LA RÉVOLUTION

TROISIÈME PARTIE. — LA CONVENTION NATIONALE

 

CHAPITRE XXVII. — LA CHUTE DE LA GIRONDE.

Avril-juin 1793

 

 

La campagne anti-girondine. La Gironde se défend : Marat déféré au tribunal. La Commune contre l'Assemblée. Marat acquitté. La Commission des Douze. L'insurrection du 31 mai. La journée du i juin : l'Assemblée prisonnière. La scène du Carrousel. Canonniers à vos pièces ! L'Assemblée livre les Girondins.

 

Il faut que Brissot et Gensonné tâtent de la guillotine ; il faut qu'ils la dansent. Le propos est tenu par Carrier devant Garat en mai 1793.

Les Girondins gênaient encore. Il faut reconnaître aux Montagnards une assez claire vue de la situation : la France refusait de marcher : Partout, écrit Jeanbon — en mission — à Barère le 26 mars, l'on est fatigué de la Révolution. Mais la conclusion était qu'il fallait, pour contraindre à marcher ce pays fatigué, proclamer et, faire prévaloir la grande loi du Salut public. Et, tout en s'associant à certaines mesures, les Girondins se gendarmaient. La première mesure de salut public devait donc être de les supprimer.

La campagne devenait terriblement violente contre eux. Danton, follement attaqué par la Droite, s'était résolu à prendre part à l'assaut. Pour se sauver lui et les siens, écrit Garat, il franchit tous les Rubicons : il avait laissé Desmoulins, son second, publier l'infâme Histoire des Brissotins, où ce fou de Camille — qui en devait pleurer un jour de larmes amères — réclamait le vomissement des Brissotins hors du sein de la Convention : et le pamphlet était en quelques jours tiré à 4.000 exemplaires. Marat, naturellement, redoublait ses coups et maintenant il les portait de haut : président du Club des Jacobins, il citait à la barre, en les dénonçant aux départements, ces traîtres qui avaient voulu sauver le tyran en votant l'appel au peuple. La Gironde répondit par un coup droit : le 13 avril, elle dénonçait à son tour l'adresse de Marat aux départements comme excitatrice de meurtre et enlevait le vote déférant l'Ami du Peuple au Tribunal révolutionnaire.

Ce succès inattendu de leurs ennemis surexcita au dernier degré les hommes de la Commune. Celle-ci entendit faire peur à l'Assemblée qui retombait dans son vomissement. On effraierait ces bourgeois : le peuple avait très faim, et les plus avancés d'entre les députés ne savaient opposer à ses cris que les belles phrases de la rhétorique classique : La chaumière de Fabricius n'a rien à envier au palais de Crassus, répondait Robespierre. La Commune entendit exploiter une fois de plus le soulèvement des estomacs vides pour effrayer l'Assemblée bourgeoise. Le 18, Pache, qui avait quitté — pour notoire incapacité — le ministère de la guerre, mais qui avait été acclamé maire de Paris, parut à la barre de l'Assemblée ; il portait une pétition réclamant le vote du Maximum : les tarifs de vente ne pourraient dépasser un maximum, mesure nettement socialiste appuyée d'ailleurs d'arguments communistes : Qu'on n'objecte pas le droit de propriété : les fruits de la terre, comme l'air, appartiennent à tous les hommes !

Rien ne peut plus terrifier l'Assemblée : elle renvoie la pétition au comité compétent : la Commune alors se proclame en état de révolution tant que les subsistances ne seront pas assurées. Sous cette menace, la Convention cède et, le 4 mai, vote le maximum. De ce jour, la Commune prend pleine conscience de son pouvoir.

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Elle avait pressé sur le Tribunal pour obtenir l'acquittement de Marat, dont le procès était pour les clubs un insupportable scandale. Son acquittement serait la condamnation ales Girondins. Il fut acquitté le 24 avril. Ce furent d'inénarrables scènes. Arraché, dans un délire de popularité, de son banc d'accusé pour être reporté à son banc de législateur, puis à son fauteuil des Jacobins, l'Ami du Peuple fut promené sur les épaules du peuple, du Palais de Justice aux Tuileries. Soudain la porte de l'Assemblée apeurée s'ouvre, enfoncée : le paria de la veille apparat t porté sur les épaules, sa figure olivâtre couronnée de lauriers, un César drapé de guenilles. Un sourire cruel sur les lèvres — car sa revanche est proche — il parle : on l'acclame. Et ayant suffisamment humilié ses accusateurs d'hier, il reprend, toujours porté, le chemin des Jacobins où s'achève l'apothéose.

La Gironde ne se laissait pas abattre : mais elle s'exaspérait au point, dit Levasseur de la Sarthe, qu'elle perdait la tête. Elle invectivait Paris en de vains discours.

La Commune — pendant qu'on discourait — agissait. Il lui fallait, pour le coup de main projeté, une armée : quoique la loi eût supprimé le commandement en chef de la garde nationale, elle lui nomma un chef, un certain Boulanger, ex-garçon tailleur, qu'elle fit général.

L'usurpation était flagrante et les intentions évidentes. L'Assemblée s'en montra émue. La Gironde proposait deux mesures : casser la Commune et réunir à Bourges les députés suppléants. Par cette double mesure, l'insurrection, qu'on préparait si ouvertement, serait ou conjurée ou frappée de vanité. Mais l'Assemblée tourbillonnait littéralement devant la Commune, ennemie fascinatrice, comme l'oiseau devant le boa qui le guette : elle s'agitait convulsivement, écrit un montagnard même le 18 mai. Barère crut apporter une mesure d'atermoiement en proposant la nomination d'une Commission d'enquête de douze membres qui examinerait la situation.

Ce pouvait être un enterrement : la Gironde ne l'entendit pas ainsi. La Commission des Douze, nommée le 24 mai, fut enlevée par la Droite et dès le premier jour décida le renforcement de la garde de l'Assemblée, l'arrestation d'Hébert, devenu — avec le titre de substitut du procureur — l'âme de la Commune. Quand, le 21, une délégation de la Commune vint fort audacieusement réclamer son homme arrêté, Isnard qui présidait l'écrasa de son indignation. On sent dans son discours — qui dépasse  toute mesure — éclater enfin toutes les rancœurs d'un parti que garrotte la lâcheté d'une Assemblée. Écoutez ce que je vais vous dire. Si jamais, par une de ces insurrections qui se renouvellent depuis le 10 mars et dont les magistrats n'ont pas averti l'Assemblée, il arrivait qu'on portât atteinte à la représentation nationale, je vous déclare, au nom de la France entière, Paris serait anéanti ; oui, la France entière tirerait vengeance de cet attentat, et bientôt on chercherait sur quelle rive de la Seine Paris a existé.

Pauvres tribuns qui croyaient faire peur avec des phrases ! Tel était cependant l'état de fébrile mobilité de l'Assemblée qu'au milieu d'un effroyable tumulte, elle applaudit son président et maintint l'arrestation d'Hébert. Les Girondins, croyant la partie gagnée, quittèrent la salle. Mais Hérault de Séchelles, remplaçant Isnard au fauteuil, entendit donner satisfaction aux pétitionnaires : La force de la raison et la force du peuple sont la même chose. Vous nous demandez un magistrat et la justice ; les représentants du peuple vous le rendront. Et soudain, le Comité de Salut public, intervenant, obtint de l'Assemblée, d'ailleurs réduite à cent membres, la mise en liberté d'Hébert et, qui mieux est, la suppression de la Commission des Douze. Les députés girondins, partis trop tôt, apprirent par le bruit public dans la soirée qu'on leur arrachait leur dernière arme.

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Ils s'en ressaisirent le lendemain, 28 mai. Revenus en nombre, ils firent casser les décrets du 27 et rétablir les Douze.

Qu'importait à l'Hôtel de Ville ? La Commune était résolue et, cette fois, prête au coup de main.

L'insurrection commence le 30 mai au soir. Les sections de Paris — c'est le plan du 10 août — nomment des commissaires qui se réunissent à l'Archevêché, à portée de l'Hôtel de Ville : ce comité fait fermer les barrières et sonner le tocsin. Le Conseil Général de la Commune attend bénévolement que le comité insurrectionnel soit constitué. En récompense de quoi, le 31 mai, à l'aube, les commissaires viennent réinvestir le Conseil de la confiance du peuple à condition qu'il accepte mandat de maintenir la sainte liberté et la sainte égalité. On va sonner le tocsin, battre la générale, appeler le peuple aux armes : 40 sous de paye aux soldats de l'émeute ; on pense si l'on en va trouver — et de bons ! On termine en donnant à la force armée un chef, un inconnu, le général Hanriot.

Le tocsin avait, dès le soir du 30, annoncé l'émeute. Les Girondins ne voulaient pas être égorgés dans les ténèbres et ils croyaient, dit Louvet, le massacre imminent. Ils se terrèrent, mais, dès l'aube, rien ne les retint dans leur cachette. Le 31, de grand matin, ils se rendirent aux Tuileries — l'Assemblée était maintenant installée dans l'ancien Théâtre du Château — où, dans la nouvelle salle des séances, ils ne trouvèrent que trois Montagnards. Danton était là ; il se disait tranquille : Ce ne sera rien. Mais il était inapte à porter un masque : à sa figure, les Girondins se sentirent perdus. Vois-tu, dit Louvet à Guadet, quel terrible espoir brille sur cette hideuse figure ?Sans doute, c'est aujourd'hui que Clodius exile Cicéron. Ils mourront le De Viris illustribus à la bouche.

La salle se garnit. Courageusement, écrit Thiers, Guadet, qui était secrétaire, gagna le bureau — qui pouvait devenir pour lui un pilori.

L'Assemblée manda le maire et le ministre de l'Intérieur. Garat rassura : l'insurrection n'était que morale. — Il y a, de 1789 à 1799, une série de mots de ce genre qui feraient la joie d'un humoriste, s'ils n'avaient fait tomber tant de têtes. — Quant à Pache, il assura que tout était tranquille et que, lui vivant, personne n'oserait faire tirer le canon. Il n'avait pas fini que le canon tonnait. C'était Hanriot qui osait.

Cependant, des pétitionnaires arrivaient — le scénario de ces journées ne variera jamais. Ils semblaient, en dépit des assurances de Garat, animés d'intentions fort peu morales ; car ils étaient armés jusqu'aux dents. Guadet n'en fut pas intimidé : il dénonça la situation de Paris tombé entre les mains d'une poignée d'agitateurs, de factieux ; on réclamait la cassation des Douze, on les devait au contraire armer de nouveaux pouvoirs, car il fallait rechercher qui avait osé faire sonner le tocsin et tirer le canon. Couthon défendit Paris, attaqua les Douze. Il était soutenu par la foule qui avait envahi la salle, conspuait ce scélérat d'Isnard et les Douze, réclamait la mise en accusation de 22 députés. Au milieu d'une extrême confusion, Grégoire, qui présidait, admit les pétitionnaires aux honneurs de la séance.

Barère qui apparaît toujours, du procès du Roi au 9 thermidor, dans les moments décisifs pour porter le coup de Jarnac, vint, au nom du Comité de Salut public, demander de sa voix douce l'abolition des Douze, ce qui équivalait à livrer les 22.

On se mit à discuter dans le bruit : la journée se traînait. Robespierre, enfin, monta à la tribune. Il demandait l'arrestation des 22, mais, comme toujours, il enveloppait de phrases filandreuses la proposition mortelle. Concluez donc, lui cria Vergniaud impatienté. — Oui, riposta l'autre, blessé au vif, oui, je vais conclure et contre vous. Et il demanda ses têtes sans plus de phrases.

L'Assemblée n'entendait nullement les lui accorder. Mais vers 10 heures du soir, quand, écrit Durand de Maillane, toutes les avenues de la salle étaient obstruées par une multitude armée, elle se résigna à casser les Douze.

On assura au peuple qu'il avait gain de cause. On illumina Paris : mais les meneurs disaient hautement qu'il n'y avait que la moitié de fait, qu'il fallait achever et ne pas laisser le peuple se refroidir.

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Citoyens, restez debout, les dangers de la Patrie vous en font une loi suprême. La proclamation fut placardée le 1er au matin. Ce 1er juin était un dimanche. Rien à faire dans la journée ; mais Hanriot, impuni, organisait son armée. Marat, très déçu le 31, résolut d'agir lui-même. Le soir venu, il se glissa seul dans le beffroi de l'Hôtel de Ville et de sa propre main, le député se mit à sonner le tocsin. L'Ami du peuple allait, de la première à la dernière heure, mener la révolution du 2 juin.

On s'était, dans la journée du ter, assuré de nouvelles forces. Des volontaires fort échauffés partaient pour la Vendée : on les avait fait rétrograder sur Paris où, en attendant les factieux de l'Ouest, ils devaient punir les traîtres de Paris. Une foule armée, dès 9 heures du soir, assiégeait l'Assemblée. A cette heure, Grégoire lisait une nouvelle pétition des 4S sections réclamant un décret d'accusation contre les Douze, les correspondants de Dumouriez et les hommes qui provoquent les habitants des départements contre les habitants de Paris. L'Assemblée renvoya la pétition à un comité. Mais, vers minuit, on entendit des bruissements d'armes : les bataillons d'Hanriot prenaient autour des Tuileries leurs dispositions de combat ; à l'aube, 60 canons étaient braqués sur le Château, les volontaires de l'Ouest tenaient le Carrousel, plus de 80.000 sectionnaires assiégeaient les issues. On ne laissait, au petit jour, entrer les députés que comme dans une souricière.

Des 22 députés nommément voués à la proscription, deux se jetèrent très courageusement dans l'abîme : Barbaroux et Lanjuinais, ensuite on vit arriver Isnard, Lanthenas, l'abbé Fauchet et Dussaulx, tous suspects. Lanjuinais fut, en cette journée, admirable. Au milieu de formidables huées, il prit l'offensive : il protesta éloquemment contre l'oppression, demanda qu'on cassât les autorités rebelles de Paris, attaqua la Commune et, quoique assailli d'injures, ne descendit de la tribune qu'après avoir dit tout ce qu'il avait voulu dire.

Les pétitionnaires eurent leur tour : Les crimes des factieux de la Convention vous sont connus. Nous venons vous les dénoncer pour la dernière fois. L'Assemblée, que l'insolence de ces gens, tout de même, poussait à bout, passa à l'ordre du jour. Alors un cri immense s'éleva : l'hémicycle occupé par les pétitionnaires et les tribunes se vidèrent ; les sectionnaires se précipitèrent vers les portes, criant : Allons sauver la patrie ! Aux armes !

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L'Assemblée frémissante, puis abattue, attendait une planche de salut. L'insidieux Barère crut l'apporter. Il demandait que les collègues accusés démissionnassent de bonne grâce. Lanjuinais refusa : Chabot l'insultant, il se tourna vers le capucin défroqué : Quand les anciens préparaient un sacrifice, ils couronnaient la victime de fleurs et de bandelettes en la conduisant à l'autel ; le prêtre l'immolait, Chabot, mais ne l'insultait pas. Ce disant, rapporte La Revellière, il semblait qu'une auréole de gloire ceignit sa tête. Barbaroux refusa de même. Sa belle tête inspirée — Antinoüs, disait Mme Roland — semblait celle d'un martyr. J'ai juré de mourir à mon poste : je tiendrai mon serment. La salle restait dans la stupeur, écrit La Revellière. Hérault présidait silencieusement une Assemblée muette.

Soudain des députés rentrèrent, indignés. Ayant voulu sortir des Tuileries, ils avaient été malmenés — Boissy d'Anglas, montrait ses vêtements déchirés — ; on les avait rejetés dans le Château à coups de crosses.

Barère s'écria : Prouvons que nous sommes libres ! Je demande que la Convention aille délibérer au milieu de la force armée, qui, sans doute, la protégera.

Hérault se leva. Pas de chef plus décoratif que ce beau magistrat à l'allure avantageuse. Il s'achemina vers la porte, couvert, mais suivi de l'Assemblée tête nue, comme si elle allait rendre hommage au souverain.

Ils étaient trois cents qui parurent bientôt en masse compacte dans le Carrousel. Le 10 août, on se le rappelle, Louis XVI avait fait cette promenade au moment où il allait tomber.

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Hérault apercevait devant lui la ligne des canons et, en avant, l'état-major de l'armée révolutionnaire. En tête, un général à grands panaches, un inconnu pour Hérault. C'était Hanriot : figure dure et grimacière, dit une note de police..., coléreux, grossier, ne parlant que par vociférations, un aventurier, ex-bedeau, ex-valet, ex-marchand d'eau-de-vie. Tandis que, le chapeau à la main s'avançaient les députés, le petit homme sous ses panaches se carrait sur son cheval noir.

Parvenu à ses pieds, Hérault lui parla, poliment, dit Barère. Que veut le peuple ? dit le président. La Convention ne veut que son bonheur. — Hérault, répondit l'ex-domestique, le peuple ne s'est pas levé pour entendre des phrases ; il veut qu'on lui livre 24 coupables. — Qu'on nous livre tous ! crièrent les députés les plus proches.

Le général ne répondit rien ; il fit volter son cheval et, d'une gueule à faire taire toute une place, il commanda : Canonniers, à vos pièces !

La Convention recula : ces Brutus de tribune n'étaient pas des Decius. Alors la pauvre troupe se mit à tourner dans la prison où on l'enfermait ; elle parcourut les cours, les jardins, cherchant une issue sous l'œil railleur des troupes qui criaient : Vive la Montagne ! A la guillotine les Girondins ! Au Pont Tournant, les malheureux trouvèrent Marat à la tête de soldats. Il se jeta sur eux, hurlant Je vous somme de retourner à vos postes que vous avez lâchement abandonnés ! Alors ils y retournèrent, l'aboyeur Marat à leurs trousses. Les troupes ricanaient : cette Assemblée géante, elle était en hutte aux risées, comme ces Césars de la décadence que bafouaient les prétoriens avant de les égorger. Déjà tous les coups d'État de l'avenir étaient ici en germe. Hanriot fermait les portes aux députés, le 2 juin : le 19 Brumaire, Murat les fera passer par les fenêtres.

Vraiment, on les voulait bafouer avant de les forcer à se décimer. Car à peine revenus à leurs bancs, ils durent subir une harangue de Couthon, sanglante bouffonnerie : Citoyens, tous les membres de la Convention doivent être maintenant rassurés sur leur liberté... Maintenant que vous reconnaissez que vous êtes libres dans vos délibérations, je demande non pas quant à présent un décret d'accusation contre les 22 membres dénoncés, mais que la Convention décrète qu'ils seront mis en état d'arrestation chez eux. Un Girondin voulant mettre fin à cette patelinade, cria : Donnez donc son verre de sang à Couthon ; il a soif !

Quels étaient, enfin, ces 22 ? 'Marat se mit à les énumérer, rayant des noms, en rétablissant, ricanant, jouant avec la proie. Les noms défilaient. Il n'était pas un de ces hommes qui n'eût fait avancer d'un pas la Révolution : Lanjuinais qui avait fondé le premier club révolutionnaire de 89, Rabaud, l'un des hommes du Jeu de Paume, Vergniaud, Gensonné, Guadet, Isnard, qui avaient préparé le 10 août, Barbaroux, qui avait assauté les Tuileries, Pétion qui avait favorisé l'attaque, Brissot, le grand Brissot de 1791, Gorsas et Louvet, les deux vigoureux journalistes jacobins de 1792.

La Montagne vota le décret, le reste, écrit Durand, restant simple spectateur. Alors, quand, au milieu des cris de joie de la populace, on eût appris, au dehors, que l'Assemblée avait livré ses meilleurs membres, Hanriot fit reculer ses canons ; les portes du Carrousel s'ouvrirent ; les députés purent sortir.

Ils sortirent sous les sarcasmes. Plus d'un — en livrant son frère d'armes — s'était livré lui-même. Les canons d'Hanriot ne sont que- remisés.

 

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SOURCES. Œuvres déjà citées de Rabaut, Grégoire, Barère, Durand de Larevellière-Lépeaux, Garat, Schmidt, Mme Roland. — Aulard, Actes du Comité de Salut public, III et IV. 1890-1891. Pétion, Mémoires, 1866. Riouffe, Mémoires, 1795.

OUVRAGES déjà cités de Dard. Claretie (Desmoulins), Hérissay, Levasseur. — Wallon, Le Tribunal Révolutionnaire, 1881. Campardon, Le Tribunal révolutionnaire, 1862. Lenôtre, Le Tribunal révolutionnaire, 1909. Lenôtre, Hanriot (Vieux papiers, III, 1906.)