LA ROME DE NAPOLÉON

LIVRE PREMIER. — L'ÉTAT ROMAIN EN 1809

 

CHAPITRE V. — LES OBSTACLES.

 

 

I. Napoléon et Rome. — Napoléon est un Romain antique. — L'idée impériale l'achemine vers Rome : la venue de César. — Qui rêve l'empire d'Occident, rêve Rome. — Attitudes successives de Napoléon vis-à-vis de la Rome pontificale : sera-t-il Constantin, Charlemagne ou Auguste ? — Il est pénétré de la hantise de Rome : ses entretiens avec Canova. Projets sur Rome. Doit-elle être la capitale d'une Italie unie ? Le roi de Rome. La seconde capitale de l'empire. — L'amour de Napoléon pour Rome le rend successivement faible et violent, toujours jaloux. Ce sentiment est un des obstacles à la conquête rationnelle.
II. Les autres obstacles. — Les prétentions de Murat : le parti napolitain à Rome ; Rome et Naples ; Murat à Naples : Sempre Napoli ! la lieutenance générale de Murat à Rome ; intrigues perpétuelles de 1809 à 1814 : Murat ne renoncera jamais à posséder Rome et y arrivera en 1814.
III. Pie VII : caractère du pape ; sa popularité avant 1808 ; son culte après 1808 ; son influence occulte ; les Français se battent quatre ans contre un fantôme.
IV. Il n'y a point de parti français : les patriotes de l'an VII, ce qu'ils sont devenus ; ils sont très suspects tout à la fois à l'opinion et à Napoléon ; accueil froid que leur a fait Miollis. — En face de dix obstacles, les représentants de l'empereur n'ont qu'un recours : leur intelligence et leur probité.

 

I

Le Français à coup sûr le plus imbu d'erreurs au sujet de Rome est l'Empereur : ses sentiments personnels ajoutent une singulière outrance à ceux qu'il partage, vis-à-vis des Romains anciens et modernes, avec son époque et la nation qu'il gouverne.

Par un atavisme singulièrement frappant, ce capitaine corse est un Romain dans les moelles. Il en a le sang, il en a le profil. Du Romain antique, il a le goût du grand, la passion de la domination, l'imagination démesurée unie parfois au plus impitoyable réalisme. Il a dans le cerveau la loi romaine inscrite, et dans ses décisions, son style, sa façon de gouverner, il a la manière romaine.

Son centre idéal est d'instinct Rome : lorsqu'en 1797, il faut baptiser la république lombarde, il est assez naturel que de Paris on entende l'appeler Transalpine : lui, alors proconsul, l'appelle Cisalpine et, contre tous, maintient le mot : il semble ainsi que ce soit déjà du Capitole qu'il guette le monde.

Ce Capitole, il y a en effet vécu, idéalement, bien longtemps. Il s'est nourri de Rome : bien avant de faire revivre César, il a passionnément étudié Tite-Live, Tacite et Plutarque, lu tous les ouvrages que le dix-huitième siècle a conçus sur Rome[1] ; mais, son cerveau puissant, brisant les cadres à son gré trop étroits, d'une histoire cependant si grandiose, il préfère encore à la Rome du bon abbé Rollin celle du grand Corneille : un si grand sujet lui parait du domaine seulement d'un génie dont, s'il vivait encore, il ferait un prince. Lorsque de sa loge, il écoute Talma, drapé dans sa toge impériale, parler du grand fardeau de l'Empire romain, lui se sent les épaules assez larges pour le porter, mieux encore que ne le fit Auguste. C'est en effet la Rome impériale qui, avant tout, le sollicite, mais tout ce qui de près ou de loin évoque Rome le séduit. Il a, entre 1792 et 1799, parlé mieux que tout autre de Brutus et de Scévola : dans tous les temps son peintre favori est David, son sculpteur Canova, son acteur Talma, son livre de chevet Plutarque[2].

***

L'idée impériale l'achemine par surcroît vers Rome ; l'idée impériale, dans tous les temps, a jeté ceux qu'elle possédait dans le chemin de Rome[3].

Vieni a veder la tua Roma che piagne

Vedova cola, e di a noue chiama :

Cesare mio, perche non m'accompagna.

(Viens la voir ta Rome qui se lamente, veuve solitaire, et qui nuit et jour te crie : Mon César, pourquoi ne me rejoins-tu pas ?)

C'est Dante qui clame cet appel désespéré à César ; mais depuis que Constantin l'apostat a abandonné Rome, toujours, persévéramment, Rome a sollicité César : Charlemagne, les Othon, Barberousse, Frédéric II ; d'instinct ils ont tous franchi les Alpes et revendiqué l'héritage. Et depuis que le poète a pleuré le deuil de Rome veuve, sa voix a retenti au delà des Alpes, ce n'est pas seulement la douce et riche Italie qui attire et retient, pour son dam, Français, Allemands et Espagnols ; inconsciemment parfois, tout ce qui prétend à une suprématie en Europe court vers Rome : Charles VIII au quinzième siècle, François Ier après Marignan, Charles-Quint après Charlemagne. L'héritage de Rome appartient-il à l'Allemagne ou à la France ? Le procès reste ouvert depuis Charlemagne : Othon, Barberousse, Charles-Quint ont paru le gagner ; mais Philippe le Bel l'avait rouvert ; Charles VIII de Valois est entré dans Rome l'épée à la main, dans Naples la couronne impériale sur la tête ; François Ier a été candidat à l'Empire, et déjà Raphaël, dans une heure bien courte de francophilie romaine, l'a peint sur les murs du Vatican recevant des mains de Léon X la couronne de Charlemagne : d'instinct tous ces Capétiens se sont tournés vers Rome. Louis XIV ne franchit pas les Monts : consultons cependant un bien modeste document et bien inconnu, une lettre adressée sous l'inspiration de Louvois, ce césarien, en septembre 1691, au directeur de l'Académie de France au sujet des copies à exécuter au Vatican : Le serment de Léon III n'est pas moins important que le Couronnement de Charlemagne, parce qu'il fait voir que les rois de France estoient souverains de Rome[4]. L'idée persistait : elle reparaissait aux heures de gloire française : 1515, 1689 ; elle allait grandir, s'étendre, triompher à l'heure de l'immense orgueil, 1809.

***

Du jour où Napoléon a rêvé l'Empire, il a rêvé Rome, capitale de l'Empire. Il n'a jamais conçu que les deux idées fussent séparables. Aux deux extrémités de sa carrière, il fut sollicité de venir dicter des lois au Capitole : en décembre 1797, les patriotes, qui allaient faire la République Romaine, pressaient le futur César de venir rendre au Capitole un hommage à Brutus[5] ; il n'y alla pas, et conclut la paix avec Pie VI, à trois journées de Rome ; en 1815, déchu et exilé, il fut, dit-on sollicité par des unitaires Italiens de débarquer de Porto-Ferrajo non en Provence, mais en Toscane, et de se porter sur Rome où il proclamerait l'unité de l'Italie : il ne régnerait plus qu'au Capitole, gloire insuffisante : ayant été César, il ne saurait se contenter d'être Camille. Qu'est-ce Rome sans l'Empire, une grosse bourgade ; mais l'Empire sans Rome est un corps sans tête[6].

Depuis Tolentino, il a guetté Rome : à l'heure même où, tout en effrayant de son regard dominateur les plénipotentiaires du Pape, il fait dire à la Curie qu'il ambitionne plus le titre de sauveur que celui de destructeur du Saint-Siège[7], il écrit au Directoire : Cette vieille machine se détraquera seule. Il lui importe seulement qu'elle ne se détraque pas trop tôt, car d'autres que lui en voudraient ressaisir les ressorts, et ceux-là, les agents du Directoire, ne seraient pas plus dignes que ers prêtres de les faire mouvoir ; c'est pourquoi il désapprouve la République romaine, lamentable expérience qui gâche et compromet l'idée antique dont il croit porter en lui seul le dépôt ; c'est pourquoi aussi, l'heure n'étant point venue, il a laissé, en 1800, le pape se réinstaller à Rome ; à la vérité cette réinstallation, l'idée impériale grandissant cependant en lui, ne peut être que provisoire.

***

Dès lors, on le sent possédé de Rome. A ne nous en tenir qu'aux curieux entretiens que Canova nous a transmis et qui sont d'une note si sincère et si vraisemblable, on le devine hanté — et déjà tenté. — C'est en 1802 : le premier consul va et vient devant son sculpteur, et il parle intarissablement : parfois il interroge l'artiste, puis il disserte. Sur quoi interroge-t-il Canova ? Art ? Politique italienne ? Echos d'Italie ? Venise, patrie de l'artiste ? Impressions que lui peut faire la France, Paris ? Non ; Rome, toujours. De quoi disserte-t-il infatigablement ? De son gouvernement, des conspirations dont il est entouré, des discussions du Tribunat ou du Conseil d'État, de l'art français ? Non, de Rome, sans s'arrêter ; l'histoire romaine de Romulus à Pie VII : lorsqu'il parle des héros de Tite-Live ou de Tacite, l'admiration éclate en paroles de feu ; lorsqu'il parle du gouvernement des papes, c'est avec amertume, mépris et presque rancune ; on dirait déjà qu'on lui a volé quelque chose ; lorsque modèle et artiste ne sont point d'accord, on consulte Tacite. Quelques années après, Canova revoit son terrible modèle : il le trouve possédé derechef de Rome qui depuis trois mois est sa Rome — c'est en 1809. — Quel grand peuple que ces Romains surtout jusqu'à la seconde guerre punique ; mais César ! ah César ! ce fut le grand homme ! Canova réplique : Il ne faudrait pas seulement César, mais quelque autre empereur comme Titus, Trajan, Marc-Aurèle. — Ils furent tous grands, s'écrie l'Empereur exalté, tous jusqu'à Constantin ![8]

Ce n'est pas seulement avec Canova qu'il chevauche son idée favorite. Ses familiers sont habitués à l'entendre tout rapporter aux souvenirs romains : qu'il discute droit romain en son Conseil d'État, qu'il harangue solennellement des sénateurs ou des tribuns, ou que, causant familièrement, avec l'un ou l'autre, des événements du jour, il reconnaisse Catilina dans tel conspirateur, les Gracques dans tel agitateur, Carthage dans l'Angleterre, le système de Dioclétien dans son Empire, Brutus dans Staps, qu'il commente Tacite ou Cicéron, les guerres puniques ou la guerre des Gaules, Rome sans cesse s'évoque[9] ; parfois on le voit reconstruire en imagination le Forum ; la pensée fuse comme si, longtemps contenue, elle échappait : ce Forum déshonoré et qu'il saura bien déterrer.

Quelle part revient à ces rêveries magnifiques dans sa politique vis-à-vis du Saint-Siège après 1804, nous le dirons : que cette part soit notable, qui pourrait le nier ? Inconsciemment. il est poussé vers Rome : l'incident qui l'y mènera naîtra non des évènements, mais de cette hantise. On le sent poussé si fatalement vers Rome, que la Curie entend faire la part du feu : puisque, même couronné des mains du pape, l'Empereur se sent inférieur à Charlemagne ou même à Barberousse, parce que ce n'est pas sous les voûtes de Saint-Pierre qu'il a reçu cette couronne impériale, que ne lui propose-t-on de s'en venir à Rome ? Dès 1804, on y a songé[10] et, au moment où tout semble compromis, en 1807, Pie VII croit apaiser l'Empereur, donner satisfaction à sa soif de Rome, en le conviant à y venir, en lui ouvrant le seuil des Apôtres : Le palais du Vatican que nous ferons arranger pour le mieux sera destiné à recevoir Votre Majesté et sa suite. A l'entrée de la basilique une grande dalle de porphyre a vu s'agenouiller les Césars auxquels le pape impose la couronne : puisque l'Empereur veut être Empereur romain autant qu'Empereur français, que ne vient-il s'agenouiller sur le porphyre de Saint-Pierre. Il sera Charlemagne[11].

***

La Curie se trompe. Napoléon qui, à la veille de Tolentino, a refusé de venir dans cette Rome qu'au fond de l'âme il adore déjà, a une idée fixe qui domine cette histoire : il ne viendra à Rome qu'en maître à la fois populaire et redouté.

Certes, de 1805 à 1808, c'est Charlemagne qui s'évoque le plus souvent dans ses lettres, un Charlemagne singulier d'ailleurs, protecteur du Saint-Siège, à qui il arrache tous les deux ans une ville, un Charlemagne qui ne ressuscite que pour réclamer ce qu'il a donné dix siècles auparavant, un Charlemagne qui parle de la prêtraille et qu'ainsi Léon III ne reconnaîtrait guère. Dix fois, le grand Empereur paraît ainsi, redoutable en cette réincarnation imprévue, plus exigeant que l'autre ; comme Constantin aussi, il pourrait nommer un sénateur à Rome, comme Charles-Quint aussi, il pourrait réduire le pape à merci ; car c'est un grand gâcheur d'histoire que Napoléon pour lequel les règnes passés ne sont que le prélude du sien.

Au fond, Charles-Quint, Charlemagne, Constantin ne lui paraissent que des demi-empereurs, puisqu'ils ont eu la faiblesse de donner ou de laisser Rome à cette prêtraille. La figure qui le possède, c'est Auguste, nimbé de lauriers, laissant de marbre la Rome qu'il a trouvé de briques. Rome n'est maintenant ni en briques ni en marbre : pour lui, elle est en ruines. Son génie d'administrateur s'indigne du mauvais gouvernement qui la déshonore ; il bout d'impatience à l'idée que ces prêtres étouffent le génie romain et laissent s'effriter ses monuments[12]. Parfois, avant 1809, l'envie étant trop forte, le vrai dessein perce. ... J'établirai un Sénat à Rome et quand une fois Rome et l'État pontifical... seront entre mes mains, ils n'en sortiront plus... s'écrie-t-il devant Caprara en 1806, et au prélat Arezzo : Je mettrai à Rome un roi ou un sénateur[13].

***

Un roi, cela est fort douteux, au moins de son vivant. S'il est vrai qu'il ait un instant songé à Lucien, son esprit ne s'y est guère arrêté. Il y aura un roi de Rome, roi d'ailleurs nominal et platonique tant que vivra l'Empereur : ce sera le fils de Napoléon[14]. Le seul vrai roi de Rome, ce sera Napoléon lui-même. Napoléon aime Rome en jaloux : pour la posséder, il a dû fouler aux pieds des scrupules et même des sympathies car il éprouve pour Pie VII une amitié apitoyée — il n'entend livrer la Ville à qui que ce soit. Si un jour se réalise ce qui semble bien avoir été son projet, cette Italie une des Alpes à la mer d'Ionie, de la Méditerranée à l'Adriatique, si un jour ce royaume reçoit comme souverain le second fils de l'Empereur, rien ne prouve que Rome, ville impériale et libre, n'échappera pas à la loi commune des villes du royaume d'Italie. Un témoignage qui a son poids, il est vrai, celui de Norvins, alors directeur général de la police à Rome, fait bien croire que, dès 1810, l'empereur s'apprêtait à donner Rome comme capitale à l'Italie unie[15] : Napoléon lui-même laisse entendre à Sainte-Hélène qu'il n'attendait qu'un second fils pour le faire couronner à Rome roi de tous les Italiens sous la régence d'Eugène. Tout ce projet, en réalité, resta bien vague, encore que la résolution de Napoléon semble devoir, en ce qui concerne l'unité de l'Italie, rester acquise. A étudier, ainsi que nous le faisons, l'histoire de la domination de Napoléon à Rome, on a au contraire l'impression très forte que Napoléon ne travaillait pour personne, même pas pour un fils qu'il eût de son vivant installé à Rome comme roi indépendant de l'Italie[16]. Même avec un roi d'Italie siégeant peut-être à Rome, la ville fût restée privilégiée, seconde capitale de l'Empire dont elle fait partie intégrante, puisque, plus que celle d'Amsterdam, de Milan, de Madrid et d'Aix-la-Chapelle, la possession de Rome est le complément nécessaire de l'œuvre impériale et la condition la plus indispensable du système. Même si un roi, fils ou frère du souverain, y réside, l'Empereur y gardera certainement son palais, le palais impérial, et en admettant même que de son vivant, Napoléon délègue ainsi à Rome un de ses fils, ce sera en qualité ou de vicaire impérial ou de vassal très inféodé à un suzerain qui jamais ne renoncera à régner et à gouverner aux bords du Tibre[17].

Rome deviendra la seconde capitale de l'Empire. Mais si haut qu'on prise l'honneur d'être seconde ville d'un si grand Empire, Rome ne se considérera pas moins comme déchue : elle était la capitale du monde chrétien ; son souverain comme jadis Auguste se faisait obéir aux confins du monde. Or elle ne sera même plus capitale d'un royaume important : ce titre de seconde ville est une fiction ; car tandis que des princes de la Maison, Elisa, Borghèse, Eugène, Murat entretiennent à Florence, Turin, Milan, Naples, une petite cour qui brille et paie, Rome reste sans prince à elle, même provisoire.

On lui promettra, il est vrai, la tendresse spéciale de l'Empereur qui se réserve d'y paraître en père : elle ne sera que la sœur de la ville chérie de Napoléon — entendez Paris, — mais la sœur presque jumelle, puisque l'héritier de la couronne portera le titre de roi de Rome, qu'un prince y tiendra la cour impériale, y exercera un pouvoir protecteur, y répandra ses bienfaits en renouvelant la splendeur des arts...[18] Mais jusqu'au bout ce seront là des promesses dont pas une — sauf l'illusoire titre de roi de Rome — ne se réalisera.

***

Ce ne sont point cependant des phrases creuses : derrière l'emphase des promesses, il y a un sentiment très sincère et presque touchant. Napoléon aime Rome comme une épouse longtemps désirée ; il entend la combler de bienfaits, grandioses comme elle et comme lui. Que de grandes choses il y va faire ; les Césars et les papes n'ont pu dessécher les Marais Pontins, il les desséchera ; le Tibre n'est plus navigable, on reverra des vaisseaux au pied de l'Aventin ; le Capitole n'émerge plus que de scories, le Forum, les Forums impériaux, le Colisée, le Palatin, les Thermes, tous ces restes glorieux vont sortir de terre, livrer au monde les secrets de la Rome antique ; on reverra les Rostres où Cicéron parla, le palais d'Auguste, le pavé de la Voie Sacrée. Tout est de taille ici à séduire cet homme qui aime le grand, le démesuré. Il reprendra d'une façon grandiose l'œuvre des plus vastes cerveaux : on dégagera Saint-Pierre, œuvre de Michel-Ange ; on dépassera Léon X le Magnifique par l'éclat que vont prendre à Rome les lettres et les arts, et il n'est pas jusqu'à l'adversaire qui ne doive être grand, — à condition qu'il soit terrassé, mais il le sera, — car en n'en trouvant point un à sa taille dans le faible Pie VII, il le veut incarner, pour s'assurer une plus glorieuse victoire, dans Grégoire VII, un autre géant. Il va être à Rome le successeur d'Auguste et de Charlemagne, l'héritier inattendu de Léon le Magnifique, et l'adversaire posthume de Grégoire l'Indomptable. Son règne sera le plus beau chapitre de cette histoire, synthèse de tous les âges d'orgueil et de grandeur.

***

Pour la ville aimée, il se fera tout d'abord doux : moins d'impôts que partout ailleurs et moins de conscrits ; mais de nouveaux hôpitaux, de nouveaux collèges, de nouveaux palais, des routes, des canaux, des campagnes cultivées, des industries prospères, la richesse et le bonheur.

Rome refusera les présents de César : elle ne comprendra pas ses bienfaits. Comment expliquer cette ingratitude ? Par l'influence des prêtres. Ces suppôts des Grégoire, des Jules et des Boniface lui disputent le peuple et le lui prennent. Il les frappera : il les croit faibles. On connaît mal les prêtres de Rome, écrira-t-il dédaigneusement. En effet, il les connaît mal et il apprendra, de 1809 à 1814, à les connaître. On verra quelle fut, en face de cette déconvenue, sa colère et, — disons le mot, sa douleur. Avec les Romains, il ne faut pas rire, écrira-t-il[19] et il n'en rir jamais en effet ; mais à certaines heures on le sentira tout près d'en pleurer. Dans tous les cas, n'ayant pu réduire Rome, il la boudera ; — car c'est trop d'humiliation que de voir César vaincu, non par Grégoire VII, mais par Pie VII, un faible absent : il ne voudra plus entendre parler de l'ingrate ville où, pendant de longues années, il a si souvent voyagé en imagination et, au faîte de sa puissance, il manquera à sa parole et ne viendra pas à Rome.

Il n'y viendra, pense-t-il, qu'en maître incontesté et par le peuple conquis et par le souverain déchu : dans quelques années Pie VII aura cédé, consenti à revenir à Rome en grand aumônier de l'Empereur ; sous les voûtes de Saint-Pierre, il posera, non sur le front d'un allié, mais sur celui du maître absolu de Rome, la couronne des Césars ; c'est en triomphe que de Saint-Pierre, il veut monter au Capitole pour y contempler à ses pieds le Forum restauré.

C'est pourquoi Napoléon ne viendra point à Rome. La neige de Russie couvrira d'un blanc linceul le rêve ensoleillé de l'Empereur latin — et le tuera.

***

Amant déçu, il restera amant jaloux de Rome. Cette jalousie il la poussera si loin, que — le lecteur en jugera par la suite il n'entendra point que, même en son nom, un autre y commande avec les allures d'un prince et le prestige d'un proconsul.

Il écartera l'idée d'Eugène, de Lucien, de Murat[20] : il écartera Bernadotte ; il faut cependant un gouverneur général : Fouché en portera un instant le titre ; mais incontinent, Napoléon reviendra sur sa décision, déchirera le décret, semblera garder rancune au duc d'Otrante pour avoir parlé de gouverner ferme et de représenter princièrement à Rome[21]. Il ne nommera pas de gouverneur général ; et c'est alors ce singulier expédient qui, après lui avoir fait proroger les pouvoirs d'un gouvernement provisoire dont l'excellent de Gerando est le grand homme, l'engagera à laisser à la tête de Rome le général de Miollis, vaillant soldat, mais assez obscur, avec le titre singulier, modeste et provisoire encore de lieutenant du gouverneur général de Rome, d'un gouverneur général qu'il ne se décidera jamais à envoyer vers la ville très aimée qu'un autre ne doit, de haut, ni mater ni séduire[22]. Lorsqu'en 1814, Murat se rend maitre de Rome ; l'Empereur écrit au pape qu'il lui va rendre une ville qu'il préfère voir entre ses mains qu'entre celles de tout autre souverain. Il est sincère : là où César n'a pu régner, Grégoire VII doit revenir ; un Murat — Augustule indigne — ne saurait coucher dans le lit de César Auguste.

***

Cet amour longtemps comprimé, bientôt exalté, promptement déçu et toujours jaloux, était de médiocre conseil. L'acheminant vers Rome, en une sorte d'ivresse, il lui cacha les risques de l'entreprise et lui en exagéra les bénéfices : il croyait les prêtres lâches et les Romains héroïques, parce qu'il avait lu Rousseau et Plutarque  : ce sentiment le rendit en vérité trop patient, un peu hésitant — sauf contre les prêtres — dans la crainte d'être brutal, étrangement faible pour une ville qu'il voulait avant tout séduire ; puis, déçu, ce sentiment le jeta dans un système de compression qui exaspéra sans réduire ; jaloux, par surcroît, il l'empêcha d'instituer en cette ville, qu'il fallait gouverner avec une grande science d'État et éblouir par un prestige tout proche, un représentant qui donnât à Rome l'illusion d'être une capitale encore et de posséder un prince.

De l'île d'Elbe il pouvait, aux jours clairs, apercevoir le rivage romain. Il devait en détourner les yeux colline jadis saint Louis refusait de regarder, du haut des monts de Palestine, la Jérusalem qu'il n'avait pu conquérir.

Napoléon, qui avait Rome dans le sang, ne vit jamais Rome, pour l'avoir trop et mal aimée.

 

II

De l'idée fausse conçue par les Français, et Napoléon plus particulièrement, au sujet de Rome, des citoyens romains opprimés et des prêtres leurs oppresseurs, devaient naître des difficultés imprévues et singulièrement ardues.

D'autres venaient — que, peut-être, on eût pu prévoir, non plus des préjugés intellectuels, mais de la situation singulièrement critique qu'allaient créer aux gouvernants. de Rome l'ambition de Joachim Murat, roi de Naples, la ténacité du pape Pie VII et l'absence presque totale à Rome, à la veille de 1809, d'un parti français.

***

Tout devait rendre Murat sourdement hostile au gouvernement français de Rome. Certes, Joachim ne parait jouer de rôle en cette histoire qu'à son prologue et à son épilogue ; c'est lui qui, lieutenant-général de l'empereur, renversera officiellement le gouvernement pontifical ; c'est lui qui, d'autre part, donnant enfin satisfaction à une longue convoitise, en s'emparant de Rome, y mettra fin au gouvernement impérial.

Mais ce serait mal connaître le personnage que de le supposer inactif ou indifférent durant les quatre années, où, jaloux, ambitieux et ardent, il voit si près de lui cette proie convoitée, et qui lui a été refusée.

Il est malaisé de reconstituer l'intrigue qui fut secrète, encore qu'à peu près constante. Quelques indices seuls permettent de pénétrer des parties de l'entreprise napolitaine à Rome et de chercher au palais Farnèse le secret de certaines difficultés, — entre bien d'autres, — dans lesquelles se débattront les représentants de l'empereur.

Tout, nous l'avons vu, livre Rome à Naples ; tout appelle les Napolitains sur les rives du Tibre. Aucun obstacle naturel ne leur en défend l'accès ; tous les maîtres de Naples ont fort naturellement convoité Rome, de Robert Guiscard aux Bourbons espagnols. La présence du pape fut le seul palladium qui protégea contre les entreprises de ces ennemis héréditaires la Ville éternelle[23] : car les Napolitains, catholiques dévots, se fussent difficilement prêtés à satisfaire, contre le Souverain Pontife, l'ambition de leurs si divers maîtres.

Lorsqu'en 1799, Naples avait occupé Rome que leur livraient, et la retraite des Français, et l'absence du pape, c'était en maitres et bientôt en tyrans qu'ils l'avaient possédée : il faut lire le diaire de l'abbé Benedetti et les mémoires de Consalvi, pour se rendre compte de l'odieuse et abusive façon dont ces Napolitains avaient traité une ville qu'ils n'avaient point conquise. On les crut, par disgrâce et au grand désespoir des Romains, installés pour jamais dans Rome[24].

En 1800, Acton dut se résigner à laisser la place au nouveau pape : ce ne fut ni sans soupirs ni sans réserves. De 1800 à 1804, Naples continue à intriguer, essayant de brouiller les cartes, de soulever contre la politique française de Pie VII le peuple romain, si mal disposé pour nous, dans l'espérance presque avouée de pêcher en eau trouble. Pie VII pénètre souvent le dessein : Oh ! Napoli ! Napoli ! sempre Napoli ! soupire-t-il devant certaines intrigues dont la perfidie est patente. Ce soupire résume des siècles de craintes secrètes et légitimes[25].

***

La chute de Pie VII, imminente dès 1807, allait enlever à Rome, vis-à-vis de la catholique Naples, son séculaire palladium.

Par surcroît, voici venir, en 1808, à Naples, roi aux belles dents signés et à l'œil chargé de toutes les convoitises, Joachim-Napoléon Murat. Qui pourra jamais tracer le portrait de Murat, soldat sans peur et politique chargé de reproches, vaillant jusqu'à la folie et rusé jusqu'à la fourberie, fanfaron presque naïf et comédien sans vergogne, sachant dans une même lettre rire et pleurer, dupe et dupeur tour à tour, Roland en Pologne. Ganelon en Italie, Latin pur sang, celui-là encore, et par là attiré autant qu'un autre vers la ville des Césars.

Ce n'est pas d'hier qu'il l'a voulue pour soi. Lorsqu'en 1800, il opérait du côté de Foligno, dominant, par le haut Tibre. Rome très menacée et réclamant du premier consul l'autorisation d'occuper le château Saint-Ange, il a fallu, écrit Consalvi à Spina, un demi-million de pourboire pour l'en éloigner, et quand le Gascon vient à Rome remercier le Saint-Père d'un si appréciable cadeau, on y sent d'instinct qu'il le faut encore conquérir : d'un geste, écrit-il lui-même, il eût déchaîné la Révolution ; aussi la Curie l'a-t-elle alors accablé de cadeaux — un Raphaël compris. Cet ancien séminariste se donne alors pour l'ami du pape, son protecteur ; on en sourit à Paris ; mais à Rome on s'en félicite ; Murat, fourbe, séduisant. y jouira, dans le monde de la Curie, d'une faveur qui étonne. Consalvi lui gardera une amitié fidèle qui résistera à tous lei événements ; Pie VII reste persuadé, dès 1800 et jusqu'en 1811, que Murat est l'ami fidèle, encore que discret, qui gémit des malheurs du Saint-Père et cherche à les prévenir. Et cependant, dès 1801, il faut que Cacault s'en vienne à Florence où commande le bouillant Murat pour modérer une ambition jugée dangereuse. Je vais à Florence, dit-il à son secrétaire d'ambassade Artaud, modérer Murat qui brûle de venir ici conquérir et occuper un État nouveau. Les fêtes princières qu'en 1802, les Borghèse lui offrent dans leur royale villa de Rome, les adulations dont il est entouré par le patriciat et les cardinaux, ne sont pas faites pour l'éloigner de Rome[26].

Puis la vie s'empare du brillant cavalier, le ramène à Paris, l'envoie en Allemagne, en Pologne, en Espagne : il promène à travers l'Europe, comme un rêve impossible, la vision de Rome, de son Capitole, de sa voie triomphale.

***

Brusquement, le destin le ramène en Italie, roi de Naples. On le voit, en septembre 1808, traverser Rome, déjà occupée, nous le verrons, par les troupes françaises. Le sort de la ville est alors encore incertain. C'est une grande tentation pour Murat que de l'assurer à son profit. Il fait donc, en attendant mieux, dans cette ville qui aime la pompe, une entrée fastueuse : il s'installe en souverain au palais Farnèse, qui est Napolitain, s'informe, enquête, appelle dans la galerie des Carrache les représentants du parti français dont il entend faire un parti napolitain, se fait faire la cour, ne néglige rien, flatte Consalvi, fait protester secrètement de ses sentiments près des cardinaux, entend se créer une opinion publique favorable à l'heure où il la voit tout entière irritée contre son impérial beau-frère[27].

Dès cet automne de 1808, l'intrigue de Murat est visible : il veut se forger, fût-ce aux dépens de l'Empereur et de ses agents, une popularité qui, pense-t-il, en imposera à Napoléon. Irrité que les agents d'Eugène eussent fait courir le bruit à Rome que le roi de Naples avait suggéré au général de Miollis les mesures de rigueur qu'il a prises contre quelques personnages du gouvernement du pape, il proteste ; on veut le compromettre ; il connait le but malin qu'on poursuit : le dépopulariser par des bruits qui offensent son caractère loyal ainsi que ses raisons politiques. La note, adressée aux agents d'Eugène, est soigneusement répandue dans Rome dès octobre 1808. Au Quirinal, on tient ainsi plus que jamais Murat pour un ami que la Providence a conduit en Italie[28].

Mais comme il faut, pour que Murat soit roi à Rome, que le pape tombe, Joachim, cependant qu'il parait faire échec à Miollis en faveur des cardinaux, excite, par des lettres pressantes, l'Empereur à renverser un gouvernement malfaisant et s'offre à la besogne, nous verrons avec quelle insistance. Déjà un parti napolitain se forme dans la noblesse : les Doria, les Colonna, les Palaviccini qui ayant de grandes propriétés dans la partie du territoire romain voisine de l'État de Naples, désirent être plutôt réunis à cet État qu'à tout autre. Et voici qu'à travers Rome, court un mémoire à l'Empereur, qui se couvre de signatures, sollicitant, dans le cas de renversement de leur gouvernement, leur réunion au royaume de Naples. — Tout ceci est parti du cabinet de Naples, écrit froidement Eugène, qui transmet la nouvelle à l'empereur[29].

Comme, à la même heure, Murat adopte à Naples, au grand dépit de l'empereur, une politique nationaliste outrée, qu'il flatte le clergé, décore les évêques, se prosterne devant le chef de saint Janvier, appelle aux premières places les nobles ralliés, cousins presque tous des patriciens de Rome, arrache des acclamations à la populace de Santa Lucia, on est assuré à Rome que, si la ville devenait le domaine de ce roi généreux, la même politique y serait pratiquée. L'opinion s'y prononce : la prise de Capri, en novembre 1808, a réuni à Rome toutes les voix en faveur du roi de Naples. Son éloge est dans toutes les bouches. Les amis de la France lui sont acquis : ils verraient avec peine leur pays passer sous la domination française cause de l'éloignement de la capitale, d'autant plus qu'ils s'étaient flattés d'être réunis aux États du roi Joachim que les Romains aiment et admirent[30].

***

L'Empereur semble avoir compris : Murat sera désigné tout au moins comme lieutenant de l'Empereur à Rome ; à la tête de son armée, il présidera au coup d'État : il en reçoit du moins l'ordre ; mais comme il entend bien ne point assumer l'odieux de ces mesures, renversement du gouvernement, enlèvement du pape, il se dérobera personnellement, enverra son général Pepe, son ministre Salicetti, puis son lieutenant Pignatelli, chargés de faire du coup un coup napolitain, tout en en laissant, aux yeux des Romains, tout l'odieux aux Français. On ne le verra à Rome que trois mois après, dans quel équipage éclatant, avec quel étalage de bienveillance cordiale, avec quelle attitude de redresseur de torts, de génie tutélaire, la suite de ce récit le montrera[31].

Il ne sera pas maintenu au delà de ces quelques mois dans ce titre illusoire de lieutenant de l'Empereur à Rome, la proie lui sera enlevée ; un roi de Rome va naître.

Mais, pendant ces quatre ans, nous verrons ce palais Farnèse dont l'Empereur impatienté veut, à la fin, le dépouiller, rester le foyer d'une intrigue constante. Salicetti parti, retourné à Naples, Olivetti, son parent, restera directeur général de la police, et lorsque celui-ci aura disparu, précisément à cause de ses relations avec Naples, Norvins, son successeur, délibérément hostile au roi de Naples, devra dénoncer les intrigues, qui sans cesse mettent en mouvement un Crivelli, un Zuccari, agents de Murat. Après 1812, la main de Joachim sera partout, dans toutes les résistances à l'empire, dans les troubles et les émeutes : plus d'une fois Miollis pourra écrire les mots que soupirait Pie VII : Napoli ! sempre Napoli !, jusqu'au moment où, jetant le masque, Murat, maître de Rome par un coup de fourberie inouï, s'en déclarera le souverain et viendra enfin tenir sa cour au palais Farnèse[32].

Dès 1808, les difficultés qu'un tel voisinage doit faire naître sont en germes dans les sentiments de Napoléon, dans ceux de Murat, l'un jaloux de sa prise, l'autre avide de la recevoir : Joachim ne renoncera jamais à posséder la maîtresse aux immortelles séductions.

 

III

Une difficulté plus grave s'incarnait dans Pie VII. Entre ces deux prétendants, le brillant Murat que Napoléon écarte, et le terrible Napoléon dont Rome ne veut pas, Pie VII reste troisième prétendant, le plus misérable et cependant le plus favorisé.

Survenue vingt ans plus tôt, la réunion de Rome à la France eût peut-être été plus facile. En 1798, on avait été étonné du crédit qu'une très grande partie de la nation avait tout d'abord fait à la République. Le règne de Pie VI, trop long, avait, nous l'avons dit, fatigué les esprits et lassé l'attachement. Brusquement enlevé, le pape n'avait eu, par surcroît, ni la prévoyance ni le loisir de dicter au clergé romain et à ses fidèles une règle de conduite : son martyre avait été peu connu à Rome : l'ombre du pape ne planait plus sur le mont Vatican qui, muet durant deux ans, ne rendit plus d'oracles.

Il n'en pouvait être ainsi de 1809 à 1814. La leçon de 1798 tout d'abord n'avait été perdue pour personne ; privée de son nautonier, la barque de Pierre avait connu les pires désastres : le nautonier, quel qu'il fût, y devait gagner en popularité et en prestige tout ce que les misérables consuls y avaient perdu. Le conclave de Venise avait, d'autre part, mis à la tête de l'Eglise le chef le mieux fait pour profiter d'une aussi favorable disposition et l'augmenter.

L'humble moine, que les circonstances ont dressé contre le soldat de fortune, est, lui aussi, un parvenu : bien avant le trône pontifical, il a connu la cellule du religieux ; il y a médité, loin des influences dissolvantes de la Curie, sur les devoirs du prêtre. Chiaramonti est profondément religieux, pieux sans étroitesse, d'une sainteté sans rigorisme qui séduit les plus malveillants. Sa conscience le guidera seule ; aucun intérêt terrestre : inaccessible à tous les genres d'intérêts qui ont séduit le plus grand nombre de ses prédécesseurs, il ne veut rien ni pour lui ni pour ses parents[33]. Cette conscience extrême en fait tour à tour, par un effet assez commun, un timoré et un entêté, un hésitant et un tenace, un doux et un violent : on dit qu'il a le jugement sain et une grande défiance de lui-même, écrit-on de Rome à Fouché. C'est la première face de Pie VII : défiant de lui-même, sans orgueil ni vanité, il consulte, hésite, cède jusqu'à la limite que sa conscience lui a fixée ; au delà il se ferait briser, déchirer, plutôt que de céder un pouce ; sa résistance, qui est généralement douce, se fait au besoin acerbe et comme exaspérée : caractère doux, mais très irritable et susceptible de déployer une fermeté à toute épreuve[34]. Le jugement est de 1808 ; qui ne le contresignerait aujourd'hui ? Ce sont des adversaires plus dangereux que les superbes, ces caractères qui savent réprimer par vertu une violence qui se Ille dès lors en indomptable ténacité. Napoléon eût peut-être brisé Grégoire VII et Boniface VIII : il ne saura faire plier Pie VII.

Le 6 juillet 1809,1e pape prononcera une parole sur laquelle il ne reviendra pas : Le temporel appartient à l'Eglise et nous n'en sommes que l'administrateur. Pie VII résistera : il résistera d'autant plus que, nous l'allons voir, les longues hésitations de Napoléon entre 1807 et 1809, les singulières relations que l'occupation militaire de Rome a créées entre les deux gouvernements ont fait faire au pape l'apprentissage de cette résistance de tous les moments. Bien plus, l'annexion d'une partie de ses États à l'Italie, en avril 1808, lui a permis, au moment où ses avis pouvaient encore, du Quirinal, se répandre facilement, de formuler la doctrine de Pierre relative à la fidélité que lui devaient garder les sujets arrachés à son magistère : défense de prêter serment à l'usurpateur sous aucun prétexte et d'en accepter, sous peine d'excommunication, un emploi quelconque. Rome, à son tour, réunie, la doctrine maintenant connue prévaudra, nous le verrons assez. L'administration française s'agitera à Rome dans un monde d'insaisissables, d'inexorables abstentions.

***

Pie VII sera donc suivi ; c'est que jamais pape ne fut plus populaire. On lui a su, hors de Rome, gré des réformes qu'il a tentées pour donner de l'air au vieil édifice romain[35] ; à Rome point : la bulle Diuturnas, nous l'avons dit, y est restée lettre morte. Mais, en revanche, l'éminente vertu de ce saint homme attendrit les cœurs et les attache, vertu sans morgue, infatigable charité, désintéressement qui le laisse moine frugal et parcimonieux au milieu des splendeurs de sa cour, esprit aimable, ouvert à toutes les pensées généreuses et humaines[36]. L'indignation avait fait le reste ; sous les yeux mêmes de ses sujets, le pape avait, dix-huit mois durant, essuyé d'insupportables outrages ; son propre palais, menacé et violé, avait été la première station du cruel chemin de croix dont Grenoble, Savone et Fontainebleau marqueront les étapes. Aimé en 1808, Pie VII, martyr, est canonisé par ses sujets après 1809 ; de loin, il fait des miracles, ressuscite des morts : il fait un miracle à coup sûr, c'est de mener, à trois cents lieues de Rome, captif de l'adversaire, enserré et harcelé, la lutte contre César, à l'heure où celui-ci ne connaît plus guère d'adversaire invaincu.

Pendant quatre ans, Napoléon se battra à Rome contre un absent, un fantôme plus invincible que Wellington lui-même, parce qu'insaisissable, immatériel, moral : un saint.

 

IV

Contre les partisans innombrables du régime déchu, fidèles de Pie VII et Romains lésés, contre le parti de Murat qui, sans cesse, reçoit de Naples de discrets encouragements, pour remédier à sa propre ignorance des choses de Rome et à l'inexpérience qu'en ont ses agents, il faudrait que l'Empereur trouvât à Rome un parti français, amis dévoués, indicateurs utiles et conseillers sincères, garant le pouvoir étranger des maladresses presque inévitables au début, lui fournissant dès les premières heures un personnel de fonctionnaires indigènes solides, intéressés à son succès et à son maintien, de répondants populaires et notables l'entourant d'un état-major de quelque prestige. Cet élément-là, les Français l'ont rencontré un peu partout, pour faciliter les transitions et acheminer sans heurter à l'assimilation.

Ils ne le trouvent pas à Rome. Nous avons dit comment ce peuple de fonctionnaires et de mendiants bénéficiait du régime pontifical et quelles raisons personnelles toute la population avait de le garder et, partant, de le regretter amèrement. Même en 1798, il n'y avait point eu de parti français : en admettant que le parti révolutionnaire fût sans réserves français, ce parti ne s'était découvert assez nombreux qu'à l'heure où des places étaient à prendre et de l'argent à récolter : encore ne s'estimaient-ils que sept cents bons patriotes d'Ancône à Rome, l'un d'eux affirmant même qu'avant la Révolution, ils n'étaient que soixante-huit.

Que restait-il de cette cohorte ? Les Napolitains en avaient pendu quelques-uns dès 1799 ; la terreur qu'avait semée cette réaction avait suffi à ramener à peu près au chiffre primitif et étroit le nombre des patriotes à toute épreuve. Pie VII avait eu l'esprit de ne les point persécuter : les uns s'étaient rangés, détestant leurs erreurs, menant une bonne vie, faisant une bonne mort ; quelques-uns, libéraux sincères et honnêtes, avaient été désabusés par l'expérience de 98 : pas de meilleurs soutiens pour le pape. Les autres s'étaient terrés ; on en retrouve qui n'aspirent plus qu'à se faire oublier, comme ce pauvre vieux Tardi, qui s'en vient tout râpé et rasant les murs, donner des leçons d'italien à Lamartine vers 1811[37], et dont l'élève apprend avec surprise qu'il fut consul de la république : beaucoup accusent violemment les Français de les avoir compromis, abandonnés, trompés, et par surcroît les méprisent de s'être donné un maitre ; ces Brutus sont venus conspirer à Paris même : Ceracchi y a été fusillé, compromettant tout un groupe de réfugiés, les Bonelli, les Visconti, que Salicetti a dû sauver avec peine de mesures rigoureuses. On pense si l'événement avait valu à ces représentants du parti patriote romain la faveur de Bonaparte[38].

Compromis d'ailleurs par leurs vols et leurs débauches, ces anciens gouvernants de l'an VII étaient discrédités et méprisés, haïs et ridicules. Seigneur, gardez-moi de mes amis, je me charge de mes ennemis, eût pu dire, après 1801, le représentant officiel de la France à Rome, Cacault ou Fesch. Le fait est qu'à une démarche tentée près de lui par le parti révolutionnaire, Cacault, encore que conventionnel régicide, avait, en 1801, opposé un front de bronze, faisant promettre à tous ses subordonnés de conformer leur attitude à la sienne ; ce n'est pas le réacteur Artaud, ni, sous Fesch, le vicomte de Chateaubriand qui désobéiront à de telles instructions[39]. On pense si les patriotes sont satisfaits : à une autre démarche tentée par eux près de Murat en 1801, celui-ci a répondu en les exhortant à s'en remettre à la bienveillance bien connue du pape Pie VII, douche glacée qui leur a fait tenir des propos infâmes contre le premier consul et ses représentants[40]. Mais quel profit aurait le gouvernement français à s'appuyer, pour nommer les plus éminents, — sur le médecin Angelucci, enrichi par d'inavouables rapines, sur l'archéologue Visconti, chassé du ministère en 1798, pour y avoir fait vraiment trop d'argent.

La consigne donnée à Miollis sera dès 1808, sinon de repousser ces hommes, du moins de ne les point employer. Et comme le docteur Angelucci est surtout partisan des Français employeurs, cet honorable accoucheur se brouillera avec l'administration qui lui a refusé une bonne place[41]. Il n'est point le seul : la préoccupation constante du préfet de Tournon est de rompre avec les débris du parti patriote ; celle de Janet, agent financier, est de se dérober à des requêtes indiscrètes : le sieur Conti, victime des Napolitains, a entendu que les Français dotassent sa fille ; ce Conti s'appelle Légion[42]. Les Angelucci et les Conti sont ; partant, fort irrités.

Dès lors, il ne peut y avoir de parti français. Borghèse est tout à la France ; mais c'est un sot odieux et méprisé auquel sa parenté même avec Bonaparte enlève tout prestige aux yeux de ses congénères : l'époux de Paulette leur paraît une autre manière de déclassé[43]. D'ailleurs, il ne réside plus à Rome, pas plus que son frère, le prince Aldobrandini, qui va épouser une héritière française et recevoir en France le commandement d'un régiment. Sciarra et Sforza Cesarini ne passent que pour faiblement prononcés en faveur des Français[44].

Qui donc pourra appeler les Français et les soutenir, donner à leur avènement une couleur de révolution romaine et à leur pouvoir une apparence de gouvernement national ? En 1808, on essaye d'organiser un pétitionnement pour hâter l'annexion, et grâce à la présence des troupes françaises d'Ancône à Civita Vecchia, on compte recueillir, — ce qui déjà ne serait point énorme, — 20.000 signatures : de l'aveu d'un agent de Fouché, le pétitionnement échoue lamentablement[45]. Qui pis est, des amis de la veille se tourneront le lendemain contre lé gouvernement français, lorsqu'ils le verront se brouiller avec les prêtres : par exemple cet ex-récollet Martinelli qui, autrefois attaché aux Français qu'il préserva en l'an VII de la fureur du peuple, se montrera, en 1811, un des plus acharnés contre le gouvernement et d'autant plus dangereux qu'il a des moyens d'influence[46].

***

Le gouvernement français ne peut donc s'appuyer sur personne. Les Français n'ont pour eux ni une classe de la population — toutes, nous l'avons vu, se montrent, à des degrés divers, satisfaites du gouvernement cependant médiocre dont elles jouissent, — ni un parti politique, puisque les patriotes de 1798 les détestent, que les libéraux, francs-maçons, demain carbonari, qui, seuls, les pourraient soutenir, constituent, avec les rares nobles hostiles au pape, le parti de Murat, que les prêtres et leurs fidèles restent obstinément fidèles à Pie VII exilé et plus soumis que devant à ses secrets avis. Leurs illusions et celles de leur maître les desservent : l'impopularité séculaire des Français à Rome, la haine que les événements de 98 ont déchaînée récemment contre eux, l'antipathie foncière, irrémédiable qui sépare gouvernants et gouvernés, Romains et Français, font au gouvernement nouveau un sol miné : tout est chausse-trappe où trébucher. Tout leur est contraire ; ils auront des ralliés, quelques complaisants, pas un seul partisan. Contre tant d'obstacles les fonctionnaires français qui s'appellent Miollis, Tournon, Norvins, Daru, Rœderer, Gerando, Janet, engagés dans une aventure dont aucune difficulté ne semble prévue, n'ont qu'un recours : leur intelligence et leur haute probité que certains étayent même d'une imperturbable courtoisie. C'est beaucoup ; c'est trop peu néanmoins pour aborder cette tâche fabuleuse : faire, suivant le désir de Napoléon, de la Rome du dix-huitième siècle, dévote et traditionnaliste, la seconde ville de la France nouvelle.

 

 

 



[1] CHUQUET, Jeunesse de Napoléon, t. Ier, p. 127 : adorateur de Plutarque, le jeune héros s'engoua des Curtius et des Decius, des Caton et des Brutus.

[2] Dès 1787, le lieutenant Bonaparte, après avoir lu Raynal, écrivait : O Romains, arborez l'étendard des Emiles, des Brutus, des Catons, des Gracques ! Qui sait le sort qui vous attend ? Il fut toujours extraordinaire. Mais rendez-vous en dignes. Chassez les prêtres et leur despotisme, les moines et leur nigauderie : sans cela vous ne serez qu'un peuple abruti, un peuple de tartufes. CHUQUET, t. II, p. 31.

[3] BRYCE, Le saint empire romain-germanique ; DE VOGUÉ, Regards historiques et littéraires, p. 166-185. A quoi bon récrire ces pages charmantes : Auguste, Constantin, Charlemagne, Barberousse, Charles-Quint, Napoléon, commentaire admirable de la fameuse légende : ubi erit corpus, hic congregabuntur et aquilæ. Cf. aussi les principes de l'empire carolingien ; KLEINCLAUZ, L'empire carolingien, 1902 (César, Charlemagne, Napoléon).

[4] Mémoire adressé sous l'inspiration de Louvois en septembre 1691 au directeur de l'Académie Villacerf. (BERTRAND, Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1904, p. 362).

[5] DUFOURCQ, p. 53 ; CHAPTAL, Mémoires, p. 302.

[6] LUMBROSO, L'agonia d'un regno, Rome, 1904, p. 187.

[7] DUFOURCQ, p. 47. Il avait effrayé les plénipotentiaires Braschi, son futur maire de Rome, le marquis Massimo, le cardinal Mattei, mais il avait tenté de séduire les officiers romains prisonniers, les avait renvoyés en les chargeant de faire connaître les sentiments qui l'animaient envers toute l'Italie et surtout envers le peuple de Rome (Mémoires de Napoléon, édition Lacroix de 1904, p. 350-353).

[8] Entretiens de Canova avec Napoléon en 1802 et en 1809. Mémoires de Canova, p. 165-169. Cf. aussi : ARTAUD, t. II, p. 279-286, t. III, p. 3. — Dès 1802 Bonaparte laisse échapper devant Canova : Je restaurerai Rome. Faute de Rome à restaurer, il reconstruit Rome dans Paris (Colonne Trajane, place Vendôme ; Arcs de triomphe romains à l'Etoile et au Carrousel ; Temple de la Victoire (Madeleine), etc.) Sur son admiration pour les Romains, cf. sa lettre au Directoire, 15 prairial 96, sur les arènes de Vérone : Ce reste du peuple romain est digne de lui. Ici, cent mille personnes sont assises... Cf. aussi son entretien avec Wieland : Les Romains se sont toujours attachés à de grandes choses et c'est ainsi qu'ils ont créé ce colosse. Cf. dans le Mémorial, son admiration pour le soldat romain et ailleurs pour les jeux des gladiateurs les seules tragédies propres à la trempe robuste, aux nerfs d'acier des Romains. Cf. enfin ses confidences à Bausset où il s'exprime avec mépris sur le gouvernement vicieux de la Rome papale succédant à la législation romaine qui, sans être parfaite, était cependant propre à former des grands hommes dans tous les genres.

[9] Eh bien, Cacault, dit-il à celui-ci presque joyeusement après le 3 nivôse, voilà une conspiration à la Romaine ! (ARTAUD, t. I, p. 103), et il raconte à ses auditeurs la conjuration formée contre César. Dans le message au Corps législatif, 16 juin 1811, parlant de sa guerre contre l'Angleterre : Cette lutte contre Carthage... Dans sa conversation avec Narbonne (VILLEMAIN, M. de Narbonne), son curieux parallèle entre son empire et celui de Dioclétien, et, à propos de Staps, à Fouché : Il ne m'a pas paru bien savoir ce que c'était que Brutus..., etc., etc. D'ailleurs, il s'estime au-dessus des Césars, refuse le titre de César et de Germanicus que l'Institut qui croit entrer dans son esprit entend lui faire décerner par le Sénat, en octobre 1809.

[10] ARTAUD, t. II, p. 97 ; SOREL, t. VI, 386.

[11] Pie VII à Eugène, 11 septembre 1807 (D'HAUSSONVILLE). Si pour apaiser Sa Majesté et la déterminer à nous laisser vivre, dit aussi à Alquier un Romain de marque, il fallait renouveler pour Elle ce qu'on fit pour Charlemagne, s'il fallait faire plus encore, croyez que la chose la plus facile serait celle-là. ALQUIER, 31 août 1807, Archives affaires étrangères, Rome, 940, f. 167.

[12] Conversations avec Canova et Bausset déjà citées. Son grand renseigneur était Berthier qui avait fondé la République Romaine : Berthier m'a souvent répété que l'on traverse des pays considérables sans apercevoir l'empreinte de la main des hommes, etc. (BAUSSET, Mémoires). Berthier ne pouvait lui donner que les plus pénibles impressions aussi bien sur les sujets du pape que sur les anciens membres du gouvernement républicain (Cf. plus haut, chapitre précédent).

[13] Scène de Napoléon à Caprara, 1er juillet 1806. (D'HAUSSONVILLE, t. II, p. 38). Entretien avec Arezzo, 12 novembre 1806. (D'HAUSSONVILLE, t. II, p. 340.)

[14] MASSON, Napoléon et son fils, p. 40.

[15] NORVINS, Pie IX et Napoléon (Appendice au Mémorial de Norvins, t. III, p. 332). Cf. aussi MÈNEVAL, t. I, p. 200. Il va ainsi contre toutes les idées de son entourage, notamment contre celle de Talleyrand et de son école qui, depuis 1796, ont toujours redouté une Italie unie aux portes de la France. Cf. CAULAINCOURT, écho de Talleyrand, dans son rapport du 30 décembre 1813 sur les dangers de constituer une Italie une et indépendante. (Archives affaires étrangères, Naples, 139, f. 571.)

[16] NORVINS, Sur la guerre actuelle, 1815, p. 19 ; Mémoires de Napoléon, édit de 1904, p. 490.

[17] C'est toujours l'idée de Dioclétien : Maximien règne à Rome, fils adoptif de l'empereur, mais Dioclétien conserve sa demeure au Palatin.

[18] Exposé des motifs du Sénatus-consulte du 17 février 1810. (Correspondance, t. XX, p. 222.)

[19] Lettres de Napoléon publiées par Lecestre, t. I, p. 67. Lettre du 16 mars 1808.

[20] On a parlé de faire de Lucien un roi du Latium installé à Rome. (Bulletin de police du 29 janvier 1808, AF IV 1502.) Pour Murat, et pour Eugène, cf. plus bas, passim.

[21] Cf. plus bas, livre II, chapitre VIII.

[22] Lettre dictée à M. de Beaumont, 1813. Cf. plus bas, livre IV, chapitre V.

[23] Cf. BERTAUX, L'art dans l'Italie méridionale, t. I, p. 19, et les Tre Discorsi de Machiavel (chap. XII) qu'il cite.

[24] Benedetti, novembre 1798 : le roi de Naples fait dresser, en souverain de Rome, des listes pour une conscription militaire ; Valentino, commandant de la garde romaine, signe : le plus heureux, le plus humble, le plus respectueux vassal de Sa Majesté royale. — Et le Pape ? objecte Benedetti, 29 novembre 1798. Après l'entrée du roi de Naples à Rome et au palais Farnèse en souverain, le 30 novembre, on enlève les emblèmes républicains pour y substituer les armes du roi. Et celles du Pape ? demande-t-on. — Quel pape ? répondent les Napolitains. Et le 31 décembre 1798, les Napolitains agissent en maîtres ... Mais au Saint-Père, qui y pense ? Cf. à ce sujet Consalvi qui est formel : Le roi de Naples... voulait garder pour lui les domaines de l'Eglise. (Mémoires, t. I, p. 273.) Le cardinal dit que deux de ses collègues, les deux cardinaux Ruffo et Camila, travaillaient à instaurer à Rome le pouvoir napolitain (t. II, p. 266-267). Sur les ravages incroyables des Napolitains pires que ceux des Français, cf. Benedetti, novembre-décembre 98 (SILVAGNI) et Janet, lettre du 23 juin 1812 (papiers inédits de Janet, Archives affaires étrangères). Cf. aussi ARTAUD, Pie VII, p. 254-259.

[25] ARTAUD, témoin de la scène, Pie VII, p. 25.

[26] Murat au Pape, 24 janvier 1801.Ordre du jour du 18 janvier 1801. Murat au premier consul, 28 janvier 1801 ; à Consalvi, 2 février 1801 ; au premier consul, 1er mars ; LUMBROSO, Correspondance de Murat, t. I, p. 43, 45, 54, 62 ; CONSALVI, t. I, p. 67, t. II, p. 339 (le cardinal reste favorable à l'excellent général Murat jusqu'en 1814) ; ARTAUD, t. I, p. 113, 245 ; MASSON, t. I, p. 305, 323, t. II, p. 40 ; BOULAY, Négociations du Concordat, Introduction, p. XXIV, XXV. Il avait déjà eu, le 1er mars 98, la satisfaction d'entrer à Rome étendards déployés, mais c'était en simple général de brigade. Il l'avait fait néanmoins avec faste. (Benedetti, 1er mars, SILVAGNI, t. Ier.)

[27] Lettre de Rome du 7 septembre 1808, au Bulletin du 20, AF IV, 1503. — CONSALVI, t. II, p. 156 ; — MASSON, t. IV, p. 383.

[28] Eugène à Napoléon, 11 octobre 1808 et note de Gallo à Alberti, AF IV 1695 ; note de Rome du 29 septembre 1808, au Bulletin de police du 12 octobre 1808, AF IV 1504.

[29] Eugène à Napoléon, 25 janvier 1808, et dépêche de Rome du 16, AF IV 1695. Dès 1801, Murat avait pris en main les intérêts de la maison Braschi, Murat à Petiet, 13 mars (LUMBROSO, t. I, p. 67) et Consalvi à épina, 7 mars (BOULAY, t. II, p. 47).

[30] Note de Rome du 8 novembre 1808, au Bulletin du 20 novembre AF IV 1504 ; Lettre de Rome du 10 février 1809, AF IV 1695.

[31] Cf. Livre II, chapitres III.

[32] Cf. Livre IV, chapitres III et IV.

[33] ALQUIER, 11 février 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 940, f. 100.

[34] ALQUIER, 3 février 1808, Archives affaires étrangères, Rome, 941, f. 68 ; ALQUIER, 21 janvier 1807, 7 août 1807, 3 février 1808 ; LEFEBVRE, 30 mars 1808, item, 940, f. 18, 123 ; 941, f. 68, 347.

[35] Cf. le discours du président du tribunat, Fabre de l'Aude à Pie VII le 30 novembre 1804, où il le loue des réformes que la Bulle Diuturnas avait, tout au moins sur le papier, introduites dans l'État romain (ARTAUD, t. II, p. 139-141).

[36] Note de Rome de juillet 1808 à Fouché. (Bulletin du 5 août, AF IV 1503).

[37] LAMARTINE, Mémoire, p. 165.

[38] Cf. notamment au sujet de la participation des réfugiés italiens au complot de 1810, Miot qui dit que ce ne tut pas trop de Berthier et de Salicetti pour sauver la Visconti, maîtresse du premier.

[39] ARTAUD, t. I, p. 144.

[40] Murat aux réfugiés, 19 avril 1801 et Murat à Bonaparte, 28 avri11821 (LUMBROSO, p. 72, 73-74).

[41] Diario de Fortunati, 26 août 1810 (Mss lat., bibl. vat., f. 647).

[42] Archives affaires étrangères, Papiers Janet.

[43] Mémoires inédits de Patrizzi.

[44] Notes sur quelques individus de Rome, 24 août 1808, Bulletin du 8 septembre, AF IV 1503. Note sur la noblesse romaine, juillet 1848. Bulletin du 23 juillet, AF IV 1503.

[45] Lettre du 6 août 1808, Bulletin du 19, AF IV 1503.

[46] Tableau des prêtres à déporter, 1811, F7 6529.