JULES CÉSAR EN GAULE

 

TOME PREMIER

NOTICE SUR LES MOYENS MILITAIRES.

 

 

II. — ARMES DE BATTERIE, LÉGION.

MACHINES À LANCER DES PIERRES, DES PIEUX, DES TRAITS (TORMENTA.) - ORGANISATION, FORCE NUMÉRIQUE, MATÉRIEL DES LÉGIONS DE CÉSAR EN GAULE.

 

§ I. — Armes de batterie.

 

Les machines de guerre dont nous voulons parler maintenant sont les balistes, les catapultes (ou onagres), les scorpions (ou manubalistes), les arcubalistes, les fustibales, etc. Voici leur définition sommaire, que nous trouvons dans Végèce.

La baliste a pour ressort des cordes de boyau (et même de simples cordes). Plus elle a les bras longs, c'est-à-dire plus elle est grande, plus loin elle lance les traits. Si elle est combinée suivant l'art de la mécanique, et dirigée par des hommes exercés, qui aient d'avance étudié sa portée, ses traits pénètrent dans tout ce qu'ils frappent.

Quant à l'onagre, il lance des pierres[1] ; mais, suivant la grosseur et la grandeur des cordes de boyau, il peut, jeter des masses de roche ; car, plus il est grand, plus grosses sont les roches qu'il lance comme la foudre.

On ne connaît aucune machine de guerre plus puissante que ces deux espèces-là.

Ce qu’on appelle aujourd'hui manubalistes était appelé jadis scorpions. On leur a donné ce nom parce qu'ils portent la mort au moyen de petits dards très-perçants.

Il me paraît superflu de décrire les fustibales, les arcubalistes et les frondes, que chaque jour nous voyons employer. Mais disons que les plus lourdes roches lancées par l'onagre, non-seulement broient les chevaux et les hommes, mais encore brisent les machines des ennemis[2].

Les scorpions ou manubalistes paraissent, d'après ce dernier nom, avoir été des balistes à main, c'est-à-dire portatives et dont un homme seul pouvait faire usage ; tandis que les grandes baliste,s nécessitaient, comme nous le verrons plus loin, des attelages pour les transporter, et des hommes nombreux pour les servir.

Les fustibales étaient sans doute, comme leur nom l'indique, des bâtons destinés à lancer des pierres ou des balles de plomb, de même qu'avec une fronde. Pour avoir un instrument de ce genre, il suffit d'adapter au petit bout d'un bâton un godet de cuir, comme l’on le voit au bâton qui sert au jeu du volant. Voici, du reste, un texte du même auteur qui montre l'emploi du fustibale sur le champ de bataille. En effet, dit-il, contre des guerriers munis de casques, de cottes de mailles, de cuirasses, souvent d'assez petites pierres, lancées à la fronde ou au fustibale, produisent plus d'effet que toutes les flèches[3].

Dans les arcubalistes, l’on reconnaît facilement nos arbalètes, dont les dimensions peuvent varier de grandeur.

Citons encore ce que dit ailleurs Végèce d'une autre arme de jet très-remarquable, qu’on doit retrouver, suivant nous, sous un autre nom, à la main des légionnaires de César dans leurs retranchements devant Alésia, et dont personne, que nous sachions, n'a pu jusqu'à ce jour donner une explication satisfaisante. C’était une arme des légionnaires, gravis armatura, une arme réglementaire, lancée simplement à la main comme le pilum, mais portant plus loin et frappait avec beaucoup de force. Ce ne peut être que des bâtons flexibles, plombés au gros bout, qu’on saisissait par le petit bout et qu’on lançait à tour de bras. On les appelait, en effet, plumbatœ. Voici ce qu'en dit Végèce[4] : Il faut aussi démontrer aux jeunes soldats l'exercice des plumbatœ (qu’on appelle martiobarbuli[5]). Car autrefois, en Illyrie, il y eut deux légions de six mille hommes qui furent appelés les Martiobarbuli, parce qu'ils se servaient adroitement et vaillamment de cette sorte de traits. Il est certain que pendant longtemps ils ont très-vivement mené à fin toutes les guerres ; à ce point que Dioclétien et Maximien, après être arrivés à l'empire, pour récompenser la vaillance de ces Martiobarbuli, leur firent donner le nom de Joviani et de Herculiani[6], et qu'ils les préférèrent, nous dit-on, à toutes les autres légions. Or la coutume est de porter cinq martiobarbuli insérés au bouclier ; et lorsque, le moment venu, les soldats en font usage, l’on voit ces soldats, munis de boucliers[7], faire presque l'office d’archers. Car l’on peut ainsi blesser grièvement les ennemis et les chevaux, non-seulement avant d'être assez près pour en venir aux mains, mais encore avant d'être arrive à portée des javelots.

Toutes ces machines de guerre des anciens, qu’on croit généralement aujourd'hui être tombées en désuétude, surtout depuis l'invention de la poudre, se sont cependant conservées traditionnellement parmi les jeux de l'enfance, dans nos provinces voisines de l'Italie[8].

 

§ II. — Organisation des légions.

 

Jetons maintenant un coup d'œil rapide sur l’ensemble des moyens militaires d’une armée romaine, en hommes et en matériel, à une époque ancienne, relativement à celle où Végèce écrivait[9].

Une armée romaine se composait de légions, gravis armatura, d'auxiliaires, auxilia, levis armatura, et de vétérans rappelés, evocati, triarii. L'unité de force d'une armée était la légion, qu'il importe de considérer en détail pour apprécier toute guerre des Romains.

Le plus petit groupe de légionnaires, milites, combattant régulièrement ensemble, était de 10 soldats, qui constituaient un manipule, manipulus, avec un chef, decanus, le dizenier ; en tout, 11 hommes.

Dix manipules constituaient une centurie, centuria, de 110 hommes, avec un chef, le centurion, centurio ; en tout, 111 hommes, avec un signe de ralliement particulier, vexillum.

Cinq centuries constituaient une cohorte, cohors, de 555 hommes ; dirigés par un chef, le tribun, tribunus, ou le préposé, præpositus ; sous un étendard particulier, signum.

La première cohorte, cohors prima, milliaria, faisait exception. Elle était composée de soldats d'élite et en nombre double, comparativement aux autres cohortes : d'où son nom de milliaire, cohorte des mille. De plus, ces mille hommes d'élite étaient répartis en cinq compagnies ou ordres, compris ensemble sous la dénomination de premiers ordres, primi ordines, ou ordres supérieurs, superiores ordines ; mais qui étaient distincts entre eux, soit par le rang hiérarchique, soit par le nombre d'hommes de chaque ordre, soit par le chef particulier qui le dirigeait, qui ordinem ducebat. Le premier ordre était composé de quatre centuries, 440 hommes, ayant à leur tête le centurion primipile, centurio primipili ou primipilus ; le second était composé de deux centuries, 220 hommes, diriges par le premier hastaire, primus hastatus ; le troisième était d'une centurie et demie, 165 hommes, sous la conduite du premier prince, prtn-cq)s prior ; le quatrième d'autant, 165 hommes, sous le second hastaire, secundus hastatus ; le quatrième ne présentait qu'une centurie, 110 hommes, sous la direction du premier triaire, triarius prior. La première cohorte comprenait donc en tout 1.105 hommes d'élite. Elle était toujours commandée par un tribun, tribunus militum. C'était elle qui portait l'aigle, aquila legionis, que toute la légion devait suivre.

La cavalerie d'une légion était constituée par turmes, turmæ equitum legionariorum. Une turme, ou décurie, se composait de 32 cavaliers, ayant à leur tête le décurion, decurio ; en tout, 33 cavaliers ; se guidant sur un signe de ralliement particulier, vexillum. C'était donc un groupe analogue à la centurie.

La première cohorte d'une légion était accompagnée de quatre turmes (132 cavaliers). Chacune des autres cohortes était accompagnée de deux turmes (66 cavaliers). Les cavaliers légionnaires étaient cuirassés, loricati.

Une légion romaine présentait donc sous les armes 6.100 hommes d'infanterie et 726 hommes de cavalerie ; en tout, 6 826 combattants. Toute légion complète, legio plena, devait présenter, dit Végèce, au moins ce nombre d'hommes sous les armes ; assez souvent elle était plus forte, quand l’on donnait l’ordre d'y porter plusieurs cohortes à 1.000 hommes. On devait toujours remplir les vides sans aucun retard[10].

Telle était l'organisation d'une légion. Pour en apprécier les avantages, considérons la légion en ligne de bataille avec ses accessoires.

Dans une bataille régulière, les légions se rangeaient sur la ligne générale, chacune séparément, avec des intervalles entre deux légions voisines, entre les cohortes d'une légion et entre les centuries d'une cohorte : c'est par ces intervalles qu'agissaient les autres troupes, levis armatura, auxilia ; elles sortaient en avant pour combattre ou poursuivre les ennemis, elles rentraient par le même chemin pour se réfugier derrière la légion, La légion dans le combat devait rester ferme comme un mur de fer, dit Végèce, sans jamais ni fuir ni poursuivre, nec fugere, nec sequi. L'ordre de combat était le même dans toutes les légions d'une armée romaine en bataille et dans toutes les batailles ; il était réglementaire. Il nous suffit donc de l'indiquer dans une seule légion, pour qu'il soit connu dans toutes les batailles où le récit n'indique rien de particulier.

La cavalerie de la légion se massait aux deux ailes.

Sur la première ligne d'infanterie, la première cohorte, avec l'aigle, prenait position à droite : la seconde cohorte se plaçait à gauche de la première : la troisième à gauche de la seconde : et ainsi de suite jusqu'à la cinquième cohorte, qui se trouvait à l'extrême gauche de cette première ligne de bataille.

Sur la seconde ligne, la sixième cohorte prenait place à droite derrière à première cohorte : la septième à gauche de la sixième : et ainsi de suite jusqu'à la dixième cohorte, qui se trouvait derrière la cinquième, et qui devait toujours être à l'extrême gauche de la seconde ligne de bataille, dit Végèce.

Les troisième, cinquième, sixième, huitième et dixième cohortes, qui constituaient avec la première les ailes et le centre de chaque ligne de la légion ainsi rangée, devaient être composées d'hommes de choix. Tous les légionnaires étaient munis du casque, de la cuirasse, de jambarts, du fort bouclier, du gladius, de cinq plumbatœ placées au bouclier et qu'ils lançaient au début du combat. Ils avaient de plus deux pila qui, bien lancés, pouvaient percer un fantassin à travers son bouclier, un cavalier à travers sa cuirasse. Les légionnaires de la première ligne de bataille étaient appelés les princes, principes, et ceux de la seconde ligne, les hastaires, hastati.

Derrière ces deux lignes de légionnaires étaient placés les auxiliaires, avec le bouclier, les plumbatœ, le gladius et les pila. Il s'y trouvait encore des archers munis du casque, de la cuirasse, du gladius, de traits et d'arcs. Il s'y trouvait des frondeurs qui lançaient des pierres à la fronde et au fustibale. Il s'y trouvait des tragularii, qui tiraient des traits avec la manubaliste ou l'arcubaliste.

Derrière toutes les lignes de troupes ainsi rangées venaient les triaires : lesquels, armés comme les légionnaires et les genoux à terre[11], se tenaient prêts, au cas où la première ligne serait vaincue, à rétablir le combat et à faire un nouvel effort pour saisir la victoire.

Dans le combat, c'étaient les tribuns qui dirigeaient les cohortes, ou la légion[12].

On voit César mettre ses lieutenants à la tête des légions, pour les conduire et les commander dans leurs quartiers d'hiver ou dans une expédition, ou bien encore pour y être témoins de la bravoure de chacun dans une bataille[13].

Telles étaient l'organisation et la force numérique des légions romaines, à une époque déjà ancienne du temps de Végèce ; et toutes les indications qu’on trouve à ce sujet dans les Commentaires, notamment dans le cinquième livre sur la guerre de Gaule, induisent à penser que telles étaient l'organisation et la force numérique des légions de César dans cette guerre. Il importe de constater leur force numérique d'une manière positive.

 

§ III. — Force numérique des légions de César en Gaule.

 

La force numérique des légions de César, en Gaule, est la seule base sur laquelle repose l'évaluation des forces contre lesquelles nos aïeux eurent à se défendre ; à cet égard, nous avons le regret d'être en désaccord, du simple au double, avec l'éminent auteur de l’Étude d'une campagne de César en Gaule[14] ; et l'autorité qui s'attache si justement à son œuvre, non moins que l'intérêt de ce point historique, nous imposent l'obligation de parvenir à l'évidence et de présenter ici les textes mêmes de César.

Le texte fondamental est un passage où César dit qu'il avait dans son camp à peine sept mille hommes[15] ; la question est de savoir s'il avait avec lui deux légions, ou une seule ? Nous disons une seule.

Pour le constater, remontons un peu plus haut dans le récit, et suivons la série des indications qui se succèdent[16]. Au second retour de Bretagne (Angleterre), César se rend à Samarobriva (Amiens), d'où il envoie ses légions s'établir dans leurs quartiers d'hiver. Il a huit légions et cinq cohortes. Fabius va, avec une légion, s'établir chez les Morins (au sud et près de Saint-Omer) ; Crassus va, avec une seconde légion, chez les Bellovaques (au nord et près de Beauvais) ; Labienus, avec une troisième, va chez les Rhèmes, aux confins des Trévirs (région de Mézières) : ces trois légions sont celles qui s'éloignent le moins de Samarobriva. Q. Cicéron (frère de l'orateur) se rend, avec une quatrième légion, chez les Nerviens (à l'ouest et non loin de Namur) ; Roscius, avec une cinquième, va chez les Essui (au voisinage de l'Armorique) ; Munatius Plancus, avec une sixième, et Tribonius, avec une septième, vont chez les Belges[17] ; Sabinus et Cotta, avec une huitième légion et, de plus, cinq cohortes, vont chez les Éburons (près de Liège et, semblerait-il, entre la Meuse et le Rhin). César reste à Samarobriva, avec de la cavalerie (probablement ses quatre cents Germains[18]) qu'il établit dans le voisinage.

Quinze jours environ après que les légions furent parvenues dans leurs quartiers respectifs, Ambiorix et Cativulcus, chefs des Eburons, font appel aux armes, attaquent Sabinus et Cotta dans leur camp, les induisent par de fausses nouvelles à en sortir, les surprennent dans les bois, au fond d'une vallée, et les entourent. Les Gaulois harcèlent les Romains, sans jamais tenir contre eux de pied ferme ; ils les accablent de traits et de pierres ; les quinze cohortes périssent entièrement, chefs et soldats, sauf quelques fugitifs qui, se dirigeant comme ils peuvent et à la faveur des bois, parviennent auprès de Labienus. Ensuite Ambiorix pousse les Atuatiques et les Nerviens à se joindre aux Éburons ; tous ensemble vont assaillir Q. Cicéron dans son camp. Ils tâchent, par la même ruse, de l'en faire sortir comme ses collègues ; mais Q. Cicéron, plus circonspect, ne sort point du camp, s'y défend avec courage, et trouve, à prix d'or, le moyen de faire parvenir une lettre à César.

Au reçu de cette lettre, César envoie l’ordre à Crassus d'accourir avec sa légion à Samarobriva et à Fabius d'amener la sienne dans le pays d'Arras, sur un point de la route ou il sait qu'il doit lui-même passer. Il mande par lettre à Labienus de se rendre avec sa légion chez les Nerviens : toutefois, il le laisse juge de ce qu'il a de mieux à faire. Pensant que les autres légions étaient trop éloignées pour qu'il pût les attendre, César rassemble environ quatre cents cavaliers, tirés des quartiers du voisinage ; et, à la troisième heure environ (neuf heures du matin), les premiers coureurs étant venus lui annoncer que Crassus arrive à Samarobriva, lui-même part et fait vingt milles ce jour-là ; après avoir laissé à Crassus l'ordre de prendre le commandement de Samarobriva et d'y rester avec sa légionCrassum Samarobrivœ prœficit ; legionemque ei attribuit, — attendu qu'il y laissait les bagages de l'armée, les otages des cités, les papiers ce publics ; et toute la provision de blé amassée pour l'hiver[19]. Il rencontre Fabius au point du rendez-vous désigné. Labienus, dans une lettre, où il l’informe en détail de tout ce qui s'est passé chez les Éburons, lui représente qu'il ne pourrait faire sortir sa légion des quartiers d'hiver sans l'exposer au plus grand péril ; il lui apprend que toutes les troupes des Trévirs (Trêves), infanterie et cavalerie, sont campées à trois milles de lui.

César approuve la prudence de son lieutenant ; et bien que, de trois légions dont il comptait disposer, il fût réduit à deux seulementetsi opinione III legionum ad II redierat[20]. — Néanmoins, ne voyant aucune chance de salut commun que dans la célérité, il se rend à marches forcées dans le pays des Nerviens. Là, pour tromper les Gaulois sur la force numérique de son petit corps d'armée et les attirer au combat, dans une position désavantageuse pour eux, il fait resserrer son camp le plus possible, bien qu'il ne fût déjà point nécessaire de le faire bien grand, dit-il, pour à peine sept mille hommes, et même sans aucuns bagagesetsi erant exigua per se vix hominum millium VI à prœsertim nullis cum impedimentis[21].

Du rapprochement et de l'accord de toutes ces indications, il résulte clairement : que César avait envoyé des ordres àfrow légions, dont il comptait pouvoir disposer ; mais que, celle de Labienus ayant dû rester dans ses quartiers d'hiver, César s'est trouvé réduit à ne disposer que de deux légions ; qu'il a disposé de celle de Crassus pour garder Samarobriva, où se trouvait le matériel de son armée, et de celle de Fabius pour aller au secours de Q. Cicéron chez les Nerviens. Ici, donc, César n'avait dans son camp qu’une seule légion, celle de Fabius, et, par conséquent, la force numérique de cette légion était de presque six mille six cents hommes : car il faut tenir compte des quatre cents cavaliers qui sont partis de Samarobriva avec César[22].

Ainsi, la force numérique d'une légion de César ; dans la guerre de Gaule, était de presque 6.600 hommes, d'après lui-même. Or, les indications détaillées de Végèce nous conduisent à admettre une force numérique de 6.826 hommes.

Nous en pouvons conclure que nos deux auteurs militaires s'accordent parfaitement ; — car, remarquons-le bien, cette légion dont César nous a fait connaître la force numérique, venait de faire campagne pendant la belle saison ; elle était partie de ses quartiers d'hiver en toute hâte ; d'où évidemment avait dû résulter une diminution de son effectif. Cette diminution, un trentième, dans de telles circonstances, nous parait même assez faible, pour permettre de penser que les légions de César présentaient peut-être — comme l’on le voyait assez souvent dans les légions romaines, d'après Végèce —, plus d'une cohorte portée à mille hommes, et que déjà ce grand capitaine avait confiance dans les gros bataillons. C’est aux militaires qu'il appartient d'en juger.

On a invoqué un autre texte où César indique le nombre de cohortes et le nombre d'hommes qui combattaient à Pharsale, de part et d'autre[23]. Pompée avait en ligne 45.000 légionnaires fantassins[24], constituant 110 cohortes ; et César, 22.000 légionnaires, en 80 cohortes. Ainsi, une légion de Pompée présentait, en moyenne, 4.090 hommes d’infanterie, et, une légion de César, 2.750.

Mais, à ce sujet, quand l’on examine avec soin l’ensemble des indications que nous fournît le récit de cette guerre civile des Romains dont la Grèce fut le théâtre, l’on voit clairement que, si l’on acceptait le chiffre ci-dessus comme étant l’expression de la force numérique dès légions de César en Gaule, l’on tomberait dans l’erreur de plus de moitié en moins.

En effet : 1° Déjà au départ d'Italie les légions de César étaient bien loin de présenter un effectif complet. Il le dit lui-même[25] ; Labienus le répète à Pharsale[26] ; l’un et l’autre énumèrent les causes qui ont éclairci leurs rangs. Ce sont : 1° les derniers combats de Gaule ; les fatigues excessives de l'expédition d'Espagne ; la rentrée d'une partie des légionnaires dans leurs foyers ; un automne malsain, qui a rendu malade toute l'armée aux environs de Brindes, en sorte que, outre les morts, il a fallu, au moment de rembarquement, laisser à terre beaucoup de malades ; 2° depuis le départ d'Italie jusqu'à la bataille de Pharsale, lés légions des deux armées avaient fait de grandes perles, non-seulement dans les combats acharnés qui eurent lieu près de Dyrrachium, mais encore dans le camp de César par la famine, dans celui de Pompée par les maladies ; et ces pertes n'avaient pu être réparées, ni d'un côté, ni de l'autre, attendu que Pompée, étant maître de la mer, et César, maître de l’Italie, ni l'un ni l'autre n'avaient pu en tirer de recrues ; 3° Malgré ces pertes, du côté de Pompée, une légion présentait encore 4.090 fantassins ; 4° César lui-même nous dit que ses deux légions de l'aile gauche, réunies ensemble, présentaient à peine l’effectif d'une seuleut pene unam ex duabus efficeret[27]. Prenons le double du chiffre moyen 2.750 : c'est 5.500. Ainsi, d'après César lui-même, la force numérique de l’infanterie d'une légion romaine excédait, de son temps, 5.500 hommes ; et Végèce, qui écrivait d'après d'anciens auteurs, la porte exactement à 6.100 hommes. Nos deux auteurs militaires sont donc de même ici très-approximativement d'accord. Du reste, dans toute cette appréciation comparative des forces de son rival et des siennes. César n’a-t-il absolument rien exagéré dans l’intérêt de sa propre gloire ?

Nous nous croyons donc autorisé à admettre définitivement que, dans la guerre de Gaule, la force numérique d'une légion de César, en cours de campagne, était approximativement et en nombre rond, de six mille hommes, tout compris, infanterie, cavalerie et vétérans rappelés ou volontaires[28].

 

§ IV. — Matériel des légions de César en Gaule.

 

Mais la force de la légion, dit Végèce, ne consiste pas seulement dans ses hommes ; elle consiste encore dans son armement de moyens de toute sorte. Avant toute autre chose, l’on la munit de traits auxquels ni cuirasse ni bouclier ne peuvent résister. C'est pourquoi il est d'habitude que dans une légion chaque centurie ait sa carrobaliste[29], traînée par des mulets, et servie par un manipule à tour de rôle, non-seulement pour la défense du camp, mais encore sur le champ de bataille, où sa place est derrière les troupes pesamment armées, et où ses coups transpercent les cavaliers avec leur cuirasse, les fantassins avec leurs boucliers. Or, dans une légion, l’on a d'habitude cinquante-cinq carrobalistes[30]. On a de plus dix onagres, c'est-à-dire un onagre par cohorte, sur un chariot traîné par des bœufs, afin que, si les ennemis se hasardent à venir attaquer le camp, l’on puisse le défendre à coups de traits et de blocs de pierre. La légion porte aussi avec elle des bateaux pour passer les fleuves, des harpons, des grappins et de très-longues cordes. Elle a, pour faire les travaux des fossés, des boyaux, des houes, des pics, des leviers, des râteaux, des civières, des paniers pour porter la terre. Elle a des dolabres, des haches, des doloires, des scies, pour couper et scier le bois et les pieux. Elle a en outre des ouvriers avec toutes sortes d'objets de fer, pour attaquer les places des ennemis, établir les tortues, les muscules, les béliers, les vignes (comme l’on les appelle), et aussi les tours ambulatoires. En un mot, tout ce qu’on croit pouvoir être nécessaire dans une guerre de quelque nature qu'elle soit, une légion doit l'emporter partout avec elle, afin de pouvoir, où qu'elle établisse son camp, y constituer une cité armée, armatam civitatem[31].

Quand l’on lit Végèce avec attention, il est bien facile de reconnaître que tout ce qu'il vient de nous rapporter n'était nullement nouveau de son temps, c'est-à-dire quatre siècles et demi après la guerre de Gaule ; au contraire, souvent il s'appuie sur la coutume militaire des anciens et demande qu’on y revienne. Mais une probabilité ne saurait nous suffire. Nous allons donc tâcher de démontrer que, en général, toutes les machines de guerre dont il vient d'être question étaient connues des Romains, au temps de César, et que ses légions en ont fait usage dans la guerre de Gaule. Nous nous bornerons à établir ces deux points ; car, cela admis, l’on voit assez quels terribles ravages de tels moyens de destruction ont dû exercer dans une bataille parmi les masses de Gaulois armés à la légère, et quels avantages cela donnait à l'armée de Jules César en Gaule.

Folard, qui a traité avec de grands développements la question de l'attaque et de la défense des places chez les anciens[32], a fait beaucoup de recherches concernant leurs grandes machines de jet ou batteries, comme il les appelle, de même que dom Thuillier dans sa version de l'histoire de Polybe. Les auteurs latins, et César en particulier, désignent toutes ces machines indistinctement sous le nom générique de tormenta[33].

Folard s'est occupé uniquement des machines employées par les anciens à l'attaque ou à la défense des places, et qui correspondent à nos batteries de siège ; ce ne sont pas celles-ci qui nous intéressent le plus, et leur examen nous entraînerait trop loin avec cet auteur ; nous allons donc nous contenter de lui emprunter l’indication d'un texte important au sujet de l’invention de ces sortes de machines, et de dire un mot sur leur emploi chez divers peuples. Mais celles que Végèce nous a fait connaître ci-dessus, qui étaient installées sur des roues, comme nos batteries de campagne, et que les anciens employaient sur les champs de bataille, celles-là nous intéressent beaucoup. Ainsi, à leur égard, nous insisterons pour démontrer positivement, par plusieurs textes, que déjà César les a employées dans toutes ses guerres, notamment dans celle de Gaule.

Folard fait avec raison remonter aux anciens peuples de l'Asie l'invention des grandes machines de jet employées dans l'attaque et la défense des places avant l'invention de la poudre. On en trouve la preuve dans un texte de la Bible que nous allons citer après lui, en le complétant, pour donner, à cette occasion, un aperçu général des armes usitées avant l'époque appelée, dans l'histoire profane, temps historiques.

Osias (ou Azarias) fit préparer pour eux, c'est-à-dire pour toute son armée, des boucliers, et des lances, et des casques, et des cuirasses, et des arcs, et des frondes c à lancer des pierres. Et il fit exécuter dans Jérusalem des machines de divers genres, qu'il plaça sur les tours et aux angles des murs, pour lancer des traits et de gros blocs de roche[34].

On ne peut méconnaître dans ce texte l’indication de remparts construits en ligne brisée, flanqués de tours aux sommets des angles[35] et munis de machines à lancer des traits et des pierres. Voilà donc déjà, avant l’ère de Rome, avant l’ère des Olympiades, les Hébreux faisant usage de toutes les armes perfectionnées que nous trouvons plus tard employées par d'anciens peuples, considérés comme les maîtres dans l'art militaire. Qui donc peut dire où remonte l’invention de toutes ces armes ? Car l’épée, dont il n'est pas fait mention dans le texte ci-dessus, se retrouve partout dans l'histoire du peuple hébreu, à commencer au sacrifice d'Abraham.

Les Grecs paraissent avoir employé, pour la première fois, les machines à lancer des traits et des pierres, trois siècles et demi après le règne d'Osias, à la fin de la quatre-vingt-quatrième olympiade, au siège de Samos par Périclès.

L'histoire de Polybe fut connue de tous les Romains dès qu'elle parut : car Polybe écrivait à Rome, dans la maison des Scipions, au temps de Scipion Emilien, c'est-à-dire à la fin du sixième et au commencement du septième siècle depuis la fondation de la Ville, un siècle avant Jules César. Or Polybe, dans son histoire, parle souvent de machines à lancer des traits et des pierres, sans même les décrire, comme si de son temps elles étaient déjà connues de tout le monde, à Rome et ailleurs. Il dit que Philippe (dernier roi macédonien de ce nom), au siège de Thèbes en Phthiotide, avait cinquante catapultes et vingt-cinq machines à lancer des pierres. Tout porte à penser qu'ici il s'agît des deux mêmes espèces de machines que Végèce a indiquées ci-dessus ; mais que Polybe en parle sans donner aucun nom particulier à celle que Végèce appelle onagre, et en appelant catapulte celle que Végèce appelle baliste[36].

Citons encore de Polybe quelques traits de son histoire du siège de Syracuse par les Romains (l'an de Rome 542), où nous trouverons des détails concernant le jeu de diverses machines usitées alors dans les sièges.

Tout étant prêt, dit Polybe, les Romains pensaient à attaquer les tours. Mais Archimède avait aussi, de son côté, disposé des machines pour lancer des traits à quelque distance que ce fût. Les ennemis étaient encore loin de la ville, qu'avec des balistes et des catapultes plus grandes et plus bandées, il les perçait de tant de traits qu'ils ne savaient comment les éviter. Quand les traits passaient au delà, il en avait de plus petites et proportionnées à la distance : ce qui causait une si grande confusion parmi les Romains, qu'ils ne pouvaient rien entreprendre ; de sorte que Marcellus, ne sachant quel parti prendre, fut obligé de faire avancer sans bruit ses galères pendant la nuit. Mais, quand ils furent vers la terre à portée du trait, Archimède inventa un autre stratagème contre ceux qui combattaient de leurs vaisseaux. Il fit percer des trous dans la muraille à hauteur d'homme et de la largeur de la main. Par là, l’on tirait des flèches et de petits scorpions qui mettaient hors de combat les soldats romains. De cette manière, soit que les ennemis fussent éloignés ou qu'ils fussent proche, non-seulement il rendait tous leurs projets inutiles, mais encore il en tuait une grande partie.... Telles des machines jetaient des pierres qui ne pesaient pas moins de dix talents[37], et d'autres des masses de plomb d'une égale pesanteur.... Tel fut le résultat du siège par mer.

Appius, ayant souffert des mêmes difficultés, s’était aussi désisté de son entreprise. Quoique son armée fût encore bien loin de la ville, elle était accablée des pierres et des traits que lançaient les balistes et les catapultes.... et lorsque les Romains s'approchaient de la ville, repoussés par les traits qui leur étaient jetés à travers la muraille, ils faisaient des efforts superflus. Si, couverts de leurs boucliers, ils avançaient avec violence, ils étaient assommés des pierres et des poutres qu’on leur faisait tomber sur la tête.... Ce consul s'étant donc retiré dans son camp et ayant assemblé son conseil, l’on y résolut de tenter toutes sortes de moyens pour surprendre Syracuse, à l'exception d'un siège en forme...

Tant un seul homme et une seule science ont de force dans quelques occasions, quand l’on sait les employer à propos[38].

Il résulte de là que, six siècles environ avant l'époque où Végèce écrivait, les armées romaines avaient éprouvé, sur terre et sur mer, la puissance des diverses machines de jet que cet auteur militaire indique dans l'armement des légions. Or les Romains n'étaient pas un peuple pour qui la leçon d'Archimède pût être perdue, et même qui pût différer d'en faire son profit. Jules César non plus, qui connaissait indubitablement l'histoire de Polybe, n'était pas homme à négliger, dans ses guerres ambitieuses contre les barbares, des moyens qui avaient été employés avec tant de succès contre les Romains eux-mêmes.

Du reste, cherchons dans les Commentaires.

Voici d'abord, dans la guerre contre les Belges, un passage où César emploie les machines, tormenta, sur un champ de bataille. Il a rangé son armée devant son camp, sur le plateau d'une colline dont les versants peuvent être gravis par l'ennemi, de front et des deux côtés ; là, pour se couvrir, César fait mener sur la colline, tout le long de chaque flanc de son arrivée, deux fossés, qu'il termine en avant par deux redoutes, où il place des machines, afin que son armée rangée dans cette position ne soit point, durant le combat, exposée à être entourée par les ennemis sur ses flancs découverts[39].

César opère sa première descente en Bretagne (en Angleterre). Les Bretons se présentent sur la plage pour l'empêcher de débarquer. César fait avancer par côté des vaisseaux longs, portant des frondeurs, des machines, t des archers pour repousser et écarter de là les ennemis.... et à l'effet tout nouveau pour eux de ce genre de machines, les barbares troublés restent immobiles, puis un instant après lâchent pied[40].

Dans la guerre contre les Bellovaques (Beauvoisis), César, sur le plateau d'une longue colline, fait marcher les légions en ordre jusqu'à l'extrémité : là, il les range en bataille, dans une position d'où, avec les machines, l’on pouvait lancer des traits dans les masses des ennemis[41].

Chez les Cadurces (Quercy), au siège d'Uxellodunum, place forte située sur une montagne, César, d'un versant opposé à cette montagne, a fait établir une chaussée de soixante pieds de hauteur, et sur la chaussée une tour de six étages ; étant ainsi parvenu à dominer une source qui se trouvait au pied du mur de la place et où les assiégés prenaient leur eau, il fait battre du haut de la tour par ses machines les abords de la source. Les assiégés ne pouvant plus aller à l'eau qu'au péril de la vie, non-seulement les troupeaux et les bêtes de charge, mais encore un grand nombre d'hommes étaient consumés par la soif[42].

Voilà quelques exemples particuliers des avantages que les machines donnèrent à César dans la guerre de Gaule. Nous en rencontrerons d'autres exemples dans le cours de ce travail. Nous retrouverons toutes les machines décrites par Végèce : tormenta, scorpiones, plumbatæ, fustibali, etc., avec les mêmes noms, ou sous d'autres noms, mais avec des indices suffisants pour constater l'identité des machines. Si l’on examine les autres guerres de Jules César, l’on voit partout les légions ayant leurs machines avec elles. On les voit s'en servir en Italie[43], en Grèce[44], en Afrique[45], en Espagne[46]. Citons seulement deux passages du Commentaire sur la guerre d'Afrique, où l’on voit positivement que, dans l'armée de Jules César, c'était la coutume militaire que les légions eussent avec elles toutes les machines et tous les accessoires dont parle Végèce. Peu de jours après sa descente en Afrique, n'ayant encore avec lui qu'un tiers de ses légionnaires, et quelques hommes armés à la légère tirés des équipages de ses vaisseaux, César a établi son camp auprès de Ruspina[47], oppidum situé à trois kilomètres d'un port. Il y est serré de près par Scipion, Labienus et Pétreius, aidés de troupes numides envoyées par le roi Juba. César, afin d'assurer ses communications avec Lilybée, port de Sicile[48], où il veut renvoyer ses vaisseaux pour y embarquer un second corps de troupes, a fait mener deux retranchements qui relient le port de Ruspina à l’oppidum et à son camp. Voici ce qui s'y passe, d'après le récit d'Hirtius.

César fait débarquer et transporter au camp toutes les machines Il fait établir des ateliers pour travailler le fer ; il prend soin qu’on fasse beaucoup de flèches et de traits ; il fait couler des balles, il fait provision de pieux ; il envoie en Sicile des lettres et des messagers, pour qu’on lui fournisse des bois de toute sorte, du bois mince à faire des claies et du gros à faire des béliers, chose dont l’on manque en Afrique ; pour qu’on lui envoie, en outre, du fer et du plomb.... Quant aux scorpions, aux catapultes et autres armes de jet, qu’on a coutume de disposer pour repousser de loin l'ennemi, il en avait une grande quantité[49].

Or, dans ce même camp où l’on est si actif, où l’on est déjà si bien muni de machines de guerre et de tout ce qui sert à forger, à fabriquer des armes, à exécuter les travaux de retranchements, où il ne manque rien de tout ce qu'exige le combat, aucun soldat n'a encore avec lui ce qui est à son usage personnel. Car, dit Hirtius, César avait fait transporter son armée de Sicile sans permettre que, outre les légionnaires eux-mêmes et les armes, aucun vase, aucun esclave, ni rien de ce dont le soldat a coutume de se servir, fût chargé sur les vaisseaux[50].

Du reste, l’on voit en Gaule les légions exécuter toute sorte de travaux : l’on les voit même construire des vaisseaux, et en grand nombre[51]. On les voit, sur une terre inconnue où elles viennent de mettre le pied (en Angleterre), employer à réparer des vaisseaux maltraités par une tempête le bois et le bronze de ceux qui ont le plus souffert, et exécuter ce travail complexe, difficile, sans autres ressources que leurs propres moyens, leur matériel ordinaire de légion[52]

Les machines de guerre et les accessoires dont parle Végèce étaient donc bien déjà, du temps de Jules César, considérés comme faisant partie des armes de la légion, inhérents à elle, et devant l'accompagner toujours, partout, ainsi que le dit cet auteur.

Donc, en résumé, nous devons admettre comme suffisamment démontré, que Jules César, dans la guerre de Gaule, avait des légions d'une force numérique d'environ six mille combattants, parfaitement organisées, et munies du matériel que nous venons d'examiner.

 

 

 



[1] César, ainsi que les auteurs grecs, appelle catapulte une machine qui servait aussi à lancer les pierres, et il ne parle point de l’onagre ; or, comme Végèce, de son côté, ne parle point de la catapulte, cela fait penser que, sous ces deux noms, il s'agit de la même machine.

[2] VÉGÈCE, De re militari, IV, XXII.

[3] I, XVI.

[4] I, XVII.

[5] Barbus, barbeau : Martio-barbuli, barbillons de Mars. Sans doute parce que la queue du bâton plombé oscille dans l'air comme celle du poisson dans l'eau.

[6] Fils de Jupiter, fils d'Hercule.

[7] C'est-à-dire pesamment armés.

[8] Ces jeux-là sont peut-être inconnus aux enfants élevés à Paris et que déjà La Bruyère admirait comme nous ; enfants qu’on entoure de tant de soin, et qu’on garde, pour ainsi dire, à vue. Mais ceux qui sont élevés en plein air et en liberté dans les contrées désignées ci-dessus, connaissent parfaitement, sons des noms quelconques, les balistes, les onagres, les scorpions, les fustibales, les plumbatæ, aussi bien que les arbalètes, les arcs et les frondes. C'est un charme pour eux, une passion, que de construire et de faire jouer toutes ces petites machines, non parfois sans quelque danger pour les vitres des environs ou pour les yeux des passants. Nous-même qui avons eu cette heureuse enfance, nous ne serions nullement embarrassé aujourd'hui de reproduire, peut-être sans exception, et de faire jouer toutes ces machines des anciens, dont les savants, même Juste Lipse, n'ont pas toujours pu deviner le mécanisme d'après les textes seuls.

[9] L'exposé sommaire qu’on va lire a été extrait par nous du traité de Végèce, livre II, aussi fidèlement qu'il nous a été possible de le faire, en y apportant la plus grande attention. Mais, à ce sujet, le texte de Végèce présente de l'obscurité sur plusieurs points, de l'aveu même de ses commentateurs, chez lesquels du reste l’on chercherait vainement plus de clarté.

[10] L'activité de César touchant ce point est remarquable dans la guerre de Gaule.

[11] Probablement afin d'être ainsi, derrière leurs boucliers, tout à fait à couvert des projectiles.

[12] De bello Gallico, VII, LXII. — De bello Civili, III, XCV.

[13] De bello Gallico, I, LII.

[14] Revue des Deux Mondes, livraison du 1er mai 1858, p. 69 et suivantes.

[15] Vix hominum millium VII. De bello Gallico, V, XLVII.

[16] De bello Gallico, V, XXIV, et sqq.

[17] Sur quels points ? César ne le dit pas.

[18] Germanos equites circiter CD, quos ab initio secum habere instituerat, De bello Gallico, VII, XIII.

[19] De bello Gallico, V, XLV.

[20] De bello Gallico, V, XLVI.

[21] De bello Gallico, V, XLVII.

[22] Tout ce que nous venons de déduire de ces divers passages des Commentaires est d'ailleurs justifié plus loin (VI, I), où César nous dit que : Avant la fin du même hiver, ses lieutenants lui amenèrent d'Italie trois nouvelles légions. A notre compte, il devait lui en rester sept des anciennes ; et par conséquent, après ce renfort, son armée dut être composée de dix légions. Or, il est facile de le constater dans plus d'une occasion, notamment (VII, XXXIII) lorsque, à Decetia (Decize sur Loire), César divise son armée en deux corps : l'un, de quatre légions, qu'il confie à Labienus, pour une expédition au nord, du côté de Lutèce ; l'autre, de six légions, qu'il conduit lui-même au sud, du côté de Gergovia des Arvernes.

[23] De bello Civili, III, LXXXVIII et LXXXIX.

[24] Il est question à part de la cavalerie, De bello Civili, III, LXXXVIII et XCIII.

[25] De bello Civili, III, II.

[26] De bello Civili, III, LXXXVII.

[27] De bello Civili, III, LXXXIX. Remarquons, en passant, l'habileté politique de César, qui conservait tous les grades dans son armée, bien qu'il y manquât la moitié des soldats. La solde l'inquiétait peu : il savait se procurer de l'or ; et d'ailleurs, il aimait à être le débiteur des tribuns et des centurions, pour un motif qu'il nous fera connaître dans une circonstance grave.

[28] Nous voyons une centurie de vétérans volontaires (au nombre de cent vingt hommes) signalée pour sa bravoure à Pharsale. De bello Civili, III, XCI.

[29] Carrobalista, carrus balista, char-baliste, baliste sur roues.

[30] La première cohorte, qui était d'un nombre d'hommes double, avait sans doute dix carrobalistes.

[31] VÉGÈCE, II, XXV.

[32] Histoire de Polybe, traduite par dom Thuillier, avec un commentaire par Folard, Amsterdam, 1753, t. II, p. 141 et suit. ; t. III, p. 1 et suiv.

[33] Tormenta, pour torquimenta, de torquere, tordre ; comme momentum, pour movimentum, de movere, mouvoir.

[34] Paralip., II, XXVI, 14 et 15.

[35] Tacite, dans un passage que nous aurons l'occasion de citer plus loin, attire de nouveau l'attention sur ce perfectionnement militaire qu'offraient les remparts de Jérusalem.

[36] De là, et d'autres textes encore, résulte la difficulté de spécifier le sens des mots baliste et catapulte. Nous croyons que chacun de ces deux mots était une expression générique pouvant indiquer l'une ou l'autre, ou les deux espèces de machines, comme le mot latin tormenta.

[37] Le talent d'Athènes équivalait à 26 kil. 107 gram. Ces pierres étaient donc du poids de 260 kilogrammes.

[38] POLYBE, VIII, III.

[39] De bello Gallico, IV, XXV.

[40] De bello Gallico, II, VIII.

[41] De bello Gallico, VIII, XV.

[42] De bello Gallico, VIII, XLI.

[43] De bello civ., III, LI, LVI.

[44] De bello civ., I, XVII.

[45] De bello Afr., XXIX.

[46] De bello Hisp., XIII.

[47] Ruspina, oppidum de l'ancien territoire de Carthage, situé ta sud et tout au plus aune journée de marche d'Adrumète (aujourd'hui Hammamet), place maritime de la côte orientale de Tunisie.

[48] Lilybæum, aujourd'hui Marsala.

[49] De bello Afr., XX et XXXI.

[50] De bello Afr., XLVII. Ceci est dit à l’occasion d'une grêle effroyable qui tomba sur la contrée de Ruspina quelques jours plus tard, à environ dix heures du soir. Les feux furent éteints, le camp fut noyé, bouleversé ; tous les vivres furent perdus. Les soldats, le bouclier sur la tête, erraient çà et là dans les ténèbres. Les pointes des pila de la cinquième lésion prirent feu spontanément, dit Hirtius. Il en jaillissait sans doute des aigrettes électriques.

[51] De bello Gallico, V, II et XI.

[52] De bello Gallico, VI, XXXI.