JULES CÉSAR EN GAULE

 

PREMIÈRE ÉPOQUE. — COMPRENANT LES SIX PREMIÈRES ANNÉES DE LA GUERRE.

DÉFAUT D'UNION ENTRE LES CITÉS GAULOISES. GUERRES PARTICULIÈRES : DEFAITES SUCCESSIVES.

CHAPITRE SIXIÈME. — SIXIÈME ANNÉE DE LA GUERRE (Av. J.-C. 53 — de R. 701).

 

 

Consuls : Cn. Domitius Calvinus et M. Valerius Messala.

 

César, s'attendant pour beaucoup de raisons à un plus grand soulèvement de la Gaule, résolut d'envoyer trois de ses lieutenants en Italie pour y faire de nouvelles levées de troupes. Et, en même temps, comme le proconsul Cn. Pompée restait sous les murs de Rome avec le commandement dans l'intérêt de la république, il le pria d'ordonner que les recrues de la Gaule cisalpine, auxquelles il avait fait prêter serment pendant son consulat, se réunissent sous leurs enseignes et se rendissent à l’armée de Gaule transalpine. Pompée s'étant prêté à cet arrangement, et pour le bien général et par amitié pour César, les lieutenants envoyés par ce dernier firent promptement le choix des recrues, et en composèrent trois légions qu'ils lui amenèrent avant la fin de l'hiver. Ce qui lui rendit le double des quinze cohortes qu'il avait perdues avec Q. Titurius[1], et montra bien, par la promptitude et l'importance de ce renfort, ce que pouvaient la discipline et les ressources du peuple romain.

Nous devons faire remarquer ici que ces trois légions de renfort pour la guerre de Gaule, qui furent ainsi tirées de la Gaule cisalpine y provenaient d'une population en majeure partie gauloise, et mélangée seulement d'un petit nombre de colons romains.

 

§ I. — Incursion de César dans le pays des Nerviens, dans celui des Sénons et dans celui des Ménapiens.

 

Après la mort d'Indutiomare, les Trévires avaient déféré le commandement suprême à ses proches, qui obtinrent la promesse d’un secours de quelques-unes des peuplades germaines, mais non des plus voisines, et qui s'entendirent avec Ambiorix. Informé de ces menées et voyant que de tous les côtés on se préparait à la guerre : que les Nerviens, les Aduatiques et les Ménapiens, unis à tous les Germains cisrhénans, étaient en armes[2] ; que les Sénons ne se rendaient point à ses ordres et se concertaient avec les Carnutes et avec d'autres cités voisines ; que les Trévires envoyaient sans cesse des émissaires solliciter du secours des Germains, César pensa qu'il devait lui-même entreprendre au plus tôt la guerre. C'est pourquoi, avant la fin de l’hiver, réunissant les quatre légions les plus rapprochées, il se jeta à l'improviste sur le territoire des Nerviens ; et, avant qu'ils pussent se rassembler et s'enfuir, il leur prit un grand nombre d'hommes et de bestiaux, qu'il abandonna aux soldats à titre de butin, il ravagea leurs champs, et les força à lui livrer des otages[3]. Cette entreprise terminée, il ramena les légions dans leurs quartiers d'hiver.

Le printemps venu, il convoqua l'assemblée de la Gaule, suivant l'usage qu'il avait établi[4], et toutes les cités s'y étant rendues, excepté les Sénons, les Carnutes et les Trévires, il jugea que c'était de leur part un indice de défection et de guerre. Ayant donc ajourné l'assemblée, en lui assignant pour nouveau lieu de réunion Lutèce, la ville des Parisiens, il se porta à marches forcées dans le pays des Sénons. A la nouvelle de son approche, Accon, qui était le chef de la défection, ordonne que tout le monde se réfugie dans les oppida. On s'y rendait en toute hâte, quand les Romains arrivent. Forcés de renoncer à cette chance de salut, les Sénons envoient des députés à César pour demander grâce. Ils lui sont présentés par les Éduens, dont ils étaient depuis longtemps les amis et les clients. A la prière des Éduens, César leur fait grâce volontiers, et accepte leurs excuses : attendu que, dans sa pensée, il importait d'employer la saison d'été à poursuivre la guerre, non à faire une enquête. Il ordonne qu'on lui livre cent otages, et en confie la garde aux Éduens. Les Carnutes font aussi leur soumission, et, par l’entremise des Rhèmes, patrons de leur cité, ils obtiennent d’être traités de la même manière. Puis, César termine la session de l'assemblée, et ordonne aux cités de lui fournir de la cavalerie.

Cette partie de la Gaule ainsi pacifiée, il dirigea toutes ses pensées et toute son activité contre les Trévires et contre Ambiorix. Il se fit accompagner par Cavarin avec toute la cavalerie des Sénons, de crainte que le ressentiment de ce chef, ou la haine qu’il avait méritée, ne suscitassent quelque soulèvement dans la cité. Ces choses réglées, comme il tenait pour certain qu’Ambiorix ne tenterait point le sort des armes, il cherchait dans sa pensée quel autre parti ce roi des Éburons pourrait prendre. Les Ménapiens étaient limitrophes des Éburons, et leur territoire était couvert de marais et de forêts sans fin. César savait qu'Ambiorix avait avec eux des liens d'hospitalité, et, de plus, que les Trévires lui avaient gagné l’amitié des Germains. Il pensa donc qu'il fallait enlever à Ambiorix ces deux appuis, avant de lui faire la guerre, afin que, lorsqu'il serait réduit à toute extrémité, il ne pût ni se cacher chez les Ménapiens, ni se réfugier chez les Germains.

Ce plan arrêté, César envoya les bagages de toute l’armée, avec deux légions, auprès de Labienus ; et lui-même, avec cinq légions sans bagages, s'achemina vers le pays des Ménapiens. Les Ménapiens, se croyant abrités par la nature de leur pays, n'avaient rassemblé aucunes troupes ; ils s'enfuient de toutes parts dans les forêts et les marais, avec ce qu'ils peuvent emporter de leurs biens[5]. César met une partie des troupes sous les ordres du lieutenant C. Fabius, une autre sous ceux du questeur M. Crassus ; et, faisant jeter promptement des ponts, il pénètre dans le pays de trois côtés à la fois, incendie les habitations et les villages, s'empare de beaucoup d’hommes et de troupeaux. Les Ménapiens, ainsi forcés de demander la paix, lui envoient des députés à cet effet. César se fait livrer des otages et déclare aux Ménapiens qu'il les tiendra pour ennemis s'ils reçoivent Ambiorix ou ses envoyés. Ceci bien convenu, il laisse chez eux l’Atrébate Commius avec de la cavalerie, en le chargeant de les surveiller ; et il part lui-même pour se rendre chez les Trévires.

 

§ II. — Deuxième défaite des Trévires par Labienus.

 

Pendant ces expéditions de César, les Trévires, après avoir rassemblé beaucoup de troupes d'infanterie et de cavalerie, se disposaient à attaquer de nouveau Labienus et la légion avec laquelle il avait passé l’hiver dans leur pays. Déjà ils n'étaient plus qu'à deux journées de marche de son camp, lorsqu'ils apprirent que les deux autres légions envoyées par César y étaient arrivées. Alors ils campèrent eux-mêmes à quinze milles de distance, avec l'intention d'attendre là les renforts qui devaient leur venir de la Germanie. Labienus, informé des intentions des ennemis, et comptant que leur témérité pourrait lui fournir quelque bonne occasion de combat, laissa cinq cohortes à la garde des bagages ; et lui-même, avec les vingt-cinq autres cohortes[6] et une nombreuse cavalerie, se dirigea du côté des ennemis et campa à mille pas d'eux, séparé par une rivière difficile à franchir et dont les bords étaient escarpés.

Labienus ne songeait point à la passer, et ne pensait pas que les Trévires eux-mêmes se décidassent spontanément à la franchir. Ceux-ci, chaque jour, comptaient de plus en plus voir arriver les Germains. Dans cette situation, Labienus déclare en plein conseil que, puisque les Germains approchent, dit-on, il ne veut pas mettre en péril son sort avec celui de l'armée, et qu'il décampera le lendemain matin. Ceci est promptement rapporté aux Trévires ; car il était bien naturel que, parmi tant de cavaliers gaulois qui se trouvaient avec les Romains, quelques-uns fussent favorables aux intérêts de la Gaule. Mais, pendant la nuit suivante, Labienus convoque séparément les tribuns et les centurions des premiers ordres, leur explique son projet ; et, pour faire croire aux ennemis qu’il éprouve de la crainte, ordonne de lever le camp avec plus de bruit et de tumultemajore strepitu et tumultuque n'en comporte l’habitude des armées romaines. De cette manière, il fait ressembler son départ à une fuitehis rebus fugæ similem profectionem efficit[7].

L'ennemi était campé si près que ses vedettes l'informent de ce départ avant la venue du jour. A peine l'arrière-garde des Romains était-elle sortie des retranchements, que les Gaulois, croyant qu'ils fuient, et sans vouloir attendre l’arrivée des Germains, n'hésitent pas à traverser la rivière et à engager le combat dans une position désavantageuse[8]. Labienus revient sur eux. Ils ne supportent pas même le premier choc, et, prenant la fuite, ils se jettent dans les forêts voisines. Labienus les fait poursuivre par la cavalerie, en tue un grand nombre, fait beaucoup de prisonniers ; et, peu de jours après, il reçoit la soumission de toute la cité des Trévires.

Les Germains qui venaient au secours des Trévires, apprenant leur défaite, retournèrent chez eux, accompagnés des proches d'Indutiomare, qui avaient été les auteurs de la défection de cette cité, et qui prirent le parti de s'exiler. Le premier rang et l'autorité suprême furent dès lors attribués à Cingetorix, que nous avons dit être resté dans le devoir depuis le commencement.

On voit très-bien ici la subtilité paradoxale du langage de César, l'habileté avec laquelle il parvient à fausser le sens des mots les plus usuels. A l'entendre, d'une part, la défection, c'est l’acte des proches du chef légitime de la cité, qui l’ont aidé à la défendre, au prix de sa tête, contre l’étranger ; d'autre part, la fidélité au devoir, c'est l’acte de celui qui, pour se faire élever au pouvoir suprême par la force étrangère et contrairement à la volonté des citoyens, a aidé l’étranger à se rendre maître de la cité et à faire couper la tête au chef suprême. Peut-il effectivement exister un devoir et une fidélité du citoyen à l’égard de l’envahisseur de la cité ? Aussi Caton, qui avait percé à jour l'habileté sophistique du langage de César, s'écriait-il dans le sénat, en réfutant son opinion favorable à Catilina : En vérité, depuis quelque temps, nous ne connaissons plus ici le véritable nom des choses[9]...

 

§ III. — Deuxième expédition de César en Germanie.

 

Arrivé du pays des Ménapiens chez les Trévires, César résolut de passer le Rhin, pour deux motifs : l'un, que les Germains avaient envoyé contre lui des secours aux Trévires, et l'autre, qu'il ne voulait pas qu'Ambiorix trouvât un refuge auprès d'eux. Ce projet arrêté, il entreprit de jeter un pont sur le fleuve, un peu au-dessus de fouirait où il avait précédemment fait passer l’armée[10]. Les soldats y mirent une grande ardeur, et en peu de jours ce deuxième pont fut établi de la même manière que le premier. César, après avoir laissé une forte garde à la tête du nouveau pont, du côté des Trévires, lit passer au-delà du fleuve tout le reste de l'armée et la cavalerie.

Les Ubiens protestèrent en sa présence qu'ils n'avaient aucunement participé à la guerre contre les Romains, et lui exposèrent que les Suèves seuls avaient envoyé du secours aux Gaulois. César, s'étant assuré qu'ils disaient vrai, les chargea d'envoyer chez les Suèves un grand nombre d'éclaireurs (ou plutôt d'espions) pour reconnaître ce qui s'y passait. Peu de jours après, on vint lui apprendre que, avertis de l'arrivée des Romains, les Suèves et leurs alliés, avec toutes leurs troupes et toutes celles de leurs alliés, s'étaient retirés au fond de leur pays, où se trouve une forêt d'une immense étendue, appelée Bacenis, qui sépare les Suèves des Chérusques, et que les Suèves avaient résolu d'attendre les légions à l'entrée de cette forêt[11]...

Sur ces renseignements, César ne jugea point à propos de s'avancer plus loin en Germanie ; il repassa le Rhin, fit détruire le pont sur une étendue de deux cents pieds, du côté du territoire des Ubiens, fit fortifier l'extrémité opposée, et y laissa le jeune C. Volcatius Tullus avec une garde de douze cohortes.

 

§ IV. — César lance l'armée et appelle tous les brigands de bonne volonté à la recherche d'Ambiorix et au pillage des Éburons. Accident à Aduatuca : mise à feu et à sang du pays des Éburons. Accon, roi des Sénons, livré au supplice.

 

Puis, les blés commençant à mûrir, César fit partir en avant contre Ambiorix L. Minucius Basilus avec toute la cavalerie, à travers la forêt des Ardennes, qui est la plus grande de toute la Gaule, et qui s'étend des bords du Rhin et du pays des Trévires jusqu'à celui des Nerviens, sur une longueur de plus de cinq cents milles[12]. Il avait l'espoir que la rapidité et l’imprévu de cette marche pourrait amener quelque bon résultat. Il lui recommanda d'empêcher qu'on n'allumât des feux dans son camp, afin de mieux cacher son approche ; et il ajouta que lui-même allait le suivre de près.

Basilus se conforme à ses ordres. Après une marche rapide à laquelle personne ne s'attendait, il surprend une grande partie de la population dans les champs[13] ; et, sur les indications qu'il en reçoit, il pousse à un certain endroit où Ambiorix se tenait, sans défiance, avec quelques cavaliers, et réussit à lui enlever par surprise ses équipages de guerre, ses chars et ses chevaux. Mais le chef gaulois eut l'heureuse fortune d'échapper de sa personne à ce péril soudain. Son habitation était entourée d'un bois — comme le sont presque toutes les habitations des Gaulois, qui, pour se mettre à l'abri des chaleurs, recherchent le voisinage des forêts et des eaux courantes —, et là, dans un étroit passage, ses compagnons et ses amis dévoués ayant pu soutenir et arrêter un instant la charge des cavaliers de Basilus, il leur fut possible d'amener à Ambiorix un cheval, sur lequel il s'élança et se trouva bientôt hors de toute atteinte sous le couvert des bois.

On ignore, dit César, si ce fut à dessein ou faute de temps qu'Ambiorix n'avait point rassemblé ses troupes autour de lui ; mais, ce qui est certain, c'est qu'il fit secrètement donner avis, de tous les côtés dans la campagne, que chacun eût à pourvoir à son propre salut. Les uns se réfugièrent dans la forêt des Ardennes, les autres dans les marais y attenants, et ceux qui n'étaient pas éloignés de l'Océan se cachèrent dans les îles que forment lès marées ; un grand nombre s'expatrièrent et cherchèrent un asile chez des peuples très-éloignés. Cativulce, roi de la moitié des Éburons, qui s'était associé à l'entreprise d'Ambiorix et qui était très-avancé en âge, ne pouvant supporter ni les fatigues de la guerre ni celles de la fuite, prit le parti, après avoir chargé de malédictions Ambiorix, qui l’avait entraîné dans cette entreprise, de s'empoisonner avec le fruit de l'if, arbre qui croit en abondance dans la Gaule et dans la Germanie[14].

Les Sègnes et les Condruses[15], peuples originaires de la Germanie, considérés comme Germains et établis entre les Éburons et les Trévires, envoyèrent à César une députation, pour le supplier de ne pas confondre dans un même jugement tous les Germains cisrhénans, et pour lui attester qu'ils n'avaient, quant à eux, envoyé aucun secours à Ambiorix. César, après s'être assuré de la vérité en faisant interroger les captifs[16], se borna à exiger de ces deux peuples qu'ils lui livrassent les Éburons qui se seraient réfugiés chez eux, et leur promit que, s'ils se conformaient à cette injonction, il ne ferait, lui, aucun dégât sur leur territoire[17].

Puis, il divisa l’armée en trois corps et fit réunir les bagages de toutes les légions à Aduatuca. C'est le nom d’un fort situé presque au milieu du territoire des Éburons, et où Titurius et Arunculeius avaient précédemment établi leurs quartiers d’hiver. César choisissait ce lieu, non-seulement à cause de sa convenance à d'autres égards, mais encore parce que, les retranchements élevés Tannée précédente étant parfaitement conservés, les soldats se trouvaient dispensés d'autant de travail. Il y laissa pour garde la quatorzième légion, l'une des trois qui avaient été récemment amenées d'Italie. Il confia le commandement de cette légion et du camp à Quintus Tullius Cicéron, et lui laissa de plus deux cents cavaliers. Des trois corps d'armée, il envoya T. Labienus avec trois légions du côté de l'Océan, dans les contrées qui touchent aux Ménapiens (c'est-à-dire au nord du pays des Éburons) ; et C. Trebonius, avec un même nombre de légions, dans les contrées limitrophes des Aduatiques (c'est-à-dire à l'ouest) ; lui-même résolut de se rendre, avec les trois autres légions[18], sur les rives de la Sambre[19], qui se jette dans la Meuse, et à l’extrémité de la forêt des Ardennes (c'est-à-dire au sud-ouest), où Ambiorix, disait-on, s'était dirigé avec un petit nombre de cavaliers. Au moment de partir, il promit d'être de retour le huitième jour, pour la distribution du blé, qui devait être faite ce jour-là aux troupes laissées à la garde du camp. Il recommanda à Labienus et à Trebonius, si l'intérêt public ne s'y opposait pas, d'être de retour à cette même date, pour s'entendre de nouveau, se communiquer ce que chacun aurait découvert du plan des ennemis, et prendre au besoin d'autres mesures militaires[20].

Il n'y avait chez les Éburons, comme on l’a vu plus haut (est-il dit dans les Commentaires), ni corps de troupes prêtes à combattre, ni postes ou places-fortes garnies de défenseurs sous les armes ; mais la multitude était dispersée de tous les côtés. Chacun s'était réfugié çà et là, soit dans quelque vallée écartée, soit dans quelque fourré des bois, soit dans quelque marais impraticable, suivant qu'il avait espéré pouvoir s'y défendre ou bien s'y cacher. Ces divers lieux étaient connus dans le voisinage, et il fallait prendre beaucoup de précautions, non pour le salut de toute l’armée à la fois, laquelle en masse n'avait rien à craindre, mais pour le salut des soldats isolés, qui faisait partie du salut commun de l'armée. Car, en même temps que l’avidité du butin entraînait trop loin beaucoup de soldats, les forêts, dont les chemins étaient difficiles et couverts, ne leur permettaient pas de marcher en troupes. Si César voulait atteindre son but et détruire cette race de scélérats[21], il lui fallait envoyer çà et là de nombreux détachements et éparpiller les soldats ; s'il voulait retenir les manipules sous les enseignes, comme le demandait la discipline d'une armée romaine, la difficulté des lieux protégeait les barbares ; et même ils poussaient l'audace jusqu’à s'embusquer tous séparément pour surprendre les légionnaires et les envelopper lorsqu'ils se trouvaient dispersés[22]. Au milieu de telles difficultés, on avait bien soin de prendre toutes les précautions possibles, à ce point que, malgré l’ardeur de vengeance qui animait toute l’armée, on aimait encore mieux négliger quelque chose dans la dévastation du pays, que delà pousser à fond en perdant pour cela quelques soldats. Mais César envoie des courriers aux cités limitrophes ; il les appelle toutes, par l’appât du butin, au pillage des Éburons, afin que dans leurs forêts la vie de ces Gaulois soit encore plus en péril que celle des légionnaires ; et en même temps afin que, cernée par une si grande multitude d’ennemis, la race et le nom de cette cité disparaissent, en expiation de son crime. Un grand nombre de pillards accourent de tous les côtés[23].

La dévastation était exercée sur tous les points du territoire des Éburons, et l'on approchait du septième jour, que César avait fixé pour l'époque de son retour auprès de la légion laissée à la garde des bagages. La renommée avait porté au-delà du Rhin, chez les Germains, cette nouvelle :On pille les Éburons, et tout le monde est appelé à venir prendre part au butin[24]. — Les Sicambres, qui sont très-près du Rhin, rassemblent deux mille cavaliers ; ils passent le fleuve sur des bateaux et des radeaux, à trente milles au-dessous du lieu où se trouvaient les restes du pont, et où César avait laissé une garde[25] ; ils entrent sur les premières terres des Éburons qui se trouvent là devant eux y et s'emparent d'un grand nombre de fugitifs isolés et de beaucoup de bestiaux, dont les barbares sont très-désireux. Attirés par le butin, ils poussent en avant. Ce ne sont pas eux que les marais ou les forêts arrêtent, nés qu'ils sont m milieu des guerres et du brigandage[26]. Ils demandent aux captifs : Où est César ? Ils apprennent qu'il est parti pour aller au loin, et qu'aussi toute l'armée s'est éloignée. Alors un des captifs, s'adressant aux Sicambres :Pouvez-vous bien, dit-il, poursuivre un si misérable et si mince butin, quand il ne tient qu'à vous de faire un coup de fortune ? En trois heures vous pouvez parvenir à Aduatuca, où formée romaine a réuni toutes ses richesses. La garde y est si peu nombreuse qu'elle ne pourrait même pas garnir le rempart, et que personne n'oserait sortir des retranchements. — A l'espoir qu'on fait briller à leurs yeux, les Germains laissent là et cachent dans les bois le butin qu'ils avaient déjà fait ; puis, guidés par le même captif qui leur avait donné ces indications, ils courent à Aduatuca.

On était au septième jour depuis le départ de César : Cicéron, qui avait jusqu'alors, suivant ses instructions, retenu tout le monde dans le camp, ne recevant aucune nouvelle de son retour, et doutant qu'il pût à un jour près tenir sa promesse, avait envoyé dans le voisinage cinq cohortes (environ trois mille légionnaires), pour couper des blés, dans un lieu qu’une simple colline séparait du camp. Il leur avait adjoint une compagnie d'environ trois cents autres légionnaires qui avaient été laissés comme malades au moment du départ de l'armée, et qui depuis lors avaient recouvré la santé. De plus, il avait autorisé une multitude de valets de l’armée à les suivre avec un grand nombre de bêtes de somme. A ce moment même, par hasard, surviennent les cavaliers germains, qui, sans s’arrêter dans leur course au débouché d’un bois voisin, se précipitent à la porte décumane[27], et tachent de faire irruption dans le camp même. Les soldats, qui se trouvent ainsi chargés à l'improviste, se troublent, et à peine la cohorte de garde peut-elle tenir ferme contre cette attaque subite. Les ennemis se répandent autour du camp pour tâcher d’y pénétrer par quelque autre point. Ce n'est pas trop de tous les soldats pour défendre les portes ; mais partout ailleurs la difficulté du terrain et la force des retranchements suffisent pour arrêter les ennemis. L'agitation, le tumulte et la terreur remplissent le camp.... Un centurion primipile, P. Sextius Baculus, quoique malade et n'ayant rien mangé depuis cinq jours, donne l'exemple du sang-froid et du courage à la défense d'une porte ; d’autres se joignent à lui : on se rassure ; quelques soldats prennent position sur les retranchements.

Cependant les troupes qui étaient allées au blé entendent des clameurs du côté du camp. Les cavaliers (qui régulièrement accompagnent chaque cohorte) prennent l'avance, et reconnaissent la grandeur du péril. Mais il ne se trouve là aucun abri où l'on puisse se réfugier ; les soldats des cinq cohortes nouvellement levées tournent leurs regards vers les tribuns et les centurions, en attendant leurs ordres. Les plus braves se troublent dans cette situation imprévue. Les barbares, en apercevant de loin les enseignes, croient d'abord que les légions reviennent, et ils abandonnent l'attaque du camp ; mais ensuite, à la vue de si peu de troupes, ils les chargent de toutes parts. Les valets courent à un tertre voisin ; mais, vivement chassés de là, ils se rejettent vers les enseignes et les manipules ; ce qui augmente l'effroi des soldats. De ceux-ci, les uns veulent qu'on forme le coin[28] pour s'ouvrir un passage jusqu'au camp ; les autres veulent qu'on prenne position sur une hauteur et que tous partagent le même sort. Les trois cents vétérans, réunis sous les ordres de C. Trebonius, s'ouvrent un passage à travers les ennemis, et parviennent au camp sains et saufs, tous sans exception, en sauvant encore par leur courage les valets et les cavaliers qui se précipitent sur leurs pas. Quant aux cinq cohortes, qui avaient d'abord pris position sur une hauteur, ne sachant ni persister dans cette résolution, ni imiter le mouvement rapide qui avait sauvé les autres, elles cherchent à faire retraite vers le camp et s'engagent dans une position désavantageuse. Les centurions s'y font tuer en combattant pour écarter les barbares, et, grâce à leur courage, une partie des soldats peuvent encore regagner le camp ; les autres sont entourés par les barbares et périssent.

Les Germains, ayant perdu tout espoir de forcer le camp, dont ils voyaient les retranchements garnis de défenseurs, repassèrent le Rhin avec le butin qu'ils avaient déposé dans les bois. Et telle fut la terreur qui persista dans le camp, même après leur départ, que, la nuit suivante, C. Volusenus envoyé en avant avec la cavalerie s'y étant présenté, on ne voulut pas croire sur sa parole que César arrivait derrière lui, ramenant l'armée saine et sauve. La terreur s'était emparée de tous à ce point qu'ils en avaient presque perdu l'esprit, prétendant que toute l'armée avait été détruite, que la cavalerie seule avait pu se sauver, et soutenant que, si l'armée était saine et sauve, les Germains n'auraient point osé attaquer le camp. L'arrivée de César dissipa cette terreur[29].

Partant de nouveau d'Aduatuca pour écraser les Éburons, César lança dans toutes les directions la multitude de pillards appelés des cités limitrophes. Tous les villages et toutes les habitations que chacun pouvait apercevoir étaient incendiés ; de toutes parts on poussait devant soi le butin[30] ; non-seulement les blés étaient consommés par une si grande multitude d’hommes et de bêtes de somme, mais encore ils avaient été, cette année-là, en majeure partie versés par le mauvais temps et les pluies ; de sorte que, si quelque Éburon pouvait parvenir à se soustraire à toutes les recherches, néanmoins il semblait encore qu’il dût périr de faim après le départ de l’armée[31]. Et par la dissémination d'une si girande armée dans tout le pays, souvent on en vint à mettre la main sur des hommes qui affirmaient, non-seulement qu'ils avaient vu passer Ambiorix dans sa fuite, mais même qu'il ne pouvait pas encore être tout à fait hors de vue ; de sorte que, dans l'espoir de l'atteindre et dans la conviction de mériter ainsi d'être comblé de faveurs par César, on faisait des efforts presque surnaturels, tant on y mettait d'ardeur, et que souvent il s'en fallut de bien peu qu'on n'atteignît ce but de toutes les aspirations. Mais toujours Ambiorix, à la faveur des forêts et des défilés du pays, sut se cacher et s'échapper ; et enfin, profitant des ténèbres de la nuit, il gagna sans être aperçu d'autres régions et d'autres retraites, accompagné seulement de quatre cavaliers, auxquels seuls il osait confier sa vie.

Après avoir dévasté ces contrées, César ramena l'armée, diminuée de deux cohortes (douze cents hommes), à Durocortorum des Rhèmes[32]. Il y convoqua l’assemblée de la Gaule et procéda à une enquête sur la conjuration des Sénons et des Carnutes. Une sentence capitale y fut prononcée contre Accon, qui avait été l'auteur de ce complot, et il le livra au supplice suivant la coutume des ancêtres[33].

On le voit, c'est toujours de la part de César même langage et mêmes moyens politiques ! Lui, qui prit dans le sénat romain la défense de Catilina et tâcha de le faire échapper à la juste rigueur des lois, il appelle ici conjuration, complot, l'entente de deux cités pour recouvrer la liberté perdue : liberté qu'il leur a enlevée lui-même en s'entendant avec quelques traîtres de ces mêmes cités ; et il amène devant l'assemblée des chefs gaulois le digne roi des Sénons qui a été le promoteur de cette généreuse entreprise, et, sous la pression des légions, il le fait condamner à mort par les Gaulois eux-mêmes. Quel triste rôle de part et d'autre ! Quelle confusion captieuse du fait de la force avec le droit moral !

Quelques autres Gaulois, redoutant le jugement, prirent la fuite. Après leur avoir interdit le feu et l'eau[34], César plaça les légions en quartiers d’hiver, deux chez les Trévires, deux chez les Lingons, et les six autres chez les Sénons, à Agendicum[35]. Puis, quand il eut pourvu aux vivres, il partit, suivant son habitude, pour aller tenir rassemblée en Italie.

 

§ V. — Conclusions sommaires concernant cette première époque de la guerre.

 

De tous les faits dont nous venons de suivre l'histoire, durant les six premières années de cette lutte de nos ancêtres contre les Romains envahissant le territoire propre de leur race, nous pouvons conclure :

1° Que les cités-mères de la vieille Gaule ont commis cette même faute qui avait déjà été si fatale à leurs colonies émigrées en Italie, la faute politique dont parle Tacite, d'avoir combattu isolément, au lieu de s'être réunies contre l'ennemi commun ; et que, par suite de cette faute capitale, elles ont dû succomber aussi toutes, les unes après les autres, devant la puissante et nombreuse armée de Jules César, comme l'indique le sentencieux historien, en ces termes : — Et rien ne nous sert davantage contre les plus puissantes nations, que leur défaut d’entente commune ; il est rare que deux ou trois de leurs cités se réunissent pour repousser un danger commun ; de sorte que, combattant isolément, toutes en viennent à être vaincues[36] ;

2° Que Jules César, à l'imitation de la politique perfide et peu honorable du sénat romain contre les Gaulois d'Italie, n'a cessé de semer la discorde parmi les cités de la Gaule transalpine y et jusque dans le sein des familles des princes à qui elles avaient confié leur salut ; qu'il y a aidé de toutes manières les jeunes ambitieux qui, pour arriver au pouvoir, se dévouaient à lui et trahissaient leur cité ; qu'au moyen de cette politique corruptrice, il a réussi à entraîner les cités les unes contre les autres : trouvant ainsi partout des espions à son service, des éclaireurs, des guides, des vivres pour les légions, et entourant ces légions ennemies de cavaliers gaulois qui combattent avec elles contre les Gaulois leurs frères y qui pillent et incendient les habitations de la Gaule, et qui en broient les récoltes sous les pieds de leurs chevaux ;

3° Que la supériorité incomparable des armes des légions, avec leurs compagnies d'ouvriers, leurs équipages et leurs machines de guerre, l'habitude des campements, la science et la pratique de l'attaque des places, ont rendu bien facile à César la conquête de la Gaule chevelue ; et qu'aussi les Gaulois transalpins, de leur côté, de même que leurs ancêtres en Italie, n'ont rien fait pour améliorer leurs armes, ou pour en compenser l'infériorité par une tactique convenable (sauf dans le grand et unique exemple donné par Ambiorix) ; et même qu'ils se sont jetés, avec une légèreté qu'on croirait naturelle et fatale, dans tous les pièges que leur ont tendus César ou ses lieutenants, lorsque, pour les y attirer, ces ennemis ont feint de les craindre : tant, chez cette race gauloise, une opinion de soi trop favorable l'expose à manquer de prudence ;

4° Que César porta ainsi la guerre dans toute la vieille Gaule, de cité en cité, en prenant toujours l'offensive sous de vains prétextes, ou même sans en alléguer aucun ; qu'il fit massacrer ou vendre pour l'esclavage des multitudes de Gaulois, jusqu'à détruire plus ou moins complètement cinq ou six peuples distincts : d'abord les Helvètes avec leurs alliés, puis les Vénètes, les Aduatiques, les Usipètes avec les Tenchtères, et enfin les Éburons ; ce qui commence à démontrer la véracité du texte de Suétone où il est dit que César poussa la guerre de Gaule avec une fureur sauvage[37].

A l'époque de cette guerre où nous arrivons maintenant, de tout le territoire gaulois envahi par César et compris (ainsi que le rappelle Suétone) entre les Pyrénées, la ligne des Cévennes, le haut Rhône, les Alpes, le Rhin et l'Océan, il ne restait plus que deux contrées où le conquérant n'eût pas encore conduit les légions, à savoir, deux contrées qui présentent de grandes montagnes.

En effet, du côté de l'est, César n'avait pas pénétré dans les montagnes des Vosges. Là, deux peuples, les Lingons[38] et les Leuces[39], lui prêtaient leur appui plus ou moins volontaire ; mais le récit ne dit rien de la soumission des Médiomatrices[40], placés entre les Leuces et les Trévires. S'étaient-ils soumis ou alliés à César contre Arioviste, comme firent les Leuces, les Lingons et les Séquanes, alors que César, guidé par Divitiac, marcha contre ce Germain entre les Vosges et les monts Jura ? ou bien s'étaient-ils, depuis lors, unis aux Trévires, limitrophes de leur cité, et avaient-ils combattu avec eux et partagé leur sort ?

Du côté du sud, à la frontière même de la province de César et au cœur de la Gaule primitive, il restait une vaste contrée, bordée du côté de la Province par la ligne des Cévennes, et parsemée çà et là de monts considérables, au milieu desquels était assise la grande cité des Arvernes. Cette énergique cité était flanquée du côté de l'Italie par ses Ségusiaves, ses Vélaves, ses Gabales, et s'appuyait de l’autre côté sur les Ruthènes, les Cadurces, les Lémovices et les Bituriges. Il ne restait plus que ce refuge à la liberté gauloise.

César en avait fait le tour à l'opposé de la Province, depuis le pays des Éduens jusqu'aux montagnes des Pyrénées ; et, bien qu'il y eût pour lui un danger manifeste à négliger ainsi, d'année en année, de soumettre un tel groupe de cités, placées entre l'armée et la Province quand il poursuivait les opérations militaires en Gaule, puis placées entre lui et l'armée, quand il passait l’hiver en Italie, cependant le prudent guerrier ne les avait point encore attaquées. Par quel motif ? Il ne le dit pas. Serait-ce parce qu'il n'avait pu réussir à s'y ménager d'avance, comme ailleurs, des connivences politiques ? Serait-ce parce qu'il redoutait jusqu'à un certain point d'engager ses légions dans ce pays de grandes montagnes, où elles auraient perdu (pour les raisons exposées dans nos préliminaires) une partie des avantages que leur assurait, en plaine, l'immense supériorité de leurs moyens militaires ? Nous sommes porté à penser que ce fut pour ces deux motifs à la fois que César, pendant les six premières années de la guerre, n'avait point encore attaqué les cités qui occupaient les montagnes du centre de la Gaule. Mais ce qui est tout à fait hors de doute, c'est que jamais encore depuis le commencement des guerres des Romains contre nos ancêtres, la race gauloise ne s'était trouvée dans un tel péril. Qui pourrait, à cette heure, la préserver d'un désastre complet : fût-ce même un autre Amilcar le Grand ou un autre Annibal ?

Et cependant, à cette heure suprême, nous allons voir un jeune guerrier de la Gaule se lever sans crainte pour tenter une telle entreprise. Nous allons le voir prenant hardiment l'offensive contre le terrible envahisseur, et entraînant avec lui toute la Gaule par ce noble cri de guerre : — Patrie gauloise et Liberté nationale ! — qui doit encore désormais traverser le cours des siècles avec notre race.

 

 

 



[1] Duplicatoque earum cohortium numero, quas cum Q. Titurio amiserat. — Évidemment, d'après ce texte, les légions de César étaient composées chacune de dix cohortes, ainsi que nous l'avons admis dans nos préliminaires ; et César, qui avait précédemment tout au moins huit légions, en a maintenant au moins neuf et cinq cohortes.

[2] Nous allons voir plus loin qu'aucun de ces peuples n'était réellement en armes, et que cette assertion de César n'est qu'un prétexte dont il se sert pour couvrir la fureur de ses vengeances, dont le lecteur va pouvoir juger.

[3] On reconnaît ici avec certitude que les Nerviens n'étaient nullement sous les armes, bien que César l'ait affirmé plus haut.

[4] On voit que César jouait complètement le rôle de protecteur de la Gaule. Quel protecteur !

[5] Ainsi les Ménapiens non plus n'étaient point en armes, malgré l'affirmation précédente de César. Il est donc en contradiction avec lui-même, et l'on en doit conclure qu'il s'agit ici d'incursions dévastatrices, poussées spontanément parmi ces trois cités gauloises.

[6] On voit ici, avec toute certitude, que trois légions de l'armée de Gaule étaient composées de trente cohortes. Ainsi, chaque légion se composait réellement de dix cohortes, comme nous l'avons admis dans nos préliminaires sur les moyens militaires de César en Gaule.

[7] Nous signalons ici au lecteur ces expressions du texte qui doivent nous servir d'appui dans une discussion importante qu'on trouvera plus loin.

[8] Nouvelle preuve de la facilité avec laquelle on pouvait tromper la race gauloise et la faire tomber dans un piège, en flattant sa confiance dans sa propre force militaire.

[9] Salluste, Catilina, LII.

[10] Ce deuxième pont sur le Rhin fût établit comme on va le voir ci-après, du territoire des Trévires (rive gauche), au territoire des Ubiens (rive droite) ; ce qui le place approximativement au voisinage de Coblentz. Or, comme il était situé sur le cours du fleuve un peu au-dessus du premier, dit César, il s'ensuit que ce premier pont, dont la position n'a point été indiquée précédemment dans le texte, doit avoir été établi un peu plus bas que Coblentz, et par conséquent non bien loin de Bonn.

[11] Ici César a intercalé dans le récit de la guerre une notice sur les mœurs et les coutumes des Gaulois et des Germains.

[12] Millibusque amplius quingentis — plus de 500 milles (plus de 750 kilomètres). Voilà évidemment une erreur de distance. Or, on ne peut attribuer une telle erreur à César, qui avait tant de fois parcouru ces contrées ; il faut donc admettre que la leçon est fautive. L'expression juste, en chiffres ronds, serait : plus de deux cents milles, — millibusque amplius ducentis, ou bien, millibusque amplius CC. — Ainsi la faute de leçon consisterait dans la substitution de quingentis à ducentis, ou de D à CC. On voit que cette erreur d'écriture a pu facilement se glisser dans les manuscrits. L'exagération se conçoit d'autant plus facilement ici qu'il s'agissait de la plus grande forêt de la Gaule, et que le territoire de la Gaule était couvert de beaucoup de vastes forêts.

[13] On voit encore ici que les Éburons n'étaient point en armes, contrairement à l'affirmation précédente de César.

[14] Doit-on bien ajouter foi à ces malédictions que César place dans la bouche de Cativulce ? La mort de ce digne et courageux Gaulois ne ressemble-t-elle pas plutôt à celle que Caton se donna lui-même à Utique, six ans plus tard et dans des circonstances tout à fait semblables ?

[15] Ces deux peuples occupaient la région méridionale du pays de Liège. Les Condruses étaient dans le Condroz (au sud-ouest de Liège) ; et probablement les Sègnes étaient dans le pays contigu au Condroz du côté de l'ouest.

[16] Explorata re quæstione captivorum. — Probablement le véritable sens de ce passage est celui-ci : en faisant donner la question aux captifs. Mais, dans le doute, nous avons dû adopter l'autre sens, qui est plus favorable à l'auteur du récit.

[17] Si ita fecissent, fines eorum se violaturum negavit. — On voit par là que César va passer sur le territoire de ces peuples. Il est important de le remarquer.

[18] César avait donc alors en Gaule plus de onze légions, à savoir, douze cohortes, laissées précédemment à la garde du pont du Rhin, et dix légions qui figurent ici.

[19] Il y a dans le texte : — Ad flumen Scaldim, quod in finit in Mosam, extr-masque Arduennæ partes ire constituit... VI, XXXII. — Voilà encore ici une erreur géographique évidente, qu'on ne saurait imputer à César, et que nous avons dû rectifier comme l'a proposé Hubert, cité par Hotman, et comme le veut la nature des choses, en substituant Sabim à Scaldim, c'est-à-dire la Sambre à l'Escaut.

En effet : 1° L'Escaut ne se jette point dans la Meuse, mais dans l'Océan ; tandis que la Sambre se jette dans la Meuse à Namur. — 2° César vient de dire plus haut que la forêt des Ardennes s'étend, depuis les bords du Rhin et le pays des Trévires, jusqu'au pays des Nerviens (où coule la Sambre) ; or ici, arrivant des bords du Rhin, il se rend à l'autre extrémité de cette forêt qui s'étend jusqu'au pays des Nerviens ; donc, il se rend sur les rives de la Sambre. — 3° César Tient de donner à entendre que, dans cette marche, il devait traverser le pays des Sègnes et des Condruses (le Condroz) ; or, c'est précisément la direction qui le mènerait sur les rives de la Sambre. Cette même direction, il est vrai, le mènerait aussi au-delà sur les rives de l'Escaut ; mais l'Escaut est bien loin en dehors du pays des Éburons que César va ravager ; et il dira ci-après qu'il a exécuté cette marche, à partir d'Aduatuca, point presque central du pays des Éburons, pour aller sur les rives du fleuve dont il veut parler ici et revenir au point de départ, le tout dans l'espace de sept jours ; or, un si court espace de temps a bien pu suffire pour une expédition dirigée à travers le pays des Condruses et s'arrêtant sur les rives de la Sambre ; mais non pour une expédition poussée jusqu'aux rives de l'Escaut : qui exigerait de plus environ quatre journées de marche au-delà de la Sambre. Il faut donc bien lire ici dans le texte Sabim au lieu de Scaldim.

[20] Où était situé ce point de ralliement de l'armée de César, Aduatuca ?

L'emplacement du fort d'Aduatuca des Éburons a été l'objet de beaucoup de recherches de la part d'illustres savants de France, de Belgique et d'Allemagne, dont nous avons plusieurs publications sous les yeux. Oserions-nous dire qu'on n'y a peut-être pas apporté une méthode assez rigoureuse et qu'il serait possible de restreindre davantage l'incertitude qui règne encore à ce sujet, au moyen d'un Tableau synoptique de toutes les données que fournissent les divers textes de César ? Qu'on nous permette de présenter ce tableau.

Pour éviter toute confusion des choses, il est bien entendu ici que le nom d'Aduatuca, tout court, indiquera, comme dans les Commentaires (VI, XXXI), ce fort situé presque au milieu du territoire des Éburons, où Sabinus et Cotta avaient été placés en quartiers d'hiver : fort que nous distinguons nettement, soit de l’oppidum des Aduatiques situé chez ce dernier peuple sur des rochers très-escarpés, et dont César parle aussi, mais qu'il ne nomme point (II, XXIX) ; soit de la ville des Tongres, désignée au temps d'Auguste sous ce même nom, Adualtica ou Atuatuca Tungrorum, et dont nous dirons un mot à la fin de cette note.

Rappelons d'abord une remarque que nous avons faite en son lieu et dont on doit tenir compte ici, à savoir : que César n'indique nullement dans quelle direction, à partir d'Aduatuca, se mirent en marche les quinze cohortes de Sabinus et Cotta (V, XXXI). On a admis jusqu'à ce jour qu'elles se dirigèrent sur le camp de Cicéron, en se fondant pour cela sur cette parole de Sabinus dans le sein du conseil : Ad proximam legionem perventuros (V, XXIX). Mais il est certain, d'après le style habituel de César aussi bien que d'après la grammaire, que cette expression, proximam, n'offre rien de comparatifs et qu'elle indique simplement une légion très-rapprochée d'Aduatuca, comme étaient l'une et l'autre légion, aussi bien celle de Labienus que celle de Cicéron. Or, celle de Cicéron étant du côté de l'ouest et chez les Nerviens, ennemis des Romains, tandis que celle de Labienus était du côté du sud-ouest et chez les Rhèmes, amis des Romains, et Labienus lui-même étant le principal lieutenant de César, il était naturel que, pour faire retraite d'Aduatuca, les quinze cohortes allassent se réfugier auprès de Labienus plutôt qu'auprès de Cicéron. Et, de fait, les quelques fuyards qui échappèrent à la mort se dirigèrent sur le camp de Labienus (V, XXXII). Par conséquent, c'est plutôt dans la direction du camp de Labienus qu'il faut chercher la grande vallée où les quinze cohortes furent écrasées après leur sortie d'Aduatuca, que dans la direction du camp de Cicéron, comme on l'a fait, parait-il, jusqu'à ce jour.

Quelle était la distance d'Aduatuca au camp de Cicéron, à celui de Labienus, et la distance de ces deux camps entre eux ? — A cet égard, les textes fournissent trois données assez précises, à savoir (d'après la collation des manuscrits par André Frigell) : 1° que le camp de Cicéron se trouvait à environ 50 milles (75 kilomètres) d'Aduatuca ; 2° que celui de Labienus en était un peu plus éloigné (V, XXVII) : admettons un cinquième en sus, ce qui fera 60 milles (90 kilomètres) ; et 3° que ces deux camps étaient placés à environ 50 milles (75 kilomètres) l'un de l'autre (V, LI — alias LIII). De sorte que les trois lieux en question doivent se trouver placés aux trois sommets d'un triangle isocèle, dont la base, représentée par la distance d'Aduatuca au camp de Labienus, serait de 90 kilomètres, et dont les deux côtés égaux seraient de 75 kilomètres chacun.

Traçons ce triangle sur un morceau de papier, à l'échelle de la carte qu'on voudra consulter ; découpons-le exactement ; plaçons-le sur la carte, la base tournée au sud-est, le sommet au nord-ouest, et inscrivons-y, à l'angle est, l'initiale d'Aduatuca, à l'angle nord-ouest celle de Cicéron, et à l'angle sud celle de Labienus. On aura ainsi un petit moyen géographique très-simple pour contrôler et discuter clairement toutes les opinions émises au sujet de la position relative de ces trois lieux sur le terrain. Car il est obligatoire pour tous que ces trois lieux soient très-approximativement dans la position relative des trois sommets du triangle présenté sur la carte : ou bien il faut renoncer aux indications fournies par César et rester dans le vague. Usons donc nous-même tout d'abord de ce moyen.

Quelle était la position d'Aduatuca par rapport au pays des Éburons, à celui des Rhèmes et à celui des Nerviens ? — Nous connaissons assez exactement la position du camp de Labienus. Il était placé aux confins des Trévires, chez les Rhèmes (V, XXIV) : plaçons le point correspondant du triangle sur un lieu convenable de cette frontière, près de Bouillon, au nord-est de Sedan. — Le camp de Cicéron était placé chez les Nerviens ; amenons le point correspondant sur le territoire des Nerviens ; il coïnciderait assez exactement avec la position de Gembloux (déjà adoptée par la Commission de la carte de Gaule, comme étant le lieu où fut placé le camp de Cicéron). Nous pouvons donc nous en tenir là, pour voir où se serait trouvé dès lors le fort d'Aduatuca. Il tomberait sur la carte dans la région de Spa et à cinq ou six kilomètres nord-est du cours de l'Amblève, dont il faudrait traverser la vallée pour se diriger de là vers le camp de Labienus (V, XXXVI).

Fixons les idées en disant simplement qu'Aduatuca des Éburons parait avoir été situé dans les environs de Spa ; ou même tout près de Spa, si l'on veut placer le camp de Cicéron à Temploux, près de Namur. Tenons-nous-en à cette approximation, et vérifions ce premier aperçu par le rapprochement de tous les autres textes de César qui s'y rattachent.

Quelle était la situation géographique d'Aduatuca par rapport au Rhin et à la Meuse, au pays des Éburons, à celui des Aduatiques, à celui des Sègnes et des Condruses ? — Sur ces diverses questions, les Commentaires ne fournissent que des données approximatives, mais elles sont nombreuses, et toutes concordantes. Citons les principales.

Aduatuca se trouvait presque au milieu du territoire des Éburons (VI, XXXI). — La plus grande partie des Saurons était entre la Meuse et le Rhin (V, XXIV). — Or, la population éburonne dut naturellement être moins dense entre la Meuse et le Rhin, pays couvert par la forêt des Ardennes, que de l’autre côté de la Meuse, pays plus découvert ; par conséquent, à fortiori, le milieu du territoire des Éburons, et aussi Aduatuca, se trouvait entre la Meuse et le Rhin, comme est située la région de Spa.

Aduatuca était près du Rhin, dit César par la bouche de Titurius (V, XXIX). — Et pour dire cela, lui qui connaissait bien la position exacte d'Aduatuca, il s'exprime ainsi : Subesse Rhenum ; comme si nous disions en français : le Rhin est là derrière nous : le Rhin est à deux pas de nous. Mais le rôle de Titurius est d'exagérer un peu dans l'intérêt de l’opinion qu'il soutient avec force ; son expression s'applique donc assez bien à la situation géographique de Spa, qui est à trois journées de marche du Rhin.

Ambiorix, partant d'Aduatuca avec ses cavaliers, pour se rendre chez les Aduatiques, qui étaient limitrophes de ses États, poussa la marche de jour et de nuit. — Cum equitatu in Aduaticos, qui erant ejus regni finitimi, profit ciscitur : neque diem neque noctem intermittit (V, XXXVII). — Évidemment ces expressions de César impliquent l'idée d'une longue traite accomplie pour se rendre d'Aduatuca dans le pays des Aduatiques (province de Namur). Or, comme le pays des Aduatiques était contigu à la rive gauche de la Meuse, il en résulte qu'Aduatuca devait être sur la rive droite et notablement éloigné de la Meuse, comme est le lieu de Spa, De plus, on voit clairement par ce même texte que le fort d'Aduatuca, à la sortie duquel les cohortes de Sabinus et Cotta furent écrasées par Ambiorix, se trouvait très-loin du pays des Aduatiques où était situé le grand oppidum de ce peuple qui y fut précédemment assiégé par les Romains (II, XXIX).

Nous venons de voir ci-dessus que César, à son deuxième retour de Germanie, a repassé le Rhin à la hauteur du territoire des Trévires (VI, VIII et XXVIII), c'est-à-dire entre Bonn et Coblentz ; que de là, d'abord il a lancé sa cavalerie à travers la forêt des Ardennes ; puis, qu'il l'a suivie lui-même avec toute l'armée (probablement par la grande voie qui vient des bords du Rhin passer à Malmédy et Spa) ; qu'il est arrivé ainsi à Aduatuca, y a laissé tous les bagages, et a divisé l’armée en trois corps, afin de battre le pays dans trois directions à la fois. Or, pour une armée dirigée ainsi, du confluent de la Moselle et du Rhin vers le centre du territoire des Éburons, ce territoire va en s'élargissant de plus en plus devant elle. Ainsi, parvenue dans cette région moyenne, c'est-à-dire pour nous au voisinage de Spa, l'armée ne pouvait plus étendre ses ravages sur tout le territoire des Éburons sans qu'on la divisât en plusieurs colonnes, comme le fit César. Et pour que les trois corps d'armée, partant de cette région centrale, pussent dévaster complètement tout le territoire des Éburons, il fallait que l'un se dirigeât au nord, du côté des Ménapiens, entre le Rhin et la Meuse qui vont à l'Océan (ad Oceanum versus) ; qu'un autre se dirigeât à l'ouest, dans la région contiguë au territoire des Aduatiques (contiguë à la Meuse) ; et le troisième au sud-ouest, du côté des rives de la Sambre et de l'extrémité des Ardennes, par le pays des Sègnes et des Condruses (le Condroz), ainsi que l'indique César (VI, XXXII). Il ajoute que chacun de ces trois corps d'armée put accomplir son incursion dévastatrice, aller et revenir, dans l'espace de sept jours. Or, en partant ainsi de la région de Spa pour y revenir, le double trajet à exécuter en sept jours serait de 20 à 30 kilomètres par jour. (Bien entendu en admettant, d'après les raisons dites dans la note précédente, la restitution de leçon proposée : Sabim au lieu de Scaldim.) On voit donc que tous les détails de œ passage important du récit de César concordent parfaitement avec la position d’Aduatuca au voisinage de Spa.

Enfin, nous allons voir ci-après deux mille cavaliers sicambres, accourant au pillage des Éburons sur l'invitation expresse de César, passer le Rhin à trente milles (45 kilomètres) en aval du pont où vient de passer l'armée romaine, par conséquent tout à fait près de Bonn. De là, ils se dirigent du côté où se trouve César, et dans cette direction, ils arrivent à trois heures de marche d'Aduatuca, après avoir eux-mêmes dévasté le pays des Éburons, d'abord à partir du point où ils ont débarqué, puis en s'avançant davantage, attirés par le butin (VI, XXXII) : ce qui indique plusieurs étapes successives, et s'accorde très-bien soit avec la position géographique de la contrée où se trouve actuellement César, soit avec la position d'Aduatuca au voisinage de Spa.

On peut donc conclure, en définitive et par de bonnes raisons :

1° Que le véritable emplacement de l'Aduatuca des Éburons ne saurait être notablement éloigné de la région où se trouve aujourd'hui Spa ;

2° Que, dans cette région, ce fort a pu être placé au nord et à environ deux mille pas (3 kilomètres) du cours de l'Amblève (V, XXXII) ; et que la vallée de ce cours d'eau a pu être la grande vallée, — magnam convallem, — où succombèrent les quinze cohortes de Sabinus et Cotta dans leur retraite précipitée, non pas vers le camp de Cicéron, mais bien vers le camp de Labienus, le principal lieutenant de César, placé en quartiers d*hiver aux confins des Trévires, chez les Rhèmes, amis des Romains, et auprès duquel parvinrent à travers les bois ces quelques hommes seulement qui échappèrent à la mort. (V, XXXVI.)

Un dernier mot. Plusieurs savants, d'une autorité dont on doit tenir grand compte, se fondant sur la similitude du nom d'Aduatuca, mentionné par César, et sur le fait historique que les Tongres sont venus, sous Auguste, occuper le pays des Éburons exterminés par César, ont admis que l'Aduatuca des Éburons (dont César a parlé dans les termes qu'on vient de lire) était situé à la place même où l'on voit encore aujourd'hui l'Aduatuca des Tongres, la ville de Tongres, qui est effectivement indiquée dans l'itinéraire d'Antonin, dans Ptolémée, dans Ammien Marcellin, sous le nom plus ou moins exact de Aduatuca Tungrorum. Or, 1° il est clair que la position géographique de la ville de Tongres ne se trouve ni entre la Meuse et le Rhin, ni assez rapprochée du milieu du territoire des Éburons, où tous les textes de César exigent, plus ou moins strictement, qu'ait été placée l'Aduatuca de ces mêmes Éburons ; 2° il est facile de constater (au moyen du petit triangle géographique indiqué plus haut) que si l'on prend la ville de Tongres pour l'Aduatuca des Éburons, dès lors il n'est pas possible de placer en même temps aux distances voulues et le camp de Cicéron chez les Nerviens, et celui de Labienus chez les Rhèmes, aux confins des Trévires ; enfin, 3° la base même sur laquelle repose l'opinion que nous critiquons ici ne parait point solide. En effet, on peut citer plusieurs lieux différents de la Gaule qui portaient le même nom au temps de César ; par exemple : Noviodunum des Suessons (Soissons) ; Noviodunum des Éduens (Nevers) ; Noviodunum des Bituriges ; Gergovia des Arvernes ; Gergovia des Boïens... sans parler de tant de Mediolanum ou de Noviomagus... mentionnés plus tard par d'autres auteurs.

[21] En effet : quels scélérats ! Des hommes qui avaient osé défendre leur pays contre l'invasion romaine. Voilà, de la part de César, un trait d'audace morale qui mérite bien qu'on le signale.

[22] Voici donc les légionnaires en butte à une guerre de partisans (guérillas), cela ne nous paraîtrait guère explicable, si nous ne nous rappelions que ces hardis Gaulois d'Ambiorix devaient être armés des glaives des quinze cohortes qu’ils avaient précédemment écrasées dans une vallée de leur territoire.

[23] VI, XXXIII.

[24] VI, XXXIV.

[25] Probablement donc, d'après ce que nous avons dit plus haut, ce passage du Rhin par les Sicambres eut lieu très-près de Bonn.

[26] VI, XXXIV.

[27] La plus grande porte du camp, qui était placée par derrière, relativement à la position du camp en face de l'ennemi. Aduatuca des Éburons était donc bien un simple camp retranché.

[28] Qu'on se range en forme de coin, pour fendre la foule des ennemis.

[29] Sic omnium animos timor præoccupaverat, ut pæne alienata mente, deletis omnibus copiis equilatum tantum se ex fuga recepisse dicerent ; neque, incolumi exercitu, Germanos castra oppugnaturos fuisse contenderent. — Ce texte, et en général tout ce que César raconte ici de la terreur délirante de celle quatorzième légion, nouvellement levée en Italie, confirment pleinement les observations que nous avons présentées plus haut sur le véritable motif qui, l’année précédente et dans ce même fort d'Aduatuca, avait poussé les quinze cohortes de Sabinus et Cotta à en sortir. En effet : de même que la quatorzième légion, les quinze cohortes étaient composées de soldats nouvellement levés dans la Gaule cisalpine au-delà du Pô ; de même elles ont été assaillies à l’improviste et avec vigueur dans ce même lieu et loin des autres légions ; de même encore, l’attaque audacieuse d'Ambiorix a dû leur faire ajouter foi à la fausse nouvelle d'une insurrection de toute la Gaule et de l’arrivée des Germains, qu'il leur annonçait. Ainsi, dans les deux événements les situations militaires étant semblables, on est logiquement autorisé à penser que ce fut, non pas une confiance aveugle dans un prétendu serment d'Ambiorix, comme César l'a donné à entendre, mais bien une terreur aveugle d'être attaquées par les Gaulois et les Germains ensemble, qui poussa Vannée précédente les quinze cohortes assaillies par les Éburons à sortir du camp d'Aduatuca, en toute hâte et sans faire éclairer leur marche, pour se rallier à une légion voisine et confier leur salut à Labienus.

[30] Le butin ; il faut entendre par ce mot (que nous employons ici pour rendre le mot latin præda) aussi bien l'espèce humaine que les troupeaux et tout le reste.

[31] Il semblerait impossible de pousser plus loin cette basse et atroce vengeance de la défaite de Sabinus et Cotta. Néanmoins César, qui parle si souvent de sa clémence, ne voudra pas se contenter de l’affreuse probabilité qu’il vient de signaler ; et deux ans plus tard, sans nouveau motif, nous le verrons de nouveau, dans ce pays des Éburons, traquer de la même manière ceux qui auront pu lui échapper la première fois.

[32] Aujourd'hui Reims.

[33] De Accone... more majorum supplicium sumpsit. — Accon fut exécuté par les légionnaires. Dans ce genre de supplice, l'homme tout nu était suspendu par le cou, la tête prise dans une fourche, à l'extrémité supérieure d'un poteau solidement planté ; puis, il était battu de verges jusqu'à la mort. (Suétone, Nero Claudius Cæsar, XLIX.)

[34] C'est-à-dire après avoir défendu à tout le monde de les admettre au foyer ou à la table, ou sous le toit, ou dans la ville.

[35] Aujourd'hui Sens.

[36] Tacite, Agricola, XII. — Le texte nous a servi d'épigraphe pour cette PREMIÈRE ÉPOQUE de la guerre de Gaule.

[37] Suétone, Julius Cæsar, XXIV.

[38] Peuple qui occupait le pays de Langres, étendu à l'est jusqu'aux sommets des Vosges.

[39] Peuple du pays de Toul.

[40] Peuple du pays de Metz, étendu au sud-est jusqu'au Rhin.