LES GRANDS MARINS

JEAN BART

 

CHAPITRE IV. — UNE ÉVASION CÉLÈBRE.

 

 

L'état d'avancement des travaux du port et l'orientation des deux passes, Est et Ouest, sont tels qu'un même vent ne pouvait servir pour les deux à la fois, et que l'assaillant éventuel serait forcé d'entrer en colonne, présentant le flanc aux batteries des têtes des jetées. A cette action ajoutez celle des vaisseaux et brûlots, et il n'y aura que malheur et perte à souffrir pour les ennemis qui voudront y mettre le nez. Vauban l'affirmait, et Jean Bart lui déclarait qu'avec une escadre de sept à huit vaisseaux de trente à cinquante canons, il obligerait les Anglais et les Hollandais à en tenir plus de trente à la mer, sans qu'ils pussent l'empêcher de sortir. L'un et l'autre restaient au-dessous de la vérité.

Charpentiers, calfats, magasiniers s'activent aux chantiers de construction et aux magasins de l'arsenal. L'animation est vive à la fois au Bassin du Roi, au port et à la rade où les navires complètent leur armement avant de prendre le large. On lève des équipages sur les quais et dans les cabarets. On radoube, on calfate, on suiffe, on arme les bâtiments de mer ; on les charge de munitions, d'agrès et apparaux, d'outils, de vivres, d'eau prétendue potable que l'on puise tout bonnement dans le canal. On repeint les coques, les figures de proue, les poupes splendidement sculptées, et les grandes lettres de fonte qui, au-dessus de la chambre de poupe, forment le nom du navire.

Bâtiments légers, barques-longues, chaloupes s'affairent en un incessant va-et-vient. Quelques-uns ont disparu à l'horizon ! ; ils rapportent des renseignements sur les mouvements des flottes d'Angleterre et de Hollande qu'ils surveillent étroitement. On pourchasse les espions et on se ménage des intelligences chez l'ennemi. On surveille certaines correspondances. On installe un service d'alerte le long de la côte ; on poste des guetteurs aux endroits les plus favorables, au Gris-Nez, au Blanc-Nez ; ils signaleront tous événements de mer et particulièrement les corsaires ennemis. Celui de la tour de Saint-Eloi domine la vaste plaine flamande et l'immensité de la mer jusqu'à Douvres et jusqu'à Ostende. On établit des batteries pour protéger les points sensibles. Au coucher du soleil, le canon tonne au Bassin du Roi. Les officiers-mariniers font la ronde des cabarets du port pour y ramasser leurs hommes et les ramener coucher à bord. On tend pour la nuit la chaîne qui ferme le chenal.

La guerre est déclarée.

Le roi dit :

— J'ai l'intention de faire la guerre en corsaire.

Et à Seignelay :

— Armez des corsaires pour votre compte personnel, pour l'exemple.

Seignelay obéit et s'associe à Louvois, à Colbert de Croissy. Le roi veut que les grands personnages de l'Etat investissent des capitaux dans les armements en course, en tête les financiers et le fameux Samuel Bernard. Comme on se plaint toujours de la lenteur des liquidations de prises, il promet — imprudemment — que les officiers et juges d'Amirauté se hâteront à l'avenir. Que les armateurs se pressent : avant que l'ennemi soit sur ses gardes, les prises seront abondantes et profitables.

Est-il besoin que le ministre ordonne à l'intendant d'avertir Jean Bart qu'il ait à se tenir prêt à commander une frégate ? En vérité, les bureaux, auteurs de cette recommandation, le connaissent mal. Il demande la Railleuse : on la lui donne. On lui accorde son jeune frère Gaspard comme second lieutenant et, pour son équipage, le plus possible de bons matelots au lieu de pêcheurs. Sûr de sa probité, l'intendant lui permet, à lui seul de tous les capitaines corsaires, de couler ses prises en cas de nécessité : nulle crainte qu'il ait l'inhumanité de noyer les équipages ni qu'il commette aucune fraude. Il a une envie extraordinaire de mettre en mer, annonce l'intendant. Le premier prêt, il appareille à la rade le 25 octobre 1688. Il va droit au Texel guetter le retour de la flotte de Moscovie. Bientôt, ses premières prises entrent au port de Dunkerque. Malheureusement, battu par des vents contraires, deux frégates hollandaises le serrent de près pendant que deux autres lui reprennent sa dernière prise. Il leur échappe, dépiste plusieurs gardes-côtes ennemis qui le menacent et ne rend le bord qu'au bout de ses vivres.

Personne mieux que lui ne connaît les dates de départ et les itinéraires des flottes marchandes hollandaises. Il rédige et envoie au ministre un mémoire : Proposition et moyens pour la destruction du commerce hollandais dans les diverses mers du Nord, sans lequel l'Etat de Hollande ne peut subsister.

— Dites-moi s'il y a quelque chose à faire ? demande Seignelay à l'intendant Patoulet, qui répond :

— Vous ne pourrez entreprendre un armement en course pour votre compte dont le succès soit plus certain.

Une courte croisière : Jean Bart enlève devant Nieuport une frégate espagnole de dix canons qui s'en retournait de Guinée. Mais qu'il se tienne sur ses gardes ! On lui signale six frégates hollandaises à hauteur de Plymouth et six vaisseaux anglais que la prudence conseille d'éviter. Qu'il chasse la nuée de petits corsaires hollandais infestant les côtes de France. Il rendrait un service très agréable à Sa Majesté s'il pouvait mettre la main sur un fugitif de La Rochelle, nommé Petit, qui monte un de ces corsaires. Les missions ne manquent pas ! On songe à lui confier une importante expédition actuellement en projet. En attendant, on lui donne le commandement de la frégate les Jeux, de vingt-huit canons, et on lui adjoint la Railleuse, de seize canons, sous le lieutenant de vaisseau Claude de Forbin. Tout en courant sus aux corsaires ennemis, ils porteront des hommes et des munitions du Havre à Brest, et chargeront encore au Havre des canons destinés au vaisseau le Henry, en armement à Dunkerque.

Forbin est presque Marseillais, étant né à Gardanne, le 6 août 1656, d'une vieille famille provençale. Brun, l'œil vif, le geste prompt, il a de l'esprit, des moyens, du courage ; il est bon marin ; il possède l'art d'enjoliver ses récits et de se faire valoir ; les scrupules ne l'étouffent pas. Il eut beau jeter son premier feu au cours d'une jeunesse orageuse, le feu continue à flamber. Il obtint d'accompagner l'ambassade qu'en 1685 Louis XIV dépêcha au roi de Siam. S'il n'y gagna pas de grade dans la marine française, dans celle de Siam il devint, paraît-il, amiral. Il s'affuble d'un nom siamois : Opra Sac Disom Cram, et d'un uniforme mirifique, un habit couvert de broderies, un poignard malais à la ceinture et, sur la tête, une couronne servant de base à une curieuse sorte de pain de sucre. Il fit graver son portrait dans ce costume extravagant.

Comme Bart et Forbin allaient sortir du Havre, une flotte de vingt bâtiments marchands, sachant les flottes d'Angleterre et de Hollande à l'île de Wight, sollicite leur escorte. Bart consent. Ils mettent à la voile de compagnie le 20 mai 1689, en direction de Brest. Le 22, à hauteur de l'île de Wight et par le travers des Casquets, impossible d'éviter deux vaisseaux anglais de quarante-huit et quarante-deux canons. Jean Bart dispose au total de quarante-quatre canons contre quatre-vingt-dix. Son parti est vite pris : il renforce de monde trois des navires marchands qui amuseront le plus faible des vaisseaux anglais, tandis que, soutenu par Forbin, il attaquera le plus fort, le Nonsuch, de quarante-deux canons, capitaine Thomas Roome Coyle.

A pleines voiles, par beau temps, mer calme et petit vent, sans tirer un coup de canon, il fond sur le Nonsuch. Soudain, le vent tombe et lui fait faire un faux abordage ; son beaupré se prend dans les haubans de l'anglais. La Railleuse vient à son secours. Il ordonne l'abordage. Ses hommes accablent l'ennemi de coups de mousquets et de grenades, le délogent du pont et des gaillards, et vont infailliblement s'en emparer, quand la situation se retourne : les trois navires marchands chargés de retenir le second vaisseau anglais manquent à leur devoir et se sauvent. Dès lors, ce vaisseau est libre d'accourir à l'aide de son camarade. Il attaque les frégates dunkerquoises en flanc, à petite portée de fusil. La partie devient par trop inégale.

Cependant, Bart et Forbin résistent opiniâtrement. Au fort de l'action, l'enseigne de Guermont, lieutenant des Jeux, se sauve dans une chaloupe avec une partie de l'équipage, pêcheurs enrôlés à défaut d'autres à la dernière minute, et qui n'ont jamais vu le feu.

Après deux heures d'une lutte désespérée, les deux frégates françaises sont rasées comme des pontons de l'avant à l'arrière. Deux pilotes, Nicolas Bossion et Noël Roux, se battent toujours aux côtés de leur commandant avec un courage extraordinaire. Mais Bart reçoit une blessure à la tête et Forbin en annonce six. Ils comptent cent quarante hommes hors de combat. Il faut se rendre.

Mais la flotte marchande est sauvée.

Sur les vaisseaux anglais, il ne reste plus un officier valide. Un contremaître, Robert Sinnock, prend le commandement et ramène vaisseaux et prises à Plymouth. Le roi d'Angleterre le bombardera capitaine de frégate.

L'écrivain du Nonsuch prend soin de faire panser les blessures de Forbin. Des matelots anglais, insuffisamment nippés à leur gré, le mettent nu comme la main, s'adjugent l'habit fort propre qu'il portait, en échange d'une camisole pour lui tenir lieu de chemise, d'une grosse culotte avec un trou à la fesse gauche et d'un mauvais bonnet ; l'un d'eux se déchausse et le gratifie de ses souliers, en remplacement des chaussures qu'on lui a prises. Mésaventure courante sur mer en pareille circonstance ! Jean Bart l'évite grâce à sa parfaite connaissance de la langue anglaise.

Le Nonsuch les débarque à Plymouth. Le gouverneur les invite à dîner. Forbin mange peu, outré que personne n'ait l'honnêteté de lui offrir une chemise : on le laisse avec sa vieille camisole et sa culotte trouée.

Après leur avoir fait l'honneur de les recevoir à sa table, le gouverneur fait conduire les prisonniers dans un cabaret où il les tient sous clef dans une chambre à la fenêtre grillée de barreaux, et sous bonne garde. Il refuse de leur donner la ville pour prison sur leur parole de ne pas se sauver, mais il accorde deux mousses pour les servir et un de leurs chirurgiens pour panser leurs blessures. Avec eux, il enferme le lieutenant de la Railleuse, l'enseigne de vaisseau de Vaux-Mimars : un bon gros garçon dont un bras est paralysé, et qui eut, voici peu de temps, l'honneur insigne de tendre l'autre à Jacques II débarquant d'une chaloupe sur la grève d'Ambleteuse, à fourchet sur les épaules d'un seigneur de sa suite, afin de ne pas se mouiller les pieds.

Parmi les nombreux parents que Jean Bart possède dans le monde des marins, en pays ennemi comme en pays ami, et qui lui composent un service de renseignements de premier ordre, figure un maître de barque d'Ostende qui, par un heureux hasard, entre en relâche à Plymouth. Sujet d'Espagne, celui-là n'éveille pas les soupçons. Il communique avec les prisonniers et leur procure une lime. Les barreaux de la fenêtre, vite entamés, céderont à la première poussée.

A leurs moments perdus, les deux mousses rôdent innocemment le long des quais, paresseux en apparence, mais l'œil aux aguets. Le onzième jour de la captivité, ils avisent dans le port une yole au fond de laquelle son patron gît, ivre mort. Ils le tirent dehors, le transfèrent dans une autre embarcation, conduisent la yole en un coin écarté, et remontent vivement prévenir leurs maîtres. Le chirurgien venait de panser Forbin : il se charge de joindre le maître de barque d'Ostende, qui garnira la yole de pain, de fromage et de bière, d'une boussole, d'un compas et d'une carte marine. Ceci fait, cet homme viendra jeter un caillou dans la fenêtre des prisonniers.

Au signal, ils achèvent de limer les barreaux. M. de Vaux-Mimars, trop corpulent pour passer par là et gêné par son bras paralysé, favorise la fuite des autres en simulant, à soi seul, une conversation de plusieurs personnes, de manière à endormir la méfiance des gardiens. Il fait nuit. Les deux capitaines, le chirurgien et les mousses dégringolent de la fenêtre au moyen de deux draps attachés l'un à l'autre. Bientôt ils sautent dans la yole. L'Ostendais l'a garnie comme il faut. Elle contenait déjà deux avirons, un grand et un petit. Les fugitifs démarrent. Ils traversent le port et la rade. On leur crie :

— Où va la chaloupe ?

Jean Bart répond en anglais :

— Pêcheurs !

Ils atteignent la haute mer. Forbin, souffrant de ses blessures, tient la barre. Avec une vigueur infatigable, Jean Bart rame. Il franchit soixante-quatre lieues sans se reposer, sauf pour manger un morceau à la hâte. Le brouillard, puis le beau temps, favorisent la fuite. La yole accoste heureusement à six lieues de Saint-Malo.

Seignelay, sur l'ordre du roi, s'occupait de l'échange des deux capitaines. Le valet de chambre qui se tient à la porte de son cabinet lui annonce que Forbin est là. Il n'en veut rien croire, vient à la porte pour s'en convaincre, et se rend à l'évidence.

— D'où venez-vous ?

— D'Angleterre, monseigneur.

— Mais par où diable avez-vous passé ?

— Par la fenêtre, monseigneur.

Et monseigneur de partir à rire et de conduire Forbin chez le roi.

Pourquoi Jean Bart n'est-il pas là ?

En débarquant à la côte bretonne, l'un et l'autre se demandaient comment la Cour envisageait leur aventure et quel accueil elle leur réservait. Forbin n'hésite pas : il accourt à Versailles, prend le vent chez son oncle le cardinal de Forbin-Janson, se convainc que l'affaire du 22 mai n'est pas considérée comme un échec, et se présente chez son ministre, le front haut.

Jean Bart s'estime battu, ce qui ne lui paraît pas un titre à faire valoir auprès du roi. Il s'est mis en route pour Dunkerque. Il y arrive la nuit du 15 au 16 juin : les corsaires, qui comptent beaucoup sur lui, le reçoivent triomphalement. L'intendant Patoulet et Vauban le fêtent. Il leur explique comment il aurait pu se rendre maître du Nonsuch s'il avait eu de bons officiers, capables d'entraîner leurs hommes à l'abordage en prêchant d'exemple, et non des fuyards comme M. de Guermont, ou des lâches comme les matelots pêcheurs enrôlés pour lui.

Et voici qu'un bruit court, qui émeut les uns et les autres : Forbin seul aurait été nommé capitaine de vaisseau. Le 22, Patoulet et Vauban écrivent à Versailles pour plaider la cause de Jean Bart.

Je crois, monseigneur, dit le premier, devoir vous rendre compte qu'on a écrit que le roi avait accordé à M. le chevalier de Forbin une commission de capitaine. Cette nouvelle a donné à M. Bart beaucoup d'inquiétude. Vous êtes persuadé qu'il a du courage, mais vous ne savez peut-être pas qu'il a de la gloire, et qu'il est persuadé que personne ne mérite mieux que lui que vous pensiez à son avancement. Il ne s'explique peut-être pas avec vous en homme qui puisse vous faire bien comprendre ses prétentions et quel est le chagrin qu'il a de servir subalterne. Je prends la liberté de vous les expliquer parce que je crains qu'il ne se dégoûte du service et qu'il ne s'en retire, d'autant plus que, depuis qu'il y est entré, il a incommodé ses affaires.

La haute valeur morale de Vauban éclate dans la lettre qu'écrit au ministre ce grand honnête homme, ce grand patriote :

Bart est ici attendant vos ordres sur sa destinée. Toute la ville de Dunkerque l'a couru et reçu avec plaisir, et moi aussi, mais cela n'a pas empêché que je ne l'aie fort grondé de ne vous être pas allé trouver comme M. de Forbin. L'un a fait comme un Français — Dieu veuille que ce ne soit pas en Provençal —, et l'autre, bon Flamand, s'en est revenu chez lui. La vérité est qu'il m'a donné pour excuse que, ne sachant pas bien parler français et ayant été battu, il n'a osé hasarder de se présenter devant le roi en cet état, mais que, quand il aura bien pris sa revanche, que, pour lors, si on veut qu'il y aille, il ira. Voilà à peu près, monseigneur, comme il faut les gens de guerre, et plût à Dieu que votre marine fût toute sur ce pied-là. Pour moi, j'aime qu'un homme de guerre doive tout à son mérite et non à la faveur. On s'en rend ordinairement plus habile parce qu'on ne s'occupe que de lui, au lieu que ceux qui doivent leur avancement à la faveur d'autrui sont d'ordinaire dissipés par les soins de se faire des protecteurs qui prônent et fassent valoir leurs actions, en quoi souvent les règles de la modestie ne sont guère modérées ; tels officiers sont rarement les meilleurs, mais souvent les plus heureux, au très grand préjudice du maître dont le service en pâtit infailliblement. Ne tombez pas dans le défaut de ceux qui donnent lieu à un si méchant effet, et souvenez-vous que le plus grand service que vous puissiez rendre au roi est de lui faire de bons officiers.

Il ne tiendra qu'à vous que Bart ne soit tout à l'heure tout des meilleurs ; accordez-lui votre protection, au défaut de sa mauvaise cour, et souvenez-vous encore, s'il vous plaît, sur cela quels hommes ont été le vieux Tromp, Ruyter et Duquesne. Ils n'étaient pas de meilleure maison que lui, et il n'est pas impossible qu'il n'acquière autant de capacité qu'eux, mais pour cela il a besoin d'aide.

Ces deux lettres se croisent avec celle que Seignelay écrivait à Jean Bart le 19 :

Monsieur, le Roi étant satisfait de vos services et surtout du combat que vous avez rendu en dernier lieu contre deux vaisseaux anglais qui voulaient enlever les vaisseaux marchands qui étaient sous votre escorte et dont, par votre conduite et votre bravoure, vous avez sauvé la perte, Sa Majesté vous a fait capitaine de vaisseau et m'a commandé de vous en expédier la commission, ce que je fais avec d'autant plus de plaisir, que, vous estimant comme je fais, j'ai été bien aise en mon particulier de l'occasion que vous m'avez donnée de vous faire valoir auprès de Sa Majesté qui a bien voulu joindre encore à cette marque de distinction celle d'une gratification de douze cents livres qu'elle vous a accordée.

Donc, le même jour, les deux capitaines ont reçu le même avancement et la même récompense. Forbin se flatte d'y avoir beaucoup contribué en ce qui concerne Jean Bart. Quoi qu'il en soit, Vauban et Patoulet recevaient satisfaction avant la lettre, et Jean Bart la justice qui lui était due.

A l'automne, il se remarie, ce que Sa Majesté trouve bon. Il épouse Marie-Joséphine Tugghe, fille d'un ancien procureur de l'Amirauté et échevin de Dunkerque, descendant d'une famille irlandaise installée dans le pays depuis plus de cent ans. Elle a vingt-six ans et une jolie dot. L'allure élégante, l'esprit cultivé, une ambition ardente au cœur, très fine, clairvoyante et adroite, elle adoucira les heurts produits par la rudesse du caractère de son mari, elle veillera attentivement à sa gloire et à celle de leurs enfants.