Une nouvelle recrue de l'Oratoire. — La famille Fouché. — Joseph Fouché au collège de Nantes. — Le P. Durif détourne Joseph Fouché de la mer, le pousse à l'Oratoire. — L'Oratoire à la fin du XVIIIe siècle. — Le séminaire de la rue Saint-Honoré. — L'abbé Merault de Bisy. — Fouché n'a jamais été prêtre. — La carrière professorale de Fouché. — Le collège de Niort, l'école de Vendôme. — Juilly. — Le bon P. Fouché. — Physique amusante. — Fidélité à Juilly. — Fouché professeur de sciences à Arras. — Premières relations avec Robespierre et Carnot. — Le collège d'Arras et l'esprit nouveau. — L'Oratoire participe au mouvement patriote. — Députation à l'Assemblée constituante. — Fouché est envoyé à Nantes. — Le collège de Nantes en effervescence. — Le confrère Fouché se jette dans la politique. — Les Amis de la Constitution. — Le préfet du collège Fouché devient président du club. — Fouché, Brissot et l'esclavagisme. — Fouché principal ; réformes qu'il propose dans la constitution du collège. — Fouché rompt avec l'Oratoire et se marie. — Fouché en 1792. — Influence de l'Oratoire, de l'Église, de la famille et du professorat sur le futur homme d'État.Le 11 novembre 1781, le séminaire de l'Oratoire de Jésus s'enrichissait d'une nouvelle recrue : c'était un jeune homme de vingt-deux ans, pâle, malingre, d'aspect un peu humble ; il était du diocèse de Nantes, arrivait avec les recommandations de ses maîtres du collège : il s'appelait Joseph Fouché. Une santé débile, jointe à une intelligence qui avait paru apte aux spéculations scientifiques, l'avait éloigné de la carrière active, toujours rude, parfois périlleuse, qui était celle des siens, et l'amenait dans la sombre maison de la rue Saint-Honoré où, depuis si longtemps, se formaient, sous la direction bérullienne, des générations de professeurs et de prêtres. Ces Fouché, capitaines au long cours depuis un siècle, étaient des bourgeois aisés. Le commerce entre Nantes et les Îles — la chasse à l'Anglais peut-être dans les bonnes années — leur avait permis la formation d'un patrimoine fort suffisant, de l'un et l'autre côté de l'Atlantique. Le domaine du Pellerin, arrondi des terres de Rouzerolles, de Pangasserie, de la Martinière, faisait, non moins que les plantations possédées en Saint-Domingue, du capitaine Joseph Fouché un notable de cette petite commune du Pellerin, qui domine la Loire, à cinq lieues de Nantes. C'est là que le marin marchand venait se reposer de ses traversées près de sa femme, Françoise Croizet, et de ses enfants. Ils n'en possédaient qu'une, Louise, ayant perdu en bas âge leur premier fils, lorsque, le 21 mai 1759, naquit dans la vieille maison du Pellerin celui qui devait être le duc d'Otrante : il fut baptisé le 23 mai et reçut le nom de Joseph, héréditaire dans la famille. Un peu plus tard, pour le distinguer du père et d'un frère puîné, on agrémenta son nom de celui d'une terre : en 1781, il était pour tous Joseph Fouché de Rouzerolles[1]. Il avait neuf ans quand on l'amena à Nantes : sa famille entendait qu'il se préparât par de bonnes études à tenir un jour honorablement sa place dans la petite dynastie de marins. Le collège des oratoriens de Nantes était, on le pense, rempli de ces fils de marins qui se préparaient, par l'étude de la grammaire et des humanités, à faire, entre les lies et Nantes, la traite des épices. Il y avait au cloître Notre-Dame une petite pension dirigée par les messieurs Duteil, qui conduisait aux classes. On y mit le petit homme[2]. Il n'aima pas le rudiment et la grammair, son esprit déjà curieux, réaliste et peu soumis, a ne pouvant, comme il l'écrivait plus tard, s'assujettir à des règles qu'il ne comprenait pas[3]. Au surplus, qu'était-il besoin de savoir les éléments du style et de pénétrer les mystères de l'analyse grammaticale pour le métier qu'il voulait faire, ou du moins qu'on voulait qu'il fit ? L'arithmétique, la physique, les sciences exactes, voilà ce qui l'attirait ; et comme il avait l'intelligence vive, l'ambition déjà éveillée, il s'y jeta avec passion et succès. Logiquement, une pareille tournure d'esprit lui permit de goûter Pascal, les savants de Port-Royal, la littérature janséniste : il l'étudia et l'aima[4]. Il fut dès lors un studieux, un passionné de science ; le P. Durif, préfet des études, le regardait d'un œil attentif s'élever, non pour le cabotage et la traite, mais, pensait-il, pour la science et la philosophie[5]. Au reste, sa santé ne se fortifiait guère : la gorge toujours délicate, la figure toujours pâle, les membres maigres pour une taille assez haute, la voix très faible ; impossible d'affronter les rudes épreuves de la vie de marin, coups de mer, longues veillées, changements de climat, soleil des Iles, brumes de l'Atlantique ; ce fils de marin voulut, un jour clans sa vie, prendre la mer, il en eut le mal, en défaillit[6]. L'adolescent ne pouvait être marin : le P. Durif s'empara de lui, le dirigea, en fit un candidat au professorat, à la chaire et au laboratoire[7]. A cette époque, l'Oratoire disposait presque seul de l'enseignement public, sans concurrence sérieuse depuis que les jésuites avaient été, d'un trait de plume de Choiseul, chassés de leurs collèges et de France. Et nul corps n'était plus digne de diriger l'éducation de la jeunesse, à cette époque où la pensée humaine s'éveillait, où la science naissait, que cette congrégation chez laquelle la profondeur des connaissances était aussi Grande que la largeur des idées, et les exemples de vertu sacerdotale, de dévouement professoral, d'ardeur scientifique, alliés à un libéralisme éclairé et tempéré. Leur lutte, parfois assez chaude, une concurrence qui souvent n'avait pas été sans aigreur, avec la Compagnie de Jésus, les avait jetés dans le jansénisme modéré, qui, sans vicier la doctrine, avait maintenu les mœurs austères, et garé des esprits de la morale facile[8]. En 1764, ils étaient restés tout à coup maitres presque exclusifs de la situation, avaient racheté la plupart des collèges abandonnés par leurs anciens émules, et du coup, leurs cadres forcément élargis, il avait fallu chercher parmi les élèves les plus intelligents de plus nombreuses recrues : on examina dès lors assez peu la solidité des principes ; on recruta pour le professorat plus que pour le sacerdoce[9]. Peut-être fut-ce à ces circonstances que le jeune élève du collège de Nantes dut d'attirer et de fixer l'attention du P. Durif. Si bien que, par une journée de novembre 1781, ayant fini ses humanités et sa logique, Joseph Fouché se présentait au séminaire de l'Oratoire de Paris : il était déjà tonsuré, ayant reçu les ordres mineurs : le 7 décembre, il était admis à ce titre dans la maison de la rue Saint-Honoré[10]. Le jeune tonsuré y trouvait entre autres apprentis confrères un jeune oratorien qui, très édifiant à cette époque, devait s'illustrer fort tristement comme un apostat, singulièrement plus odieux que Joseph Fouché, et comme un bourreau auprès duquel devait pâlir la réputation du proconsul de Lyon, c'était le pieux confrère Joseph Le Bon, d'Arras[11] ; il n'était pas alors dans l'Oratoire le seul que Fouché fût destiné à rencontrer au cours de sa vie publique si agitée. Si l'on parcourt en effet les tableaux des professeurs de 1780-89, on y voit, à côté des noms de Fouché et de Le Bon, ceux de Daunou, Ysabeau, Bailly, Billaud-Varennes, leurs futurs collègues de la Convention, de d'Hauterive, Babey, Oudet, Gaillard, Maillocheau, d'autres encore, qu'à tout instant de sa vie Fouché devait rencontrer, protéger, employer. A cette époque, tous ces jeunes oratoriens, futurs membres de la Convention ou futurs fonctionnaires de l'Empire, édifiaient, prêtres ou non, leurs confrères par leur piété, et leurs élèves par cette bonhomie paternelle qui rendait les professeurs de l'Oratoire si populaires dans leurs collèges[12]. Ces deux ans de séminaire — le 31 août 1782, le R. P. Moisset, visiteur, y signalait encore sa présence[13] —, ces deux ans de séminaire restaient illuminés clans la mémoire de Joseph Fouché par une grande et douce affection : celle d'un bon prêtre, l'abbé Mérault de Bisy[14]. Un jour, le saint oratorien vil arriver chez lui le jeune tonsuré, rebuté par l'étude aride des Commentaires de Jansénius, du Catéchisme du concile de Trente, de la théologie, qui ne satisfaisait peut-être pas plus son esprit trop curieux que le rudiment du collège de Nantes. L'excellent abbé accueillit avec bonté le séminariste, l'encouragea, lui ouvrit sa bibliothèque : le Nantais y trouva le Petit Carême de Massillon, en fit un livre de chevet[15] ; le futur apôtre de l'athéisme s'en pénétrait si bien que, quarante ans après, il citait encore à ses correspondants les maximes de son ex-confrère Massillon[16]. Il revenait aussi à ses vieux amis de Port-Royal, passait de Pascal à Nicole, y puisant peut-être son aversion persistante du Jésuite[17]. Le P. Mérault de Bisy ! A ce seul nom, Joseph Fouché, après quarante ans d'orages et d'honneurs, s'attendrissait, s'exaltait. Je ne pourrais trouver, écrira-t-il en 1816, dans l'antiquité, un modèle plus pur à imiter : son âme angélique a pénétré la mienne. Et il semble en effet que ce bon prêtre avait fait du jeune Nantais un séminariste particulièrement religieux. Je me sentais près de lui des idées généreuses, je me trouvais des sentiments religieux ![18] Années fécondes en émotions vives et douces, écrira-t-il encore[19], et le fait était qu'il ressentait alors ou affectait tout au moins une piété peu commune. Alors que les principes jansénistes de l'Oratoire rendaient facultatif l'exercice des sacrements, le jeune élève du P. Mérault de Bisy se confessait, communiait fréquemment, prenait là des habitudes qu'il ne devait perdre qu'à la veille de sa défection[20]. Pourquoi, dès lors, semble-t-il se dérober au sacerdoce, à la prêtrise ? Désir de garder sa liberté, ou simple éloignement des études théologiques ? Le fait est qu'en dépit de la tradition, il ne fut jamais ni prêtre ni même engagé dans les ordres majeurs. C'est la première légende. Des historiens contemporains s'en sont fait l'écho[21] : elle avait cours, reconnaissons-le à leur décharge, dès le début de la Révolution[22], et ne fut que ressuscitée par les pamphlétaires de la Restauration, qui, ne voulant pas seulement réputer assassin, traître, voleur et apostat le votant de janvier 93, l'ont désiré faire sacrilège, violateur des serments de l'autel. Rien de plus faux. Il proteste peu cependant, volontiers fanfaron de crime, bravant l'opinion publique et dédaigneux des attaques. En 1794 néanmoins il se défendra vivement, dira qu'on lui délivre des lettres de prêtrise quoiqu'il n'ait jamais été prêtre[23]. — On prétend que j'ai été prêtre, déclarera-t-il à M. de Ségur[24], et que je suis marié à une religieuse ; la vérité est que, élevé à l'Oratoire, je n'y ai été que tonsuré. Aussi bien qu'est-il besoin de ces protestations, puisque nous avons entre les mains un témoignage bien plus probant que les dénégations de Fouché et de son ancien confrère Gaillard[25], je veux dire les actes officiels de la congrégation ? Chaque année un tableau était dressé où, jour par jour, étaient inscrits les événements grands et petits : nominations, entrées au séminaire, au noviciat, mutations et ordinations[26]. Or, tandis qu'on y voit Daunou et Le Bon, par exemple, recevoir successivement les ordres majeurs, Joseph Fouché de Rouzerolles reste ce qu'on appelle a confrère de l'Oratoire, titre qu'il gardera jusqu'en 1792. Dès le principe en effet et c'est cette particularité peu connue qui, à l'heure présente, accrédite la légende — l'Oratoire avait, en devenant congrégation enseignante, ouvert ses rangs à de jeunes professeurs qui occupaient leurs chaires et restaient Oratoriens de fort longues années sans recevoir les ordres majeurs ni prêter le moindre serment, sauf celui d'obéissance temporaire. Tonsurés, portant le costume ecclésiastique, ils vivaient de la discipline de l'Oratoire, se soumettaient à la règle, mais pouvaient d'un jour à l'autre quitter la soutane et prendre femme sans encourir les censures ecclésiastiques ni soulever même l'ombre d'un scandale[27]. Le fait était, du reste, rare : les habitudes de régularité religieuse prises au séminaire, le contact des professeurs prêtres, pieux disciples de Bérulle et de Massillon, la pratique d'une règle en somme assez douce et très libérale, l'intérêt d'une existence d'études, sans grands soucis matériels, retenaient dans la Congrégation, à défaut de réelle vocation religieuse, et poussaient bientôt au sacerdoce les jeunes confrères de l'Oratoire ; l'obtention de la prêtrise seule en faisait des Pères de l'Oratoire, et c'est par une extension du titre assez explicable que, confondant tous les maitres sous cette appellation familiale, les élèves de Juilly et d'Arras la donnaient au P. Gaillard, au P. Billaud, au P. Fouché[28]. Dans les états annuels de 1781 à 1790, où le nom de Joseph Fouché revient constamment, nous ne lui voyons jamais donner que le titre de Confrère, alors que Le Bon et Daunou sont, une fois prêtres, toujours officiellement qualifiés de Pères[29]. Il faut donc renoncer à donner au futur apôtre de l'athéisme l'auréole de l'apostasie complète, au risque de mécontenter ceux qui l'eussent voulu plus noir, l'estimant ainsi plus complet et partant plus intéressant. Si Fouché fut dix ans un pieux oratorien, il ne fut jamais, comme le croyait Brissot, un prêtre de Jésus et ne pouvait, en conséquence, ne l'ayant jamais été, cesser de l'être. Quand l'élève de Mérault de Bisy sortit du séminaire oratorien, ce ne fut donc pas pour suivre à la maison de Montmorency ceux de ses jeunes confrères qu'attirait le sacerdoce, mais pour entrer immédiatement dans la carrière du professorat semi-laïque. Laborieuses années, obscure destinée de mince pédagogue. Classe de cinquième, classe de quatrième avec cent vingt livres de traitement et l'espoir de deux cents après la vingtième année de professorat. Maigre chère, surveillance des études et des récréations, l'esclavage de la présence forcée au collège. Seulement, des bibliothèques, des laboratoires assez pauvres, mais suffisants, le contact d'hommes instruits. Pour ceux qui auront réussi, tout juste la réputation du P. Houbigant, l'hébraïsant de la congrégation, ou du P. Dotteville, le savant traducteur de Tacite[30]. Les débuts du jeune Nantais eurent pour théâtre le collège de Niort. Il fut envoyé en 1782 ‘. pour y être employé à la pension en qualité de préfet. Mais l'année suivante il reçut la classe de cinquième, qu'il conserva un an[31]. L'homme dont le pouvoir devait s'étendre un jour de Bayonne à Bruxelles et de Brest à Trieste, dirigea modestement ses quelques enfants de onze et douze ans pendant une année. Il s'y fit du moins un ami utile pour l'avenir, le petit Antoine Jav, son élève, alors âgé de douze ans, qui devait être un de ses agents les plus utiles, son principal représentant à la Chambre des Cent-Jours[32]. Il commençait là ce singulier recrutement qui devait plus tard lui valoir tant d'amis utiles parmi d'anciens élèves ou d'ex-confrères qu'il eut grand soin de ne point perdre de vue. Le 13 octobre 1783, il quittait Niort pour Saumur, professeur de quatrième, et y restait un an juste ; le 19 octobre de l'année suivante, il allait, selon les registres de l'Oratoire, faire la classe de deuxième à Vendôme ; encore d'utiles amitiés : il a pour confrère d'Hauterive, pour élève Pardessus : le confrère d'Hauterive devenu le bras droit de Talleyrand, son suppléant au ministère des Relations extérieures, rapprochera eu 1809, pour la satisfaction de leurs ambitions, les deux hommes d'État, rappelant souvent au duc d'Otrante leurs anciennes relations de l'Oratoire ; quant à Pardessus, député au Corps législatif en 1807, ensuite à la Chambre introuvable, royaliste ardent, c'est lui qui, en mars 1815, offre un asile à son ancien professeur, proscrit par Louis XVIII[33]. La série continuait : les cent vingt livres octroyées par la congrégation n'étaient rien ; mais on amassait un capital de relations qui devait produire un jour de gros intérêts. En attendant, la portion congrue ne le nourrissait guère.
Le 3 juin 1185, nous le voyons aspirer aux vacances pour aller se remplumer au Pellerin. Sitôt
que je serai débarrassé de mes classes, écrit-il[34], j'aviserai au moyen de porter mon corps ou plutôt ma frêle
lanterne au Pellerin. Vous ne m'avez jamais vu si maigre, mes os traverseront
sous peu toute ma garde-robe ; j'ai besoin de deux mois pour me remplumer.
Dites, je vous prie, à ma tante que je me repose sur son zèle du soin d'habiller
mes flûtes. Vendôme le garda deux ans, avec le titre de professeur de logique, jusqu'au 26 septembre 1787. A cette date, il recevait l'ordre de se rendre de Vendôme à Juilly pour la suppléance des études[35]. Il fallait qu'il fût en grâce, car la maison de Juilly était, est restée l'établissement de prédilection de l'Oratoire ; l'aristocratie de Paris y mettait ses enfants ; plus tard Jérôme Bonaparte y fut élevé ; le jeune comte de Narbonne, à la veille, en 1787, de devenir ministre de Louis XVI, y avait fait toutes ses études ; le futur chancelier Étienne Pasquier en était sorti depuis six ans ; il y avait eu pour condisciples Molé et Arnauld, encore à Juilly quand Fouché y arriva. On n'y envoyait que des professeurs de marque ; et le collège était ainsi une réunion d'esprits supérieurs, doublés de consciences droites. Le P. Petit, supérieur depuis 1759, était fort réputé pour sa piété et sa science[36] : son ancien élève Pasquier l'aimait beaucoup[37]. Certains professeurs, le P. Mandar, le P. Prioleau, jouissaient fort justement de cette double renommée. Dans ce milieu familial et savant, le confrère Fouché fut très heureux, d'autant qu'il ne s'agissait plus pour lui d'initier des enfants à ces mystères du rudiment et de la grammaire qu'il avait jadis tant redoutés. Suppléant, le titre lui permettait de se charger des cours libres de sciences mathématiques et physiques. Introduit dans le modeste cabinet de physique, l'oratorien sentait pousser ses ailes, voulait devenir grand physicien, au dire de ceux qui le connurent alors, l'émule peut-être de Franklin, de Lavoisier, dont les découvertes remplissaient le monde. Un pareil enseignement ne satisfaisait pas seulement ses aspirations scientifiques, il favorisait son goût, qui fut constant, pour la popularité. Les classes de sciences étaient alors facultatives : seuls des écoliers de bonne volonté, s'intéressant aux études scientifiques, s'asseyaient autour de la chaire du professeur ; ils étaient donc d'humeur facile, le maitre n'étant qu'un initiateur, dispensé de la férule. Il fut dès lors très aimé, d'autant que, hors de son cabinet de physique, le suppléant des études amusait le collège par des expériences qui lui donnaient, avec le prestige d'un quasi-magicien, l'attrait d'un aimable maitre. Il passait pour bonhomme, et ce fut avec une stupéfaction dès lors bien explicable que Chênedollé, l'ami de Chateaubriand, reconnut plus tard dans le terrible exécuteur des hautes œuvres du Comité de salut public et de Bonaparte le paisible savant, le professeur affable de Juilly. Chose curieuse, un autre maitre partageait cette popularité : c'était celui qu'on appelait à Juilly le bon P. Billaud, plus tard le terrible citoyen Billaud-Varennes. Tandis que l'excellent Père Fouché préludait aux mitraillades de Lyon par les expériences de la physique amusante, le futur membre du Comité de salut public ciselait le vers latin, le vers français, y exerçait les élèves de la classe de seconde. On vit même un jour les deux confrères associer le fruit de leurs travaux[38]. Les montgolfières, récemment inventées, faisaient fureur : le professeur de physique de Juilly voulut lancer la sienne en pleine cour du collège : ce fut une solennité ; le professeur d'humanités n'entendit pas laisser s'envoler le brillant aérostat saris l'orner de vers de sa façon ; le jeune roi Louis captivait alors tous les cœurs ; le rimeur voulut témoigner de son loyalisme, et sa muse fut royaliste : Les globes de savon ne sont plus de notre âge ; En changeant de ballons, nous changeons de plaisirs. S'il portait à Louis notre premier hommage, Les vents le souffleraient au gré de nos désirs. Il y avait là plus de bonne volonté que d'inspiration. Dix ans après, ajoute, non sans finesse, un ancien élève de Fouché et de Billaud[39], le poète et le physicien se montraient moins gracieux pour le monarque. On pense quel souvenir Fouché dut garder de ce séjour à Juilly où, au milieu d'une universelle bienveillance, il avait pour la première fois pu donner satisfaction à toutes ses aspirations, avec quel serrement de cœur il dut quitter cc beau et grand collège où il laissait, parmi les professeurs et les élèves, tant d'amis excellents, où l'on parlait encore de lui avec tant d'affection quand Gaillard y arriva, deux ans après[40]. Ce sont de ces impressions qui résistent à toutes les bourrasques. En pleines mitraillades de Lyon, c'était à ce très doux souvenir que devait la vie cet ancien élève de Juilly, M. Mollet, professeur de physique à Lyon, réfugié dans la maison même du proconsul Fouché de Nantes[41]. Dès le Consulat, le ministre de la police contribue à relever le grand collège un instant abandonné, y visite ses anciens collègues, Prioleau, Lambois. Sous l'Empire, le duc d'Otrante est accueilli à Juilly par les élèves et les maîtres presque avec orgueil, et l'ancien proconsul de Nevers, oublieux des heures noires, très loin des cérémonies sacrilèges de la cathédrale de Moulins, édifie à ses frais dans la chapelle de Juilly le mausolée du cardinal de Bérulle[42]. Affectant, du reste, en pleine puissance, de parler du temps où il était professeur à Juilly[43], ce n'est pas seulement avec l'ostentation vaniteuse de Napoléon s'écriant au milieu d'une table de souverains : A l'époque où j'étais lieutenant d'artillerie ! Il se complaît réellement aux souvenirs de cette maison qui avait, si l'on en croit un de ses élèves, abrité les illusions d'une âme jeune, les projets de noble ambition et les premières habitudes de l'aspirant savant, souvenirs d'une conscience pure et d'un sain labeur qui jamais ne s'oublient. Il fallait cependant quitter le collège. Une décision de la congrégation envoyait le confrère Fouché à Arras, où il reçut la chaire de physique au commencement de 1788[44]. Il allait au-devant de sa destinée. Il ne devait quitter la patrie des Robespierre que saisi de la fièvre révolutionnaire qui, à cette époque, commençait fi gronder sourdement dans les premières manifestations de la nation. Il allait aussi v faire la connaissance de l'ami fidèle qui, jusqu'au dernier soupir, devait être le confident, le conseiller, le compagnon de Joseph Fouché, Maurice Gaillard. Celui-ci, d'humeur sombre et sévère, de caractère droit et honnête, mais despotique et intolérant[45], allait être constamment un ami fidèle, mais mal commode, dont le dévouement complet n'allait pas sans des désapprobations tantôt muettes et tantôt assez bruyantes. Nommé professeur de seconde à Arras, en avril 1788, Gaillard y arriva de méchante humeur, obligé de quitter Boulogne, sa patrie, quelque peu irrité contre la congrégation et sa discipline, dès lors assez disposé à pousser plutôt qu'à retenir Fouché dans une voie où il s'engagea du reste avant lui. Les deux hommes, que leurs destinées devaient si fort éloigner de l'Église, se rencontrèrent pour la première fois devant le confessionnal, à la veille de Paves. Gaillard se prit à étudier avec curiosité et sympathie son jeune confrère, admirant cette ardeur, cet infatigable labeur et cette aménité de façons qui eu faisaient un maitre si justement populaire[46]. Le jeune physicien remplissait le collège, la ville et la province de ses démarches actives pour enrichir son cabinet de physique. L'invention des ballons, des paratonnerres, toutes les découvertes récentes excitaient sa fièvre[47] : il lui fallait autre chose que d'antiques instruments légués par les jésuites à leurs émules et successeurs les oratoriens d'Arras. Il se désolait à voir les dispositions de ses élèves rester sans satisfaction grâce à l'insuffisance de son laboratoire. Il se mettait en relations épistolaires avec les savants de Paris, se faisait indiquer les instruments à acheter, et, le collège, la ville d'Arras se refusant à fournir les fonds nécessaires, il adressait un appel plein de vigueur aux états provinciaux d'Artois, qui rejetèrent la demande[48]. Elle avait porté néanmoins ses fruits, faisant connaitre le zélé professeur. Elle lui valut une visite qui compta dans sa vie. Peu de temps avant, une affaire fort retentissante de paratonnerre abattu avait mis en lumière un avocat d'Arras assez obscur, Maximilien Robespierre. L'avocat avait plaidé pour le propriétaire du paratonnerre, pour la science moderne, car le plaidoyer s'était élevé à un haut diapason, et il s'était forcément inspiré pour le faire des conseils et avis des physiciens de l'Oratoire d'Arras. Gaillard croit même que l'affaire mit en relation les deux futurs rivaux. C'est une erreur. Le procès Vissery de Bois-Valé, qui eut un grand retentissement, est de 1783[49]. Mais il est en effet fort possible qu'il ait exercé ultérieurement une certaine influence sur les relations de Fouché, curieux, sans doute, de connaitre l'avocat qui avait si hautement défendu la cause de la science, et de Robespierre, intéressé par ce procès même au progrès du laboratoire. Maximilien siégeait aux états provinciaux : il eut certainement connaissance de la requête du professeur de physique, dut s'y intéresser d'autant plus qu'il était l'avocat de l'Oratoire, un familier du collège pour lequel il avait plaidé trois ans auparavant, et dont son oncle était le médecin[50]. Entre les deux hommes, des relations s'établirent cordiales, suivies : ce n'était pas seulement au collège qu'on se rencontrait, mais à l'académie des Rosati[51]. C'est aussi aux Rosati qu'il vit souvent un officier du génie à l'esprit ouvert et de relations sûres, ce Lazare Carnot qui, de 1792 à 1815, se trouva constamment mêlé à sa vie publique[52]. Le lieutenant était en termes excellents avec Robespierre : c'était six ans avant cette journée du 9 thermidor où les deux commensaux de l'avocat l'envoyèrent à l'échafaud pour sauver leurs tètes terriblement menacées par lui. Méditant sans doute dès cette époque une fugue hors de l'Oratoire, le professeur faisait une cour assidue à cette pauvre Charlotte Robespierre, qui fut ainsi sa première dupe : peut-être lui promit-il le mariage, et fit-il plus tard tort à cet engagement, ce qui lui eût valu l'aigre rancune du frère et de la sœur ; dans tous les cas, il laissa Charlotte éblouie de son esprit charmant et de son extrême amabilité[53]. — Il voulut, d'ailleurs, plus tard, réparer : il avait fait guillotiner le frère, il assura, étant déjà ministre de l'Empire, une pension à la sœur[54]. Est-ce à ce foyer de pur civisme que l'oratorien alla puiser les premiers principes de cet esprit nouveau qui devait, par une série d'évolutions, l'amener des savantes leçons et des pieuses confessions de l'Oratoire d'Arras aux sacrilèges de Nevers et aux mitraillades de Lyon ? La chose est possible. Il est vrai que, très royaliste à cette époque, Fouché ne trouvait sans doute chez Robespierre aucun culte pour la République : le futur dictateur de la Révolution avait récemment fait, à la distribution des prix du collège même où Fouché professait, un éloge de Henri IV qui lui avait donné l'occasion d'adresser au roi Louis un éclatant hommage dans une prose qui ne le cédait en rien aux élucubrations poétiques de Billaud. Mais l'avocat d'Arras était cependant dès 1788 imbu des principes qu'il allait, quelques mois après, servir, obscurément d'abord, à Versailles où l'envoyait le tiers état d'Artois. Au mois d'avril 1789, en effet, Maximilien se séparait de Fouché pour aller jeter aux États généraux les bases de sa courte et retentissante fortune. Avant de partir, étant besogneux, il emprunta ; son biographe a cité des noms : il faut y ajouter celui de Joseph Fouché, qui se vantait de lui avoir prêté la somme nécessaire au séjour de Versailles[55]. A vrai dire, le confrère Fouché n'avait pas besoin de la fréquentation assidue de cette maison pour se rallier aux idées nouvelles. Il n'avait qu'à suivre la tendance qui, dans le mouvement général de la nation, entrai nait son propre milieu. L'Oratoire se trouvait à cette époque en pleine effervescence. Sans doute, il faut le reconnaître avec le savant historien de cette congrégation[56], les fortes têtes, les chefs, beaucoup de professeurs résistaient de leur mieux à l'entraînement, réagissaient même quelque peu maladroitement contre un libéralisme déjà vieux qui était, à certains égards, la gloire de ce corps enseignant. L'esprit d'indépendance vis-à-vis du gouvernement de Versailles, longtemps l'adversaire des jansénistes, comme vis-à-vis de cette cour de Rome d'où était sortie la bulle Unigenitus, venait de cette sympathie persistante pour la secte persécutée. Le dernier apôtre du jansénisme avait été le P. Quesnel, de l'Oratoire, et la solennelle condamnation de ce disciple de Bérulle n'avait même pas coupé court à l'esprit janséniste dans le sein de la congrégation. On avait vu des oratoriens prendre part aux manifestations que souleva l'affaire du diacre Pâris en 1732, et c'est en vain que les deux derniers supérieurs, le P. de Muly et le P. Moisset, avaient, animés d'un esprit plus orthodoxe, essayé d'étouffer cet élément de Fronde religieuse et politique[57]. Pour beaucoup, le mouvement de 1789 était la revanche de tous les persécutés de l'ancien régime, jansénistes et protestants. Fatalement, l'Oratoire, qui avait toujours vu d'un œil peu favorable le roi entre les mains d'un confesseur jésuite, devait être entraîné dans l'insurrection des esprits généreux, ambitieux ou rancuniers. Le gros de la congrégation, les jeunes surtout, manifestaient sous toutes les formes leur libéralisme, leur civisme. Il éclata en 1789. A Troyes, par exemple, les oratoriens convoquent le public à une séance littéraire donnée au collège et où l'on joue deux pièces patriotiques tout en l'honneur de la nation, de la cocarde tricolore, de la liberté reconquise : les pièces sont composées par des professeurs[58]. On verra, le 14 septembre 1789, les oratoriens célébrer dans leur église de la rue Saint-Honoré un service pour les citoyens morts le 14 juillet, et Daunou y prononcer un sermon vibrant de civisme. En 1790, le même Daunou, au nom de beaucoup de ses confrères, faisait insérer dans le Journal encyclopédique un article réclamant l'épuration du catholicisme et l'égalité des cultes. En 1791, ce sera le supérieur des Oratoriens de Douai, le P. Primat, qui sera élu évêque constitutionnel du Nord : il acceptera et prendra Daunou comme vicaire général. En dehors des cas individuels de Bailly, Le Bon, Billaud, Daunou, Fouché, etc., et de leur participation personnelle au mouvement, l'Oratoire presque tout entier y entrait, gagné d'un attendrissement humanitaire contre lesquels les chefs de la congrégation n'étaient guère autorisés à réagir[59]. Ils le faisaient cependant, mais débordés, ne pouvant opposer à l'ultra-libéralisme des jeunes, en grande partie puisé aux leçons du vieil Oratoire lui-même, qu'une résistance impuissante et inutile. Entre tous, le collège d'Arras se distinguait par un esprit de civisme auquel l'influence d'une ville très patriote n'était pas étrangère. On revoyait au collège Joseph Le Bon, alors en pleine effervescence, revenant visiter sa ville natale[60] ; Arras enfiévré ne trouvait pas dans les professeurs du collège les moins chauds partisans des idées nouvelles. Le principal, le P. Spitalier du Saillant, figurait depuis 1783 parmi les dignitaires de la loge maçonnique, dont il était l'orateur, et cette loge était dans le courant général. Les professeurs, presque tous jeunes, fréquentaient beaucoup le inonde, y répandaient des idées philosophiques auxquelles ils donnaient la séduction d'un rare intellectualisme[61]. Fouché n'était pas un des moins zélés ; il y avait au fond et il subsista toujours chez lui un esprit naturellement frondeur qui devait le jeter d'autant plus sûrement dans l'action que le directoire de la congrégation y était opposé. Il contribua à la fondation du Bulletin des patriotes de l'Oratoire et lança un des premiers l'idée d'une députation oratorienne qui irait porter à l'Assemblée nationale les encouragements, les conseils et les requêtes de la congrégation. Cette démarche était au premier chef une manifestation d'indiscipline : l'opposition du conseil directeur en fit un acte de réelle rébellion. Au premier bruit de cette démarche insolite le conseil directeur s'était ému : le 2 août 1790, il avait interdit toute demande, comme constituant un acte de coupable indiscipline. Il recommandait le calme et le silence[62]. C'était prêcher dans le désert. Quelques jours après, une députation de quinze membres, à la tète de laquelle se trouvait Daunou, se présentait à la barre de l'Assemblée. Elle la harangua et reçut en réponse, du président, le marquis de Bonnai, un éloge du vieil Oratoire, célèbre par ses lumières, utile par ses travaux, respectable par ses vertus, qui pouvait passer pour une leçon aux jeunes manifestants[63]. L'impression de ceux-ci fut naturellement fâcheuse : Fouché avait gardé un très mauvais souvenir du marquis de Bonnai et le malmenait fort[64]. Le vieil Oratoire protesta solennellement contre cette coupable démarche, mais ne put sévir. On se contenta de quelques changements : Le Bon fut seul chassé de la congrégation : à Arras on crut devoir épurer le collège, mais sans éclat ; Gaillard fut envoyé à Juilly et, le 6 octobre, Fouché de Rouzerolles était appelé au collège de Nantes, à la classe de physique[65]. ***A Nantes, le professeur de physique trouvait un collège que l'effervescence révolutionnaire n'avait pas plus ménagé que celui d'Arras. L'Oratoire avait joué là aussi son rôle dans le mouvement général. Le 16 juin 1790, quelques mois avant l'arrivée de Fouché, les membres de la congrégation, qui avaient presque tons embrassé avec ardeur la cause de la Révolution, avaient fait près du directoire du département une démarche qui leur avait valu une harangue du facond Coustard de Massy, son président ; s'adressant aux élèves du collège, il leur avait recommandé le respect de la discipline et la lecture de Voltaire et de Rousseau. Les oratoriens avaient prêté le serment civique. Cette démarche avait produit de singuliers effets de démoralisation parmi les écoliers ; ils avaient formé un. club des jeunes amis de la Constitution n qui, par la voix d'un élève de logique, félicitait quelques jours après les Nantais d'avoir brisé le glaive du despotisme. Puis on vit venir des écoliers au bureau du directoire se plaindre de leur supérieur qui n les occupait à faire des pensums s, ce qui était contraire aux principes de liberté, d'égalité et de fraternité. L'anarchie commençait : les professeurs s'en effrayaient ; il était temps qu'une main ferme prit les rênes du pouvoir dans ce petit monde désorganisé, I d'autant que Nantes, moins engagée qu'aucune ville dans la voie révolutionnaire, devait voir sans enthousiasme ces singulières conséquences des principes de 1789. Chose curieuse, ce fut le libéral d'Arras qui vint ressaisir ces rênes abandonnées. Bientôt préfet ou principal du collège, Joseph Fouché allait travailler avec son esprit lucide et son énergigue volonté à la réorganisation nécessaire du régime scolaire, labeur qui devait, après deux ans, aboutir à la réglementation qu'il soumettait en 1792 au conseil général du district de Nantes[66]. Pour le moment, il restait fidèle à la physique, continuait à s'occuper avec passion de travaux aérostatiques. En 1791 il faisait encore en ballon une ascension qui remplissait d'effroi et d'admiration le collège et la cité[67]. Il n'était pas homme cependant à s'y absorber : tout craquait, allait crouler. Il ne s'agissait dès lors plus de poursuivre avec sérénité une carrière scientifique, indifférent à une tempête qui allait balayer tout un monde. L'Oratoire sombrait : aucun avenir à en espérer. Il fallait, sans abandonner un poste que la débâcle même de la grande congrégation allait rendre indépendant, se tenir prêt à toute éventualité et profiter d'un bouleversement qu'on n'avait peut-être pas désiré. Dès lors la politique l'appelait : il s'y jeta, prudemment sans doute, mais résolument. A peine installé au collège, quelques jours après son arrivée, le 2 novembre 1790, le professeur de physique se faisait présenter au club des Amis de la Constitution par Coustard de Massy, son futur collègue de la députation nantaise à la Convention[68]. Ce Coustard était au fond Ull conservateur apeuré qui criait avec les loups de peur d'être mangé. Son patronage n'engageait à rien. Le professeur sembla vouloir jouer dans ce milieu libéral le rôle d'un modéré. Tout l'y forçait, et, personnellement, il était loin d y répugner. Il entendait ne pas rompre encore, comme Le Bon, avec la congrégation, et garder son poste, ne perdant guère une occasion d'exalter l'Oratoire, dont il se recommandait encore en 1792 dans sa profession de foi de candidat : ajoutez à cela la famille, une famille bourgeoise, assez riche, commerçante, partant conservatrice, vivant tout près de là, connue à Nantes. Au collège même, il fallait combattre l'anarchie, constater les dangers de l'ultra-libéralisme et l'enrayer. Dès ors, son rôle était tracé. Avec cela, une ville où la démagogie est en horreur, même clans les milieux libéraux, où Coustard paraît exagéré, une cité de négociants, de bourgeois enrichis ; les plus extrêmes y étaient feuillants lorsque les deux tiers de la France révolutionnaire reniaient déjà Lafayette : on y fut girondin plus tard, quand déjà Brissot et Vergniaud sombraient sous Danton et Robespierre ; nous y reviendrons[69]. La grande effervescence d'Arras tombe, n'est plus de mise dans ce milieu, et particulièrement aux Amis de la Constitution. On y prêche, on v applaudit la politique des intérêts, des réformes pratiques ; peu de motions exagérées, elles échouent toutes. L'humanitarisme reste dans les phrases : il ne triomphe guère, nous le verrons, de l'intérêt et du lucre[70]. — Le souple professeur ne fut pas long à s'apercevoir que les modérés avaient toujours dans les salons du club plus de succès que les violents. Il ne monta à la tribune que pour soutenir avec un remarquable succès une motion dont le sens conservateur n'échappa à personne : son discours fut tout de raison et de bon sens[71] ; il plut, fut poussé à la présidence, y parvint le 17 février 1791, quatre mois après son arrivée à Nantes. Il était dans la voie. Son conservatisme était-il sincère, après les manifestations d'Arras, ce conservatisme qui devait lui valoir deux ans plus tard, après la présidence du club, son mandat de représentant à la Convention ? Quand faut-il le croire ? Est-ce quand il affirme qu'il était encore en 1791 un royaliste constitutionnel, qu'un simple malentendu jeta dans les rangs des républicains[72] ? Est-ce quand il déclare qu'il avait eu dans sa jeunesse du goût pour les idées républicaines[73] ? Croyons-le surtout quand il affirme à Pasquier qu'il faut toujours être l'homme des circonstances, l'homme de la place, avoir avant tout, partout, la main à la pâte[74]. Or on ne pétrissait pas encore à Nantes le pain de l'égalité boulangé, sur les ordres de Fouché, trois ans plus tard, à Nevers et à Lyon. ***Il fut donc conservateur, si conservateur même qu'il encourut le reproche de réaction, et de la part d'un de ceux que, devenu montagnard, il devait avec son parti envoyer comme contre-révolutionnaire à la guillotine, le député girondin Brissot. A bien pénétrer l'incident, c'est tout Fouché qui s'y révèle, le Fouché des évolutions aisées, des volte-faces rapides, et c'est pourquoi il faut s'y arrêter. Brissot venait de défendre éloquemment à la tribune de la Constituante l'émancipation des noirs ; Nantes avait précisément manifesté ses aspirations humanitaires en envoyant à Londres de bénévoles missionnaires destinés à y prêcher la bienveillance universelle. Le président du club des Amis de la Constitution crut pouvoir féliciter Brissot au nom de la société. Grand émoi dans la cité, où la traite des noirs constituait pour beaucoup de marins marchands un commerce lucratif ; où, d'autre part, plus d'un bourgeois — y compris Fouché lui-même — avait des plantations à Saint-Domingue, y comptait tout au moins des amis parmi les colons qu'allait ruiner l'émancipation des noirs. Devant l'émotion générale, Fouché n'hésite pas, se rétracte. Le 22 février, il adresse à Brissot une lettre un peu embarrassée où s'essaye son esprit subtil, toujours prêt à ces changements de front. La société n'avait eu que l'intention de féliciter Brissot de l'énergie avec laquelle il combattait les ennemis de la Constitution et sur son zèle à éclairer ceux qui ont besoin de lumières pour en sentir tout le prix. Mais, ajoute le président, elle doit vous informer qu'elle n'a point eu l'intention de prononcer sur vos opinions, qu'elle improuve absolument, vu les dangers auxquels elles peuvent exposer la patrie. Le reste de la missive était de ce style. Elle était signée : Fouché, de l'Oratoire. Brissot se montra fort irrité d'une pareille volte-face. Par égard pour votre société et pour le patriotisme qui m'ordonne de jeter un voile sur les actes de pusillanimité de nos frères, je m'abstiens de publier les pièces qui couvriraient de honte cette rétractation : le public ne verrait qu'avec indignation un prêtre, et un prêtre qui se dit patriote, devenir l'apôtre du brigandage le plus révoltant et que l'Écriture sainte condamne. Je vous conseille donc le silence : je vous invite à ne pas écrire dorénavant sous la dictée de marchands de chair humaine qui déshonorent le patriotisme de votre ville[75]. Cette dure leçon ramena-t-elle à des sentiments d'un plus pur civisme le président des Amis de la Constitution ? Dans tous les cas, la société se maintenait dans un bon ton qui dénotait une absence complète d'intentions subversives. On y discutait académiquement de l'influence de l'opinion des femmes sur le civisme des hommes, et plus pratiquement du commerce avec les lies. Le colonel du régiment du Rohan venait passer ses soirées au club avec ses officiers[76]. Il y régnait, sous la présidence de l'oratorien, un modérantisme qui en vint à rendre la société bientôt si suspecte que le proconsul Fouché de Nantes devait, en 1793, dans sa nouvelle ardeur jacobine, au cours de sa mission à Nantes, faire fermer le club feuillant. En 1790, l'homme des marchands de chair humaine n'en était pas encore à ne réclamer pour les bons patriotes que du fer, du pain, et quarante écus de rente[77]. Son père mort, il jouissait d'une certaine aisance, que, du reste, il ne laissait guère soupçonner. C'était une vie sérieuse, austère : sobre et de mœurs réglées, il vivait avec simplicité, sans affectation de gravité d'ailleurs, car il se montrait déjà caustique et toujours souriant. Devenu principal, tout à fait indépendant de l'Oratoire, dont, depuis octobre 1790, il ne subissait plus la direction, il continuait cependant la vie oratorienne, vantant volontiers la congrégation et s'en recommandant. Mais à des temps nouveaux il lui avait paru qu'il fallait une réglementation nouvelle des études, et il s'occupait à tirer le collège de son anarchie. Il remplit de ces soins les années 1791 et 1792, étudiant, élaborant, proposant de nouveaux règlements. Le 8 décembre 1791, il en soumettait un à l'approbation du directoire du district, vraie charte des devoirs réciproques des maîtres et des élèves. Quelques mois après, le 14 mars 1792, il adressait un appel à la municipalité[78]. Le collège se mourait si on ne le secourait Il y avait là les éléments d'un enseignement complet, car outre le principal ou préfet, l'économe, le bibliothécaire, il s'y trouvait un professeur de théologie, deux de philosophie, un de rhétorique, un de poésie, deux d'humanités et deux de grammaire. Mais ces professeurs, logés, blanchis et nourris comme à l'époque où ils vivaient sous la dépendance de l'Oratoire, avaient été augmentés, chacun d'eux recevant 200 livres. Cette augmentation grevait le budget de telle façon qu'on ne pouvait durer, d'autant que l'entretien des bâtiments coûtant 1.200 livres, celui du mobilier 1.700, les prix distribués 400, on était arrivé à une dette de 83.200 livres dont il fallait servir les intérêts. Le principal pressait les membres du directoire de mettre à exécution le décret de l'Assemblée nationale chargeant chaque département de pourvoir aux collèges. En outre, il demandait la réorganisation et le classement de la bibliothèque et du laboratoire. Ce rapport dut rester sans réponse, car le 27 juillet de la même année — à la veille d'être élu député — le principal revenait à la charge dans un magistral rapport. Le régime de la congrégation de l'Oratoire ayant absolument cessé d'exercer son autorité sur les collèges qui lui sont encore confiés, c'est aux corps administratifs que je dois naturellement m'adresser, écrivait monsieur Fouché — c'était désormais le titre qui lui était donné dans les actes —. Chargé de la surveillance de l'instruction de cette ville, il est de mon devoir de prévenir qu'elle ne peut plus subsister dans l'état où elle se trouve. Le principal signalait le dépérissement des finances qui est imminent. Il entend qu'on mette fin à l'internement quasi monastique des professeurs, auxquels pèse la vie de communauté, et qu'on augmente leur traitement en les laissant veiller à leur entretien. Cette seule mesure, déclarait le principal[79], produira deux effets avantageux : le premier, l'économie des finances ; le second, plus d'exactitude et plus de perfection dans l'enseignement, en rendant chaque professeur responsable de sa classe, sous peine de perdre son traitement. Un pareil rapport affirmait l'absolue indépendance du principal du collège de Nantes vis-à-vis de la congrégation expirante. La loi du 18 août 1792 obligeait les membi.es de l'ancien Oratoire à garder leurs places dans les collèges jusqu'à la réorganisation définitive, sage mesure qui empêchait la désagrégation complète de l'enseignement public. Mais le 10 mai 1792, l'Oratoire avait expiré. A cette date le P. Veuillet, procureur général, adressait au cardinal de Bernis, pour le pape Pie VI, une longue protestation de dévouement et de fidélité qui, destinée à couvrir la défection du jeune Oratoire, était le dernier soupir de la congrégation supprimée[80]. Du fait, Fouché sortait de l'Oratoire ; en septembre 1792, déjà élu député, il devait consacrer cette rupture avec la vie semi-ecclésiastique qui avait été la sienne, en se mariant. La vie de communauté cessait pour lui, et avec elle le célibat qu'elle imposait. Sa mère et sa sœur vivaient au Pellerin, ne devant venir se réfugier à Nantes qu'aux premières lueurs de la guerre civile. Il était homme de famille, avait besoin d'un foyer, entendait aussi se créer avec Nantes de nouveaux liens. Le 16 septembre 1792, à l'église Saint-Nicolas, était béni par le curé de la paroisse, l'abbé Lefeuvre, le mariage de Joseph Fouché et de Bonne-Jeanne Coiquaud, fille majeure de Noël-François Coiquaud, président de l'administration du district de Nantes, et de dame Marguerite Gautier[81]. Quelques jours après, le principal du collège de Nantes, nommé représentant de la Loire-Inférieure à la Convention nationale, quittait la direction de l'établissement. Ainsi était close la carrière oratorienne et professorale du confrère Joseph Fouché de Rouzerolles, désormais le citoyen Fouché de Nantes. Et certes, pour qui a suivi de près les évolutions de l'ancien séminariste de l'Oratoire, ce passé duit paraitre bien précurseur de l'avenir. Déjà, de 1781 à 1792, il a été constamment l'homme des circonstances Lévite religieux et studieux au séminaire, professeur appliqué et surveillant avisé dans les collèges où il a passé, savant zélé et laborieux dans son laboratoire, oratorien soumis et sujet loyaliste aux heures où l'Oratoire est puissant et le roi populaire, patriote exalté à Arras au contact de la ville des Robespierre, et membre indiscipliné de la congrégation à l'instant de la fermentation générale, il est redevenu à Nantes, malgré d'utiles déclarations de civisme, un conservateur, presque un réactionnaire. Le 10 août, l'a fait républicain. Le 21 janvier le sacrera jacobin. Le Directoire le retrouvera conservateur en le rendant ministre, le 18 brumaire en fera le serviteur zélé, encore qu'éclairé, de la dictature, 1804 le ministre influent de l'Empire, 1814 le conseiller officieux des Bourbons, le 20 mars l'âme du césarisme démocratique, 1815 le secrétaire d'État du Roi Très-Chrétien. Au fond, dès 1792, sous les apparences modestes et honnêtes du professeur, la décomposition des principes est complète. — Que sera-t-il ? Il l'ignore sûrement. Mais ce qu'il doit savoir et pressentir, c'est qu'il sera toujours l'homme de son intérêt et des circonstances. ***Ces circonstances cependant ne l'éloignèrent jamais complètement de l'Oratoire. Il n'avait pas, il n'eut jamais du parvenu l'oubli facile de l'humble passé, du transfuge la haine du camp qu'il avait quitté. Pendant les trente ans qui séparent le jour où Fouché abandonnait à un autre la direction du collège des oratoriens de celui où il expirait à Trieste, l'ex-professeur resta oratorien dans l'âme. Ce n'était pas seulement Juilly dont le souvenir s'imposait à lui et qu'il comblait de ses bienfaits ; il ne dote pas seulement la grande maison oratorienne du mausolée du cardinal de Bérulle ; il se plaît aussi à s'enrôler dans cette sorte de franc-maçonnerie, de solidarité étroite qui unit les membres de la savante confrérie dispersée par l'orage. A travers les tempêtes de sa vie agitée, il garde une immuable fidélité à ceux qu'il appelle ses carabins dans l'argot de la congrégation — les confrères de l'Oratoire. Il les fréquente de préférence, s'en entoure dans sa vie privée, les emploie, les protège, à quelque parti qu'ils appartiennent[82]. Il se recommande de la savante congrégation lorsqu'il se présente aux suffrages de ses concitoyens en 1792, en vante l'esprit et les œuvres[83]. Nommé à la Convention, c'est près de Daunou, son ex-confrère, qu'il va s'asseoir, sollicitant ses conseils, évoquant avec lui le souvenir de l'Oratoire et, même après la rupture qui suit leur divergence de votes dans les journées de janvier 1793, continuant à le protéger sous le Consulat, l'Empire et la Restauration[84]. A la Convention, il veut être du comité d'instruction publique, y défend les intérêts des anciens professeurs de l'Oratoire, l'enseignement oratorien. A Lyon il sauve, parce qu'il a été de l'Oratoire, Nollet, poursuivi, traqué par ses propres sicaires. La tempête apaisée, il vit au milieu d'anciens professeurs et élèves de l'Oratoire : l'âme damnée du ministre, disent les ennemis, son bon génie, affirment ses amis, c'est l'ex-confrère Gaillard, ancien professeur d'Arras et de Juilly, qui est tout à la fois son confident, son homme d'affaires, son représentant et son plus fidèle correspondant après 1815. Les gens qui peuplent le ministère et l'administration de la police générale, c'est Maillochau, ex-oratorien de Nantes, secrétaire particulier du ministre et commissaire général à Lyon ; c'est Oudet-Ducrouzet, ex-professeur de Nantes aussi, commissaire général à Turin, puis à Livourne ; c'est Babey, ex-professeur du Mans, directeur du service de la presse[85], etc. S'il a avec d'Hauterive, véritable vice-ministre des relations extérieures sous l'Empire[86], avec Malouet, préfet maritime d'Anvers, puis ministre de la marine sous la première Restauration, de si bonnes et si utiles relations, c'est que tous deux sont d'anciens professeurs de l'Oratoire. Ex-oratorien encore, même son ancien professeur à Nantes, Perier, évêque d'Avignon, qui lui sert d'agent près du clergé constitutionnel en 1801 et 1802 et qu'il reçoit à Ferrières, sous l'Empire, avec honneur[87]. Ex-oratorien aussi, et pour cette raison aussi protégé, Écuyer, ancien confrère au collège d'Arras, pourvu par le ministre d'une fructueuse sinécure au château de Compiègne[88]. Ex-oratorien, Le Comte, son homme de confiance, qui a l'administration de ses biens[89]. Apprend-il que Charles Nodier — compromis dans une conspiration est le fils de ce Nodier qui a marqué comme professeur dans les fastes de l'Oratoire, il le fait mettre en liberté, et lorsque, par hasard, il le retrouve à Laybach, le prend comme confident et agent principal de sa politique en Illyrie[90]. Narbonne et Chênedollé sont rayés des listes de l'émigration comme anciens élèves de Juilly ; Pardessus protégé, poussé au Corps législatif comme ancien élève de Vendôme[91] ; Jay introduit dans l'intimité de son intérieur, devenu son agent à la Chambre et dans la Presse durant les Cent-Jours, comme ancien élève de Niort. A la fin de sa vie, en exil, il apprend le rétablissement prochain de l'Oratoire : J'aurais éprouvé, écrit-il le 30 novembre 1816[92], un véritable bonheur de faire le discours de sa résurrection, et il s'attendrit, nous avons vu en quels termes, sur ses années passées à l'Oratoire, a dont il lui reste encore des émotions vives et douces. Jusqu'à un certain point on peut prétendre que le clergé lui-même bénéficia de ces souvenirs. Certes l'affirmation parait paradoxale lorsqu'on songe que nous parlons ici de l'homme que nous verrons tout à l'heure, coryphée de l'athéisme officiel, profaner les églises chrétiennes et attaquer avec une violence véritablement inouïe le clergé catholique. Mais, ce moment de fièvre passé, nous ne trouvons guère chez le ministre du Consulat et de l'Empire cette prétrophobie qui est, dit-on volontiers, la revanche d'une vocation religieuse avortée. Défenseur sous le Consulat de l'Église constitutionnelle contre l'Église réfractaire et, comme tel, adversaire du Concordat, protecteur jaloux sous l'Empire des intérêts, des maximes et des principes de la Révolution contre le clergé, réfractaire ou concordataire, il n'en est pas moins, pour les membres mêmes de ce clergé catholique, d'une grande bienveillance et surtout d'une absolue déférence. Il lui plaît de s'en entourer, toujours courtois, parfois familier, discutant avec eux des intérêts de l'Église gallicane, des subtilités de la théologie et des épisodes de l'histoire religieuse, allant parfois jusqu'à la préserver des foudres impériales : du plus humble au plus grand, il se complaît à être l'ami, le protecteur, du saint curé des missions étrangères l'abbé Desjardins qu'il défendit contre les ordres même de l'Empereur, au haut cardinal Consalvi, si reconnaissant envers le duc d'Otrante d'une bienveillance qui a bien pu lui sauver la vie en 1810 ; du pieux cardinal de Belloy qui vient visiter la famille Fouché, bénissant la mère et les enfants, à l'ambitieux cardinal Maury qui dispute volontiers avec lui les choses de la religion ; sans parler de bien d'autres : l'abbé de Pansemont, l'abbé Mérault naturellement, l'abbé Bernier ; il se plaît à rendre des services, sans du reste négliger un instant de s'en faire rendre. Lorsqu'en 1815 il reviendra au pouvoir, un prélat reconnaissant le saluera comme l'homme de la Providence[93]. Le plaisant est que sa seule antipathie anticléricale lui vient de son passé oratorien, nous voulons dire cette malveillance tantôt narquoise, tantôt froide contre le jésuite, qui fut constante : Pascal, Nicole, Quesnel, ont laissé leur empreinte. C'était bien des plaisanteries un peu lourdes de séminaire dont il criblait, dès 1792, dans une lettre à Condorcet, ces jésuites pénétrant, dit-il[94], sous le grand roi, au trône par la chaise percée. Ses entretiens avec le P. Varin, sous l'Empire, ne le convertissent guère[95] ; il détournera l'Empereur, toujours prêt à toutes les fusions, de livrer l'Université naissante aux Pères de la Foi qu'il tient pour jésuites. Jusqu'au bout de sa vie, il continuera à les cribler des plaisanteries ordinaires : Les jésuites débarquent ici en foule, écrit-il de Trieste en 1819. On prétend que ce sont les femmes qui les ont chassés de Russie ; cela est tout simple : il y a des rivalités qu'on ne pardonne pas[96]. Et l'ancien lecteur de Pascal et des solitaires reparaissant sans cesse, il rappelle sur un ton plus grave la déconfiture des jésuites en 1762, lapidés avec les pierres de Port-Royal[97]. Ces sympathies et ces antipathies ne sont pas les seules empreintes que laissent dans cet esprit et ce cœur ces trente années de sa vie : famille, collège, séminaire, professorat, contact de l'Église et culte de la science. L'action des milieux traversés s'aperçoit partout, trempant cette jeune âme qui, ouverte à toutes les influences, semble au contraire se fermer ensuite à toute autre pensée qu'à celle de l'intérêt et de l'ambition. Chez ce fils de marin il y a, en substance, les qualités d'énergie, d'opiniâtreté, d'activité et de sang-froid qui font, au milieu des tempêtes et des orages de la vie publique, de cet homme frêle et faible un nautonier tenant d'une main ferme le gouvernail de sa barque ou dirigeant avec un sang-froid imperturbable le vaisseau qui lui est confié, toujours prêt à rassurer, à encourager, à rallier l'équipage affolé, par un flegme invincible qui est la première qualité du marin et de l'homme d'État. Il a aussi appris de bonne heure, aux conversations des siens, que lorsqu'on a le vent contre et qu'on veut avancer, le mieux n'est pas de lutter en face — car c'est folie — mais de louvoyer : il louvoie et ruse avec la vague. Et jamais de découragement : le bâtiment échoué, on le renfloue, et lorsque, dans une tempête, le bateau a sombré, si la vie est sauve, on regagne le port sur le plus frêle esquif, et quelques semaines après on repart au pays lointain, défiant plus que jamais la vague, l'écueil et le vent, puisqu'on les connaît mieux. On ignorerait cet atavisme que la comparaison s'imposerait. Les trésors d'énergie, de prudence et d'opiniâtreté accumulés par des générations de marins se condensent en cette âme, mal servie pour le métier lui-même par un corps trop frêle : niais ils vont se dépenser ailleurs. De l'influence oratorienne, du séminaire de la rue Saint-Honoré comme de Juilly, du P. Mérault comme du P. Petit, il a gardé d'autres impressions que le goût de l'Oratoire, le respect et la crainte du clergé, la haine du jésuite. — Il n'a jamais été prêtre, nous l'avons vu, mais il a vécu si près du sanctuaire qu'il lui en reste réellement une ineffaçable empreinte. Il ne lui eût pas été permis de s'appliquer la parole du cardinal de Retz se proclamant l'âme la moins ecclésiastique qui fût au monde. Si Fouché ne fut pas au sens matériel du mot un transfuge du sacerdoce, à bien examiner certains de ses états d'âme, il en fut un, moralement parlant. Il était prêtre, plus foncièrement prêtre qu'un abbé Maury ou qu'un abbé de Talleyrand, élevé qu'il avait été dans un milieu où les vertus sacerdotales, la science religieuse et les mœurs ecclésiastiques s'étaient mieux gardées que partout ailleurs. Et lorsque nous cherchons ces traces, surprises dans l'âme de l'ex-oratorien devenu proconsul ou ministre. nous ne voulons pas parler de ce style d'allure oratoire qui, dans ses rapports, frappe comme une sorte d'écho de quelques déclamations de séminaire et de collège, ce ton qui est si bien celui de la médiocre prédication chrétienne du dix-huitième siècle que, lorsqu'il pérore dans les chaires des cathédrales de Nevers et de Moulins profanées, les échos de ces temples s'éveillent comme à une voix déjà entendue cent fois : c'est le P. Fouché qui, sorti des confrères de l'Oratoire, a trouvé sa voie, s'est paré du sacerdoce et prêche à perdre haleine dans le style où jadis prêchait devant lui tel maitre de l'Oratoire de Jésus. Rien ne manque à cette forme d'esprit qui se trahit là, pas même les réminiscences des Écritures ; sa correspondance, trente ans après sa défection, en est pleine[98]. Nous ne parlons pas plus de cet intéressant aveu par lequel il termine une de ces lettres, attribuant sa réelle facilité à pardonner les injures au souvenir de la morale oratorienne, qui était celle de l'Évangile[99]. Ce sont là des réminiscences sans grande portée générale, inévitables chez tout homme élevé pour le sacerdoce. Mais ce qui est plus intéressant et non moins frappant, c'est la persistance réelle de certaines vertus, de certaines tendances ecclésiastiques sur lesquelles nous aurons à revenir : pureté et gravité des mœurs telles que, sur ce point, amis et ennemis sont d'accord, un certain puritanisme qui en fait non seulement un bon époux et un bon père, mais aussi un censeur parfois sévère des mœurs d'autrui : il garde la sobriété et la tempérance, la vie simple et sans faste de l'Oratoire et jusqu'à cette mise sévère et sombre qui pourrait faire prendre parfois le duc d'Otrante pour quelque pédant de collège ou de séminaire égaré dans une cour. Ajoutez à cela une tendance à la casuistique, une certaine subtilité dans la distinction des cas, une grande souplesse dans la conduite de sa vie et la vision nette, précise, du fort et du faible de chacun. Observons aussi cette autre tendance que signale déjà Bardoux, le biographe de la marquise de Custine[100], tendance bien ecclésiastique, remarque-t-il, fréquenter, à ménager et à diriger la femme ; cet homme à qui on n'a jamais connu de maîtresse, et dont le physique a quelque chose de repoussant, jouira toujours d'une grande influence sur ce qu'au séminaire on appelait l'autre sexe ; il se fera, protecteur ou protégé, le directeur souvent onctueux des femmes les plus diverses, de Charlotte Robespierre à Joséphine de Beauharnais, d'Élisa Bonaparte à Mmes de Vaudemont et de Custine, pour qui il sera le grand ami, guide un peu familier, conseiller et confident. Cette direction féminine, en tout bien et tout honneur, n'est pas un des traits les moins frappants de ce caractère de prêtre manqué. Aussi bien, le ministre sut toujours ménager toutes les puissances : mais c'est certainement de son premier état qu'il tira la crainte respectueuse de ces deux-ci, la femme et le prêtre. A cette souplesse du prêtre, le professorat avait joint cette autre qualité : la fermeté sans rigueur de l'homme qui a gouverné avec l'esprit large et l'intelligence réfléchie un groupe — si petit soit-il — d'enfants. Mathématicien enfin, physicien, chimiste, il a appris là à poser nettement les problèmes, et sinon à les résoudre promptement, du moins à en prévoir la solution. Lorsque, de son œil vif, Fouché a envisagé les deux aspects d'une situation, lentement, mais sûrement, il s'avance vers la solution : il ne vit pas, comme on le croit, au jour le jour, mais il sait que le nombre des problèmes est infini et qu'il les faut résoudre les uns après les autres. Il en est qu'il résout avec une si remarquable dextérité, il est des théorèmes qu'il démontre avec une si rare précision qu'on est tenté de les faire suivre du C. Q. F. D. traditionnel. C'est dans son laboratoire encore qu'il s'exerce au dosage des éléments, aux soins minutieux du savant qui sait qu'une seule négligence, si petite soit-elle, peut tout perdre ; à l'observation patiente, mais attentive, des phénomènes qu'il étudie ou qu'il provoque. Là où un mathématicien pur échoue par une vision trop droite, le chimiste, habitué à tenir compte des circonstances ambiantes, réussira. — Ce sera l'histoire de ces deux amis de la Convention, le mathématicien Condorcet, le physicien Fouché. Ainsi ce jeune homme de trente-trois ans va entrer dans la vie avec un esprit singulièrement mûri, une âme qui se trouve la résultante des hérédités et des influences les plus diverses, celle du marin et celle du professeur, celle du prêtre et celle du savant. — Une qualité souveraine s'érige au milieu de tant d'autres ; ces quatre influences y ont toutes contribué : le sang-froid. — Muni d'une pareille arme, c'est un homme redoutable que Joseph Fouché lorsqu'il se prépare à entrer en septembre 1792 dans le tourbillon de la vie politique, où pendant vingt-trois ans il va connaitre les circonstances les plus tragiques et les situations les plus déconcertantes que jamais homme politique ait traversées. C'est un homme redoutable, et certes personne ne le soupçonne lorsque, effacé et discret, le pâle professeur se présente devant l'assemblée électorale de la Loire-Inférieure où ii entre candidat le 2 septembre 1792. |
[1] La date du 21 mai 1759 que je donnais comme étant celle de la naissance de Fouché a été formellement contestée par M. Léonce de Brotonne, qui, dans deux lettres du 13 octobre 1901 et du 3 janvier 1902, publiées dans la Revue napoléonienne, affirmait avoir en main une copie de l'acte de baptême d'après lequel le futur duc d'Otrante serait né le 20 septembre 1754. J'ai répondu par deux lettres successives à M. de Brotonne. Je possédais depuis 1896 une copie faite au Pellerin de l'acte de baptême en question. J'ai eu de nouveau recours à l'obligeance du secrétaire de la mairie, qui, dans trois lettres consécutives, contresignées de M. le maire du Pellerin, m'a déclaré : 1° qu'il n'y avait aucun acte de baptême au nom de Joseph Fouché de 1753 à 1759, par conséquent aucun acte de ce genre au 20 septembre 1754 ; 2° que l'acte de 1759 était au contraire absolument conforme à la copie que je possédais : la mairie du Pellerin m'en a communiqué une nouvelle copie certifiée conforme par M. le maire du Pellerin et que je reproduis ici : Le 23 mai 1759 a été baptisé Joseph, né le 21 du courant, du légitime mariage du sr Joseph Foucher, capitaine de marine, et de demoiselle Françoise-Marie Croizet, son épouse ont été parrain et marraine François Gouy et demoiselle Jeanne Croizet. Signé : Merlin, vicaire. Cette nouvelle copie, qui m'a été communiquée le 13 juin 1902, met fin à cette polémique. Dans une lettre parfaitement courtoise, M. de Brotonne m'avoue qu'il est prêt à se rallier à mon opinion, en ne s'expliquant pas comment a pu être falsifié l'acte dont il a eu copie. Dès lors, il importe assez peu également que dix auteurs se soient trompés sur la date de naissance de Fouché, qu'on a fait naitre en 1761 (Hamel, Histoire de Juilly), en mai 1753 (Mehul), en septembre 1754 (M. Kuscinski), en mai 1763 (Nodier), en mai 1760 (acte d'entrée à l'Oratoire) ; etc. — Cf. Revue napoléonienne (1902, n° II, III, V et VI). (Note de la 2e édition).
[2] Un de ses anciens condisciples, voulant obtenir de lui une grâce (qui fut accordée), lui rappelait en 1807 qu'ils avaient fait leurs premières études au collège de Nantes, sous le P. Nivoix, qu'ils étaient en pension chez les messieurs Dutheil, cloître Notre-Dame. Moulnier de la Gustière à Fouché, avril 1807. A. N., F7 6481.
[3] Matériaux pour les Mémoires. (Papiers confiés à Gaillard.) Mémoires du duc d'Otrante, 1819, p. 14. Ce sont des autobiographies.
[4] Notice des Zeitgenossen. Mémoires du duc d'Otrante. Matériaux des mémoires.
[5] Notice des Zeitgenossen. Mémoires du duc d'Otrante. Matériaux des mémoires.
[6] En août 1810. Ch. II.
[7] Matériaux pour les Mémoires. Son père était, du reste, mort avant son entrée à l'Oratoire.
[8] LALLEMAND, Histoire de l'éducation dans l'ancien Oratoire. PERRAUD, l'Oratoire de France. Plan d'éducation présenté par les instituteurs de l'Oratoire.
[9] PERRAUD, l'Oratoire, p. 236. A. N., M. 228.
[10] Le confrère J. Fouché, tonsuré, natif de Nantes, né le 27 mai 1760 de feu Joseph Fouché, capitaine au cabotage, et de Marie-Adélaïde Croizet, ses père et mère, a fait ses études d'humanités et de philosophie à notre collège de Nantes, est entré à l'institution le 21 novembre et a été admis le 7 décembre. A. N., M. 617.
[11] LE BON, Joseph Le Bon.
[12] Dans l'ouvrage précité, lire les lettres de Le Bon à ses élèves et anciens élèves de 1788 à 1790. HAMEL, Histoire de Juilly.
[13] Visites du P. Moisset. A. N., M. 597.
[14] Sur l'abbé Mérault, qui près la Révolution devint vicaire général d'Orléans, cf. l'abbé Mérault, par Zanoli.
[15] Notice des Zeitgenossen. Mémoires du duc d'Otrante.
[16] Le duc d'Otrante à Gaillard, 7 avril 1820. (Papiers Gaillard.)
[17] Cf. plus bas.
[18] Le duc d'Otrante au duc de Fleaux, Prague, 30 novembre 1816. Archives du Ministère de l'Intérieur à Vienne.
[19] Le duc d'Otrante au duc de Fleaux, 30 novembre 1816, déjà cité.
[20] Mémoires inédits de l'ex-oratorien Gaillard.
[21] M. WALLON, par exemple : Fouché, un autre prêtre, successeur de Laplanche... (Les représentants en mission, I, 29), et vingt autres historiens, Michelet le premier.
[22] Sentimens indignes d'un prêtre, écrira Brissot en 1791. (Brissot à Fouché, 1791)..... MELLINET, Histoire de la commune de Nantes, VI, 272, et les habitants de Clamecy : ce prêtre impie. (Clamecy à la Convention, 22 messidor an III, A. N., D. III, 347.)
[23] Supplément aux Rapports sur sa mission.
[24] Conversation du duc d'Otrante et de Ségur du 29 octobre 1809. SÉGUR, Mémoires, III, 414.
[25] GAILLARD, Mémoires inédits.
[26] A. N., Mm. 592 et M. 228 b.
[27] PERRAUD, l'Oratoire de France.
[28] ARNAUT, Mémoires d'un sexagénaire. HAMEL, Histoire de Juilly.
[29] A. N., Mm. 592 et M. 228 b.
[30] Sur la vie à l'Oratoire : ARTAUD, Vie du comte d'Hauterive (ancien confrère) ; LE BON, J. Le Bon (ancien prêtre) ; MALOUET (ancien confrère), Mémoires ; DU PORTAUMONT, Malouet ; Mémoires inédits de GAILLARD (ancien confrère) ; TAILLANDIER, Documents sur Daunou (ancien prêtre) : ARNAUD, Mémoires, I, ch. II ; PASQUIER, Mémoires, I, 5 ; Traitement fait aux membres de l'Oratoire, 1791 ; Mémoire pour les membres de l'Oratoire, 1790, et les ouvrages plus récents : HAMEL, Histoire de Juilly ; LALLEMAND, Histoire de l'éducation dans l'ancien Oratoire, et PERRAUD, l'Oratoire de France.
[31] A. N., M. 592.
[32] Sur Jav, ch. XII.
[33] M. 502. M. 228 b ; ARTAUD, Vie du comte d'Hauterive (d'après ses Mémoires inédits), ch. I ; GAILLARD, Mémoires inédits.
[34] Joseph Fouché, de l'Oratoire, à sa sœur. Vendôme, 3 juin. CAILLÉ, J. Fouché d'après une correspondance privée inédite. Lettre I, p. 1.
[35] A. N., M. 592.
[36] HAMEL, Histoire de Juilly ; ARNAULT, Mémoires ; ADRY, Notice sur Juilly, et A. N., M. 221 et 222.
[37] PASQUIER, I, 5 ; DE LACOMBE, Vie de Berryer, ch. I.
[38] ARNAULT, Mémoires, ch. II.
[39] ARNAULT, Mémoires, ch. II.
[40] GAILLARD, Mémoires inédits.
[41] NOLHAC, Souvenirs ; GAILLARD, Mémoires inédits.
[42] HAMEL, p. 341. Ces sentiments étaient généralement connus. Cf. la pièce de DUVEYRIER, Michel Perrin, 1834.
[43] LAMOTHE-LANÇON, l'Empire, II, 373.
[44] A. N., M. 592.
[45] ARNAULT, Mémoires, I, ch. II. Gaillard était d'un caractère droit jusqu'à la rudesse : c'était un homme intègre plus qu'aimable. Les récits mêmes qu'il a laissés à ses enfants en sept volumes manuscrits nous le montrent tel.
[46] GAILLARD, Mémoires inédits.
[47] Sa passion était grande surtout pour l'aérostation : il devait faire en 1791, à Nantes, une ascension qui intéressa fort le public. Dès 1786, il avait, au collège de Vendôme, vu présider aux thèses de ses élèves l'inventeur des montgolfières, alors en vacances chez le comte de Rochambeau. (Fouché à sa sœur, 3 juin 1786. CAILLÉ, p. 1.)
[48] GAILLARD, Mémoire inédits.
[49] Mémoires de Gaillard, et HAMEL, Histoire de Robespierre, I.
[50] On trouve dans les archives de l'Oratoire (A. N., Mn. 221) un plaidoyer imprimé signé Max. de Robespierre en faveur de l'Oratoire du collège d'Arras en 178. Ce plaidoyer débute par un superbe éloge de la grande congrégation.
[51] SÉGUR, III, 414.
[52] CHARAVAY, Introduction à la Correspondance de Carnot.
[53] Charlotte Robespierre place cette demande de Fouché en 1792 ou 1793. Cela est impossible. À cette époque, Fouché, légitimement et publiquement marié, avait installé son ménage rue Saint-Honoré, à deux pas de la maison précisément habitée par les Robespierre. Il n'a pu alors demander Charlotte en mariage. Si cette promesse doit être tenue pour réelle (on sait ce que valent les affirmations de cette vieille fille), elle ne peut dater que de 1789. (Note de la 2e édition.)
[54] BAUDOT, Notes sur la Convention.
[55] E. HAMEL, t. I. GAILLARD, Mémoires inédits.
[56] PERRAUD, l'Oratoire.
[57] PERRAUD, l'Oratoire.
[58] A. N., M. 230.
[59] Sur tout ce mouvement, ARTAUD, Vie du comte d’Hauterive, ch. I ; LE BON, J. Le Bon ; Mémoires de GAILLARD, TAILLANDIER, Documents sur Daunou. Les mémoires du jeune Oratoire à la Constituante. Traitement fait aux membres de l'Oratoire, 1791. Mémoires pour les membres de l'Oratoire ; enfin, l'organe du jeune Oratoire, le Bulletin des patriotes de l'Oratoire.
[60] LE BON, J. Le Bon.
[61] DERAMECOURT, Le clergé du diocèse d'Arras, 1739-1802, I, 235.
[62] A. N., M. 592.
[63] A. N., M. 228 b.
[64] J'ai vu M. de Bonnai à l'Assemblée constituante, écrit le duc d'Otrante à Gaillard, 27 juillet 1816. (Papiers inédits de GAILLARD.) Il faut donc en conclure que le confrère Fouché était de la députation : dans quelles circonstances le jeune professeur d'Arras eût-il été à la Constituante, et précisément un jour où M. de Bonnai eût pris la parole ?
[65] A. N., M 592.
[66] VERGER, Arch. curieuses de Nantes, IV, 167 ; LALLIÉ, Le diocèse de Nantes, en 1790 ; VERGER, Ibid., IV, 168. Cf. plus bas, ch. I, p. 59-61. Arch. de la Loire-Inférieure.
[67] HAMEL, Hist. de Juilly, 339.
[68] VEILLECHÈZE, 51, 52 ; LALLIÉ, les Sociétés populaires ; Chronique du département de la Loire-Inférieure, novembre 1790. N° 11, p. 23.
[69] Ch. II, p. 73. BLANCHARD (de Nantes), Mémoires ; VERGER, Arch. de Nantes ; DUGAST-MATIFEUX, Bibl. de Nantes ; Écho de Paimbœuf ; Chronique de le Loire-Inférieure, 1790-1793 ; MELLINET, Hist. de la commune de Nantes.
[70] VERGER, MELLINET, LALLIÉ, déjà cités.
[71] Matériaux pour servir à la vie Joseph Fouché, dit le duc d'Otrante.
[72] VEILLECHÈZE, LALLIÉ, sources déjà citées.
[73] Conversation avec Ségur en 1809. SÉGUR, III, 414. Note sur Fouché remise à Louis XVIII (Papiers GAILLARD), et Fouché à Gaillard, 1er août 1818 (Papiers inédits de GAILLARD).
[74] PASQUIER, III, 172.
[75] Fouché à Brissot, 22 février 1791. Brissot à Fouché, MELLINET, VI, 272.
[76] MELLINET, VI, 266.
[77] BLANCHARD (de Nantes), Mémoires.
[78] Le principal du collège à la municipalité. Arch. Loire-Inférieure, série L. Dû à l'obligeance de M. Maire, archiviste de la Loire-Inférieure.
[79] Le principal à l'administration du district, 27 juillet 1792, Arch. Loire-Inférieure, série L.
[80] PERRAUD, p. 235.
[81] VEILLECHÈZE, p. 55.
[82] NODIER, Souvenirs, p. 302. FIÉVÉE (Lettre à l'Empereur, juin 1810) en plaignait ironiquement de cette coterie oratorienne qui entourait Fouché.
[83] Ch. II.
[84] TAILLANDIER, Doc. sur Daunou, passim, et note de police favorable à Daunou. A. N., AF IV 1503, 15 mars 1809.
[85] Dossier Babey, A, N., F 7, 4363.
[86] ARTAUD, D'Hauterive.
[87] GAILLARD, Mémoires inédits.
[88] GAILLARD, Mémoires inédits.
[89] Correspondance avec Gaillard (Papiers Gaillard.)
[90] NODIER, 302.
[91] Mém. inédits de GAILLARD.
[92] Le duc d'Otrante au comte de Fleaux, 30 novembre 1816. Arch. du Ministère de l'Intérieur, à Vienne.
[93] L'archevêque de Besançon au duc d'Otrante, mars 1815. A. N., F7 8232.
[94] Fouché à Condorcet, 1794. Matériaux pour servir à la vie de J. Fouché.
[95] FLOURENS, Napoléon et les jésuites.
[96] Le duc d'Otrante à Jérôme, 29 juin 1819. (Mém. du roi Jérôme.)
[97] Le chevalier de la Roche Saint-André au Pamphlétaire. (Papiers Gaillard).
[98] Lettres à Gaillard, 1815-1820. (Papiers Gaillard.)
[99] Le duc d'Otrante au comte de Fleaux, 30 novembre 1816. Arch. du ministère de l'Intérieur de Vienne.
[100] BARDOUX, Madame de Custine.