VERDUN

 

III. — AVANT LA GRANDE BATAILLE.

 

 

Septembre 1914-août 1915.

 

Si les kronprinz de Bavière et de Prusse avaient été en mesure de s'emparer de Verdun en août-septembre 1914 et de percer ainsi la ligne de la Meuse, écrit Egelhaaf, les armées allemandes auraient foncé sur Paris d'un seul mouvement. Mais les princes restèrent accrochés à Verdun...

Il est très certain que parmi les fautes graves commises en septembre 1914 par le Haut Commandement allemand et qui sont aujourd'hui avérées, l'espèce de dédain que le kronprinz de Prusse sembla témoigner pour le camp de Verdun fut une des plus singulières. D'aucuns diront que, la ville étant aux trois quarts encerclée vers le 3 septembre 1914, il était de bonne guerre de ne point hasarder une bataille de plus pour la forcer : elle fin, cela est certain, tombée d'elle-même si, de l'Oural à l'Ornain, les armées allemandes eussent été à cette date, victorieuses. Mais en négligeant de s'assurer ce point d'appui et, partant, de le dérober à son adversaire, le Haut Commandement allemand jouait grosse partie, car battus en Ile-de-France et en Champagne, nos ennemis étaient obligés de reculer sur toute la ligne au lieu de picoler sur ce point d'appui. Maitre de Verdun, le Kronprinz n'eut peut-être ni plus ni moins pu — Kluck, Bülow et Hansen étant vaincus et forcés de se retirer — se maintenir en face des armées agressives de Langle de Cary et de Sarrail. Encore n'eût-il pas été contraint de faire un repli, par bonds, de soixante-dix kilomètres, des rives de l'Ornain à la ligne Consenvoye-Montfaucon-Varennes-Binarville — ainsi qu'il arriva — et gardant, à tout prendre, avec la magnifique position conquise sur la Meuse, la ligne ferrée de Verdun à Châlons, il eût certainement permis au front allemand de se stabiliser fort au sud de Reims, de Soissons et de Compiègne.

A la vérité, d'autres objecteront que l'envie — peut-être — n'en manqua point au kronprinz de Prusse, mais qu'il ne se crut point de force à la réaliser. C'est qu'il fut probablement trompé sur l'importance des troupes  qui, à cette heure, défendaient Verdun. Le camp avait, en 1914, un tel prestige que, l'assimilant en leur esprit à celui de Metz, les Allemands — chose rare en cette campagne —surestimèrent sur ce point la capacité de défense de leurs adversaires. Le général Sarrail qui, avec la 3e armée, nous l'allons voir, gardait avec Verdun une liaison bien fragile, représentait une force — et il le prouva — mais cette force était en septembre 1914 absorbée presque tout entière à défendre de l'Aire à. l'Ornain un des côtés du camp de Verdun : sur trois autres côtés. Verdun était livré à un assaut allemand un peu vigoureux ; sans doute, le gouverneur de la place, le général Coutanceau, soldat plein d'une froide résolution, était-il décidé à résister avec tout ce qu'il avait de troupes à un assaut venant du Nord, de l'Est et de l'Ouest, mais il avait peu de forces relativement à celles dont disposait encore la place de Metz. La preuve en est qu'il fallut une intervention de la 2e armée Castelnau pour empêcher — au cours de la bataille de la Marne — les forts du sud de la défense Troyen et Génicourt, assaillis, de tomber au pouvoir des ennemis, et il est probable que si, au lieu d'être limité à une attaque locale en direction de Saint-Mihiel, l'assaut eut été généralisé aux trois fronts de Verdun alors investis, la vaillance des deux divisions de la place en grande partie composées de troupes territoriales eut été  soumise à assez rude épreuve et exposée à un tragique dénouement.

C'est là un chapitre du Verdun de guerre sur lequel on n'attend pas que je m'arrête ici longuement. Le drame de 1916 relègue au troisième plan celui dont Verdun eût pu être, en septembre 1914, l'une des illustres victimes. Ce n'est là que partie d'un autre grand drame, celui qui se jouait du camp de Paris à celui de Verdun, sur la ligne de la Marne et qui a été étudié ailleurs[1].

J'ai ailleurs, en m'aidant de mes souvenirs, dit quel avait été en ces jours le moral des quelques régiments qui. sur les limites du camp, avaient dû en assumer la défense éventuelle[2] et je prends la liberté de renvoyer à ces pages. Du 30 août au 13 septembre, le camp, investi sur trois de ses côtés, avait été, par surcroît, après le 7, menacé sur le quatrième par l'irruption de l'ennemi dans la trouée de Spada en direction de Saint-Mihiel. Mon régiment territorial (le 44e) occupait le large secteur nord-est qui s'étendait de Bras à Eix-Abancourt et je me trouvais alors personnellement au fort de Douaumont, observatoire éminent d'où il nous avait été loisible de suivre la retraite de la 3e armée et le mouvement du kronprinz glissant lentement à notre nord, puis à notre ouest. A notre est, nous avions vu jusqu'aux premières pentes des Côtes de Meuse et au pied de notre massif de Douaumont — la Woëvre se remplir d'Allemands : alors, avait éclaté à notre sud la sinistre fanfare de Troyon, bombardement continu permettant de prévoir l'attaque dont le succès pouvait taire de nous — à l'extrémité nord-est du camp — des assiégés, peut-être avant peu assaillis. Le b, il avait fallu que le fort de Douaumont, pour nettoyer les Jumelles d'Ornes et les environs, tirât ses premiers coups de canon dont notre casemate avait retenti — non moins que des acclamations dont nous saluions cette entrée en scène. Mais rien de tout cela — pas même le manque forcé de nouvelles n'ébranlait un moral magnifique. Le sourd grondement lointain, que le bombardement de Troyon ne couvrait pas toujours et qui s'entendait constamment à notre sud-ouest nous apprenait que la bataille prévue entre l'arts et Verdun se déchaînait. Le canon ne s'éloignait pas : donc on tenait tête à l'Allemand. Vers le 13, le silence se rétablissant du côté de Saint-Mihiel, nous perçûmes nettement que, par contre, le canon de la grande bataille se rapprochait. Nous ne savions rien — ne recevant ni communiqués ni journaux et tenant volontiers pour suspects les bruits qui, à Douaumont, nous parvenaient de Verdun — mais, notre foi aidant, que rien, pas plus que notre belle humeur, n'avait pu ébranler, nous permettait de sentir bruisser les ailes de la Victoire. Le 14, nous apprîmes dans notre obscure casemate, par un message que les téléphonistes transcrivaient d'un air extasié, que la victoire avait en effet couronné nos efforts, que l'ennemi était rejeté sur l'Oise, l'Aisne, le nord de l'Argonne et que, partant, Verdun était dégagé, sous l'apprîmes sans transports de surprise, n'ayant jamais connu le doute ni l'inquiétude, mais avec une joie profonde et frémissante qui, dans ce fort, pendant quelques jours avant-poste isolé, répondait à celle du pays tout entier.

sous vîmes, peu d'heures après, reparaître l'État-major du 6e corps, alors commandé par le général Veyraud, au fort de Douaumont. Tandis que le kronprinz de Prusse se repliait vers la Basse Meuse, une opération se montait pour le pousser plus loin : tandis que le 150 corps se portait au nord de la route de Clermont à Verdun, le 3e visait Avocourt, le 6e, sur ces entrefaites, passé aux ordres du général Herr marchait sur la Woëvre : il occupait, le 15 par ses avant-postes Beaumont, le bois de Cames, la cote 351, la partie sud de l'Herbebois et les Jumelles d'Ornes. De son côté, la 2e armée Castelnau tenait par ses 65e, 67e, 73e et 75e divisions les côtes de Meuse de Haudiomont à Hattonchâtel.

***

La manœuvre qui se préparait sous nos yeux pouvait voir pour résultat le dégagement de la Woëvre, quand, par un brusque coup contre-offensif, l'ennemi attaqua sur Hattonchâtel. La 75e division surprise céda ce bastion et l'ennemi ayant, à ce saillant, brisé derechef la barrière et, par l'occupation du massif de Combres, parvenant à élargir la brèche, fit irruption dans la trouée de Spada. Le 6e corps fut immédiatement porté vers le sud pour enrayer la marche de l'ennemi vers la Mense. Déjà celui-ci s'était infiltré par Woinville sur Saint-Mihiel, tandis que son artillerie bombardait sévèrement les forts de Troyon, de Liouville et du Camp des Poulains qui en quelques heures fut écrasé. Attaqué aussitôt, ce dernier fort fut, occupé par les Allemands. Ils entraient enfin à Saint-Mihiel et parvenaient même à occuper sur la rive gauche de la Meuse, Chauvoncourt. Là s'arrêta leur succès. Les troupes détachées de la gauche de la 1re armée — assumant, sur ces entrefaites, le secteur de la 2e — et de la droite de la 3e l'enrayaient dès le 23, mais, ne parvenant pas à refouler l'ennemi, le laissaient en cette fameuse hernie de Saint-Mihiel d'où, nous le verrons, il ne devait être chassé que quatre ans après, presque jour pour jour, par les corps franco-américains sous les ordres du général Pershing.

Comme, le 23, l'ennemi avait, reprenant en Argonne une attitude très agressive, violemment attaqué dans la région de Varennes, et que, le 8 octobre, nous reçûmes au fort de Douaumont — ce fut mon premier bombardement et on m'excusera d'en garder un souvenir particulièrement frappant — une pluie de marmites assez sérieuse (150 et 305 agréablement mêlés), il semble bien qu'obéissant à. un regret tardif, le Haut Commandement allemand ait préparé une attaque de large envergure sur la place et qu'arrêté finalement partout il ait dû y renoncer.

Il ne parut pas disposé, au cours des dernières semaines de 1911, à en tenter une nouvelle. C'était, au contraire, les troupes de Verdun qui, tant vers les bois du Nord, dont elles s'emparaient. que du côté de la Woëvre, élargissaient action et fortifiaient la position de Verdun. Par ailleurs, le général Coutanceau, dont la sollicitude restait inquiète jusqu'à se faire assez âpre, obtenait ces magnifiques batteries de côte qui — enfin — assuraient la défense du formidable bastion de France confié à ses soins.

La situation du camp de Verdun semblait. à cette époque, assez bien assise — sauf d'un côté : la présence des Allemands dans la région de Saint-Mihiel constituait un danger constant, Sans doute ne suffisait-elle point autoriser pour les Allemands â proclamer tous les mois que le siège de Verdun était commencé[3]. Mais il était certain que, en cas d'une grande attaque sur la place, nous serions singulièrement gênés par ce coin enfoncé dans nos côtes. Or, en quelques semaines, l'ennemi s'était assez fortifié sur la partie des Hauts de Meuse qu'il avait saisie — des Eparges inclus à la forêt d'Apremont — pour que des opérations locales ne fussent pas suffisantes pour le chasser d'aucun des points qu'il occupait. Une attaque sur Chauvoncourt, menée le 16 novembre 1915 par la 65e division de réserve, destinée simplement à chasser l'ennemi de l'enclave qu'il tenait au delà de la Meuse, avait permis de pénétrer dans les anciennes casernes et de s'y maintenir quelques jours au prix de grandes pertes : mais les casernes minées ayant sauté, cette attaque avait fini en petit désastre et on avait dit non seulement s'arrêter, mais abandonner Chauvoncourt.

Notre Haut Commandement en avait à juste titre conclu qu'une opération d'ensemble permettrait seule de réduire la hernie et commençait à la préparer. Elle devait être confiée à la 1re armée — tenant par sa gauche la Woëvre méridionale et la Haye —, et appuyée par les troupes de la place de Verdun. Il parut dès lors expédient de faire passer celle-ci de la 3e à la 1re armée, commandée par le général Roques.

Je sortirais de mon cadre en entrant dans le récit de ces opérations qui, pour des raisons diverses, devaient aboutir à un insuccès total, sauf sur un très petit point. Ce point pourrait nous arrêter, car la bataille des Eparges, seule en ces circonstances, se rattache étroitement à l'histoire du Verdun de guerre, mais je me réserve de la raconter plus amplement ailleurs.

Il me suffira de rappeler qu'attaquée dès l'automne par le général Herr, commandant le 6e corps, investie par lui savamment durant tout l'hiver 1914-1915, assaillie le 17 février, à moitié prise alors, réassaillie les 17 et 27 mars, la position, après une âpre bataille de cinq jours, du 5 au 9 avril, était emportée par la 24e brigade (Gramat) actionnée par le général Herr.

Les Allemands ne pouvaient accepter cette défaite. Elle nous installait en face de Combres que le général Herr se préparait à conquérir. Ainsi tout le pilier nord du saillant de Saint-Mihiel serait-il enlevé à l'occupant. Par une contre-offensive violente, non sur la hauteur elle-même mais sur son flanc ouest, l'ennemi essaya, le 21 avril, de mettre obstacle aces projets. A près lm bombardement intense sur les Eparges, les Allemands se portèrent sur Saint-Remy et firent irruption dans la tranchée de Calonne qui du sud au nord, coupe le bois de Saint-Remy et le bois Haut, à l'ouest immédiate de la colline disputée. Le général Herr précipita dans la tranchée tout ce qu'il avait de troupes, tandis qu'il dépensait à Canonner l'assaillant tout ce qui lui restait de munitions. La voie d'eau fut aveuglée, l'ennemi refoulé en mauvais arroi et la tranchée presque totalement reconquise. L'ennemi entendit la reprendre : le 5 mai, une division entière attaquait derechef nos positions reconquises ; elle s'y brisa, fauchée par nos tirs de barrage et finalement rejetée en lambeaux. Mais à ces opérations défensives la dotation d'artillerie destinée à compléter par la prise de Combres celle du petit massif entier, avait été dépensée. Or on était encore — en ce printemps de 1915 — tenu à une stricte économie des munitions comme des canons. L'opération de Woëvre dont primitivement l'attaque des Eparges n'avait dû être que le premier acte ayant, en dernière analyse, échoué, on préparait la première grande offensive d'Artois. Et l'on dut se contenter, dans la région de Verdun, des succès — assez minimes — obtenus.

Ils ne se bornaient cependant pas exclusivement à la prise des Eparges. Le gouverneur de Verdun avait profité des circonstances pour donner de l'air à sa place. Un sévère bombardement des forts de Douaumont, les 15, 16 et 17 février et de Vaux, le 18, par un mortier de 42 avait attiré une fois de plus l'attention sur le danger que créait à la ceinture de défense extérieure de la place la présence de l'ennemi en Woëvre à une si courte distance des Côtes de Meuse. Sans doute, nue de nos pièces de 219 avait-elle pu — par un maitre coup — atteindre le 420 allemand et en démolir la plate-forme, mais le général Coutanceau n'en rêvait pas moins de porter ses batteries plus avant; ce qui constituerait pour les forts de l'est une chance de plus de sécurité. On avait, par une véritable guerre de guérillas menée dans les petits bois et les marécages de Woëvre, à l'est de la ligne Ornes-Douaumont-Damloup, porté déjà nos avant-postes à Haucourt, Mogeville, la ferme Haraigne et l'on s'était infiltré dans le bois des Hautes-Charnières. Le 5 avril, nous enlevions Fromezey et, nous établissant ainsi à une lieue d'Étain, permettions à notre artillerie de garnir les Hautes-Charrières tandis que l'on emportait plus au sud la côte 221 à une demi-lieue ouest de Warcq. Gussainville, les fermes de l'Hôpital et du Haut-Bois, ce qui couvrait, par ailleurs, l'attaque du général Gérard sur Marche-ville. On sait que cette attaque échoua. Cet échec empêchait de porter plus à l'est la ligne des avant-postes de la place et, après avoir pensé occuper la Warcq et Etain, on dut s'en tenir à la nouvelle ligne Ornes-Alaucourt-Mogeville-Hautes-Charrières-Fromezey-Gussainville-Hennemont-Pintheville-Fres-nes-Tresauvaux-Les Eparges. qui allait rester la limite extrême du camp du côté de l'est jusqu'à la grande attaque du 2I février 1916.

Au nord, l'essai d'élargissement tenté n'avait pas abouti à un résultat, plus important. Nous avions, au cours de l'hiver, en grignotant — suivant l'expression alors à la mode — les positions ennemies, porté les nôtres au delà du bois des Catins, du bois d'Haumont, au delà de Consenvoye et du bois de Forges. Mais pour aller plus loin, il eût fallu que la 3e armée, à notre gauche, nous débarrassât de l'obsédante et redoutable présence des Allemands à Cuisy et Montfaucon. Or la 3e armée après avoir, à grand'peine et au prix de grosses pertes, atteint en Argonne. Vauquois et Bourenilles, en restait là. Montfaucon n'était donc point tourné à l'ouest et ne le serait pas. Il fallait bien, dès lors, que, de ce côté, on s'en tint à la limite bois de Malancourt-Bethincourt-bois des Forges-Consenvoye-bois d'Haurnont-bois des Caures, qui, à la vérité, devait pendant huit mois résister à tontes les tentatives de l'ennemi pour l'entamer.

***

En dernière analyse, le camp de Verdun était, au commencement de l'été 1915, arrivé à prendre assez largement de l'air sans se dégager complètement de l'étreinte allemande. Celle-ci pouvait d'un instant à l'autre se resserrer. Maitres de l'Argonne septentrionale, de la région de Varennes à celle de Grandpré, de la vallée de la Basse Meuse au nord de Consenvoye, des vastes forêts de Mangiennes-Spincourt et Hingry sous le couvert desquelles ils pouvaient installer leurs batteries, les Allemands occupaient, à l'est du camp, la Woëvre entre la région d'Etain-Conflans et celle de Vigneulles-Thiaucourt rompant les Côtes au sud des Eparges, courant à la Meuse en direction nord-est. sud-ouest jusqu'à Saint-Mihiel et le franchissant même à Chauvoncourt, leur front enveloppait en partie le sud de Verdun et l'ennemi tenait ainsi l'une des principales voies de communication entre la ville et la grande ligne de l'Est — le chemin de fer de Lérouville à Sedan, par Saint-Mihiel et Verdun. Ses canons installés en Woëvre, comme les batteries de Montfaucon, pouvaient battre, avec toute la partie nord et est de la région de Verdun, la ville elle-même et le fait devint patent quand, le 4 juin, Verdun, qui jusque-là n'avait connu que la visite des avions, fut bombardé par les pièces de 38 installées au bois de Museray et, dès ce jour, cruellement malmené. A la vérité, nos pièces de 240 et notamment le fameux Péruvien long de Vaux avaient mis presque immédiatement à mal la grosse pièce. La situation n'en était pas moins constamment menaçante. Dès le 1er juillet 1915, le général-gouverneur Coutanceau et le général Roques, commandant la 1re armée, tombaient d'accord sur l'éventualité d'une grosse ruée allemande sur Verdun. Sans partager entièrement leur pessimisme, le général Dubail, commandant du Groupe des armées de l'Est, et le Grand Quartier Général envisageaient la perspective comme plausible. La conclusion qu'ils en tiraient était qu'il fallait constituer eu armée autonome les troupes qui, des positions faisant face à Saint-Mihiel aux Eparges, des Eparges à Ornes et d'Ornes à Malancourt, gardaient le saillant de Verdun. La place proprement dite disparaissait en cette organisation. Verdun resterait évidemment, avec sa citadelle, le centre et le point d'appui principal de la défense, mais le cadre un peu étroit de la place était brisée. La Région fortifiée de Verdun — pour nos papiers, la R F V — était entre les mains d'une petite armée, intercalée entre les 1re et 3e armées et qui, gardant pour quelques semaines le 6e corps, recevrait, avec le 5e, les troupes de la défense groupées en secteur nord sous les ordres de notre ancien gouverneur, le général Coutanceau. Le général Herr, commandant le 6e corps, que son succès des Eparges avait mis fort légitimement en relief, reçut le commandement de cette petite armée, constituée le 8 août 1915 et qui, après cinq mois d'une existence presque sans histoire, connaitra des jours si agités.

 

 

 



[1] Cf. mon petit volume, La Victoire de la Marne, Plon, 1916.

[2] Louis Madelin, Devant Verdun, Revue hebdomadaire du 13 octobre 1917.

[3] J'ai cité ailleurs les lettres qui prouvent que l'Allemagne croyait fermement Verdun assiégé (Revue Hebdomadaire du 20 octobre 1917).