose, les rois de France étant en possession de bailler la loy aux autres[108]. Elle eut une explication très vive (3 juillet 1567) avec l'ambassadeur d'Espagne, D. Francès de Alava, qui depuis six mois boudait et ne paraissait plus à la Cour. Il s'ébahit, raconte-t-elle à Fourquevaulx, que nous soyons en soubson des forces qu'il (Philippe II) faict passer pour remettre ses sujets en son obéissance, et il conclut que Charles IX n'avait pas grand besoing de faire cette levée de Suisses. Il s'était plaint aussi que le résident de France dans les Cantons, pour empêcher les agents espagnols d'en tirer quelques soldats, eût dit en pleine diette que ce seroit mettre Suysse contre Suysse, comme s'il prévoyait une guerre entre la France et l'Espagne[109]. Quand le duc d'Albe fut arrivé à Luxembourg, les appréhensions cessèrent. Cependant le Roi et Catherine visitaient les places de Picardie, et en faisaient réparer les fortifications[110]. Mais à quoi employer ces Suisses nouvellement levés et bien payés ? Catherine écrivit de Péronne au Connétable de faire avancer ces belles bandes afin que le Roi pût les voir et que pour le moings il ayt ce passe temps là pour son argent[111]. Les chefs protestants avaient pressé Catherine d'armer, dans l'espoir de l'entraîner à secourir leurs coreligionnaires étrangers. Mais elle gardait la neutralité, et même elle avait aidé à ravitailler l'armée catholique en sa marche, faisant passer en Savoie, Bresse et Franche-Comté six mille charges de blé[112]. Elle estimait que, dans l'état de division du royaume, ce serait folie d'affronter la monarchie espagnole, dont Henri II avec toutes ses forces unies n'avait pu triompher. Les huguenots voulaient la guerre contre Philippe II pour sauver les Églises voisines de même foi et fortifier d'autant la cause commune. Elle était pacifique par raison ; ils étaient belliqueux par prosélytisme. Mais ces gens soupçonneux, la voyant prompte à réunir des troupes et paresseuse à les employer, se persuadèrent que si elle n'attaquait pas les Espagnols, c'est qu'elle était d'accord avec eux pour exterminer les protestants de France et des Pays-Bas. Coligny et Condé réclamèrent le renvoi des Suisses. A ces craintes s'ajoutaient les griefs personnels. Lie colonel général de l'infanterie française, d'Andelot, était en conflit d'attributions avec le maréchal de Cossé. Condé, qui aspirait en cas de guerre au commandement des armées avec le titre de lieutenant général, s'était entendu signifier par Henri d'Anjou, le fils préféré de Catherine, qu'il était bien osé de rechercher une charge qui revenait de droit au frère puîné du Roi. Cet adolescent —il avait seize ans à peine —brava le Prince de paroles et de gestes, le menaçant, s'il persistait, qu'il l'en feroit repentir et le rendroit aussi petit compagnon comme il vouloit faire du grand[113]. Brantôme croit que Catherine de Médicis avait conseillé cette algarade, mais en vérité elle n'avait aucun goût pour les provocations. Condé ayant quitté la Cour très mécontent (Ir juillet), elle s'efforça de l'apaiser. Comme il lui avait écrit les bruits qui couraient que le Roi voulait employer les Suisses pour abolir la liberté religieuse, elle jura sa foi de princesse et de femme de bien qu'aussi longtemps que ses conseils prévaudraient auprès de son fils, l'Édit de pacification serait inviolablement gardé[114]. Charles IX ignorait si bien les desseins de Philippe II qu'il fut grandement esbahy de l'arrestation des comtes d'Egmont et de Hom (8 septembre) d'autant que j'estimois, écrit-il à Favelles, son agent à Bruxelles, que les choses de delà, veu les commencements dont avoit usé le duc d'Alve, feussent pour prendre autre et plus gratieulx acheminement[115]. Mais les protestants s'obstinaient à croire à une entente des deux Cours. Catherine se réjouissait que tout fût maintenant, Dyeu mercy, autant paisible en France que nous sçaurions souhaiter[116]. Elle avait été informée d'un rassemblement de 1200 à 1500 chevaux près de Châtillon-sur-Loing, la résidence de l'Amiral, mais elle n'y attacha pas d'importance. Le 18 septembre, elle écrivait à Fourquevaux qu'après l'emprisonnement d'Egmont et de Horn, il avait couru quelque bruit sans propos que ceulx de la religion vouloient faire quelques remuemens, mais c'estoit un peu de peur qu'ils avoient, se dict-on, et aussi tost cella est esvanuï[117]. Elle se trompait. Les chefs du parti, assemblés à Valery chez le prince de Condé, avaient décidé de mobiliser quelques milliers de gentilshommes et de pousser droit au château de Monceaux, où la Cour était en villégiature pour s'emparer, comme avaient fait autrefois les triumvirs, du Roi et de sa mère. A la première nouvelle, qui fut apportée par Castelnau-Mauvissière, de la marche des huguenots, le Connétable lui remontra que cent chevaux ny cent hommes de pied ne se pouvoient mettre ensemble, dont il n'eust incontinent advis. Le chancelier de L'Hôpital dit au Roy et à la Reine sa mère que c'estoit un crime capital de donner un faux advertissement à son prince souverain, mesmement (surtout) pour le mettre en défiance de ses sujets et qu'ils préparassent une armée pour lui mal faire. Les princes, les seigneurs et les dames, qui ne parlaient que de passer le temps et d'aller à la chasse, vouloient mal aussi à ce trouble-fête d'avoir donné ceste allarme[118]. Mais les avis se multiplièrent et se précisèrent. La Cour n'eut que le temps de se réfugier dans la place forte de Meaux et d'appeler à l'aide les Suisses, qui étaient cantonnés à Château-Thierry. Sous la protection de cette grosse infanterie, dont les cavaliers huguenots n'osèrent affronter les piques, Charles IX gagna Lagny et de là il fila sur Paris (26-28 septembre), où il fut bientôt bloqué. La surprise de Catherine fut grande. Comme elle l'écrivait
le 27, de Meaux, à Matignon, lieutenant général du roi en Normandie : Nous sommes assez esbahis de l'événement pour n'en congnoistre ne savoir aucune occasion[119]. Il y a dans sa
lettre à Fourquevaux de la colère contre cette infatue
entreprise et quelque tristesse aussi : vous
laissant à penser l'ennuy auquel je suis de voir ce royaume revenu aux
troubles et malheurs dont par sa grace (la
grâce de Dieu), j'avois mis peine de le
délivrer[120]. C'était la
ruine de ses illusions. Je n'eusse peu penser,
écrit-elle au duc de Savoie, que si grandz et si
malheureux desseings feussent entrez ès cueurs des subjects l'endroict de leur
roy[121].
Ce soulèvement sans nulle aucasion, c'est une
méchanseté — le mot était alors plus fort
qu'aujourd'hui —, la plus grande méchanseté du
monde, eune peure treyson (une pure
trahison). Il y allait, estimait-elle, de la subversion
de tout ung Estat et du danger de nos propres vyes. Au Conseil privé, elle interrompit L'Hôpital qui, prévoyant que la guerre civile serait la fin de l'essai de tolérance, proposait d'arrêter les troubles par quelques concessions. C'est vous, lui aurait-elle dit, qui par vos conseils nous avez conduits où nous sommes. Pourtant elle n'empêcha pas les modérés de faire une tentative de conciliation. Le Chancelier, le maréchal de Vieilleville et Jean de Morvillier allèrent trouver Condé et lui promirent, s'il mettait bas les armes, une amnistie pleine et entière. Les chefs protestants, ayant conscience que leurs craintes n'étaient pas la preuve d'un projet d'extermination, imaginèrent, pour intéresser le pays à leur cause, de se poser en redresseurs de torts. Ils réclamèrent, outre l'Édit d'Amboise sans réserves ni limites, la tenue des États généraux et la diminution des impôts. Le pauvre peuple, disaient-ils dans leur requête, se lamente et deult (dolet, se plaint) grièvement d'estre oppressé et accablé de charges, surcharges, nouvelles impositions, subsides et tributs insupportables, qui se lèvent et augmentent de jour à autre, sans aucune nécessité de guerre et affaires ni occasion raisonnable de despense, ains par l'invention et avanie d'aucuns estrangers et mesmes des Italiens.... Rien n'était plus maladroit que de reprocher à la Reine la magnificence coûteuse de sa Cour et de ses fêtes et sa clientèle de banquiers et de traitants italiens. A cette nouvelle Ligue du Bien public, Charles IX répondit avec le cérémonial des vieux temps. Un héraut d'armes, précédé de trompettes, se présenta au quartier général des rebelles, à Saint-Denis, et somma nominativement le prince de Condé, d'Andelot, Coligny et les autres chefs et conducteurs du parti de se rendre auprès du Roi sans armes, sous peine d'être convaincus de rébellion (7 octobre). Cet appareil inusité les troubla. Ils craignirent d'avoir dépassé leur droit en touchant au fait des taxes et du gouvernement, et, comme dit d'Aubigné, se coiffant de leur chemise[122], ils n'exigèrent plus que le rétablissement pur et simple, à toujours, de l'Édit d'Amboise. Mais le Connétable revendiqua pour le Roi le droit de modifier les Édits et même de les révoquer, s'il le jugeait nécessaire. Les négociations furent rompues. L'armée royale livra bataille à Saint-Denis (10 novembre 1567) et réussit à dégager Paris, mais elle perdit son chef, le Connétable, qui fut blessé mortellement dans une charge. Les vaincus allèrent jusqu'en Lorraine à la rencontre des secours que leur envoyaient les princes protestants d'Allemagne. Catherine, laissant tomber la dignité de connétable, fit nommer à la lieutenance générale le plus cher de ses fils, Henri d'Anjou, qui avait seize ans et n'était pas en âge de commander. Obligée par la révolte des protestants de s'appuyer sur le parti catholique, elle remit la conduite des opérations militaires au duc de Nemours, qui avait épousé avec la duchesse de Guise les intérêts des Lorrains, mais de peur d'accroître en cas de succès décisif la popularité déjà si grande de cette maison, elle lui adjoignit, comme collègues, mi prince du sang, le duc de Montpensier, d'ailleurs catholique ardent, et un politique allié des Montmorency, Artus de Cossé, surintendant des finances, qu'elle avait créé maréchal de France. Nemours était d'avis de poursuivre les rebelles et de les écraser avant l'arrivée des renforts. Cossé, par haine des Guise, ou par incapacité, entrava tous les mouvements. Il accusait même Catherine de vouloir une bataille pour économiser l'entretien d'une armée. Il fut malade si à propos le 21 novembre qu'il laissa échapper Condé et Coligny. Nemours, furieux, n'était pas loin de croire que Cossé temporisait par ordre. Catherine leur donna raison à tous deux. Elle expliquait à Cossé qu'elle ne voudrait pas pour une question d'argent hasarder la vie de tant de braves gens et celle de son fils[123] ; elle remerciait Nemours d'avoir fait de son mieux, à ce qu'on lui avait mandé, pour empêcher la jonction des huguenots et des reîtres. Je panse, ajoutait-elle, que Dieu ne pardonnera jeamès à ceubc qui nous ont fayst cet domage[124]. Au fond, elle avait hâte d'en finir avec la guerre et l'autorité des hommes de guerre. Aussitôt qu'elle l'avait pu, elle s'était remise à négocier. Elle alla trouver à Châlons le cardinal de Châtillon (janvier 1568) et lui donna rendez-vous à Palis pour continuer les pourparlers. Mais elle n'osa pas l'y recevoir de jour, craignant qu'il ne fût assassiné, et elle le logea au château de Vincennes. Châtillon, bien convaincu de la haine des masses, ne fut que plus ardent à réclamer un édit perpétuel et irrévocable. Catherine le laissa partir. La lassitude et le manque d'argent arrêtèrent les hostilités. La royauté n'avait pas de réserves disponibles pour des entreprises à long terme. Condé, qui assiégeait Chartres, était encore plus embarrassé de payer ses mercenaires Il accepta la paix, à des conditions qui lui parurent avantageuses (Longjumeau, 23 mars 1568). Le Roi confirmait l'Édit d'Amboise sans restriction ni limitation et prenait à sa charge la solde des auxiliaires allemands. Mais le petit Prince, avec son étourderie habituelle, consentit à licencier ses troupes, tandis que Charles IX se réservait le droit de garder les siennes quelque temps encore. Il fit ce pas de clerc de livrer son parti désarmé à Catherine de Médicis, dont il avait trompé la confiance, et à ce roi de dix-sept ans qu'il avait contraint de reculer devant lui plus vite que le pas. C'était une grave imprudence. Quoi que les réformés pussent dire pour leur défense, cet attentat contre un roi majeur, sur des soupçons imaginaires, était un crime ou, si l'on aime mieux, une faute. Ceux d'entre eux qui siégeaient au Conseil savaient que depuis l'entrevue de Bayonne les rapports entre les Cours de France et d'Espagne étaient très froids. Vouloir que dans la question des Pays-Bas le gouvernement réglât sa politique sur leurs convenances religieuses était une prétention inadmissible. Les Suisses, dont ils incriminaient la présence, avaient été levés de leur consentement et même sur leur demande. Catherine ne méditait contre eux aucun guet-apens ; elle était à la campagne dans un château ouvert, tout occupée de plaisirs et de chasse, sans soupçon, parce que sans mauvais dessein. Elle ne pouvait croire à une agression, tant elle était sûre de son innocence. Leur seul grief vraiment fondé, c'était l'interprétation des clauses de l'Édit d'Amboise. Ces précisions, toujours restrictives, s'expliquaient en partie par des raisons d'ordre ou de politique, mais comme ils en étaient les victimes, ils devaient être tentés d'y voir une menace. Il est possible que la Reine-mère — tant l'idée de la coexistence de deux religions dans un même État répugnait aux esprits de ce temps — ait pensé que l'unité de foi se referait un jour, et même qu'elle l'ait désirée. Le culte réformé relégué dans une ville par bailliage et dans quelques châteaux de seigneurs hauts justiciers était, pour ainsi dire, éparpillé en autant de petits centres, qui n'avaient qu'une médiocre force de propagande. Que Catherine ait voulu les empêcher de s'étendre et de se rejoindre, c'est un calcul qui de sa part n'est pas invraisemblable ; les protestants, par même souci, comprimaient le catholicisme dans les pays où ils étaient les maîtres. Mais elle écartait résolument l'idée d'employer la violence et, toutes les fois qu'elle en avait l'occasion, proclamait sa volonté de faire observer l'Édit de pacification. Et en somme, elle a réussi pendant quatre ans, jusqu'à la révolte de la minorité, à maintenir, non sans peine, la paix religieuse contre tous les efforts de la majorité. Le tort des réformés fut de méconnaître les difficultés de sa tâche et la sincérité de ses intentions. Ils la traitèrent en ennemie dès qu'ils cessèrent de l'avoir pour alliée. Elle ne leur pardonna pas cette erreur où elle trouvait de l'ingratitude. Elle s'éloigna de L'Hôpital, qui continuait à les défendre, et, dégoûtée de la tolérance, elle résolut de détruire ces ennemis de l'Église, qui étaient les ennemis du Roi. |
[1] Ce n'est pas une raison
suffisante pour insinuer qu'elle pourrait bien avoir été la complice de Poltrot
de Méré, en vertu du dangereux adage : Is fecit
cuti prodent, comme le fait dans cette œuvre sombre : De quelques
assassins, 2e éd., Paris, 1912, p. 84 et suivantes, l'historien élégant,
distingué et d'ordinaire si bienveillant des diplomates, des gentilshommes et
des créoles de l'ancienne France, M. Pierre de Vaissière.
[2] Catherine à Bourdillon,
gouverneur du Piémont, 17 juillet 1562, Lettres, t. I, p. 359. Le maréchal
de Brissac, que Bourdillon avait remplacé, avait demandé son rappel pour ne pas
être obligé d'exécuter les clauses du traité du Cateau-Cambrésis. Catherine lui
fit donner, en compensation, le gouvernement de Picardie. — De Ruble, Le
Traité de Cateau-Cambrésis, 1889, p. 55-56, dit à tort que la France céda
aussi Pignerol. Par l'advis de tout le Conseil du Roy
monsieur mon fils, écrit Catherine, nous sommes
contentez de prandre Pinerol, La Perouze et Savillan, avec les antiens
finages et territoires.
[3] Lettre écrite d'Orléans le 8
mars 1563, Duc d'Aumale, Histoire des princes de Condé pendant les XVIe et
XVIIe siècles, 1889, t. I. app., p. 405.
[4] Middlemore, agent d'Élisabeth
en France, à Cecil, secrétaire d'État de la Reine (17 mai), Duc d'Aumale, Histoire
des princes de Condé, t. I, app. p. 497.
[5] Middlemore à Cecil du 19 juin
1563, Duc d'Aumale, Histoire des princes de Condé, t. I, p. 497.
[6] Dupuy, Traité de la
majorité de nos rois et des régences du royaume, Paris, 1655, p. 356 sqq.
[7] Dupuy, Traité de la
majorité da nos rois et des régences du royaume, p. 376. — Duféy, Œuvres
complètes de Michel de l'Hospital, chancelier de France, 1824, t. II, p. 67
sqq.
[8] Susane, Histoire de
l'ancienne infanterie française, t. I, 1849, p. 155-156.
[9] Dupuy, p. 407.
[10] Floquet, Histoire du
Parlement de Normandie, t. III, p. 5.
[11] Le gouvernement se procura des
fonds par les expédients d'usage : taxe sur les plaideurs procès aux
financiers, dont quelques-uns furent mis à mort et les autres condamnés à de
fortes amendes, aliénation des biens du clergé pour la valeur de 3 millions de
livres de revenu. Estienne Pasquier, Œuvres, 1723, t. II, col. 108-110.
[12] Lettres de Catherine,
t. II, p. 17.
[13] Robiquet, Histoire
municipale de Paris depuis les origines jusqu'à l'avènement de Henri III,
1880, p. 557-560.
[14] Lettres de Catherine de
Médicis, 11 juin 1563, p. 57.
[15] Lettres de Catherine de
Médicis, 11 juin 1563, p. 57.
[16] 25 (et non 21) juin 1563, Lettres,
II, p. 62 : aujourd'hui qui ayst le lendemeyn de la
Saynt-Jean.
[17] Brantôme, t. V, p. 345. —
Autres références dans Lettres, t. II, p. 136 et les notes.
[18] L'ambassadeur d'Espagne
Chantonnay, avec ses partis pris habituels, accusait Catherine d'indifférence
et presque de complicité. Lettres, II, p. 136, note 1.
[19] Delaborde, L'Amiral de
Coligny, II, p. 230-234 : Protestation de Coligny du 12 mars et Mémoire
apologétique du 5 mai 1563 rédigé en sa maison de Châtillon-sur-Loing.
[20] Lettres, t. II, p. 128,
du 5 au 10 janvier 1564.
[21] Catherine à Soubise, Lettres,
t. II, p. 33, 13 mai 1563. — Cf. ibid., 2 juin, p. 50, et la note 2.
[22] Arnaud, Histoire des
protestants de Provence et du Comtat-Venaissin, t. I, 1884, p. 178, 180. La
commission autorisant les conseillers des parlements envoyés en mission est
dans Fontanon, t. IV, p. 274-276.
[23] Lettres, t. II, p.
129-13o, 8 janvier 1564, et note 2, p. 129.
[24] Lettres, t. II, p. 150,
26 février 1564.
[25] Le règlement du 21 décembre 1560,
qui déterminait la part de pouvoir de la Reine-mère et du roi de Navarre,
semble distinguer quatre conseils : Conseil privé, Conseil des affaires du
matin, Conseil des parties, Conseil des finances, mais quand on y regarde de
près, on voit que le Conseil des parties n'est qu'une séance
du Conseil privé, et que le Conseil des finances est une Commission
préparatoire, une Direction des finances, si
l'on peut dire, chargée de préparer les décisions financières à soumettre au
Conseil privé.
[26] Noël Valois, Le Conseil du
roi aux XIVe, XVe et XVIe siècles, Paris, 1888, p. 193, 193, 196.
[27] Janssen, L'Allemagne et la
Reforme, trad. de l'allemand, par E. Paris, t. IV. Paris, 1895, p. 333.
[28] Janssen, L'Allemagne et la
Reforme, p. 161-162.
[29] [Dupuy], Instructions et
lettres des rois très chrestiens et de leurs ambassadeurs concernant le Concile
de Trente..., 1654, p. 479, Saint-Silvain, 28 août 1563.
[30] Instructions et lettres des
rois très chrestiens et de leurs ambassadeurs concernant le Concile de Trente...,
p. 538, Monceaux, 9 nov. 1563.
[31] Bèze à Bullinger, Calvini
Opera omnia, t. XX, col. 262-263.
[32] Catherine à l'évêque de
Rennes, Lettres, II, p. 153-154, 28 fév. et X, p. 128-129, 27 févr. —
Hubert Languet, Arcana sæculi sexti decimi... epistulæ secretæ, II, p.
286-287, 6 mars 1564, dit pour quelles raisons le Conseil repoussa
l'enregistrement. L'ajournement fut un expédient pour ménager l'amour-propre du
Cardinal.
[33] Lettres, II, p. 119 et
la note 1.
[34] Bordenave, Histoire de
Béarn et Navarre, publiée par Paul Raymond (Soc. Hist. France) 1873, p.
120-122.
[35] Lettres, II, p. 110, 13
déc. 1563.
[36] Lettres, II, p. 120,
note.
[37] Mémoires du prince de Condé,
1743, t. V, p. 45. — Les Mémoires de Messire Michel de Castelnau, seigneur
de Mauvissière..., par J. Le Laboureur, conseiller et aumônier du Roy, t.
I, p. 267 (liv. V, ch. V).
[38] Lettre de Mme de Roye à Bèze
(7 mai 1563), Calvini Opera omnia, t. XX, col. 6. — Lettre de
Chantonnay, ambassadeur d'Espagne, dans Mémoires de Condé, II, p. 260.
[39] Chantonnay 22 décembre 1563,
12 janvier 1564, Mémoires de Condé, II, p. 183 et 187.
[40] Dans les considérants de la
Déclaration de Lyon, 24 juin 1564 (Fontanon, t. IV, p. 279), le Roi laisse
entendre que les chefs protestants ont renoncé volontairement à l'exercice de
leur culte dans les maisons royales.
[41] Calvini Opera omnia, t. XX, col. 267,
mars 1564.
[42] Calvini Opera omnia, t. XX, col. 21.
[43] Calvini Opera omnia, t. XX, col. 54.
[44] Calvini Opera omnia, t. XX, col. 64.
[45] Calvini Opera omnia, t. XX, col. 133.
[46] Calvini Opera omnia, t. XX, col. 67.
[47] Fontanon, Edits et
Ordonnances, t. IV, p. 276 ; Calvini Opera omnia, XX col. 54.
[48] Fontanon, t. IV, p. 276-278
[49] Lettres, II, p. 177.
[50] Il y a sur Michel de
l'Hôpital, ce héros de la tolérance, un nombre
prodigieux d'éloges, dont le plus éloquent est celui de Villemain, et aussi
quelques bons travaux, mais il reste à écrire une histoire vraiment critique de
sa vie et de son rôle politique.
É.
Dupré-Lasale, dont l'ouvrage est certainement le plus étudié, s'arrête en 1560
: Michel de L'Hospital avant son élévation au poste de chancelier de France
(1505-1558), Paris, 1875 et 2e partie (1555-1560), Paris, 1899. On peut le
compléter par A.-B. Shaw, Michel de L'Hospital and his Policy, Londres,
1905. — Taillandier, Nouvelles recherches historiques sur la vie et les
ouvrages du chancelier de L'Hôpital, Paris, 1861, est un résumé rapide,
comme aussi l'ouvrage d'Atkinson (C.-T.), Michel de l'Hôpital, Londres,
1900. — Amphoux, Michel de L'Hôpital et la liberté de conscience au XVI
siècle, Paris, 1900, écrit, comme son titre l'indique, moins une biographie
objective que le récit, tout à la louange du Chancelier, de ce premier essai de
tolérance. — Il faudrait commencer par une bonne édition des Œuvres
complètes de L'Hôpital, celle de Duféy étant, à tous égards, insuffisante.
[51] Dupré-Lasale, Michel de
l'Hospital avant son élévation au poste de chancelier (1505-1558), Paris,
1875, p. 163-171.
[52] Ce lieutenant criminel, qui
fut plus tard un ardent persécuteur des réformés, avait reçu du roi, pour prix
de l'on ne sait quels services, le droit de disposer d'une charge de conseiller
au Parlement en faveur de son futur gendre. Le Parlement fit difficulté
d'admettre Michel de L'Hôpital, mais il céda. Sur cette nomination liée à celle
de Lazare de Baïf comme maitre des requêtes, voir Dupré-Lasale, ibid.,
p. 75-76.
[53] M. Maugis, qui a si
consciencieusement et si méritoirement dépouillé les registres du Parlement (Histoire
du Parlement de Paris de l'avènement des rois Valois à la mort d'Henri IV,
3 vol., Paris, 1913-1916), se fait de L'Hôpital une idée assez fausse. C'est l'homme des tempéraments et de la conciliation, il reconnait la nécessité de concilier les pouvoirs (le
Parlement et la royauté) au lieu de les opposer,
disons mieux : de les unir pour les opposer au danger commun, t. II, p.
28. Quel danger ? l'intransigeance catholique ou la poussée protestante ? Il y
a aussi dans les deux derniers volumes, les seuls qui me concernent, un certain
parti pris d'ignorer ou de mépriser les documents imprimés. C'est la nouvelle
école. Il n'y a rien de vrai et il n'y a d'intéressant que ce qui est resté
inédit.
[54] Lettres de Catherine de
Médicis, II, p. 92. Cette lettre, qui, on le verra chap. VIII, est adressée
à Henri III et non à Charles IX, et que la Reine-mère écrivit, non en 1563,
comme le suppose La Ferrière, mais à la fin de 1576, est comme une sorte de
programme de gouvernement intérieur.
[55] Pour les raisons que l'on va
voir, je n'ose plus être aussi affirmatif sur le rôle de l'escadron volant que
je l'ai été dans l'Histoire de France de Lavisse, t. VI, 1, p. 88.
[56] Lettre du 8 mars 1572, Bulletin
de la Société de l'Histoire de France, 1835, t. II, p. 167.
[57] Ce passage a donc été écrit
entre 1593, l'année où Damville fut nommé connétable, et l'année 1614 où il
mourut, probablement pendant le règne d'Henri IV. En effet, Hauser, Les
Sources de l'Histoire de France, XVIe siècle, t. III : les guerres de religion,
p. 62, dit que ces Mémoires ont été écrits en 1609.
[58] Mémoires du vicomte de
Turenne, depuis duc de Bouillon (1565-1586), publiés par M. le comte
Baguenault de Puchesse pour la Société de l'Histoire de France, 1891, p. 17-18.
La belle Châteauneuf, dont Turenne parle avec tant de respect, fut, au dire de
Brantôme, pendant trois ans, la maîtresse du duc d'Anjou (depuis Henri III) (Œuvres,
t. IX, p. 509). Elle épousa depuis, par amourettes,
un Florentin, Antinoti, comite des galères à
Marseille, et, l'ayant surpris en adultère, elle le tua de sa main (septembre
1577). Bouillon n'ignorait rien de ces faits, et cependant il continuait à
révérer le souvenir de cette amoureuse et de cette justicière. La liaison entre
la jeune fille et le duc d'Anjou, tons deux libres, avait dû être si ennoblie
par le sentiment, la durée et cet art des bienséances mondaines où Châteauneuf
excellait, que Bouillon en oubliait l'irrégularité. Quant à blâmer la jeune
femme de s'être vengée de cet officier subalterne qu'elle avait distingué et
qui la trompait, il n'y songeait guère. Chrétien, mais gentilhomme, il trouvait
les préjugés 4u monde aussi respectables que les maximes de l'Évangile.
[59] Brantôme, VII, p. 377.
[60] Brantôme, Œuvres, éd.
Lalanne, t. VII, p. 400.
[61] Les Mémoires de messire
Michel de Castelnau, seigneur de Mauvissière..., par J. Le Laboureur,
conseiller et aumosnier du Roy, 1659, t. I, liv. V, ch. VI, p. 168-169. —
Brantôme, t. VII, p. 370. — Cf. Laumonier, Ronsard, poète lyrique, 1909,
p. 220-221 sqq.
[62] Laumonier, Ronsard, Poète
lyrique, p. 216 sqq.
[63] Henri, duc d'Orléans, puis
d'Anjou, frère puîné du Roi, l'enfant chéri de Catherine.
[64] Blanchemain, Œuvres
complètes de Ronsard, 1860, t. IV, p. 28-29, Églogue I.
[65] Les Mémoires de messire
Michel de Castelnau, seigneur de Mauvissière... publiés par J. Le
Laboureur, conseiller et aumônier du Roy, 1659, t. I, liv. V, ch. VI, p.
168-169.
[66] D'Aumale, Histoire des
princes de Condé, t. I, p. 259-268.
[67] Duc d'Aumale, Histoire des
princes de Condé, t. I, p. 547. — La jeune femme fut accusée aussi d'avoir
voulu empoisonner le prince de La Roche-sur-Yon. Condé la fit enlever de
Tournon, où elle avait été transférée d'Auxonne. Elle épousa plus tard un
traitant italien enrichi, Scipion Sardini, baron de Chaumont-sur-Loire. (Lettres
de Catherine, II p. 189, note 2).
[68] Une tapisserie du temps
représente, parmi cette troupe en marche, Catherine de Médicis dans sa litière.
C'est l'ancienne lettica, encore employée aujourd'hui en Sicile, où la retrouva
le bon Sylvestre Bonnard. La lettica, dit
Anatole France, est une voiture sans roues, ou, si
l'on veut, une litière, une chaise portée par deux mules, l'une en avant et
l'autre à l'arrière. Les Espagnols, au XVe et au XVIe siècle, se
faisaient aussi porter en voyage dans ces literas
duplicadas.
[69] Recueil et discours du
voyage du roy Charles IX de ce nom à présent régnant... fait et
recueilli par Abel Jouan l'un des serviteurs de Sa Majesté, Paris, 1566,
réimprimé dans les Pièces fugitives pour servir à l'Histoire de France...
publiées par le marquis d'Aubais, Paris, 1759, 3 tomes en 2 vol., t. I, Ire
partie, Mélanges, p. 13, 14, 24.
[70] Sur la curiosité qu'excitaient
ces populations primitives, voir les chapitres de Montaigne : les cannibales,
liv. I, ch. XXX ; les coches, liv. III, ch. VI. Consulter Gilbert
Chinard, L'exotisme américain dans la littérature française au XVIe siècle,
Paris, 1911.
[71] Fontanon, t. IV, p. 279.
[72] Fontanon, t. IV, p. 280-281.
[73] Fontanon, t. IV, p. 281-282.
[74] Arnaud, Histoire des
protestants de Provence, du Constat-Venaissin et de la principauté d'Orange,
t. II, 1884, p. 204-205.
[75] Abel Jouan, p. 22.
[76] Lettres, t. II, p.
253-255 et les notes. Cf. p. 261-262 et passim — De Ruble, François de
Montmorency, gouverneur de Paris et de l'Ile-de-France, Mémoires de la
Société de l'Histoire de Paris, VI, 1879, p. 245-248. Cf. 236.
[77] Lettres, II, p. 58.
[78] Relation d'Abel Jouan, Pièces
fugitives, t. I, p. 25 sqq. Voir aussi L'ample discours de l'arrivée de
la Royne catholique, sœur du Roy... et du magnifique recueil qui lui a esté faict
avec déclaration des jeux, combats, tournoys, courses de bagues, mascarades,
comédies..., Paris, 1565, reproduit Pièces fugitives, t. I (2e
partie), vol. II, p. 13 à 23 des Mélanges.
[79] Ample discours, Pièces
fugitives, t. II. Abel Jouan, t. I, p. 26. Mémoires de Marguerite, éd. Guessard, p. 9-10.
[80] Laumonier, Ronsard, p.
745.
[81] Abel Jouan, Recueil et
Discours du voyage du roi Charles IX, p. 25.
[82] En 1563, déjà, Condé avait mis
en avant ce projet de mariage comme la solution pacifique du différend de Calais.
En 1565, Catherine chargea Paul de Foix, son ambassadeur en Angleterre, de
demander la main d'Elisabeth, recherche dont la Reine se montra, écrit
l'ambassadeur, emprinse de joye meslée à une honneste
vergogne, tout en se déclarant indigne à
cause de son âge de cet offre si grand.
Catherine à Paul de Foix, 24 janvier 1565, Lettres, t. II, p. 256, et,
en note, la réponse de Paul de Foix. Cf. un texte plus complet de la lettre de
Catherine, Lettres, t. X, p. 151. Ronsard, de lui-même ou par ordre,
dédia à la Reine d'Angleterre ses Élégies, mascarades et Bergerie, parues vers
le 1er août 1565 et où se trouvent les poésies composées pour les fêtes de
Fontainebleau. Laumonier, Ronsard Poète lyrique, p. 214. — Sur cette
demande en mariage, Mignet, Histoire de Marie Stuart, 1851, t. I, app.
D, p. 473-475.
[83] Instructions citées par La
Ferrière, Lettres de Catherine, t. II, p. LXXIII.
[84] La Ferrière, Lettres de
Catherine de Médicis, t. II, introd. p. LXXVI-LXXVII, d'après une dépêche des
Archives nat., Coll. Simancas, 1504.
[85] Lettres, t. II, p. 297,
6 juillet 1565.
[86] Philippe II au cardinal
Pacheco, 24 août dans Lettres de Catherine, t. II, p. 301-302, en note.
Dans sa lettre du 6 juillet à Philippe II, Lettres, t. II, p. 297,
Catherine l'assurait de la volonté et zèle que avons à
nostre religion et envie de voir toutes chauses au contentement du servise de
Dyeu, chause que n'oubliron et metron payne de si bien aysecuter (exécuter) qu'il (Philippe) en aura le
contentement et nous le bien qu'en desirons. Ce n'était pas beaucoup s'engager.
[87] Lettre de D. Francès de Alava
au Secrétaire d'État espagnol Eraso, citée par Combes, Lectures historiques,
II, 259 : Temola por la confusion que en alla siento
ay algunas vexes y io que anteveo que an de martillar estos eresiarcas y otros
que aunque no tienen nombre d'ello, lo son. Combes prenant eresiarcas y otros, qui est le sujet, pour un
complément traduit : J'éprouve des craintes par le
trouble que je sens qu'il y a parfois chez elle et parce que je prévois qu'on
doit marteler les hérésiarques et d'autres qui le sont, sans en avoir le nom.
C'est un contre-sens, d'où Combes a tiré la preuve que le massacre de la
Saint-Barthélemy fut décidé à Bayonne. D'ailleurs marteler
(frapper à coups de marteau) se dit martelar,
et non amartillar ou martillar,
qui signifie : mettre martel en tête.
[88] Ch. Weiss, Papiers d'Etat
du cardinal de Granville, t. IX, p. 481 (Coll. Doc. inédits).
[89] Lettres de Catherine,
t. II, introd. LXXXIX. Déclaration du duc d'Albe à Saint-Sulpice, ambassadeur de
France en Espagne.
[90] Ils n'étaient pas bons
auparavant. Quelques mois avant l'entrevue (22 janvier 1565) Catherine écrivait
à Saint-Sulpice, son ambassadeur à Madrid, qu'en Flandre les Espagnols nous font sant (cent) alarmes, qui me
fayt quelquefois douter qu'il (Philippe) aye envye.de
comenser la guerre et non pas de me voyr, Lettres, X, p. 150. Elle se plaignait dans une
lettre à la Reine d'Espagne, sa fille, des yndinité
(indignités) qu'on faisait au Roi, son fils.
[91] Lettres, II, p. 315, 30
août 1565.
[92] Lettre anonyme datée de
Moulins, 16 mars 1566, dans Mémoires de Condé, t. V, p. 30-32 ou Bulletin
de la Société du protestantisme français, t. XXIV, 1875, P. 422-423.
Bordier, dans le Bulletin, dit à tort que la pièce recueillie par
L'Estoile indique Melun comme le lieu de l'altercation, et non Moulins. Voir Mémoires-Journaux,
éd. Michaud et Poujoulat, p. 19-20.
[93] Là aussi, fut arrêtée la
fameuse ordonnance de février 1366, qui, comme les autres grandes ordonnances
du XVIe siècle, touche en ses 86 articles à beaucoup de parties du gouvernement
: justice, police, administration, hôpitaux, bénéfices, corps de métiers et
confréries, etc. Elle est particulièrement intéressante par la préoccupation de
fortifier et d'étendre le pouvoir royal. Elle défendit aux parlements de
réitérer les remontrances sur un acte royal soumis à sa vérification quand le
roi, après les avoir entendues une fois, ordonnait de procéder à
l'enregistrement. Elle maintenait aux villes la juridiction criminelle,
lorsqu'elles la possédaient, et créait une juridiction de simple police dans
toutes celles qui n'en avaient pas, mais elle leur ôtait, pour la remettre aux
officiers du roi, la juridiction civile, nonobstant tous privilèges antérieurs.
Ce fut, dit un historien, e une sorte de coup d'État contre les magistrats
municipaux Elle interdit aux gouverneurs, qui s'étaient beaucoup émancipés
pendant les derniers troubles, de donner lettres de grâce, de rémission, de
pardon, de légitimation, d'autoriser les foires et marchés, de lever des
deniers de leur propre autorité, d'évoquer les affaires pendantes devant les
juges ordinaires, et de s'entremettre des affaires de justice, sauf pour prêter
main-forte aux juges et tenir en sûreté le pays à eux commis, le garder des
pilleries, visiter les places fortes. Cee injonctions et ces interdictions, qui
répètent les dispositions d'anciennes ordonnances, prouvent le mal fait par la
guerre civile et les précautions que le gouvernement se croyait obligé de
prendre contre la désobéissance des villes et la désobéissance des grands,
contre le réveil de l'esprit communal et de l'esprit féodal.
[94] Mémoires de la vie de Jehan
L'Archevesque, sieur de Soubise, édités par J. Bonnet, et qui ont paru
d'abord dans le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français.
Je renvoie au Bulletin, t. XXIV, 1873, p. 22.
[95] La carte, dite d'Henri II,
appelle mer de France la partie de l'Atlantique qui avoisine Terre-Neuve. Voir
Jonnard, Les Monuments de la géographie ou Recueil d'anciennes cartes
européennes et orientales, Paris, s. d.
[96] Lettre du 30 décembre 1565 où
elle rapporte ce qui s'est passé à Tours en novembre 1565, Lettres, II,
p. 337-338. Les références sur l'affaire de Floride dans Lettres, t. II,
p. 337 note 1, et surtout p. 341, note 1, et ajouter l'ouvrage plus récent et
plus exact de D. Eugenio Ruidiaz y Caravia, La Florida y su conquista por
Pedro Menéndes de Avilés, Madrid, 1893, 2 vol.
[97] Lettre du 20 janvier 1566, Lettres,
II, p. 342-343.
[98] Fourquevaux à la Reine-mère, 9
avril 1566, Dépêches de M. de Fourquevaux, ambassadeur du roi Charles IX en
Espagne (1565-1572), publiées par M. l'abbé Douais, depuis évêque de
Beauvais, Ernest Leroux et Plou-Nourrit, 3 vol, 1896-1904, t. I, p. 75.
[99] D. Vaissète, Histoire
générale du Languedoc, éd. Privat, Toulouse, 1889, t. XI, p. 474-478.
[100] Lettre du 15 juin 1566, Lettres,
t. II, p. 366.
[101] D. Vaissète, Histoire
générale du Languedoc, éd. Privat, Toulouse, t. XII col. 794.
[102] 13 mai 2366, Lettres,
II, p. 363.
[103] 29 février 1567, Lettres,
III, p. 12, et la note, p. 13.
[104] 21 mars 1567, Lettres,
III, p. 29.
[105] 31 janvier, Lettres,
III p. 7 et 8.
[106] 30 mars 1567, Lettres,
III, p. 24.
[107] 27 mai 1567, Lettres,
III p. 37.
[108] Lettre des 2 et 3 juillet, Lettres,
III, p. 42.
[109] Lettres, III, p. 43.
[110] Lettres, III, p. 51 et
57.
[111] Péronne, 21 août, Lettres,
III, p. 51.
[112] 30 mars 1567, Lettres,
III, P. 23.
[113] Brantôme place l'algarade
trois mois et demi avant la prise d'armes des protestants (éd. Lalanne, t. IV,
p. 344-345), mais il devrait dire deux mois et demi. Guyon, serviteur de M. de
Gordes, lui écrit de Saint-Germain, où était la Cour, que Condé est parti ce matin (1er juillet). Une dépêche de Norris,
ambassadeur d'Angleterre, dit le 9 : Duc d'Aumale, Histoire des princes de
Condé, t. I, p. 288 note 1, et app., p. 542.
[114] Norris à la reine Elisabeth,
29 août 1567 : Duc d'Aumale, t. I, p. 561.
[115] Lettres, III, p. 58,
note.
[116] A Gordes, 19 septembre, Lettres,
III, p. 59.
[117] Lettres, III, p. 58.
[118] Mémoires, liv. VI, ch.
IV, éd. Le Laboureur, 1659, p. 198-200.
[119] Lettres, III, p. 60.
[120] Lettres, III, p. 61.
[121] Lettres, III, p. 62-63
; au Roi catholique, ibid., p. 62.
[122] La Popelinière, La Vraye et
entière Histoire des troubles, La Rochelle, 1573, liv. II, p. 45. — Lavisse,
Histoire de France, t. VI, 1, p. 97.
[123] 4 décembre 1567, Lettres,
III, p. 84.
[124] Lettres, III, p. 103 (lettre écrite entre le 15 et le 20 janvier 1568).