PARTIE HISTORIQUE. ANCIENS PEUPLES, ROUTES ANCIENNEMENT SUIVIES.Cherchons maintenant à déterminer la place de chaque peuple des régions dont nous venons d'étudier le terrain ; car, si nous y parvenons, le nom d'un peuple rencontré dans le texte de César pourra nous servir à reconnaître le théâtre des événements, et nous éviterons des discussions incidentes, qui interrompraient l’examen de la suite du récit. Pour y parvenir, nous avons, en premier lieu, la
géographie physique des contrées, élément de détermination très-important et
qui a fait défaut aux géographes anciens ; en second lieu, les indications de
César lui-même, qui doivent être appliquées jusqu'au dernier mot, car il
parle exactement, il a parcouru les Gaules pendant dix années et étudié le
terrain ; en troisième lieu, la géographie de Strabon, lequel avait vécu du
temps d'Auguste et écrivait environ soixante-quinze ans après la guerre de
Gaule, à une époque où les circonscriptions politiques des peuples n'avaient
encore pu être modifiées que par cet empereur ou par Tibère. Nous avons
ensuite des éléments dont l’importance décroît selon les dates : On sait que les Romains donnaient le nom de Gaule à divers pays. Pour éviter toute
confusion dans ce qui concerne la guerre de Gaule dont nous nous occupons, il
suffit de distinguer sommairement trois Gaules : La province dont César avait le commandement au début de
la guerre de Gaule comprenait l'Illyrie, Nous avons à déterminer ici : 1° la situation des peuples
de PEUPLES DE Strabon nous a laissé une description géographique des peuples des Alpes, parmi lesquels nous trouvons plusieurs des noms indiqués ci-dessus. Strabon procède avec méthode dans la détermination des peuples qui habitaient le pied des Alpes, leurs versants, leurs sommets. Il les considère d'abord à l'occident de la chaîne, de Marseille à Lyon, et des bords du Rhône aux crêtes des montagnes ; puis il passe à l'orient, aux versants italiens ; il suit le pied des monts du sud au nord ; enfin, il remonte aux sommets septentrionaux, aux Alpes Graies et Pennines, jusqu'au Léman et à la source du Rhône. Voici divers passages des quatrième et cinquième livres de cet auteur qui éclairent notre question. Nous présentons la version de Coray[1], et nous citons tous les passages ensemble pour qu’on les puisse mieux apprécier d'abord en eux-mêmes. De Marseille, en s'avançant entre
les Alpes et le Rhône vers De l'Isère jusqu'à Vienne,
capitale des Allobroges, située sur le Rhône, l’on compte 330 stades.
Lyon est un peu au-dessus de Vienne, au confluent du Rhône et de De l'autre côté du Rhône, le
pays, dans sa meilleure partie, est occupé par les Volcœ, surnommés Arecomici.
Leur port est Narbonne, qu’on appellerait à plus juste titre le port de toute
Au-dessus des Salyes, et
dans la partie septentrionale des Alpes, habitent les Albienses, les Albiœci
et les Vocontii. Ces derniers s'étendent jusqu'au pays des Allobroges,
et occupent, dans l'intérieur des montagnes, de vastes vallées, qui ne le
cèdent point à celles même des Allobroges. Ceux-ci, comme les Ligyes,
sont soumis aux préfets qui sont envoyés dans Après les Vocontii viennent les Iconii, les Tricorii et les Medulli. Ces derniers occupent la partie des montagnes la plus élevée ; car il y a, dit-on, 100 stades de hauteur perpendiculaire pour y monter, et autant pour en descendre ensuite du côté des frontières d'Italie.... Les Medulli dont je viens de parler sont fort au-dessus de la jonction du Rhône et de l'Isère. De l'autre côté des montagnes, vers l'Italie, l’on trouve les Taurini, nation ligurienne, et quelques autres peuples de la même origine. Ce qu’on appelle le domaine d'Idéonus et de Cottius appartient également à ces peuples. Plus loin, et au delà du Pô, habitent les Salassi, au-dessus desquels, au sommet [des Alpes], l’on trouve les Centrones, les Caturiges, les Veragri, les Nantuates, le lac Léman, que le Rhône traverse, et les sources même de ce fleuve.... Au-dessus de la ville de Côme, située au pied des Alpes, sont, d'un côté, les Rhœti.... vers l'orient ; de l’autre coté, les Lepontii.... et plusieurs autres petits peuples très-pauvres, et qui n'étaient jadis connus en Italie que par leurs brigandages. Mais aujourd'hui les uns sont entièrement détruits, les autres civilisés, de manière que leurs montagnes, qui ne présentaient autrefois qu'un petit nombre de passages très-difficiles, peuvent maintenant être traversées en plusieurs endroits, par des chemins où l’on est en sûreté contre ces peuples, et qui sont aussi praticables qu'il a été possible à l'art de le faire. En effet, Auguste, non content d'avoir purgé ces chemins des brigands qui les infestaient, les a aussi rendus commodes autant qu'il a pu ; car il n'a pas été possible de forcer partout la nature, au travers des rochers et des précipices affreux qui bordent de tous côtés ces mêmes chemins.... La meilleure partie du pays des Salassi est une profonde vallée, formée par une double chaîne de montagnes, dont ils habitent aussi quelques hauteurs. Ceux qui, venant d'Italie, veulent passer ces montagnes, doivent traverser la vallée, après laquelle le chemin se partage en deux routes : l'une, impraticable aux voitures, passe par les hautes montagnes qu’on nomme les Alpes Pennines ; l'autre, plus à l'ouest, traverse le pays des Centrones. Les Salassi ont chez eux
des mines d'or, dont ils étaient les maîtres, aussi bien que des passages,
dans le temps de leur puissance. L'exploitation de ces mines était facilitée
par le Durias ( Une
des routes des montagnes par où l’on
va d'Italie dans Polybe ne nomme que quatre
passages de ces montagnes : l’un par La racine des Alpes forme une
courbe, une espèce de golfe, dont la concavité est tournée vers l'Italie, dont
le milieu (c'est-à-dire le fond) se trouve
dans le pays des Salassi, et dont les deux extrémités se replient,
l’une jusqu'à l’Ocra, et au fond du golfe Adriatique, l'autre vers la
côte de Pline nous apprend que les Vocontii étaient une cité fédérée, alliée des Romains, ayant deux capitales, Vaison et Luc en Diois : Vocontiorum civitatis fœderatæ duo capita, Vasio et Lucus Augusti[5] ; ce qui suppose une cité importante et s'accorde avec l'idée d'une certaine extension de son territoire du côté du nord-est, en remontant le long de la rive gauche de l'Isère. Ajoutons une indication de Suétone, où l’on apprend que les Salassi, domptés par Auguste, étaient constitués de plusieurs peuplades qui habitaient dans les Alpes, Domuit.... Salassos, gentes inalpinas[6]. Enfin, le même auteur nous fournit, au sujet de la politique d'Auguste, divers renseignements qui s'accordent avec ce que nous venons de voir dans Strabon, et dont l’application aux peuples qui sont l'objet de nos recherches pourrait expliquer la disparition ou le déplacement de quelques-uns de ces peuples, immédiatement après l’époque de César. Suétone, en effet, nous montre Auguste faisant transporter, par raison politique, le peuple de Nursia et des environs[7] ; faisant passer en Gaule et y plaçant au bord du Rhin des Sicambri, des Suevi ; faisant ramasser, puis vendre captifs, les peuples trop remuants qui ne restaient pas soumis, et imposant à ces ventes de peuples deux conditions, Tune qu'ils ne resteraient pas comme esclaves dans un pays voisin, Vautre qu'ils ne seraient pas remis en liberté avant trente ans écoulés[8]. Dégageons maintenant de cet ensemble de documents historiques quelques indications positives que nous rapprocherons de celles de César. Commençons par le premier groupe de peuples indiqué ci-dessus, les Allobroges et les Vocontii, qui se touchent, d'après César comme d'après Strabon. Les Cavares, nous
dit Strabon, s'étendent le long du Rhône, sur la rive gauche, depuis
Cavaillon, au bord de Déterminons par les Commentaires la frontière septentrionale du territoire des Allobroges, en suivant dans l'examen des textes l'ordre même du récit. Au début de la première campagne. César s'exprime ainsi : Les Helvetii sont limités d'un côté par le Rhin ; d'un autre côté par le Jura, mont très-élevé, qui est entre les Sequani et les Helvetii ; d'un troisième côté par le lac Léman et le Rhône, fleuve qui sépare notre province des Helvetii[11]. Dire ici notre province, c'est dire les Allobroges ; par conséquent, le Léman et le Rhône, jusqu'à la passe du Jura où est le fort de l'Écluse, sont déjà une portion de la frontière septentrionale des Allobroges. Mais la rive droite du Rhône, depuis le fort de l’Écluse jusqu'à Bellegarde, c'est le versant du mont Jura à l'opposé des Helvetii, et d'après le texte ci-dessus ce versant appartenait aux Sequani ; c'est donc encore ici le fleuve qui sert de limite aux Allobroges. Ce qui, du reste, est confirmé par un autre texte qu’on trouve plus loin : Surtout les Sequani n'étant séparés de notre province que par le Rhône[12]. César ensuite répète que le Rhône coule entre les Helvetii et les Allobroges, pour ajouter qu’on peut là, sur quelques points, le passer à gué[13]. Il s'exprime en ces termes pour une autre partie de la
frontière de Cela, du reste, est pleinement confirmé dans le récit de la septième campagne, où nous voyons les Allobroges se ranger sur la ligne du Rhône pour garder leur territoire attaqué. Allobroges crebris ad Rhodanum dispositis præsidiis... suos fines tuentur[15]. Il est vrai qu'un texte de César signale un point où les Allobroges avaient des possessions sur la rive droite du fleuve ; ce texte unique, le voici : Allobroges qui trans Rhodanum vicos possessionesque habebant[16]. L'opinion qui place une portion des Allobroges sur la rive droite du Rhône n'a que cet appui. Or, rien n'autorise à penser qu'il s'agisse là d'un territoire national ; l'expression vicos possessionesque peut en effet s'appliquer à des fermes et autres propriétés particulières, Trans Rhodanum habebant, dit le texte ; donc les propriétés dont il s'agit étaient au-delà du Rhône relativement à leurs propriétaires. De plus, si elles eussent constitué un territoire national des Allobroges, les Helvetii, en le ravageant, eussent commis une violation du territoire du peuple romain, et César, qui veut les poursuivre, n'eût point manqué de mentionner ce fait grave, lui qui en rappelle avec tant de hauteur la simple tentative : Quod, eo invito, iter per Provinctam per vim tentassent ; quod Æduos, quod Ambarros, quod Allobrogas vexassent[17]... Le moyen de concilier le texte que nous examinons, vicos possessionesque, avec les autres textes de César et de tous les géographes anciens qui placent la frontière des Allobroges sur le Rhône, se présente ainsi tout naturellement : il s'agit, dans ce texte unique, d'habitations rurales et autres propriétés que des Allobroges possédaient au delà du Rhône, sur le territoire national d'un autre peuple. Nous reviendrons, du reste, sur cette question. Les Vocontii
étaient placés, d'après Strabon, au-dessus des Cavares, donc, aux versants
des Alpes et à l’est des Cavares. Les Vocontii
s'étendaient au nord jusqu'aux Allobroges[18] ; par
conséquent, ils s'étendaient jusqu'à l'Isère, comme les Cavares. Pline dit que la cité fédérée des Vocontii avait deux capitales, Vaison dans le
sud et Luc en Diois dans le nord. Strabon nous a dit qu'elle se gouvernait
par ses propres lois, qu'elle possédait à l'intérieur des Alpes des vallées
que l’on pouvait mettre en parallèle avec celles mêmes des Allobroges : donc, d'après l'orographie de
cette région, c'était le long de l'Isère, dans l’immense vallée principale
appelée le Grésivaudan[19], où se
trouvaient en regard les Allobroges
sur la berge de droite et les Vocontii
sur la berge de gauche ; les uns occupant les vallées de la chaîne des monts
aux sommets desquels l’on voit aujourd'hui PEUPLES LIBRES QUI HABITAIENT DANS LES ALPES. Parlons d'abord de ceux de ces peuples que César y rencontra sur son passage, à savoir, les Centrones, les Graioceli et les Caturiges. Voici le texte où César conduit son armée du nord de l’Italie
en Gaule : Qua proximum iter in ulteriorem
Galliam per Alpes erat... ire
contendit. Ibi, Centrones ei Graioceli et Caturiges, locis superioribus
occupatis, itinere exercitum prohibere conantur. Compluribus his prœliis
pulsis, ab Ocelo, quod est Citerioris Provinciœ extremum, in fines
Vocontiorum Ulterioris Provinciœ die septimo pervenit[20]. Il prend à la hâte le plus court chemin pour se rendre à
travers les Alpes dans Ce texte présente deux questions à résoudre : l’une, quel était le plus court chemin dont parle César, question de géographie physique qui sera traitée dans l'étude de la première campagne ; l'autre, quelle était la place des trois peuples nommés et d’Ocelum, question de géographie historique, que nous allons tâcher de résoudre, pour reconnaître aujourd'hui le passage des Alpes qu'a suivi César. Nous avons la certitude de ne pas nous tromper aujourd'hui à l'égard du passage des Alpes par le pays des Salassi, dont parle Strabon. En effet, le mont Pennin (Grand Saint-Bernard), Augusta Salassorum (Aoste), Eporedia (Ivrée), le Durias (Doire), ne laissent aucun doute sur le passage dont il s'agit ; c'est bien celui du val d'Aoste, entrée commune de deux chemins qui se dirigent, l'un au nord, par le Grand Saint-Bernard, l'autre à l'ouest, par le Petit Saint-Bernard. Or, Strabon nous y montre deux des trois peuples dont parle César. Il montre les Centrones dans le passage de l’ouest, de même que César dit : ibi Centrones... Là les Centrones... C'est le meilleur des deux passages qui partent du val d'Aoste ; c'était le seul praticable aux équipages d'une armée. Strabon, auparavant, nous a montré aussi les Caturiges placés comme les Centrones au-dessus des Salassi du val d'Aoste. On doit donc comprendre, d'après Strabon, en résumé, que les Caturiges étaient placés dans les Alpes, au-delà du Pô et du pays de Turin, au-delà et au-dessus des Salassi, comme les Centrones, par conséquent sur le passage par le mont Pennin ou au nord d'Ivrée, entre les Salassi et les Lepontii. On voit même que le voyageur qui a renseigné Strabon avait dans la pensée le passage par le mont Pennin ; car, en suivant ses indications, après les Caturiges, l’on tombe au milieu du Valais, chez les Veragri, ayant à gauche les Nantuates et le lac Léman, à droite les sources du Rhône, comme il sera dit ci-après. César a rencontré, de plus, les Graioceli et Ocelum. Strabon n'en parle point ; mais il nous montre de plus les Salassi et Aoste. Il suffirait donc de pouvoir faire un échange de noms entre les Graioceli et les Salassi, entre Ocelum et Aoste, pour constater l'identité du passage des Alpes suivi par César et du passage indiqué par Strabon. Or Suétone, que nous avons cité plus haut, dit que les Salassi étaient constitués de plusieurs peuplades des Alpes : Salassos, gentes inalpinas. Il est donc naturel d'admettre que les Graioceli dont parle César étaient une peuplade des Salassi, qui se réunit aux Centrones et aux Caturiges, pour empêcher son armée de passer. Cela devient évident quand Strabon nous dit qu'une fois les Salassi ont osé faire rouler sur toute l’armée de César, qui passait chez eux, d'énormes masses de pierres, et piller l'argent qui lui appartenait : ce qui nous explique pourquoi les Graioceli-Salassi et leurs voisins attaquèrent cette formidable armée. Quant à l’Ocelum
placé du temps de César à la frontière de Remarquons, du reste, que le nom de Graioceli semble avoir été composé de deux parties, comme pour indiquer les habitants de l'Alpe Graie près de d'Ocelum : Inalpini Graiœ Oceli ; de même que nous reconnaissons dans le nom Piémont ou Piémontais les deux termes pes, mons. Des trois peuples du passage des Alpes suivi par César, les Centrones seuls ont persisté dans cette contrée et dans l'histoire. Tous les documents géographiques postérieurs à cette époque continuent de les signaler là, dans le val de Tarentaise. Est-ce parce qu'ils furent plus énergiques, ou parce que leur climat était trop froid pour les Italiens, ou parce qu'ils n'avaient point de mines d'or ? Comme les Salassi-Graioceli, et par suite des mêmes événements politiques, les Caturiges ont disparu de la place indiquée, suivant nous, par César et Strabon. Mais les Caturiges ne sont-ils plus mentionnés dans l'histoire, n'ont-ils pas été transportés ailleurs ? Et même, au temps de César, les Caturiges n'étaient ils point ailleurs que là où nous les
avons placés ? C'est un point qu'il nous reste à examiner. Car, non-seulement
l’on a admis jusqu'à ce jour que les Caturiges ont existé dans un autre
passage des Alpes, bien éloigné de celui-ci, sur le territoire d'Embrun et de
Chorges ; mais encore, Que les Caturiges dont parle Strabon aient été, comme les Salassi, détruits, vendus à l'encan par Auguste, cela ne peut guère faire doute, quand l’on rapproche deux des passages de cet auteur que nous avons cités plus haut, et qui doivent être rapportés à deux époques différentes, avant et après la destruction des Salassi. Dans le premier, Strabon indique la place des Caturiges au-delà et au-dessus des Salassi du val d'Aoste, c'est-à-dire, au nord d'Ivrée. Dans le second, il indique la destruction de plusieurs petits peuples de cette même région. Rappelons-en les premières lignes : Au-dessus de la ville de Côme située au pied des Alpes, sont, d'un côté, les Rhœti.... vers l'orient ; de l'autre côté[23], les Lepontii.... et plusieurs autres petits peuples, très-pauvres, et qui n'étaient jadis connus en Italie que par leurs brigandages. Mais aujourd'hui, les uns sont entièrement détruits... Que les Caturiges vendus en esclavage aient pu être transportes à Embrun et à Chorges, cela n'est pas douteux, car ce sont là deux points éloignés de leur patrie, comme l'exigeait Auguste en vendant les populations, d'après Suétone, que nous avons cité. Mais peut-on admettre qu'une population emmenée en esclavage ait donné son nom au pays où les acquéreurs l'auraient transportée ? Quant à l'opinion que le peuple d'Embrun et de Chorges était les Caturiges que César rencontra, en traversant les Alpes avec cinq légions pour se rendre sur le haut Rhône, les textes des géographes anciens ne nous permettent pas de la considérer comme fondée. Voici ce que dit Ptolémée : Dans les Alpes Cottiennes : la ville des Lepontii, Oscela (Domo-d'Ossola). Dans les Alpes Graies : la ville des Caturgidi (ou Caturigidi), Eborodunum (Embrun). Dans les Alpes Graies : la ville des Segusiani, Segusium (Suse), Brigantium (Briançon). Suse, Briançon, Embrun, dans les Alpes Graies, et Domo-d'Ossola, dans les Alpes Cottiennes ? Est-ce là une faute de la version latine que nous avons sous les yeux ? Ou bien, serait-ce le cas de faire une de ces rectifications prévues par Ptolémée lui-même dans le prologue du livre II ? Mais négligeons le nom des Alpes dans ce texte de Ptolémée, et n'y voyons que les Caturgides ou Caturigides d'Embrun : sont-ils les Caturiges de César ? Avant de répondre, citons encore ce qu’on trouve dans l'itinéraire d'Antonin, de Suse à Cavaillon, par les Alpes Cottiennes : Segusione (Suse) ;— Ad Martis ; — Brigantione (Briançon) ; — Ramæ ; — Eburoduno (Embrun) ; — Caturrigas (Chorges) ; — Vapincum (Gap) ; — Alabunte ; — Segusterone (Sisteron) ; — Alaunio ; — Catuiaca (Oppedette) ; — Apta Julia (Apt) ; — Fines ; — Cabellione (Cavaillon).... Ici encore, le nom Caturrigas rappelle-t-il les Caturiges de César ? Strabon va répondre. Ce géographe indique aussi quels
étaient, de son temps, les peuples dont cette même route traversait le
territoire ; voici ce qu'il dît à ce sujet : Quant
au chemin qui traverse le pays des Vocontiens et l'État de Cottius,
l’on suit, depuis Nîmes jusqu'à Ugernum (Beaucaire) et Tarascon, la même
route que la précédente[24]. De là, le chemin se partage en deux routes ; la première
par Il est évident qu'il s’agit ici, dans Strabon, de la même
route que ci-dessus dans l'itinéraire. Cette route traversait, d'après
Strabon, depuis Oppedette jusqu'à Embrun, le territoire des Vocontii, et ensuite l'Etat de Cottius, depuis
au delà d'Embrun jusqu'à l’Ocelum des
Alpes Cottiennes[29]. Ainsi, Embrun
et Chorges étaient sur le territoire des Vocontii à l'époque de Strabon ou de
César, Par conséquent, d'après le texte de César, Embrun et Chorges faisaient
partie de D'ailleurs, où trouver dans le voisinage de cette région
d'Embrun et Chorges les deux autres peuples qui s'unirent aux Caturiges pour attaquer au passage l'armée de
César et, comme l'explique Strabon, pour piller son argent ? La position des
noms de ces deux autres peuples des Alpes, sur la nouvelle carte des Gaules,
indique la place des Graioceli dans le
val de Maurienne, celle des Centrones dans le val de Tarentaise, et, en
outre, dans levai d'Aoste, où Strabon indique les Salassi.
Or, ces trois vallées des Alpes sont séparées de celle de On doit donc conclure qu'il n'a existé entre les Caturgides d'Embrun et Chorges, et les Caturiges des versants méridionaux du mont
Pennin (Grand Saint-Bernard), qu'une
simple ressemblance de noms, toute fortuite, comme nous en trouvons d'autres
exemples, entre les Centrones des
Alpes et les Centrones de Ainsi, les trois peuples du passage des Alpes par lequel César se rendit en Gaule avec cinq légions sont bien les peuples du passage des Alpes Craies, qu’on rencontrait en traversant les monts par la route du val d'Aoste (Augusta Salassarum, au temps d'Auguste, Ocelum de la frontière romaine, au temps de César), parle col du Petit Saint-Bernard (Alpis Graia), et par le val de Tarentaise, où se trouve aujourd'hui Moutiers (Darantasia Centronum). Où conduisait jadis cette route ? Voici les indications que fournit l'itinéraire d'Antonin, de Milan à Vienne et à Lyon, par les Alpes Graies : Arebrigium ; — Bergintrum ; — Darantasia Centronum (Moutiers) ; — Obilinnum ; — Ad Publicanos ; — Mantala ; — Lemincum (Chambéry) ; — Labiscone ; — Augustum (Aoste, près de Pont-de-Beauvoisin) ; — Bergusium (Bourgoin) ; — Vienna ; — inde Lugdunum. Mais avant que Lyon existât, du temps de Polybe et du
temps de César, cette voie des Alpes Graies ne menait-elle qu'à Vienne ?
Quand l’on était arrivé à Chambéry, si l’on voulait aller à Genève et à l'est
du Jura chez les Helvetii, ou bien à
l’ouest du Jura chez les Sequani,
allait-on passer à Vienne ? Allait-on faire cet immense détour ? Tandis que
l’on apercevait, droit devant soi, le promontoire du Grand Jura qui domine
Frangy, d'où l’on pouvait aller en quelques heures passer le Rhône, à droite
du mont, au pont de Genève, à gauche du mont, à Tout porte donc à considérer la route d'Italie par le
Petit Saint-Bernard comme ayant présenté, dès l'époque de la guerre de Gaule,
d'abord à Chambéry deux branches, l'une se dirigeant sur Vienne, l'autre sur
Genève par Frangy ; puis, à Frangy, deux branches, l'une sur Genève, l'autre
sur Il nous reste à parler de trois autres peuples libres des Alpes : les Nantuates, les Veragri, les Seduni. Voici l'indication géographique qui les concerne dans les Commentaires : Quum in Italiam proficisceretur Cæsar, Ser. Galbam.... in Nantuates, Veragros, Sedunosque misit, qui a finibus Allobrogum et lacu Lemano et flumine Rhodano ad summas Alpes pertinent[30]. En partant pour l'Italie, César envoya Sergius Galba chez les Nantuates, les Veragri et les Seduni, lesquels, du territoire des Allobroges et du lac Léman, et des bords du Rhône, s'étendent jusqu'aux sommets des Alpes. On s'accorde généralement aujourd'hui à placer ces peuples dans le Valais, sur les deux rives du Rhône, tous les trois à la suite dans ce même ordre, à partir du Léman pour remonter vers les sources du fleuve : les Nantuates jusqu'à Saint-Maurice ; les Veragri jusqu'au delà de Martigny (leur ancien bourg Octodurus) ; et les Seduni dans la contrée de Sion, ville dont le nom rappelle celui de cet ancien peuple. Cela est, comme l’on le voit, en parfait accord avec l'indication géographique de César concernant ces trois peuples. Les Nantuates et les Allobroges paraissent avoir eu pour limite, sur la rive méridionale du lac Léman, le point de Saint-Gingolph, qui, aujourd'hui encore, remplit le même rôle. Mais un autre texte de César donne lieu à une difficulté. Il y parle encore des Nantuates (chez lesquels du reste il ne paraît pas avoir jamais été en personne), et il les place sur le cours du Rhin[31]. Or, les Nantuates ne semblent avoir été qu'un assez petit peuple, et la place est bien grande depuis l'extrémité orientale du Léman jusqu'au bord du Rhin. Nous avons tenté de résoudre cette difficulté, dans un travail dont l'Académie des inscriptions a bien voulu entendre la lecture, il y a trois ans. Notre solution consiste à ne prolonger le territoire des Nantuates que jusqu'aux affluents du Rhin, qui se trouvent dans le voisinage du Léman, en considérant ces affluents comme des parties constitutives du Rhin, du Rhin arborescent, suivant la manière dont les géographes grecs et César lui-même se représentaient les fleuves. PEUPLES DE Nous sommes à la partie la plus importante de la carte des
Gaules. Il s'agit de déterminer la position géographique des divers peuples
qui se trouvaient en contact, de part et d'autre, sur la frontière commune de
Afin de ne négliger rien dans l'intérêt de la clarté de la
discussion, nous allons introduire quelques subdivisions qui se présentent naturellement.
Ainsi, nous considérerons la ligne du haut Rhône
d'abord, la ligne des Cévennes ensuite
; d'un côté, les peuples de § I. — Ligne du haut Rhône. Du côté de Du côté de Divers textes de César exigent que quatre peuples de Les Helvetii doivent occuper la rive droite du Léman et du Rhône, depuis les Nantuates jusqu'à la rencontre des monts Jura et du fleuve, c'est-à-dire jusqu'au fort de l'Ecluse. Plusieurs textes des Commentaires sont positifs à cet égard ; rappelons-en un seul : Le territoire des Helvetii est entouré, d'un côté, par le Rhin.... d'un autre côté par le Jura, mont très-élevé, qui est entre les Sequani et les Helvetii ; d'un troisième côté, par le lac Léman et le Rhône, fleuve qui sépare notre Province des Helvetii[32]. Nous allons voir ci-après que la passe du Grand Jura où se trouve aujourd'hui le fort de l'Écluse était bien, comme nous le disons, la limite du territoire des Helvetii sur le bord du Rhône. Les Sequani doivent
être placés sur le fleuve, à la suite des Helvetii, à partir du fort de l’Ecluse,
jusqu'au confluent de Mais faut-il limiter au point du confluent de Remarquons d'abord que cela suffit pour satisfaire aux
textes ci-dessus, qui sont tout ce que l’on trouve à cet égard dans les Commentaires. Étendre plus loin la frontière
des Sequani sur le Rhône serait donc
purement arbitraire. Ce serait de plus se mettre en opposition avec la nature
des lieux et avec toutes les traditions locales, comme l’on va pouvoir s'en
assurer. La frontière de Franche-Comté, province que tous les auteurs
considèrent comme représentant dans son ensemble l'ancien pays des Sequani, vient se raccorder au mieux sur la
frontière naturelle de Les Sebusiani
doivent être placés à la suite des Sequani sur le Rhône. La position
géographique des Sebusiani est le
point fondamental de toute opinion touchant l'invasion de Ici, tout d'abord, nous devons justifier ce nom de Sebusiani que nous attribuons au premier peuple
chez lequel César mit le pied à son entrée en Gaule, peuple que des savants
d'un grand mérite appellent Segusiavi,
ne le distinguant pas des Segusiavi dont parle Ptolémée, deux cents quinze
ans après la guerre de Gaule, et qu'il place au bord de Outre César, qui seul avait vu les lieux, Strabon, Pline et
Ptolémée ont parlé des Sebusiani ou de
Segusiavi, ou d'une peuplade gauloise
d'un nom analogue ; car l’ensemble des manuscrits présente une multitude de
variantes : Sebusiani, Sebosiani, Sepusiani,
Segusiani, Secusiani,
Secusiabbi, Segusiavi ; sans parler des variantes grecques, lesquelles
ne sont ni peu nombreuses, ni légères. Nous discuterons plus loin la question
de savoir si cet ensemble de noms s'applique à un seul peuple ou à deux peuples
distincts. Contentons-nous de faire remarquer ici que nous nous conformons à
l'orthographe du plus grand nombre des manuscrits et des meilleurs[35]. Ajoutons
toutefois que la multiplicité des noms ne prouve rien pour aucune des deux
opinions. N'y eût-il qu'un seul nom, il se pourrait néanmoins qu'il eût
existé deux peuples de ce nom unique, sur deux territoires distincts. Les
Gaules présentent plusieurs faits analogues. On y trouve deux peuples Volcœ, deux Bituriges,
deux Lemovices, quatre Aulerci, des Centrones
dans les Alpes et des Centrones dans Passons aux divers textes de César qui se rapportent aux Sebusiani. La première fois que César parle des Sebusiani, c'est quand il met lé pied dans Quant à la partie de la rive droite du haut Rhône comprise
entre l’Ain et Les Helvetii sont
sortis de leur pays par la cassure du mont Jura où est placé le fort de
l'Ecluse. César les fait passer successivement à travers le pays des Sequani,
celui des Ædui et celui des Ambarri, avant qu'ils arrivent à la Saône[40]. Donc il se
trouvait déjà des Ædui proprement dits et des Ædui-Ambarri
sur la rive gauche de César s'exprime ainsi dans un troisième texte : Il est une rivière, l’Arar ( Au début de la septième campagne, l’on admire un brillant
épisode où César, accourant d'Italie en Gaule, au cœur de l'hiver, et
craignant, même pour sa personne, d'y rentrer par sa route habituelle,
entreprend de déjouer tous les projets des Gaulois. Il se rend à Narbonne, y
prend des troupes dont il garnit la frontière, franchit les cols des Cévennes
couvertes de six pieds de neige, et apparaît chez les Arverni, pour y attirer l'attention et l'armée
des Gaulois. Puis, sans confier à personne son projet, sous un prétexte, il
laisse le commandement des troupes au jeune Brutus, en lui recommandant de
faire courir au loin, de tous côtés, la cavalerie ; et, promettant de n'être
pas plus de trois jours absent, il vole à Vienne. Là,
il trouve des chevaux frais qu'il y avait envoyés longtemps d'avance, et il
court, sans s'arrêter ni de jour ni de nuit, à travers le pays des Ædui,
chez les Lingones, où deux légions hivernaient ; afin que, si les Ædui
méditaient quelque projet, même contre sa vie, ils ne pussent l'atteindre[42]. Si l’on cherche
sur le terrain quelle direction dut suivre cet homme infatigable, dans cette
course précipitée de deux cents kilomètres, l’on trouve que, pour courir
droit au but par la plaine et en évitant les centres de population, comme l’exigeaient
les circonstances, il dut passer le Rhône sous Montluel, puis suivre la ligne
moyenne de toute la plaine entre les monts Jura et Si l’on pense satisfaire à ce texte par leurs clients, les Sebusiani ou les Segusiavi, comme le fait la nouvelle carte des Gaules, dans le tracé de la marche de César à la septième campagne, la même obligation géographique de placer des Ædui au bord du Rhône se présente de nouveau plus loin, sans qu’on puisse l'éviter de la même manière. Voici, en effet, un cinquième texte plus clair encore à
cet égard, et le plus important de tous, parce qu'il jette la lumière sur la
situation de tous les peuples placés de part et d'autre de la ligne du haut
Rhône et de celle des Cévennes. Il s'agit d'une attaque générale de Nous voyons d'abord dans ce texte que les Ædui et les Sebusiani
sont, les uns et les autres, limitrophes de De plus, tout ceci implique clairement deux attaques
séparées, Altera ex parte, l’une ayant
lieu sur la ligne du haut Rhône qu'il s'agit de franchir, l'autre partant de
la ligne des Cévennes. Le point de séparation ne peut être autre que le
confluent de Ajoutons tout de suite, pour confirmer le récit des
Commentaires et les considérations précédentes, que cette attaque dirigée par
Vercingétorix contre les Allobroges
sur la ligne du haut Rhône y a laissé deux traces. Ce sont deux souvenirs du
lieutenant de Jules César, qui organisa la défense de Ainsi, voilà nos attributions géographiques pleinement confirmées par la stratégie de Vercingétorix. Remarquons, au contraire, combien cette stratégie
s'accorderait peu avec le système qui, prenant les Segusiavi de Feurs pour les Sebusiani
des Commentaires, les place du même côté que les pagi Arverni limitrophes des Helvii, Ils se trouvent là sur la ligne des
Cévennes : ils doivent être sur la ligne du haut Rhône ; ils se trouvent là à
l’occident de la vallée de Voyons, en effet, quelles sont à cet égard les opinions admises jusqu'à ce jour, et dont la nouvelle carte des Gaules présente le résumé. Depuis le Léman jusqu'à En effet, les Sebusiani étaient le premier peuple placé en
dehors de Mais surtout remarquons bien ici que, les Ædui occupant la rive droite du haut Rhône au
confluent de Poursuivons, et nous allons voir qu'une erreur en appelle une autre. Vercingétorix ordonne aux Ædui et aux Sebusiani, qui sont limitrophes de la province... de porter la guerre chez les Allobroges... Les Allobroges établissent de nombreux postes sur le Rhône et gardent leur territoire avec beaucoup de soin et d'activité. Æduis Sebusianisque, qui sunt finitimi Provinciæ... bellum inferre Allobrogibus jubet... Allobroges, crebris ad Rhodanum dispositis prœsidiis, magna cum cura et diligentia suos fines tuentur[47]. D'après ce texte, il devait se trouver en face des Allobroges, sur la ligne du haut Rhône, des Ædui et des Sebusiani. Or, la nouvelle carte n'y présente point d’Ædui ; 2° l’on vient de voir que les Segusiavi n'ont pu, comme elle l'indique, s'y être prolongés ; 3° les Allobroges qu'elle y présente un peu plus haut, tout le long du fleuve, n'ont pu, en regard des expressions que César emploie ici, avoir occupé tout ce terrain. En effet, dans cette hypothèse, au lieu de dire que les postes établis par les Allobroges pour garder leur territoire furent établis auprès du Rhône, ad Rhodanum, sur la rive gauche, César eût dit sur la rive droite, trans Rhodanum. Cela est indubitable, puisque, de fait, dans cette hypothèse, les postes de garde eussent été placés au delà du Rhône, et même assez loin dans l'intérieur des terres, à la limite septentrionale de ce territoire de la rive droite du fleuve où la nouvelle carte place des Allobroges. Il faut donc bien admettre, comme nous le faisons, que l'expression de César citée plus haut : Vicos possessionnesque indique des habitations rurales et autres propriétés particulières que des Allobroges possédaient au delà du Rhône, sur le territoire d'un autre peuple ; ou bien, si l’on tient à y voir un territoire national des Allobroges, l’on est amené à reconnaître que ce territoire national d'outre-Rhône était sans importance, puisque César, parlant de l'attaque générale du territoire des Allobroges, n'en fait aucune mention et qu'eux-mêmes ne le gardent pas. Du reste, le point de la rive droite du haut Rhône où se trouvaient ces vicos possessionesque appartenant à des Allobroges ne peut être déterminé qu'en discutant le point d'entrée de César et l'itinéraire suivi par les Helvetii, qui y ont exercé des ravages, itinéraire que la nouvelle carte des Gaules n'indique pas. Revenons aux preuves directes de la position des divers
peuples de A partir de la région du confluent de Il n'en est plus de même vis-à-vis et sur la rive gauche
de Nous apprenons par un autre passage (et en le citant nous aurons épuisé tous les textes des Commentaires qui se rapportent à ce peuple) que les Sebusiani étaient clients des Ædui : Ædui atque eorum clientibus, Sebusianis, Ambivaretis, Aulercis-Brannovicibus, Brannoviis[51]... Ce texte et un autre où il s'agit encore des Ambivareti[52] sont les seuls où César nomme ces trois derniers petits peuples clients des Ædui, et aucun autre auteur, à notre connaissance, n'en a parlé, Nous serons donc réduit à chercher sur le vaste territoire des Ædui les indices locaux qui peuvent y faire reconnaître la place de ces clients avec plus ou moins de probabilité. Cela est, du reste, sans importance. D'après l'ensemble de tous ces points particuliers déterminés par des textes positifs de César, et encore d'après beaucoup d'autres textes ou preuves diverses que l’on trouvera à leur place dans le cours de notre travail, nous allons tout de suite reconstituer la géographie ancienne de la région du haut Rhône, sur la rive droite, telle qu'elle était, suivant nous, au temps de Jules César. Le versant oriental du Grand-Jura, jusqu'au Rhône, était
un prolongement du pays des Helvetii :
les Commentaires ne permettent aucun doute à cet égard. Le versant
occidental du Grand Jura, jusqu'au Rhône et à Le pays des Sebusiani
était, suivant nous, le pays de Bugey dans sa plus grande extension, tel que
la tradition nous le présente : c'est notre massif moyen des monts Jura,
compris entre Quant au pays compris entre l'Ain, le Rhône et Cette région des Ambarri
consanguinei Æduorum est une vaste plaine divisée elle-même
naturellement en deux parties par une crête uniforme d'environ cent mètres de
hauteur, crête qui règne depuis le voisinage de Pont-d'Ain jusqu'à Lyon, où
elle se termine au promontoire de Le pays des Ambarri,
avec cette annexe, présente sur nombre de points des noms de lieux qui
rappellent plus ou moins clairement le nom particulier de ces consanguins des
Ædui. On y voit successivement, d'est en ouest, Ambérieux,
Ambutrix, Ambronay,
Bérieux, Ambérieux-en-Dombes,
Bereins, Amareins
; et l’on voit encore un Ambérieux sur
la rive droite de La moitié occidentale de la vallée de Au sujet des Ambivareti, clients des Ædui, un doute se présente : ce nom est-il simplement une variante de celui des Ambarri ? Est-ce le nom d'une peuplade particulière ? Dans ce dernier cas, où serait sa place ? Probablement dans une subdivision du pays des Ambarri. Regardons dans ce pays, aux confins des Sebusiani, la région du confluent de l'Ain et du Suran : là, à l’endroit où les deux vallées s'abouchent, dans une position avantageuse au versant d'un coteau tourné au soleil, au bord des eaux et de la plaine, nous voyons un village, Varambon. Depuis quand est-il là ? Son nom, en négligeant la finale et en déplaçant une syllabe, peut-il nous rappeler les Ambivareti, comme aujourd'hui, en Espagne, Lerida nous rappelle l'antique Ilerda, les Ilergètes ? Nous voyons encore au nord de Varambon, à mi-distance de Tossiat, le hameau de Vavre, placé sur le vieux chemin qui suivait le pied du Revermont ; et encore, près et à l'ouest de Tossiat, les deux Vavrettes. Cette suite de noms analogues placés tout le long des monts Jura, Vavrette, Vavre, Varambon, Ambronay, Ambérieux, ville principale, et Ambutrix, peut-elle nous rappeler la place particulière des Ambivareti, clients des Ædui ? César, après la lutte d'Alésia, envoya une légion hiverner chez ce petit peuple. Cette légion, placée ici, aurait complété l’occupation de tous les passages des monts Jura, Labienus étant chez les Sequani avec deux autres légions et la cavalerie. Ou bien faut-il placer les Ambivareti
sur la rive droite de On a placé les Aulerci-Brannovices
dans le pays de Semur-en-Brionnois, d'après l'analogie de ce nom
traditionnel. On ne s'accorde pas au sujet des Brannovii.
On a voulu les placer sur les bords de Nous voyons sur le terrain qui termine la vallée de En résumé, pour ce qui concerne la place particulière des Aulerci-Brannovices et des Brannovii, clients des Ædui, nous avons sur le territoire général des Ædui les indices suivants : d'une part, Semur
en Brionnois, d'autre part, Semur en Auxois ; d'un coté la double vallée de
l'Azergue et de On a dit, mais sans le prouver, que les Mandubii étaient clients des Ædui, et comme César ni aucun auteur ancien ne le disent, nous n'avons pas à leur chercher une place sur le territoire des Ædui. Du reste, cette question est comprise dans la détermination d’Alésia, l'oppidum des Mandubii. On a dit également que les Segusiavi étaient clients des Ædui, mais l’on a dit cela dans l'hypothèse qu'ils seraient les Sebusiani des Commentaires, ce que nous n'admettons pas. Cette question va être traitée à part. § II. — Concordance de l'application précédente des textes de César avec la géographie de Strabon et avec celle de Ptolémée. Bien qu'il puisse nous suffire d'avoir établi nos déterminations géographiques sur l'autorité de César, nous ne pouvons négliger de consulter maintenant Strabon et Ptolémée. Nous aurons d'ailleurs à relever dans ce rapprochement quelques erreurs qui ont été commises, et auxquelles l’on ajoute foi généralement aujourd'hui même. Strabon, copié par Pline, dit, au livre IV de sa Géographie
: Le Rhône sort des Alpes avec une telle rapidité,
qu’on distingue, durant plusieurs stades, le cours de ses eaux, même au
milieu du lac Léman. Descendu dans les plaines des Allobroges et des Segusii,
il se joint à Après l'Aquitaine et Les autres peuples qui s'étendent
jusqu'au Rhin sont bornés par le Doubs ou par Ces deux fleuves, comme je l'ai déjà dit, prennent leur source dans les Alpes ; et après s'être réunis, ils vont se jeter dans le Rhône[54]... Les Sequani sont bornés à
l'Orient par le Rhin et à l'Occident par Ces deux passages de Il est facile de reconnaître dans vingt passages que Strabon avait les Commentaires de César sous les yeux ; Coray le fait remarquer. De tout ce que présentaient les récits des voyageurs,
l'élément géographique sur lequel Strabon pouvait le mieux s'appuyer, le seul
qui pût, avec les montagnes, servir de base à sa géographie, c'était le
rapport des grands cours d'eau entre eux. On connaissait fort bien le cours
du Rhône. Tout le monde savait que Cela posé, considérons les deux passages de Strabon cités plus haut, et dans lesquels, suivant nous, ce sont les Sebusiani de César qu'il entend par les Segusii. Dans le premier passage, il s'agit des fleuves de Dans le second passage cité, il s'agit des peuples et des
villes de Or, les Commentaires étant muets à l'égard des
villes des Sebusiani, il était naturel
que Strabon donnât aux Segusii (Sebusiani) Lyon pour capitale. D'ailleurs, Auguste a
pu attribuer l'administration directe de ce petit peuple aux gouverneurs de
la province Lyonnaise ; d'autant plus qu'évidemment il y avait un intérêt
politique à mettre sous la main des gouverneurs de Les Commentaires n'indiquent la position
géographique des Sebusiani qu'en
montrant ce peuple sur la rive droite du haut Rhône ; Strabon, qui connaît la
disposition générale du Rhône, de Or Strabon lui-même nous fournit immédiatement un moyen de
déterminer le sens de l'expression qu'il vient d'employer. En effet, après
avoir dit, au sujet de Pour qu’on en puisse mieux juger, rappelons les
indications fournies dans le premier passage : Il y a donc, en résumé, un accord aussi parfait que possible entre les déterminations géographiques de Strabon et celles que nous avons déduites des textes de César rapprochés de la configuration des lieux[57]. Strabon indique vaguement la position des peuples ; César seul pouvait fournir des détails précis, seul il avait vu et étudié le terrain. César écrit la topographie militaire de visu ; Strabon écrit la géographie historique et administrative d'après les documents qu’on pouvait trouver à Rome de son temps. Entre Strabon (70 ans après César) et Ptolémée (215 ans après César), des changements sont survenus dans les circonscriptions des peuples de l’ancienne ligne frontière du haut Rhône. Le territoire des Sequani a été agrandi du côté de l'orient, aux dépens de celui des Helvetii, par delà le Jura, jusqu'au bord du Léman. Ne l'a-t-il pas été du côté de l'occident ? A cette époque, les Helvetii et les Sequani font partie de la province Belgique ; les Ædui sont dans l'intérieur de la province Lyonnaise ; les Sebusiani qui se trouvent entre les Ædui et les Sequani, sur la limite des deux provinces, de quel côté sont-ils placés ? Ptolémée place leurs anciens patrons, les Ædui, de la manière suivante : A l'orient des Arverni, jusqu'à cette branche du Rhône qui s'en dégage dans la direction du nord, se trouvent les Ædui et leurs villes, Augustodunum, Cabyllinum, Lugdunum, la métropole (Autun, Châlons, Lyon). Ainsi voilà, d'après Ptolémée, les Ædui placés tout le long de Quelle est cette limite orientale du territoire des Ædui, cette branche du Rhône qui s’en dégage
dans la direction du nord, et que Ptolémée ne nomme point ? Ce ne peut être
absolument que On voit ainsi, en résumé, que nos déterminations des territoires des peuples de la frontière du haut Rhône, déduites de tout l'ensemble des textes de César, de la configuration du pays et de la tradition, sont encore aussi complètement que possible d'accord avec la géographie de Strabon et avec celle de Ptolémée. On peut même dire qu'elles s'accordent avec une dernière
indication géographique qui remonterait, d'après Tite-Live, à l'époque de
Tarquin l'Ancien. Cet historien, au sujet des premières émigrations gauloises
en Italie, où elles constituèrent § III. — Ligne des Cévennes. La ligne des Cévennes est le prolongement direct de celle du haut Rhône. En admettant que les Segusiavi
soient restreints au territoire du Forez, nous trouverions sur la ligne des
Cévennes : 1° du côté de Examinons tout de suite le point capital, à savoir, ce qu'étaient les Segusiavi dont parle Ptolémée, et ce qu'était leur territoire. Nous pensons que les Segusiavi
étaient des Arverni ; qu'à l'époque de
César, à celle de Strabon, comme à celle de Ptolémée, ces Arverni occupaient la région connue depuis sous
le nom de Forez ; qu'ils ne s'étendaient point au delà de ce territoire, du
côté de l'Orient, où ils avaient pour limitrophes les Ædui. Nous ajoutons que les Ædui occupaient toute la partie inférieure de
la vallée de Pour établir ces divers points de géographie ancienne, suivons les textes et les événements dans l’ordre de leur succession, depuis César jusqu'à Ptolémée. Au temps de César, d'après un texte important[59] que nous avons
discuté plus haut, les peuples celtes limitrophes de Voici ce que dit Strabon dans la description de
l'Aquitaine : Les peuples situés entre, Ajoutons un dernier renseignement fourni par Strabon dans
la description de Suivant nous, ces derniers Arverni
de Strabon sont les Segusiavi de
Ptolémée. Remarquons, en effet, que ces troisièmes Arverni se trouvent, d'après Strabon, non dans l'Aquitaine,
comme les Arverni-Velavi et les Arverni de Nemossus
(Augustonemetum,
Clermont) dont il a parlé précédemment, mais bien dans Ptolémée indique parmi les peuples de l'Aquitaine, et à l’Orient
d'un groupe dans lequel sont les Gabali,
d'abord une portion des Arverni où se
trouve la ville d'Augustonemetum (Clermont), puis les Velauni (Velavi), dont la ville est Ruessium (Revessio, Saint-Paulien). Ainsi, voilà
déjà les Arverni de Nemossus et les Arverni-Velavi,
dont a parlé Strabon, placés de même dans l'Aquitaine par Ptolémée. Quant aux
Arverni de Les Segusiavi et
les Velavi se touchent sur En résumé, Ptolémée le premier nous a fait connaître le
nom propre des Segusiavi, nom qui a
causé de nos jours la confusion des Arverni
du Forez avec les Sebusiani du Bugey ;
confusion de noms et de peuples, qui, introduite dans la géographie ancienne
des Gaules, en a fait pour le lecteur des Commentaires un chaos où il
ne peut rien comprendre à la marche des armées dans les première et septième
campagnes de César. Mais, d'une part, les Sebusiani
du Bugey, par cela même qu'ils se trouvaient sur la plus grande partie de la
rive droite du haut Rhône, se trouvaient seuls dans la position géographique
qui convient au peuple de ce nom (ou de tout
autre nom analogue) dont parle César, au sujet de son entrée en Gaule.
D'autre part, si l’on considère que, d'après César, il se trouvait un pagus des Arverni
dans le Forez ; que, d'après Strabon et Ptolémée, les Arverni-Segusiavi du Forez se trouvaient
distincts des Lyonnais ; que, d'après César et Ptolémée, les Ædui occupaient la vallée de § IV. —La confusion des Sebusiani de César avec les Segusiavi de Ptolémée est une double erreur, géographique et historique : Lugdunum la métropole (Lyon), a été fondée sur le territoire des Ædui.Cette confusion est un démenti formel donné aux géographes anciens : c'est une erreur qui peut affecter même» le sens de l'histoire. On se convaincra facilement que nous n'exagérons rien dans cette double proposition, si l’on veut bien jeter un coup d'œil avec nous sur l’origine, les moyens et les conséquences de l'opinion que nous critiquons ici. La confusion des Sebusiani avec les Segusiavi se trouve déjà en germe dans le Pharus Galliœ antiquœ du père jésuite Philippe Labbe[65]. Voici le passage : SEGUSIANI, quos eosdem cum Sebusianis et Secusianis existimo : pays de Bresse, plus proche de Lyon, Forest, Beauiolois et Lyonnois, deçà et delà la riuière de Saône. Cette confusion des deux peuples sert de base à une
opinion que publiait, en 1838, un auteur du département de l’Ain, de
Lateyssonnière, dans ses Recherches historiques sur ce département, où
il s’est aidé de notes manuscrites de de Veyle[66]. De
Lateyssonnière y expose un système spécial sur les anciens peuples de cette
région, sur l’émigration des Helvetii
et sur l'entrée de César en Gaule. Il donne un résumé de ce qui avait été dit
avant lui, particulièrement au sujet de la véritable position de la muraille
qui fut élevée par César, depuis le lac Léman jusqu'au mont Jura (montagne du Vuache), pour barrer aux
Helvetii l'entrée de Le système de M. Auguste Bernard, dans deux ouvrages qui ont pour titres, le premier : Origines du Lyonnais[67] ; [Ici manquent les pages 102 et 103] Strabon lui-même, c'est-à-dire
sur la rive droite de Et il faudra dire encore que César lui-même s'est trompé,
lui qui avait tant parcouru et étudié ce terrain : car il attribue Autun, Châlons,
Mâcon, aux Ædui, avant, l’existence de
Lyon, et il fait couler Que reste-t-il donc de positif à l'égard des Segusiavi de Ptolémée ? Il reste tout ce que
dit cet auteur, savoir : que c'était un peuple de la province Lyonnaise,
placé dans le Forez, confinant au Velai, et dont les villes étaient Roanne et
Feurs ; qu'il était de la race des Arverni
; que son territoire était, du côté de l'orient, limitrophe de celui des Ædui. Il reste encore tout ce que disent les
inscriptions, savoir : que la véritable orthographe du nom de ce peuple était
Segusiavi ; que les limites de son territoire étaient bien celles du Forez ;
car, dit M. Auguste Bernard, presque toutes les
inscriptions qui portent le nom des Ségusiaves ont été découvertes et se trouvent, non à la gauche, mais
à la droite de [Ici manquent les pages 106 et 107] annexa à la province d'Aquitaine ? La liberté des peuples, l’égalité des territoires ? On nous accordera sans doute que ce fut une raison plus vraie, plus grave, plus césarienne, le dessein politique d'affaiblir les cités puissantes et influentes d'après la maxime : diviser pour régner. Or, de ce point de vue, s'il était en Gaule une cité qui méritât l'attention et les soins pernicieux d'Auguste, c'était assurément la puissante et noble cité des Arverni. Celle-là était, à ses yeux, comme un serpent dangereux que César avait laissé pour mort, mais qui pouvait n'être qu'engourdi : Auguste lui abattit la tête, Gergovia, et coupa le corps en trois. Civitas Segusiavorum libéra, dit-on ? Il s'agit bien de cités libres ! Qui ne sait que ce mot là est le meilleur des moyens pour organiser la servitude ? Des cités libres d'agir ? Non, mais libres ainsi que l'entend Auguste, libres de s'agiter comme les tronçons d'un reptile mutilé, sans que cela soit à craindre, ni loin autour d'elles, ni longtemps. Au contraire, si la politique de cet empereur put laisser une grande cité intacte, ce fut la cité des Ædui. L'étude attentive de la guerre de Gaule ne permet aucun doute au sujet de ce double aperçu. Des trois portions de la grande cité des Arverni, Auguste en annexa deux à la province d'Aquitaine (les Arverni d'Augustonemetum et les Arverni-Velavi), laissant la troisième (les Arverni-Segusiavi) seule dans la province Lyonnaise. De sorte que la redoutable cité se trouva dispersée autant qu'il était possible. César n'eût pas fait mieux. Du reste, les Velavi
et les Segusiavi paraissent bien avoir
été constitués en cités séparées, à la même époque et pour les mêmes raisons
: les deux pays se font suite sur Nous concluons de, considérations précédentes que la petite cité libre des Segusiavi provint, comme celle des Velavi, d'un démembrement de la grande cité des Arverni, opéré par Auguste dans l'intérêt de sa domination en Gaule. Et nunc tonse, Liger : quondam, per colla decora Crinibus effusis, toti prælate Comatæ, LUCAIN. Entre le pays des Segusiavi,
le Forez et le pays des Sebusiani, le Bugey, s'interpose le territoire des Ædui ; territoire et peuple qui furent, durant
toute la guerre, le centre d'opération militaire et politique de César. La
cité des Ædui occupait, avons-nous
dit, les pays d'Autun, de Châlons, de Mâcon, Il se rencontrait à l'extrémité méridionale, au confluent des deux grands cours d'eau qui le desservent, une position magnifique : une grande colline où l’on a, à ses pieds, les fleuves ; au delà, de riches plaines ; au loin, les Alpes, le Mont-Blanc, sur lequel le soleil se lève, ou qu'il colore des feux de son coucher. C'était, pour continuer la politique après la guerre, une position parfaite, en communication facile avec l’Italie, au milieu de la ligne frontière des anciennes et des nouvelles provinces. C'est là que fut élevée la métropole Lugdunum, Lyon, résidence des gouverneurs romains, centre des nouveaux intérêts, séjour des empereurs. C'est là que leur toute-puissance vint s'asseoir chez les vaincus, pour couper tous les liens naturels, ces racines des peuples ; pour dissoudre toutes les masses nationales qui avaient commencé à se former, et pour supprimer toute la tradition gauloise. Cette violence contre la nature des hommes et des choses eut le sort qui l'attendait, et qu'Auguste eût pu prévoir. Son ami, le politique Horace lui avait dit : Naturam excellas furca, tamen usque recurret, La nature reprit enfin le dessus. La domination des Césars
en vint à disparaître de Ainsi nos déterminations géographiques présentent ce caractère frappant que, déduites des textes de César tous réunis, basées sur la configuration du terrain, concordant avec la géographie de Strabon et avec celle de Ptolémée, elles s'accordent encore généralement avec la position de nos anciennes provinces nationales, tradition incontestable des Gaules. Cela peut donc conduire à retrouver aujourd'hui sur le terrain les lieux mêmes des événements des première et septième campagnes de César en Gaule, campagnes qui sont assurément les plus obscures à comprendre dans son livre, surtout la septième, laquelle est aussi la plus importante à connaître pour l'instruction des peuples, principalement des descendants des Gaulois. RÉSUMÉ. En terminant, nous croyons devoir résumer, sous une forme synthétique et très brève, cette notice géographique concernant les routes, les peuples et les circonscriptions territoriales des Gaules, du côté de l’Italie, à l'époque où Jules César vint, par ces régions du Sud-est, franchissant les Alpes, le pays des Allobroges, le haut Rhône, porter la guerre et le pillage dans les trois Gaules du Nord- Ouest. Ces trois Gaules, que César appelle simplement Voici maintenant, au point de vue des campagnes de César, les principaux traits de la géographie des contrées du sud-est des Gaules, à cette époque. I. Peuples libres placés dans les Alpes. Peuples libres placés le long de Passage de communication avec l’Italie : per Alpes Penninas, par le Grand Saint-Bernard. — Portes de ce passage : Octodurus, Martigny, et Ocelum, Aoste. Peuples placés à la suite des précédents, entre Passage des Alpes sur lequel se trouvent ces trois peuples : per Alpes Graias, par le Petit Saint-Bernard. — Portes de ce passage : Ocelum, Aoste, et Montmélian. II. Peuples de Allobroges : partie
de III. Peuples de Ligne du haut Rhône. — Du côté de Du côté de Ligne des Cévennes. — Du côté delà Province : Helvii : Vivarais ; — Volcœ-Arecomici : Languedoc ; — Rutheni Provinciales : pays de Castres et d'Alby. Du côté de ROUTES SUIVIES DU NORD DE L'ITALIE À 1° Voie par le Mont Pennin,
chemin très-difficile (Strabon) ;
aujourd'hui, route par le Grand Saint-Bernard : d'Aoste à Martigny ; de là, à
Genève, par 2° Voie par le pays des Salassi
(Polybe), voie par le pays des Centrones, chemin le meilleur, praticable aux
équipages d'une armée (Strabon) ; voie
par les Alpes Graies (itinéraire d'Antonin) ; aujourd'hui, route par
le Petit Saint-Bernard : d'Aoste à Montmélian, puis à Chambéry ; là,
bifurcation, pour aller, d'une part, à Vienne et à Lyon, d'autre part, à
Genève, par Frangy. Au point de Frangy, bifurcation : la branche de droite mène
à Genève ; c'est l'un des deux chemins dont parle César au sujet de l’émigration
des Helvetii : Erant omnino itinera duo ;... alterum per Provinciam nostram. La branche
directe mène, par A Du point de croisement, l’on peut continuer sa route par
le pays des Sequani, d'abord droit au
nord, le long de Du même point de croisement, il devient facile de se
rendre à la même destination, par le pays des Sebusiani, en prenant la route
transversale indiquée ci-dessus, laquelle, venant du pays des Helvetii, se poursuit directement à l'ouest.
C'est aujourd'hui la route impériale n° 79, de Genève à Nevers ; c'était, à
l'époque de César, la route de Geneva Allobrogum
à Matisco et à Noviodunum Æduorum. Elle quitte le bord du fleuve
à Au point de De Lons-le-Saunier, l’on peut prendre sans difficulté
toutes les directions : celle de Cabilo ad Ararim
et de Bibracte (Chalon-sur-Saône et Autun) ; celle d'Agendicum, Melodunum et Lutetia
Parisiorum (Sens, Melun et Paris)
; celle d'Andematunnum et du mont Vogesus (Langres
et les montagnes des Vosges) ; celle de Vesontio
(Besançon), qui mène au delà sur le
Rhin, chez les Germains.... On est parvenu au cœur de Lucain, dans ... Sparsas
per Gallica rura cohortes Evocat, et Romam motis petit undique signis. Deseruere cavo tentoria fixa Lemano, Castraque quæ Vogesi curvam super ardua rupem Pugnaces pictis cohihehant Lingonas armis, Hi vada liquerunt Isaræ... Ainsi la première pensée du poète est l'image des légions accourant en Italie, des bords du Léman, des rives de la haute Saône, de celles de l’Isère, c'est-à-dire, accourant par toutes les branches de la route des Alpes Graies que nous venons d'examiner. Or l’on sait que Lucain écrivait sous Néron, cent ans seulement après la guerre de Gaule, et l’on ne peut guère douter que ces détails militaires ne fussent alors parfaitement connus de tous les Romains lettrés. Enfin, nous verrons encore cette même voie naturelle et
facile s'accorder, non moins bien, avec un texte important de Plutarque, qui
se trouvera mieux placé dans la discussion de la marche de César, à la
septième campagne. Ce texte signale le territoire
des Séquanes comme étant, de toute |
[1] Paris, 1809, Imprimerie impériale.
[2]
Le stade commun, stade olympique, est d'environ
[3] Il y a dans le texte grec : à César. Coray avertit lui-même de sa correction, qui est malheureuse.
[4] STRABON, l. IV, ch. I et VI ; l. V, ch. I.
[5] PLINE, Hist. Nat., III, V, IV.
[6] SUÉTONE, Auguste, XXI.
[7] SUÉTONE, Auguste, XII.
[8] SUÉTONE, Auguste, XXI.
[9] STRABON, IV, II.
[10] B. G., VII, VII.
[11] B. G., I, II.
[12] B. G., I, XXXIII.
[13] B. G., I, VI.
[14] B. G., I, X.
[15] B. G., VII, LXV.
[16] B. G., I, XI.
[17] B. G., I, XIV.
[18] Tacite le répète, Hist., I, LXVI.
[19] ? Isara
vada.
[20] B. G., I, X.
[21] La désignation de ce même lieu dans les itinéraires romains par l'expression ad Martis parait indiquer un poste militaire : ad Martis stationem.
[22] En français, Uxeaux. Nous admettons, avec Coray, que c'est l'Ocelum dont parle Strabon dans un passage cité plus loin. Le nom de la ville voisine, Fenestrella, petite fenêtre, rappelle encore la même idée, un poste de surveillance.
[23] C'est-à-dire vers l’occident.
[24] La route de Nîmes au Var, qui a une partie commune avec celle-ci, depuis Nîmes jusqu'à Tarascon.
[25] Ces 63 milles, ou les 17 lieues qu'ils représentent, conduisent juste depuis Tarascon, par Saint-Remi, Cavaillon, Apt, jusqu'à Oppedette, l'ancienne Catuiaca, située au pied des montagnes qui servaient de limites aux Vocontiens. (Note de Gosselin jointe à la version de Coray.)
[26] Ces 99 milles valent 26 lieues et demie, et tracent exactement la route depuis Oppedette, par Sisteron, Alemont, Gap, Chorges, jusqu'à Embrun. (Note de Gosselin, ibid.)
[27] Ucello, dans le val de Pragelas. (Note de Coray.)
[28]
Strabon, l. IV, ch. I. En prenant pour Scingomacum
le lieu appelé Sauze de Cézanne, la
route qui, de là, remonte par le val de
[29] Ces mêmes limites de l'Etat de Cottius sont de nouveau indiquées dans l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, sauf que, à partir de Cézanne (Gesdao), il suit le val de Suse. Voici le texte.... Mansio Vapinco — Mansio Catorigas. — Mansio Hebriduno — Inde incipiunt Alpes Cottiæ. — Mansio Ramæ — Mansio Byrigantum. — Inde ascendis Matronam. — Mutatio Gesdaone — Mansio ad Marte — Civitas Secussione — Inde incipit Italia....
[30] B. G., III, I.
[31] B. G., IV, X.
[32] B. G., I, II.
[33] B. G., I, VI.
[34] B. G., I, XXXIII.
[35] Consulter à cet égard les variantes que contient l'édition des Commentaires donnée récemment à Upsal, par M. le docteur Frigell.
[36] B. G., I, X.
[37] B. G., I, II.
[38] B. G., I, II et VI.
[39] B. G., I, XI.
[40] B. G., I, XI et XII.
[41] B. G., I, XII.
[42] B. G., VII, IX.
[43] B. G., VII, LXIV, LXV.
[44] B. G., VII, LXV.
[45] B. G., I, X.
[46] B. G., I, XII.
[47] B. G., VII, LXIV et LXV.
[48] B. G., VII, XC.
[49] B. G., I, XXIII.
[50] B. G., I, XI.
[51] B. G., VII, LXXV.
[52] B. G., VII, XC.
[53] Strabon, IV, I.
[54]
Strabon ajoute ici : Il y a encore un autre fleuve qui
sort également des Alpes, et qu’on nomme Sequana (
[55] Strabon, IV, III.
[56] Strabon, II, IV.
[57]
Si Strabon, au lieu de dire que les Segusii
habitent entre le Rhône et le Doubs, eût dit entre le Rhône et l'Ain, l'expression eût précisé
ce qu'il dit vaguement des Segusii et
des Ædui ; elle eût montré clairement
qu'il attribue l'intervalle compris entre le Rhône et l'Ain aux Segusii (Sebusiani),
et celui compris entre l'Ain et
[58] TITE-LIVE, Hist., V, XXXIV.
[59] B. G., VII, LXIV, LXV.
[60] VII, VII.
[61] VII, VIII.
[62] VII, LXXV.
[63] Strabon, IV, II.
[64] Strabon, IV, III.
[65] Moulins, 1644, p. 62.
[66] Bourg-en-Bresse, 1838, Bottier, t. I.
[67] Paris, 1846.
[68] Origines du Lyonnais, p. 91
[69] Origines du Lyonnais, p. 22.