LA BATAILLE DE FRANCE

21 MARS - 11 NOVEMBRE 1918

 

CHAPITRE PREMIER. — LES CONDITIONS DE LA BATAILLE.

 

 

1. — La bataille.

La plus grande bataille de l'histoire, proclamait le chef vainqueur à l'heure où elle se terminait. Nul n'était tenté de le démentir alors : le vaincu l'était moins que personne, qui, en consentant une capitulation sans précédent, donnait à la gigantesque lutte l'épilogue attendu.

Tout fut grand en ce tournoi, d'une grandeur que jusque-là aucune des plus illustres batailles n'avait atteinte : les circonstances où il s'engageait, corps à corps terrible après une guerre sans trêve de quarante-quatre mois ; l'arène où il s'allait livrer, des dunes de la mer du Nord à la vallée de la Moselle, front de cent lieues où le feu ne s'éteindra point ; les forces jetées dans la mêlée, sept millions d'hommes appartenant à six nations ; les moyens mis en œuvre, résultats de quatre ans d'inventions et de perfectionnements en l'art d'écraser l'adversaire ; la longueur et le nombre des passes d'armes qui, se succédant d'abord, bientôt s'enchevêtrant, ne furent finalement plus qu'une furieuse ruée contre un ennemi jusqu'au bout opiniâtre ; la passion surhumaine que non seulement les deux partis, mais encore les spectateurs frémissants — le monde entier remué aux moelles — y apportèrent l'enjeu de la lutte qui était, après une guerre sans merci, l'extrême du triomphe ou de la défaite, oui, tout fut d'une grandeur insolite, le théâtre, les acteurs, le prologue, les scènes, l'épilogue. Mais on put voir que si grand que soit un événement, il y a quelque chose de plus grand encore : l'âme d'un chef ; car, à la taille de l'événement, on allait mesurer celle de l'homme qui, appuyé sur d'admirables soldats, le maîtrisa et le conduisit.

Du 21 mars, 4 h. 10, — quand, sur le front des 3e et 5e armées britanniques, commençait le trommelfeuer préparatoire à la formidable attaque allemande, — au 11 novembre, 11 heures, où la capitulation ayant été signée par les représentants de l'Allemagne, le feu, sur un front tout entier en marche, cessa de la Belgique à la Lorraine, la bataille aura, sans notable interruption, duré deux cent trente-cinq jours. Elle aura tenu entre les dernières neiges d'un hiver et les premières d'un autre.

Après s'être, au gré de l'assaillant allemand, déplacée de la Picardie aux Flandres, aux plateaux de l'Aisne, aux hauteurs de l'Oise, à la plaine de Champagne, aux rives de la Marne, la lutte s'était élargie, quand, saisissant soudain l'initiative des opérations, un grand chef français avait entendu arracher la décision à un ennemi encore redoutable qu'il pressait de toutes parts. Le champ de bataille s'était alors étendu du centre du front, qui était la région d'entre Marne et Aisne, à toutes ses parties ; de la mer du Nord aux rives de la Meuse — et les champs de la Moselle allaient s'allumer —, le feu courut, cernant un ennemi bientôt aux abois. Ce front, si longtemps désespérément stable, s'était mis en mouvement, enserrant, en un cercle tous les jours plus menaçant, l'adversaire déconfit en plus de vingt rencontres.

Alors, — et c'est ce qui achève de donner à cette bataille de France un singulier caractère de grandeur, il apparut qu'en quelques semaines, Foch et ses armées remontaient le cours de l'histoire.

La bataille de France semble une synthèse tout d'abord de l'énorme guerre à laquelle elle allait mettre fin. Tous les noms qui, depuis 1914, avaient successivement rempli nos communiqués, ceux de la Marne et ceux des Flandres de 1914, ceux d'Artois et ceux de Champagne de 1915, ceux de Verdun et ceux de la Somme de 1916, ceux de l'Aisne et ceux de l'Oise de 1917, on les vit reparaître; mais les caractères en parurent changés : car ceux qui, à force de traîner en tant de communiqués, avaient presque lassé l'attention, apparaissaient maintenant illuminés par la victoire en marche qui bientôt les semait derrière elle. Ainsi de la forêt d'Houthulst à la hernie de Saint-Mihiel, des villages de la Somme aux bois de l'Argonne, des collines d'Artois aux rives de la Suippe, Foch, poussant en avant ses armées ivres d'une joie grave, les jetait vers ces plaines de Belgique, et bientôt ces champs de Lorraine qui avaient vu nos premiers échecs : car, ayant rompu le cercle fatal, nos armées couraient derechef, mais avec quelle certitude de vaincre ! à Anvers, Liège, Mons, Charleroi, Arlon, Virton, Morhange. Et tandis que la revanche de 1914 ainsi se consommait, les soldats de Gouraud, chassant les Allemands de Sedan, semblaient y déchirer la capitulation qui, le 2 septembre 1870, avait préparé notre ruine.

Et quand l'épilogue de ce drame énorme eut été la rentrée en Alsace et Lorraine de la France acclamée, la réapparition dans la vallée de la Sarre des arrière-neveux de Vauban, la réinstallation sur le Rhin du drapeau de 1792, il parut bien que la bataille qui, du fond de l'abîme où semblaient nous plonger nos défaites du printemps, nous avait portés à nos frontières naturelles reconquises, achevait de revêtir, par cette magnifique apothéose, le caractère que l'histoire confirmera. C'est la plus grande bataille de l'histoire.

***

On ne raconte point, au lendemain du jour où elle s'est terminée, pareille lutte en ses détails. Pendant sept mois et demi, je le répète, sept millions d'hommes s'affrontèrent ; ils s'affrontèrent sur un champ de bataille de 400 kilomètres ; cent combats se livrèrent : à parler juste, cette bataille est une suite, puis un agrégat de batailles. Ce fut un fourmillement de divisions. Il s'en faut qu'on puisse aujourd'hui entrer dans le détail de ces actions ; beaucoup sont encore mal connues. Si, cédant à la tentation d'aller chercher, à côté du cerveau du chef, l'âme du combattant, on entreprenait de descendre jusqu'à l'action de tel bataillon engagé, ou même de tel régiment, ou même de telle division, on s'exposerait, — dans le désir d'être juste, -- à être injuste, car le bilan n'est pas encore fait, que seuls, peut-être, nos petits-enfants pourront établir. Et puis il faut, pour savoir quelles difficultés furent vaincues par tel ou, au contraire, aplanies devant lui, connaître mieux que nous ne le pouvons aujourd'hui, les desseins conçus, les ordres reçus, les fautes commises, les sentiments éprouvés de l'autre côté de la barricade : pour raconter une bataille, il faut savoir où en étaient, à tel et tel moment de la lutte, les nerfs, les muscles et le cœur des deux lutteurs. On ne peut avoir sur l'ennemi, — ou peu s'en faut, — pour l'heure, que des renseignements. Avant d'écrire l'histoire de la mêlée, il faudra qu'on ait remplacé ces renseignements par des précisions.

Mais la bataille de 1918 ne fut pas une mêlée confuse. De grands stratèges, de part et d'autre, la dirigèrent ; de grandes pensées s y appliquèrent ; de grands desseins s'y affirmèrent. Vue de haut, la lutte prend bien promptement l'aspect d'un duel très serré entre deux armées, deux états-majors, deux chefs : duel savant où l'on ne rompit souvent que pour mieux parer, où l'on se tâta longtemps pour se toucher à l'endroit sensible, où la feinte prépara la botte et où, soudain, l'on vit l'un des maîtres, par une série ininterrompue d'assauts, acculer finalement l'autre et le tenir sous le poignard de miséricorde. A travers cette forêt de fusils, de mitrailleuses, de canons, on sent deux lames qui se croisent. Et ce sont simplement les phases de ce duel que l'on peut essayer de reconstituer. Parlons bref : il ne s'agit que de dégager les grandes lignes de la bataille. Un historien doit jusqu'à nouvel ordre s'interdire tout autre dessein parce qu'il n'y a présentement que les grandes lignes qui, sans crainte d'erreur, puissent se tracer.

En ces grandes passes, ce qui, dans la main du grand chef, constitue par excellence l'instrument, c'est l'unité Armée. Lorsque, essayant de reconstituer la bataille de la Marne de 1914[1], je n'en prétendais déjà établir que les grandes lignes, ce sont les armées que j'ai presque exclusivement voulu voir manœuvrer. Un Gallieni, un Maunoury, un French, un Franchet d'Espérey, un Foch, un Langle de Cary, un Sarrail sont, sous un Joffre, les seuls acteurs que j'aie entendu mettre en scène. Il en sera de même aujourd'hui. Seulement, ce ne sont plus six armées qui, de notre côté, seront engagées, mais quatorze ; le théâtre ne tiendra plus entre Senlis et Verdun, il s'étendra à toute la France du nord-est, de la mer à la Meuse ; l'action ne durera pas six jours, mais sept mois. Et même en se tenant sur les sommets, il faudra demander à qui lira cette étude une attention un peu soutenue. Et pour que cette attention lui soit rendue un peu moins difficile, il importe de situer tout d'abord la bataille dans l'espace et le temps, dire au préalable, à grands traits, quel était le champ de bataille et en quelles circonstances s'allait engager l'action, quelles forces étaient en présence et quels les desseins des états-majors. Les faits qui suivront en paraîtront, je l'espère, un peu plus clairs.

 

2. — Le champ de bataille.

A la fin de 1917, le front dessinait, de Nieuport aux Vosges, une série de grandes lignes brisées, si présentes encore au lecteur, que je suis autorisé à ne les évoquer que très brièvement.

Des dunes de la mer du Nord au sud de Dixmude, la petite armée belge tenait, depuis quatre ans, derrière le talus historique du chemin de fer de Nieuport à Dixmude et le canal de l'Yser. Ypres, plus au sud, occupé par nos alliés britanniques, était le centre d'un saillant qui, à travers diverses vicissitudes, s'était maintenu comme une sorte de bastion avancé de la courtine qui, de Dunkerque à Calais, couvrait le littoral.

Les troupes britanniques avaient, dans l'été de 1917, en reconquérant au prix de lourdes pertes les crêtes à l'est d'Ypres, donné de l'air à cette place forte improvisée. Mais elles n'avaient pu faire plus. C'est que, en face de cette partie du front, les Allemands avaient, eux aussi, transformé en forteresse cette forêt d'Houthulst qui suffisait à gêner toute offensive partant du front adverse. Si, assis sur les crêtes du nord et de l'est d'Ypres et, au sud, sur la ligne des Monts, l'Anglais semblait interdire l'accès des ports du Pas-de-Calais, l'Allemand, de son côté, paraissait, — après l'assaut finalement vain de 1917, — enlever aux Alliés tout espoir de ramener par les armes le roi Albert non seulement à Bruxelles, mais même à Gand. L'arène que depuis des siècles offre cette plaine de Flandre aux armées de l'Europe, — je renvoie à ce que j'en ai écrit ailleurs[2], — semblait décidément fermée aux armées alliées. Il paraît bien que, forts de la plus récente épreuve, les Allemands se trouvaient, de ce fait, rassurés sur l'aile droite de leur dispositif. A la vérité, l'état-major britannique pouvait également se croire assuré de couvrir contre toute attaque les abords du détroit ; je me rappelle quelle impression de force m'avait, en 1917, laissé le mont Kemmel, dominant la plaine flamande de ses cent coudées. Au sud, la Lys formait fossé et, depuis août 1917, les Anglais la tenaient derechef jusqu'à Warneton.

Cette rivière pouvait cependant être pour l'Allemand un couloir tentant vers le Pas-de-Calais. Si, ayant fait crouler la ligne entre Warneton et la Bassée par un coup droit sur Armentières, il s'engageait dans la vallée, le bastion d'Ypres, pris à revers, paraissait devoir crouler ; et rien, dès lors, ne couvrirait Cassel, Hazebrouck, Aire et, plus en arrière, les villes de la côte. En revanche, si les Alliés étaient en mesure de s'engager en forces sur la Lys en aval de Warneton, vers Wervicq et Courtrai, la forte agglomération de Lille-Tourcoing-Roubaix, depuis 1914 entre les mains de l'Allemand, devait être par lui abandonnée, et, par ailleurs, la route de Gand ouverte. D'où l'intérêt de cette partie du front, théâtre, depuis quatre ans, de tant de combats et où nous verrons, presque aux deux périodes extrêmes de notre grande bataille, — au début d'avril et à la fin de septembre, — du fait de l'un, puis de l'autre adversaire, le feu se rallumer.

Du sud de la Bassée aux environs d'Arras, le front tenu par les Anglais semblait préservé de toute mésaventure. Nous avions, en mai et septembre 1915, puis nos alliés britanniques en 1917, payé de flots de sang la conquête des crêtes qui couvraient Arras au nord et à l'est. Cette partie du front pouvait nous être un tremplin d'où nous élancer, pour menacer, à Douai et à Cambrai, deux nœuds importants de communications ; la récente attaque des Anglais sur Cambrai semblait le prouver. Mais l'Allemand ne semblait, par contre, pouvoir facilement rompre là le mur de la défense alliée.

Aussi était-ce, en 1918, moins, l'Artois que la Picardie que l'ennemi couvait d'un regard de proie. Nous l'avions, en 1916, chassé du pays de Somme et il avait dû, devant la menace d'une redoutable attaque sur ses flancs, achever, en mars 1917, d'évacuer la poche où, de ce fait, il était resté engagé. Il avait alors reculé son front de très notable façon vers l'est, entre Marcoing et la Fère. Mais il avait alors installé sa défense sur cette redoutable position Hindenburg que je serai amené à décrire[3] et qui, sans cesse fortifiée et refortifiée depuis un an, lui paraissait fermer au plus audacieux adversaire l'accès de la Sambre comme de l'Oise ; grosso modo — il en sera plus tard reparlé —, la position était, en cette partie du front, parallèle à la route de Cambrai à la Fère par le Catelet et Saint-Quentin. Cette ligne Hindenburg, baptisée de tous les noms de la mythologie wagnérienne, de Siegfried à Wotan, c'était l'inviolable barrière qui, de loin, interdisait à toute offensive alliée les approches mêmes du massif d'Ardenne. Il paraissait d'ailleurs à l'état-major allemand impossible que pareille offensive pût jamais atteindre pareil objectif. Derrière la ligne Hindenburg, c'était, en effet, sur une profondeur de plus de 32 lieues, une suite d'obstacles naturels qui, utilisés par le génie allemand — j'y reviendrai à la veille du grand assaut de septembre 1918 —, semblaient bien devoir constituer d'infranchissables obstacles : rivières, hauteurs, forêts, des limites de la Picardie aux premières pentes ardennaises, se multiplient- et s'amplifient ; nous le verrons mieux en suivant plus tard, vers ce massif d'Ardenne, nos troupes victorieuses ; chaque obstacle abattu ou franchi marquera un succès payé de durs labeurs. Mais dans les premiers jours de 1918, l'Allemand nous voit si peu engagés dans ce dédale que, tout au contraire, nous l'allons dire sous peu, il médite de faire de la ligne Hindenburg non plus une défense formidable, mais un tremplin d'où bondir sur nos lignes entre Somme et Oise.

Le massif de Saint-Gobain, où se coudait la ligne, était, entre la Fère, Laon et Anizy-le-Château, le bastion d'angle du mur, qu'en 1917 nous avions pu investir sans le faire crouler. Nous étions en effet parvenus à nous rendre maîtres des plateaux entre Aisne et Ailette et, de ce fait, approcher Laon : l'Aisne avait cessé d'être, entre les mains de l'ennemi, le fossé de cette première enceinte qui rendait, avant avril 1917, inaccessible cette montagne de Laon, une des clés de voûte du système allemand. Le flanc ennemi en restait pressé et c'était menace constante. Ces plateaux de l'Aisne constituent, — j'ai essayé de le démontrer ici[4], — le mur principal élevé par la nature en avant de l'Ile-de-France ; qui s'en est rendu maître menace ou couvre, suivant le cas, la capitale. Nous avions réoccupé le mur ; il était essentiel aux Allemands, pour investir derechef, et de loin, Paris, de le ressaisir ; mais muni de troupes solides et nombreuses, un tel mur semblait inattaquable. On comprend donc que les Allemands aient pensé le tourner à l'ouest en mars, avant que de l'enlever, démuni par les circonstances, en mai 1918. A la vérité, ils le pouvaient aussi tourner vers l'est ; l'échec de nos attaques d'avril 1917 au nord de Reims laissait l'adversaire maître de la trouée de Juvincourt ; à l'est de Craonne, Reims, resté sous son feu et presque sous sa main, pouvait, semblait-il, être assez facilement emporté ; mais derrière, se dressait, autre défense lointaine de l'Ile-de-France, la montagne de Reims que nous avions ressaisie au soir de la Marne. Par ailleurs, la prise du massif de Moronvilliers, plus à l'est, par la 4e armée française en avril-mai 1917, nous avait assuré une position redoutable à qui essaierait de forcer l'Ile-de-France par le nord-est. On était, aux premiers jours de 1918, autorisé à penser que, décidés à l'offensive, les Allemands la déclencheraient dans cette région. Ils n'y songeront qu'à l'été de 1918.

Telle chose était d'autant plus probable, que la possession des monts de Champagne devait, à l'heure où, à notre tour, l'offensive nous serait permise et peut-être imposée, favoriser une nouvelle offensive de Champagne. De ce côté, nous étions, depuis nos attaques de septembre 1915, en face du fossé creusé par la Py, derrière lequel l'Arnes, puis la Retourne constituent des lignes d'eau parallèles, tandis que plus à l'est la Dormoise en dessine une autre. Il n'en va pas moins que le vieux plan de 1915, la marche d'armées en direction de Vouziers et de Rethel, pouvait ressusciter de ses cendres. Ainsi l'Ardenne, si la ligne Hindenburg nous paraissait constituer à l'ouest du massif un mur inviolable, était-elle abordable par le sud — et la fameuse ligne ainsi susceptible d'être tournée. L'opération eût été relativement facile, si nous n'eussions été, depuis quatre ans, dans la région meusienne, par l'existence du saillant ennemi de Saint-Mihiel, entravés dans nos gestes.

En résumé, — et il fallait bien tracer cette esquisse avant tout exposé des faits, — le front de France, tel qu'il se présentait dans les premiers jours de 1918, offrait aux deux armées opposées de très grandes chances d'opérations heureuses. Sans doute, l'Allemand, des dunes flamandes aux rives de la Meuse, entamait si profondément la France du nord-est que, bien plus facilement qu'en août 1914, il se pouvait porter vers le bassin parisien ou le Pas-de-Calais ; depuis près de quatre ans, la frontière, si l'on peut dire, entre l'Allemagne et la France était de telle façon avancée, que l'Allemand, en certains points, se trouvait à moins de trente lieues de Paris. Sans doute aussi avait-il dû, pendant les trois années qui avaient suivi sa défaite sur la Marne, abandonner de notables morceaux de terrain et nos opérations de la Somme et de l'Aisne avaient-elles notamment éloigné la menace, pendant de si longs mois, suspendue sur Paris. Par ailleurs, la dernière bataille des Flandres semblait avoir décidément fermé à l'Allemand l'accès de la mer, tandis que le camp de Verdun, reconstitué en son intégrité, de l'automne de 1915 à l'été de 1917, le contenait derechef à l'est de l'énorme champ de bataille. De ce fait, les Alliés avaient recouvré, des collines d'Ypres aux Hauts-de-Meuse, en passant par les hauteurs de la Somme, les plateaux de l'Aisne et les Monts de Champagne, non seulement une forte ligne de défense, mais des positions excellentes pour le jour où l'offensive générale serait par eux reprise.

Mais une position, si elle vaut beaucoup par elle-même, n'a cependant qu'une valeur toujours relative. Que signifie une place forte sans défenseurs ? La géographie n'est qu'un des facteurs de l'histoire. La condition de la victoire et la cause de la défaite ne sont pas exclusivement dans l'excellence des positions : elles dépendent avant tout du génie du chef, mais, pour une grande partie, résident dans la force des effectifs, à la condition de donner au mot force tout son sens ; j'entends son acception morale comme son acception matérielle. Le problème se résolvait donc en une question tout à la fois de forces matérielles et de forces morales. Et c'est pourquoi, ayant, pour l'intelligence des grands événements qui vont se dérouler, ébauché rapidement l'aspect du champ de bataille, il nous faut parler des circonstances où s'allait engager la lutte.

Retenons simplement que, suivant que les forces de l'un ou de l'autre belligérant, utilisées par la science stratégique des grands chefs, rompraient le front de l'adversaire, chacun des deux partis était en position de mettre le vaincu dans la situation la plus périlleuse. Car si les Alliés étaient, le cercle rompu, contraints de combattre le dos à la mer ou le dos à Paris, — j'y reviendrai, — et ainsi gênés dans la parade stratégique par les plus angoissantes préoccupations, en revanche, la forme enveloppante de leur front leur permettait éventuellement contre l'ennemi ébranlé, puis chassé de ses lignes récentes ou anciennes, la plus belle manœuvre que stratège eût eu à concevoir et à conduire ; car, maîtres des couloirs convergents de l'Escaut, de la Sambre, de l'Oise, de la Meuse et de la Moselle, ils pouvaient, en y engageant leurs armées, ramener l'ennemi à ce massif d'Ardenne qu'il ne pourrait alors défendre qu'au risque d'un effroyable désastre. Il fallait, pour que ce rêve, caressé depuis 1914, se réalisât, que le grand chef, audacieux et averti tout à la fois, se rencontrât dans l'heure même où le renversement des situations lui permettrait d'utiliser jusqu'à leur extrême rendement forces nouvelles et nouveaux moyens.

 

3. — Les adversaires.

Forces et moyens semblaient, dans les premiers jours de 1918, incontestablement supérieurs du côté de notre adversaire. Un événement, d'une incalculable portée, venait de se produire, qui l'autorisait à reporter sur le front occidental la presque totalité de ses forces combattantes et de son redoutable matériel. Le 20 décembre 1917; avait été signé, à Brest-Litovsk, entre les représentants de la révolution russe et ceux de l'Empire allemand, un armistice qui, le 9 février 1918, s'allait transformer en traité de paix. Notre première alliée nous abandonnait. Sans attendre que la Russie rouge — d'ailleurs précédée par l'Ukraine elle-même — capitulât à Brest-Litovsk, l'Allemagne avait commencé à transférer sur le front de France ses divisions de Russie ; les premiers transports s'étaient faits en novembre. Ils se précipitèrent en décembre et janvier ; en février, plus de la moitié de l'armée allemande de Russie avait rallié le front occidental. De novembre 1917 à avril 1918, 64 divisions allaient ainsi venir grossir l'armée impériale de France qui déjà en comptait 141. De ce fait, la supériorité numérique passait à nos ennemis sur les forces alliées qui à ces 205 divisions n'en pouvaient opposer que 177. Par ailleurs, toutes les ressources matérielles accumulées sur le front de Russie allaient, transportées sur le nôtre, augmenter l'effet déjà redoutable de ce nouvel afflux de forces.

L'armée française supportait depuis trois ans et demi M poids principal de la guerre ; ses pertes avaient été immenses ; il devenait difficile de les réparer ; et la crise des cadres aggravait celle des effectifs. Nous comptions 99 divisions sur le front, mais ce front à défendre était de 560 kilomètres. L'armée britannique venait de s'user en partie dans la pénible bataille des Flandres de 1917 ; elle occupait avec 60 divisions — dont deux portugaises — un front de 200 kilomètres. Douze divisions belges en tenaient un de 8 lieues.

Depuis quelques mois, à la vérité, les armées alliées se grossissaient de régiments américains. A l'heure où la révolution, se déchaînant à Petrograd, allait avoir pour conséquence presque immédiate l'affaissement du front russe, nous avions acquis un nouvel allié : les États-Unis, après tant d'hésitations, s'étaient, le 3 février 1917, décidés à entrer dans la lice à nos côtés. Le 12 juin 1917, le général John Pershing avait débarqué en France avec quelques régiments et, depuis cette date, chaque semaine, les bateaux de l'Union déversaient sur notre sol personnel et matériel. A la veille de l'attaque allemande, quatre divisions étaient en France et l'on pouvait prévoir que, les transports s'accélérant, une armée américaine forte d'un million d'hommes serait, avant l'hiver de 1918-1919, engagée dans les combats. Mais en serait-on encore à se battre dans l'hiver de 1918-1919 ?

L'Allemagne ne le pensait point. Elle était en droit d'envisager l'année 1918 comme la plus favorable à une action heureusement décisive. Les Russes nous abandonnaient ; les Américains à peine arrivaient. L'Allemagne a toujours eu une tendance à sous-estimer l'adversaire : outre qu'elle pensait troubler par les attaques de ses sous-marins les arrivages de Yankees, ceux-ci ne constitueraient point, matériellement parlant, avant l'été de 1918, un appoint sérieux, et cet appoint resterait longtemps de qualité inférieure : elle accueillait par des ricanements ces bataillons de marchands de porc salé qui osaient se venir mesurer avec l'incomparable Feldgrau. En fait, elle était autorisée à tenir l'aide américaine pour négligeable, — militairement parlant, avant l'automne 1918. Or, elle pensait en avoir alors fini depuis longtemps.

L'infériorité du nombre semblait lui livrer l'adversaire.

***

Elle comptait sans l'âme du soldat français qui, depuis le premier jour, n'avait pas faibli. Élevé au commandement suprême de l'armée française à l'heure où un nuage paraissait cependant assombrir les cœurs, le général Pétain avait mis tous ses soins à refaire le moral de ses troupes ; cœur frémissant lui-même sous une apparence froide, esprit sagace servi par un clair regard, il avait mieux fait que comprendre la situation, il l'avait sentie : il avait entendu que le raffermissement de la discipline fût assuré par le rassérènement des âmes ; des offensives heureuses, soigneusement préparées et menées avec ce mélange de prudence et de fermeté qui le caractérisent, en août au nord de Verdun, en octobre sur le Chemin-des-Dames, avaient rendu à nos hommes l'impression qu'on pouvait toujours avoir le Boche ; une véritable entreprise de restauration morale avait, d'autre part, donné de si heureux résultats, que jamais peut-être le soldat français n'avait montré une âme plus haute, une conscience plus nette de son devoir, un esprit de sacrifice plus complet et, par surcroît, une bonne humeur plus alerte au service d'une bonne cause. C'était une arme bien trempée que Pétain avait en main et si l'on mesurait une armée à la qualité plus qu'à la quantité, nous n'avions jamais été si riches.

De son côté, sous le chef tenace et résolu qu'était le maréchal Douglas Haig, le soldat anglais s'était singulièrement fait depuis deux ans. Dédaigneux du péril, solide et opiniâtre, il était devenu combattant redoutable : moins personnellement débrouillard que son frère d'armes français, il se montrait d'une magnifique robustesse ; à la condition d'être conduit, il était prêt à aller où le chef le conduirait, à y rester ou à y revenir et c'était, dès lors, bien affaire de commandement que ce beau soldat tînt ou ne tînt pas ; — d'ailleurs, lorsque ses chefs le jetteraient à l'assaut, capable, nous le verrons de reste, des plus singuliers exploits.

Les Américains allaient, eux aussi, faire preuve des plus belles qualités combatives ; mais leur eussent-ils rendu justice, nos ennemis étaient, je le répète, autorisés à ne considérer comme ennemis pour l'heure redoutables que les Français et les Britanniques.

Ils ne les redoutaient pas extrêmement. En tout cas, ils pensaient les vaincre et même les écraser à coup sûr. L'Allemagne, un instant troublée, après le suprême échec de l'entreprise de Verdun, avait, depuis la chute de la Russie, retrouvé toute son altière férocité. Celle-ci s'était, de monstrueuse façon, trahie à Brest-Litovsk. Le maréchal von Hindenburg, imposé à l'empereur par une popularité inouïe, était, depuis le 3 septembre 1916, chef d'état-major général, et, sous le couvert de cette popularité, tous les jours grossissante, l'état-major était devenu le vrai maître de l'État. En ce gros et grand homme à la tête puissante et quelque peu brutale, au front en mur à la carrure massive et robuste, d'ailleurs solide et beau soldat, l'Allemagne se reconnaissait, l'Allemagne bismarckienne, amoureuse de la force. Le gouvernement avait, e fait, abdiqué entre les mains de l'état-major. Celui-ci promettait la victoire et, pour gage de cette promesse, étalait les incomparables campagnes des années passées : la Belgique punie, la France foulée, la Serbie écrasée, la Roumanie châtiée, la Russie écroulée ; l'Angleterre serait maintenant chassée des mers par les sous-marins ; la France, qui n'avait pu briser le cercle de fer où Hindenburg avait enfermé ses armées, allait connaître le pire destin ; l'Anglais rejeté à la mer, le Français isolé demanderait grâce. Le pangermanisme se déchaînerait derechef, plus impudent, plus brutal que jamais, prétentieux jusqu'à l'extravagance. L'âme du moindre savetier saxon, du plus petit paysan poméranien, s'en trouvait momentanément exaltée jusqu'au lyrisme. Une vague d'orgueil soulevait, recouvrait, submergeait tout.

Telle disposition jetait l'armée germanique à la fournaise dans une mentalité de vainqueur. Et la nation presque tout entière partageait cet état d'âme. Mais cette exaltation cachait à la nation elle-même, à l'armée elle-même, ce qui était au fond de l'âme de l'Allemagne : une sorte de désespoir dans l'assurance de vaincre. Ce qu'on espérait de la victoire, dans une sorte d'angoisse, ce n'était plus, au premier chef, la gloire ; ce n'était plus, au premier rang, le profit : c'était la paix, la paix ardemment, passionnément désirée. Plus qu'en aucun pays, on avait, en Allemagne, faim et soif de cette paix ; on l'avait promise solennellement chaque année, pour Pâques, pour la Toussaint, pour Noël ; on l'avait crue, à chaque échéance, d'autant plus sûre que Wolff accumulait les nouvelles triomphales, voilant les revers, grossissant les succès, enflant les victoires. Cette fois, c'était chose certaine : il fallait que chacun serrât les dents, suivant l'expression que j'ai retrouvée en tant de lettres allemandes de ce début de 1918. C'allait être, en mars, la vraie bataille, et les Français et Anglais allaient recevoir une telle raclée que leur grande gueule ne s'ouvrirait plus[5]. On se rassurait en s'exagérant les chances ; elles étaient telles qu'il ne faudrait pas un mois pour que tout croulât devant le Feldgrau : Les cloches de Pâques sonneront la paix, disait le kronprinz de Prusse à ses soldats. Mais un doute subsistait malgré tout : on allait à la victoire comme à un abîme ; il fallait en finir. Quand, — écrit-on de Berlin le 2 février 1918, — quand commencera-t-elle, l'offensive désespérée ? C'est l'esprit de maintes lettres.

Qui n'aperçoit dans ce mot révélateur le danger caché ? Le moral, si surexcité qu'il soit, survivra-t-il au premier échec, même s'il n'est simplement que l'arrêt de cette offensive désespérée ? Nous verrons la déception qui soudain mettra, dès avril, l'âme de l'Allemagne en détresse, sans que la victoire du 27 mai parvienne à la relever. Que sera-ce à l'heure où commenceront les grandes défaites, Tandis que, en mars, en mai, après les deux terribles coups portés sur la Somme et sur l'Aisne, la nation française, d'ailleurs guidée dans les voies droites par ses chefs, un Raymond Poincaré, un Georges Clemenceau, tiendra ferme dans le plus effroyable péril, on verra, moins de trois mois après, la nation allemande, et l'armée même, fléchir, puis défaillir devant la seule menace d'un désastre, devant la seule perspective d'une invasion. Lorsque, le 21 mars, se déclenche l'offensive allemande, la force morale des deux partis en présence, en dépit de l'exaltation des guerriers allemands, n'est point égale, mais, tout au contraire des forces matérielles, c'est dans notre camp que réside la supériorité

 

4. — La stratégie et la tactique de Ludendorff.

Une telle situation ne se pouvait dénoncer dès les premiers jours. En ce début de bataille, la supériorité matérielle était trop considérable pour ne point prévaloir. Elle se fortifiait pour l'heure de la tactique adoptée par les chefs allemands, la tactique de la surprise brutale, et d'une faute immense commise par notre coalition, l'absence de commandement unique.

L'armée allemande avait un chef nominal, le maréchal de Hindenburg dont j'ai essayé d'esquisser, plus haut, la forte physionomie ; mais sous ce chef plus prestigieux que génial, elle était en réalité dans la main de fer du quartier-maître général Erich de Ludendorff.

Quelques années avant la guerre, le jeune colonel jouait déjà dans l'état-major un rôle important. Élevé à l'école de Bernhardi, cet officier de fer était un pangermaniste surexcité. Le Deutschland über alles le possédait et le soulevait. Officier distingué, il débordait dès lors de son rôle et, poussant aux grandes audaces, conseillait la politique de guerre ; lorsque, le 10 mars 1913, un rapport anonyme était parvenu au haut commandement où étaient suggérés — au nom du droit de l'Allemagne à tout oser — les plus magnifiques attentats, violation de la Belgique, soulèvement de l'Islam, préparation de la révolution russe, chacun avait su qu'il était l'œuvre du brillant chef de section à l'état-major général. Ce rapport dénote une grande envergure dans l'esprit d'entreprise, une absence rare de scrupules, une sorte d'illuminisme appuyé sur la brutalité, et, par ailleurs, une psychologie des peuples assez rudimentaire. De ce jour, notre service des renseignements avait signalé le jeune colonel comme personnage à surveiller. On dit que ses qualités militaires et son fanatisme pangermanique avaient amené ses chefs à fermer les yeux sur des frasques de joueur, conséquences d'un tempérament effréné. Au physique, la physionomie-type d'un beau soldat prussien, la figure longue, aux méplats accusés, l'œil clair, dur, insolent, le front intelligent et osseux, et sous la moustache courte, la bouche en coup de sabre du vieux Moltke, toute contractée par un immense orgueil. Au moral, en effet, un orgueil incommensurable, cet orgueil qui peut être merveilleux atout ou fatal écueil, suivant le cas, et sera l'un et l'autre pour cet homme-là.

Chef d'état-major, en Russie, d'Hindenburg, — qu'il semble avoir inventé, — il paraît avoir été le vrai inspirateur de toutes les manœuvres dont la patrie reconnaissante faisait mérite au vieux chef. Il a suivi celui-ci, en 1916, à l'état-major général dont il est devenu le vrai chef, celui de l'armée, celui de la nation, car il y a du dictateur chez ce soldat. Dès le début de 1918, l'Allemagne reconnaissante appelle Hindenburg et Ludendorff les Dioscures — les jumeaux. — En réalité, Ludendorff a la barre en main.

Il est assez difficile encore de juger du rôle qu'il a joué. Il semble bien, cependant, que, des plans stratégiques aux méthodes tactiques, tout soit issu de ce cerveau, d'autant que stratégie et tactique vont se révéler parentes, et l'une et l'autre si conformes au caractère du quartier-maître général, que l'on est autorisé dès aujourd'hui à lui en attribuer la paternité. Elles s'inspirent l'une et l'autre de la manœuvre du coup de poing.

Celle-ci est assez simple : le maximum de forces et d'effets sur un point donné, puis, la déchirure très largement produite, le rabattement à droite ou à gauche, et même, si les circonstances s'y prêtent, le rabattement à droite et à gauche. Ludendorff ne paraît pas avoir su ou pu changer d'esprit stratégique ni de méthode tactique, même lorsque, après mai 19x8, il sut stratégie et tactique pénétrées par son adversaire et par conséquent exposées à la parade. C'est le genre prussien ; les stratèges d'outre-Rhin qui, nous l'avons trop souvent appris à nos dépens, peuvent être de redoutables adversaires, ont presque toujours présenté le même défaut : ils manquent de souplesse ou tout au moins de rapidité dans les conceptions nouvelles qu'à tout instant impose la guerre. Le Prussien d'Iéna fut en grande partie battu parce que, nourri de la méthode frédéricienne, il n'avait point su s'adapter, même après son échec de 1792, à la méthode de combat qu'avaient inaugurée les soldats de la Révolution et que Bonaparte avait portée à la perfection. Et je ne sais ce qu'un Moltke lui-même eût donné, en 1870, en face d'un Foch. La manœuvre apparaît tout d'abord à un cerveau prussien tenir dans le coup brutal ; s'il frappe un point faible, si, ayant porté son coup, il trouve une armée facile à démonter et un adversaire incapable de parer le second coup en manœuvrant, — c'est l'histoire de 1870, — la méthode se justifie et porte tous ses fruits ; mais si l'adversaire sait se dérober au second coup, s'effacer soudain pour que celui-ci tombe dans le vide, rebondir à la riposte, se jeter sur le flanc du lutteur déjà fatigué, l'environner de manœuvres, l'étourdir de combinaisons et l'assaillir de toute part, le géant prussien, incapable de modifier en quelques jours sa lourde méthode, chancelle et hésite ; s'il recule, fût-ce d'une semelle, il est perdu, car il ne sait pas, lui, le jeu de l'escrime, mais seulement celui du coup de poing ; et que vaut un poing en face d'une épée qui cherche partout le défaut ?

Ce serait méconnaître cependant un Ludendorff que de voir en lui simplement un brutal éminent. Son éminence réside en l'audace qui, chez lui, double la brutalité. On lui reproche aujourd'hui, — on se rappelle la lettre de Scheidemann, — d'avoir été un aventureux. Il est réputé aventureux parce que l'aventure a mal tourné, mais il est certain qu'il était un oseur. S'il s'engageait, fort, nous l'avons vu, d'une supériorité d'effectifs et de moyens qui justifiait son audace, celle-ci n'en restait pas moins fort grande ; cette supériorité, en effet, n'était que momentanée ; si la bataille se prolongeant au delà d'un, de deux, de trois mois, la résistance des Alliés avait pour conséquences des pertes analogues à celles que l'armée allemande avait connues devant Verdun, l'Allemagne verrait fondre ses réserves ; et si l'adversaire, d'autre part, avait su, en ces trois mois, ménager ses réserves à lui, les avait pu grossir d'un appoint qui, en l'espèce, pouvait — l'Amérique accélérant ses envois d'hommes être sinon exactement calculé, du moins parfaitement prévu, si, pressant encore ses fabrications d'armes et de munitions, cet adversaire acquérait, en cours de bataille, l'égalité, puis la supériorité des moyens, les victoires à la Pyrrhus du début achemineraient le vainqueur à une effroyable déconfiture.

Or, si Ludendorff pouvait sous-estimer l'aide américaine, s'il était autorisé à croire Français et Anglais, plus qu'ils ne l'étaient, sur les boulets, il devait être mieux renseigné sur sa propre armée ; il savait que, jetant la totalité de ses 205 divisions contre nos 177, il jouait là le va-tout de l'Allemagne qui, ne pouvant compter sur ses alliés pour la renforcer notablement, allait engager, dès 1918, sa plus jeune classe, après laquelle il faudrait appeler qui ? des enfants de dix-huit et dix-sept ans. Mais Ludendorff était joueur, — on sait qu'il l'est en effet et qu'il lui en a coûté jadis, — et, joueur, comptait sur la fortune. Il comptait aussi sur l'effet foudroyant de sa tactique, ce qui excuse une stratégie audacieuse.

***

Le plan était d'attaquer au point le plus faible de l'ennemi avec le maximum de force. Ce maximum de force, un Ludendorff ne le demande pas seulement à de gros effectifs et à un matériel magnifique ; il le demande surtout à la surprise. Et il faut bien s'arrêter à cette tactique puisque, seule, elle explique les événements q marquent la première phase de la bataille et fait trè bien comprendre de quelle façon, pénétrée par nos chef et la parade trouvée, elle échouera finalement. Pour 1 faire connaître, le mieux est de s'en rapporter à celui-1 même qui, la parade ayant été, après trois mois, trouvé par nos états-majors, expose tout d'abord à ses lieutenants le procédé à déconcerter.

La méthode d'attaque allemande, écrira le 16 juin le général Foch, est caractérisée par la surprise, la violence, la rapidité de l'exécution, la manœuvre, la profondeur de la pénétration cherchée.

I. — La surprise est obtenue par la brièveté de li préparation d'artillerie (trois à quatre heures) et par la mise en place, au dernier moment, des unités d'attaque, les marches d'approche de ces unités étant effectuées de nuit et par voie de terre.

Jusqu'à la nuit qui précède l'attaque, rien n'est donc changé à l'apparence habituelle du front ; le calme y règne ; les unités en ligne sont les mêmes.

L'attaque a toujours lieu au point du jour, l'infanterie étant précédée d'un barrage comprenant une forte proportion d'obus fumigènes ; par l'effet d'un nuage ainsi produit, nos fantassins et même nos artilleurs n'aperçoivent l'ennemi que quand il est à quelques mètres d'eux.

II. — La violence est réalisée par l'intensité du bombardement, tous les calibres et toutes les espèces d'obus étant employés simultanément sur une profondeur de 4 à 5 kilomètres, et par l'attaque en masse de l'infanterie qui, pendant la préparation d'artillerie, se rassemble à 2 ou 300 mètres des premières lignes à enlever.

Dès qu'elle a enlevé la première position, elle s'échelonne en profondeur, se détend, les unités de tête se portent au plus vite sur les objectifs successifs qui leur ont été désignés, n'ayant à se préoccuper ni de la protection de leurs flancs, ni du nettoyage de leurs arrières qui sont assurés par d'autres unités.

La désignation d'objectifs successifs n'implique aucun temps d'arrêt sur ces objectifs qui jalonnent simplement la direction à suivre.

III. — Pendant son mouvement en avant, l'infanterie est protégée d'abord par le barrage roulant d'artillerie, puis par l'artillerie et les minenwerfer d'accompagnement. Elle fait d'ailleurs un large usage de ses propres feux et surtout de ses mitrailleuses légères.

Si une unité d'infanterie se heurte à une résistance qu'elle ne peut vaincre par ses propres moyens, elle s'arrête et est immédiatement dépassée par les unités qui l'encadrent, celles-ci étant chargées de faire tomber, en le débordant, le point d'appui qui reste.

IV. — Les Allemands affectent généralement leurs meilleures unités à la partie centrale du front d'attaque, de manière à se donner toutes les chances de produire, dans cette partie centrale, une progression rapide et profonde.

La manœuvre consiste ensuite à élargir rapidement la brèche ainsi faite, puis à attaquer sur les flancs de cette brèche.

L'attaque de front est d'ailleurs poursuivie en même temps que se développent les attaques de flanc.

V. — La profondeur de pénétration est obtenue par la marche rapide et résolue des troupes sur des objectifs déterminés à l'avance et situés à grande distance. Elle a pour effet de désorganiser promptement une défense qui n'est pas entièrement constituée, en lui enlevant, dans ces objectifs, les points essentiels de son organisation...

 

Nous avons là un admirable résumé — sans aucune lacune — de la tactique qui, le 21 mars, va se révéler, se confirmera en Flandre en avril, sur le Chemin-des-Dames en mai, pour échouer en partie sur les collines de l'Oise en juin et presque totalement en juillet, la parade ayant alors été trouvée, sur le front de Champagne.

Qu'elle dût, au début de l'offensive ennemie, nous trouver démunis, rien de plus compréhensible.

Depuis trois ans, la guerre de siège avait paru abolir le facteur surprise et rendre par ailleurs en partie inefficace le facteur manœuvre : les travaux préalables qu'exige la préparation d'une attaque à grand renfort de matériel sur un front bastionné où elle se devait déclencher, signalaient à l'adversaire la région où il devait porter ses réserves et, si ces travaux n'avaient suffi à le fixer à ce sujet, la préparation d'artillerie, longue parfois de trois, six et même huit jours, était propre à lui indiquer très précisément le point menacé. Par ailleurs, la facilité que l'aviation avait donnée aux états-majors de surveiller les allées et venues des troupes adverses paraissait avoir achevé d'abolir la possibilité du secret.

Les Allemands avaient pu, au cours de ce colossal Kriegspiel qu'avait été la manœuvre de Riga, expérimenter la méthode sur laquelle ils comptaient maintenant. Cette opération avait été la répétition générale, faite, sans grands risques, devant l'armée russe en mauvais arroi, de la manœuvre qu'on allait tenter, et la preuve en est que le chef choisi pour l'exécuter tout d'abord sur le front d'Occident était celui-là même qui l'avait conduite en Russie, ce von Hutier, spécialiste du coup de poing rapide et du défoncement par surprise. Le secret assuré par les marches de nuit ou sous couvert des bois, par l'interdiction de toute correspondance postale et par l'ignorance où les officiers même étaient laissés jusqu'au bout du point à attaquer, la préparation d'artillerie serait effroyable, mais courte et destinée, — par l'emploi des obus toxiques, lacrymogènes et stupéfiants, — à paralyser les défenseurs plus qu'à écraser le terrain, car on comptait avancer vite et pour ce, il fallait renoncer à se créer à soi-même, en défonçant le sol, les difficultés que venaient de connaître, lors de leur avance en Flandre, nos alliés britanniques. Ainsi tomberait la première ligne et nous savons, par la note de l'homme le mieux informé qui fût, ce qui suivrait. L'essentiel était que, par l'incessant afflux des forces fraîches, la brutalité restât constamment égale à elle-même. Ainsi l'Einbruch (enfoncement) serait transformé en Durchbruch (rupture). Et c'est alors que la stratégie, — après la tactique, — se révélerait.

***

Cette stratégie relève, je l'ai dit, de la même mentalité que la tactique que nous venons de définir. Elle n'a aucun rapport avec la manœuvre telle que des cerveaux ingénieux la peuvent concevoir et telle que le colonel Foch l'avait si nettement définie[6]. Point de mouvements savants, d'attaques de flanc, de feintes et de diversions en cours de bataille, d'opérations convergentes ou parallèles simultanées. Non : une série de formidables coups et de rabattements. Si le coup n'a pas donné tout son effet, un second coup, toujours isolé, sur un autre point du front, un troisième si le second n'a pas rendu, un quatrième ailleurs, un cinquième ailleurs encore. C'est évidemment la stratégie de Ludendorff ; il ne la modifiera pas et si, l'offensive passant à l'adversaire, il voit celui-ci manœuvrer cette fois ses armées, l'attaquer sur ses flancs, l'assaillir en trois, quatre et cinq points du front à la fois, le bousculer sans arrêt et le menacer d'encerclement, il perdra pied, incapable de faire front à une manœuvre qui lui est si étrangère et, dei découragement, sera le premier à solliciter, à imposer la demande d'armistice.

Qu'en frappant à la soudure des armées française et britannique, — le front de la Somme à l'Oise, — il ait, en mars, entendu avant toutes choses dissocier les deux armées alliées, les séparer, rejeter les Anglais à droite, les Français, s'ils intervenaient, à gauche, cela n'est pas douteux. Il est non moins douteux que, primitivement, si la manœuvre réussissait, on dût l'exploiter en direction de la mer. Si, la première ligne enfoncée, la ligne Noyon-Guiscard-Ham-Péronne tombait à son tour, puis la ligne Lassigny-Roye-Chaulnes, puis la ligne Montdidier-Rozières-Braye-Albert, Amiens était menacé et, avec la ville, l'un des nœuds de communication capitaux, disons le mot, le nœud capital par où la France se liait à l'Angleterre. Une seconde opération conduirait à Abbeville. Si, par hasard, on était arrêté entre Montdidier et Amiens, on menacerait par un second coup une autre partie du Pas-de-Calais, Calais, Boulogne, et ce sera le coup sur le front de la Lys. Si les armées françaises ont pu intervenir, garder leur liaison avec les Britanniques, il faudra, momentanément, renoncer à la mer, aller occuper les Français ou les épuiser sur un autre point, — et ce sera l'attaque du Chemin-des-Dames. C'est là que déviera la manœuvre allemande : pour avoir réussi au delà de toute espérance, la formidable attaque dépassera son caractère de grosse diversion. Le nach Paris, qui, en août 1914, a scandé et soutenu la marche des armées impériales, reviendra à trop de lèvres. Le kronprinz de Prusse fera prévaloir contre la vraie manœuvre, — celle de Ludendorff, — le rêve dynastique, le rêve de gloire : la prise de Paris, après celle de Châlons, de Reims, de Compiègne et s'enfoncera dans le destin. Alors s'étant enferré lui-même, s'étant engagé dans la poche profonde, l'ayant encore approfondie, — je reviendrai sur chacun de ces événements, — il y sera soudain saisi par la main de Foch et, le i8 juillet, la fortune changera de cours et ce sera le renversement de la bataille.

 

5. — La marche de la bataille.

Mais, au début de mars, Ludendorff semble le maître du destin. Il sait où il attaquera ; il sait qu'il enfoncera parce que lui, l'unique chef, derrière le large masque d'Hindenburg, va se trouver en face de deux armées et de deux chefs. Voilà peut-être où est sa plus grande force, sa plus grande chance, tant il est vrai que, dans la guerre, la victoire est le plus souvent faite de la faute d'un adversaire. Et voilà, partant, où Ludendorff est justifié de s'être cru à coup sûr vainqueur.

La situation très spéciale des armées alliées en France, a-t-on déjà écrit[7], favorisait les desseins de l'état-major allemand. On sait que, sans parler du secteur relativement fort restreint confié aux vaillantes troupes belges, ce front était tenu par deux armées distinctes ; deux grands quartiers généraux, certes liés par une entente cordiale dans l'Entente cordiale, mais absolument indépendants l'un de l'autre, régissaient conséquemment les opérations du front occidental. De la mer du Nord à Barisis-au-Bois — au pied du massif de Saint-Gobain —, l'armée britannique occupait maintenant une partie importante du front de France, tandis que de cette petite localité à l'Alsace, les Français continuaient à en tenir la plus grande part, mais le partage de la ligne s'était réglé de telle façon que celle-ci en devenait quelque peu vulnérable ; outre que l'unité de commandement, réclamée par de bons esprits, à qui l'événement allait, de si éclatante façon, donner raison, n'avait pu être finalement établie, l'entente avait abouti moins à un concordat nouveau qu'au maintien d'un statu quo un peu brutal : chaque armée s'en tiendrait si rigoureusement à la zone qu'elle couvrait que les divisions, mises en réserve en vue d'une attaque possible par l'une et l'autre des deux nations, ne pouvaient stationner, les françaises dans la zone arrière anglaise, les anglaises dans la zone arrière française.

Aucun chef suprême n'ayant, par ailleurs, qualité pour donner d'ordres aux deux états-majors, ceux-ci avaient la libre disposition de leurs réserves et, encore que l'un et l'autre fussent résolus, le cas échéant, à se secourir, l'ennemi pouvait espérer qu'une telle situation, en cas d'une attaque brutale suivie d'un prompt succès sur l'un et l'autre points du front, compliquerait encore les mesures susceptibles d'y parer. Enfin, si unies que fussent les deux armées, elles n'en étaient pas moins juxtaposées et il n'est point besoin de s'appeler Hindenburg pour savoir que le point de soudure est plus qu'aucun autre point vulnérable, où s'accolent deux grandes armées indépendantes l'une de l'autre, obéissant à des chefs différents, ne parlant pas la même langue, ne possédant point le même esprit et, en dépit de la relative unification des règles de combat, ne pratiquant pas les mêmes méthodes.

Ni unité de commandement, ni conséquemment amalgame des forces : partant, gêne dans l'emploi des réserves de l'Entente aux endroits utiles, en face d'un commandement unique allemand. Voilà peut-être ce qu'il y avait de plus grave dans la situation. Qu'on me permette de dire que nous étions nombreux en France à prévoir la nocivité de cet ordre dispersé et à en demander la fin. Mais les tentatives faites à la fin de 1917 pour y porter remède avaient échoué et Ludendorff était, en conséquence, parfaitement autorisé à croire qu'à toutes les infériorités qu'il nous connaissait, celle-là s'ajoutait, la pire peut-être. Son tort fut de ne pas admettre qu'on y pourrait si promptement remédier et que l'homme surgirait au moment où la nécessité imposerait impérieusement la fonction.

***

Nous verrons l'homme surgir et d'une main si prompte s'emparer de la barre. Alors nous dirons ce qu'était Foch, ses principes, la façon dont il les devait appliquer dans l'énorme bataille. J'ai hâte, après ce préambule nécessaire, de passer aux faits.

Ils se groupent en cinq grands chapitres.

La première phase de la bataille est constituée par les offensives allemandes jusqu'au 15 juillet : offensive de la Somme du 21 mars, offensive des Flandres du 8 avril, offensive de l'Aisne du 27 mai, offensive de l'Oise du 9 juin.

La seconde bataille de la Marne — 15 juillet-6 août constitue une seconde phase, celle où, ayant en partie repoussé la cinquième attaque exécutée par les Allemands à l'est et à l'ouest de Reims, nous passons à l'offensive de flanc, le 18 juillet, et parvenons à rejeter l'ennemi de la Marne sur la Vesle.

Alors commence la troisième phase — le 8 août par l'offensive prise par les armées franco-britanniques dans la région de la Somme et de l'Oise, qui, s'élargissant de semaine en semaine jusqu'à englober six armées, aboutit, le i8 septembre, à ramener l'ennemi à son point de départ du 21 mars devant la ligne Hindenburg, cependant que, chassés de l'énorme poche creusée au printemps, les Allemands sont contraints de se replier notablement sur maints points du front et que l'armée américaine, les expulsant du saillant de Saint-Mihiel, va rendre à nos armées toute liberté d'action de la Su la Moselle. Ainsi se trouvera exécuté le plan que nous aurons vu Foch exposer à ses lieutenants dès le 24 juillet.

Le 26 septembre commence, avec l'attaque par les Alliés de la fameuse ligne Hindenburg, la quatrième phase, prévue depuis des semaines par Foch et déjà inscrite dans son inoubliable directive du 3 septembre. Tandis que la ligne Hindenburg est entamée et, vers le 5 octobre, sera rompue de toute part, l'ennemi, défoncé à son centre, a été attaqué sur ses deux ailes, à sa droite en Flandre par le groupe d'armées franco-anglo-belges aux ordres du roi Albert et, entre la Suippe et la Meuse, à sa gauche, par les armées françaises et américaines. On voit se dessiner nettement le plan d'enveloppement que Foch va préciser dans sa directive du 19 octobre.

A cette date, tout s'ébranle à la voix du chef : c'est l'attaque concentrique de toutes les armées, si menaçante dès ses débuts qui. déjà l'ennemi parle d'armistice. Foch talonne ses troupes le 27 octobre, car il entend bien que cet armistice ne soit qu'une capitulation. Alors le cercle des armées se resserre, les armées convergeant toutes vers la région d'Ardenne. Déjà se prépare l'attaque à l'est de la Moselle, destinée à élargir encore la magnifique opération d'encerclement, tandis que le groupe d'armées des Flandres, ayant atteint la frontière de Hollande, menace le flanc droit de l'ennemi. Celui-ci vient solliciter l'armistice qui se signe le ri novembre à l'heure même où, de toutes parts, nos soldats, raflant matériel énorme et nombreux prisonniers et achevant de libérer le territoire de France, sentent passer le souffle de la Victoire à laquelle, dans les jours de revers extrêmes, ils n'ont cessé d'avoir foi.

Ainsi les armées alliées auront en moins de huit mois, au milieu d'une série d'épreuves inouïes et au prix d'un effort prodigieux, passé des revers les plus angoissants à la plus magnifique victoire, Ce ne sera ni effet du hasard ni rencontre de circonstances. Rarement campagne aura été à ce point conduite. Et c'est bien ce qui rend si particulièrement passionnantes la marche et l'issue de la bataille qui, s'engageant dans le désordre, née de notre anarchie, le 21 mars, sera en voie de s'achever par la plus grandiose manœuvre qui se fût vue, le 11 novembre 1918.

 

 

 



[1] La Victoire de la Marne, Plon, 1916.

[2] Voir la Mêlée des Flandres, Plon, 1917, pp. 14-29.

[3] Cf. plus bas, chapitre VI, L'assaut concentrique.

[4] Les Batailles de l'Aisne, Revue des Deux Mondes du 15 août 1918.

[5] Sattrum, 12 décembre 1917.

[6] Lieutenant-colonel FOCH, Des principes de la guerre, p. 279-281.

[7] Voir : X..., la Bataille de France, dans la Revue des Deux Mondes du 15 juillet 1918. J'userai assez largement de cette étude très détaillée de la bataille de mars, que j'ai des raisons personnelles de croire bien informée.