L’origine celtique des Bituriges Vivisques, les premiers habitants du Bordelais dont l’histoire fasse mention, est un fait qu’on ne peut contester. En nous révélant leur existence[1], Strabon remarque que, placés géographiquement en Aquitaine, ils étaient étrangers à cette contrée, et que, comme les Santons, ils appartenaient à la race galatique. Ce témoignage fort net du géographe est confirmé par les inscriptions tirées du sol même de Bordeaux, et où les noms celtiques abondent[2] : D’autre part on sait, par Ausone, que le nom de la principale fontaine de la ville, Divona, était tiré de la langue des Celtes[3]. On connaît aussi les recettes médicales que nous a transmises Marcellus, médecin bordelais de la fin du IVe siècle, et qu’il déclare avoir recueillies lui-même de la bouche des paysans. Ces formules barbares, dont la celticité avait d’abord paru suspecte, ont été reconnues comme gauloises par Grimm, Pictet et Zeuss[4]. Le nom même des Bituriges[5] est d’ailleurs un indice certain de leur provenance ethnique. On le retrouve soit en entier, soit par son dernier élément[6], dans les dénominations bien gauloises de Bituriges (Cubi), Caturiges, Ambiorix, Dumnorix, Lugotorix, Orgetorix, Vercingétorix, Eporedorix, Adiatorix, Boiorix, etc. De même que les Caturiges, habitants du pays d’Embrun, n’hésitaient pas à s’intituler les rois du combat[7], de même les Bituriges (Vivisques) s’étaient nommés fièrement les rois du monde[8]. Quant à leur autre nom, Vivisques[9], par lequel ils se distinguaient sans doute de leurs compatriotes du Berry, les Bituriges Cubes, il est plus difficile à analyser. Constatons seulement l’existence d’une localité du nom de Viviscum, située au bord du lac de Genève, et remarquons que -isc est un suffixe de dérivation assez commun dans les noms de lieux et de peuples des régions celtiques[10]. L’éminent celtiste Zeuss est allé plus loin et a voulu retrouver, dans Vivisci, le mot cambrien gwiw (en irlandais fiu), qui correspond au latin dignus[11] ; mais il vaut mieux se borner à dire que ce nom est certainement d’origine gauloise, bien que nous en ignorions la signification. S’il était besoin d’autres preuves pour établir la provenance celtique des Bituriges Vivisques, il suffirait de citer les noms des petits peuples voisins comme les Medulli (pays de Médoc) et les Boiates (pays de Buch), dans lesquels on peut voir des fractions ou, si l’on veut, des peuplades dépendantes[12] de la grande tribu du Bordelais. L’abbé Baurein, dont la profonde érudition est si utile à ceux qui s’occupent de Bordeaux et de la région avoisinante, a cru que les Medulli n’étaient point de même race que les Bituriges, mais qu’ils appartenaient à la nation aborigène au milieu de laquelle la tribu gauloise est venue s’installer[13]. Cette opinion, renouvelée en partie par M. Desjardins (Gaule rom., II, 420), est inadmissible, surtout au point de vue de la linguistique. Les anciens habitants du Médoc n’étaient pas les seuls à porter le nom tout gaulois de Meduli[14] ou Medulli[15]. Il désignait aussi une peuplade montagnarde des Alpes de la Maurienne[16]. On le retrouve encore appliqué à une ville de Rhétie[17], à une montagne espagnole[18], à un personnage d’une inscription de Gruter[19]. Enfin, l’élément principal du mot apparaît, uni, il est vrai, à d’autres suffixes dérivatifs, dans les noms de rivières : Meduacus (la Brenta), Meduana (la Mayenne), et dans les noms de villes : Meduantum (près de Reims) et Medobriga (Portugal). Le nom des anciens Médocains est donc incontestablement gaulois. Il en est de même de celui de deux villes du Médoc citées par les anciens : Domnotonus[20], séjour du campagnard Théon, où se reconnaît aisément le mot celtique qui contribue à former tant d’autres noms de même origine, Dumnorix, Dubnorex, Dumnissus, etc.[21] ; et Noviomagus[22], si fréquent dans toute la Gaule antique, et qui correspond à peu près à nos Villeneuve[23]. Quant au peuple du pays de Buch, il portait dans l’antiquité le nom de Boiates[24], et avait pour centre principal une ville appelée Boii[25]. L’analogie de ces noms avec celui des Boii de la Gaule cisalpine et de la Souabe semble impliquer également pour la tribu landaise une origine celtique. Nous pouvons donc considérer les Médulles et les Boiates comme des populations parentes ou clientes des Bituriges et constituant avec eux l’ensemble de la nation gauloise qui, au temps de Strabon, se trouvait établie en territoire aquitain, sur la rive gauche de la Charonne. Fixer l’époque de cet établissement est un problème difficilement soluble, vu le manque de textes, et sur lequel on ne saurait émettre que des hypothèses. La plupart des érudits conviennent que les Bituriges du Bordelais sont une fraction détachée de la puissante nation des Bituriges du Berry. Mais à quelle date s’est effectuée la séparation ? Deux opinions ont été soutenues. L’une[26] veut que l’arrivée des Bituriges en Aquitaine soit le résultat de la destruction d’Avaricum (Bourges), en 62 avant Jésus-Christ ; elle se fonde sur ce fait que César n’a parlé nulle part ni de Bordeaux ni des Vivisques, et qu’en mentionnant les Bituriges du Berry il ne les distingue jamais par l’épithète Cubi. M. Desjardins[27] a repris récemment cette thèse, eu la renforçant d’un argument tiré de la présence des Boii au sud de Bordeaux. Pour lui, ces Boiates ou Boii, compagnons d’émigration des Bituriges, seraient les Boii qui faisaient partie de l’armée d’invasion des Helvètes[28] et que César avait laissés s’établir chez les Éduens en 58[29]. Les Boïens, dit-il, étant en effet limitrophes des Bituriges Cubi, ont pu prendre part à la même émigration et se transporter avec leurs voisins sur les bords de la Garonne. Le savant auteur de la Géographie de la Gaule romaine ne donne d’ailleurs à son opinion que la valeur d’une conjecture. Suivant l’autre manière de voir, qui a été longuement développée par l’abbé Baurein, l’émigration des Vivisques aurait eu lieu longtemps avant César. L’érudit bordelais ne peut croire qu’un peuple épuisé par la guerre qu’il avait soutenue contre le conquérant des Gaules ait été en état d’envoyer une colonie dans l’Aquitaine. Il trouve invraisemblable qu’entre l’année 52, et l’époque de Strabon qui écrivait sous Auguste, ces Bituriges, qui ne s’attendaient à rien moins qu’à une pareille émigration, se soient retirés dans les contrées que nous habitons : qu’ils y aient desséché des marais, mis des champs en culture, fondé une ville, fortifié un port ; qu’ils y aient établi une place de commerce ; enfin qu’ils soient parvenus à ce point de prospérité et d’abondance, que d’avoir élevé le superbe édifice de Tutèle, qui existait dès le temps d’Auguste, puisque le célèbre autel consacré ne l’honneur de cet empereur et du Génie de la cité des Bituriges Vivisques y fut placé dès le principe[30]. Un argument d’un autre genre lui est fourni par la vitis biturica, déjà connue au temps de Pline, mentionnée aussi par Columelle, et qu’il rapporte aux Bituriges du Bordelais[31]. Enfin il s’appuie sur le fait, attesté par Mela qui écrivait sous le principat de Claude, d’un important mouvement de vaisseaux dans l’estuaire de la Garonne. Sa conclusion est que l’émigration des Vivisques daterait de la période où les Bituriges exerçaient l’hégémonie en Gaule vers les premiers temps de la fondation de Rome. Telle semble être aussi l’opinion de M. Edw. Barry, un des éditeurs de la nouvelle Histoire de Languedoc ; seulement il fait remonter moins haut l’hégémonie des Bituriges qu’il place immédiatement avant celle des Arvernes, c’est-à-dire entre 400 et 200 avant Jésus-Christ[32]. Mais la principale raison qu’on peut invoquer, d’après lui, contre l’hypothèse d’un établissement des Vivisques postérieur à l’année 52, se rattache à une considération d’un autre ordre. Suivant lui[33], les détails que donne Strabon, sur la ville marchande de Bordeaux, lui ont été probablement fournis par Posidonius, qui parait avoir décrit avec soin cette région mal connue, où il avait voyagé l’un des premiers, plus d’un siècle avant notre ère. Enfin M. Deloche[34], traitant dans ses lectures à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres des invasions des Gaulois en Italie, soutient indirectement la même thèse, quand il essaie de prouver que les Boii, envahisseurs de l’Italie du Nord, avaient eu pour point de départ le pays de Buch. A ce point de vue, l’élément celtique aurait été introduit sur la rive gauche de la Garonne et assez profondément dans l’Aquitaine longtemps avant la guerre des Gaules. La conjecture de M. Deloche est donc directement contraire à celle de M. Desjardins. Sans se prononcer sur le rôle attribué par le premier aux Gaulois du pays de Buch, M. Ch. Robert[35] pense que ces Boii avaient précédé ceux qui marchaient avec les Helvètes vers l’ouest lorsque César les arrêta et les cantonna chez les Éduens. A notre avis, l’opinion de Baurein est plus voisine de la vérité que celle de Dom Devienne. Bien que tous les arguments du savant abbé ne nous paraissent pas également probants[36], nous trouvons comme lui que les termes employés par les auteurs contemporains d’Auguste quand ils parlent des Bituriges Vivisques, de Burdigala et du commerce important qui se faisait déjà aux bouches de la Garonne, sont difficilement conciliables avec la supposition d’un établissement des Bituriges Vivisques postérieur à l’année 52. Cette supposition est encore moins admissible si l’on se réfère à un texte épigraphique bordelais que vient de publier et de commenter M. Ch. Robert[37], et dans lequel le préteur C. Julius Secundus apparaît comme ayant, par un legs testamentaire de 20,000 sesterces, fait venir des eaux dans la ville. Par ses caractères extérieurs et par la mention très remarquable d’un préteur municipal, le monument appartient, sans contestation possible, à la première moitié du premier siècle, sinon même au temps d’Auguste[38]. M. Robert insiste avec raison sur la situation privilégiée de Burdigala qui, si peu de temps après son entrée dans le monde romain, sous César, se trouve pourvue tout au moins du droit latin et d’une préture, comme les villes de Narbonnaise et d’Italie les plus favorisées. La cause de cette faveur est, suivant lui, l’importance considérable de la situation de Bordeaux, placée à l’une des issues de la grande voie commerciale de Narbonne à l’Atlantique. Mais cette inscription même et ce qu’elle nous apprend sur la prospérité de Bordeaux au début du premier siècle concordent exactement avec les témoignages de Strabon et de Méla pour nous convaincre que, si la ville fut assujettie à la domination romaine entre l’an 61 et l’an 27 avant notre ère, sa fondation remontait à une époque bien antérieure à la guerre des Gaules. La certitude serait complète si, comme le suppose M. Barry, Strabon avait écrit son passage sur les Vivisques et sur Burdigala d’après les notes de Posidonius. On sait en effet que Posidonius, né vers 135 avant J.-C., avait visité la Gaule avant de se fixer à Rhodes, par conséquent longtemps avant son ambassade à Rome, qui est de 86. Il est certain aussi que sa relation est une de celles dont Strabon s’est le plus servi pour la composition de son quatrième livre. C’est là qu’il a puisé, en grande partie, les détails relatifs à Toulouse, au portage de la Garonne et à l’étendue de l’isthme qui sépare le golfe de Gascogne de la mer de Narbonne[39]. Il aurait donc pu lui emprunter sa description de l’Aquitaine. Mais, sans parler d’Artémidore et de Polybe, antérieurs encore à Posidonius, ni même d’Asinius Pollion et de P. Crassus, dont les écrits sont de beaucoup plus récents et qui auraient pu fournir quelques renseignements au géographe grec, il est probable qu’il écrivit aussi certaines parties de son quatrième livre d’après les informations orales qu’il recueillit à Rome même, où il séjourna quelques années à partir de l’an 29 ou 28 avant J.-C. Cette conjecture, en ce qui touche le passage relatif aux Aquitains, est plus vraisemblable que celle de M. Barry, car il ressort des lignes consacrées par Strabon à l’Aquitaine et aux Bituriges[40] qu’il eut sous les yeux les documents officiels relatifs à l’organisation de la (saule décrétée par Auguste en l’an 27, lors de son voyage à Narbonne. D’ailleurs, cette même année, l’Aquitaine venait d’attirer l’attention du monde romain par une révolte à laquelle avaient participé aussi certaines peuplades gauloises et qui avait été réprimée par le proconsul M. Val. Messala Corvinus, l’ami de Tibulle. C’est donc très probablement par les Romains, qui, comme Tibulle lui-même, faisaient partie de l’expédition de Messala, et un peu plus tard par les renseignements qui affluèrent à Rome à la suite du voyage d’Auguste et du remaniement administratif de la Gaule, que Strabon[41] apprit à connaître la région sud-ouest de cette contrée. Si l’argument tiré de Posidonius est peu valable pour la détermination de l’époque où les Bituriges s’établirent’ en Aquitaine, il résulte cependant de ce que nous venons de dire : 1° que le passage de Strabon sur Burdigala se rapporte très probablement à un état de choses dont la date peut varier seulement de 27 à 24 avant J.-C. ; d’où il suivrait, selon la thèse de Dom Devienne, que Bordeaux n’aurait eu guère plus de vingt années d’existence au moment où la mentionne le géographe grec, ce qui est inadmissible ; 2° qu’on peut attribuer avec vraisemblance à Posidonius (comme l’a fait M. Barry) le texte de Strabon (IV, 14) relatif à la voie commerciale qui, de Narbonne, remontait l’Aude et gagnait ensuite la Garonne pour aboutir à l’Océan ; ce qui suppose l’existence, dès la fin du ne siècle de notre ère, d’un emporium important aux bouches de la Garonne. César ne mentionne, il est vrai, ni les Vivisques ni Burdigala ; mais son silence n’est pas un argument décisif en faveur de l’autre thèse, car il ne parle pas non plus de Nîmes, dont la haute antiquité est incontestable. Évidemment, de toutes les parties de la Gaule, la région du Sud-Ouest était celle qu’il connaissait le moins ; nous en avons pour preuve la double inexactitude qu’il a commise en parlant de l’étendue de l’Aquitaine[42], et de la position des Santones (Saintonge et Angoumois)[43] par rapport à Toulouse. Il ne visita l’Aquitaine pour la première fois, qu’en 51[44]. Sans doute, au premier abord, il semble singulier que les Vivisques n’apparaissent nulle part dans les commentaires : ni en 56, lorsque les Santones et les Pictones (Poitou) fournissent des navires aux Romaine pour leur guerre contre les Vénètes[45] ; ni en 52, quand les Pictones, les Lemovices (Limousin) et les Nitiobroges (Agenais) se rallient aux nations qui ont proclamé Vercingétorix chef de la défense nationale[46]. On peut aussi se demander pourquoi ils ne sont pas compris dans la liste des contingents gaulois qui doivent constituer la grande armée de secours dirigée sur Alésia[47]. Mais, en ce qui touche ce dernier passage, on a remarqué qu’il manquait à cette énumération des noms de peuples importants, comme les Namnetes et les Esuvii[48], et que César n’avait jamais eu la prétention de dresser une liste complète des peuples gaulois. Ensuite il faut reconnaître que les Vivisques, placés en territoire aquitain, séparés du reste de la Gaule par la Garonne et la Dordogne, occupaient une place exceptionnelle parmi leurs compatriotes. Cette situation spéciale suffit à expliquer pourquoi ils se sont peu intéressés aux affaires générales de la grande nation celtique, ou, du moins, comment ils ont pu échapper à l’attention comme à l’action des Romains pendant les campagnes de César. D’autre part, l’argument fondé sur l’identité du nom ancien des habitants de Buch avec celui des Boii établis chez les Éduens perd beaucoup de sa force si l’on admet avec nous que cette identité est douteuse et se réduit à une simple analogie. Cette remarque s’applique d’ailleurs tout aussi bien à l’hypothèse de M. Deloche, qui parait ainsi pécher essentiellement par la base. En résumé, nous croyons, avec l’abbé Baurein et M. Barry, que l’établissement des Vivisques et la fondation de Burdigala[49] sont de beaucoup antérieurs à la destruction d’Avaricum, et que la colonisation des Bordelais par une fraction de la nation des Bituriges s’est faite à l’époque où celle-ci dominait en Gaule, c’est-à-dire probablement vers le ive siècle avant notre ère. L’origine celtique de Bordeaux et de ses fondateurs ainsi déterminée, pouvons-nous arriver à savoir dans quelles conditions la ville a pris naissance et pour quelle raison fut choisi le site primitif oh s’éleva et grandit la place de commerce des Bituriges ? Ici, nous entrons tout à fait dans la voie des hypothèses ; mais le terrain serait encore assez solide, s’il nous était permis de connaître, au préalable, la signification exacte du nom même de la cité. C’est évidemment par ce côté qu’il faut s’attaquer au problème : tel sera l’objet de notre prochain article. A. LUCHAIRE. Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux - 1879 |
[1] Strabon, IV, 2, 1.
[2] Voir la liste de ces noms dans un article du général Creuly (Revue arch., février 1879, p. 99-100) reproduit au mot Burdigala du Dict. arch. de la Gaule, I, 209 ; mais surtout dans un mémoire de Sansas intitulé : Liste alphabétique des noms révélés par les monuments funéraires datant du Ier au IVe siècle, et découverts à Bordeaux (Mémoires du Congrès scient. de Fr., XXVIIIe session, IV, p. 475-516). Quoi qu’en ait dit M. Desjardins (Géogr. de la gaule rom., II, 402-403), rien, dans cette nomenclature, ne nous parait pouvoir être rapporté à un élément ibéro-aquitain. La très grande majorité de ces noms est d’une celticité incontestable. Mais il faut avoir soin de distinguer, ce que n’a point fait le Dict. arch. de la Gaule, entre les dénominations des indigènes bordelais et celles qui appartiennent aux Gaulois établis à Bordeaux, tels que le Trévire Solimarius dont parle l’inscr. n° 48 du musée de la rue des Facultés.
[3] Ausone, Ordo nob. urb., XIV, v. 3. C’était aussi, comme on le sait, le nom de la grande fontaine et de la ville même de Cahors. On a cru longtemps que l’étymologie du mot était indiquée par la vers d’Ausone : Divona Celtarum lingua fons addita divis, mais l’épithète addita divis est un emprunt fait à Virgile, comme le remarquait déjà Vinet, et Celtarum lingua ne se rapporte qu’à Divona. Quant aux différentes interprétations données de ce nom en ancien gaulois, voir Belloguet, Ethn. gauloise (éd. de 1872), I, p. 380-382.
[4] Murcell. Burd., De Midicamentis, etc. (éd. de Bâle, 1536). Voir l’ouvrage de J. Grimm, Ueber Marcellus Burdigalensis, 1849 ; et le mémoire fait en collaboration avec Ad. Piolet : Ueber die Marcellischen Formeln, 1855. Il est absolument certain que les mots étranges dont se composent ces formules ne peuvent appartenir à l’idiome des Aquitains, issu de la même souche que le basque actuel, car ils sont en opposition complète avec les lois euphoniques de cette dernière langue, notamment par la répétition fréquente des articulations gr, cr, scr, et, d’autre part, plusieurs des interprétations proposées par les celtistes qui s’en sont occupés sont satisfaisantes.
[5] Βιτούριγες (Strabon, IV, 8, 1 ; Ptolémée, II, 7, 8), Bituriges (Pline, Hist. nat., IV, 88) ; BIT. (Orelli, 198, et Spon., Antiq. de Lyon, p. 897) ; Beturiges, Table de Peutinger (éd. Desjardins, p. 8 et 89) ; BITVR. (Inscrip. du fort du Hà).
[6] Zeuss, Gramm. celt., 2e éd. (1871), p. 20.
[7] Zeuss, Gramm. celt., 2e éd. (1871), p. 11.
[8] Bitu est la terme de l’ancien gaulois, qui correspond au breton byt, à l’irlandais bith, à l’ancien cambrien bit monde (Zeuss, ibid., p. 88, 814, 889). Dans riges est le mot gaulois bien connu ri, rig, chef, roi (Ibid., p. 20.)
[9] Όίσκων (Strabon, IV, 2, 1, mais les mss. Ίόσκων) ; Ubisci (Pline, IV, 88) ; Ούϊβίσκοι, et Vatopedi Ίουβίσκοι (Ptolémée, II, 7, 8) ; VIV. (Inscr. Orelli, 198) ; VIVISCORVM (Spon., 887) ; Vivisca origine (Ausone, Mosell., V. 488).
[10] Zeuss, p. 808 : Vertiscus, Taurisci, Scordisci, Bravisci, Aravisci, Isinisca. Si Vibius est d’origine gauloise, ce qui arrive pour beaucoup d’autres noms romains, ce sera le même élément qui se retrouvera, joint à une autre dérivante, dans Vit-isc-us.
[11] Zeuss, p. 88.
[12] Cette dépendance, en ce qui concerne les Boiates, semble indiquée par ceux des mss. de la Notitia Provinciarum qui portent : Boius in Burdigalensi ; civitas Boatium, id est Burdigalis. Voir sur ce point le Dict. archéo. de la Gaule, au mot Boiates.
[13] Variétés Bordeloises (éd. de 1876), II, p. 252.
[14] Ausone, ép. IV, 8 Théon (v. 4, Medulis ; 16, Medulorum) ; VII, Medulorum ; IX, id. ; mais V, Medullini Noti ; Pline, XXXII, 21, 4, Medulii ; Sid. Apollinaire, VIII, 14.
[15] La différence très légère qui existe entre Meduli et Medulli est sans doute purement orthographique, à moins qu’on ne suppose, avec Zeuss, p. 766 et 767, que, dans le premier nom, la dérivante est -ul, et dans le second -ull, deux suffixes également gaulois.
[16] Strabon, IV, 6, 5, Μέδουλλοι, correction heureuse de Coray, au lieu de Μεδούαλοι, Μεδούαλλοι, qu’offrent les mss. ; Pline, III, 41, 4, Medulli, Inscription de l’arc de Suze, Medulli ; Ptolémée, II, 11, Μέδουλοι. V. Desjardins, Gaule romaine, II, 96-99.
[17] Zeuss, p. 784.
[18] Entre la Galice et Léon (Florus, IV, 12 ; Orose, VI, 21).
[19] Medullius (Gruter, 1038, 9).
[20] Ausone, ép. IV, v. 54 : Domnotoni ; Cf. V, 15 et 81 ; VII, 55 : Domnotinæ domus, etc.
[21] Zeuss, p. 18, 174. Il n’explique pas ce nom que Glück, Keltigche Namen, p. 71, interprète eau profonde.
[22] Νουϊόμαγος (Ptolémée, II, 7, 8).
[23] Zeuss, p. 88. Littéralement : nouveau champ ou nouveau lieu, des radicaux gaulois novio-, novus, et mago-, campus, locus. Cf. Glück, p.124.
[24] Boiates parait être la seule forme certaine de ce nom de peuple ; car une inscription de Bordeaux (Dict. archéol. de la Gaule, I, 170) porte CIVES (pour CIVIS) BOIAS ; et la Not. Provinc. mentionne la civitas Boatium (var. Boasium, Bohatium, Boaccensium, Boacium) dont l’identification avec Bayonne, proposée par Scaliger et Valois, est absolument inadmissible (voir Desjardins, Gaule rom., II, 874, note 1). Nous pourrions ajouter à ces formes celles qui entrent, comme second élément, dans les noms ethniques probablement composés Basa-boiates (Pline, IV, 88, 1), et Sedi-boiates (Ibid.), si ces noms nous offraient une signification moins douteuse. Quant à Boii, comme ethnique, il n’est connu que par le vers de saint Paulin (Epist. III ad Auson., v. 188), et par l’inscription de Bordeaux que vient de commenter M. Ch. Robert (Soc. arch. de Bordeaux, IV, déc. 1817, p. 200-201) et qui porte I. O. M. BOI. TERTIVS, etc. Or, ces deux textes sont loin d’être probants. En ce qui concerne l’inscription, le général Creuly (Revue arch., t. IX (1889), p. 94) a vu dans BOI un adjectif pluriel qualifiant tous les personnages qui suivent : Tetrus (au lieu de Tertius), Matugenus, Matuto, et en a induit l’origine celtique des Boiens du bassin d’Arcachon. Mais l’ethnique, ainsi étrangement placé, ne pourrait porter tout au plus que sur le nom qui vient immédiatement après, Tertius, unique sujet de la phrase ex testamento poni jussit. Il vaut beaucoup mieux, avec M. Desjardins (II, 874) et M. Robert (p. 401) considérer BOI comme une épithète de la divinité ; mais alors le mot est mis en abrégé et pourrait représenter tout aussi bien BOI(ATI) ou BOI(ORVM) que BOI(O). Pour les vers de saint Paulin : An tibi, mi domine illustris, si scribere sit mens — Qua regione habites, placeat retinere nitentem — Burdigalam, et piceos malis describere Boios ? l’adjectif piceos peut simplement s’appliquer à la ville, Boios, sens adopté par M. Desjardins (II, 878), et d’autant plus acceptable que, dans ce passage comme dans celui qui précède, il s’agit d’une opposition entre des villes riches et agréables, Cæserea Augusta, Barcino, Tarraco, Burdigala et des trous de montagnes ou des endroits d’un séjour ennuyeux, tels que Bilbillis, Calagurris, Ilerda et Boii. Ce qui a fait choisir au traducteur Corpet le sens ethnique, c’est évidemment une assimilation préconçue entre ces Boii du pays de Buch et la célèbre tribu gauloise du même nom, dont l’antiquité nous fait connaître les pérégrinations en Allemagne et dans l’Italie septentrionale.
[25] L’Itinéraire d’Antonin (p. 488), qui ne donne que l’accusatif des noms de lieux, porte Boios (var. Bosos et Boias, voir Desj., II, 878). La Notitia Provinc. (p. 28) offre : Boius in Burdigalensi, Boiis, sans doute à l’ablatif (civitas Boatium, quod est Boiis in Burdigalense). Boii, Boj-i a donné Buch, comme podium, podj-um a donné puch (Coutume de Bordeaux, éd. de 1788, I) ; modius, modj-us much (Arch. hist. de la Gir., VII, 189) et medius, medj-us mich (ibid.) ou mech (Cout. de Bord., I, 141), dans la dialecte gascon de la région girondine. Il n’en résulte pas que la Teste-de-Buch corresponde exactement à l’ancienne Boii que la Commission des Gaules place à l’Hospitalet.
[26] Dom Devienne, XVIII et XIX.
[27] Gaule romaine, II, 413 et 417.
[28] César, De Bell. Gall., I. 5 et 25.
[29] César, De Bell. Gall., I, 28.
[30] Variétés Bordeloise, II, 153.
[31] Recherches sur la ville de Bordeaux, IV, 418.
[32] Hist. gén. de Lang., I, 77, 108.
[33] Hist. gén. de Lang., I, 141, note 7.
[34] Séance du 10 ao0t 1877 (Desj., G. R., 417, note 2).
[35] Société arch. de Bord., IV, fasc. 4, 202.
[36] Celui qui concerne la vigne biturica est faible ; et quant è la célèbre inscr. TVTELAE AVG. LASCIVOS, etc., rien n’indique qu’elle soit du temps d’Auguste, ni surtout que le temple dit des Piliers de Tutelle appartienne au premier temps de l’Empire. Une autre inscr. bordelaise que Baurein n’a pas connue, puisqu’elle a été découverte en 1848, porte la même dédicace TVTELAE AVG., et est positivement datée de l’an 224 de notre ère. Voir sur ces inscriptions et sur le culte de Tutela l’excellent mémoire de M. Ch. Robert (Soc. arch. de Bord., IV, déc. 1877, p. 193-200).
[37] Soc. arch. de Bord., IV, déc. 1877, p. 210-221, d’après le n° 10 du musée de la rue J.-J. Bel.
[38] C’est ce qu’avait déjà affirmé M. Barry dans une note (Hist. de Lang., I, 252, n° 3) qui a échappé sans doute à M. Ch. Robert ; car ce dernier ne cite nulle part la remarque du savant éditeur de l’Hist. de Languedoc.
[39] IV, 18 et 14.
[40] IV, 1, 1 ; IV, 1, 2.
[41] Venu à Rome peu de temps après la victoire d’Actium, il y resta très probablement jusqu’en 24, année où il accompagna son ami Aetius Gallus dans l’expédition d’Égypte.
[42] Bell. gall., III, 20 (Quæ pars, ut ante dicitur, et regionum latitudine et multitudine hominum, ex tertia parte Galliæ est æstimanda).
[43] Bell. gall., I, 10 (Iter in Santonum flues facere, qui non loneo a Tolosatium fluibus absunt).
[44] Bell. gall., VIII, 46.
[45] Bell. gall., III, 11.
[46] Bell. gall., VII, 4 et 7.
[47] Bell. gall., VII, 75.
[48] Desjardins, Gaule rom., n° 703-706.
[49] Il est bien entendu qu’en attribuant aux Vivisques la fondation de Bordeaux, nous ne prétendons pas affirmer que l’emplacement où elle s’éleva n’a pas été avant eux le siége d’une habitation humaine. Il ne n’agit ici que des commencements de la ville marchande ou de l’emporium désignée sous le nom celtique de Burdigala.