POLITIQUE DE VERCINGETORIX : UNION NATIONALE DES CITÉS DE
§ I. — Moyens de contrôle. Nous avons vu précédemment quelle suite et quelle
connexion de tous les textes du récit de César, quelle suite et quelle
correspondance de tous les points de repère sur le territoire de En sorte que, nous dit Horace, quiconque, d'un autre côté, espère en montrer autant, se prépare bien des sueurs, et, s'il ose l'entreprendre, perdra sa peine, tant la suite naturelle et la connexion des choses remportent surtout. Mais, les opinions antérieurement admises étant difficiles à déraciner, surtout quand elles sont appuyées d'autorités considérables, et c'est bien ici le cas ; nous-même, de notre côté, ne pouvant obtenir l'assentiment public, si ce n'est à la condition de ne rien avancer sans le prouver et de ne rien contredire sans le réfuter, nous nous trouvons forcé d'ajouter ici, à l'appui de notre thèse, la preuve négative, c'est-à-dire de réfuter les opinions contraires, présentées jusqu'à ce jour sur le même sujet. Cette sorte de contre-épreuve double presque notre travail, mais nous ne pouvons nous en dispenser. Ainsi, jetons maintenant un coup d'œil rétrospectif sur la marche de César, depuis le passage de l'Allier jusqu'à l'arrivée des armées à Alésia, et choisissons, dans les documents qui s'y rapportent, quelques traits nets et caractéristiques, au moyen desquels nous puissions distinguer sur la carte, entre Alise-Sainte-Reine en Bourgogne, Alaise en Franche-Comté, et Izernore en Bugey, lequel de ces trois oppida, et par sa situation géographique et par sa position stratégique, s'accorde le mieux avec le récit de César, et même avec celui des autres auteurs anciens, concernant cette marche qui aboutit à Alésia. Les trois opinions
concernant le lieu d’Alésia s'accordent sur ce premier fait que César a passé
l'Allier entre Vichy et Moulins, et que, dès lors, il se trouvait entre l'Allier et 1° De là, pour aller faire sa jonction avec Labienus, César a passé On connaît la région où nous lui avons fait passer ce fleuve elles raisons qui nous y ont autorisé. L'opinion, qui voit Alésia dans Alaise en Franche-Comté, pourrait facilement profiter de ces mêmes raisons. Cherchons donc immédiatement de quelle manière ce même problème est résolu par l’opinion qui adopte pour Alésia Alise-Sainte-Reine. Quand les eaux de De plus, au-delà de § II. — Direction suivie à partir de la frontière du pays des Lingons. Voici un second texte, celui-là même qu'on a tant discuté : Comme César se rendait par la frontière du pays des Lingons chez les Séquanes, pour y être mieux à portée de secourir la province, Vercingétorix prit position sur trois points à environ dix mille pas des Romains. C'est ainsi que César indique en même temps le point de départ, le but et l'exécution de sa marche, mais sans dire à quel degré d'avancement il en était, quand Vercingétorix survint. Ce texte permettrait donc que César n'en soit qu'au premier jour de cette marche, et que (si l'on a pu le faire partir du pays de Saint-Florentin ou de Joigny), il fasse route tout le long de la frontière du pays des Lingons, de manière à arriver bientôt devant Alise-Sainte-Reine. Mais ce même texte permet aussi bien que César, dès sa première journée de marche, franchisse la frontière du pays des Lingons et entre immédiatement chez tes Séquanes, près de Gray ou de Saint-Jean-de-Losne, et qu'il y poursuive sa marche plusieurs jours de suite pour se rapprocher de plus en plus de la province, jusqu'à ce qu'il soit parfaitement à portée de la secourir. Ainsi, les trois opinions se trouvent ici bien à l'aise devant les Commentaires. Mais voici nos deux historiens, cités plus haut, qui, n'ayant
pas les mêmes motifs que l'auteur des Commentaires pour laisser les faits de
cette guerre dans l'obscurité, nous indiquent positivement le pays où César
était parvenu dans sa marche, quand Vercingétorix survint. — On a pu
remarquer que ni l'un ni l’autre de
ces deux auteurs n’a fait entrer César chez les
Sénons. — On a vi que, selon Plutarque, César,
partant du pays des Éduens, se rendit par le pays des Lingons chez les
Séquanes, où se trouve la porte de sortie de Ceci est déjà assez embarrassant pour ceux qui voient
l'oppidum d'Alésia dans Alaise en
Franche-Comté ; puisque César, en se portant de ce côté-là, n'eût
certainement pas suivi le bon chemin pour se
rapprocher de Veut-on refuser créance à tout autre auteur que César, et relever de cette ruine le système favorable à Alise-Sainte-Reine ? § III. — Paroles mises par César dans la bouche de Vercingétorix. Voici un troisième texte géographique, le passage des Commentaires
où Vercingétorix montre aux siens que le jour de la
victoire est venu, que les Romains s'enfuient dans Pour que César ait pu prêter à Vercingétorix de telles
paroles, l'armée romaine marchant en bon ordre et au pas ordinaire, il paraît
indispensable que, à ce moment de la septième campagne, les légionnaires
aient effectivement cru, ou du moins pu croire qu'en réalité ils allaient
sortir de Pour nous, une armée qui, de Saint-Jean-de-Losne,
traversant les plaines de En peut-on dire autant d'une armée qui vient de passer Mais surtout, en peut-on dire autant d'une armée en marche
qui, partie du pays de Saint-Florentin dans la direction du sud, va bientôt
arriver à Montbard, et là se trouve encore à quelque La condition voulue sera-t-elle mieux remplie si l'année romaine
est partie de Joigny dans la direction de Langres, et que, un peu avant
d'atteindre cette ancienne capitale des Lingons, se détournant au sud, elle
arrive sur Ainsi, on le voit, quiconque entreprend de résoudre la question de l'oppidum d'Alésia par Alise-Sainte-Reine tombe déjà longtemps d'avance dans un dédale de difficultés géographiques. § IV. — Conditions nécessaires de la triple position où Vercingétorix barra le chemin à César. Considérons maintenant les exigences topographiques du champ de bataille. Le lendemain, dit César, la cavalerie gauloise ayant été répartie en trois corps, deux de ces corps se montrent en ordre de bataille sur les flancs de l'armée romaine ; le troisième commence à barrer le chemin à l'avant-garde. Apprenant cela, César ordonne à sa cavalerie, divisée aussi en trois corps, d'avancer contre l'ennemi. On se bat de tous les côtés à la fois. L'infanterie s'arrête ; les équipages sont reçus entre les légions... Enfin, les Germains, sur la droite, ayant trouvé moyen de gagner la hauteur, en débusquent les ennemis et les poursuivent jusques auprès de la rivière, où Vercingétorix avait pris position avec ses troupes d'infanterie... Tous les autres cavaliers gaulois, ayant remarqué ce mouvement, craignent d'être pris à revers et cherchent leur salut dans la fuite. Il se fait de tous les côtés un grand carnage... Voilà un récit de bataille bien peu explicite, il est
vrai, mais tracé d'après nature, d'un style de maître, avec l’image des lieux
présente dans la mémoire, cl dont la mise en scène exige un théâtre qui
remplisse bien des conditions difficiles à rencontrer toutes ensemble sur le
terrain. — Il faut d'abord que le lieu de la bataille soit tel que l'armée
gauloise, par les trois positions qu'elle occupe, barre complètement le
chemin à l'armée romaine, qui arrive sur elle en marchant vers On a vu avec certitude que cette condition est
parfaitement remplie au grand ravin de Conliége, où passe la route la plus
directe et la meilleure pour se rapprocher de Au contraire, il est évident que, entre les limites
territoriales où nous sommes enfermé par le récit de César, il n'existe
aucune autre barrière naturelle qui ait pu et se prêter aux prévisions et au
projet de Vercingétorix, et avoir été le théâtre de la bataille décrite par
César. Il est de toute évidence que, ni au voisinage
de Montbard, ni sur les bords de Prenons pour exemple les bords de Qu'on en juge encore mieux par les explications qui sont
données. Vercingétorix, est-il dit, avait rassemblé à Bibracte son armée... instruit de la marche de César, il partit à la tète de ses
troupes pour lui barrer le chemin de Le jour où Vercingétorix arrivait
sur les hauteurs de Sacquenay, César, comme on l'a vu, campait sur Ainsi, rien n'est plus facile à voir : les contradictions
pleuvent sur ce terrain. Vercingétorix veut barrer à César à chemin de César, ignorant la présence des Gaulois sur les hauteurs de Sacquenay, quitte, on ne sait pourquoi, la route qui le conduisait directement à son but (en Séquanie et du côté de Besançon, a-t-on dit), et où il n'eût rencontré personne, pour se jeter à droite dans la direction de Châlon-sur-Saône, pays éduen, foyer de l’insurrection (qu'il était forcé d'éviter, a-t-on dit encore) ; et ce n'est qu'après avoir fait ainsi, contre toute raison, à peu près sept kilomètres, que son avant-garde, arrivée près de Dommarien, put apercevoir l’armée ennemie. Quoi donc ! César aurait été ici chez ses amis, les Lingons, et une armée ennemie de presque cent mille hommes (ainsi qu'on le verra plus loin) aurait pu clandestinement s'introduire sur leur territoire, et s'y tenir en embuscade si près de lui sans qu'il en sût rien, et l'attaquer à l'improviste ? Se ostendunt... Qua re nuntiata. — César aurait pu s'exprimer ainsi ! Suivant l'auteur que nous critiquons, Vercingétorix épiait, pour tomber sur les Romains, le
moment où ils déboucheraient. Cette idée vague d'une embuscade est
très-juste : le texte de César l'appelle dans l'esprit ; c'est incontestable.
Mais il faut aussi que le terrain où l'on se place présente un lieu propice
qui s'accorde avec cette idée ; et nous cherchons en vain où serait, sur les
bords de Ici, d'après la carte, le corps de cavalerie gauloise,
posté à la droite de César, sur un mamelon isolé de Et ces bords de Maintenant considérons ces bords de On a vu où et comment cela était possible et même facile
dans les monts Jura. En eût-il été de même sur les bords de Les observations que nous venons de présenter suffisent
bien pour faire apprécier l'opinion émise par M. Defay de Langres, concernant
le champ de bataille de C'est là qu'est le nœud de la question : là, dans cette
barrière naturelle constituée par de grandes montagnes et de grands cours
d'eau : barrière que devait nécessairement rencontrer en quelque point le
chemin de § V. — Conditions nécessaires de l'oppidum d'Alésia : sa distance et sa situation par rapport au lieu où Vercingétorix barra le chemin à César. Enfin les derniers traits du récit de cette bataille exigent encore sur le terrain d'Alésia des conditions particulières pour que Vercingétorix, dès qu'il vit sa cavalerie en fuite, ait eu un motif urgent de se porter aussitôt dans cet oppidum avec son infanterie, et pour que les faits rapportés par César aient pu s'accomplir de la manière indiquée dans son récit. Rappelons-en les expressions. Toute la cavalerie gauloise ayant
été mise en fuite, Vercingétorix ramena en arrière (reduxit) son infanterie qu'il avait rangée en avant de son camp (pro castris), et du même mouvement il se mit en marche pour Alésia,
qui est un oppidum des Mandubiens (protinusque Alesiam, quod est oppidum Mandubiorum, iter
facere cœpit), en ordonnant que
ses bagages fussent promptement évacués du camp et le suivissent. — César, laissant ses bagages à l'écart sur une colline
voisine... le suivit, tant que la durée du
jour le permit (Cæsar... secutus,
quantum diei tempus est passum) ;
le lendemain, il campa devant Alésia (altero die ad Alesiam castra fecit). Ainsi y on le voit, il y a pour ce texte trois questions à résoudre en regard des lieux, à savoir : 1° le motif de ce mouvement si prompt de Vercingétorix ; 2° la direction qu'il prit pour se porter à Alésia ; et 3° la distance approximative du champ de bataille à cet oppidum des Mandubiens. 1° M. J. Quicherat a très-judicieusement senti la nécessité d'un motif tout particulier pour expliquer cet empressement de Vercingétorix à se porter à Alésia, et celui de César à le suivre. C'est bien un indice, dit-il, que les deux antagonistes n'avaient en vue que la possession d'un chemin, et d'un chemin qui ne laissait pas de choix, sur lequel les Gaulois voulaient garder l'avance, tandis que le général romain le suivait forcément, attendant de la fortune et de son génie l'occasion de le pouvoir disputer[7]. On doit donc présumer que lorsque Vercingétorix s'est arrêté, il avait atteint son but ; et que, sur le terrain où il s'est arrêté, ce but devient évident, puisque César parait avoir voulu cacher la position de ce lieu. Sur le terrain d'Izernore, le motif de ce mouvement si
prompt de Vercingétorix est bien facile à comprendre : c'était de garder le
point de Le terrain d'Alaise, lui-même, ne nous paraît pas fournir
une explication satisfaisante de cette décision si prompte de Vercingétorix.
En effet, pendant qu'il eût couru garder le défilé
de la Languetine[8], César, sans le
suivre plus loin que Quingey — et au lieu d'y croiser comme lui la grande voie
de Besançon à Mâcon et à Vienne, aujourd'hui route nationale n° 83 —, eût pu
se détourner à droite par cette grande voie, et se rendre ensuite commodément
dans Quant au terrain d'Alise-Sainte-Reine, si l'on admet, avec
M. Rossignol, que Vercingétorix, à partir d'un champ de bataille situé au
nord et à une certaine distance du mont Auxois[9], soit venu
prendre position au sommet de ce mont, il est évident que César, en arrivant
là, eût pu passer outre sans difficulté, à droite ou à gauche, à son choix,
et continuer sa marche dans la direction de Mais, dans cette hypothèse d'une fuite, avec ce lieu de refuge situé au nord des
monts de Du reste, on peut opposer à ces deux nuances de la même
opinion qu'on ne saurait découvrir, dans le texte de César concernant cette
marche de Vercingétorix, un seul mot qui autorise l'idée d'une fuite, ou
d'une marche précipitée par quelque crainte. Il est dit dans le texte : Vercingétorix ramena ses troupes en arrière, — reduxit, — et du même mouvement il se mit en marche pour Alésia,
— protinusque Alesiam iter facere cœpit.
— Il ne s'agit donc ici que d'une simple marche rétrograde jusqu'à son camp,
et poursuivie au-delà dans la même direction jusqu'à Alésia. Quant à la
marche de César lui-même, il est dit dans le texte simplement : César le suivit, — Cæsar...
secutus. — Ainsi, en résumé, il ne
s'agit dans ce texte ni de fuite, ni
de retraite, ni de poursuite, ni même de marche précipitée, bien que l'un et l'autre
ennemi n'aient pas perdu un instant. Au contraire, tout ce qui est clair,
c'est que Vercingétorix, sans perdre un instant, se met en marche pour Alésia
dans la direction de 2° — Dans quelle direction
Vercingétorix est-il parti du champ de bataille ? Pour répondre à cette
deuxième question, dégageons notre pensée de tous détails locaux, et
considérons bien l'aspect général des choses et la direction de la marche des
armées uniquement d'après le texte des Commentaires. — L'armée romaine se dirigeait vers Une telle conclusion s'accorde plus ou moins bien avec les deux opinions qui admettent, pour le lieu d’Alésia, Izernore ou Alaise, et même encore avec celle qui préfère le mont Auxois, pourvu que, en même temps, le lieu de la bataille se trouve au nord de ce mont, comme l’a placé M. Rossignol. Mais si on le place, comme dans l’Histoire de Jules
César, sur les bords de 3° — A quelle distance
approximative du véritable champ de bataille se trouvait le
véritable oppidum d'Alésia ? A partir du champ de bataille, dit le texte, César suivit Vercingétorix tant que la durée du jour le
permit, et le lendemain il campa devant Alésia. Or, on était à ce moment-là
dans les grands jours de l’année, et César ne s'arrêta qu'à la nuit close ;
ainsi, tout bien considéré, on peut estimer qu'il a dû faire, le soir de la
bataille, une demi-étape, peut-être un peu plus, soit 15 à Le champ de bataille indiqué par M. Jules Quicherat est à
environ Mais le champ de bataille de Aussi, dans l’Histoire de Jules César, trouve-t-on deux notes où l'on a entrepris de prouver que l'expression latine altero die signifie ici le surlendemain du jour de la bataille, c'est-à-dire le troisième jour de la marche de César. Nous disons de notre côté que cette même expression, altero die, désigne le lendemain du jour de la bataille, c'est-à-dire le deuxième jour de la marche de César. C'est donc sur le véritable sens de l'expression altero die dans ce passage des Commentaires que doit porter maintenant toute la discussion de l'objection. Et nous sommes bien forcé d'entrer à ce sujet dans quelques développements ; car, on le voit, ces deux notes posent ici une question capitale pour toutes les opinions concernant le lieu d'Alésia. Ainsi nous espérons que le lecteur supportera avec patience la sécheresse d'une discussion grammaticale que nous ne pouvons éviter. Remarquons, au préalable, que le mot alter et plusieurs autres mots similaires paraissent dérivés d'un radical qui leur est commun, peut-être de l'ancien mot alis, qui signifie autre ou différent. Or l'idée d'un objet différent implique celle d'un premier objet dont celui-ci doit être distingué, et à l'égard duquel c'est un deuxième objet de la même sorte que le premier. Naturellement donc, les mots alter et secundus sont équivalents ; et dans beaucoup d'occasions, au lieu du mot secundus, on peut employer le mot alter, lequel d'ailleurs est plus coulant à la prononciation que le mot secundus. S'il n'y a que deux objets d'une même sorte à désigner, il est clair qu'ils sont tous les deux, et chacun réciproquement, deuxième ou alter, et qu'ils comportent la mêiue désignation. En effet, dans ce cas-là, César les désigne tous les deux ainsi : — Galliæ totius factiones esse duas, harum alterius principatum tenere Æduos, alterius Arvernos[11]. S'il y a à désigner plus de deux objets d'une même sorte, dès lors la clarté du langage exige qu'on les énumère ; mais l'énumération ne devient nécessaire que pour le troisième et ceux qui le suivent. C'est encore ainsi que s'exprime César. — Helvetii continentur, una ex parte, flumine Rheno... altera ex parte, monte jura... tertia, lacu Lemano et flumine Rhodano... (I, II). Le mot alter est donc toujours l'équivalent du mot secundus, et par conséquent on peut toujours, dans une série numérique où il se rencontre, lui substituer le mot secundus ; et il y précède toujours le mot tertius. Ainsi, après altero die vient tertio die ; et l'expression altero die, qu'on la rencontre seule ou dans une série numérique de jours, indique constamment, et dans tous les auteurs latins, ou un deuxième jour, à partir d'une date précédente, ou le deuxième jour d'une série de faits quotidiens que l'auteur énumère. Si donc il s'agit d'une série de jours de marche, l'expression altero die doit désigner le deuxième jour de cette marche. Pour bien constater cela, il faut se rappeler que les indications relatives au temps sont de plusieurs sortes, parmi lesquelles il en faut distinguer ici deux principales, qui sont, en effet, nettement distinctes, à savoir : 1° la date d'un acte ou d'un événement, date qui est de sa nature indivisible, comme un point dans le temps, et qui ne saurait comporter aucune durée ; 2° la durée d'un acte ou d'un événement, durée qui est susceptible de se prolonger pendant un laps de temps quelconque. Dans les indications concernant la durée. César emploie l'expression altero die pour désigner le deuxième jour de la chose. Dans les indications concernant la date, il emploie diverses expressions qui offrent des nuances : postridie (un jour après), postero die (au jour suivant), postero die mane (au jour suivant, dès le matin), proximo die (au jour le plus proche), qu'il soit futur ou passé[12]. En français, nous avons de même les mots jour et journée, qui sont équivalents, bien que non synonymes ; mais nous négligeons d'ordinaire les nuances que ces expressions peuvent comporter. De même pour les expressions latines citées plus haut, nous les rendons toutes indifféremment par notre mot le lendemain, sauf dans le cas où la dernière, proximo die, doit être entendue au passé ; alors nous disons la veille. Postridie, postero die et proximo die, aussi bien que altéra die, suscitent dans la pensée l'idée d'un deuxième jour ; ces quatre expressions doivent donc être équivalentes dans leur emploi respectif, et rien n'est plus facile que de le constater, soit qu'il s'agisse de la date, soit qu'il s'agisse de la durée d'un acte. En effet, rapportons d'abord tout à la même heure, à midi ; entre un événement survenu à midi et un autre événement survenu le lendemain ou la veille (postridie, postero die, proximo die), à midi, il s'est écoulé vingt-quatre heures ; et de même, entre le départ d'une armée à midi et son arrivée à destination, le deuxième jour de marche (altero die), à midi, il s'est écoulé vingt-quatre heures. Veut-on faire varier les heures jusqu'à l'extrême ? La parité n'en persistera pas moins ; deux événements, datés, l'un d'un certain jour, l'autre du jour suivant, pourront être séparés ou par un instant seulement, ou par presque deux jours d'intervalle ; et de même la marche d'une armée, commencée un premier jour et terminée le second jour, pourra durer ou un instant seulement ou presque deux jours entiers. L'idée commune que toutes ces expressions latines suscitent dans la pensée (un intervalle de temps qui participe de deux jours successifs), est donc également justifiée dans tous les cas. C'est encore parmi nous la manière usuelle d'indiquer le temps des choses. Lorsqu'il s'agit, non plus d'une date ou d’un acte unique qui se prolonge pendant plusieurs jours de suite, comme une marche (bien qu'elle soit intermittente), mais d'un acte qui s'accomplit chaque jour et qui se répète identiquement plusieurs jours de suite, cette série d’actes quotidiens peut être datée à son origine, et sa durée peut être indiquée ou d'un seul trait ou en détail. César, dont le langage est toujours sobre et concis, se contente d'une expression sommaire telle que celle-ci : Ex eo die (la date), dies continuos quinque (la durée), dont le sens est clairement démontré par l'ensemble du texte où elle se rencontre. — Le jour suivant, Arioviste fit passer ses troupes au-delà du camp de César, et établit son propre camp à deux mille pas au-delà de César... Depuis ce jour-là, pendant cinq jours consécutifs, César fit sortir ses troupes en avant de son camp et les tint rangées en bataille, afin que, si Arioviste voulait combattre, l'occasion ne lui manquât pas. Arioviste, pendant tous ces jours-là, retint son armée dans son camp, et se contenta d'engager chaque jour des escarmouches de cavalerie[13]. Ainsi, on le voit par l'ensemble du texte, cette série d'actes quotidiens, qui dura cinq jours consécutifs, ne commença que le lendemain du jour où Arioviste changea de position, comme l'indique d'ailleurs la date de la série, Ex eo die (depuis ce jour-là). Cicéron, dont le langage est d'ordinaire abondant et fleuri, s'exprime dans un cas semblable autrement que César ; il peut se plaire, par raison d'éloquence, à énumérer en détail chaque jour de la série d'actes quotidiens dont il parle, et c'est d'une énumération de cette nature, où il emploie l'expression altero die, qu'on a tiré le plus fort argument des deux notes de l’Histoire de Jules César que nous avons à réfuter. C'est pour nous un devoir de citer intégralement et textuellement ces deux notes importantes, dans l'ordre même où les présente l’Histoire de Jules César : la première (t. II, p. 214), au sujet de l'arrivée de César devant Vellaunodunum ; la seconde (p. 257), au sujet de son arrivée devant Alésia. PREMIÈRE NOTE.Le texte latin porte : Altero die, quum ad oppidum Senonum Vellaunodunum venisset, etc. Tous les auteurs, sans exception, regardant l'expression altero die comme identique à postero die, proximo die, itisequenti die, pridie[14] ejus diei, l'ont traduite par le lendemain. Nous pensons que altero die, employé par rapport à un événement quelconque, signifie le second jour qui suit celui de l'événement cité. En effet, Cicéron lui prête ce sens dans la première Philippiques, § 13, où il rappelle la conduite d'Antoine après la mort de César. Antoine avait commencé par traiter avec les conjurés réfugiés au Capitole, et, dans une séance du sénat qu'il réunit ad hoc le jour des Liberalia, c'est-à-dire le 16 des calendes d'avril, une amnistie fut prononcée en faveur des meurtriers de César. Cicéron, parlant de cette séance du sénat, dit : proximo, altero, tertio, denique reliquis consecutis diebus, etc. N'est-il pas évident qu'ici altero die signifie le second jour qui suivit la séance du sénat, ou le surlendemain de cette séance ? Oui, à la vérité ici altero die correspond au second jour qui suivit la séance du sénat, ou au surlendemain de cette séance. Mais on peut dire aussi, même avec plus d'exactitude, qu'ici altero die est le second terme d'une série de jours consécutifs énumérés en détail par l’orateur, et qui correspond à une série pareille d'actes quotidiens dont la connaissance ferait peut-être mieux voir à quoi se rapporte l'expression altero die dans ce texte de Cicéron. Examinons-en donc l'ensemble. Dans la première Philippique, § 13, Cicéron,
s'adressant, par une image oratoire, à Antoine absent, lui rappelle ce jour
mémorable où, grâce au discours sur la concorde que ce consul avait prononcé
au sénat réuni dans le temple de On le voit donc, l'ensemble de ce texte démontre avec
évidence qu'il s'agit ici d'une série continue de
jours, correspondant à une série
continue d'actes quotidiens, accomplis par Antoine, un acte chaque
jour, non compris le jour où fut décrétée l'amnistie en faveur des meurtriers
de César. En effet, certainement le premier mot, proximo,
(au jour le plus
proche de la séance), désigne le premier Jour de cette
série d'offrandes quotidiennes, et en même temps sa date par rapport au
discours d'Antoine et à l'amnistie des meurtriers de César ; le mot suivant, altero (un autre
jour), ne peut désigner que le deuxième jour de la même série, vu
d'ailleurs le mot qui le suit, tertio (le troisième jour) ; puis arrive une
expression générale, denique reliquis consequutis
diebus (et
encore les autres jours consécutifs), expression générale
qui eût pu suffire à Cicéron pour indiquer d'un seul trait, à la manière de
César, tous ces jours consécutifs d'offrandes à Ainsi, ce passage de Cicéron cité dans la note ne saurait jeter la moindre obscurité sur le véritable sens de l'expression altero die, laquelle désigne certainement, on le voit, le deuxième jour de la série d'offrandes quotidiennes dont parle l'orateur. Si donc, au lieu d'une série de jours d'offrandes à la patrie, il se fût agi d'une série de jours de marche, l'expression altero die en eût indiqué le deuxième four, et non pas le troisième jour, comme on se propose de le prouver dans la note. Continuons-en l'examen. (Suite de la même note.) Voici quelques exemples qui montrent que le mot alter doit se prendre dans le sens de secundus. Virgile a dit (Églogue VIII, vers 39) : Alter ab undecimo tum jam me ceperat annus, ce qui doit se traduire par ces mots : j’avais treize ans. — Servius, a qui a fait un commentaire sur Virgile à l'époque où les traditions se conservaient, commente ainsi ce vers : Id est tertius decimus. Alter enim de duobus dicimus ut unus ab undecimo sit duodecimus, alter tertius decimus, et vult significare jam se vicinum fuisse pubertati, quod de duodecimo anno procedere non potest. (Virgile, éd. Burmann, t. I, p. 130.) Forcellini établit péremptoirement que vicesimo altero signifie le vingt-deuxième ; legio altera vicesima veut dire la vingt-deuxième légion. Les Commentaires rapportent (Guerre civile, III, IX) qu'Octave, assiégeant Salone, avait établi cinq camps autour de la ville, et que les assiégés emportèrent ces cinq camps l'un après l'autre. Le texte s'exprime ainsi : Ipsi in proxima Octavii castra irruperunt. His expugnatis, eodem impetu, ALTERA sunt adorti ; inde TERTIA et QUARTA et deinceps RELIQUA. (Voir aussi Guerre civile, III, LXXXIII.) Ici, du moins, nous avons la satisfaction d'être complètement d'accord avec l'auteur de la note. En effet, il veut prouver, et il prouve réellement par d'excellents auteurs, que le mot alter doit se prendre dans le sens de secundus. Cela admis, nous croyons pouvoir en induire logiquement que l'expression altero die doit se prendre dans le sens de secundo die, ou de second jour, proposition que nous avons nous-même développée ci-dessus, et au sujet de laquelle tout le monde est d'accord[16] ; sauf peut-être l'auteur de la note, comme on le verra plus loin, quoi qu'il en dise ici. (Suite de la même note.) On trouve dans les Commentaires
soixante-trois fois l’expression postero die, trente-six fois proximo
die, dix fois insequenti die, onze fois postridie ejus diei
ou pridie ejus diei. L'expression altero die n'y est employée
que deux fois dans les huit livres de Nous nous croyons donc autorisés à conclure que César arriva à Vellaunodunum le surlendemain du jour où l'armée a s'était mise en mouvement. Ainsi, de ce qu'on trouve dans les Commentaires tel nombre de fois les expressions postero die, proximo die, insequenti die, etc., tandis que l’expression altero die ne s'y rencontre que tel autre nombre de fois (base de raisonnement toute nouvelle pour déterminer le sens des mots), on en induit que altero die ne saurait être confondu avec ces autres expressions. Mais, en quoi la différence ? On ne le dit point ; et là est la question, sur laquelle on passe ainsi sans y toucher. Puis on ajoute, sans plus de fondement, que si César avait voulu dire qu'il était arrivé à Vellaunodunum le lendemain de son départ d'Agendicum, il n'aurait pas employé l'expression altero die — bien qu'elle indique un second jour de marche d'après l'auteur de la note lui-même, et qu'un second jour ressemble beaucoup à un lendemain, croyons-nous — ; mais que César aurait employé les deux expressions postero die ou proximo die. Ensuite de quoi, on en vient à conclure finalement et avec autorité que César arriva à Vellaunodunum le surlendemain du jour où l'armée s'était mise en mouvement, c'est-à-dire incontestablement le troisième jour de marche. Oui, le SURLENDEMAIN, le troisième jour ! Après avoir affirmé et si bien démontré auparavant que le mot alter doit se prendre dans le sens de secundus, ou que l’expression altero die employée là par César doit se prendre dans le sens de secundo die, dans le sens de SECOND JOUR ! On voit donc que l'auteur de la note, dans sa manière de raisonner, en arrive ici, comme nous en avons précédemment témoigné la crainte, à une conclusion qui est en contradiction formelle avec ce qu'il prouvait plus haut, d'accord avec tous les autres auteurs. Cette première note se termine par l'annonce d'une nouvelle confirmation de l’opinion de l’auteur et par un renvoi aux commentateurs de Cicéron, en ces termes : (Fin de la première note) On trouvera plus loin (page 257, note 1), une nouvelle confirmation du sens que nous donnons à altero
die. Elle résulte de l'appréciation de la distance qui sépare Alésia du
champ de bataille où César défit la cavalerie de Vercingétorix. (Voir les opinions des commentateurs sur altero
die dans le sixième volume de Cicéron, éd. Lemaire, classiques latins, Excursus
ad Philippicam primam.) Ainsi, jusqu'à présent il était de principe, croyons-nous, que la détermination des lieux historiques fût faite d'après ce qu'en ont dit les historiens ; et voici que l'auteur de la note prétend déterminer ce que César a voulu dire de la situation d’Alésia, en s'appuyant pour cela sur une situation arbitraire qu'il aurait lui-même, auteur de la note, assignée d'avance à cet oppidum. Assurément voilà bien un cas de ce qu'on appelle en logique une pétition de principe ; raisonnement vicieux, qui tendrait ici à convertir une objection géographique, claire et irréfutable, en une bonne raison, venant à l'appui de l'opinion qu'elle doit renverser. Et d'ailleurs, si la distance
d'environ Enfin le lecteur eût peut-être été bien aise qu'on loi évitât la peine de recourir lui-même aux commentateurs de Cicéron, pour apprécier le sens de l'expression altero die, qui est le but de cette première note[17]. — Voici la seconde note, qui est plus courte : DEUXIÈME NOTE.On lit (Guerre des Gaules, VII, LXVIII) : Altero die ad Alesiam castra fecit. Nous avons déjà cherché à établir que les mots altero die doivent se traduire par le surlendemain et non pas le lendemain. César a donc marché deux jours pour se rendre du champ de bataille a à Alésia. L'étude du pays confirme
pleinement l'interprétation que a nous donnons de l'expression altero die.
En effet, au nord et à l'est d'Alise-Sainte-Reine (Alésia), à moins de
deux journées de marche, le pays est tellement coupé et accidenté qu'aucune bataille
de cavalerie n'y est possible, il conserve ce caractère jusqu'à 55 ou Les premières lignes de cette note sont pour nous une énigme ; car comment arriver le surlendemain du départ en ne marchant que deux jours ? Il nous semble que César aurait marché trois jours, à savoir, le jour où il se serait mis en marche, le lendemain en continuant de marcher, et le surlendemain pour arriver devant Alésia. Ensuite on revient à la pétition de principe signalée plus haut ; on persiste à vouloir déterminer le sens d'altero die, ou ce que César a dit de la situation d'Alésia, par la situation même du mont Auxois, arbitrairement adoptée d'avance comme étant Alésia, au lieu de déterminer la situation de cet oppidum d'après ce qu'en a dit César, en prenant ses expressions au sens ordinaire admis par tous les auteurs latins. Et de plus, on déclare n'apercevoir dans la région d'Alise-Sainte-Reine (Alésia), à moins de deux journées de marche, aucun terrain où une bataille de cavalerie eût été possible. Comment donc, si Alise-Sainte-Reine était réellement Alésia, seraient possibles les deux batailles de cavalerie qui vont se livrer devant Alésia, au dire de César (VII, LXX et LXXX) ? Enfin, voici dans les dernières lignes de cette deuxième
note la solution de l'énigme précédente. En
supposant, est-il dit, que, le jour de sa
victoire, l’armée romaine ait poursuivi les Gaulois sur un espace de En vérité, voilà une supposition qui serait bien commode
pour éluder l’objection de distance dont il s'agit. Mais il est impossible d'admettre
cette supposition sans dépasser les bornes de la tolérance en matière
d'explication. Peut-on, en effet, laisser disparaître par ce moyen un jour de
marche, qui est ici toute la question, et qui est dans l’histoire de cette
guerre un élément de premier ordre pour la détermination du lieu d'Alésia ?
Et n'est-ce pas un devoir qui s'impose à tout le monde que de maintenir
intacts tous les documents de notre histoire nationale ? Or, outre la
supposition gratuite que les Gaulois aient fui
sur un espace de Ainsi, en somme, dans les deux notes que nous venons de
critiquer, après avoir pris pour thèse que l'expression de César altero die signifie le
surlendemain, c'est-à-dire le
troisième jour, on prouve clairement qu'elle signifie le second jour ; puis on aboutit à ne point compter le premier jour de marche dans la durée
d’une marche, et encore à supprimer Oublions tout cela. Voici une preuve claire et directe que, dans les Commentaires, l'expression altero die équivaut à postero die, ou qu'elle désigne le lendemain. Et ce n'est pas un autre que César lui-même qui va nous fournir cette preuve excellente. Les deux camps de Pompée et de
César, dit-il, n'étaient séparés que par le fleuve Apsus, et fréquemment les
soldats liaient la conversation d'une rive à l'autre ; et dans ces
moments-là, d'un commun accord, aucuns traits n'étaient lancés. César envoie
le lieutenant P. Vatinius sur le bord du fleuve pour parler le mieux qu'il
pourra de conciliation... On l'écoute en
silence des deux côtés, et on répond de l'autre rive que Q. Varron s'engage à
venir se prêter au colloque altera die,
— Q. Varronem profiteri se altera die ad
colloquium venturum ; — (ici, altera die, indique-t-il le lendemain ou le
surlendemain ? Suivons :) et
qu'aussi en même temps, de part et d'autre, des délégués pourront venir en
toute sûreté exposer tout ce qu'ils jugeront convenable, et on prend
rendez-vous pour cela à heure fixe. — Lorsqu'on
vint au rendez-vous le jour suivant (postero die),
il s'y rassembla de part et d'autre beaucoup de monde, — Certumque ei rei tempus constituitur. Quo quum esset
postero die ventum, magna utrinque multitudo convenit... etc. (de Bello civ., III, XIX).
— Il est donc démontré par cette preuve irrécusable, que l'expression altero die équivaut à postero die, dans le langage de César aussi
bien que dans celui de tous les autres auteurs latins. Ainsi il est incontestable que César est arrivé devant Alésia dès le lendemain du jour où il était parti du champ de bataille où
Vercingétorix tenta une première fois de lui barrer le chemin de § VI. — Résumé comparatif. Résumons à grands traits cette critique comparative des trois opinions contradictoires, que nous venons de considérer en regard de la marche de César, depuis le passage de l’Allier jusqu'à l'arrivée des armées à Alésia, où Vercingétorix se trouve actuellement de nouveau en position avec la sienne. Nous disons : Alise-Sainte-Reine ne saurait être Alésia, attendu que, dans cette supposition : 1° 2° Ensuite, le chemin qu'on fait prendre à l'armée romaine
pour se rapprocher de 3° A l'endroit où Vercingétorix aurait barré le passage à
l'armée romaine, le chef gaulois n’aurait pas pu prononcer, avec quelque
apparence de raison, cette parole que César met dans sa bouche à l'approche
de l'armée romaine : Les Romains s'enfuient dans 4° On ne saurait trouver du côté d'Alise-Sainte-Reine un
lieu tel que, en y occupant trois positions rapprochées, tout passage ait été
barré à une armée venant du nord et se dirigeant du côté de 5° L'oppidum du mont Auxois ne commandant point en réalité
le chemin de 6° Enfin, lors même que le mont Auxois pourrait avoir été
l'oppidum d'Alésia, il serait encore impossible d'admettre en même temps que
le lieu de Sacquenay sur les bords de Des six objections qui précèdent, et qui empêchent d'admettre qu'Alise-Sainte-Reine soit sur remplacement d'Alésia, trois ou quatre s'appliquent, plus ou moins complètement chacune, à la position d'Alaise en Franche-Comté. De plus, le chemin d'Alaise n'eût point mené César au
secours des Allobroges, comme l'indique Dion Cassius, ni à la porte de Et encore, si l'on se rappelle ce que César lui-même a dit d'une manière très-claire, au sujet de l'émigration des Helvètes, à savoir, qu'un corps d'émigrants — et sans doute de même une armée en retraite, dans l'embarras de ses équipages et sous les yeux de l'ennemi —, ne pouvait à cette époque franchir le Jura oriental S on voit que le chemin par Alaise était véritablement une impasse. Au contraire, on a pu constater en détail qu'aucune de ces
objections n'est applicable à la position d'Izernore.
Et même, avec un peu de réflexion, on voit bien vite que c'est de ce côté-là,
du côté de Ainsi, en définitive, dans l'insurrection générale des
cités gauloises contre les Romains, à l'appel de Vercingétorix, si l'on suit
pas à pas avec attention la marche des armées depuis Gergovia jusqu'à Alésia,
en regard de la carte de Gaule, et du récit de César, et de celui de
Plutarque, et encore de celui de Dion Cassius, on arrive à reconnaître avec
certitude le parfait accord de toutes les indications et de tous les points
de repère de ces documents divers pour déterminer exactement de même la situation
géographique de l’oppidum d’Alésia, où
nous venons de voir arriver les deux armées, et dont César se décida
immédiatement à faire le blocus. Tous les éléments de cette détermination
géographique (qui est un point capital pour
l'appréciation de cette guerre), coïncident manifestement pour placer
le célèbre oppidum de Il nous reste néanmoins à constater d'une manière directe
l'identité de l’oppidum d’Izernore et
de l’oppidum d’Alésia dont parle
César, en examinant avec beaucoup d'attention, dans le volume qui va suivre,
le blocus mémorable où succomba FIN DU TOME DEUXIÈME |
[1] Conclusion pour Alaise, par M. J. Quicherat, p. 39.
[2]
Erant omnia itinera duo, quibus itineribus Helvetii
domo exire possent (I, VI). — Voir la discussion de ce texte dans notre premier volume,
au sujet de l'invasion de
[3] Alise, étude sur une campagne de Jules César, par M. Rossignol, p. 19 et 27.
[4] Histoire de Jules César, Paris, Imprimerie impériale, 1866, t. II, p. 253.
[5] Histoire de Jules César, p. 253 et suiv.
[6] De Bell. civ., III, XCIII.
[7] Conclusion pour Alaise, p. 36.
[8] Voir, Conclusion..., p. 37 et suiv.
[9] Alise, étude d'une campagne de Jules César, p. 26, 27 et 31.
[10] Nous avons cherché dans l'Histoire de Jules César comment cette difficulté était résolue. Nous n'avons su trouver à ce sujet qu'une note (t. II, p. 256) où il est dit : L'armée romaine était incapable, dans le désordre où elle était à ce moment, de poursuivre sur-le-champ Vercingétorix. Voilà tout.
[11] De bell. Gall., I, XXXI. — Citons un second texte de César, où l'on voit très-bien le sens fondamental du mot alter, et qui présente de plus un intérêt historique.
Au début de la guerre civile, la cité de Marseille,
voulant rester neutre, ferma ses portes à César. Une députation de magistrats vint
lui en faire des excuses et s'exprima ainsi au sujet des deux partis rivaux :
... principei esse earum partium Cn. Pompeium et C.
Cæsarem, patronos civitatis : quorum alter agros Volcarum Arecomicorum et
Helviorum publice iis concesserit : alter — bello victas Gailias — attribuerit, vectigaliaque auxerit. Quare paribus eorum beneficiis, parem
se quoque voluntatem tribuere debere, et neutrum eorum contra alterum juvare...
(De bell. civ., I, XXXI).
Il est clair que les mots compris ici entre deux traits, — bello victas Gallias, — n'ont pu être dits tels
quels par César ; et ils ont donné lieu à une restitution du texte qui fait
honneur à un Français, le savant jurisconsulte François Hotman, né à Paris en
1524, et qui a donné une édition des Commentaires, très-connue et très-estimée.
Hotman a donc proposé de lire ici : alter, bello
victa Gallia, attribuerit ; c'est-à-dire d'entendre que César après avoir
vaincu
Un savant étranger, Glandorp, contemporain d'Hotman, a proposé de son coté la restitution suivante, alter bello victas Sallyas attribuerit, c'est-à-dire que César, après avoir vaincu les Salyens par les armes, aurait attribué ce peuple aux Massiliens. — Mais cette dernière restitution du texte supposerait que César eût vaincu les Salyens ; et aussi qu'il eût attribué aux Massiliens le territoire de ce petit peuple (bien que déjà depuis 74 ans ce territoire fût occupé par la colonie romaine d'Aix, Aquæ Sextiæ) : double supposition inadmissible, et double erreur historique à rectifier.
Cependant on a vu de nos jours un illustre savant (Prosper Mérimée) adopter en France, avec beaucoup d'éloges, la restitution proposée par Glandorp (voir le Moniteur universel du 17 juin 1867). Tant il est vrai que les Français, même les plus éclairés, les plus éminents, les plus estimables, sont enclins à louer outre mesure les travaux scientifiques des étrangers ! Pourquoi ?
[12] Exemple au passé : Ita, proximi diei casu admonti, omnia ad defensionem paraverunt, — De bell. civ., II, XIV.
Exemple au futur : Quæcumque ad proximi diei oppugnationem nocte comparantur. — De bell. Gall., V, XXXIV.
[13] I, XLVIII.
[14] Nous n'avons pas su nous bien expliquer pourquoi on a compris l'expression pridie dans cette note, ici et encore plus loin ; mais nous avons dû copier littéralement.
[15] Sans se douter qu'il prononçait là, dans cette divine Philippique, son propre arrêt de mort, pour le jour où Antoine aurait le pouvoir en partage. Voir Juvénal, Sat. X, v. 120 et suiv.
[16] Voir tous les Dictionnaires, et surtout l'excellent Dictionnaire latin-français de MM. L. Quicherat et A. Daveluy, au mot alter.
[17] Nous les avons consultés : ils ne disent rien qui puisse vider le débat. Ils renvoient eux-mêmes à deux passages de Pline le Jeune : autre auteur d'un langage encore plus abondant que celui de Cicéron, et qui, prodigue d'élégants détails, s'est exprimé comme lui. Citons ces deux passages pour compléter les renseignements sur la question, et pour en finir.
Dans l'un, il s'agit de Corellius Rufus qui, décidé à se laisser mourir de faim, était resté sans prendre aucune nourriture déjà un second, un troisième, un quatrième jour. (Epist., I, XII). — Il est évident qu'ici encore alter signifie second ; et comme le premier jour passé sans nourriture ne compromettait point la vie de Corellius, on conçoit très-bien que sa femme, Hispulla, n'ait pris l'alarme qu'au second jour, et que Pline (qu'elle fait appeler pour détourner Corellius de son funeste projet) n'ait commencé son énumération qu'à partir du second jour, c’est-à-dire du jour où commençait le danger.
Dans l'autre passage, il s'agit d'un enfant qui se baignait dans la mer avec ses camarades sur la côte d'Afrique, près d'Hippone (aujourd'hui Bône), lorsqu'un dauphin, le prenant sur son dos, l'emporta au large, puis le rapporta à la côte auprès de ses camarades. La nouvelle, dit Pline, s'en répand dans la colonie : tout le monde accourt, questionne, écoute, raconte. Le lendemain, on stationne sur le rivage, on regarde au loin sur la mer si l'on y aperçoit à fleur d'eau quelque chose de semblable. Les enfants nagent et parmi eux celui dont on a parlé, mais il y met plus de réserve. Le dauphin revient à la même heure, revient auprès du même enfant. Celui-ci s'enfuit avec les autres. Le dauphin, comme pour l'attirer et le rappeler, saute, plonge, fait mille tours, dans un sens, dans l'autre. Il en fait autant un second jour, autant un troisième, autant un bon nombre de jours consécutifs, jusqu'à ce que ces hommes nourris sur la mer eussent honte de le craindre. (Epist., IX, XXXIII).
On voit ici une nouvelle particularité : c'est que la série de jours énumérée par Pline commence par un lendemain, par postero die. Mais l'ensemble du texte en montre clairement la raison. En effet, de quoi s'agit-il ? Des retours du dauphin auprès de l'enfant chaque jour et à la même heure. Or un retour suppose nécessairement un première venue, dont le jour ne peut être compté dans la série des jours de retour, bien qu'il puisse servir de date à cette série de retours du dauphin que le narrateur énumère jour par jour. Ainsi le premier terme de cette énumération est nécessairement un lendemain d'un jour où le dauphin était déjà venu pour la première fois, c’est-à-dire un jour suivant comme on le voit ici, — postero die. — Mais le terme qu'on lit ensuite dans l’énumération, — altero die, — n'en correspond pas moins, comme dans toute autre énumération d'actes quotidiens, au deuxième jour de la série des retours quotidiens du dauphin auprès de l'enfant.
[18] Ce dernier trait du texte — Cæsar... sequutus, — paraîtrait indiquer une route dont on ne pouvait s'écarter, ni à droite, ni à gauche. Telle est effectivement la vieille route d'Orgelet à Arinthod, qui chemine entre deux lignes de montagnes, parfois assez rapprochées, et formant çà et là des gorges étroites, difficiles à franchir.