LA ROME DE NAPOLÉON

LIVRE PREMIER. — L'ÉTAT ROMAIN EN 1809

 

CHAPITRE VI. — LES PRODROMES DE L'ANNEXION - L'OCCUPATION MILITAIRE (2 FÉVRIER 1808 - 9 JUIN, 1809)[1].

 

 

Rome occupée depuis le 2 février 1808. — La querelle de Pie VII et de Napoléon : ses motifs apparents ; ses causes secondaires ; en réalité, sans se l'avouer au début, Napoléon entend avant tout régner à Rome. — Les incidents comptent donc peu. — Miollis à Rome : le château Saint-Ange investi ; le pape captif au Quirinal. — Occupation progressive. — Opposition suscitée par Pie VII au ralliement mondain que Miollis entend organiser ; on fait le vide autour des Français ; ils se vengent par quelques arrestations et l'enlèvement de quelques cardinaux. — L'autorité du pape grandit : celui-ci s'irrite et s'exalte ; impossibilité de lutter avec lui sur le terrain moral. — Réunion des Marches au royaume d'Italie ; protestation du pape ; Pacca secrétaire d'État ; incessantes protestations ; dans l'affaire des gardes civiques, puis dans la tentative d'enlèvement de Pacca, Miollis est battu par Pie VII ; terreurs des Français en face d'une émeute imminente. — L'incident du carnaval de 1809 : singulière tentative de Miollis pour forcer les Romains à s'amuser ; Pasquino ricane. — L'annexion résolue : Murat presse l'empereur ; significatives instances ; le coup d'État sera-t-il napolitain ? Murat ou Eugène ? Salicetti ou Miollis ? — L'empereur veut faire collaborer tout le monde. — Intrigues de Salicetti : il entend profiter de l'absence de Miollis pour faire seul le coup d'État. — Miollis rentre à Rome à bride abattue. — La soirée du 9 juin. — Inconvénients qu'a eus pour la domination française l'occupation trop prolongée ; faux calcul de l'empereur : Pie Vil a pris conscience de son pouvoir et le peuple s'est habitué à une désobéissance impunie.

 

Rome était, au moment où le coup d'État du 10 juin 1809 la réunissait à l'Empire, occupée par les troupes françaises depuis dix-huit mois : depuis dix-huit mois, deux gouvernements, l'un de principe, l'autre de fait, régissaient la ville et l'État : le gouvernement de la veille dont la déchéance n'était point proclamée officiellement, le gouvernement du lendemain qui, tout en affirmant de jour en jour sa mainmise sur Rome, laissait ses partisans dans l'incertitude ; deux gouvernements qui, disposant d'armes inégales, ne se sentaient point de force à s'expulser ou à se détruire : situation bien romaine, mais qui eut pour la domination française des conséquences si graves qu'il s'y faut arrêter encore un instant.

Le général Sextius Miollis était entré à Rome le 2 février 1808 : nul n'avait mis en doute que cette occupation militaire, encore qu'on affectât de la tenir de part et d'autre pour temporaire, ne fût le prélude d'une très prompte réunion à l'Empire.

A la suite de quelles querelles Napoléon faisait occuper la ville des papes, c'est ce que nous ne saurions exposer ici même brièvement : déjà étudié, ce chapitre d'une si importante histoire mérite de l'être encore[2] ; mais il n'a point sa place en cette modeste étude. Les événements qui, de 1805 à 1808, ont acheminé Napoléon vers Rome importent d'ailleurs peu si, comme nous, l'on admet que la politique de Napoléon fut engagée dans cette voie beaucoup moins par des incidents imprévus, que par la tendance de son esprit, la conception de son pouvoir et l'élan de sa passion. Un pape tout à fait différent de Pie VII, plus ferme ou plus diplomate, eût-il pu vraiment éviter à Rome le sort qui lui fut dévolu, c'est ce que le dépouillement très consciencieux de la correspondance échangée entre Rome et Paris de 1805 à 1809 ne nous permet pas de croire.

Napoléon devait venir à Rome : le système impérial avait, nous l'avons vu, comme conséquence fatale, comme couronnement nécessaire la mainmise sur Rome, capitale mystique en quelque sorte et idéale de l'impérialisme occidental. Plus particulièrement la politique de Napoléon rendait, à un point de vue moins éthéré, l'annexion nécessaire. D'une part, l'Italie était vouée à la domination du Maître : Turin, Milan, Venise, Florence et Naples avaient tour à tour subi le même sort ; fiel de la maison Bonaparte, l'Italie aspirait à l'unité ; il paraissait impossible qu'au centre de ce pays, deux ou trois provinces restassent seules entre les mains d'un prince à qui précisément son caractère particulier de pontife-roi interdisait la demi-soumission, l'acceptation du vasselage, seule satisfaction possible aux exigences du régime italien. Le blocus continental entraînait d'autres conséquences : il devait mener l'Empereur en Espagne et en Russie, lui faire annexer Amsterdam et Hambourg jugées, même vassales, trop vacillantes en leur politique ; il impliquait donc l'occupation d'Ancône, de Civita Vecchia, des deux littoraux et, partant, de l'État romain. A quoi bon fermer les ports de Dantzig à Cadix, de Cadix à Corfou, si, sur un littoral, si petit fût-il, un seul port restait ouvert ? Sur ce point encore le pape, quel qu'il fût, ne pouvait se soumettre aux exigences de l'Empereur : il ne pouvait pas plus adhérer sincèrement au Blocus Continental qu'à la Confédération italienne, parce que son éminente dignité l'empêchait de se faire le vassal de l'Empire et que son magistère universel lui interdisait de se déclarer l'ennemi des ennemis de l'Empereur : interdire ses ports aux Anglais, t'eût été, de la part de Pie VII, leur déclarer la guerre, exposer sans motifs plausibles, dans une nation où le No Popery se clamait depuis deux cents ans, ses fils d'Irlande et d'Angleterre à des représailles légitimes. s'exposer lui-même, de leur part, à des répudiations et peut-être à un schisme. Eût-il même désarmé l'Empereur en le faisant ? C'est à quoi il faut toujours en revenir : système italien, blocus continental condamnaient évidemment Rome à être une des capitales de Napoléon, Ancône et Civita Vecchia à devenir ports de l'Empire ; moins cependant que le désir qui secrètement brûlait l'Empereur, de se sentir maître du Capitole et souverain dans la ville où César avait régné.

Dès lors les incidents qui, de 1805 à 1809, mettent aux prises l'Empereur et le Pape, ne nous apparaissent plus que comme les péripéties d'un libretto dont le dénouement est écrit. L'occupation d'Ancône dès 1805 par Gouvion Saint-Cyr, les querelles de l'ambassadeur Fesch et du secrétaire d'État Consalvi, les négociations orageuses qui aboutissent au départ de l'agent anglais Jackson, les nouvelles exigences de Napoléon prétendant, en 1806, faire chasser de Rome les diplomates hostiles Autrichiens et Russes aujourd'hui, demain Prussiens et Espagnols — et fermer les ports aux bâtiments ennemis, les protestations du pape contre de pareilles exigences et plus encore contre les termes hautains et parfois inexacts dont se sert volontiers le nouveau Charlemagne pour rappeler les bienfaits de son illustre prédécesseur, les nouvelles requêtes de Napoléon visant à faire expulser non seulement les ministres étrangers, mais des brigands napolitains dont, il faut le reconnaître, l'existence parut dans la suite purement fabuleuse, les maladresses du Pape dans l'affaire de la reconnaissance de Joseph comme roi de Naples (avril 1806) ; l'occupation de Civita Vecchia en mai 1806 et les véhémentes plaintes qu'elle soulève dans la Curie ; la retraite malheureuse du sage Consalvi et l'avènement de l'insignifiant Casoni qui met en présence Pie VII, devenu irritable, et Napoléon, dont cette irritation fait le jeu ; les terribles scènes de l'Empereur au nonce Caprara en juillet 1806 ; les actes d'omnipotence et bientôt de violence auxquels les généraux français à Ancône et Civita Vecchia se croient autorisés, revenus pontificaux confisqués, agents romains contraints ou arrêtés ; le nouveau conflit que soulève la question du Concordat étendu aux diocèses vénitiens ; les lettres outrageantes qu'Eugène transmet par ordre à Rome en juillet 1807 ; les querelles à tout instant cherchées au pape à propos de l'entretien des troupes françaises occupant ses États ; la prise de possession de toutes les Marches en octobre 1807 ; l'enlèvement du prélat Rivarola, de Macerata ; les prétentions tous les jours grossissantes de l'Empereur à obtenir du pape une déclaration de guerre en règle aux Anglais et, en face d'une aussi évidente insatiabilité, le suprême refus du pape excédé, sont des événements dramatiques, mais d'un drame dont, dès 1806, l'Empereur lui-même laissait prévoir le dénouement fatal.

Faut-il pour cela, avec d' Haussonville, bien suspect de préventions antinapoléoniennes, l'accuser de mauvaise foi ? Habitué à tout envisager sous l'angle étroit de ses conceptions, Napoléon a bien cru, de 1804 à 1806 ou 1807, sacrifier au pape cette Rome qui, en principe, était à lui, l'Empereur, et continuer la politique de Constantin, de Charlemagne qui souffrirent des papes dans le bien de César : il voyait, avec une indignation qui n'était pas feinte et une satisfaction inavouée, le pape exposer par sa bêtise, son opiniâtreté, sa folie, cette combinaison, qui au fond ne le contentait pas, à un échec qu'inconsciemment il souhaitait et auquel devait fatalement aboutir toute cette politique ; il entendait en toute bonne foi, et je dirai presque ingénument— si le mot pouvait s'appliquer à Napoléon — se prouver à lui-même, prouver aux autres, au pape lui-même, l'invalidité du système de Charlemagne et l'impossibilité où il était de maintenir entre les mains du successeur de Léon III le pouvoir temporel. Constantin, Charlemagne, Charles-Quint jouent dans ses lettres romaines un rôle en apparence prépondérant : s'il était sincère avec lui-même, ce n'est point en leur nom, mais au nom de César qu'il parlerait, César dont indûment un prêtre a pris ou reçu la ville. L'idée de l'annexion a pu se justifier aux yeux de l'Empereur, elle a pu grandir au cours de ces incidents : elle n'en est pas née.

La contingence des événements compte peu auprès de la conception d'abord inconsciente et inavouée, tout à la fois si personnelle et si fabuleuse, qui de 1805 à 1809 les fait naître et les exploite.

***

Une aube d'hiver, tardive, s'étant levée, le 2 février 1808, sur Rome, avait éclairé, franchissant le Ponte Molle, les dragons français servant d'éclaireurs à la petite division que Miollis amenait de Florence — à destination de Naples, disait-on. Personne ne s'y laissait tromper[3].

Les troupes françaises pénétrèrent à Rome vers huit heures par la porte du Peuple, s'avancèrent pleines de curiosité à travers les quartiers pittoresques de la vieille ville, occupant incontinent les postes et désarmant les soldats du pape, investirent sans coup férir le château Saint-Ange que leur livrait le profond découragement du gouvernement pontifical et traînèrent jusqu'en haut du Quirinal des canons qui furent mis en batterie sous les fenêtres de la résidence d'hiver où le Pape s'était enfermé[4].

La réprobation, que cette entrée provoquait chez les Romains, n'ayant d'égale que leur consternation, se faisait à ce point silencieuse, que, ne trouvant ni résistance officielle ni opposition populaire, les Français, persuadés qu'ils étaient depuis longtemps appelés par les vœux secrets de citoyens opprimés, en conclurent que, derrière ces masques impénétrables, se cachait une joie secrète, simplement comprimée par la peur du pape et de ses foudres.

Celui-ci restait, de fait, officiellement leur prince. Miollis, le jour même de son entrée, avait sollicité une audience et fait évacuer par ses canonniers les abords du Quirinal : Pie VII, pour s'entretenir dans de suprêmes illusions ou ne se donner aucun tort, consentit à recevoir le général qui, modéré, conciliant et respectueux, le salua comme si, de passage, il fût venu rendre hommage au plus légitime des souverains. Le Pape se montra affable, et la fiction sembla, pour quelques jours, acceptée d'un simple passage des troupes françaises dans la ville officiellement laissée au pontife[5].

Singulier passage de troupes ! Singuliers hôtes qui installent à Rome un commandant de place, le général Herbin, chargé de la police, et donnent des ordres impérieux au chef de la police pontificale, cependant qu'on fait défense à l'imprimeur du pape de rien recevoir du Quirinal sans en avertir la place de Rome ! Singuliers hôtes qui, trois jours après leur entrée, parlent en maîtres, confisquent les lettres et désarment la troupe[6].

Hôtes aimables par ailleurs, car Miollis a pour mission de séduire. Il ouvre donc ses salons, y convie le patriciat, le mardi gras, à un bal où les officiers français et italiens se montrent très galants ; il remplit ainsi les vœux de l'Empereur qui entend préluder à la fusion et ne pourvoit le général d'un traitement de 15.000 fr. que pour pouvoir inviter les officiers et les dames romaines, sans en exclure au surplus les maris, qui, les mœurs de Rome étant connues, ne sauraient constituer de sérieux obstacles à la fusion[7].

C'était danser trop tôt. Le pape admettait la soumission et non la contredanse. Dès le lendemain de la soirée du 1er mars, Pie VII fit connaître aux chefs des familles patriciennes le très vif mécontentement que lui avait causé leur attitude : à plus forte raison s'éleva-t-il avec une véritable indignation contre les ecclésiastiques, moines et prélats qui, conviés à dîner par Miollis, avaient induit de l'attitude pacifique du pape qu'ils pouvaient s'asseoir à la table du général et qui, effectivement s'y pressaient assez nombreux[8]. Le pape, d'un geste, arrête la conquête tentée par le moyen du maitre à danser et du chef de cuisine. En vain, pour le fléchir, le prévenant Miollis fait-il, le 17 mars, tirer, pour l'anniversaire de l'avènement de Pie VII, des salves au château Saint-Ange. Le pape renouvelle ses formelles défenses, si bien que les salons et — fait plus méritoire — la salle à manger du général se vident en quelques jours : la quarantaine mondaine s'organise. Quant au peuple, il se contente, en ces premières semaines ; de montrer une indifférence extrême et un esprit général peu favorable aux nouveautés[9].

Un vide déconcertant se faisant autour d'un général primitivement disposé aux cordiales relations et aux ménagements diplomatiques, on pensa réussir par plus de rigueur. Seule cette opposition de deux autorités se disputant pied à pied, jetait dans l'embarras les habitants qui n'osaient ni s'éloigner ouvertement du pape ni se jeter franchement dans nos bras. On crut que de cette balance, le pouvoir qui se montrerait le plus énergique ferait pencher un des plateaux. Plus de gracieusetés au pape, écrit-on à Miollis, puisque celui-ci crée des embarras ; plus de ménagements vis-à-vis du peuple qu'à la moindre émeute on réprimera avec la mitraille ! Miollis n'en est pas là ; mais il consent à faire la part du feu. Jusque-là ses rigueurs se sont portées sur des Anglais et quelques Napolitains, car il a bien fallu, pour justifier l'occupation, qu'on découvrit les fauteurs des abominables complots dont Rome était depuis deux ans l'insalubre foyer. Le 8 mars, pour apprendre au patriciat ce qu'il allait lui en coûter de dédaigner les sorbets de Miollis, on se décida à arrêter un Romain de marque, le jeune prince Pompeo Gabrielli, coupable de protestations un peu vives : son séjour assez court au château Saint-Ange lui montrera d'ailleurs le chemin de Damas : Pauvre jeune homme, comment finira-t-il ! s'exclame, en mars 1808, le bon abbé Benedetti apitoyé. Que l'abbé se rassure : le jeune captif sera sous peu officier de l'Empereur et son frère Mario sous-préfet. L'exemple suffira au patriciat indécis[10].

Le 28, Miollis avait frappé par ailleurs un plus grand coup : il avait commencé la liquidation de la Curie en faisant saisir et expédier à Naples six cardinaux napolitains et en incorporant définitivement dans ses troupes la petite armée pontificale obligée par là au serment Le colonel Bracci, l'ayant refusé, fut arrêté et exilé, son lieutenant-colonel, le baron de Fries, plus docile, promu colonel et décoré. Les actes de rigueur et d'autorité se multipliaient : on arrêtait un avocat, deux prélats — parmi lesquels le futur Léon XII —, signalés comme particulièrement hostiles ; on cassait et remplaçait le chef de la police, on désarmait la milice du Capitole, on emprisonnait les gardes nobles qui avaient refusé le serment, et tandis qu'en fondant à Rome un Journal officiel français, la Gazzetta Romana, on affirmait ainsi l'existence d'un nouveau gouvernement, on achevait de désorganiser la Curie : on faisait partir, après les six cardinaux napolitains, quatorze de leurs collègues originaires du royaume d'Italie, tous membres du gouvernement romain, à commencer par le nouveau secrétaire d'État, le petit cardinal Doria, le bref du pape comme l'appelaient les mauvais plaisants, qui dut remettre précipitamment à Pie VII des pouvoirs auxquels on mettait si brusquement fin[11].

Par ces mesures, Miollis montrait assez qu'on s'acheminait à une annexion, et le départ de l'ambassadeur Alquier semblait concourir à cette hypothèse.

Mais ces coups répétés ne faisaient nullement pencher la balance qui, dans les premiers jours, avait paru vaciller. Contre toute attente, la fusion ne se consommait pas : Miollis ayant fait, le 7 avril, une nouvelle tentative pour attirer dans ses salons la noblesse et quelques banquiers, cette tentative aboutit à un piteux échec ; trois ou quatre familles seules osèrent braver la défense du pape ; les Borghèse, qui affectaient de plaisanter, partagèrent avec les Lante les sorbets du général dans ses salons illuminés et déserts. Le peuple commençait à s'agiter, maintenant qu'au Quirinal on semblait prêt à organiser une résistance : les Madones et les Christs se mettaient dans leurs niches à ouvrir et fermer les yeux. On constatait tous les jours que l'autorité du pape subsistait plus absolue que jamais[12].

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Cette autorité s'était, de fait, soudain ressaisie.

Dans les premières heures de l'occupation, Pie VII s'était laissé abattre ; fatigué d'une lutte de trois ans où les scrupules de sa conscience, en se combattant, l'avaient presque réduit au désespoir, il avait cru en voir le terme dans la journée du 2 février 1808 et s'en était senti presque soulagé. Persuadé alors, comme son peuple, que l'annexion était imminente, il avait un instant fléchi des genoux. A ce moment, peut-être se fût-il, comme on le croyait à Rome, prêté à quelque accommodement[13]. On ne lui en avait proposé aucun. On avait occupé sa ville, désarmé ses soldats, investi sa forteresse et presque son palais. Puis comme pris de timidité, on était venu le saluer avec respect et vénération. Aucune déchéance officielle ne l'avait frappé, et, soit qu'il eût vu dans cette demi-mesure la preuve d'un scrupule qu'on pouvait exploiter et d'une sorte de peur, soit qu'il se crût contraint, par une situation qui se prolongeait, d'adopter une règle de conduite, il s'était soudain redressé, saisi d'une énergie nouvelle, décidé à ne susciter aucune résistance violente, mais à protester contre toutes les mesures jugées attentatoires à son autorité, résolu à traiter avec douceur les usurpateurs, mais à empêcher, par ses instructions secrètes et ses ordres publics, ses sujets de pactiser, si peu que ce fût, avec l'usurpation.

Cette occupation, qui avait paru à l'Empereur une transition nécessaire, permettant, sans qu'on s'en aperçût, la substitution d'un régime à l'autre, devenait ainsi une fausse manœuvre. Les Français devaient en pâtir fort longtemps. De même que leur souverain, les Romains eussent peut-être accepté sans protestations ni murmures un gouvernement qui, installé à Rome le 2 février, se fût déclaré maitre absolu de l'État, arrachant ainsi les esprits à l'incertitude. Les hésitations manifestes de l'Empereur avaient fait croire à un recul : quel serait, dans ce cas, le sort de ceux qui, imprudemment, auraient paru adhérer au nouveau régime, fût-ce en s'asseyant, en dépit des ordres du pape, aux fêtes qu'il offrait ? Prisonnier de fait, le pape n'en avait pas moins mille moyens de s'informer des défections et de les arrêter : des moines couraient Rome, porteurs des instructions du Quirinal ; chacune de ces petites notes arrêtait les adhésions et jusqu'aux politesses[14]. Ayant le bénéfice d'un pouvoir si scrupuleusement obéi, le pape n'en excitait pas moine la pitié : les canons, si maladroitement mis en batterie contre son palais, avaient paru symboliser une situation qui soulevait l'indignation, et tandis que les secrètes défenses du prince entravaient les volontés, les malheurs du martyr émouvaient les cœurs et révoltaient les consciences. En laissant au pape le temps de dicter la résistance et de l'organiser, aux Romains le loisir de s'y exercer, Napoléon, que cette affaire décidément inspirait mal, avait commis une faute que, d'ailleurs, ses agents de Rome signalaient à l'envi.

Le pape oppose en apparence au malheur une inaltérable sérénité ; ses instructions dictent le calme, mais flétrissent la défection : on ne pousse pas le peuple à la révolte, mais on lui fait envisager la conduite du gouvernement français comme un attentat à la religion dans la personne de son chef et de ses ministres : on dit que le pape est un saint qui n'attache aucun prix aux dignités de ce monde, mais que sa couronne lui ayant été transmise par une suite ininterrompue de pontifes depuis saint Pierre, il ne peut s'en dessaisir sans manquer aux engagements sacrés qu'il a contractés en l'acceptant ; que les baïonnettes françaises, qui ont tant fait de choses, peuvent bien la lui enlever, mais qu'il ne cédera pas[15]. Les agents pontificaux, un instant atterrés, ont relevé la tête, prêts à se faire déporter plutôt que d'obéir[16]. Les agents de la police pontificale dissoute restent constitués en secret et en relations avec leurs chefs. Les Français se sentent sur un terrain tous les jours moins sûr. Il faut laisser la garnison sur le pied de guerre ; le moindre attroupement la fait consigner[17].

Quand on essaie d'organiser une pétition en faveur de la réunion, elle échoue misérablement. Le général Miollis lui-même, laissé sans instructions précises, semble fort hésitant, et se laissant, murmure-t-on du côté français, influencer par de fort aimables Romaines, instruments des cardinaux, montre non seulement aux trop fameux amis de la France une froideur qui, pour justifiée qu'elle soit, déconcerte et paralyse leurs tentatives, mais encore aux amis du pape une bienveillance qui les encourage dans leur résistance imprévue[18].

De fait, des deux gouvernements qui se partagent Rome, le plus obéi est, après trois mois d'occupation française, celui qui n'a ni baïonnettes ni canons, et le pieux moine du Quirinal tient maintenant dans ses mains débiles Rome entière comme jamais peut-être pape ne l'a tenue[19].

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Fort de cette autorité morale, qui peut-être l'avait surpris lui-même, il en usait pour protester avec vigueur contre tout acte d'usurpation ou de violence[20].

L'enlèvement des cardinaux italiens l'avait irrité : il leur avait enjoint de ne céder qu'à la force, et, de fait, il avait fallu quelques gendarmes pour faire évacuer Rome à ces éminents proscrits ; Pie VII avait alors rappelé de Paris son nonce et, dans un consistoire tenu au Quirinal le 16 mars, il avait élevé, contre les événements qui s'étaient déroulés depuis le 2 février à Rome, la plus véhémente protestation.

Napoléon avait répondu à cette protestation en proclamant, par le décret du 2 avril 1808, la réunion définitive des Marches et en sommant les prélats originaires de ces provinces adriatiques de quitter Rome. C'était tout à la fois amputer l'État de ses plus belles provinces et le priver de nombreux, de précieux fonctionnaires. Le pape protesta derechef, solennellement, exhorta les évêques des provinces réunies à refuser le serment, heureux de trouver cette occasion de tracer aux ecclésiastiques de tous ses États la ligne de conduite que, le cas échéant, ils seraient tenus à suivre.

Miollis, à son tour, incité à la fermeté par les lettres de Paris, répondait à chaque protestation par des actes de vigueur. Brusquement, le 7 avril, ses soldats avaient fait irruption dans le Quirinal et désarmé une partie des gardes suisses, porteurs d'antiques hallebardes : puis ce fut le gouverneur de Rome, Cavalchini, qui fut arrêté comme adversaire de la France, et enfin le secrétaire d'État Gabrielli, que, sous prétexte d'appliquer le décret du 2 avril au cardinal-évêque de Sinigaglia, diocèse annexé, Miollis fit enlever sans ménagements et évacuer sur les Marches.

Le pape, brutalement privé de son ministre, appela Pacca, à la secrétairerie d'Etat. Si hostile qu'il fût, depuis longtemps aux Français et à leur politique, Pacca se trouva dépassé par le pape lui-même, tant l'irritation du pontife allait dès lors grandissant. L'enlèvement de Gabrielli l'avait ulcéré. Dès lors, il ne laisse plus rien passer. On le voit s'élever même contre les mesures en apparence les plus légitimes, l'enlèvement par exemple des œuvres d'art du prince Borghèse, consenti cependant parle prince lui-même au profit de son impérial beau-frère, mais attentat, déclare le pape, à la propriété du peuple romain tout entier : à plus forte raison s'élève-t-il, et contre la prétention qu'a Miollis de représenter comme journal officiel de l'administration la Gazette Romaine, et contre l'arrestation d'un de ses hauts agents Barberi accusé à tort d'être le meurtrier de Duphot ; à plus forte raison encore oppose-t-il aux Français une fin de non-recevoir très catégorique, lorsque ceux-ci émettent la singulière prétention de se faire livrer de bon gré les papiers nécessaires à l'administration des provinces réunies. Miollis alors n'hésite pas : le 13 août, il fait envahir le Quirinal par un détachement qui force les Suisses désarmés à lui livrer passage et arrache aux bureaux de la secrétairerie d'État les papiers requis. Nouvelle protestation de Pie VII qui, le jour même, fait fermer les portes du Quirinal.

De la défensive, le pape passa à l'offensive. Ce fut dans l'affaire des gardes civiques : rien ne devait plus que cet incident montrer à quel point la coexistence de ces deux pouvoirs à Rome devenait conception folle[21].

Dès avril 1808, l'anarchie qui en résultait s'était traduite par une recrudescence de brigandage. L'appui, dès cette heure, donné par les anciens sbires du pape à leurs vieux adversaires, livrait les communes aux bandits. Miollis, n'osant éloigner de Rome sa petite gendarmerie, prit un arrêté organisant dam chacune de ces communes une garde civique. Le pape vit en cette institution un des plus intolérables attentats qui se fût jusque-là commis contre ion autorité de chef d'État. Quelque louable qu'en fût le but, elle forçait les citoyens à faire acte d'obéissance et, partant, d'adhésion à l'usurpation française ; d'autre part, il paraissait bien que la mesure allait tendre assez vite à constituer au sein des États Romains une petite armée anti-pontificale : à côté de quelques bons citoyens, qui, dès la première heure, avaient obéi à une réquisition qu'ils jugeaient sage, les meneurs révolutionnaires avaient poussé dans les cadres tout ce qui, à un titre ou à un autre, se déclarait mécontent — y compris quelques voleurs avérés, fort désireux de pêcher en eau trouble.

Quoi qu'il en fût, le 25 août au matin, les Français et leurs quelques amis furent désagréablement surpris en trouvant affichée, sur les murs de Rome comme sur ceux des plus petites communes, une déclaration de Pie VII contresignée de Pacca et interdisant formellement, sous peine d'excommunication, de s'enrôler dans ces coupables associations. Pendant trois jours, encore que l'autorité militaire aux abois fit rechercher les afficheurs et arracher les affiches, les placards sans cesse réapposés s'étalèrent partout, et cette démonstration éclatante des moyens d'action que le pape gardait de Pérouse à Anagni, parut déjà fort alarmante. Mais ce qui devait surtout atterrer les Français, c'est que dans les vingt-quatre heures, les cadres déjà peu remplis des gardes civiques se vidèrent et qu'à l'exception de vauriens, dont Pacca signalait avec amertume ou malice à l'administration française les précédents déshonorants, les gardes civiques s'en vinrent rapporter, avec une vive émotion, mais une unanime précipitation, leurs fusils à ceux qui les avaient armés.

Il sembla même que cette manifestation de l'autorité pontificale secouait la torpeur des Romains ; dans plusieurs paroisses, le document, lu en chaire, provoqua des mouvements que la troupe dut venir étouffer. A Rome même, dans la nuit du 30 au 31 août, les troupes restèrent consignées dans l'attente d'une émeute qu'on croyait imminente ; l'effroi de la colonie française fut général ; le ministre d'Italie, Alberti, transformait sa résidence, le palais de Venise, en forteresse ; Miollis faisait saisir 3.000 fusils restés au Vatican et mandait deux régiments de Naples ; mais, effrayé de l'émotion qu'il avait déchaînée, le général décontenancé n'osait poursuivre l'organisation des gardes civiques, et c'était là un aveu d'impuissance que soulignaient de lazzi cruels les Romains secrètement enchantés. Pacca poursuivait avec âpreté devant les tribunaux, qui, en droit, restaient entre les mains du pape, de compromettants recruteurs de la garde civique, en raison de délits anciens qui les révélaient pires bandits que les brigands de la montagne, et, par contre, protestait contre l'exécution de trois de ces derniers faite par l'autorité française sur la place du Peuple ; le pape s'élevait, en termes véhéments, contre la prétention de tribunaux dont il ignorait l'existence à exercer dans le sein de ses États, au milieu même de sa capitale, leur pouvoir contre ses propres sujets, à prononcer leurs jugements d'après des lois étrangères et à s'arroger un droit qui n'appartenait qu'au souverain.

L'énergie du pape semblait donc se réveiller de jour en jour et se surexciter. A tort, Miollis attribuait ce réveil à Pacca. Après avoir paru se contenter de tirer vengeance des gouverneurs qui avaient aidé à propager la déclaration du 24 août, en les faisant conduire au château Saint-Ange, le général se décida à faire enlever purement et simplement du Quirinal le secrétaire d'État lui-même, réputé fauteur de la résistance de Pie VII.

Ce fut une autre fausse manœuvre. Déjouée de la façon la plus inattendue, elle faillit avoir pour les Français les suites les plus préjudiciables[22].

Un officier s'étant, le 6 septembre, présenté à la porte du Quirinal, parvint à forcer le passage et à pénétrer jusqu'à l'appartement de Pacca ; mais pendant qu'il signifiait au ministre l'ordre de se retirer incontinent et sous l'escorte de dragons à Bénévent, sa patrie, Pie VII, prévenu, survint, dans un état d'irritation telle qu'il effraya le cardinal lui-même. Que votre général sache, s'écrie-t-il en s'adressant à l'officier, que si la force doit l'arracher d'auprès de moi, ce ne sera qu'après avoir brisé toutes les portes, et je le déclare à l'avance responsable des conséquences d'un aussi énorme attentat. L'officier intimidé se retira. Se fiant peu à cette reculade et encore sous le coup d'une violente exaltation, le pape entraîna Pacca jusqu'à son propre appartement, l'y installa, et donna des ordres pour que le Quirinal, trop souvent violé, ne pût l'être désormais qu'à la suite d'un assaut — et la suite de cette histoire nous montrera que ce ne, fut pas en vain : les portes furent renforcées de madriers, le petit pont qui faisait communiquer le Quirinal avec la Daterie obstrué, les basses fenêtres murées et les interstices fermés, si bien qu'au dire d'un témoin, on ne pourrait plus avoir d'accès auprès de Sa Sainteté qu'avec la bombe et le canon. En même temps le pape appelait dans cette forteresse érigée en pleine Rome trois cardinaux qu'il croyait menacés d'enlèvement.

La foule, vite instruite de l'incident, se portait vers le Quirinal aux cris de Bravo, il papa !, et comme, tout en faisant murer les autres fenêtres, Pie VII faisait au contraire ouvrir la loggia d'où jadis le pape donnait au peuple sa bénédiction, le bruit courait qu'il allait y apparaître, et, en fulminant de là l'excommunication contre ceux qui, après sa ville, violaient sa demeure, donner ainsi le signal, attendu depuis six mois, de l'insurrection que certains meneurs préparaient dans les faubourgs. Les murs se couvrirent d'affiches contre les impies usurpateurs. Les gens compromis dans le parti français coururent demander protection au général qui mit derechef Rome en état de siège : on garnit de troupes la place du Quirinal où la bénédiction du pape n'eût eu peur témoins que quelques piquets de chasseurs ; le général fit occuper les ponts pour couper le chemin aux Transtévérins redoutés et appela Murat à la rescousse, car trois frégates anglaises se montraient à la même heure en face de Civita Vecchia et les déserteurs de la première levée opérée dans les Marches par les Français menaçaient, disait-on, Rome du haut des Apennins. Une émeute eût tout perdu : Miollis convoqua les curés de Rome, non plus comme jadis dans sa salle à manger, mais dans son cabinet où il leur déclara qu'il les tiendrait pour responsables du moindre désordre.

Soit que ces mesures imposassent, soit que le pape n'eût obéi qu'à un mouvement de violente mais passagère colère, aucun signal ne partit du Quirinal, et le peuple, un instant sorti de sa torpeur, parut y rentrer. Le pape se contenta, selon sa coutume, d'adresser aux ministres étrangers, — car le corps diplomatique restait constitué, témoin apitoyé de ces violences, — une note très vive. L'incident en resta là, Pacca couchant sur ses positions... et dans son lit du Quirinal.

Mais l'alarme avait été chaude : Miollis, très ébranlé, craignait maintenant tout, atteint aux yeux des Romains dans son prestige par deux reculades. Il n'avait aucun succès dans ses tentatives de fusion ; la fête de l'Empereur avait été célébrée par lui le 15 août, mais l'illumination avait prêté à rire par sa mesquinerie, tout juste celle d'un rôtisseur voulant attirer du monde à sa boutique, — et au bal du soir les salons étaient de nouveau restés vides. Les Romains enfermaient leurs hôtes forcés dans un nouveau Ghetto. Un cercle littéraire qui parut cacher une loge maçonnique ne trouva point à se loger[23].

La gêne devenant grande depuis que les pèlerinages ne venaient plus à Rome, le peuple murmurait. On le croyait toujours prêt à se soulever. Les côtes menacées par les Anglo-Siciliens n'étaient pas défendues ; Civita Vecchia pouvait leur être un jour ou l'autre livrée par la trahison ; ils descendaient à terre, s'aventuraient jusqu'à Ostie. La tranquillité de la basse Italie en était compromise et le spectacle était aussi pitoyable qu'alarmant. Il ne pouvait se prolonger, écrivait à l'empereur un sénateur de passage à Rome. Il fallait prendre un parti : tous les jours rendaient les Français tout à la fois plus odieux et plus ridicules, plus incertains et moins nombreux leurs partisans[24]. Sous peu le mal serait irréparable. L'annexion s'imposait à brève échéance.

***

Elle était résolue ; mais sollicité par de bien autres soucis, l'Empereur n'avait pas cru devoir en donner encore le signal. ll parut vouloir tout au moins l'annoncer, quand, recevant, k 27 octobre, les députés des Marches récemment réunies, il leur déclara qu'il allait décidément renfermer les ecclésiastiques dans les affaires du ciel. Encore qu'un correspondant affirmât qu'à Rome ces paroles avaient paru un arrêt de mort, le pape n'en sembla pas intimidé : d'une part, il fit adresser par Pacca, à ce sujet, une nouvelle note de protestation aux ministres[25] et, d'autre part, il s'apprêta à manifester derechef son autorité en interdisant à Rome les fêtes du Carnaval.

La Gazette Romaine ayant annoncé que les divertissements traditionnels auraient lieu, le pape, par une note du 18 décembre, qui fut répandue à profusion, défendit expressément aux Romains d'en prendre leur part[26].

C'était là, plus qu'on ne le pourrait penser, une fort grosse affaire. Nous avons dit quelle place tenait dans la vie de ces grands enfants les facéties du Corso, les cortèges, les courses, les batailles de fleurs, les veglioni ; y renoncer était une grosse pénitence. Le pape qui l'obtiendrait ferait ainsi montre d'une autorité indiscutable ; les étrangers, qui porteraient la responsabilité de cette abstention, en deviendraient plus insupportables.

Miollis s'en rendait compte ; il entendait que malgré lui ce peuple s'amusât et la prétention était elle-même carnavalesque. Les marchands de déguisements durent, par ordre, ouvrir leurs magasins, les charpentiers et menuisiers construire les estrades ; ils le firent, en protestant qu'on leur faisait violence et, de fait, ils le firent sous la surveillance de la gendarmerie française. Le Capitole refusant de livrer les fameux palli, les étoffes éclatantes destinées aux chevaux du carrousel, les dragons les vinrent réquisitionner ; les charretiers refusant de sabler l'arène, on les y contraignit sous menace de prison, et, les Juifs eux-mêmes, par crainte de représailles ultérieures, se défendant de vouloir fournir les tapisseries nécessaires à la décoration des façades, les Français durent forcer ces fils d'Israël, — comble de ridicule, — à désobéir au vicaire du Christ.

Tant de contrainte aboutit à un lamentable fiasco ; à travers des rues où les boutiques se fermaient, où les fenêtres restaient obstinément closes, le long du Corso désert, on vit, suivant l'expression d'un témoin, les dragons promener les huit Poli comme des drapeaux conquis sur l'ennemi ; sur la place Navone, entre deux haies uniquement formées par les troupes françaises, sept cavaliers réquisitionnés coururent les palli au milieu d'un morne silence. Même abstention — devenue habituelle — chez Miollis où les Borghèse seuls parurent au milieu d'une cohue d'officiers ; la vieille princesse ayant soixante-quinze ans, c'était une pitoyable aventure pour les fringants capitaines qui rêvaient bals éblouissants et conquêtes voluptueuses. Dans la rue, les jours suivants, le peuple s'égaya cependant, mais aux dépens des étrangers bafoués : le Pasquino ricanait : Si piange, ma non si canta per forzaon pleure, mais on ne chante point par forceL'Orso e non l'uomo balla col bastonec'est l'ours et non l'homme qu'on fait danser au bâtonVi e stata la corsa, e chi ha vinto ? Il Papa !Il y a bien eu course, mais quel est le vainqueur ? Le Pape[27].

L'aventure parut d'autant plus humiliante, que, le 21 mars, anniversaire de l'avènement du pape, Rome entière illumina ; les mendiants, toujours ingénieux, ne quêtèrent dans les rues ce jour-là que pour acheter en l'honneur du Saint-Père une piccola candella. Il y avait plus d'un an que les Français étaient entrés à Rome[28].

***

L'Empereur patientait. Pour que la réunion eût lieu, il fallait que Sa Majesté Apostolique eût été vaincue, seul souverain catholique autorisé à protester contre la spoliation du pontife-roi. Napoléon s'acheminait vers Essling.

Cependant, depuis septembre, l'Empereur était vivement sollicité d'agir. Murat était entré en scène, nous avons dit avec quelles arrière-pensées et quelles prétentions. Pour les réaliser, il fallait que le pape succombât promptement. A peine installé à Naples, il offrit, en excellent beau-frère, ses soldats, ses généraux, ses policiers, ses ministres. Son rêve eût été d'écarter Miollis, qu'à toute occasion il taxait d'incapacité et presque de trahison, pour que le coup d'État fût confié à ses hommes.

Ce sont, le 12, le 17 septembre, les premières insinuations. Le 9 décembre, il s'offre : Jusques à quand Votre Majesté souffrira-t-elle tant d'audace de ce frénétique ingrat (c'était Pie VII) ? Que Votre Majesté m'autorise, et son règne sera bientôt passé. Rome sera à vos pieds ! Il insiste le 17, il insiste le 24 décembre, le 11, le 19 février, le 7 mars ; car, si voisin de Rome où se prépare l'insurrection, son royaume est ingouvernable. Les gardes civiques abandonnés par Miollis se réfugient près de lui : il est leur Providence et par là tout désigné pour mettre fin aux folies du pape. Quand Votre Majesté voudra, elle n'a qu'un mot à dire et les Romains se jetteront dans ses bras ; ce sont les bras dé Murat qui en l'occurrence s'ouvriront par procuration. Le 4 avril, ce bon parent n'en peut plus, il souffre cruellement de voir l'Empereur outragé si près de lui et de ne le pouvoir venger. A Rome, cependant, la Curie tient toujours ce double gascon pour un ami.

Peut-être la nécessité où il était d'employer à la besogne ce fâcheux et inquiétant parent, était-elle précisément une des raisons qui arrêtaient l'Empereur au seuil de la ville éternelle. A qui confier cette besogne et d'où partirait le signal ? De Milan ou de Naples ? La chose avait quelque importance : Napoléon n'entendait mécontenter personne, mais il n'entendait nullement se laisser jouer. Il songea d'abord à Milan, donnant le 13 février à Eugène l'ordre de renforcer Miollis ; mais au moment où la guerre se décidait avec l'Autriche, il lui fallait laisser entières ses forces de Lombardie. Il devait donc se résigner à employer ce beau-frère indigné. Murat fut prévenu qu'il aurait sans doute à renforcer, peut-être à relever la division Miollis : il fallait qu'il massât une division sur la frontière, afin de la porter avec la rapidité de l'éclair sur Rome. Salicetti devait en outre se rendre de Naples, où il était ministre de la police, à Rome, où il concourrait à lai préparation du coup d'État. Le 27 mars, Murat offrait presque une armée, tant sa joie était grande : une ombre planait cependant sur cette joie : il était malheureux à la pensée que ses belles troupes allaient passer sous les ordres d'un Miollis ; sa nomination au commandement des États Romains seule eût pu déconcerter les ennemis de l'Empereur. De fait, l'Empereur n'entendait nullement sacrifier Miollis. Il ne s'agissait plus de relever le général, mais bien de le renforcer, et, limitant à quelques bataillons l'appoint napolitain, il en contrebalançait par surcroit l'influence, en faisant expédier de Florence à Miollis la gendarmerie de Radet. Salicetti lui-même semblait devoir être subordonné à Miollis ; fort dépité, le ministre de Murat, qui avait gagné Rome, en était revenu le 17 avril, las des hésitations du général. Murat, fort irrité lui-même, n'entendait point cependant renoncer à avoir tout au moins une main dans l'événement : il renvoya incontinent Salicetti[29].

La manœuvre faillit réussir ; le rusé ministre trouva Rome privée de son général. Celui-ci, las à son tour de rester démuni d'instructions précises, alors qu'à Naples, on semblait en avoir reçu de formelles, était en outre désireux de chercher, contre les intrigues naissantes du parti napolitain, un réconfort nécessaire là où on n'avait cessé de les dénoncer ? Quoi qu'il en fût, il était parti pour le nord de l'Italie, laissant provisoirement le commandement de sa division au général Lemarrois.

C'était un moins important seigneur que Miollis : Salicetti entendait en profiter pour travailler tout seul et diriger l'événement. Il se fallait hâter, écrivait-il à Murat, agir vite. Le roi lui-même pressait l'Empereur ; pour ne point éveiller les soupçons, et du parti pontifical, et peut-être des amis de Miollis, l'agent supérieur de Murat, cette fois, s'était arrêté à Albano. Du haut des monts Albain, il guettait la proie, prêt à la saisir, car il restait en relations quotidiennes avec ses agents de Rome. Le 12 mai, Napoléon se montrait irrévocablement décidé ; Murat, enchanté, déclarait qu'il se rendait à Gaëte, de façon à se porter lui-même sur Rome dès que Salicetti l'y appellerait. Le 7 juin, tout bouillant d'impatience, Murat, qui se croit déjà par son ministre maitre de Rome, donne le signal : qu'on se passe de Miollis, providentiellement absent. Naples exulte. Jamais les membres de la future Consulta, de Gerando et Janet qui s'apprêtent seulement à partir de Florence, jamais Radet et ses gendarmes qui s'acheminent du Nord par petites journées, jamais Miollis qu'on croit encore à Milan, n'arriveront à temps pour ravir à Salicetti la direction exclusive du coup d'État. Dans Rome fiévreuse, tout entière émue des bruits qui courent de café en café, on sait que le grand jour est proche. Le 9, Salicetti quitte Albano pour le palais Farnèse. Murat sera-t-il demain maitre de Rome ?[30]

Or, dans cette journée du 9, une chaise de poste, brûlant le pavé de la voie Flaminia, courait de Florence vers Rome. Dans la soirée, elle franchissait la porte du Peuple, s'engageait dans la Via del Babuino et débarquait place d'Espagne, avec Janet, auditeur au Conseil d'État et le jeune et brillant Balbo, futur secrétaire de la Consulta de demain, le général Miollis, chargé enfin de la haute mission de proclamer, au nom de l'Empereur, l'annexion de Rome à l'Empire. Incontinent, le général reprenait, avec la tête de sa division, la direction de l'opération et convoquait en maître Salicetti pour le lendemain matin[31]. L'intrigue napolitaine échouait ; les troupes napolitaines massées dans la banlieue de Rome avec leur général, Guglielmo Pepe, n'allaient être que des auxiliaires ; et c'est ainsi que par ce prompt retour, Miollis, très consciemment, mettait fin à deux gouvernements à la fois : celui de Pie VII qui expirait et celui de Murat qui naissait. Joachim ne lui devait jamais pardonner cet avortement.

C'est dans ces conditions que le seul drapeau français s'élevait le 10 juin, au-dessus du château Saint-Ange, tandis que les salves retentissantes ébranlaient les murs du vieux château du pape Borgia.

***

Ce canon tonnait trop tard. Les dix-huit mois qui venaient de s'écouler, si fertiles en incidents petits et grands, avaient fait aux yeux des Romains, déjà si mal disposés, un tort irréparable aux Français. C'est pourquoi ces faits devaient être connus du lecteur.

Une annexion opérée dans l'hiver de 1808, au lendemain de l'entrée de Miollis à Rome, eût déconcerté les résistances en haut et en bas.

Pie VII, alors fort abattu, n'eût sans doute consenti à aucune renonciation formelle ni solennelle ; mais il eût peut-être, plus volontiers que par la suite, subi le coup qui lui était porté et qui, depuis plusieurs mois, lui paraissait fatal. Mille coups d'épingles donnés à sa dignité de souverain, à son amour-propre et à ses sentiments, l'avaient, au contraire, de jour en jour, surexcité jusqu'à une irritation qui, parfois, s'exprimait en termes si cassants, qu'ils étonnaient l'entourage du pape, habitué à plus de mansuétude. Le succès qu'avaient toujours obtenu ses instructions, lui avait, par surcroît, donné de son pouvoir sur le peuple romain une conscience qu'il n'avait certainement pas en février 1808 ; il avait, d'un geste, vidé les salons du général français, supprimé, contre le gré et malgré les efforts de celui-ci, le carnaval, entravé les desseins des occupants, brisé d'un mot les cadres de la garde civique et victorieusement défendu son ministre contre une agression violente. Il en gardait une assurance plus forte. Il ne désespérera jamais de la fidélité de ce peuple qui ne se soulevait point, mais qui, à un signal de cette main débile, s'exposait aux sévices de ses ennemis pour lui obéir ; et il se fût, partant, fait un scrupule de plus d'abdiquer cette couronne, qu'au milieu des pires épreuves il avait mieux senti encercler de sa triple étreinte son front jadis fléchissant.

Le peuple s'était, de ce fait, habitué à la désobéissance envers les Français ; il les avait vus entrer à grand tapage, dragons, chasseurs, fantassins qui avaient vaincu l'Europe, traînant des canons et des fourgons, brandissant des sabres et des fusils, et il en avait été durant toute une semaine fort impressionné. Puis il avait vu ces grands guerriers, bravés impunément par ce vieillard prisonnier, tremblant que, de son balcon, ce prêtre ne déchaînât, par une bénédiction, une fatale révolution, tournant incertains autour du Quirinal fortifié et n'y pénétrant que pour en sortir, fort piteux, quelques heures plus tard. Sur l'ordre du souverain, ce peuple avait refusé de se soumettre aux lois françaises ; il ne l'avait pas fait sans crainte, mais aucune sanction ne venant donner de poids aux menaces de répression, il avait fini, comme toujours, par en rire. Et bientôt ces usurpateurs à grands sabres étaient devenus à leurs yeux des personnages de leur comédie qui roulaient de gros yeux et en restaient là.

Les partisans de la réunion avaient été déconcertés par une trop longue attente. Ils se croyaient sûrs, en février 1808, d'être annexés et s'étaient dès lors trouvés plus nombreux pour recueillir des places et profiter des sinécures. Mais, d'une part, Miollis les avait accueillis froidement, répugnant à frayer avec beaucoup de ces compromettants amis ; d'autre part, à voir les hésitations de l'Empereur et de son lieutenant, ils avaient eu peur de s'être peut-être trop pressés, et leur zèle refroidi avait fini par s'éteindre.

La misère, cependant, avait frappé cette ville ; la Curie était dispersée, les ressources diminuées ; le pain devenait cher. Les moines — et c'était légitime — accusaient les Français d'affamer le peuple. Celui-ci ne connaissait point les bienfaits de l'administration française qu'on lui vantait et qu'on ne lui donnait point ; mais déjà il apercevait les pires côtés du nouveau régime.

L'Empereur avait eu ses raisons. Il avait espéré acheminer le Romain, qu'il n'entendait point violenter, à devenir son sujet de plein gré et sans réserves. Il estimait que cette transition serait salutaire : il avait cru se faire désirer. Il avait peut-être espéré que le pape, de son côté, céderait sous la lente pression d'une force irrésistible et accéderait à ce concordat temporel qui eût laissé Pie VII évêque à Rome sous la protection d'us nouveau Charlemagne. Et puis, il entendait, avant d'annexer Rome, que l'Espagne catholique, l'Autriche apostolique fussent à ses pieds.

Il n'en va pas moins qu'il avait mal calculé, et qu'en différant l'annexion, il avait créé aux hommes qu'il chargeait de l'opérer une situation plus mauvaise que celle qu'ils eussent trouvée sans doute au lendemain du jour où les dragons de Miollis pénétraient, au bruit des fanfares, sous la porte du Peuple.

 

 

 



[1] Archives nationales, AF IV 1659. Pièces relatives à l'annexion. — Notes adressées par et à Champagny, Archives affaires étrangères. Correspondance de Rome, 1807-1808 (Rome, 938-941) ; Fortunati, Piano. Benedetti dans SILVAGNI ; CANTU, Corrispondenze, etc., p. 336-376 ; CONSALVI, Mémoires ; PACCA, Mémoires ; ARTAUD, Pie VII ; D'HAUSSONVILLE, L'Eglise romaine et le Premier Empire.

[2] Cf. ce que nous disons de l'ouvrage du comte d'Haussonville, p. 10-11.

[3] Archives vaticanes, Appendice Napoleonico, due volumi, n. 36, pièces relatives à l'entrée de Miollis et à ses relations avec le pape ; CANTU, Correspondances des diplomates italiens, 1808-1809, p. 370-376 ; Archives nationales, AF IV 1695, dossier I, lettres des ministres autrichien et prussien interceptées, 1808-1809 ; Archives affaires étrangères, Correspondance d'Alquier et de Lefebvre, 2 février 1808-1er juin 1809, Rome, 941-942 ; Archives guerre, Correspondance de l'armée de Naples, 1808-1809.

[4] Napoléon à Eugène, 23 janvier 1808 ; Ordre de marche (LECESTRE, t. I, p. 137). Protestation du 2 février 1808 (Archives vaticanes, Appendice Napoleonico) et Archives affaires étrangères, Rome, 941, fol. 65 ; Alquier, 2 février 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941-961 ; Alquier au secrétaire d'État, 2 février 1808, item, fol. 63 ; Benedetti, 2 février 1808 ; SILVAGNI, t. I, p. 571 ; Alberti, 3 février 1808 ; CANTU, p. 338 ; Fortunati, 2 février 1808, Diario cité ; L'abbé Bonfigliogli, chargé d'affaires de Wurtemberg, 3 février 1808 (interceptée), AF IV 1695.

[5] Proclamation très bienveillante du pape recommandant d'accueillir les Français avec amitié. — Copie, Archives affaires étrangères, 941, f. 57.

[6] Benedetti, 2 février 1808, cité ; Pie VII aux fidèles, 6 juillet 1809, Bibliothèque nationale de Rome, mss. Risorgimento, p. 17-31 ; Miollis à Champagny, 4 février 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941, fol. 81 ; Alquier, 8 février 1808, item, f. 94 ; PACCA, t. I, p. 94.

[7] Lefebvre, 2 mars 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941. f. 184 ; Miollis, 2 mars, item, f. 188 ; Napoléon à Eugène, 18 février 1808 (LECESTRE, t. I, p. 153).

[8] Lefebvre, 11 mars 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941, f. 217 ; MIOLLIS, Mémoires inédits. DEDEM, Mémoires, p. 126. Le général y voit soixante-dix moines. — L'évêque de Digne Mollis, 31 mars1809 (RICARD, Miollis, p. 146) ; Consalvi déclare qu'il eut peine à se dérober aux attentions du général (t. II, p. 158) ; en réalité, il ne s'y déroba point autant qu'il le voudrait faire croire : le 4 février, il se présenta chez le général, y passa une heure, fut aimable, gracieux, très prévenant. (Miollis, 4 février 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941, 82.)

[9] Alquier, 12 février 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941, f. 107 ; Miollis, 15 février 1808, Archives nationales, AF IV 1695 ; Alquier, 15 février 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941, f. 123

[10] Alquier, 8 mars 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941, p. 298 ; Napoléon à Eugène, 16 mars 1808 : Il faut en finir avec ces bêtes. (LECESTRE, t. I, p. 167) ; Napoléon à Eugène, 27 mars 1808 (LECESTRE, t. I, p. 171) ; Eugène à Napoléon, 22 février 1808, Archives nationales. AF IV 1695 ; Benedetti, 8 mars 1808 (SILVAGNI, t. I, p. 573).

[11] Benedetti, 13 mars, 8 et 12 avril 1808 (SILVAGNI, t. I, p. 575) ; Alberti, 28 mars, 1808 (CANTU, p. 350-356) ; Alquier, 14 février, archives affaires étrangères, Rome, 941, p. 121 ; Napoléon à Eugène, 17 février 1808 (LECESTRE, t. I, p. 150), 16 mars 1808, item, t. I, p. 167 ; Humbold au roi de Prusse, 30 mars et 9 avril 1808, Archives nationales, AF IV 1695 ; Lefebvre, 13 avril, Archives affaires étrangères, Rome, 941, p. 392 ; Eugène à Napoléon, 15 avril, Archives nationales, AF IV 1695 ; Note de Rome à Fouché, avril 1808, au Bulletin du 14, AF IV 1502.

[12] Lefebvre, 8 avril, Archives affaires étrangères, Rome, 941, p. 376.

[13] Lettre de Rome à Fouché, avril 1808, au Bulletin du 27, AF IV 1502.

[14] Notes à Fouché aux Bulletins des 27 avril et 21 juillet 1808, AF IV 1503.

[15] Notes de Rome à Fouché aux Bulletins des 27 avril et 4 août 1808, AF IV 1503.

[16] Alberti, 15 mai 1808. CANTU, p. 358.

[17] ARTAUD, t. II, p. 329.

[18] Notes à Fouché aux Bulletins des 11 et 30 août 1808. AF IV 1503.

[19] PACCA, t. I, p. 94, corroboré entièrement par l'aveu de Lefebvre dès le 8 avril 1808 : Jamais l'autorité du pape n'a été plus absolue qu'aujourd'hui. Archives affaires étrangères, Rome, 941, p. 376.

[20] Pour tout ce paragraphe : Notes de Rome à Fouché aux Bulletins des 4, 5, 19, 23 et 31 août, 7 septembre 1808, Encyclique aux évêques des Provinces Réunies, 30 octobre 1808 (Archives affaires étrangères, Rome, 942, p. 164-190 et collection Falzacappa, Bibliothèque Vallicellana de Rome, t. XIV) ; Alquier, 31 août, Archives affaires étrangères, Rome, 940, p. 165 ; Benedetti, 5 avril-14 août (SILVAGNI, p. 576-583) ; Miollis à Eugène, 23 août, Archives affaires étrangères, Rome, 942, p. 158 ; PACCA, t. I, p. 39 et suiv. ; ARTAUD, t. II, p. 329 et suiv.

[21] Pour le paragraphe qui suit : Eugène à Napoléon, 12 avril 1808 (CANTU, p. 350) ; Alberti, 10 août 1808 (item, p. 360) ; Miollis, 4 juillet 1808. Archives affaires étrangères, Rome, 942, p. 63 ; Ortoli, consul, à Champagny, 22 août (item, 942, p. 146) ; le même, 29 août (item, 942, p. 159) ; Note à Fouché aux Bulletins des 14 et 20 septembre, 23 août et 12 octobre 1808 (AF IV 1503) ; Ortoli, 31 août 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941 p. 191 ; Protestation de Pacca, Archives affaires étrangères, Rome, 942, p. 150 ; PACCA, p. 51-55, et aux pièces justificatives : Déclaration du 24 août 1808.

[22] Notes de Rome à Fouché, Bulletins des 28 septembre 1808 et du 12 octobre 1808, AF IV 1503, 1504 ; Ortoli, 6 septembre 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 942, p. 200 ; le même, 8 septembre 1808, item, 942, p. 207 ; Fabio Crivelli, de Rome, à un ami de Naples, 20 septembre 1808, AF IV 1685 ; PACCA, 165 et, aux pièces justificatives, Note du secrétaire d'État du 6 septembre 1808.

[23] Notes à Fouché des 29 juillet, 17 août, 29 octobre, aux Bulletins des 15 et 31 août, 15 novembre, AF IV 1500, 1504 ; Ortoli, 20 décembre 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 942, p. 286 ; PACCA, t. I, p. 43-44.

[24] Ortoli, 10 septembre, 20 octobre 1808, Archives affaires étrangère, Rome, 942, p. 209 et 239 ; Notes à Fouché du 31 août, du 21 septembre. 29 octobre, Bulletins du 14 septembre, 6 octobre, 15 novembre, AF IV 1503 et 1504 ; Alberti, 27 septembre, 23 novembre 1808 (CANTU, p. 363 et 370) ; le sénateur Saint-Martin à l'Empereur, 29 avril 1809, AF IV 1715 ; ARTAUD, t. II, p. 336.

[25] Allocution de l'empereur aux députés, 27 octobre 1808, correspondance, n° 14420 ; Notes à Fouché aux Bulletins du 12 octobre 1808 et du 25 novembre 1808, AF IV 1504 ; Ortoli, 16 novembre 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 942, p. 253 ; Protestations de Pacca du 30 novembre, Archives affaires étrangères, Rome, 942, p. 257.

[26] Note du pape du 18 décembre, Archives affaires étrangères, Rome, 942, p. 280 ; PACCA, pièces justificatives, n° 4.

[27] Relation des faits arrivés à Rome ; PACCA, pièce n° 4. Même relation dans la collection Falzacappa (Bibliot. Vallicellana, Rome, mss., t. XIV, p. 37) ; Diario de Fortunati, f. 627 (Bibl. vaticane, mss. latin, 10173) ; Lebzeltern à Stadion (interceptée), 7 janvier 1809, AF IV 1684 ; Note venue de Rome, 10 février 1809, AF IV 1695.

[28] Relation. PACCA, pièces justificatives, n° 4.

[29] Murat à l'empereur, 12, 17 septembre, 9, 17, 24 décembre 1808, 11 février, 19 février, 7, 15, 17 mars, 19 mars, 20 mars, 24 mars, 4 avril. 27 mars, 5 avril, 14 avril (Archives de la guerre, armée de Naples,1808-1809) ; Napoléon à Eugène, 13 février 1809, Correspondance, 14773 ; à Murat, 15 avril 1809, item, 15018 ; à Clarke, 8 avril 1809, item, 15027 ; à Elisa, 8 avril 1809, item 15035 ; Note de Rome à Fouché au Bulletin du 28 février 1809, AF IV 1505 ; Salicetti à Murat, 20 avril 1809 (dans SCLOPIS, La domination française en Italie, 1861, p. 193).

[30] Murat à l'empereur, 23, 28 avril, 12 mai, 27 mai, 30 mai, 1er juin, 4, 5 et 8 juin ; Salicetti à Murat, 23 mai, 7 juin 1809, Archives guerre, armée de Naples, 1809 ; Napoléon à Murat, 12 mai 1809, Correspondance, 15193 ; Alberti, 6 juin 1809 (indiquée par erreur au 6 juin 1808), CANTU, p. 359.

[31] Clarke à Napoléon, 9 juin 1809, AF IV 1715. Le directeur général de police de Florence Dubois, 8 juin 1809, au Bulletin du 20, AF IV 1506. Mémoires inédits du général de Miollis.