Un homme d'État réaliste. — Exaspération des partis après 1802 et mutent en 1894. L'affaire Moreau. — Le parti républicain peu dangereux. — Le parti royaliste plus redoutable ; salons de Paris et de province ; les nobles rentrés reprennent de l'influence. L'Ouest reste constamment agité. — Le Midi. — Les agences de Londres. — Les trois tactiques du parti royaliste. — Hostilité du clergé à la Révolution ; les actes d'intolérance. Les confréries religieuses. Le parti philosophe. — Les deux partis en présence au sein du régime ; militaires et civils. Le parti de gauche. — Le parti réacteur, ses éléments, les aristocrates, les ultramontains, les conservateurs, les mamelouks. Situation des partis. — Politique de Fouché. Il veut l'Empire fidèle à ses principes originels et capable de les défendre. — Renforcement de la police : lutte tenace contre l'ennemi royaliste ; le ralliement : dangers qu'il présente pour Fouché et le régime. — Sentiments opposés de Napoléon : il présume trop de sa fermeté et de sa vigilance. — Fouché, tout en annihilant le parti royaliste, tente d'en empêcher le ralliement en l'aigrissant contre l'Empereur. — Politique analogue vis-à-vis du clergé ; il le veut plutôt soumis que rallié ; changement d'attitude après 1805 ; il frappe le parti clérical plus que le clergé. — Protection accordée aux républicains ralliés ou non. — Défense de la Révolution dans ses souvenirs et ses principes. Fouché ne livre pas la Révolution. — La conservation de l'Empire est une conséquence logique de ce premier article. Fouché est fidèle à l'Empire. — Fouché adversaire déclaré de la guerre en général et de la guerre avec l'Angleterre en particulier. Ses efforts pour la conjurer ou y mettre un terme. — Fouché est, en dépit de son amitié avec Joséphine, partisan du divorce et du mariage russe. — Il cherche un successeur éventuel à Napoléon dans l'état-major. — Fouché hostile à la liberté de la tribune, à la liberté de la presse et à la liberté individuelle. — Il l'est moins que Napoléon. Modération dans le despotisme.Tel qu'il vient de se présenter à nous, Fouché nous apparaît comme un homme d'État de l'école positiviste qui, en face d'une situation complexe et d'un ensemble de problèmes, va s'appliquer à les envisager, à les étudier et à les résoudre l'un après l'autre, et à l'heure exacte qu'auront fixée les circonstances, qu'il est fort habitué à consulter ; car s'il sait parfois s'élever à des considérations de haut vol, il ne s'y décidera qu'après une étude minutieuse du terrain où il prend son essor. La claire vue de la situation justifiera et expliquera, autant que celle de son caractère, ce qu'on peut appeler la politique générale de Fouché sous l'Empire. Assurément cette situation n'est pas celle que le ministre avait laissée en abandonnant le portefeuille de la police après trois ans de travaux et de succès. nie s'est en effet assombrie et compliquée. Il trouve les partis singulièrement plus surexcités que lorsqu'il a quitté le pouvoir en 1809. La proclamation du Consulat à vie, dictature viagère, en enlevant tout espoir aux deux partis, royaliste et républicain, les a poussés l'un et l'autre dans la voie des complots et des attentats violents. La maladresse des successeurs de Fouché a fait le reste. On s'est, en poursuivant, sans preuves accablantes, le général Moreau, donné les apparences d'une persécution contre un très illustre soldat de la Révolution, bien vu d'une grande partie de l'état-major et, en dépit d'une alliance compromettante — à laquelle on se refuse à croire — avec les ennemis de la Révolution, resté le suprême espoir du parti républicain. On s'est d'autre part, au mépris de toutes les règles de la politique, du droit et de l'équité, rendu coupable d'un odieux et sanglant attentat contre un prince de la maison de Bourbon. Ces événements ont surexcité les haines, au moment où l'établissement de l'Empire consomme les déceptions. Moreau était surtout, en 1804, un très grand élément de troubles. A tort ou à raison, les partis s'en étaient emparés, en avaient fait leur homme et leur martyr. Les opposants en général trouvaient habile de dresser héros contre héros dans un pays qui, moins que jamais, semblait soucieux de se guérir des individus. Bernadotte et Masséna se montraient ci affectés de la position de Moreau[1], et tout un groupe de généraux républicains que ne bâillonnait pas l'attente du maréchalat, Lecourbe en tête, menait violemment campagne pour le héros de Hohenlinden. Au Sénat, Cornudet et Sieyès ne cessaient, toujours d'après les rapports de police, de tenir des propos favorables à Moreau[2], et, dans le tribunat déjà épuré, on croyait, cependant, la majorité favorable au général. Plusieurs tribuns avaient manifesté une violente humeur, déclarant, en frappant du pied, que, jusqu'à présent, dans le procès en cours, on n'avait entendu que des mots et point de faits[3]. Au Corps législatif, au conseil d'État, même note. On allait jusqu'à prétendre que la Cour de cassation, sous prétexte de vice de forme, s'apprêtait d'avance à casser l'arrêt qui déporterait Moreau. C'était l'Affaire du moment. On en parlait avec des soupirs quelque peu hypocrites au faubourg Saint-Germain, avec une grande brutalité de propos dans certains milieux militaires et avec une sourde colère dans les cabarets du faubourg Antoine. L'agitation avait gagné la rue, le mémoire des éloquents défenseurs de Moreau, Bonnet et Bellart, tiré à deux mille exemplaires, avait été répandu partout : des placards étaient apposés en faveur du héros persécuté. A Lille, à Brest, à Bordeaux, à Troyes, à La Rochelle, dans le Maine et jusqu'en Alsace, on signalait des manifestations assez significatives en faveur du général[4]. A Paris, on applaudissait au théâtre le malencontreux vers : Un héros qu'on opprime attendrit tous les cœurs[5]. A l'étranger, où une sourde hostilité régnait contre Bonaparte et la France, on affichait une entière sympathie pour la victime[6]. Moreau semblait encourager les entreprises, en différant, sous un prétexte ou sous un autre, son départ pour l'exil : on n'osait prendre contre lui des mesures de coercition. La situation était, sinon scabreuse, du moins gênante. Fouché, à son arrivée au ministère, transmettait à l'Empereur une note où il était dit que toute cette affaire avait produit des effets bien déplorables sur l'opinion, qu'on aurait de la peine à ramener[7]. Cela était d'autant plus vrai que les deux partis opposants s'étaient, nous l'avons dit, emparés de l'affaire ayant intérêt à la prolonger, les républicains comme les royalistes. Les républicains étaient peu redoutables comme groupe exclusif ; ceux que le préfet de police, grand réacteur, qualifiait d'anarchistes et l'Empereur de septembriseurs, étaient à Paris d'assez pauvres diables, des ouvriers, anciens clubistes jacobins, croyant encore à l'évangile selon Robespierre et réclamant machinalement depuis l'an II la constitution de 1793, des militaires en réforme qui, ayant servi sous Pichegru, Hoche et Moreau, se croyaient tenus de détester le général Bonaparte et sa monarchie[8]. Les Carnot, les La Fayette, les Robert Lindet restant sous leur tente, drapés dans une sombre mais inactive désapprobation, d'autres étant ralliés et pourvus de grosses prébendes, ces malheureux débris des bandes de 93, comme disait l'Empereur, n'avaient que des chefs obscurs, infimes conventionnels comme Ricord ou Florent Guiot : officiers généraux disgraciés : Malet, Guillet, Servan, Lecourbe, Lahorie, Guidai, la queue de Moreau ; chefs et soldats se répandaient en propos amers et violents, épiloguaient sur les événements, exaltaient tout opposant à l'Empire, affirmant du reste, d'après le préfet de police, qu'ils avaient encore des amis au Sénat et au Tribunat. Ils semaient à plaisir des bruits de réaction et propageaient caricatures et pamphlets contre le chef du gouvernement. On répandait en province le discours de Carnot au Tribunat contre l'établissement de l'Empire, on colportait un factum républicain, l'Appel au Tribunat, et de partout, en 1804, les préfets signalaient l'existence de petits noyaux jacobins, ancien, amis peu nombreux de Lebon et de Robespierre, écrivait le préfet du Pas-de-Calais, tandis que celui du Var signalait l'agitation que soulevaient les tournées suspectes de Barras et de La Revellière Lépeaux[9]. De plusieurs points du territoire, les préfets signalaient des propos parfois violents contre le Concordat, le Consulat à vie, puis l'établissement de l'Empire, des paroles tendancieuses sur le rétablissement imminent de la noblesse héréditaire, de la grande propriété, des abus de l'ancien régime et même du drapeau blanc, que, de fait, certains royalistes plus ou moins ralliés réclamaient de l'Empereur. En réalité, ces manifestations constituent des faits isolés et sans grande portée, fruit d'une irritation passagère qu'il fallait calmer plus que réprimer. Presque partout les préfets insistent, au contraire, sur la nullité complète ou la loyale adhésion du parti aux institutions impériales. Dans les pays où l'opinion royaliste tend à dominer, il y a une sorte de concentration entre républicains et impérialistes contre la réaction ; l'Empereur n'a pas ici de partisans plus fidèles que les partisans de la Révolution, écrit un sous-préfet de l'Ouest[10]. Le parti royaliste réunit infiniment plus de ressources et
conserve en 1804 beaucoup plus d'espoir que le parti républicain. Il donnera
constamment infiniment plus de souci au ministre de la Police générale. Si la
constante opinion de celui-ci est que le péril est à droite, c'est que, si
péril il y a, il est réellement à droite. Sans doute, à certains égards, les
salons du noble faubourg ressemblent un peu aux cabarets où s'assemblent les anarchistes, car on y tient pour tout potage
fabrique de bons mots et de propos séditieux, conspirateurs
qui mettent une chemise blanche le dimanche, dira l'Empereur en
haussant les épaules[11] ; mais le
royalisme n'est pas seulement là ; les bombes de Saint-Réjent, les poignards
de Georges l'ont éloquemment prouvé. En dehors de cette armée de réserve
prudente et légère que le roy compte dans les
salons de Paris et des départements, il a dans certaines provinces des
soldats actifs, violents, infatigables, à Londres un état-major toujours sur
pied, à l'étranger des agents intrigants et souples, et dans les cabinets
européens de redoutables alliés. En 1804 l'aristocratie en masse boude l'Empire : l'exécution du duc d'Enghien semble avoir enrayé le mouvement de ralliement : René de Chateaubriand est sorti bruyamment de la galère, la marquise de Custine a rompu avec Joséphine, les salons d'Anjou et de Provence ont pris le deuil. Les de Ségur, les de Luynes, les de Broglie restent, avec quelques autres, des exceptions ; ils sont honnis et raillés. On est en correspondance clandestine avec des parents demeurés à Londres, à Hambourg et à Vienne, le zèle royaliste s'y réchauffe. Même attitude en province. Les nobles ne sont pas convertis, ils sont ce qu'ils ont toujours été, écrit, en 1805, un préfet ulcéré de quelque affront[12]. Cent fonctionnaires répéteront la même chose de 1804 à 1809. Le faubourg Saint-Germain, cependant, peu à peu se ralliera, envahira les Tuileries ; mais les salons de province s'enfermeront dans leur morgue : Aix par exemple, reste irréductible ; Nantes, Arras, Dijon, Rennes comptent une aristocratie intransigeante : à Bordeaux l'opposition royaliste reste constamment très forte et jamais ne désarmera ; ailleurs, dans la Nièvre comme dans la Loire-Inférieure, dans le Pas-de-Calais comme dans l'Aveyron, dans vingt départements les préfets ne signalent pas seulement des propos inconsidérés : ce qui est plus grave, les émigrés rentrés ont racheté ou se sont fait rendre leurs biens, et ont repris de ce fait sur les paysans, mal habitués encore à l'indépendance, une influence généralement hostile au nouveau régime[13]. Cette influence est assez grande pour que, dès 1804 et 1805, certains collèges électoraux n'hésitent pas à faire entrer ces ennemis d'hier, pas ou peu ralliés, dans les conseils généraux et les municipalités, pendant qu'un peu partout ces ci-devant peuplent les états-majors de la garde nationale. Cela n'empêche pas ces élus de pratiquer une opposition parfois sourde, parfois ouverte au régime. On colporte dans les châteaux des pamphlets contre l'Empereur : le 10 pluviôse an XIII, la police découvre chez l'abbé de Neuville une cache contenant plusieurs milliers de libelles et des proclamations de Louis XVIII[14] : en Normandie, on trouvera au château de Donnay une presse clandestine destinée à les multiplier. Le pis est que l'Ouest, pacifié lorsque Fouché a quitté le pouvoir, s'est réveillé au moment où Cadoudal a reparu sur le continent. Les bandes s'y sont remontrées ; si ces malheureux brigands ne rêvent pas tous le retour des lys, ils n'en sont pas moins dans la main de chefs hardis, vaillants, d'une témérité redoutable, qui vont sans cesse retremper à Londres leur zèle royaliste. La plaie ne se fermera jamais : à peine une conspiration étouffée en Bretagne ou en Anjou, une autre renaît en Normandie. L'Ouest est enveloppé d'un réseau de conspirateurs dont les premières mailles partent parfois de Bayonne pour aboutir à Rouen. Il y a toujours, de 1804 à 1810, cinq ou six chefs royalistes qui tiennent la lande, trament hardiment des complots au nom du roi Louis XVIII et, à défaut de résultats plus importants, maintiennent le pays dans un insupportable état de fièvre intermittente. Le ministre de la Police met à les poursuivre, à frapper ces tètes de l'hydre renaissante toute son activité, toute son énergie. Cette recherche des bandits royalistes qu'on a longtemps tenue pour une audacieuse comédie, un astucieux procédé inventé par un artificieux politicien désireux de s'imposer lui et sa politique, ne semble, mieux connue, que témoigner d'un prévoyant souci, bien justifié, puisque, durant les Cent-Jours, on verra prendre la tète des bandes facilement reconstituées aux quelques chefs échappés avec peine à la police impériale de 1804 à 1810. C'est souvent à Bordeaux qu'est le foyer de ces intrigues, grosse préoccupation pour le ministre qui ne perd pas de vue le Midi, agité, s'il faut en croire les rapports de police de 1804, par les agents du royaliste Willot[15]. Le fait est qu'en 1804, une agence spéciale, dirigée à Londres par le baron d'Imbert, a pour mission de préparer la Provence à un soulèvement et, deux fois, cette agence lance en France ses émissaires, dangereux fauteurs de troubles. C'est bien là en effet que réside le grand danger, ce sont les agences de Londres. Réduits à leur propre force, que pourraient, contre un gouvernement fort, de malheureux paysans ? Comment sans argent, sans chefs, sans plan, sans organisation résisteraient-ils à la police, à la gendarmerie et bientôt, en 1809, à l'armée ? Argent, chefs, plans, ils reçoivent tout de Londres. Sans entrer dans l'étude de cette immense organisation anglo-royaliste qui sera faite ailleurs, de cette diplomatie occulte qui, à travers l'Europe, a ses agents sédentaires ou errants, ses courriers, ses commissionnaires, ses banquiers, ses journaux[16], rappelons que, si cette armée d'agents marche avec les guinées du roi Georges, c'est pour le compte du roi Louis, et que c'est de Londres par Jersey que l'Ouest reçoit sans cesse de nouveaux et toujours plus hardis agitateurs. Les fenêtres du faubourg Saint-Germain s'ouvrent encore sur la Tamise, a-t-on dit spirituellement : mais ce sont les portes de la Bretagne et de la Normandie qui s'ouvrent en face de Jersey et de Southampton. Le parti royaliste ainsi organisé peut ne pas être dangereux dans des périodes de calme et de prospérité, surtout tant qu'on sentira au Quai Voltaire une main ferme et un œil sagace. Au premier moment d'infortune impériale, au premier indice de négligence chez ses surveillants, il peut devenir redoutable. On le verra bien, en 1813 et 1814, sous la maladroite administration du duc de Rovigo. Ces royalistes sont d'autant plus malaisés à suivre dans leurs entreprises que, gens de féconde imagination, ils ont trois ou quatre tactiques, comptent trois ou quatre écoles. Le comte de Vaudreuil conseille avec un certain cynisme, en ses lettres au comte d'Artois, le faux ralliement qui livrera les places à l'ennemi : mais il n'est guère écouté[17]. Les intransigeants ont eu longtemps plus de succès : ce parti des purs veut combattre, vaincre, rentrer aux Tuileries, indemne de toute alliance avec les hommes de la Révolution et de l'Empire, à laquelle ils préfèrent l'appui de l'Anglais, l'insurrection des provinces, et, au besoin, on l'a déjà constaté, des attentats plus violents. Une autre fraction du parti veut l'alliance avec le jacobin, le républicain aigri : c'est la tactique prônée par Bertrand de Molleville en un curieux mémoire qui nous a été conservé[18]. Une quatrième opinion prévaut un instant sous l'Empire : une coterie prône le rétablissement de la monarchie légitime par une sorte de coup d'Etat parlementaire, fruit d'une alliance avec certains hommes du régime, qu'on croit à tort ou à raison mécontents de l'Empereur, Fouché, Talleyrand, les sénateurs opposants, les généraux malveillants[19]. Le ministre de la Police est vite au courant des quatre politiques, que nous allons lui voir déjouer tour à tour. Fouché, cependant, qui s'est constitué le défenseur de la Révolution, ne peut s'absorber dans sa lutte contre les royalistes. La Révolution a, en effet, en France, une autre catégorie d'ennemis plus redoutables encore, ce sont en grande majorité les prêtres. Nous ne parlons même pas du clergé réfractaire, des prêtres de la petite Église, qui, sous l'inspiration et la direction des évêques rebelles, troublent encore certaines régions de l'Ouest, du Rhin et de la Belgique. Ils sont peu et faciles à réprimer, étant mis hors la loi. Mais le clergé officiel sollicite, plus que ces irréguliers mêmes, l'attention du ministre de la Police, dont Napoléon fait volontiers et officiellement le surveillant étroit de son collègue, le ministre des Cultes[20]. Le haut clergé, l'épiscopat parait sans doute en partie dévoué non seulement à la Constitution, à l'Empereur, mais à la politique que Fouché veut faire triompher. Le ministre de la Police a écrit aux évêques qu'ils étaient des instruments, écrit-on, et beaucoup le sont en effet : Fouché se vante très haut que l'évêque de Vannes, Pansemont, lui vaut 10.000 hommes de ce département[21]. Il est de fait que, dans un excès de zèle, certains prélats, soigneusement choisis après 1802 sur les avis du ministre de la Police, ne rendent pas seulement à César ce qu'on doit ii César, mais à Séjan ce qu'on ne doit pas à Séjan[22]. Mais il n'en est pas ainsi du bas clergé. Sans doute ses membres paraissent avoir accepté le régime impérial que fortifie le voyage du pape à Paris ; mais il n'accepte, faute parfois de les comprendre, ni les principes, ni les idées de la Révolution. On ne peut s'en étonner, règlements et institutions du nouveau régime troublent légitimement, scandalisent jusqu'à l'exaspération ces esprits, ces consciences de prêtres formés sous l'ancien régime. Dès 1804, ce que Dubois, Réal, Fouché appellent les actes d'intolérance se multiplient ; les occasions, malheureusement, ne sont pas rares : refus des derniers sacrements à des divorcés, à des prêtres défroqués, à d'anciens révolutionnaires, refus de la communion ou de l'absolution à leurs enfants ou à leurs femmes, refus de sépulture religieuse, difficultés de tout ordre faites aux acquéreurs des anciens biens ecclésiastiques, et, ce qui est aux yeux du ministre des torts plus graves, sermons inconsidérés contre la Constitution civile du clergé, la Convention, le Concordat lui-même et les articles organiques. Tels sont les actes signalés cent fois par les préfets et commissaires de police à l'attention de Fouché, qui n'est pas assez revenu de Nevers pour les tolérer. Ce qui inquiète aussi les amis de la Révolution, c'est la résurrection des confréries religieuses, pieuses congrégations qui servent parfois d'avant-garde à de plus puissantes associations ; dès 1804, les Pères de la Foi, réincarnation, assure-t-on, de la Compagnie de Jésus, ont reparu dans la vallée du Rhône et de la Loire ; à Paris, ils ont racheté l'Abbaye-aux-Bois. Les évêques, même les plus impérialistes, les laissent s'établir, agir, fonder des maisons d'éducation ; parfois, comme le cardinal Fesch, le propre oncle de l'Empereur, ils les protègent et les appellent[23]. Ce spectacle irrite les libres penseurs ; l'Institut est, à cette époque, la forteresse du parti philosophe, qui signale volontiers non seulement les progrès du catholicisme romain, mais la formation du parti prêtre. Et le fait est qu'il s'est constitué un groupe réellement clérical, si je peux employer ce néologisme, et d'autant plus redoutable que le grand maitre de l'Université Fontanes en fait partie, Fontanes qu'on verra faire appel au concours de gens de la nuance de MM. de Bonald et Clausel de Coussergue, et rêver l'introduction des jésuites dans l'Université[24] ; nous aurons l'occasion de revenir sur l'existence et l'importance de ce groupe. Pour répondre à ses doctrines, les philosophes qui tiennent plusieurs journaux affichent ouvertement la crainte que les prêtres ne prennent un trop grand empire dans l'ordre social[25], et affirment qu'ils ont voulu qu'un trône s'élevât non sur les débris, mais sur les créations de la Révolution[26]. En réalité, ce cri de détresse est bientôt celui de tous les gens qu'effrayent les progrès vite rapides du parti réacteur. La lutte qui a commencé au lendemain de brumaire entre les deux partis se continue sous l'Empire parfois avec une acuité que révèlent les notes de Fouché et les lettres du publiciste Fiévée à l'Empereur, duel entre principes, intérêts et souvenirs. Dans la cour, les assemblées et les états-majors, les deux partis sont représentés. Celui de la Révolution a au sein du Sénat des zélateurs qui ne sont évidemment ni très ardents ni très actifs. Ces anciens révolutionnaires échoués dans cette assemblée impériale où l'on n'entendra jamais que des voix basses sont à tout prendre les derniers représentants de toute une époque, Sieyès, l'homme du tiers en 1789 ; Lanjuinais, le dernier survivant de la Gironde ; Garat, l'un des hommes en vue de l'ancienne Montagne ; Grégoire, pontife déchu de l'église révolutionnaire, et Kellermann, le glorieux vétéran de Valmy, Fouché lui-même, sénateur depuis 1802. — Le groupe eût été complet si celui-ci eût réussi à y faire entrer, comme il parait l'avoir conseillé, La Fayette, Carnot et Daunou. Nul n'ignore que les membres en sont d'un bonapartisme assez incertain, puisqu'à Londres une coterie royaliste les inscrit volontiers parmi ses alliés éventuels, tandis que le général Malet compte sur eux pour consommer la restauration du gouvernement républicain. Libéraux et démocrates désabusés, ces hommes sont comblés d'honneurs et de richesses : cependant ils se signalent volontiers par des plaintes amères contre l'omnipotence de l'Empereur, l'influence des anciens nobles et la folie des guerres continuelles. Lorsqu'on leur demande des millions et des conscrits, ils murmurent parfois et les accordent toujours. Cette nuance d'opposition se retrouve chez beaucoup de hauts fonctionnaires, dans l'état-major aussi où Bernadotte, Augereau, Masséna, Junot, Jourdan, Lefebvre raillent volontiers les aides de camp aristocrates dont s'entourent les maréchaux de la réaction, futurs serviteurs des Bourbons : Macdonald, Clarke, Berthier, au conseil d'État enfin, peuplé en 1799 d'anciens révolutionnaires, Réal, Boulay, Thibaudeau et autres, à la cour même, où bien des serviteurs de l'Empire n'ont pas renoncé a défendre contre certaines influences le vieil esprit de la Révolution. Les anciens courtisans de Versailles qui reparaissent comtes de l'Empire, les comtes refaits, dit-on spirituellement au faubourg Saint-Germain, n'ont pas seulement à essuyer les railleries de leurs congénères : pour user envers eux d'un langage moins pittoresque que la rude maréchale Lefebvre, duchesse de Dantzik, Lannes, Junot, Ney comme Jean bon Saint-André, revenants de la Commune ou du comité de Salut public, n'en protestent pas moins à l'occasion contre la réaction grandissante, et redoutent, comme une conséquence logique de la faveur accordée aux émigrés d'hier, l'oubli de la Révolution. Ils ont raison : tous les jours grossit et se fortifie aux Tuileries le parti bientôt formidable de la contre-révolution. C'est pour Fouché un vieil ennemi. C'est la coterie qui dès le Consulat l'a, trois ans durant, battu en brèche avant d'arracher sa disgrâce à Bonaparte. Faute d'avoir fait de celui-ci le Monk des fleurs de lys, ce parti a travaillé avec ténacité à le pousser au rôle de César, monarque aussi hostile qu'un Louis XIV à toute faction populaire. Cette coterie est devenue un grand parti depuis la disgrâce de Fouché, coïncidant du reste avec la rentrée en masse des émigrés, le premier ralliement des royalistes désabusés et l'organisation d'une cour consulaire. L'amnistie a introduit non seulement dans le pays, mais encore dans le monde impérial lui-même, une coterie de citoyens très loyalement soumis, mais qui, pour avoir abandonné certaines affections dynastiques, n'ont renoncé, fort naturellement, ni à leurs principes ni à leurs rancunes. Ce groupe des ralliés de droite est bientôt représenté aux Tuileries où, suivant l'expression un peu dure de Napoléon, ils savent mieux servir, au Sénat, dans les administrations et les états-majors. Après 1808 et jusqu'à 1810, le flot ira grossissant, débordera soudain le jour où le mariage d'une Habsbourg, petite nièce de Louis XVI, avec Bonaparte, donnera une sorte de légitimité au trône et une excuse à la défection. Les ultramontains n'ont pas attendu si longtemps pour se rallier, Pie VII ayant précédé de cinq ans Marie-Louise aux Tuileries. Eux aussi envahissent et veulent conquérir. Le rêve d'un Montesquieu, grand chambellan, et dont la femme sera demain chargée de l'éducation du roi de Rome, est sans aucun doute de transformer en successeur de Louis XIV l'ancien ami des Robespierre : les ultramontains remontent plus haut, en veulent faire un Charlemagne payant en faveurs à l'Église l'appui qu'elle lui prêtera. Naturellement les jeunes administrateurs de l'école, plus tard qualifiée conservatrice, Pasquier, Molé, Daru, Montalivet, de Broglie, esprits éclairés, hostiles au retour en arrière, mais plus hostiles encore aux jacobins, grossissent plus volontiers le parti de la réaction que celui de la Révolution, et c'est encore la tendance de ceux que Talleyrand appelle dédaigneusement les Mamelouks, Savary, Maret, La Valette, bonapartistes avant tout et partant favorables à un parti qui, pour servir certains principes, veut faire leur maitre plus souverain. La lutte entre ce parti composite, mais marchant à un but très avoué, et l'ancien proconsul Fouché de Nantes fait le grand intérêt de son long ministère de 1804 à 1810 dont nous pouvons dès maintenant fixer, étudier et, grâce à ce que nous savons de la situation des partis, apprécier le programme. ***Ce programme nous pouvons le pressentir d'après celui qui a été pratiqué sous le Consulat par le ministre de Bonaparte. L'Empire doit être l'héritier de la Révolution ; le trône a été élevé non sur les débris, mais sur les institutions de la Révolution. De cette Révolution l'Empire doit pouvoir défendre et perpétuer l'œuvre ; donc il doit être un gouvernement fort et durable. Toute la politique de Fouché, sous l'Empire, celle que, dès 1804, il conçoit, s'inspire de cette double idée. Maintenir au gouvernement né en Brumaire, son principe initial ; assurer, autant que la chose parait possible sous un César, le triomphe définitif des principes de la Révolution, de ses institutions et de ses hommes ; ne souffrir par conséquent ni contre-révolution antidynastique, ni réaction faite à l'ombre du trône impérial, enlever au parti royaliste ses points d'appui, en étouffant les foyers de guerre civile et amener ce parti à la résignation plus qu'à un ralliement jugé dangereux ; lutter contre tout esprit d'intolérance ou d'insoumission dans le clergé ; disputer pied à pied aux ennemis de la Révolution qui servent l'Empire, l'influence et le pouvoir ; opposer au ralliement du parti réacteur celui des éléments révolutionnaires, et partant favoriser l'adhésion et l'assimilation du parti de gauche au régime impérial : tels sont les articles du programme audacieux qui consiste à faire de l'Empereur la Révolution incarnée, et de l'Empire la forteresse inattaquable des principes et des hommes de cette Révolution. De ce pouvoir, héritier et conservateur des institutions et de l'esprit de la Révolution française, faire un gouvernement fort, respecté, durable : dans ce but, l'entourer d'une police redoutable, armée de l'ordre et de l'autorité ; faire respecter avec sévérité le pouvoir établi, fût-ce aux dépens de la liberté individuelle, de la liberté de la presse et de la liberté de la tribune ; donner à ce pouvoir la solidité et la durée, en assurant la perpétuation de la race de Bonaparte ; pour ce, amener la rupture d'un mariage infécond et préparer à l'Empereur l'alliance d'une dynastie sans préjugés ni liens avec l'ancienne France ; obtenir du souverain ou de ses adversaires la fin de guerres, menaçantes pour la solidité du trône, puisqu'elles ont un caractère antidynastique et dangereuses pour la vie du souverain sans cesse exposée ; retirer surtout, par la paix avec l'Angleterre, aux royalistes leur plus puissant allié, tels semblent les moyens par lesquels Fouché essayera pendant six ans de servir, avec l'Empereur et l'Empire, la Révolution et le pays. Une police dont les réseaux ne s'étendent pas seulement de Bruxelles à Bayonne et de Brest à Turin, mais, on peut le dire, de Pétersbourg à Cadix et de Londres à Vienne, lui permettra de découvrir et d'étouffer dans l'œuf les conspirations royalistes ; une surveillance étroite et sagace et quelques exécutions maintiendront dans une relative tranquillité l'Ouest et le Sud-Ouest ; une poursuite acharnée fera tomber peu à peu dans ses mains les derniers chouans, ou les rejettera à Londres, momentanément découragés et désabusés. Dès lors, l'armée bourbonienne, privée de ses chefs les plus hardis, se soumet, se débande[27]. Il ne désire pas cependant autre chose que la soumission. Et il est ainsi dans la tradition. Un ministre intelligent et puissant ne désire jamais la ruine des partis irréductibles. Un chef d'État peut se sentir flatté ou fortifié par l'adhésion éclatante et unanime de la nation tout entière au gouvernement qu'il dirige. Le ministre qui a une politique et un parti, sait bien que pour changer de drapeau, les hommes ne changent ni de tempérament, ni de principes, ni d'intérêts ; il ne peut dès lors lui échapper que, bien plus facilement que dans une opposition irréductible, ses adversaires d'hier peuvent par un ralliement, sincère ou non, faire triompher leurs idées et dénaturer le régime dont il est le serviteur. Cette adhésion en masse des partis rendant en outre son concours moins nécessaire, et moins précieux son dévouement, il est clair qu'il ne peut sans appréhension la voir se produire. Ajoutons que si, d'autre part, il est sincèrement dévoué au régime, il pourra toujours prévoir et craindre chez ces nouveaux venus la trahison dont le cheval de Troie restera, il faut s'y résigner, l'éternel symbole. Si donc un homme d'État avisé peut avoir ses raisons pour assurer au régime qu'il sert avec dévouement tel précieux concours ou telle flatteuse adhésion individuelle, s'il peut pratiquer vis-à-vis des adversaires du régime une politique bienveillante destinée à les assagir, d'après le mot même de Fouché, un ministre ambitieux et clairvoyant, qui préfère au triomphe assuré d'un régime la durée et l'intégrité du principe qui lui sert de base, ne peut désirer le ralliement en masse des partis extrêmes et leur complète disparition. Tels étaient certainement les sentiments de Fouché en 1804, tels surtout ils nous apparaîtront lorsque ses craintes se préciseront et se fortifieront ; c'est qu'en effet, il se heurtera à une politique toute contraire imprudemment ou habilement prônée autour de l'Empereur, bien vite adoptée par le maître. Fouché, lui, estimera toujours moins périlleuse pour les idées de la Révolution servies par l'Empire, l'opposition irréductible et par cela même inféconde d'un Auguste de Larochejacquelein ou d'un Mathieu de Montmorency, que l'influence active et toute proche du maître d'un Ségur, d'un Montesquiou, d'un Fontane ou d'un Fiévée. Napoléon a d'autres idées et d'autres intérêts que son ministre ; sa vanité, son penchant de souverain, son goût pour l'ordre et l'autorité s'accommodant fort de l'adhésion à son gouvernement de tous les hommes d'ordre et d'autorité : il voudrait voir la quatrième dynastie aussi unanimement reconnue que celle de Henri IV dix ans après la Ligue, et sa cour aussi aristocratiquement peuplée que celle de Louis XIV ou de Louis XVI Le faubourg Saint-Germain lui inspirera toujours un mystérieux attrait, et il aura parfois pour un Narbonne ou un Larochefoucauld ralliés à sa cour, les yeux émus et le front épanoui du bourgeois qui a marié sa fille à quelque marquis de Presles. Il tient à compter pour ses amis tous les honnêtes gens auprès desquels Iléal et la maréchale Lefebvre lui paraissent déplorablement élevés. Il se croit, du reste, assez ferme pour ne pas laisser dévier d'une ligne le principe de son gouvernement, assez vigilant et assez fort pour ne se laisser ni surprendre ni trahir par les nouveaux venus. Ce en quoi il présume trop de sa fermeté et de sa vigilance, car il ne faudra pas huit ans aux royalistes ralliés, sincèrement peut-être, à son gouvernement, pour en faire un pouvoir de droit divin ; que fût devenue plus tard la monarchie de la Révolution, sous l'Empereur, et surtout sous son fils, petit-neveu de Louis XVI, élevé par une marquise de Montesquiou[28] ? On l'eût bien vu, si d'autres ralliés moins sincères n'avaient au bon moment, Blücher et Schwarzenberg étant en Champagne, abandonné le grand homme au profit de Louis XVIII, qui, par le fait, n'eut pas grand'chose à changer, tant il y avait de nobles ralliés ou censés tels dans l'administration impériale. Comme, d'autre part, l'aristocratie a ses motifs pour se rallier, la tâche de Fouché sera fort délicate. Il ne s'en dissimule pas les difficultés et n'ignore pas à quoi peut l'entrainer la disparition complète du parti bourbonien. Il s'y appliquera cependant, résolu à obvier éventuellement à ces inconvénients. L'Ouest mis eu état de siège, le royalisme actif y succombera, réduit à des tentatives de brigands. A Paris, les agents de Louis XVIII trouveront partout portes closes[29]. Fouché empêchera habilement tout journal de parler des princes, fût-ce pour les attaquer[30]. Il y a en 1810 des gens qui croient que Louis XVIII, le comte de Lille et le comte de Provence sont trois frères[31]. En 1804, la protestation de Louis XVIII contre l'institution de l'Empire était lue et répandue ; en 1813, on haussait les épaules, même au Faubourg, quand on parlait du retour des Bourbons. Ils sont méprisés, impuissants et, qui pis est, inconnus. Le Faubourg n'y croit plus dès 1808. Mais alors le faubourg va se rallier : c'est alors que se montre la seconde face de la politique double de Fouché. L'ami de Mme de Vaudémont est fort sollicité : il laisse toujours tout espérer, promet de plaider la cause qui lui est confiée, grâce ou faveur à obtenir. Parfois, en effet, il est de bonne foi, défend son client ; d'autres fois, il le dessert audacieusement, et irrite systématiquement l'Empereur contre le Faubourg. La conséquence est prévue : Napoléon repousse la requête quand il ne se fait pas l'auteur de nouvelles mesures contre l'aristocratie. Fouché revient consterné : Il n'a pas voulu. Les imprécations grondent contre le maitre ; par contre tous les remerciements vont au ministre. Et quand la grâce a été, par hasard, arrachée au tyran, quelle reconnaissance encore... pour le ministre !... L'impopularité de l'Empereur, au Faubourg, s'en accroit ; cette politique astucieuse entrave, retarde singulièrement le ralliement[32]. Le ministre, du reste, y emploie d'autres moyens. Il éloigne, systématiquement et parfois brutalement, les émigrés rentrés des conseils généraux ou des états-majors de la garde nationale[33]. Il transmet avec affectation à l'Empereur les témoignages du mécontentement que soulève l'entrée aux Tuileries des nobles d'ancien régime, et les plaintes des acquéreurs de biens nationaux, des républicains ralliés à l'Empire et des anciens prêtres constitutionnels contre les préfets et sous-préfets réacteurs qui les traitent de jacobins et d'apostats[34]. Fouché va jusqu'à combattre ouvertement, entre autres applications de la politique de fusion, les mariages entre les deux aristocraties. Il faudra Savary pour donner une singulière activité à cette odieuse et ridicule conscription des filles. Même politique vis-à-vis du clergé. Le ministre, s'il croit au diable, ne croit sans doute plus à Dieu, mais il reçoit fort souvent son curé à sa table et offre le pain bénit[35] ; il peut, de ce fait sans encourir le reproche d'hostilité systématique, faire prévaloir un système de surveillance assez sévère et parfois un peu taquine[36] : il ne réprimera pas seulement sévèrement tout acte d'intolérance, tonte attaque contre le pouvoir laïque et la Révolution, dénonçant par an des centaines de prêtres au ministre des Cultes qu'il juge trop doux : il descend aux mesquines et menues persécutions, proscrit processions, érections de croix et célébration de fêtes abolies par le Concordat, vexations exagérées, mais qu'il prétend justifiées, à cette heure où, pour triompher, la doctrine de la neutralité de l'État et de l'égalité des cultes doit être intégrale. Il interdit les missions, emprisonne les sermonneurs trop inconsidérés, fait réprimander les évêques qui les couvrent[37]. Mais comme il trouve l'Empereur plus disposé à frapper le clergé catholique, à mesure que se tendent ses relations avec la cour de Rome, lui, Fouché, se prend à les vouloir défendre, en le leur faisant savoir, comme de juste. Il en est bientôt à adoucir les ordres du maitre, et, tout en continuant à pratiquer une politique d'étroite et rigoureuse surveillance, il sauve bien souvent prêtres, évêques et cardinaux des cachots de Fenestrelles ou de Vincennes[38]. Correspondance de l'Empereur et bulletins de police sont là pour le prouver. Cette politique préserva le clergé d'une véritable proscription[39]. On lui en savait gré. Des relations amicales avec certains ecclésiastiques et surtout certains évêques lui assuraient bientôt dans le clergé une popularité réelle[40]. J'estimais beaucoup les dévots, et à leur égard c'est un des grands points de la piété, eût-il pu écrire avec Paul de Gondi. En revanche il combat sans se lasser le parti ultramontain, menant de front la lutte contre les deux groupes dont l'influence réactrice lui parait faire beaucoup de progrès, les ralliés du trône et ceux de l'autel. Pour contrebalancer cette influence, Fouché a eu recours à d'autres procédés que ceux de la lutte à outrance : il faut un contrepoids ; dès 1799 il l'a trouvé à gauche, a tenté dès l'abord d'en charger très lourdement le plateau de cette balance que Napoléon se vante volontiers de tenir d'une main si ferme. S'il essaye d'aigrir l'Empereur contre les royalistes et les catholiques disposés à s'imposer et de décourager d'autre part leur ralliement, l'ancien conventionnel favorise par contre de toutes les façons l'adhésion à l'Empire du parti républicain. Dès 1800 il a regretté la disgrâce de Carnot, qui cependant ne l'aime guère, poussé en 1802 les Consuls à appeler au Sénat La Fayette et Daunou et contribué plus que personne à y renforcer le groupe d'anciens révolutionnaires : on le verra en 1808 écarter de ce groupe le bras déjà menaçant de l'Empereur et sauver de mesures violentes et les sénateurs de gauche et le plus républicain des maréchaux, Masséna, et les membres les plus illustres du groupe de 89, La Fayette, Mme de Staël, Benjamin Constant. Il ne s'arrête pas à cette tâche de protection active : il pousse sans cesse au ralliement les républicains les moins résignés. Leur accession fait son excuse à lui, sa force et sa raison d'être. Il faut donc, en attendant qu'ils se décident à une franche accession, ne pas exaspérer contre l'Empire les derniers groupes jacobins : aussi fait-on bon accueil au Quai Voltaire aux anarchistes les moins ralliés, qui y trouvent, du reste, à côté du citoyen Fouché de Nantes, son lieutenant Réal, l'ancien substitut d'Hébert et le chef de la sûreté Desmarest, ancien prêtre et longtemps jacobin extrême. Si attentif à rapporter à l'Empereur le moindre propos séditieux du faubourg Saint-Germain, Fouché s'efforce au contraire de pallier tous les actes d'insoumission du parti anarchiste, étouffe sans bruit quatre ou cinq affaires dont les préfets réacteurs voudraient faire de redoutables complots de 93. Il traite les quelques meneurs de fous, leurs complices d'imbéciles, tranquillise ainsi l'Empereur, ajoutant, du reste habilement, que la soumission de ces vieux septembriseurs que l'Empereur au fond continue à redouter, se trouve subordonnée à la présence au ministère de leur ancien coreligionnaire. On verra, s'écrie Fouché[41], reparaître les tavernes et les faubourgs et dans les réunions les motions, les piques et les bonnets rouges : la nature fait des jacobins et la police des citoyens. C'est montrer le spectre rouge, mais pour le mettre dans sa poche avec désinvolture. A cela, le publiciste Fiévée riposte que Monsieur Fouché se vante de répondre du parti révolutionnaire, ce qui est avouer qu'il en dispose[42]. Fouché ne s'en défend pas, puisque c'est ce qui fait son prix, soutenant d'ailleurs qu'il en dispose pour le plus grand bien de l'Empire. En réalité, le parti dont Fiévée est l'organe pardonnerait plus à Fouché la protection des révolutionnaires que celle de la Révolution. Fiévée, définissant le ministère de la Police : l'administration de la prévoyance des dangers de l'État, accusait aigrement Fouché d'en avoir fait l'administration de la prévoyance des dangers que pouvait courir le vieil esprit de la Révolution[43]. Cet adversaire caractérisait d'un mot une politique qui fut constante. La Révolution trouve en Fouché un défenseur fidèle et tenace : pas un livre ne parait, suspect d'hostilité à la Révolution, de la Constituante à la Convention, d'apologie de Louis XVI ou de l'ancien régime, qu'il ne soit immédiatement saisi, supprimé, son auteur même souvent poursuivi[44]. Les exemples en abondent. Un prêtre qui a en chaire attaqué la Convention sera avec éclat destitué et emprisonné ; un avocat de Marseille s'est-il permis, au cours d'une plaidoirie contre un des votants de janvier 93, l'ex-représentant Granet, d'évoquer contre lui les mânes du a roi martyr, Fouché le fait immédiatement arrêter et incarcérer, pour bien prouver que Napoléon Ier n'est pas encore le successeur légitime de Louis XVI[45]. Cette jalouse surveillance s'étend à tout : les arbres de la liberté arrachés nuitamment dans le Midi sont, par les ordres de l'ancien conventionnel, ministre du despotisme, replantés et cultivés, ce qui est d'un joli symbolisme[46]. Mais ce sont surtout les acquéreurs de biens nationaux qu'il défend à outrance contre toute tentative de revendication, d'intimidation et de persécution[47]. Des pièces de théâtre sont interdites où peuvent se relever des allusions désobligeantes à ces citoyens qui les premiers osèrent se confier au génie de la Révolution[48]. La Révolution n'est pas seulement défendue dans ses souvenirs et ses amis, elle l'est même dans ses principes. On verra le futur duc d'Otrante combattre comme contraires à l'esprit de la Révolution la restauration des titres nobiliaires et des blasons, l'institution des majorats, le rétablissement des corporations sous forme de syndicats[49], comme il a jadis lutté contre le Concordat, destructif de la Constitution civile, contre le consulat à vie, fin de la liberté. Chose trop peu reconnue et peu commune, ce démocrate sous les broderies sut ne pas rougir de la Révolution, sa mère : contre la réaction tous les jours grandissante, contre les révolutionnaires renégats, contre les revenants de l'émigration, contre le clergé ultramontain et contre la force mystérieuse des évolutions mêmes de l'opinion publique, il en défendit les principales idées politiques, sociales et religieuses[50]. M. Fouché, écrivait en 1804 Fiévée, furieux de son rappel, M. Fouché ne veut pas livrer et ne livrera jamais la Révolution[51]. Et Fouché eût assurément souscrit à cette parole d'un ennemi. C'est bien, en effet, caractériser la première partie de ce programme : conservation dans le nouvel Empire du vieil esprit de la Révolution contre toute restauration monarchique, contre toute réaction avouée et contre toute perversion hypocrite. ***La conservation de l'Empire lui-même était la conséquence même de ce premier article. On n'installe, on ne maintient pas dans une place une garnison de son choix pour livrer ou laisser surprendre à l'ennemi place et garnison. Il est un fait certain, c'est que Fouché fut, somme toute, jusqu'en 1810, le serviteur très diligent de l'Empire, monarchie issue de la Révolution, et fidèle à l'Empereur, sinon à ses héritiers présomptifs. Si, encouragés par une constante bienveillance ou par sa réputation de duplicité, tous les partis fondèrent sur lui des espérances[52], il ne semble pas que le ministre les ait encouragées autrement que par un sourire de scepticisme ou de vague bienveillance. Le 21 janvier est encore trop proche. Les promesses de Louis XVIII ne lui paraissent pas sûres : il a souvenance de la fameuse lettre de Charles Stuart, saisie par Cromwell, et craint de trouver la corde de chanvre au lieu du cordon de Saint-Louis. Comme, d'autre part, il parait indubitablement revenu de la République, qu'il ne cessera de plaisanter avec ses amis du régime parlementaire et constitutionnel, c'est bien l'Empire, dictature d'origine républicaine, qui lui parait le gouvernement le plus favorable à la protection de ses principes et de ses intérêts, ce qui est tout un. Sans doute, nous le trouverons parfois mêlé à des intrigues qui ont pour but de porter au pouvoir des hommes que la Constitution impériale ne désigne pas. Mais l'entreprise est toujours éventuelle : dix fois, il voit partir l'Empereur au-devant des balles et des obus ; il le sait, mieux que personne, d'autre part, exposé aux poignards et aux machines infernales. Or Fouché entend que le régime dure autant que lui-même, qu'il soit gouverné par Napoléon ou par un autre. Supprimer les dangers qui menacent l'Empereur dans sa vie et sa fortune et, partant, l'Empire dans sa durée est bien la première tâche qui incombe à Fouché. Le plus instant, c'est la guerre. II prône donc la paix, et très activement y travaille[53]. Tout l'y pousse, les plaintes du pays qu'il est à même d'entendre mieux que l'Empereur, l'hostilité de la bourgeoisie qui déteste la guerre et qu'il cultive, les incessantes craintes du marché financier et cette inévitable conséquence d'une conscription sans précédent, la désertion, source d'un brigandage alors inextinguible. Mais ce qui le fait surtout frémir, c'est la menace suspendue au-dessus de la tête de l'Empereur, au-dessus du régime qu'il sert. Que l'Empereur succombe frappé d'une balle ou d'un obus, c'est là une terrible éventualité, mais nous ne tarderons pas à constater que Fouché y a déjà pourvu. Mais si, vaincu, l'Empereur s'acharne à combattre, se fait ramener du Danube sur le Rhin et du Rhin sur la Seine, à quels dangers se trouve exposé ce régime auquel l'ancien conventionnel a lié le sort de la Révolution ! On se prépare à nous faire une guerre de jacobins, écrira le duc d'Otrante au duc de Bassano en juillet 1813. Mais depuis longtemps le perspicace homme d'État sait, que c'est une guerre antidynastique, suite de la guerre antijacobine, que mènent contre l'Empereur et le Tzar et l'Autrichien et le Prussien, futurs membres de la Sainte-Alliance, qu'en dépit de ses efforts, c'est le jacobin qu'oie vise en Napoléon, l'ennemi que dans la défaite on cherchera à écraser, à balayer. Le jour où les alliés, Pitt et Cobourg toujours, entreront à Paris, c'en sera fait de l'Empire et de la Révolution. Les craintes de Fouché à ce sujet éclatent dès 1805 dans ses conversations : elles le poussent à mille démarches et intrigues en faveur de la paix. Mais il craint avant tout la guerre anglaise : le caractère antidynastique de la guerre est ici avéré. Le cabinet de Saint-James n'a jamais reconnu officiellement l'Empire : Londres abrite, recueille, soutient, subventionne, excite princes, émigrés et chouans. La crainte que cette lutte inspire au duc d'Otrante est telle qu'après avoir de 1804 à 1809 essayé, par de fort nombreuses intrigues, de brouiller la cour d'Hartwel et le cabinet anglais, il ose engager secrètement et sans l'aveu du souverain une négociation destinée à consommer la paix et qui, découverte, sera le prétexte d'une éclatante disgrâce. Il a, dans cette partie de la tâche, constamment échoué, mais qui eût réussi à imposer la paix à Bonaparte ? Puisque celui-ci s'acharne à risquer dans les combats une vie qui n'est pas à lui, il ne reste plus au prévoyant homme d'État qu'à lui donner un successeur éventuel. Il songe tout d'abord à assurer au maitre une descendance légitime. Il est plus qu'homme au monde l'ami de Joséphine : peu lui importe. La paix de Tilsit permettant de rêver une union possible avec une dynastie libre de préjugés et de rancunes contre-révolutionnaires, la campagne pour le divorce commence en 1807, poursuivie deux ans avec une si curieuse ténacité, un des épisodes singuliers du ministère de Fouché. — Sans doute la campagne tourne mal pour lui : elle aboutit trop tard pour donner à l'Empereur un héritier sérieux : elle vaut à Fouché la haine des amis de Joséphine et se termine par ce mariage autrichien qui soudain déroute ses plans, prépare sa disgrâce et pour la première et unique fois de sa vie lui permet de méditer le sic vos, non vobis. Aussi bien, au moment où se conclut ce nouveau mariage, l'industrieux politicien a déjà bâti d'autres combinaisons pour la durée de l'œuvre impériale. Dès 1808, trouvant chez Napoléon une résistance au divorce qui le déroute, il a cherché hors de la dynastie des successeurs à l'Empereur, alors engagé dans les dangers de la guerre espagnole. Il a trouvé cc successeur éventuel dans l'état-major[54]. Deux noms s'imposent : Murat et Bernadotte. Ces deux brillants officiers de la Révolution, plus populaires grâce à une origine vraiment plébéienne, plus prestigieux, plus indépendants aussi que les autres et à qui, par surcroit, des alliances de famille avec la dynastie régnante donnent une sorte de légitimité, sont l'un et l'autre, grâce à un esprit léger, superficiel et médiocre, pour le souple et malin conseiller qui les dirigera, d'excellents instruments de règne. Que pèsent aux yeux de cet homme d'État froid et mesuré ces deux cadets de Gascogne, que le pâle et chétif oratorien fait marcher, pousse, lâche, reprend avec ce sang-froid ironique dont certains Bretons ont le secret. De là l'intrigue de 1808 et celle de 1814 avec Joachim Murat, de là cette singulière association de 1809 avec Bernadotte disgracié. C'est faire preuve après tout d'un impérialisme bien tenace que de pratiquer cette politique : tout en cherchant par la pacification à écarter de la tête de l'Empereur les dangers qui le menacent et par le divorce à lui assurer un héritier légitime, trouver à l'Empereur des successeurs tout prêts, et à l'Empire issu de la Révolution des protecteurs éventuels dans les rangs du brillant état-major impérial. Cette politique complète l'autre ; car, en s'emparant de l'Empire décapité, Murat, l'ancien chasseur de 1792, Bernadotte, l'ancien sergent Belle-Jambe, eussent sauvé des Bourbons la Révolution, ainsi de toute part assurée. En attendant, il la défend sous sa forme impériale avec une vigueur extrême. — Ce n'est pas un libérâtre. Constitution et Parlement le font sourire, il méprise ouvertement la tribune[55] et hait la presse. Avec un mot ces journalistes attaquent un ministre, écrit-il, et il faut dix pages pour se défendre : avec une phrase lancée de la tribune, ils mettent les têtes en émotion et il faut prendre du temps pour les retenir. Quand on est ministre, on a autre chose à faire[56] : Le mal que les journaux peuvent faire, il est trop tard de le juger après l'impression[57]. La presse trouvera donc en lui un grand adversaire, à quelque parti qu'il appartienne. Il ne s'en cache pas. J'avoue, écrit-il railleusement[58], quelques mois avant sa mort, que je suis un grand coupable d'avoir entravé la liberté de la presse : si vous avez sous la main un bon confesseur qui se sente le courage de m'absoudre de tous les péchés que j'ai commis à ce sujet pendant dix ans de ministère, faites-moi le plaisir de me l'envoyer. L'Empereur se sentait fort bien servi par une haine qu'il partageait à un si haut degré, que ses lettres à Fouché feraient rétrospectivement frémir nos journalistes contemporains. Le despote se sentait d'accord avec l'homme qui, en 1818, laissait échapper cet aveu : Les partis me pardonneront de les avoir contenus ; l'avenir leur apprendra si je les eusse rendus plus heureux en les laissant plus libres. Des sentiments aussi édifiants devaient l'amener à faire assez bon compte de la liberté individuelle. Son mépris des hommes excusait évidemment à ses yeux les actes arbitraires, arrestations, incarcérations, détentions illégales ; cet homme de 1789 distribua dans sa vie plus de lettres de cachet que tous les ministres de Louis XIV et de Louis XV réunis. Si tout homme n'est pas coupable, tout homme peut être réputé dangereux. Les fameuses mesures administratives s'inspirent de cet axiome. Il y apporte, du reste, plus de tempérament, de modération habile, de scepticisme indulgent que l'Empereur lui-même ne le voudrait. C'est par cette politique où la fermeté s'étaye, du reste, d'adroite indulgence que Fouché croit servir le mieux, consolider, faire triompher à jamais la conception politique qui, depuis 1799, est la sienne : la Révolution dans l'Empire. Il n'y a point de doute que, tout en ménageant ses intérêts, ce ne fût avec la plus grande sincérité qu'après 1804, il apporta à l'Empereur, héritier et sauvegarde de la Révolution, l'appui de son expérience, déjà peu commune, des hommes et des choses, de son tact de diplomate et de sa fermeté d'homme d'État. |
[1] Rapport du préfet de Police, 16 prairial an XII, F7, 3832.
[2] Rapport du préfet de police, 21 germinal an XII, F7, 3832.
[3] Rapport du préfet de police, 4 nivôse an XII, F7, 3832.
[4] Rapport du préfet de police, 24 floréal an XII, F7, 3832. Bulletins de police de messidor et thermidor, du 17 au 26 ventôse an XII, F7, 3704.
[5] Bulletin du 28 messidor an XII, F7, 3704.
[6] Sans parler des pays hostiles comme l'Angleterre, la Russie et l'Autriche, où le nom de Moreau groupait les haines et les rancunes contre Bonaparte (Cf. l'Ambigu de PELTIER, qui, en 1804, se fait l'écho de toute la presse étrangère), en Espagne, cependant, notre alliée, Moreau allait être accueilli avec enthousiasme. (Bulletins de messidor et thermidor an XII, F7, 3704.)
[7] Le commissaire général de Brest au ministre, 1er thermidor an XII. Bulletin du 6, F7, 3704.
[8] Ils ne réunissent en 1804 au café des Tuileries et disent qu'on fait tout pour dégoûter les militaires qui ont servi sans le général Moreau. (Rapport du préfet, 7 vendémiaire an XII, F7, 3832.)
[9] Dossier Malet, F7, 6497, Bulletins des 19, 24 et 27 brumaire, 4 frimaire, 17 prairial an XII, et en général les Bulletins de brumaire à messidor an XII, F7, 3704.
[10] Bulletin du 13 thermidor an XIII, A FIV 1494.
[11] DE BARANTE, II, 72.
[12] Le préfet de la Nièvre au grand Juge. Bulletin du 23 thermidor an XII, F7, 3704.
[13] Lettres des préfets de la Seine-Inférieure, de la Nièvre, de la Vendée, des Deux-Sèvres, etc. Bulletins de germinal-messidor an XII, F7, 3705.
[14] Rapport du préfet, 13 thermidor au XII, F7, 3702. Bulletins frimaire-nivôse an XIII, F7, 3706 et 3748.
[15] Correspondance de Desmarest avec le commissaire général de Marseille sur l'état du Midi, F7, 6448.
[16] Je ne permets de renvoyer — en attendant cette étude plus détaillée en préparation — aux trois pages que j'ai consacrées à cette organisation dans la première édition de Fouché et aux notes et références, tome I, p. 430-432.
[17] Réflexions politiques soumises au roi (correspondance du comte de Vaudreuil).
[18] Mémoire de BERTRAND DE MOLLEVILLE, Archives des Affaires étrangères. Fonds BOURBON, analysé par M. WELSCHINGER, le Duc d'Enghien, p. 240. Cf. aussi, ch. XVI, l'Affaire Le Chevalier : le jeune chouan essaya de réaliser ce beau plan.
[19] Cf. chapitre XVI, l'Affaire Perler-Fauche-Borel.
[20] Napoléon le fait entrer, en 1807, dans le Conseil des cultes et le consulte souvent sur le choix des évêques.
[21] Lettre d'un émigré du 25 juin 1805, copiée aux Archives de Saint-Pétersbourg. (Archives des Affaires étrangères de France, 1892.)
[22] Le préfet de la Charente écrivait, le 6 ventôse an XII, que l'évêque, zélé impérialiste, avant lors du Te Deum déclaré qu'il dénoncerait les conjurés qu'il connaitrait, dussent-ils au pied des autels, certains prêtres ont répondu en termes insolents. Bulletin du 22 ventôse an XII, F7, 3704.)
[23] FLOURENS, Napoléon et les Jésuites, et ch. XVI-XIX. Les conclusions de cet article de l'ancien directeur des cultes ont été combattues dans un article aussi spirituel que vigoureux, paru récemment (5 juillet 1902) dans les Études des Pères Jésuites, sous la signature autorisée du P. DUDON. Les relations de Fouché avec les Pères de la Foi, que celui-ci croyait sincèrement des Jésuites, y sont étudiées avec conscience. (Note de la 2e édition.)
[24] Cf. chapitre XVI.
[25] Note sur l'opposition. (Papiers Gaillard.)
[26] Note sur l'opposition.
[27] Cf. le Rapport du 17 juin 1815, déjà cité, où il insiste sur la surveillance incessante qu'il a dû exercer sur le Midi et l'Ouest de 1799 à 1810. Il fait surveiller étroitement les émigrés à l'étranger (dossier Diego Carrera, F7, 6468 ; Humbold, F7, 6448-6453 ; Fauche-Borel, F7, 6139, 6152, 6478, 6598 ; Dumouriez, F7, 6488 ; d'André, F7, 6371 ; La Ferronnays, F7, 6458, etc.) et interdit sévèrement à certains chefs royalistes l'entrée de la France : c'est son attitude vis-à-vis du duc de Fleury (dossier F7, 6r142).
[28] Nous renvoyons au si curieux volume de M. F. MASSON sur Marie-Louise. (Note de la 2e édition.)
[29] Lettre du jeune Boisé-Lucas à Chateaubriand (1808, F7, 6481) : Les princes sont totalement oubliés de la masse de la nation, écrit ce jeune royaliste à l'agent des princes ; ils sont tombés dans un tel discrédit que quand même le trône redeviendrait vacant, je crois qu'il ne tombe dans l'esprit de personne qu'ils dussent l'occuper.
[30] Cf. la même lettre. Nous verrons Fouché se vanter en 1814 aux ministres de Louis XVIII de cette tactique qu'ils ont le tort, à son sens, de ne pas appliquer à Napoléon déchu et exilé. (Cf. ch. XXIII.)
[31] FAUCHE-BOREL (IV, 87) dit que Sarrasin, arrivant en Angleterre, ignorait complètement de qui se composait alors la famille royale.
[32] Dès 1802, FIÉVÉE (I, 46) écrivait : Depuis deux ans toutes les combinaisons de la police ont consisté à reporter sur le Premier Consul l'odieux de la plupart des arrestations. Le meurtre du duc d'Enghien l'avait à cet égard beaucoup servi. Pasquier, I, 242 ; Savary, IV, 395 ; Barras, IV, 244 ; Bourrienne, V, 32, signalent à l'envi cette machiavélique politique qui trompe Hyde de Neuville lui-même (I, 371-372).
[33] Bulletin de police de 1805 à 1806 ; celui du 16 janvier 1806 (F7, 3752) est particulièrement caractéristique.
[34] Plaintes contre le préfet du Pas-de-Calais, qui, tout dévoué aux nobles, prononce des paroles réactrices (Bulletin du 16 janvier 1806, F7, 3752 et autres. Cependant il est de l'avis du préfet du Nord, qui déclara qu'on ne pouvait repousser tout noble, pourvu qu'on ait l'attention de ne pas leur livrer toutes les portes. (Bulletin du 15 juin 1809, F7, 3783.)
[35] Roberdeau, ancien secrétaire de Fouché, à Hamel, 28 juin 1866 (HAMEL, Histoire de Juilly, 342), et le duc d'Otrante à Gaillard, 15 juin 1819 (Papiers inédits de Gaillard).
[36] Cf. chapitres XVI-XIX.
[37] Cf. chapitres XVI-XIX.
[38] On le verra sauver des cachots l'abbé Sicard, impliqué par le rapporteur du conseil de guerre dans le procès Chateaubriand (Bulletin du 17 mars 1809, A FIV 1505) ; l'abbé Desjardins, impliqué dans l'affaire du baron de Kolli, qui, après la disgrâce de Fouché, est repris par Savary et enfermé à Fenestrelles le 18 octobre 1810. Rapport du 31 mars à l'Empereur, rapport du 16 octobre, décret du 18 octobre. Dossier Kolli, F7, 6540, et GAILLARD, Mémoires inédits). Il protégera de même l'abbé Frayssinous (Papiers Inédits de Gaillard), le cardinal Consalvi (cf. ch. XIX), etc.
[39] On n'a, pour s'en convaincre, qu'à parcourir la correspondance de l'Empereur et surtout les suppléments que M. Lecestre, M. Debrotonne et MM. Masson et Lumbroso y ont apportés. Napoléon à Fouché, 27 octobre 1804 (Lettres, I, 47), 7 février 1806 (Corresp., XII, 9769), 25 janvier (Corresp., XIV, 11684), 7 septembre 1807 (Lettres, I, 108), 17 décembre 1807 (Lettres, I, 103), 1er septembre 1808 (I, 103), 14 mars (I, 190), 28 juillet (I, 335), 26 octobre (I, 371), 27 octobre 1809 (Corresp., XX, 15975), etc., etc., etc. On pourrait en citer cent autres excitant le zèle du ministre en lui prescrivant la rigueur contre le clergé. J'ai cité ailleurs ce fait bien topique que, au départ de Fouché, quoique l'Empereur fût depuis deux ans en lutte avec l'Église, il n'y avait que 24 prêtres détenus par mesure de haute police dans le 2e arrondissement de police ; en 1812 on en comptait 105.
[40] Sur ses relations étroites avec M. de Pancemont, cf. ch. XIV, plus haut ; avec le cardinal de Belloy, visitant Fouché et sa femme (qui ne manque jamais de lui demander de s'engager à bénir le mariage de sa fille) (cf. Mme DE CHÂTENAY, 51) ; avec l'archevêque de Besançon Le Coz, cf. sa lettre enthousiaste, ch. XXIV ; avec l'évêque d'Avignon Perier, cf. ch. XI, et GAILLARD (Mémoires inédits), qui fut chargé de recevoir en grande pompe le prélat à Ferrières ; avec Maury, cf. lettre très flatteuse du cardinal au ministre, 31 août 1815. Papiers confiés à Gaillard.
[41] Note sur la police. (Papiers Gaillard.)
[42] Fiévée à Napoléon, août 1804, II, 37.
[43] Fiévée à Napoléon, juin 1810, III, 65.
[44] Cf. chapitres XVI-XX.
[45] La leçon donnée, il le fait relâcher un mois après. Bulletin des 29 messidor et 21 thermidor an XIII ; A FIV, 1494.
[46] Il a, il est vrai, écrit le 18 floréal an XIII au préfet de la Haute-Saône de lie pas attacher pour les représailles à ce dépit plus d'importance qu'à une dégradation ordinaire. Bulletin du 18 floréal an XIII : A FIV, 1498.
[47] Cf. ses remontrances au préfet de la Loire-Inférieure qui a appuyé les prétentions d'un maire à faire rendre au curé le presbytère acquis comme bien national. Bulletin du 22 octobre 1807 ; A FIV, 1501.
[48] Compte rendu de l'an VIII.
[49] Note du 18 septembre 1807 ; A FIV, 1501. Observations sur le projet de règlement de l'imprimerie ; Note ministérielle annexée au Bulletin, 24 juin 1807 ; A FIV, 1500.
[50] Fouché, écrit Fiévée en août 1804, a la prétention de tenir dans ses mains l'étendard du parti jacobin, afin de répondre, dit-il, de toutes les tentatives de ce parti. Fiévée à Napoléon, août 1804, II, 36.
[51] Fiévée à Napoléon, août 1804, II, 37. En somme, l'idée maitresse est celle qu'il exprimait le 1er août 1819. Il ne faut pas étouffer la Révolution, il faut la régulariser. Fouché à Gaillard, 1er août 1819. (Papiers inédits de Gaillard.)
[52] Cf. chapitres XVI-XX.
[53] Cf. chapitres XVII-XVIII.
[54] Il a toujours eu de bonnes relations avec l'état-major impérial. Cf., en ce qui concerne Murat, ch. XVII et XXII ; en ce qui concerne Bernadotte, ch. XVIII et XXIII. Mais ils ne sont pas les seuls : il sauve, dit-on, Masséna en 1808 lors de la conspiration Malet et s'en fait gloire ; il entreprend Augereau en 1812 (cf. ch. XXIII), et c'est à lui que le rude soldat exprime en avril 1814 sa joie d'être délivré de Napoléon (Augereau à Fouché, avril 1814, Papiers confiés à Gaillard). C'est Lannes et Junot qui en 1807 lui épargnent, au dire de Savary, une disgrâce. Il se sert de Caulaincourt eu 1815, au gouvernement provisoire ; de Macdonald, de Davout. Il Sourit de tons ses braves soldats. Napoléon imprudemment le charge parfois de les admonester, Augereau en 1807 (3 mai 1807, XV, 12516) et Bernadotte en 1809. Peut-être espère-t-il ainsi rendre le ministre de la police odieux à l'état-major, qui, au contraire, reste reconnaissant de certains bons offices.
[55] En 1808, il encouragera Napoléon à résister au Corps législatif un instant opposant, lui représentant que c'était ainsi qu'il fallait gouverner ; que si un corps quelconque s'arrogeait le droit de représenter le souverain seul, il n'y avait d'autre parti à prendre que de le dissoudre, et que si Louis XVI eût agi ainsi, ce malheureux prince vivrait et règnerait encore. (Mém. de Fouché, I, 38-41. Cf. ch. XXIV-XXVI, ses sentiments à propos des Chambres élues en mai et juillet 1815).
[56] Fouché à Gaillard, 15, 25 mars 1818.
[57] Compte rendu de l'an VIII.
[58] Fouché au roi Jérôme, 3 août 1819. (Mém. du roi Jérôme, t. VII.)