FOUCHÉ (1759-1820)

TROISIÈME PARTIE. — LE DUC D'OTRANTE

 

CHAPITRE XXVIII. — SUPRÊME EXIL.

 

 

Dernières illusions de Fouché. Il s'achemine lentement vers la Saxe ; son attitude hautaine vis-à-vis du duc de Richelieu. Bon accueil du roi de Saxe. — Le duc d'Otrante directement menacé. Réunion de la Chambre introuvable ; la proposition d'amnistie sert de prétexte à de nouvelles proscriptions. Attaques personnelles contre Fouché au sein de la Commission législative ; Richelieu le défend ; Fouché, au comble de l'inquiétude, l'exhorte de loin à ne pas faiblir et multiplie les justifications. Il intrigue près des alliés pour se faire protéger à Paris. — Les séances de décembre 1815 et janvier 1816 au Palais-Bourbon ; discours contre Fouché. Vote de la loi dite d'amnistie. — Louis XVIII révoque le ministre proscrit. — Le duc d'Otrante refuse d'admettre qu'il soit atteint par la proscription. Il reste à Dresde. — Récriminations amères. — Fouché espère un revirement et essaye de séduire personnellement Louis XVIII. — Fouché forcé de quitter Dresde. Metternich l'appelle en Autriche. Fouché s'établit à Prague. Nouvelles protestations de Fouché. On ne croit pas à son désintéressement ; il intrigue en Saxe et en France ; sa correspondance secrète. Decazes l'attaque et cherche à le discréditer près de Metternich. — Violente diatribe de Chateaubriand contre Fouché ; celui-ci en est profondément atteint. Autres pamphlets. Pour y couper court, Fouché lance des autobiographies et des justifications anonymes. — Il menace de publier ses Mémoires. — Il est bien vu des hauts fonctionnaires autrichiens, mais traité froidement par la société. La chute des ultras donne à Fouché de nouvelles espérances ; il essaye de rentrer en grâce par Decazes et de se rapprocher de Manuel. — Il se sent très cruellement atteint par un arrêt qui le déclare mort civilement. — Sotte affaire : le jeune Thibaudeau compromet la duchesse d'Otrante. Fouché exaspéré quitte Prague. Séjour aux eaux de Carlsbad. Installation à Linz. — Mouvement de réaction en faveur de Fouché ; il se reprend à espérer et cultive tous les partis ; il rentre en relation avec Manuel. Molé, Richelieu et les Bonaparte. — Bon accueil à Linz ; Fouché vit d'illusions. — Le Jamais du comte de Serre. Fouché à bout de patience et de confiance. — Il se sent suspect et se réfugié à Trieste. — Il y retrouve les frère et sœurs de Napoléon. — Mélancolie sans amertume ; retour sur le passé ; souvenirs de séminaire. — Il jouit du soleil et de la mer ; vie douce et familiale ; bonnes relations avec les Bonaparte. — Maladie rapidement grave du duc d'Otrante. — Lente agonie ; le colonel Planat de la Faye et le roi Jérôme au lit de mort de Fouché ; deux morts. — Fouché fait brûler ses papiers devant lui et expire. — Tristesse de la colonie. —Jugement de la reine de Westphalie. — Fouché fait appel à la postérité. — Elle lui a été dure ; pourquoi ? — Un dernier mot sur Joseph Fouché.

 

Le duc d'Otrante, ministre du roi de France à la cour de Saxe, croyait-il s'acheminer vers l'exil suprême au moment où il se dirigeait vers l'Allemagne ? Cela est douteux. D'une part, il pouvait penser close, grâce à ses soins, la liste des proscriptions. D'autre part, il en arrivait à ne pas désespérer même d'une rentrée en Grâce. Il avait encore plus d'un atout en main : il restait en fort bons termes avec les alliés, quoi qu'on eût fait, avec Wellington, avec les agents prussiens, dont la bonne grâce avait été payée par lui deniers comptants. Les rapports si incriminés auxquels il se plaisait à attribuer sa disgrâce lui devaient mériter une certaine popularité dans le parti patriote, au jour d'une contre-réaction prochaine et, à son sens, inévitable[1]. En admettant même le maintien du statu quo, il avait cru s'assurer Vitrolles par un don in extremis, fait aux dépens de la caisse de la Police, et avec lui une fraction du parti ultra[2]. Enfin le roi lui-même, vite lassé des exigences de la Chambre, reviendrait peut-être à une politique libérale et au ministre sacrifié à l'hostilité des nouveaux députés. Rien ne semblait donc perdu. La lettre de créance que Louis XVIII lui avait fait remettre pour le roi de Saxe sortait des formules banales, recommandant à la bienveillance du vieil allié de Napoléon le duc d'Otrante, qui avait, disait la lettre, l'honneur d'être connu personnellement de Votre Majesté, et dont je n'ai pas besoin de vous faire connaitre le zèle, les talents et l'expérience[3]. Fouché était tombé et s'était relevé tant de fois, qu'il était excusable de chercher partout des motifs d'espérer, quand même et toujours. Il était en tout cas résolu à ne pas abdiquer, à faire sonner très haut ses services, il parler en homme d'État qui n'est pas tombé, mais descendu du pouvoir.

C'est de ces considérations qu'il s'inspirait évidemment clans les lettres que, de Bruxelles, le duc d'Otrante adressait au nouveau président du conseil, le duc de Richelieu. Si la première trahissait une étrange anxiété, la seconde parlait plus haut : Je sais, écrivait-il le 8[4], que les services que j'ai rendus pendant mon ministère sont inconnus. Je dois même m'attendre que l'intrigue les dépréciera encore, ne fût-ce que pour montrer du zèle. Je me confie à la justice du roi, à l'opinion et au temps pour nie venger de tons les outrages. De cette première à la seconde lettre, la note change ; le duc d'Otrante n'y a guère le style d'un ambassadeur écrivant, à son ministre, mais le ton protecteur et familier d'un prédécesseur expérimenté, bienveillant et quelque peu apitoyé, à un successeur mal préparé à la tâche. J'espère que la paix est signée à Paris par toutes les puissances, et que votre ministère, plus heureux que le nôtre, parviendra à pacifier l'intérieur de notre pays : les difficultés sont grandes, car la France vit entre deux abimes, et l'ardeur de ses opinions la porte à se précipiter dans l'un et dans l'autre[5]. Le 30, il écrira encore[6] : Il faut que toutes les opinions, tous les partis, toutes les factions soient bien convaincus que la France ne peut retrouver sou indépendance comme nation qu'en se ralliant franchement et fortement au roi. C'est à Votre Excellence qu'il appartient de pénétrer tous ses amis de cette vérité. Votre noble caractère bien connu aujourd'hui de toutes les nations inspire une certaine confiance en vos paroles... Enfin, dans une quatrième lettre, il se mettra à décerner des satisfécits dans un style assez hautain an président du conseil, dont la modération lui plan, cc qui ne l'empêchera pas de prodiguer de nouveau des conseils : Tous les moyens d'influence sur le peuple se sont altérés, écrira le 12 novembre l'ancien démocrate[7] ; la religion et la morale ne sont plus que de faibles auxiliaires. L'opinion publique, élément nouveau de l'ordre social, a acquis tant de puissance, qu'elle est devenue comme la rivale de l'autorité. La direction que vous suivez est la seule qui puisse donner de la stabilité au trône et du poids à la nation... C'était parler d'or.

On voit quels regards de regret le vieil homme d'État jetait derrière lui sur cette arène où les partis allaient se mesurer et intriguer sans lui. Il n'avait pu se décider à se rendre directement à Dresde, s'était acheminé lentement vers les bords du Rhin par la Belgique ; il s'était attardé à Bruxelles, d'on il rivait envoyé ses premières lettres au duc de Richelieu, puis, à regret, s'était arraché à cette ville encore voisine de Paris et avait gagné Aix-la-Chapelle, Francfort et Dresde, où il était arrivé le 28 octobre[8].

Encore que son esprit parait surtout sollicité par les affaires de France, il affectait de prendre fort au sérieux sa mission diplomatique en Saxe. Sans doute, ce royaume, réduit par les traités de Vienne au rang de puissance secondaire, allait jouer un rôle assez médiocre dans le concert des nations et même dans celui des princes allemands ; le représentant de la France y devait donc être un personnage assez terne ; mais tant vaut l'homme. tant vaut la place. Dans la position actuelle de l'Europe, écrivait dès le 8 le duc d'Otrante[9], il n'y a point de mission diplomatique qui ne puisse devenir importante. Ce sont les questions qui vont s'agiter et la manière dont, elles seront traitées qui donneront pins ou moins de lustre à telle ou telle légation. Il réclamait donc des instructions. Richelieu, de son côté, fort désireux de détourner de Paris les regards de son gênant prédécesseur, affectait, lui aussi, de traiter en mission sérieuse l'exil déguisé du duc d'Otrante. Le 15 octobre, il essayait de montrer il l'ancien ministre le nouveau champ ouvert a son activité, et prenait prétexte de la situation des affaires d'Allemagne pour le pousser à rejoindre son poste[10].

Le duc s'y était décidé : le 28, il présentait ses lettres de créance au roi Frédéric-Auguste, qui l'accueillit avec autant d'égards qu'en juin 1813, et l'invita patriarcalement à diner avec sa famille. Mais d'affaires, point. Ce petit État était maintenant, d'après les termes mêmes des instructions adressées au duc d'Otrante, absorbé dans le régime fédératif.  Richelieu avait été forcé de beaucoup chercher pour découvrir matière à instructions : après quelques considérations d'ordre général, il ne trouvait à offrir à l'activité du remuant personnage que la surveillance des sociétés secrètes d'Allemagne, tache qui semblait cadrer avec sou génie policier. M. le duc d'Otrante, écrivait gravement Richelieu[11], portera son attention sur ces objets, d'un si haut intérêt pour la politique de la France, et si digues de la sagacité qui le distingue.

Fouché dut, cette fois, l'ester bien convaincu de l'inanité de sa mission. Lui-même ne pensait qu'à Paris : les évènements y prenaient en effet une tournure fort inquiétante pour lui ; la Chambre s'était réunie, et les couloirs avaient aussitôt retenti des propositions et des projets de proscription. Le duc d'Otrante n'avait plus d'amis à la Chambre, ne mettait plus d'espoir que dans la bienveillance et la droiture de Richelieu. Il y faisait appel le 3 décembre : Votre ministère sera honoré et béni si vous parvenez à concilier tous les partis autour du trône et à empêcher qu'aucun d'eux ne domine en vainqueur. Je n'ai pas eu d'autre pensée pendant mon ministère... Et rappelant les services rendus par lui, à l'heure où il craignait de les voir méconnus : Tout Paris a apprécié ma conduite dans la crise terrible qui a ébranlé le trône. Il y avait quelque courage à se prononcer pour les Bourbons avant l'entrée du roi dans sa capitale. J'étais alors à la tête du gouvernement de la France. On sait que les dangers personnels n'ont pas refroidi mon dévouement au roi. Il est facile aujourd'hui à un orateur de jeter, du haut des tribunes des Chambres, le blâme sur tout un ministère ; il est peu délicat d'outrager un ministre absent, et c'est montrer plus de passion que de jugement, que d'attaquer, après l'orage, le ministre qui l'a conjuré. Essayant enfin de créer entre Richelieu et lui une solidarité dans la même œuvre de pacification, il le menaçait d'être emporté par la réaction, s'il la laissait se déchaîner. Si le ministère actuel se laissait entraîner, l'influence finirait par appartenir' à l'exagération, les hommes passionnés ne sentant pas la portée des vœux qu'ils forment...[12]

Ce n'était pas un vain désir de se faire valoir qui inspirait à l'ancien ministre ces hautaines maximes, c'était la crainte de sombrer sans retour : le danger tant redouté depuis le 21 janvier 1793, si souvent et au prix de tant d'efforts écarté depuis vingt-trois ans, ce danger devenait imminent.

La Chambre semblait bien décidée à inaugurer ses travaux par la proscription des régicides. Déguisée hypocritement sous le nom de loi d'amnistie, la mesure devait frapper tous les votants de janvier 1793, les exceptant de l'amnistie définitive proposée très loyalement par les ministres du roi. Et ce qui devait désespérer et exaspérer Fouché, c'est que la loi semblait, avant tout, destinée a l'atteindre personnellement. Son nom avait, en effet, été, sur-le-champ, jeté dans les discussions très passionnées que soulevait la proposition. Le dépit d'avoir été joué par Fouché en juillet, la honte de s'en être servi et de l'avoir soutenu, se joignant à de plus légitimes indignations, avaient groupé autour de Lainé une majorité, plus hostile fi Fouché qu'a tout autre. Les pamphlétaires du parti ultra l'attaquaient avec rage. Les fameux Rapports, commentés, dénaturés, fournissaient matière a déclamations violentes ; ils dispensaient, disait-on, le roi de toute reconnaissance, les députés de tout scrupule. Mais déjà on réveillait, en d'autres pamphlets, les vieux et terribles souvenirs : le vote de janvier 1793, les exploits jacobins de Nevers et Moulins, les mitraillades de Lyon, les prisons de Buonaparte et les abus de pouvoir du Séjan de ce moderne Tibère. D'autres, se jetant sur d'autres pistes, dénonçaient les concussions du ministre, sa scandaleuse fortune[13].

On pense si de pareilles dispositions, passant des journaux du parti dans l'esprit des députés ultras, leur avaient permis d'agréer le projet de loi déposé par Richelieu, et n'exceptant purement et simplement de l'amnistie que les régicides déjà atteints par cette ordonnance du 2 !i juillet, signée du duc d'Otrante lui-même. Cet homme, disait-on à la Chambre, ne pouvait échapper, car il était le plus coupable dans le passé, le plus dangereux dans l'avenir[14], dernier aveu dépouillé d'artifice ; les proscripteurs n'ont pas toujours de ces franchises. La commission nominée en novembre 1815 pour l'examen du projet ministériel, et qui avait élu pour rapporteur l'homme des ultras, Corbière, s'était immédiatement montrée disposée à substituer un autre projet à celui de Richelieu. Très loyalement, celui-ci avait lutté, se montrant choqué de voir Fouché enveloppé dans la proscription. Il s'en expliqua franchement ; sa sympathie pour l'ex-ministre était assurément médiocre, mais il déclara que c'était manquer de respect au roi que de condamner un homme appelé par Sa Majesté au ministère postérieurement aux faits pour lesquels la commission prétendait l'excepter de l'amnistie[15]. L'argument avait sa valeur, engageant le loyalisme. La commission y répondit par une déclaration de principes : t( elle ne pouvait agir que législativement, ne devait considérer que les faits et non les individus. n Puis laissant de côté cet argument, quelque peu hypocrite, puisque la commission avait, la première, prononcé le nom de Fouché, les commissaires ajoutaient que personne n'était moins digne que Fouché d'une exception à la loi de proscription ; que notre devoir et notre conscience, disait M. de Villèle, nous commandaient également de le comprendre au nombre de ceux qui devaient être punis ; que la considération des fonctions igue le roi lui avait confiées après les Cent-Jours n'avait pu nous arrêter, puisqu'elle n'avait pas empêché l'opinion générale de contraindre le scandaleux ministère dont il faisait partie à se retirer précipitamment avant même la réunion des Chambres. La commission était prête à admettre tous les ménagements, pourvu qu'ils n'allassent pas jusqu'à consacrer l'impunité d'un homme qu'elle regardait comme le plus coupable de tous. Le duc de Richelieu persista dans son opinion : la parole royale couvrait le duc d'Otrante ; c'était une sorte de Marne, et des plus sanglants, à infliger au roi que de rappeler à tous que le frère de Louis XVI avait appelé dans ses conseils un de ses assassins. Certains émirent alors l'idée, preuve du caractère personnel de la mesure proposée, de frapper Fouché pour les actes de son ministère de juillet à septembre 1815 : Richelieu parut d'abord favorable il cette combinaison, étant plus soucieux de sauvegarder la dignité royale que désireux de sauver Fouché de l'exil. Mais, après examen, on dut reconnaître que nul acte ne justifiait une mise en accusation, et que, d'autre part, la solidarité ministérielle eût forcé Talleyrand, Pasquier, Jaucourt, à comparaitre avec Fouché. On reprit les propositions visant le régicide[16].

Fouché était tenu au courant de tout : il avait eu soin de laisser comme secrétaire près de Richelieu son comparse Fabri, comme jadis Jay près de Savary ; et, s'il faut en croire Pozzo di Borgo, Fabri renseignait Fouché[17]. Il était donc édifié au sujet des deux courants qui se prononçaient parallèlement contre lui, essayait de les arrêter, faisait à Richelieu l'apologie de sa conduite dans l'été de 1815, de la politique de modération : L'avenir apprendra, concluait-il fièrement[18], si nous nous sommes trompé ; nous avons, du moins, emporté dans notre retraite la satisfaction d'avoir empêché beaucoup de mal et d'avoir prévenu de grands désordres.

A Paris, cependant, on continuait à se déchaîner ; contre l'homme qui offrait, semblait-il, tant de prise, on inventait des calomnies : on disait qu'il avait dans l'été de 1815, préparé l'avènement du duc d'Orléans[19]. Les pamphlets continuaient à pulluler : on créait la légende du prêtre apostat, On reprenait les vieilles accusations. Le duc de Richelieu, cependant, protestait toujours contre une mesure qui allait frapper Fouché, niais atteindre moralement le roi. Louis XVIII confiait à Pozzo di Borgo qu'il croyait avoir absous le régicide en mettant le duc d'Otrante au nombre de ses ministres[20].

Le malheureux. de loin, continuait, lui aussi, à protester. C'était maintenant son rôle sous la Révolution qu'il voulait justifier : Il n'y a plus que le vulgaire, écrivait-il le 24 décembre à Richelieu, qui croie que les révolutions politiques sont le résultat des combinaisons et l'œuvre des individus. Ceux qu'elles frappent en sont souvent les auteurs. Ceux qui semblent les diriger n'en suivent que les mouvements... Qui peut s'établir juge de la conduite des hommes au milieu de nos crises et de nos orages ?... Que chacun veuille bien, dans cette circonstance, se rappeler ses fautes et oublier celles des autres. Voilà le grand moyen de réconciliation générale... Ceux qui me calomnient aujourd.hui devraient, du moins, se souvenir que je n'ai jamais cessé de porter du respect à leur malheur, que j'ai souvent défendu leurs propriétés, leur liberté, quelquefois leur vie sous Bonaparte, que je n'ai point révélé au roi leur oubli et leur faiblesse. Je ne m'attendais pas à la reconnaissance ; je sais que les hommes n'estiment que la puissance, niais je comptais sur de la modestie... Il lançait enfin son dernier trait, essayant d'aigrir le duc de Richelieu contre les ultras, que les ménagements seuls rendent audacieux[21].

II n'eût point été l'homme d'action et d'intrigues que nous connaissons, s'il se fût contenté de gémir, de protester, de plaider sa cause dans un style tour à tour larmoyant et hautain. A la même époque, il intriguait de toutes les façons près des puissances, notamment près de l'Angleterre et de la Prusse, pour se faire soutenir à Paris. Pozzo di Borgo écrivait, le 15 décembre, au comte de Nesselrode que toute une correspondance, interceptée par Decazes, prouvait que des tentatives étaient faites pour amener Wellington à une nouvelle intervention, ainsi que la faction prussienne. Une lettre de Justus Grüner, un des agents autorisés du roi de Prusse, envoyé à Dresde par une coïncidence qui paraissait suspecte, semblait prouver que son envoi à Dresde, loin d'avoir pour but de surveiller Fouché, n'était fait que dans l'intention de se concerter avec lui sur les desseins dans lesquels on jugerait convenable d'entrer, en vue des intérêts de la Prusse et de l'Angleterre[22].

Quoi qu'il en soit, tout devait rester inutile. La discussion du projet de loi fut écrasante pour Fouché. Le 27 décembre, Corbière avait déposé son rapport. Le projet de loi était naturellement conçu dans le sens indiqué par la commission ; l'article 7 exemptait de l'amnistie ceux des régicides qui, au mépris d'une clémence presque sans bornes, ont voté pour l'acte additionnel ou accepté des fonctions ou emplois de l'usurpateur et qui, par là, se sont déclarés ennemis incurables de la France et du gouvernement légitime. Ce fut au Palais-Bourbon un débat passionné. La clémence eut des défenseurs : M. de Germiny combattit le projet le 2 janvier, se basant sur le pardon royal ; le comte Siméon plaida lui aussi la cause de l'oubli, niais il lui fut répondu par un des plus violents orateurs du parti réacteur : ... Assassins de votre roi, oppresseurs de vos familles, destructeurs de la liberté de la France vaincue, s'écriait La Bourdonnaye, ces hommes réclament aujourd'hui l'oubli du passé, du passé toujours présent à leur mémoire, du passé qui est fi leurs yeux la source méprisable de criminelles espérances et de nouveaux malheurs... Qu'attendez-vous pour les réduire à l'impuissance ?... Qu'ils mettent la main sur l'oint du Seigneur ? Qu'ils élèvent un troue illégitime ?...[23] La Chambre restait sous le coup de cette violente et transparente sortie, quand, le 3, Castelbajac vint encore se faire l'organe des mêmes accusations : De grandes richesses sont entre leurs mains ; une conduite criminelle, depuis le pardon accordé, a prouvé que d'infâmes desseins sont dans leur cœur. Fouché, directement visé, restait accablé. En vain vit-on, dans les séances du 4 et du 5, de Serre et Pasquier plaider le pardon[24]. On prêtait à Kergorlay un discours que ne reproduisit pas le Moniteur : N'avons-nous pas vu au nombre des députés élus, au nombre de nos collègues présumés, le plus infâme de tous les hommes ?... Le faible murmure de quelques mots chuchotés en passant a l'oreille renversa le duc d'Otrante ; il sentit qu'une Assemblée telle que la mitre ne se résignerait point h l'infamie d'admettre un tel homme dans son sein, ni de concourir aux mesures d'un tel ministre... Il se déroba lui-même à l'éclat de la honte et quitta la France[25]... Le 5, l'ensemble du projet, compris l'article 7, était voté à une immense majorité, 334 voix contre 32[26].

Richelieu parut s'y résigner, en raison même de cette quasi-unanimité[27]. Louis XVIII, du reste, n'avait pas attendu le vote ; dès le 4, il avait signé la révocation de son ministre en Saxe[28]. Les lettres de récréance furent expédiées sur-le-champ à Dresde[29]. Les journaux royalistes, qui, jusque-là, donnaient à l'ancien ministre sou titre de duc, annoncèrent avec l'accent du triomphe que Monsieur Fouché avait été révoqué de ses fonctions et avait reçu une lettre du ministre des Affaires étrangères lui interdisant de rentrer en France ; Fabri venait de partir pour Dresde, porteur de ce double message[30].

Le duc d'Otrante reçut effectivement le 9, avec la nouvelle du vote qui le bannissait, les lettres de récréance. Indigné de ce qu'il appelait un manque de foi du roi, soutenant que la loi ne pouvait lui être appliquée, il ajourna la remise des lettres de rappel, ne s'y décida que le 23. Le 24, Frédéric-Auguste accusait réception de ces lettres à Louis XVIII, ajoutant qu'il avait congédié le duc d'Otrante, en lui rendant témoignage qu'il avait été très satisfait de la manière dont il s'était acquitté de la mission qui lui avait été confiée[31]. Le roi de Saxe l'avait en effet accablé de cordiales attentions durant toute sa mission à Dresde. Fouché y voyait encore un motif d'espérer coutre toute espérance. Il sollicita et obtint l'autorisation de prolonger, comme simple particulier, son séjour à Dresde, trouvant, écrira-t-il le 27 juin 1816[32], de la dignité à y rester, et comme son successeur, le comte de Dillon, n'y parut pas ayant le mois de mai, il affecta volontiers de considérer son rappel officiel comme nul et non avenu, continuant à traiter, sur un ton fort hautain, avec les personnages de marque, Wellington, Hardenberg et autres ; il exhibait des lettres de Vitrolles, d'où il semblait ressortir que c'était pour donner une satisfaction platonique à la Chambre que Louis XVIII avait signé son rappel, mais que le roi, lui continuant sa confiance, voyait sans déplaisir se prolonger à Dresde non seulement le séjour, mais l'influence de l'ancien ministre[33]. Le comte Einsiedel, premier ministre de Saxe, complètement mystifié, ne savait que croire à ce sujet et le traitait à tout hasard fort courtoisement. Fouché sen vantait : Si je suis calomnié à Paris, écrivait-il[34], si je suis abandonné lâchement par tout le monde, je trouve des amis en Allemagne a. Cependant, il semblait disposé à user de l'éternelle tactique : il renonçait à toute ambition, aspirant depuis longtemps à ce repos qu'on lui accordait et qui allait lui permettre de se consacrer entièrement à l'éducation des siens. Une note, tout entière de sa main, publiée dans les Zeitgenossen sous forme d'information, disait : Le duc d'Otrante parait se plaire en Saxe... Il ne voit qu'un très petit nombre de personnes : il est absolument concentré dans sa famille... Il parle de sa disgrâce avec la même modération que des autres crises de la Révolution. Quand il est question de ses ennemis, dont la plupart lui doivent le bonheur d'avoir revu leur patrie et plusieurs leurs biens et la vie, il se borne à les plaindre : ce sont des aveugles. dit-il, et leur aveuglement dure, et ils ne comprendront pas qu'ils sont dans les ténèbres. Quelquefois il compare les services que les ultra-royalistes croient rendre au roi et à la monarchie à ceux que les ultra-révolutionnaires ont rendus à la liberté et à la République[35]. Ce dernier trait parait quelque peu bouffon lorsqu'il s'agit d'un ex-coreligionnaire d'Hébert et de Babeuf. Mais cette grande sérénité, cette attitude de Socrate buvant la ciguë, lui paraissait excellente ; il essayera, vainement parfois, de la conserver aux yeux de ses correspondants. A lire ses lettres à Gaillard, qui, il ne l'ignorait pas, les communiquait aux Tuileries, à Mme de Vaudémont, à Mme de Custine, à Richelieu, à Decazes, à Molé, à Metternich, à Wellington, on croirait voir finir un de ces hommes d'État, un L'Hôpital, un Colbert, un Guizot, que la conscience d'une vie publique sans tache rend insoucieux des attaques et dédaigneux des calomnies, un sage qui oppose la sérénité à l'injure, la modération à la violence, martyr de la liberté, de l'ordre, du dévouement au roi et à la patrie. Je ne veux rien ajouter aux éléments de désordre qui agitent la patrie, écrit-il à Gaillard, de Dresde, en février 1816 ; je n'ai point de courroux contre mes ennemis, ils m'ont attaqué avec les extrêmes de la fureur ; si je daigne leur répondre, je ne me défendrai qu'avec les extrêmes de la modération. Dites bien que j'accepte bien volontiers le repos auquel ils me condamnent. Comment le repos ne me semblerait-il pas doux ? Qu'ils voient ce qu'il m'en coûte pour avoir servi ma patrie clans un moment de crise[36]. Et le 5 mai : Je n'ai besoin ni de consolation ni de vengeance ; je ne me sens aucune passion des petites âmes ; j'ai toujours quitté le pouvoir sans regrets, je ne changerais pas le repos dont je jouis contre un trône[37]. C'était admirable : la politique du renard en face des raisins.

Il descendait cependant parfois de ce ciel serein pour protester contre l'application qu'on lui faisait de la loi du 12 janvier : Je ne puis m'imaginer que la même main qui a signé ma nomination au ministère de la Police et une lettre de reconnaissance de mes services puisse consentir à signer contre moi une ordonnance d'exil. Cette dernière signature aurait l'air d'appartenir à un autre règne. Qui pourrait compter sur les paroles royales, si les Chambres pouvaient en annuler les effets ? Qui croirait à une institution, si la Chambre à laquelle j'appartiens par plusieurs élections... avait le droit de m'exclure de son sein sans me juger, sans même prononcer mon nom ? Que deviendrait l'inviolabilité de député s'il pouvait être atteint par les généralités d'une loi ? Où l'Europe trouverait-elle un gouvernement en France après une pareille violation ?[38]

Il apparaissait eu effet à l'auteur du fameux rapport que les cabinets européens eux-mêmes avaient voix au chapitre. car cet homme qui se renfermait, à l'entendre, dans l'éducation de ses enfants, remplissait l'Europe de ses plaintes. Dans sa lettre au noble lord, lettre énorme, qui fut alors imprimée, il faisait de sa conduite une apologie plus encore qu'une justification, en appelant aux souvenirs de Wellington qui avait su l'apprécier. Ma vie politique est terminée, concluait-il[39], et mon ambition est satisfaite, puisque j'ai acquis parmi les Français une considération qui suivra mou nain et ma personne. La justice et la postérité décideront si, dans les maux qui ont accablé ma patrie, tous les partis ont eu une égale part, et quel est celui qui y a le plus contribué. En communiquant, le 1er mars, au pince de Metternich une copie de ce copieux mémoire, il l'accompagnait d'une assez longue lettre on il affectait encore ce ton de modération sereine qui devait endormir les défiances et les haines : Votre Altesse jugera tous les efforts que j'ai faits pour préserver notre malheureuse patrie des maux qu'elle souffre et de ceux qui la menacent. Mon zèle et mon dévouement n'ont servi qu'à soulever contre moi la haine la plus violente du parti qui domine en France... Les leçons du passé sont inutiles ; on est moins grand et on n'est pas plus sage ; on marche sans s'inquiéter de ce qui perd et de ce qui sauve ; les passions gouvernent... J'avais à parler à des hommes : ils m'ont préparé la ciguë, ce n'est que par une faveur extrême qu'ils ont borné leur vengeance au ban de l'ostracisme. J'accepte volontiers le repos auquel ils me condamnent... Je vais profiter de mes loisirs pour écrire et faire voyager mes enfants. Le roi me laisse libre, il n'excepte pour un temps que la France, il ne pouvait consentir à signer contre moi une ordonnance de bannissement après les assurances qu'il m'a données verbalement et par écrit. Il terminait en demandant au chancelier un rendez-vous à Munich, car il comptait commencer par là ses voyages[40].

Le vrai est qu'il n'était pas si pressé de quitter Dresde ; il ne prenait pas son parti de l'exil. Il avait foi encore en une révolution, fruit d'une réaction que, dans cette espérance, il n'était pas loin de souhaiter plus violente encore[41]. Autour du duc, on vivait dans cette illusion : Espérons, écrivait-on[42], que le terme de notre exil n'est pas très éloigné. On ne peut deviner au juste ce qui arrivera ; il parait bien certain que le gouvernement ne peut durer, et c'est ce qu'il faut. Fouché exprimait le même espoir, le 29 mars, à Gaillard[43] : Il naitra, j'espère, du choc des débats entre les ultra-royalistes et les nitra-révolutionnaires, un ordre stable dans lequel le roi pourra régner paisiblement et rendre justice à tout le monde.

C'était en effet chez lui, lorsqu'il écrivait à Paris, une affectation à séparer Louis XVIII, dont il semblait avoir la pensée secrète, de son gouvernement et du parti royaliste ; il affichait donc pour le roi un singulier dévouement, le voulait marier pour empêcher l'avènement du comte d'Artois ; en dehors de ce mariage, tout lui paraissait abime sans fond[44]. C'était une étrange idée ; mais Fouché avait jadis tant travaillé à donner une postérité à Bonaparte, qu'il se trouvait entraîné, voulait en procurer une à Louis XVIII, entreprise plus scabreuse. line sollicitude sans bornes pour le roi se peignait dans ses lettres : il le savait égoïste, assez mal disposé pour les princes ; Gaillard faisant parfois passer les lettres aux Tuileries... quand le cabinet noir ne s'en chargeait pas, l'ancien ministre prenait énergiquement la défense du roi contre ses neveux ; on ne parlait, disait-il, clans les journaux que d'eux, de leurs qualités, de leurs faits et gestes, et à peine on dit un mot des souffrances que la goutte fait éprouver au roi[45]. Le 5 mai, il écrivait encore : Je désire que le roi soit maitre du présent, car si son trône ne s'affermit pas, notre patrie aura le sort de la Pologne. Et plus loin : Croyez que je ne cesserai de faire des vœux pour le roi, malgré le mal qu'il a permis qu'on fit à un homme qui a été son ministre dans un moment périlleux, qui l'a servi avec fidélité et courage, et de la seule manière qui pouvait affermir promptement son trône et sa dynastie[46].

Cette singulière tentative pour séduire Louis XVIII échoua naturellement ; exclusif en ses amitiés, le roi était entre les mains de Decazes, qui détestait, méprisait, craignait par-dessus tout son prédécesseur.

Ainsi on revirement dans l'opinion, ni révolution politique, ni retour en grâce près du roi ne semblaient décidément se produire ; il fallait se résigner à l'exil.

Quel en serait le lieu ? L'ancien ministre se serait volontiers accommodé de rester en Saxe. Il affirmait encore le 27 juin qu'il était sûr de remplir les intentions du roi en restant à Dresde. Il n'y paraissait pas, d'autre part ; le marquis de Bonnai, nouvellement nommé à l'ambassade de Berlin et passant par Dresde, avait affirmé que le gouvernement français voyait d'un fort mauvais œil le séjour prolongé du duc d'Otrante en Saxe, et que Dillon, nommé le 1er mai ministre à Dresde, n'y apparaitrait pas, tant que son prédécesseur y serait encore. Fouché s'était vengé du marquis en le criblant de lazzi, mais le coup était porté et la cour de Saxe avertie[47]. Frédéric-Auguste dut l'aire savoir à son hôte qu'il était temps d'élire un autre domicile ; car celui-ci, pour prévenir tout congé, affirmait que la délicatesse lui faisait presque un devoir de quitter la Saxe , son souverain étant chaque jour inquiété par ses ennemis pour la bienveillance qu'il lui montrait[48].

Où allait-il porter ses pas ? Les journaux français annonçaient dès février 1816 son prochain départ pour Londres ou New-York[49]. A entendre l'ancien ministre lui-même, l'Europe entière se disputait l'honneur de l'héberger. Dès avril, il déclarait que le noble lord l'invitait à se rendre en Angleterre[50] ; il savait d'ailleurs que Wellington louait partout ses services[51]. Il affirmait, d'autre part, que le roi des Pays-Bas avait eu la bonté de lui offrir l'hospitalité à Bruxelles[52]. La Prusse, enfin, lui montrait une persistante bienveillance, Hardenberg lui donnant cordialement rendez-vous à Carlsbad[53]. Je ne suis pas embarrassé de trouver un asile, écrivait-il, le 14 juin, à Gaillard[54] ; je serai bien accueilli partout. Le plus pressant était Metternich. Ce grand chancelier de la Sainte-Alliance semblait se fier plus à sa police qu'a tout autre, pour surveiller étroitement les débris de la Révolution et de l'Empire. Il avait clone tout fait pour réunir en Autriche non seulement les princes de la maison impériale, Louis, Jérôme, Elisa, Caroline, mais encore d'anciens serviteurs de Bonaparte, Maret, Savary, Thibaudeau[55]. Au lendemain même de sa disgrâce, Fouché avait été eu butte aux sollicitations du chancelier : on le verrait avec plaisir à Prague[56] ; après quelques négociations, la ville fut en effet choisie, le 17 avril, comme future résidence. L'ambassadeur à Vienne, M. de Caraman, en fronçait quelque peu les sourcils[57] ; cela compliquait sa tâche, mais le duc d'Otrante serait mieux surveillé.

Celui-ci parut d'abord disposé à laisser dormir l'autorisation ; il affectait de grands airs d'indépendance, ne parlait que de voyager où bon lui semblerait, manifestant l'intention daller passer l'hiver en Toscane, le climat y étant favorable à sa santé ; et, sur le refus de Metternich, il ne parlait d'aller en Bohême que pour distraire sa jeune femme[58].

Il s'y décida en juillet. Le 8, Fouché, que pressait la cour de Saxe, écrivait à Thibaudeau, alors à Prague, qu'il allait sous peu l'y rejoindre, l'Autriche étant le pays qui lui offrait le plus de sécurité, et le plaisir étant d'ailleurs grand pour lui de retrouver dans l'exil un ami — dont, soit dit en passant, il avait un an avant signé l'ordonnance de bannissement —.Thibaudeau était même chargé de louer pour le duc et sa famille la moitié de l'hôtel de Hesse[59]. En même temps, le duc croyait bon de se concilier de plus en plus, par d'habiles flatteries, l'amitié de Metternich[60]. Le 17 juillet, il annonçait son départ à Gaillard, espérant que son exil serait de courte durée[61]. Était-il sincère ? Cela est peu croyable, puisqu'à la même date il s'occupait de vendre Ferrières et ses biens, pour acheter des fonds étrangers facilement réalisables, assurant ainsi a ses vieux jours, à défaut du pouvoir qui le fuyait, la jouissance de son immense fortune[62].

Tout cela étant réglé, le duc d'Otrante prit congé de la cour de Saxe et quitta Dresde. Le 7 août, Caraman signalait l'arrivée à Prague de l'ancien ministre et de sa famille[63]. Il y était arrivé le 4 et s'était empressé d'en informer Metternich ; toujours désireux d'évoquer les heures de sa grandeur, il rappelait au chancelier celles qu'il avait passées avec lui, en cette même ville de Prague, en juillet 1813[64]. Ces souvenirs ne le grisaient pas, à l'entendre : il ne regrettait rien, n'ambitionnait rien ; c'était l'éternel refrain. Le repos de mon intérieur suffit à mon bonheur, écrit-il en une autre lettre. Il est toujours l'homme juste d'Horace. Il parle de la tranquillité de sa conscience, pardonnant à ses ennemis avec des trémolos dans la voix. Soit élévation d'âme, soit instinct de ma supériorité, soit souvenir de la morale oratorienne qui est celle de l'Évangile, je ne leur ai jamais supposé qu'un égarement de zèle et une grande ignorance des affaires[65]. C'est une consigne autour de lui ; la gouvernante des enfants du duc en parle comme d'un noble proscrit, grandi par sa résignation. M. le duc vit ici comme à Dresde, préférant le repos à toutes les vanités de la vie ; il dépendrait de lui de voir la société, car les premières autorités lui font beaucoup de politesses ; niais il préfère vivre en famille[66]. Pendant tout l'automne de 1816, les lettres adressées à Gaillard respirent celte philosophie sereine, destinée à attendrir ou à rassurer. C'était en vain. A Paris, on restait très défiant ; vraies ou fausses, ces belles protestations rencontraient une terrible incrédulité ; le moyen avait servi trop souvent. La lettre an duc de Wellington avait paru le point de départ de nouvelles intrigues, et sa publication avait ému l'opinion. Les différents partis avaient relevé le défi que Fouché leur y portait ; les révolutionnaires parlaient de la grande trahison de juin et juillet 1815 ; les bonapartistes, de l'infâme ordonnance du tri juillet ; les ultra-royalistes ressassaient les vieux griefs. Sans appartenir à aucun de ces partis, les ministres du roi étaient également très défiants, et non sans raison ; le comte de Dillon signalait, de Dresde, à Richelieu, que Fouché, sous l'apparence d'une tranquillité insouciante, ne perdait pas une occasion de communiquer et de correspondre avec quelques personnes de Saxe, qui servaient d'intermédiaires avec Paris[67]. Outre la correspondance ouverte avec Gaillard, destinée au cabinet noir et aux Tuileries[68], il y avait une correspondance secrète dont les lettres venaient par Dresde, par Leipzig, par Kehl et par Bruxelles. On se servait du couvert du ministre de Saxe à Paris[69]. On retrouve clans les papiers de Gaillard une sorte de petit dictionnaire de pseudonymes, destinés évidemment à donner la clef de certaines missives[70]. Les propos tenus par un des agents de Fouché, Jullien, laissaient entendre que l'ancien ministre, en apparence si honni des amis du trime et de l'autel, n'était pas éloigné de leur offrir son appui pour renverser le ministère Richelieu-Decazes. On savait même que des ouvertures avaient été faites à ce sujet par une fraction du parti ultra dont le rapprochait sa haine contre Decazes. Le parti exigeait, suivant les termes d'une lettre de Decazes à Metternich, une rétractation et une amende honorable authentique et formelle de ses erreurs, un engagement d'être aussi jacobin contre-révolutionnaire qu'il avait été jacobin sanguinaire à Nevers et à Lyon, au moyen de quoi on lui rendrait pour la quatrième fois ce malheureux ministère de la Police qu'il regrettait tant. Ce n'était pas, quoiqu'il refusât d'en convenir, sans inquiétude que Decazes constatait la tendance qu'avait le duc d'Otrante à considérer la police comme son patrimoine et à revendiquer sa part qu'il lui avait volée... Je ne connais pas d'honnête plus facile à s'aveugler, écrivait à ce sujet Decazes à Metternich, le 15 octobre 1816, plus porté à croire que l'Europe entière est incessamment occupée de lui, qu'elle ne peut se passer de son génie, et que lui seul est capable de régler et de diriger les destinées de son pays. Si on l'en croyait et, s'il faut le dire, s'il s'en croyait lui-mêmecar je suis sûr qu'il est aveuglé de bonne foi —, la Russie, la Prusse et vous-mêmes sont prêts à traiter avec lui de puissance à puissance. Moins rassuré qu'il n'en avait l'air, le jeune ministre de la Police mettait le chancelier autrichien en garde contre les intrigues du personnage, rappelant que celui-ci serait sans cloute à la puissance qui le servirait le mieux, mais qu'il semblait devoir se rattacher plutôt à la politique prussienne — odieuse à Metternich —, représentée par Justus Grüner[71]. Pour discréditer encore aux yeux du chancelier ce politicien récalcitrant, Decazes écrivait encore à Metternich que les espérances de Fouché étaient bien décidément vaines, que jamais on ne le reverrait au pouvoir en France, où tous les partis le honnissaient[72]. Il semblait bon au cabinet Richelieu de combattre, à Vienne, l'effet qu'y produisait l'imperturbable assurance affichée par le duc d'Otrante de redevenir promptement ministre, sous Louis XVIII, Louis-Philippe d'Orléans, Napoléon Il ou même le prince Eugène, vers lequel on assurait qu'il tournait les yeux[73]. Il affirmait attendre la réparation de l'iniquité dont il était victime, de la justice que le temps et la force des choses ramèneront, malgré les efforts des partis[74]. Il l'attendait aussi d'une révolution. Cette grande assurance impressionnait fort le gouverneur de Prague, le comte Kolovrat, chargé spécialement par Seldnitsky, chef de la police autrichienne, de surveiller le vieil homme d'État[75].

S'il était vrai qu'il intriguât ou aspirât simplement à entrer en relation avec le parti ultra, le duc d'Otrante avait dit trouver particulièrement rude le coup violent que Chateaubriand venait de lui asséner dans son livre De la monarchie suivant la Charte. Fouché y était littéralement cloué au pilori, son passage aux affaires sons Louis XVIII particulièrement attaqué, et éloquemment flétrie l'audace qui l'avait fait s'offrir au frère de Louis XVI, comme conseiller et ministre[76]. Le duc d'Otrante se sentit atteint d'une façon singulièrement plus grave que par les obscurs pamphlets qui se publiaient contre lui depuis un an ; il récrimina, se lamenta, essaya de dénoncer les palinodies de l'auteur. Je lui connaissais une grande ambition, écrivait-il à Metternich ; elle date de plus loin que le règne de Louis XVIII, elle remonte à l'origine du gouvernement de Bonaparte. Il avait pour lui une admiration chevaleresque, et il cherchait à multiplier ses devoirs envers lui. Il ajoutait que si Chateaubriand l'avait vu sortir de l'antichambre du roi, lui, Fouché, l'avait aperçu maintes fois dans celle du cardinal Fesch[77]. Écrivant à Paris, il se plaignit de l'hypocrisie de l'écrivain, de son esprit subalterne, inaccessible aux conceptions de la politique, car personne ne s'est avisé, écrivait-il encore, de blâmer Louis XIV d'avoir recherché l'alliance de Cromwell. — Le premier de tous les intérêts pour un grand roi, ajoutait Fouché, c'est l'intérêt de l'État. Les affections de famille ne sont que des objets secondaires[78]. Il affectera, quelques mois après, de pardonner dédaigneusement à son ennemi, les poètes ayant plus d'imagination que de jugement et plus de passions que de lumières[79], et cependant, en mars 1817, il songe encore avec amertume à ce maudit libelle[80].

Ce qui évidemment l'irritait par-dessus tout, c'était l'impossibilité où le maudit libelle, mettait Louis XVIII de jamais rappeler le régicide dans ses conseils, et c'est encore ce qui l'exaspérait à la même époque contre l'opuscule de l'un des rédacteurs du Journal des Débats, Saint-Victor, commentaire violent de sa lettre au duc de Wellington ; il s'emportait jusqu'aux menaces contre l'auteur, jadis payé par lui, et qu'il pourrait confondre en dévoilant les secrets de sa vie[81].

Pour couper court à ces attaques, les repousser et en prévenir d'autres, le duc d'Otrante se décidait alors à lancer à travers l'Europe cette série de tracts dont la composition l'occupera jusqu'à sa mort, autobiographies complaisantes, anonymes ou pseudonymes, où l'ancien ministre parle de lui, à la façon de César, à la troisième personne, ce qui lui permet de se décerner des éloges, devant lesquels, à dire vrai, il ne reculait pas, même lorsqu'il s'exprimait à la première. On le voit écolier studieux, professeur populaire, savant maître, libéral éclairé, patriote enthousiaste, républicain généreux, homme d'État aux larges et liantes idées. fidèle à d'immuables principes, à de belles causes et A d'inoubliables amitiés, pacificateur des esprits, modérateur des puissants, protecteur des opprimés, victime éternelle des violents, qu'ils s'appellent Robespierre, Bonaparte, Chateaubriand. Un Fouché paradoxal ! La première Notice sur le duc d'Otrante[82] était composée dès janvier 1816. Fouché, écrivant à Gaillard, avouait qu'il en était l'auteur[83]. La notice lui était, cela va sans dire, on ne peut plus favorable : on y pleurait presque d'attendrissement, d'admiration et de pitié. En même temps, on lançait la Correspondance du duc d'Otrante avec le duc *** de réédition correcte de la lettre de Fouché à Wellington que le duc d'Otrante se plaignait de voir partout dénaturer[84]. Mais ce ne sont pas seulement là des justifications et des apologies, destinées à le venger et à le faire valoir : il veut se faire craindre, affirme que ce ne sont là que les premières pages ou l'esquisse de ces fameux Mémoires, dont il menace le monde politique, pleins de révélations gênantes pour ceux qui, ayant été mêlés aux crises politiques de 1789 à 1816, n'ont pas l'heur de lui plaire. Dès octobre 1516, il en annonce comme prochaine la publication à ses correspondants. Il a trouvé son épée de Damoclès, fera mine sans cesse de vouloir en couper le fil et ne le tranchera jamais. Désireux toujours de séparer Louis XVIII du monde royaliste, il déclare, du reste, qu'avant servi fidèlement le roi et lui gardant admiration, reconnaissance et affection, il lui dédiera ses Mémoire[85], intention qui stupéfie. Les événements de janvier 93 vont-ils, dès lors ; en former un chapitre ? Peut-être, car il semble désireux de se disculper, verse des larmes sur le vote du 17 janvier, se frappe la poitrine ; il s'humilie et se repent à grand orchestre dans dix lettres. Ce dont les Mémoires rendront compte surtout, c'est de sa belle administration de trente années... On jugera, disait l'ex-ministre, si j'ai bien servi la chose publique dans les crises terribles où je me suis trouvé : si j'ai eu la fidélité et l'attachement de Sully, il est certain, quoi qu'on dise, que je n'ai pas sa fortune[86]. Réellement, ces Mémoires inquiétaient nombre de gens : le comte Kolovrat faisait surveiller à ce sujet l'ancien ministre, qui, écrivait-il le 24 octobre, se livrait de six heures du matin à dix heures du soir à un constant travail de plume[87]. On parlait même déjà de l'éditeur Brockhaus de Leipzig, auquel le secrétaire du duc Demarteau écrivait, le 1er novembre, que les Mémoires avançaient[88]. Quelques jours après, Fouché lui-même parlait de l'envoi imminent du manuscrit[89]. Il voulait faire peur, et y arrivait. Thibaudeau seul voyait clair. Quant aux Mémoires, écrivait-il, on en parle quelquefois, mais je doute qu'on fasse rien paraitre de sitôt. Comment d'ailleurs imprimerait-on ? On voudrait aménager la chèvre et le chou, et l'on n'attaquera la chèvre que lorsqu'on la verra par terre ou près de tomber[90]. C'était bien connaitre Fouché, qui, en effet, avouait à l'un de ses correspondants qu'il était empêché de publier ses Mémoires. Il faudrait me résoudre à des suppressions que je ne dois pas faire ; je préfère l'estime à la faveur[91]. Mais il continue néanmoins à menacer la France et l'Europe de cette publication, tantôt annonçant pour 1817, puis 1818, l'apparition de l'œuvre, tantôt avouant que les Mémoires sont encore sur de petits papiers comme les feuilles de la sibylle[92], déclarant finalement, en 1819, qu'il ne les publiera pas, comptant les laisser à ses enfants comme la justification de son passé[93] ; la veille de sa mort, il bridera beaucoup de papiers : les fameux Mémoires étaient-ils du nombre ? Saura-t-on jamais ce qu'étaient ces Mémoires, et s'il n'y eut pas dans cet incident une suprême mystification de ce grand faiseur ? Nous avons débattu la question ailleurs[94].

Dans tous les cas, la menace ne recevant pas d'exécution, le duc se contentait de nouveaux tracts que multipliait sa faconde tantôt arrogante et tantôt larmoyante. C'était, du reste, ce gros travail de plume, un dérivatif à l'ennui que causait l'inaction à cet homme agité, l'exil en cette ville inconnue dont la société paraissait lui accorder plus de curiosité que de bienveillance. Dans les premières semaines, la visite de Kolovrat semblait, suivant l'expression de la duchesse, les avoir mis fort en odeur de sainteté dans la ville[95]. La vérité est que les seuls fonctionnaires, obéissant fi un mot d'ordre de Vienne et séduits par la réputation de ce nouveau concitoyen, l'avaient fort bien accueilli. Le ministre de France à Vienne, Artaud, fort hostile à l'ancien ministre, rapportait cependant que Monsieur Fouché était parvenu à se faire aimer des autorités supérieures de la ville de Prague... Quand nous parions de Monsieur Fouché, écrivait le diplomate, on nous répond en des termes qui annoncent l'estime et la considération[96]. Il n'en était pas ainsi de la société locale, aristocratique et fort collet monté. Les exilés français, enfin, se tenaient dans la réserve : les relations avec eux restaient quelque peu embarrassées pour l'auteur de l'ordonnance du 24 juillet : la duchesse, du reste, mine Castellane, voyait d'assez mauvais œil les rapports de son mari avec les revenants de la Révolution, ses Brutus, disait-elle avec dédain[97] ; Thibaudeau, tout en affectant l'oubli des derniers torts, restait au fond défiant, plein de rancune, de malveillance railleuse. Fouché le soupçonnait d'inspirer contre lui des articles injurieux, et la correspondance de ce vieil ami, qui, grâce au cabinet noir de Metternich, est restée aux Archives de Vienne, prouve qu'une fois de plus le duc d'Otrante faisait preuve de sagacité. Ils se détestaient peut-être, se méprisaient à coup sûr et se traitaient avec une cordialité de vieux camarades[98].

La situation était fausse : elle rendait le séjour de Prague odieux à Fouché. A la fin de 1816, il avait manifesté à Metternich l'intention de se fixer définitivement en Autriche : il allait vendre ses biens, Ferrières, l'hôtel d'Otrante, qu'à cette époque il pensait céder an duc d'Orléans[99] ; il annonçait au chancelier qu'il prendrait des créances en Autriche. Sans doute, ajoutait-il[100], je regrette ma patrie ; mais il ne peut y avoir de repos pour moi. En décembre 1816, il avait renouvelé à Metternich les mêmes assurances : il allait acheter des valeurs autrichiennes, il sollicitait pour ses fils l'honneur de servir dans l'année impériale. Le prince avait éludé cette dernière demande, mais conseillait à l'ancien ministre d'acheter des biens-fonds en Autriche[101].

Quelques mois après, celui-ci semblait avoir changé d'avis. Il pensait de nouveau rentrer en France. Il avait changé son fusil d'épaule et, contre tout bon sens, espérait en Decazes. Peut-être ignorait-il l'invincible hostilité que le ministre, cher à Louis XVIII, nourrissait contre lui. Mais il le savait d'une part le favori du roi, d'autre part l'adversaire des ultras. Decazes venait en effet de leur déclarer la guerre[102]. Fouché espérait que le mouvement de contre-réaction qui emportait Decazes allait l'entraîner à faire la part large à ses alliés naturels et à rappeler peut-être les exilés de la Chambre introuvable ; avait-il tort, après tout, d'espérer en une politique qui allait faire reparaître à la Chambre, et presque dans la majorité ministérielle, avec B. Constant, La Fayette et Laffitte, l'élève, l'ami fidèle du duc d'Otrante, l'éloquent Manuel ? De fait, dès le printemps de 1817, l'attitude railleuse que Fouché avait prise vis-à-vis de Decazes se modifie ; le ministre est fort encensé dans les lettres destinées à être décachetées. Le 12 mai 1817, le duc d'Otrante rappelait que c'était lui qui, en juillet 1815, avait préféré comme préfet de police Élie Decazes à Bourrienne, que voulait absolument le prince de Talleyrand. Il s'en félicitait, ajoutait-il, en voyant l'ancien préfet montrer du caractère et du talent[103]. Il annonçait l'intention d'envoyer son fils aisé à Paris, sous prétexte de négociations financières, peut-être en vue de combinaisons d'un autre ordre. Il semblait disposé en tout cas à se rapprocher de la France et à se rendre en Suisse avec ses enfants. Évidemment un espoir tenace lui restait d'une prochaine rentrée, peut-être d'un complet retour en grâce[104].

Sa colère fut donc grande, quand il apprit qu'un arrêt du tribunal de Meaux, auquel rassortissait Ferrières, lui refusait la capacité d'agir en qualité de tuteur de ses fils, comme étant civilement mort[105]. Cet arrêt de déchéance semblait le murer dans l'exil ; il en fut très atteint, protesta avec vivacité, car cet arrêt d'un petit tribunal le proscrivait plus sûrement que les votes de la Chambre de 1815, en lui appliquant nommément une loi à laquelle il avait toujours prétendu échapper. Il se reprenait donc à l'idée de s'établir définitivement en Autriche, d'y acheter des propriétés à côté de celles que venaient d'acquérir Caroline Murat et Jérôme Bonaparte ; Metternich, toujours attentif à disperser ces illustres proscrits, s'y opposa ; donner à la famille impériale un conseiller aussi habile lui paraissait encore fort imprudent. On ne manquerait pas, écrivait-il au duc d'Otrante[106], de prêter des vues politiques à votre désir de vous établir auprès du frère et de la sœur de Napoléon. Le chancelier refusait, d'autre part, aux fils de Fouché l'autorisation d'entrer dans les armées de l'Empereur[107].

Le dépit de l'ancien ministre fut grand ; tout le inonde le rejetait ; sa vanité souffrait, son ambition s'alarmait, la lassitude n'était pas loin. C'était avec une extrême amertume, quelque chose de brisé clans la voix, qu'il récriminait contre une invincible et exaspérante malveillance. Royalistes, bonapartistes et jacobins l'attaquaient : Savary, Maret, Thibaudeau le persiflaient, les révolutionnaires réfugiés à Bruxelles l'accablaient de leur mépris ; à Paris, le parti ultra, avec lequel il avait un instant songé à lier partie, se vengeait sur lui de cette tentative avortée : les modérés le dédaignaient cependant, Decazes restait aussi insensible que le roi à la flatterie : les puissances l'abandonnaient, Wellington maintenant l'ignorait, Hardenberg ne lui donnait plus signe de vie, et Metternich, mielleux et empressé à certaines heures, se dérobait à d'autres, élevant des obstacles à tous ses projets. Il était donc fort malheureux, continuait à se livrer à une justification exaspérée de sa conduite : il avait sauvé Paris, sauvé la Révolution, sauvé les Bourbons, sauvé la France, sauvé l'Europe ; et tant de services, tant de mérites, tant de talents étaient méconnus, oubliés, méprisés pour une vieille erreur[108].

Le fait est qu'il était attaqué de toute part. Le bruit courait que Carnot avait préparé contre lui un réquisitoire ; en attendant, un libelle paru en juin 1817 l'accusait d'avoir odieusement trahi cet ancien compagnon de lutte. Un article du Pamphlétaire incriminait cependant son ministère sous Bonaparte, l'accusait d'avoir été l'exécuteur de ses hautes et basses œuvres[109], tandis que, dans le Vrai Libéral, l'ex-conventionnel Desportes flétrissait sa misérable trahison à la Révolution[110]. On disait que le duc de Rovigo n'était pas étranger à ces publications ; Fouché s'exaspérait contre l'ancien ministre de la Police. Le secrétaire Demarteau se multipliait ; il écrivait sous l'inspiration, peut-être sous la dictée de son maitre, des lettres, des articles en réponse, attirant, du reste, sous forme de répliques, à Fouché des traits plus acérés encore. Les plus bizarres pseudonymes servaient à signer d'audacieuses apologies. Un jour, c'est, chose imprévue, une lettre de Mme de Staël qui circule en Europe, très favorable au duc d'Otrante, désavouée bientôt par Auguste de Staël, qui affirme qu'on a abusé du nom de sa mère[111]. Un autre jour, un mystérieux chevalier de la Roche-Saint-André écrit au Pamphlétaire un article de réponse, à l'insu, dit-il, et malgré le désir du duc, son ami[112]. Demarteau entendait inonder de ses articles justificatifs les feuilles autrichiennes. Fouché n'en dormait plus, travaillait à perdre haleine, protestant, du reste, avec un sourire aux lèvres, de son mépris pour lus liasses attaques. La famille Thibaudeau jouissait de la réelle détresse morale où se débattait le vieil homme d'État. Celui-ci prenait horreur de Prague : Que voulez-vous que je devienne ici ? déclarait-il à un agent de Metternich, la noblesse ne vent pas me voir, et je ne veux pas voir ce coquin de Durbach et ce jacobin de Thibaudeau[113]. Pour mettre le comble à ses soucis, il venait de voir disparaître une fidèle amie, l'ancienne gouvernante de ses enfants, Mlle Ribou, devenue son secrétaire intime et la dame de compagnie de la jeune duchesse, fort attristée de ce deuil. Fouché constatait que la santé de sa femme s'altérait, et en prenait prétexte pour vouloir quitter Prague[114].

La situation y était décidément devenue impossible à la suite d'une assez sotte aventure. Les Thibaudeau, le père, la mère et le fils, étaient, malgré leur secrète hostilité, restés les amis de la maison ; le jeune homme avait pensé changer la nature de ces relations : le duc était vieux, usé, disgracié, désormais sans prestige ; la duchesse, encore jeune, charmante, aimable, désabusée peut-être de cette union contractée à l'heure où Fouché était grand et puissant. Le jeune coquebin vit en une intrigue galante avec la femme de ce vieil ami l'emploi d'une vie d'exil sans grandes distractions. Jusqu'où allèrent ces assiduités ? Nous l'ignorons, mais le duc ne l'ignora pas longtemps ; il fut averti. Il n'était pas philosophe en la matière, étant de mœurs austères, amoureux de sa femme et très féru de son honneur. Exaspéré, il avait adressé à Thibaudeau une lettre fort sèche où il déclarait que, tout en lui conservant personnellement sa vieille amitié, il interdisait formellement à son fils l'entrée de sa maison[115]. Les Thibaudeau s'étaient blessés, livrés à d'indiscrètes récriminations qui bientôt donnèrent lieu à de ridicules et calomnieux on dit ; au moment où Fouché essayait dé donner le change sur sa rupture avec les Thibaudeau, en l'attribuant à un échec du jeune homme désireux, disait-il, d'épouser sa fille[116], le Vrai Libéral publiait un article aussi faux que perfide sur cette malheureuse affaire ; on y contait que le jeune Thibaudeau s'était enfui de Prague en enlevant la jeune femme du vieux duc, qu'on avait vu le couple amoureux dans différentes villes d'Allemagne, à Francfort notamment, où, affirmait le journal, cette nouvelle Hélène avait ébloui les spectateurs d'un concert par sa beauté et ses diamants[117]. L'article eut un grand retentissement ; le faubourg Saint-Germain en parla de longues semaines[118]. Les ennemis du duc s'emparaient de l'histoire, envenimaient à plaisir ce conte absurde. Fouché protesta avec indignation : la duchesse n'avait jamais quitté Prague, le journaliste était un menteur impudent ou la dupe d'une imposture. Il fit insérer ses protestations dans les journaux autrichiens[119]. En même temps, il écrivait à Gaillard des lettres indignées : Il faut avoir une méchanceté qui n'est pas ordinaire, pour chercher à faire du mal à une personne qui n'en a jamais fait à personne. Je lui ai communiqué les articles des journaux étrangers qui ont recueilli les sottises extraites des lettres dont vous me parlez ; elle n'en a pas été étonnée. On doit s'attendre, m'a-t-elle dit, à être déchirée par des laquais ou par des gens qui leur ressemblent, quand on les a chassés de sa maison ; félicitons-nous d'en être débarrassés. J'aime mieux leurs invectives de loin que leurs grossiers hommages de près. Il ajoutait que le seul tort de sa femme était d'être jeune et jolie, et d'avoir voulu rester sage[120]. On voit que ce vieux Scapin, comme on l'appelait parfois, n'entendait pas mourir drapé dans le rôle de Sganarelle. Mais la rupture qui était résultée de cette sotte histoire avec les Thibaudeau et le bruit que l'aventure avait fait achevaient de rendre impossible le séjour prolongé du duc d'Otrante et de sa famille à Prague.

Dès février 1818, Fouché avait sollicité de Metternich la permission de se rendre en Italie ou à Linz[121]. Leprince parut favorable à ce dernier changement de résidence. Le chef de la police espérait mieux surveiller Fouché si près de Vienne : Je ne puis plus entreprendre rien qu'il ne découvre, disait Seldnitsky à l'ambassadeur français[122]. L'autorisation fut accordée[123]. Le 25 mars, Fouché annonçait à Gaillard qu'il fallait quitter la capitale de la Bohème, où, disait-il, sa femme et sa fille retrouvaient partout l'image de Mlle Ribou[124], mais où lui-même voyait fort probablement trop souvent celle du bel Adolphe Thibaudeau.

Le 23 avril, il se rendit à Linz avec son fils Joseph, et, enchanté de la beauté du pays, se décida à y fixer ses pénates[125]. Auparavant, il alla, accompagné de tons les siens, prendre les eaux à Carlsbad[126], où il goûta le plaisir d'être accueilli par la société viennoise, qui fit grand accueil à la femme et à la fille du vieil homme d'État. On s'y amusa, on dansa ; le succès de Sa fille enchantait ce sceptique, resté le plus tendre, le plus naïf des pères de famille ; il la voyait entourée d'étrangères, nobles viennoises, russes, polonaises, saxonnes, dont le duc comparait avec joie l'esprit éclairé aux préjugés de la société praguoise[127]. Ce fut une accalmie dans cette vie tourmentée ; il avait pu se rendre à Vienne, entre Linz et Carlsbad, et y avait constaté eu sa faveur un revirement qui lui paraissait de favorable augure[128] ; il en remerciait Metternich avec effusion, assurant, du reste, qu'en toute occurrence il resterait fixé en Autriche.

Il n'en pensait rien ; comme toujours, la bourrasque passée, cette inlassable confiance eu sa fortune se retrouvait, tout entière, prête à l'engager dans de nouvelles espérances et, si besoin était, de nouvelles intrigues. De fait, il semblait se dessiner partout une réaction en sa faveur[129]. En juin 1818, le ministre russe Wintzingerode allait déclarer à la reine Catherine de Westphalie que Fouché était encore l'homme le plus essentiel de l'Europe, et que tôt ou tard on lui rendrait justice[130]. Quel encouragement pour un homme qui, en 1816, avait écrit[131] : Dans le temps on nous vivons, personne ne peut prévoir la destinée qui lui est préparée. Les illusions de l'ancien ministre étaient grandes ; en 1818, il semblait disposé à racheter des biens en France, avec le consentement du roi. Il reprenait, vis-à-vis de celui-ci, la politique de flatterie indirecte et recommençait à se défendre à outrance, justifiant tous les actes de sa vie publique de 1793 à 1815, opposant les uns aux autres les reproches que lui faisaient les partis adverses, repoussant aigrement ou soulignant les récriminations de l'Empereur qui doivent le servir, pense-t-il, près de Louis XVIII, pleurant, en dix passages, le vote régicide, s'attendrissant sur la mort de Louis XVI, rappelant enfin son attitude ferme, niais respectueuse et bienveillante, envers les émigrés après 1799[132]. Il demandait à Gaillard de le réconcilier avec tous les partis[133], ce qui était beaucoup ambitionner, se défendant surtout d'être de celui des Bonaparte : Quels rapports, écrira-t-il, ont désormais ces deux princes, dont l'un (Napoléon II) fait des poupées à Schœnbrunn, et l'autre (Eugène) des enfants à Munich ? On veut donc absolument faire d'un sage bavarois un personnage héroïque ![134] Ce qui domine en tout cela, c'est l'enragé regret de ne plus être au pouvoir, le désir insensé d'y revenir ; ce sentiment éclate en plus d'un lieu : Si j'étais le maitre, écrit-il souvent. C'est de nouveau le prurit du pouvoir. Il a déjà son plan de gouvernement ; les partis ne doivent pas être écrasés, mais contenus ; on organisera une opposition raisonnable et constitutionnelle, on laissera au roi une popularité qu'on lui enlève en le séparant de la nation, en le faisant considérer comme un adversaire[135], et, comme s'il prenait ses précautions en vue d'un rappel prochain au ministère, il choisit déjà l'axe de son gouvernement, vent être l'homme des centres, en garde contre les deux oppositions, libérale et ultra-royaliste. Si Decazes, qui en ce moment triomphe des ultras, ne cède pas, Fouché entend avoir une autre corde à son arc ; il veut profiter de l'irritation exaspérée des amis de Vitrolles et de Villèle, s'abouche avec eux, reprend le rêve insensé de rentrer en France, d'arriver au pouvoir une seconde fois sous leur patronage ; la nouvelle gouvernante des enfants d'Otrante, une demoiselle Biénassis, sert d'agent, apporte, remporte des lettres cousues dans ses vêtements. Vitrolles et ses amis de l'extrême droite admettent un instant l'idée de ce concours[136]. Mais l'infatigable intrigant a aussi des intelligences avec l'autre parti ; il reste en relations discrètes, mais étroites, avec Manuel, rentré récemment au Palais-Bourbon, où il est vite devenu un des leaders de l'extrême gauche ; s'il n'a pas sur lui de vues politiques, pourquoi choisit-il le moment où l'illustre orateur reparaît sur la scène, pour lui faire un riche cadeau, faible témoignage de sa satisfaction ?[137] Ses rapports avec l'opposition de gauche paraissent assez évidents pour qu'on l'implique dans une conspiration républicaine avec Carnot-Feulins, arrêté à cette époque sous l'inculpation de ce pseudo-complot[138]. Enfin, il adresse des lettres à tous les ministres : à Richelieu, qui reste, après sa récente retraite, le chef de la droite modérée[139] ; à Dessoles, le nouveau président du cabinet dont Decazes est le véritable chef[140] ; à Molé, ministre influent aussi, sous prétexte d'invoquer son témoignage sur les événements de juillet 1815[141]. Royalistes ultras de Vitrolles, royalistes modérés de Richelieu, politiques du centre marchant sous Decazes et Molé, libéraux de la gauche attentifs à la parole de Manuel, opposants et ministres, il veut se faire bien venir de tous. Mais il ne s'arrête pas là, rentre à la même époque en relation avec Jérôme Bonaparte[142]. C'est tout prévoir, tout, excepté la défiance désormais incurable de tous envers l'éternel Protée. Il n'y veut pas croire, pressentant un changement dans sa destinée qui pourrait bien se moquer de ses ennemis, car elle se moque de tout le monde[143].

C'était donc avec l'idée d'en faire la dernière étape de son exil, que le duc d'Otrante s'installait à Linz. Les heures sombres de Prague semblaient déjà loin. Sa satisfaction se faisait jour par un désir inusité de luxe et d'éclat. On mène grand train chez lui : on y reçoit, on y dine, on y danse. L'effet parut immédiat, l'aristocratie de Linz s'humanisa plus que celle de Prague. Le duc, après tout, était riche, généreux, aimable, spirituel, sa femme bien née, charmante, sa fille jolie et fine, ses fils bien élevés, de bonne société : c'était pour une ville de province une bonne fortune. On se disait déjà qu'il se préparait à jouer un nouveau rôle en France. Par contre, l'ambassadeur français ayant paru s'étonner de l'empressement avec lequel les fonctionnaires impériaux avaient naguère, à Prague, accueilli le ministre disgracié, ceux de Linz reçurent, ainsi que les officiers, la consigne de se tenir sur une grande réserve. L'attitude du monde officiel parut si froide que le premier élan de la société locale en fut arrêté. La déception fut grande pour la jeune duchesse, aspirant à voir des personnes nées[144].

Quant au duc, il semblait désormais insensible à l'hostilité de la petite ville ; il était en pleins rêves, se croyait assuré de rentrer sous peu en France, faisait déjà ses conditions : Je ne refuserais pas d'aller à Ferrières, écrivait-il, cultiver mon jardin, si j'étais assuré qu'on n'y jetât pas de trop grosses pierres[145]. Il rêvait mieux encore ; Seldnitsky écrivait à Metternich que le duc songeait à son retour aux affaires, soit sous les Bourbons, soit sous un autre régime[146]. Gaillard cependant, ne partageant pas les illusions de son vieil ami, l'engageait à prendre encore son exil en patience, car il n'obtenait pour lui des Tuileries que l'autorisation de résider à Londres ou à Bruxelles ; mais, dans l'état d'esprit où se trouvait Fouché, cette permission lui paraissait déjà un acheminement vers une mesure plus libérale encore[147]. Le ministère Dessoles-Decazes avait déclaré la guerre aux ultras : il en espérait beaucoup. Le célèbre Jamais du comte de Serre coupa court à tant d'espérances[148].

La fameuse scène dont la Chambre fut le théâtre le 17 mai 1819 fut connue, quelques jours après, à Linz par le Journal de Francfort[149] ; la déclaration catégorique et tranchante de ce garde des sceaux, un modéré, un libéral qui jadis avait- combattu la loi d'ostracisme, rejetant maintenant les régicides en un éternel exil, atteignait Fouché plus que personne, car nul n'avait espéré plus que lui. On allait rappeler quelques conventionnels proscrits : le nom de Fouché ne devait pas être prononcé. Il ne le sera plus dans les Chambres françaises que lors de la discussion de l'élection Grégoire. B. Constant devait soutenir alors devant la Chambre que l'expulsion de Grégoire comme régicide serait un acte de blâme contre le roi qui avait, après les Cent-Jours, appelé Fouché au conseil[150]. Mais dans le débat qui suivit, il y eut plus que des injures, plus que des menaces, plus que des colères, il y eut une froide indifférence ; on parlait de Fouché comme d'un mort, quelque personnage politique depuis longtemps enterré et presque oublié. Mais il avait prévu tout cela, le jour où fut connu le mot de de Serre qui le murait dans la tombe. Très sombre, il s'enferma tout un jour dans une solitude dont il ne sortit que pour exhaler sa colère en propos violents, ce qui n'était pas clans ses habitudes[151]. Il n'était pas calmé une semaine après : J'ai reçu des soufflets de tous les partis à tort et à travers, écrivait-il amèrement à Gaillard le 30 mai ; vos ministres ont voulu avoir leur tour[152]. Du coup, son optimisme tombait ; les petites taquineries de l'administration autrichienne, qu'il avait d'abord dédaignées, l'exaspéraient maintenant ; Linz, sans ressources d'éducation, offrait à ses enfants un séjour sans agrément ni utilité. Il ne voulait pas s'y laisser murer. Éternel errant, il avait résolu de quitter cette ville où il était arrivé encore plein de confiance et d'espoir. L'Autriche lui était devenue odieuse ; en vain il avait essayé d'interpréter favorablement les égards, parfois bien parcimonieux de Metternich, de se faire illusion sur ses sentiments, de se montrer reconnaissant des rares faveurs qu'on lui octroyait, à chié de mille refus. Il avait demandé à se rendre à Munich, ne réclamant des souverains alliés que cette preuve de leur reconnaissance pour des services que, malheureusement, il était le seul à juger immenses. Metternich, toujours double, accorda [autorisation, mais la fit refuser par le roi de Bavière. Le 12 avril 18 19, le prince Eugène, choisi comme intermédiaire, avait transmis au duc d'Otrante le formel refus de son beau-père. La Sainte-Alliance, fort défiante, jugeait dangereux ce rapprochement de Fouché avec la reine Hortense, établie ù Augsbourg, et surtout avec le Beauharnais, qu'un certain parti s'acharnait à considérer comme un prétendant à l'Empire. Ces raisons, qui faisaient lever les épaules à Fouché, parurent cependant assez fortes pour que le cabinet de Paris s'unit à celui de Vienne pour faire échouer ce projet d'exode[153]. La duplicité de Metternich apparaissait clairement ; mais ce qui exaspérait le duc, c'était l'attitude des ministres français. Ne vous moquez pas de moi, je vous prie, écrivait-il à Gaillard, le 13 juin, et il se plaignait que de Paris, d'où M. de Serre le bannissait, on lui envoyât l'autorisation d'aller où bon lui semblait, en faisant, sous main, obstacle à ses projets d'établissement[154]. Il songeait maintenant à Bruxelles, priait Gaillard de s'y enquérir d'un hôtel à acheter, d'y faire transporter les meubles de Ferrières[155] ; mais la présence eu Belgique de nombreux proscrits du 24 juillet rendait au proscripteur ce séjour impossible. Il y renonça, sembla résigné à rester l'hôte de l'Autriche. Mais sa santé était atteinte, exigeait un autre climat, et puisque Metternich lui fermait l'Italie, il demandait maintenant licence d'habiter Trieste[156]. Metternich autorisa ce nouvel exode ; il parut même disposé à entretenir, à Vienne, le vieil homme d'État ; prompt à l'espérance, celui-ci voulait aussi y voir le comte de Gentz, sur lequel il fondait quelques projets[157]. Mais l'empressement même qu'il montrait à accepter le rendez-vous sembla mettre Metternich en garde. La préparation du congrès de Carlsbad amenant à Vienne beaucoup d'hommes d'État, on répandait déjà le bruit que Fouché avait conféré avec Canning, Richelieu, etc.[158] Brusquement, le chancelier retira l'autorisation de venir à Vienne[159]. Le duc d'Otrante en fut profondément déçu, froissé. Le sort d'un exilé, écrit-il[160], est d'être un objet de contagion pour tout ce qui l'approche. C'est sur cette pensée amère qu'il partit pour Trieste ; il allait rentrer, en exilé proscrit et malheureux, persécuté, ulcéré et malade, clans cette belle ville qui l'avait reçu en souverain, au bruit des cloches et des fanfares, six ans auparavant[161]. C'était une amère pensée.

Cette superbe Trieste, avec sa mer bleue, son soleil, son ciel d'azur, l'animation de ses rues, la beauté de son site, apparaît comme l'avant-garde en terre allemande de la radieuse Italie. Dernière étape de cette aventureuse existence, elle allait donner au proscrit son dernier rayon de soleil et cette pais sereine qui, jusque-là, était restée étrangère à cet esprit actif, agité et surmené. Il y trouvait une société aimable de gens connus jadis qui, à sa vive gratitude et peut-être à son grand étonnement, parurent disposés à l'accueillir avec amitié. Près de la ville résidaient le roi de Westphalie, le joyeux Jérôme Bonaparte, el sa femme, la charmante et bonne Catherine de Wurtemberg ; voisine aussi, cette vieille amie des bons et mauvais jours, la princesse Elisa, maintenant comtesse de Compignano[162]. Le frère et la sœur de Napoléon devaient beaucoup au duc d'Otrante ; ils ne parurent pas lui tenir rigueur de ce que les Mare et les Savary, plus bonapartistes que les Bonaparte, appelaient sa dernière trahison. Avant de se rendre à Trieste, le duc d'Otrante avait pris la précaution de se justifier, aux veux du roi Jérôme, de toutes les accusations dont le chargeait le duc de Bassano. L'entourage des princes exilés parut se réjouir fort de l'arrivée de la famille d'Otrante. Une jeune duchesse, un vieux personnage politique viendront fort à notre soulagement, écrivait l'aide de camp de Jérôme, le colonel Planat de la Faye. On sera plus souvent chez eux qu'à Campo Marzo2[163]. Déjà le consul de France fronçait les sourcils : les relations des princes avec Fouché allaient-elles rester dans les limites de l'amitié privée ? L'éternel intrigant n'allait-il pas en concevoir de nouvelles espérances, bâtir là-dessus de nouvelles combinaisons politiques ? La police de Decazes s'inquiétait[164].

Elle avait tort ; le vieil homme d'État était brisé. Trop d'allées et venues, trop d'agitations, d'intrigues, de projets, trop d'échecs et de déceptions avaient fatigué cette ante, jadis inaccessible au découragement, ce corps, toujours maladif et surmené par une vie intense depuis trente ans. Une immense lassitude, qui cette fois n'était pas feinte, s'était emparée du tenace lutteur politique. Il considérait avec mélancolie ses  cheveux tout blancs[165], et c'était sincèrement qu'il écrivait au prince Eugène : Je suis désormais d'un âge à me faire ermite, du moins à songer sérieusement à me ménager quelque crédit dans l'autre monde[166]. À lire cette phrase édifiante, le Beauharnais pouvait penser que, suivant le mot spirituel appliqué plus tard à Talleyrand, le souple politicien s'apprêtait à jouer le diable après les autres. C'était une belle partie. Peut-être songeait-il parfois au séminaire de la rue Saint-Honoré ; dès 1816, il faisait de fréquents retours, empreints d'une mélancolique reconnaissance, sur ses sentiments pieux à l'Oratoire de Jésus[167], et les réminiscences religieuses lui revenaient abondamment en 1819. On le vit à San Giusto.

Dans tous les cas, tout retour religieux mis à part, nulle vie plus édifiante, plus patriarcale. Je n'ai d'autre plaisir dans la vie, écrivait-il en novembre 1819[168], que de la rendre douce à ma femme et à mes enfants. La lecture du journal, quelques promenades solitaires dans les admirables environs de la grande ville, quelques visites aux princes Bonaparte, et parfois le théâtre, la musique qu'il aimait passionnément, des causeries avec ses enfants, la vie de foyer, telle était l'existence de cet homme, qu'on voyait, avec curiosité, circuler à travers les rues, vêtu simplement, chaussé de gros souliers, causant avec tous de façon familière et bourgeoise[169]. Du reste, l'esprit lucide jusqu'au bout, il continuait à administrer son immense fortune avec une parfaite sagacité[170], et à suivre de loin les événements politiques. Sans doute, il observe avec une grande sympathie la lutte que soutient vaillamment, contre le ministère de Villèle, le parti libéral ; il applaudit aux discours éloquents, audacieux, de son jeune ami Manuel[171], celui, qui tout à l'heure, va, en des circonstances à jamais mémorables, venger la Convention et la justifier du régicide ; il se réjouit du réveil de l'Espagne, revenu aux enthousiasmes de 1792[172] ; il se laisse entraîner à donner platoniquement des conseils, à recommander aux gouvernements de régulariser plutôt que d'étouffer la Révolution, ce qui est impossible : il déplore l'assassinat du duc de Berry, qui va servir de prétexte à une nouvelle réaction, en en faisant, du reste, retomber la responsabilité sur les ultras, qui ont, dit-il amèrement, laissé franchir toutes les bornes ; il suit les congrès tout voisins de Vienne et de Laybach ; mais il ne parait maintenant s'intéresser aux choses de la politique que comme un vieux capitaine, résigné à la retraite. Guizot, Casimir Périer, Decazes, Manuel, Villèle, Molé, de Broglie, ce sont des jeunes gens, une autre génération qui se bat, en oubliant ce vieux politicien de la Révolution et de l'Empire ; il ne s'en facile pas. Parfois encore un retour mélancolique : Quand j'étais ministre de la Police..., si j'étais le ministre[173]. Mais il entend ne parler qu'histoire, souvenirs lointains ; il intéresse alors ses auditeurs, les séduit ; les princes finissent par l'aimer beaucoup, quoiqu'on ait essayé de les brouiller avec lui, en répandant le bruit qu'il les espionnait pour le compte de Louis XVIII[174]. C'est un excellent et digne homme, écrit la reine Catherine[175]. L'intimité parait grande entre eux, dans l'été de 1820 ; de la villa Vicentina où réside Élisa, du Campo Marzo où le roi et la reine de Westphalie reçoivent familièrement Fouché, c'est avec le palais Vico, où demeure l'ancien ministre[176], un échange de plaisanteries, de bons mots, de taquineries gracieuses ; Élisa lutine le duc d'Otrante sur le grand amour qu'il a pour elle[177] ; il en rit, crible d'aimables lazzi le jeune ménage du Campo Marzo, goguenarde au sujet de leurs amours, devenu sur le tard gaulois, grivois et galantin. Ces bonnes relations s'étendent à d'autres princes de la maison impériale. Le 12 août, la veuve de Murat lui écrit de Frohsdorf pour lui témoigner sa reconnaissance du bien qu'il a voulu faire à celui qu'elle pleurait... Croyez, disait l'ex-reine de Naples[178], que nous en garderons continuellement le souvenir, et qu'il me sera doux, dans quelque position que le sort nous place, de nous rappeler votre généreuse conduite avec le roi. C'était au moins une voix qui s'élevait d'entre les morts, celle du vaillant soldat tombé au Pizzo, pour bénir, en ses derniers jours, le vieil homme d'État que tant de gens honnissaient. Ce devait être une grande consolation pour Fouché, car l'ingratitude générale l'ulcérait.

Tout cela créait autour de lui une atmosphère de bien-être, dans laquelle cet homme, jadis toujours contracté, tendu pour la lutte, l'intrigue, la discussion, se délassait avec délices ; il se trouvait bien à Trieste, où l'hiver était doux, le soleil vivifiant[179], où l'été très chaud était tempéré par les bains de mer[180], si bien qu'il parle cette fois sincèrement d'acheter le palais Vico, de faire entrer son fils aîné druis une banque de Vienne, son second dans l'armée impériale, le troisième dans l'administration. Car il les veut occupés. C'était sa joie et son orgueil, ces enfants qu'il avait si constamment suivis, élevés, gardés, aimés ; il observe, d'un œil de tendre félicité, les progrès de ses fils, vantant la candeur du comte Armand en même temps que sa belle taille, la rare intelligence d'Athanase, son jugement net, son goût parfait, l'esprit délicat et le charme de sa fille. Il a plaisir a les voir recherchés et aimés de la société de Trieste (4)[181]. Et comme sa femme est bonne, charmante, qu'il a de bons amis et un beau ciel, il se proclame aussi heureux qu'on peut l'être hors de son pays et loin de ses amis.

L'heure du repos semblait donc avoir sonné pour cet homme agité ; il avait alors soixante et un ans ; pouvait-il espérer, même en cas de révolution, reparaître sur la scène, et la monarchie de juillet 1830 eût-elle été rechercher pour son service, comme elle le fil pour La Fayette, Savary, Maret et Talleyrand, cet autre revenant septuagénaire qui avait tin instant, en 1813, rêvé d'être le ministre de Louis-Philippe d'Orléans ? La question ne se posa pas. Fouché allait mourir.

Sa santé avait toujours été précaire ; dès le collège, on s'en souvient, il avait dû à sa complexion délicate de ne pas s'engager dans le rude métier de la nier ; c'était miracle que ce grand homme, maigre, décharné, toujours secoué d'une toux nerveuse, eût parcouru une si longue et si laborieuse carrière. Son énergie surhumaine, sa volonté d'arriver et de se maintenir, une nature nerveuse, tout entière tendue vers la lutte, l'avaient soutenu jusqu'à l'année précédente ; niais pour ces tempéraments le repos est mortel. Le jour où, devant les déclarations de de Serre, Fouché avait dû renoncer au pouvoir, à la vie publique, à la patrie, il avait soudain vieilli, s'était abattu et cassé ; c'était à soixante ans un vieillard de quatre-vingts, usé, à bout de forces. S'il respirait avec délices l'air embaumé et vivifiant de la charmante ville, c'est qu'il en sentait un besoin immense, cette soif inextinguible, instinct de malade qui ne trompe guère. L'hiver de 1820 était arrivé, plus froid que le précédent, neigeux et mauvais. Le 13 décembre, en rentrant d'une de ces promenades solitaires qu'il faisait depuis un an, en tête à tête sans doute avec d'inoubliables souvenirs et d'étranges pensées, il se sentit atteint d'un mal aigu à la poitrine et s'alita[182].

En quelques heures, la pleurésie se déclara, ne laissa bientôt plus d'espoir. Son fils ainé, le comte Athanase, était à Vienne ; il fut mandé en toute hôte[183].

La tristesse fut générale dans la petite colonie d'exilés français. Le colonel Planat de la Faye, qui jadis avait accablé de sa rancune et de son mépris le ministre, traître à l'Empire, l'alla cependant visiter, étrange entrevue de ce fanatique soldat de Napoléon et de l'ancien ministre mourant. ‘c Je fus le voir hier, écrivait le colonel le 19 décembre, et malgré ses trahisons, malgré sa mauvaise conduite envers nous,... je n'ai pu m'empêcher d'être ému et même attendri en le voyant. Sa position actuelle et le rôle important qu'il a joué, ce nom si fameux et ce corps décharné qui dans quelques jours ne sera qu'un cadavre, tout cela m'a remué et m'a rempli l'âme de tristesse. Lorsque le colonel se leva, le duc lui prit les mains, le remerciant en termes affectueux d'être venu. Je suis si heureux, dit-il, de voir encore un bon Français ! Le vaillant soldat, très ému, se retira sans mot dire ; mais en descendant l'escalier du palais Vico, sa surprise fut grande de se sentir des larmes ; il pleurait Fouché[184] !

Dés le 20 décembre, le duc ne parlait plus qu'avec une extrême difficulté. Ce fut le roi Jérôme qui, ce jour-là, vint saluer le mourant. En la personne de ce Bonaparte, il semblait que c'était l'homme à ce moment agonisant à Sainte-Hélène qui venait pardonner. Peut-être les vieux conventionnels eussent-ils eu le pardon moins facile pour ce proconsul de 93 qui avait aidé Napoléon à se bâtir un trône et Louis XVIII à s'y rasseoir. Quelques mois avant, avait expiré, sur la terre d'exil, l'ex-confrère de Fouché à l'Oratoire, son ancien collègue de la Convention, le rectiligne Billaud-Varennes, inébranlable dans ses haines, ses principes et ses souvenirs. J'entends la voix de la postérité, s'était, à son heure dernière, écrié ce régicide, qui m'accuse d'avoir trop ménagé le sang des tyrans. Fouché mourait plus bourgeoisement ; c'était une autre race de conventionnel.

Le comte Athanase arriva le 25, le duc agonisait. La veille, il avait fait signe à son second fils d'ouvrir son secrétaire, d'en tirer les papiers et de les brûler. Qu'étaient-ce que ces papiers, lettres, notes, mémoires ou pièces enlevées au ministère ? C'était, dans tous les cas, évidemment, des épaves compromettantes pour lui et les autres de son formidable passé. On en fit un grand feu[185], et, avec la fumée de ces papiers, la chambre devait s'emplir pour le mourant, de fantômes sinistres : Louis XVI, Vergniaud, Condorcet, Chaumette, Danton, Couthon, Robespierre, Collot, disparus dans la tourmente, les milliers de Lyonnais mutilés, broyés, fauchés par la mitraille, Joubert, Brune, Moreau, Murat, le monde de la Révolution et le inonde de l'Empire écroulés, rien ne-survit ; Napoléon se meurt à Sainte-Hélène, Billaud vient de mourir à Cayenne. L'homme qui a été des bancs de la Convention aux conseils de Napoléon ne survit pas à cette universelle hécatombe, plus heureux peut-être que, ceux qui continuent à errer au hasard, à travers l'Europe, au gré des gouvernants, comme volent, au gré du vent, dans le foyer de cette chambre, les derniers lambeaux noircis des liasses supprimées.

Le 20 décembre 1820, à cinq heures du matin, Joseph Fouché, qui avait, dit-on, reçu les derniers sacrements de l'Église catholique, expirait entre les bras des siens[186].

Le 28, par une effroyable tempête de neige, la dépouille du duc d'Otrante s'achemina vers ce qu'on croyait devoir être sa dernière demeure. Au cours de ce trajet, la tourmente fut telle qu'elle renversa le char funèbre où le cercueil était déposé. Il semblait que la nature elle-même refusât le dernier repos à l'homme qui avait jadis, perpétuellement ballotté et agité, bravé tant d'orages et traversé tant de tempêtes[187].

Dans l'église San Giusto, la basilique byzantine qui domine la vieille ville, de solennelles obsèques furent célébrées[188], et ce fut devant le parvis, sur cette terrasse ombragée, d'où la vue s'étend sur l'immense mer bleue, que fut descendu en un caveau, ensuite scellé de plomb, le corps de Joseph Fouché (de Nantes), ancien confrère de l'Oratoire de Jésus, ancien principal du collège de Nantes, ancien représentant du peuple à la Convention nationale, ancien commissaire de la République dans les départements, ancien ambassadeur de France à Milan et la Haye, ancien ministre de la Police de la République, de l'Empire et de la Monarchie, ancien gouverneur général de Rome et de l'Illyrie, ancien député, ancien sénateur, ancien pair de France, grand aigle de la Légion d'honneur, comte de l'Empire et duc d'Otrante. C'est là que devait reposer soixante-cinq ans la dépouille de l'homme d'État ; en juin 1875, le duc d'Otrante, son petit-fils, fit transporter en France les restes de son aïeul[189].

Sa famille, impatiente surtout de rentrer en France, annonçait assez froidement à Gaillard le malheur qui la frappait[190]. Mais à la même époque, la reine Catherine écrivait à son beau-frère, le roi Joseph : Vous êtes sans doute instruit du décès du duc d'Otrante. Comme il a passé la dernière année de sa vie parmi nous, je veux vous en dire un mot. Proscrit, par conséquent malheureux, nous l'avons accueilli et admis dans notre société habituelle ; il nous a laissé des regrets ; comme homme privé, il était impossible d'apporter plus d'amabilité et un commerce plus sûr dans les relations de société. Aussi, depuis la mort du duc d'Otrante, sommes-nous retombés dans la solitude la plus complète[191]. Ainsi le dernier regret jeté sur le cercueil de l'homme de 1815 l'était par une Bonaparte, belle-sœur du grand empereur ; la dernière pensée qu'on accordait au conventionnel régicide venait d'une reine, fille et sœur de rois légitimes.

Un pareil exemple suffirait peut-être à inspirer à la postérité un peu d'indulgence pour l'homme qu'on jugeait ainsi, après l'avoir si intimement connu. Peut-être la charmante princesse eût-elle contresigné le jugement de Nodier, connaisseur en hommes et qui avait beaucoup étudié sur le vif le caractère de Fouché, sans avoir jamais été complètement son ami : Je conviendrai de beaucoup de choses, avant de convenir que Fouché a été bien jugé. L'histoire et Dieu le jugeront[192]. Lui aussi comptait sur la postérité : Ma vie politique est terminée et mon ambition est satisfaite, puisque j'ai acquis parmi les Français une considération qui suivra mon nom et ma personne en tous lieux. La justice et la postérité décideront si, dans les maux qui ont accablé ma patrie, tous les partis ont eu une part égale, et quel est celui qui y a le plus contribué[193].

La postérité, jusqu'ici du moins, le jugea sévèrement, peut-être sans bien le connaitre. Elle troubla dans sa tombe l'homme qui, étrange ironie, avait voulu qu'on inscrivit au fronton des cimetières : La mort est un sommeil éternel. Elle fut injuste ; de grands crimes avaient été commis, mais des actes de réparation étaient venus, en partie, les compenser et les couvrir. Sous le Consulat, sous l'Empire, il avait rendu de grands services tantôt à l'ordre, tantôt à la liberté, toujours à la patrie ; il avait sauvé des vies, s'était souvent montré bienveillant et obligeant, et non sans mérite, car il ne croyait pas à la reconnaissance. Et quant à la dernière partie de sa vie, plus d'un contemporain la jugeait favorablement. Pontécoulant, si hostile à Fouché, lui rendait sur ce point un hommage d'autant plus éclatant : L'histoire plus impartiale et plus juste, écrivait l'ancien conventionnel girondin[194], sans approuver tous les moyens qu'il employa pour atteindre son but, dira qu'en facilitant le retour des Bourbons et en évitant l'effusion inutile d'un sang précieux pour la patrie, il rendit à la France et à l'humanité le service d'un bon citoyen, et peut-être verra-t-elle dans ces avertissements qu'il ne cessa d'adresser au roi Louis XVIII, après sa rentrée dans Paris et pendant toute la durée de son court ministère, pour lui recommander la clémence, l'oubli du passé, l'abandon de tout projet de vengeance, une ample expiation de ces arrêts sanguinaires, que l'ancien conventionnel, dans ses missions dans les départements de la Nièvre et du Rhône, avait jadis revêtus de sa terrible signature.

Nous avons dit ailleurs comment, insensible à ces appels, l'histoire lui fut cruelle. La postérité se vengeait inconsciemment ainsi de sa propre sottise. Car, depuis un siècle, chaque génération vit et fit ses Fouché, travailla à leur grandeur et à leur fortune aux dépens de la tranquillité et de la prospérité de la patrie. Quinze émeutes, trois guerres civiles, quatre coups d'État, des milliers d'échafauds dressés, plus de cent combats, des millions d'hommes tués loin de leur pays, un roi descendant de saint Louis et de Henri IV exécuté, un tout-puissant empereur renversé, relevé et réabattu, vingt-cinq ans de troubles, de guerres et d'invasions, voilà ce qu'il avait fallu pour que le modeste professeur de l'Oratoire devint duc d'Otrante, vingt fois millionnaire et ministre du Roi Très-Chrétien. Dans des proportions moins grandioses, l'aventure se répéta sans cesse en ce siècle. Faut-il en faire tomber la réprobation sur la finesse du politicien intelligent qui en a profité ou sur la sottise des hommes qui travaillèrent à sa fortune ? Il était né médiocrement honnête, d'un esprit trop avisé pour un sens moral trop faible ; une crise sans précédent, qui soudain mit à l'épreuve des consciences plus probes et les fit dévier, vint tirer ce modeste professeur ecclésiastique de sa classe et de son laboratoire, en fit un politicien sans foi, un ambitieux sans frein, un intrigant sans vergogne ; reconnaissons cependant qu'elle en fit aussi un homme d'État, parfois éclairé pour le bien de son pays et de ses idées, à qui il ne manqua jamais qu'une qualité : le désintéressement. Cette absence d'altruisme permit même à ceux qu'il avait obligés de ne pas reconnaitre ses services, et à la postérité de lui dénier cette qualité d'homme d'État que Napoléon ne lui contesta pas toujours. Pour beaucoup, grâce à cette ambition par trop personnelle, Fouché reste simplement, et restera toujours, un intrigant de génie, le modèle des politiciens du siècle qui suivit, et le plus grand de tous.

 

FIN DU SECOND ET DERNIER VOLUME

 

 

 



[1] Il ne faut pas oublier que Jay et Manuel, ses deux créatures, restaient à la tête des deux organes les plus importants du parti patriote.

[2] DAUDET, le Duc Decazes, p. 88.

[3] Lettres de créance du duc d'Otrante, 20 septembre 1815 (Papiers confiés à Gaillard).

[4] Le duc d'Otrante au duc de Richelieu, 8 octobre 1815 (Arch. Aff. étr., Saxe, 85, 14).

[5] Le duc d'Otrante au duc de Richelieu, 16 octobre (Arch. Aff. étr., Saxe, 85, 17).

[6] Le duc d'Otrante au duc de Richelieu, 30 octobre (Arch. Aff. étr., Saxe, 85, 18).

[7] Le duc d'Otrante au duc de Richelieu, 12 novembre (Arch. Aff. étr., Saxe, 85, 19).

[8] Le Conservateur impartial, 22, 28 octobre.

[9] Le duc d'Otrante au duc de Richelieu, 8 octobre 1815 (Arch. Aff. étr., Saxe, 85, 14).

[10] Le duc d'Otrante au duc de Richelieu, 15 octobre 1815 (Arch. Aff. étr., Saxe, 85, 16).

[11] Instructions au duc d'Otrante, décembre 1815 (Arch. Aff. étr. ; Mém. et documents, Saxe, 4).

[12] Le duc d'Otrante au duc de Richelieu, 3 décembre 1815 (Arch. Aff. étr., Saxe, 85, 20).

[13] Macédoine révolutionnaire et autres pamphlets.

[14] DE VILLÈLE, 2 décembre 1815, I, 388.

[15] DE VILLÈLE, 2 décembre 1815, I, 388.

[16] DE VILLÈLE, 2 décembre 1815, I, 388.

[17] POZZO DI BORGO, 15 décembre, I, 250. Le duc d'Otrante à Mme de Custine, 24 janvier 1816. BARDOUX.

[18] Le duc d'Otrante au duc de Richelieu.

[19] POZZO DI BORGO, 15 décembre 1815, I, 250.

[20] POZZO DI BORGO, 30 décembre 1815, I, 270.

[21] Le duc d'Otrante au duc de Richelieu, 24 décembre 1816 (Minute. Papiers confiés à Gaillard).

[22] POZZO DI BORGO, 15 décembre 1815, I, 250.

[23] Allusion aux projets qu'on avait prêtés à Fouché en septembre 1815, relatifs au duc d'Orléans.

[24] Séances de la Chambres de décembre 1815, des 2, 3, 4 et 5 janvier 1816. Moniteur, décembre 1815, janvier 1816.

[25] SERIEYS, Fouché de Nantes, 1816.

[26] Séance du 5 janvier, Moniteur du 6 janvier 1815.

[27] Le duc de Richelieu au tsar Alexandre, janvier 1616. Recueil de la Société historique russe, LIV , 440.

[28] Ordre de rappel du duc d'Otrante expédié à Dresde le 10 par M. Fabri, 4 janvier (Arch. Aff. étr. Saxe. 85, 21).

[29] Lettres de récréance, 4 janvier (Papiers Gaillard).

[30] Conservateur impartial, 20, 28 janvier 1816.

[31] Frédéric-Auguste à Louis XVIII, 2 janvier 1815 (Papiers confiés à Gaillard).

[32] Le duc d'Otrante à Gaillard, 27 juin 1816 (Papiers inédits de Gaillard).

[33] Le comte Dillon au duc de Richelieu, 2 août 1816 (Arch. Aff. étr. Saxe, 85, 36), dit que le duc d'Otrante avait été, pour berner le comte Einsiedel, jusqu'aux actes d'un misérable charlatanisme, et les cite.

[34] Le duc d'Otrante à Gaillard, s. d. (printemps de 1816) Papiers inédits de Gaillard.

[35] Notice des Zeitgenossen, 110, 112.

[36] Le duc d'Otrante à Gaillard, s. d. (printemps de 1816) (Papiers inédits de Gaillard).

[37] Le duc d'Otrante à Gaillard, 3 mars 1816 (Papiers inédits de Gaillard).

[38] Le duc d'Otrante à Gaillard, s. d. (printemps de 1816) (Papiers inédits de Gaillard).

[39] Lettre du duc d'Otrante au duc de ***, 1816.

[40] Le duc d'Otrante au prince de Metternich, 1er mars 1816 (Minute. Papiers confiés à Gaillard).

[41] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, juillet 1816. (Gracieusement communiquée par M. Eugène Charavay.)

[42] Mlle Ribou, institutrice des enfants d'Otrante, à Mme Thibaudeau, 9 avril 1816. (Gracieusement communiquée par M. Eugène Charavay.)

[43] Le duc d'Otrante à Gaillard, 29 mars 1816 (Papiers inédits de Gaillard).

[44] Le duc d'Otrante à Gaillard, 30 mars 1816 (Papiers inédits de Gaillard).

[45] Le duc d'Otrante à Gaillard, 18 avril 1816 (Papiers inédits de Gaillard).

[46] Le duc d'Otrante à Gaillard, 5 mai (Papiers inédits de Gaillard).

[47] Le duc d'Otrante à Gaillard, 27 juin (Papiers inédits de Gaillard).

[48] Le duc d'Otrante à Gaillard, 16 juin 1816 (Papiers inédits de Gaillard).

[49] Le Conservateur impartial, 3 février 1816.

[50] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, 11 avril 1816 (gracieusement communiquée par MM. Charavay).

[51] Le duc d'Otrante à Mme de Custine, 29 février 1816 (BARDOUX, 274).

[52] Fouché à Metternich, 10 juin 1816 (Arch. de Vienne). WERTHEIMER, die Verbannten des ersten Kaiserreichs, p. 198.

[53] Le comte de Dillon au duc de Richelieu, 2 août 1816 (Arch. Aff. étr., Saxe, 85, 36).

[54] Le duc d'Otrante à Gaillard, 14 juin 1816 (Papiers inédits de Gaillard).

[55] Cf. WERTHEIMER, die Verbannten des ersten Kaiserreichs, passim.

Je dois beaucoup, en ce qui concerne ce dernier chapitre, à l'excellent livre de M. Wertheimer et plus encore peut-être à son auteur lui-même, qui a bien voulu se charger de faire copier pour moi aux Archives de Vienne in extenso nombre de pièces dont il n'avait donne dans son curieux livre que de courts extraits.

[56] Le prince de Metternich au duc d'Otrante, 17 avril 1816.

[57] De Caraman au duc de Richelieu, 10 juillet 1816 (Arch. Aff. étr., Vienne, 397).

[58] Le duc d'Otrante à Metternich, 10 juin 1816 (Arch. Vienne). WERTHEIMER, 198.

[59] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, 8 juillet 1816 (source Charavay).

[60] Le duc d'Otrante à Metternich, déjà citée.

[61] Le duc d'Otrante à Gaillard, 17 juillet 1816.

[62] Le duc d'Otrante à Gaillard, 18 avril, 29 mai, juillet, etc. (Papiers inédits de Gaillard).

[63] De Caraman au duc de Richelieu, 7 août 1816 (Arch. Aff. étr., Vienne, 397).

[64] Le duc d'Otrante à Metternich, 30 septembre 1816 (Papiers inédits de Gaillard).

[65] Le duc d'Otrante au comte de Fleaux, 30 novembre 1816 (Arch. de Vienne). Gracieusement communiquée par M. Wertheimer.

[66] Mlle Ribou à Gaillard, 11 septembre 1816 (Papiers inédits de Gaillard).

[67] Le comte de Dillon au duc de Richelieu, 13 novembre 1816 (Arch. Aff. étr., 85, 58).

[68] Elle était, du reste, auparavant ouverte et recopiée dans le cabinet de Metternich. C'est grâce à ce fait que nous avons de cette curieuse correspondance une double édition : les originaux qu'on retrouve dans les Papiers de Gaillard en ce moment entre les mains du savant collectionneur napoléonien le baron Lumbroso, à Rome, et les copies conservées aux Archives du ministre de l'Intérieur, à Vienne. M. WERTHEIMER a bien voulu nous faire copier celles qui manquaient à la série des originaux.

[69] Le comte de Dillon à Richelieu, 13 novembre, déjà citée.

[70] Le roi s'y appelle M. Duport ou un malade ; la duchesse d'Angoulême, Mme Marcel ou une garde-malade ; le duc de Berry, Nicolas ; le comte d'Artois, Poitiers ; le duc d'Orléans, M. Pupille ; Napoléon, le Marin ; l'empereur de Russie, Paul ; Richelieu, le Doux ; Decazes, un écolier ou M. Duval ; Jay, le Gascon ; Wellington, ma bonne amie ; le prince de Metternich, un notaire, etc., etc.

[71] Decazes à Metternich, 8 octobre 1816 (Arch. de Vienne), copiée à Vienne par les soins de M. le professeur Wertheimer.

[72] Decazes à Metternich, 8 septembre 1816 (Arch. de Vienne).

[73] Le comte Kolovrat au comte Seldnitsky, 6 décembre 1816 (WERTHEIMER, 200).

[74] Le duc d'Otrante au comte de Fleaux (Arch. du ministère de l'Intérieur de Vienne), copiée par les soins de M. Wertheimer.

[75] Le comte Kolovrat au comte Seldnitsky, 6 décembre 1816 (WERTHEIMER, 200).

[76] CHATEAUBRIAND, De la monarchie suivant la Charte, 2e partie, p. 105 et suivantes.

[77] Le duc d'Otrante à Metternich, 29 décembre 1816 (Minute. Papiers confiés à Gaillard et copie Arch. de Vienne). WERTHEIMER, 207.

[78] Le duc d'Otrante à Gaillard (Papiers confiés à Gaillard).

[79] Le duc d'Otrante à Mme de Custine et à Mme de Vaudémont, 19 avril 1817 (Papiers inédits de Gaillard).

[80] Le duc d'Otrante à Gaillard, 17 mai 1817 (Papiers inédits de Gaillard).

[81] Le duc d'Otrante à Gaillard, 15 mars 1817, 25 mars 1817.

[82] Notice sur le dur d'Otrante, 1816.

[83] Le duc Otrante à Gaillard, 25 décembre 1816 (Papiers de Gaillard).

[84] Correspondance du duc d'Otrante avec le duc de ***. 1816. — Mlle Ribou à Gaillard, 11 septembre 1816 (Papiers de Gaillard).

[85] Le duc d'Otrante au comte de Montliard, 6 octobre 1816 ; le duc d'Otrante au comte de Fleaux, 6 novembre 1816 (Arch. du ministère de l'Intérieur de Vienne), copiées par les soins de M. Wertheimer.

[86] Le duc d'Otrante au comte de Fleaux, 30 novembre 1816 ministère de l'Intérieur de Vienne, copiée par les soins de M. Wertheimer.

[87] Kolovrat à Seldnitsky, 24 octobre 1816 (ministère de l'Intérieur de Vienne). WERTHEIMER, 203.

[88] Demarteau à Brockhaus, 1er novembre 1816 (ministère de l'Intérieur de Vienne), copiée par les soins de M. Wertheimer.

[89] Fouché à Mme Devaines (pseudonyme), 26 octobre 1816, WERTHEIMER, 204.

[90] Fouché au comte de Fleaux, 30 novembre 1816, copiée par les soins de M. Wertheimer. — Thibaudeau à Desportes, 14 mai 1817 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 204.

[91] Fouché à Mme Devaines, 26 octobre 1816 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 204.

[92] Le duc d'Otrante au comte de Sceaux, 16 octobre 1816 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 204.

[93] Le duc d'Otrante à Mlle Cochelet, 9 mai 1819 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 205.

[94] Louis MADELIN, les Mémoires de Fouché. La Révolution française, 13 sept, 1900 (20e année, n° 3).

[95] La duchesse d'Otrante à la comtesse d'Estourmel, 4 octobre 1816 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 207.

[96] Le chevalier Artaud à Richelieu, 3 juillet 1817 (Arch. Aff. étr., Vienne, 398).

[97] Le duc d'Otrante à Gaillard, 25 avril 1818 (Papiers de Gaillard).

[98] M. de Caraman écrivait, le 10 juillet 1816, que Thibaudeau regardait Fouché comme un traître (Arch. Alf. étr., Vienne, 307). Correspondance de Fouché et de Thibaudeau, gracieusement communiquée par M. E. Charavay. WERTHEIMER, Die Verbannten, et plus bas.

[99] De Caraman à Richelieu, 11 janvier 1817 (Arch. Aff. étr. Vienne, 398).

[100] Le duc d'Otrante a Metternich, 29 décembre 1816 (Minute. Papiers confiés à Gaillard, et Arch. de Vienne), WERTHEIMER, 209.

[101] Metternich au duc d'Otrante, 25 janvier 1817 (Arch. de Vienne), WERTHEIMER, 210.

[102] DAUDET, Le duc Decazes et Louis XVIII, p. 131-153.

[103] Le duc d'Otrante à Gaillard, 12 mars 1817 (Papiers de Gaillard).

[104] Le duc d'Otrante à Gaillard, 12 mars 1817 (Papiers de Gaillard).

[105] Le duc d'Otrante à Gaillard, 12 mars (Papiers inédits de Gaillard), et WERTHEIMER, 45.

[106] Metternich au duc d'Otrante, décembre 1817 (CHARAVAY, vente du 12 mars 1889), WERTHEIMER, 212.

[107] Metternich au duc d'Otrante, décembre 1817, WERTHEIMER, 212.

[108] Le duc d'Otrante à Metternich, 20 décembre (WERTHEIMER, 213).

[109] Le Pamphlétaire, 1817.

[110] Le Vrai Libéral, 4 et 5 avril 1817, n° 94 et 95.

[111] Thibaudeau à Goupy, 6 janvier 1818 (Ministère  de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 215.

[112] Lettre du chevalier de la Roche-Saint-André au Pamphlétaire (Papiers confiés à Gaillard).

[113] Dillon au duc de Richelieu, 4. mai 1817 (Arch. Aff. étr., Saxe, 85, 107).

[114] Le duc d'Otrante à Gaillard, 23 mars 1818 (Papiers de Gaillard).

[115] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, 5 septembre 1818 (source Charavay).

[116] Le duc d'Otrante à Gaillard, 24 juin 1818 (Papiers de Gaillard).

[117] Le Vrai Libéral, n° 97.

[118] Adolphe Thibaudeau protesta assez tardivement par une lettre au journal (dossier Thibaudeau, gracieusement communiqué par Étienne Charavay).

[119] Kolovrat à Seldnisky, 25 avril 1818 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 219.

[120] Le duc d'Otrante à Gaillard, 25 avril 1818 (Papiers de Gaillard).

[121] Metternich au duc d'Otrante, 19 mars 1818 (Arch. de Vienne), WERTHEIMER, 220.

[122] Le chevalier Artaud à Richelieu, 26 août 1817 (Arch. étr. Vienne, 398).

[123] Kolovrat à Seldnitsky, 6 avril 1818 (Arch. du ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 221.

[124] Le duc d'Otrante à Gaillard, 25 mars 1818 (Papiers de Gaillard).

[125] Le duc à la duchesse d'Otrante, 3 mai 1818 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 221.

[126] Le chevalier Artaud à Richelieu, 9 août 1817 (Arch. Aff. étr., Vienne, 398). On voit par ces nombreuses lettres à quel point la conduite de Fouché préoccupait le gouvernement français et ses agents en Autriche et en Allemagne.

[127] Le duc d'Otrante à Gaillard, 18 avril, 20 juin 1818 (Papiers inédits de Gaillard).

[128] Le duc d'Otrante à Metternich, 24 juin 1818 (Arch. de Vienne), WERTHEIMER, 224.

[129] Le chevalier Artaud parlait avec une certaine bienveillance de sa soumission, de sa réserve, de sa prudence et de sa déférence envers le roi. Artaud à Richelieu, 15 juin 1817 (Arch. Aff. étr. Vienne, 398).

[130] La reine Catherine ; Mém. du roi Jérôme, VIII, 321.

[131] Le duc d'Otrante à Gaillard, 20 octobre 1816 (Papiers de Gaillard).

[132] Lettres à Gaillard.

[133] Le duc d'Otrante à Gaillard, 1er mai 1819 (Papiers de Gaillard).

[134] Le duc d'Otrante à Gaillard, 8 février 1819 (Papiers de Gaillard).

[135] Le duc d'Otrante à Gaillard, 13 janvier 1819 (Papiers de Gaillard).

[136] WERTHEIMER, Die Verbannten des ersten Kaiserreichs, p. 226. Cette entente parait avoir quelques rapports avec cette conspiration du bord de l'eau destinée à enlever le duc Decazes pour arracher Louis XVIII à sa domination. PASQUIER, IV, 245.

[137] Le duc d'Otrante à Gaillard, janvier 1819 (Papiers de Gaillard).

[138] CARNOT, Mém. de Carnot, II, 586.

[139] Le duc d'Otrante au comte de Sceaux, 28 février 1819 (Papiers de Gaillard).

[140] Le duc d'Otrante à Gaillard, 13 janvier 1819 (Papiers de Gaillard).

[141] Le duc d'Otrante au comte Molé, 1er janvier 1819 (Papiers laissés à Gaillard).

[142] Le duc d'Otrante au roi Jérôme, 22 février, 14 juin 1819 (Mém. du roi Jérôme, VII, 381).

[143] Hoch à Metternich, 30 avril, 29 août 1818 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 228.

[144] Rapports de Hoch, 25 janvier, 5 mars 1819. La duchesse d'Otrante à sa sœur, 1er novembre 1819 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 229-230.

[145] Le duc d'Otrante au comte de Sceaux, 8 février 1819 (Papiers de Gaillard).

[146] Seldnitsky à Metternich, 29 janvier 1819 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 230.

[147] Gaillard à Fouché, 17 mai 1819 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 233.

[148] Sur cette scène célèbre, cf. notamment PASQUIER, IV, 292.

[149] Rapport de Hoch, 1er juin 1819 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 233.

[150] PASQUIER, IV, 320.

[151] Rapport de Hoch, 1er juin 1819 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 233.

[152] Le duc d'Otrante à Gaillard, 30 mai 1819 (Papiers inédits de Gaillard).

[153] Fouché à Metternich, 18 janvier 1819 ; Metternich à Seldnitsky, 6 mars 1819 ; Metternich à Fouché, 6 mars 1819 ; Fouché à Dessoles, 23 mars 1819 ; Fouché au prince Eugène, 10 mars 1815 ; le prince Eugène à Fouché, 12 avril 1819 ; Fouché au prince Eugène, 28 mars 1819 ; Dessoles à Fouché, 30 mai 1819 (WERTHEIMER, 234, 236).

[154] Le duc d'Otrante à Gaillard, 13 juin 1819 (Papiers de Gaillard).

[155] Le duc d'Otrante à Gaillard, 15 juin 1819 (Papiers de Gaillard).

[156] Le duc d'Otrante à Gaillard, 15 février 1820 (Papiers de Gaillard).

[157] Le duc d'Otrante au comte de Gentz, 9 octobre 1819 (ministère de l'Intérieur), WERTHEIMER, 237.

[158] Le Vrai Libéral, 19 juillet 1819.

[159] WERTHEIMER, 238.

[160] Le duc d'Otrante à Metternich, 3 octobre 1819 (WERTHEIMER, 239).

[161] Cf. chapitre XXI.

[162] WERTHEIMER, Die Verbannten des ersten Kaiserreichs. Konig Jérôme Bonaparte und Katharina von Westphalen, p. 65-106. Elisa Bacciochi, 109-131.

[163] Planat de la Faye à Lebon, 18 décembre 1819 (PLANAT, Corr.).

[164] Note de la Police de 1819, F7 6549. Le voyage que le jeune comte d'Otrante entreprit à Paris vers cette époque donna lieu aussi à une active surveillance. Il avait, avant de partir, vu Jérôme et Caroline (Rapport au ministre des Aff. étr., 1er novembre 1819) ; mais il fut bientôt évident que le jeune homme n'était venu en France que pour se livrer aux plaisirs de la capitale (le préfet de police au directeur général de la Police, 9 août 1820). A. N., F7 6902.

[165] Le duc d'Otrante le Gaillard, 8 novembre (Papiers inédits de Gaillard).

[166] Le duc d'Otrante à Eugène de Beauharnais, 10 mars 1819 (ministère de l'Intérieur), WERTHEIMER, 235.

[167] Fouché au comte de Fleaux, novembre 1816 (Arch. du ministère de l'Intérieur de Vienne).

[168] Le duc d'Otrante à Gaillard, 5 novembre 1819 (Papiers de Gaillard).

[169] CAPRIN, I nostri nonni. Trieste.

[170] Le duc d'Otrante à Gaillard, années 1819 et 1820 (Papiers de Gaillard).

[171] Le duc d'Otrante à Gaillard, 1er août 1819 (Papiers de Gaillard).

[172] Le duc d'Otrante à Gaillard, 21 mars 1820 (Papiers de Gaillard).

[173] Le duc d'Otrante à Gaillard, 5 septembre 1820 (Papiers de Gaillard).

[174] Le duc d'Otrante à Gaillard, 24 novembre 1820 (Papiers de Gaillard).

[175] Catherine à Louis Bonaparte, 16 août 1820 ; au cardinal Fesch, 8 septembre 1820 Corr. de la reine, 260.

[176] Le palais Vico, résidence de Fouché à Trieste, se trouve situé via Cavana : c'est actuellement le siège de l'archevêché, à deux pas du port.

[177] Le duc d'Otrante à Élisa, 13 mai 1810 (gracieusement communiquée par le chevalier Fischer von Roslerstam).

[178] Caroline au duc d'Otrante, 12 août 1820 (Papiers confiés à Gaillard), publiée par A. LUMBROSO, Miscellanea nap., série V.

[179] Le duc d'Otrante à Gaillard, 15 février 1820.

[180] Le duc d'Otrante à Gaillard, 8 août 1820 (Papiers inédits de Gaillard).

[181] Le duc d'Otrante à Gaillard, 8 août 1820 (Papiers inédits de Gaillard).

[182] Rapports de Cattanei, 20 décembre 1820 (ministère de l'Intérieur de Vienne), WERTHEIMER, 292.

[183] La duchesse d'Otrante à Gaillard, 21, décembre 1820 (Papiers de Gaillard) ; Rapport de Cattanei, 30 janvier 1821 (ministère de l'Intérieur), WERTHEIMER, 242.

[184] PLANAT DE LA FAYE, 19 décembre 1820, Souv., 385.

[185] Pour ce détail comme pour tous ceux de cette agonie, cf. Rapport de Cettanei (ministère de l'Intérieur de Vienne), 30 janvier 1821. D'après un récit que E. MERSON (Confidences d'un journaliste, 1891, p. 280) prête au prince Napoléon, passant un jour avec lui devant le village du Pellerin, c'est le roi Jérôme lui-même qui, sous les yeux du duc d'Otrante mourant, eut accompli l'autodafé. Le récit, que le prince tenait du roi son père, ne manque pas d'intérêt, mais le prince était un grand conteur.

[186] CAPRIN, I nostri nonni, Trieste. — Osservatore triestine, 28 décembre.

[187] CAPRIN, I nostri nonni, Trieste.

[188] Osservatore triestino, 28 décembre.

[189] CAPRIN, I nostri nonni.

[190] Le comte d'Otrante à Gaillard, 2 janvier 1821 ; la duchesse d'Otrante à Gaillard, 16 janvier 1821 (Papiers de Gaillard).

[191] Catherine à Joseph, 25 mars 1821 (Corr., 273).

[192] NODIER, Souvenirs, t. II.

[193] Lettre du duc d'Otrante au duc de ***, déjà citée.

[194] PONTÉCOULANT, IV, 9.