Elles sont déterminées
par la combinaison des dates qu’offrent ces deux Livres sacrés. — Importance
et autorité du Texte du 3e Livre des Rois, qui fixe à 480 ans la distance
totale de la Sortie d’Égypte à la Fondation du Temple, en la 4e année du
règne de Salomon. — Calculs extravagants de Pezron sur lesquels on s’appuie.
Sesonchis
est, dans l’ordre des temps, le premier roi d’Égypte que l’Écriture distingue
par son nom propre ; et nous serons désormais privés de ce facile moyen de
reconnaître, dans les dynasties, les Pharaons dont elle parle. Il nous
restera le rapprochement des faits ; mais l’on sent combien ce secours doit être
borné, quand une des deux chronologies est presque entièrement dépouillée de
sa partie historique. Sous le
règne de Salomon, on voit encore un roi d’Égypte, dont ce prince épouse la
fille ; et sous le règne de David, un autre Pharaon, qui donne asile à un
prince Iduméen chassé de son pays par l’armée de David. Mais
depuis le règne de Saül, et pendant toute la durée du gouvernement des Juges,
l’Histoire sacrée garde un profond silence sur l’Égypte et ses rois : les
deux peuples, comme d’un accord commun, se renferment chacun chez soi, sans
liaison et sans guerre ; ils semblent ne pas se connaître, ou se fuir, et,
par crainte ou par haine, éviter toute communication l’un avec l’autre. Cet
état, qui est singulier entre des nations voisines, qui avaient eu pendant
longtemps des rapports si intimes, se conçoit aisément, et devient même
très-naturel, après la catastrophe du Pharaon persécuteur des Hébreux. Il faut
donc remonter jusqu’à Moïse et sa sortie de l’Égypte avec le Peuple Hébreu,
pour trouver un point de contact entre l’Histoire de ce peuple et celle des Égyptiens.
Mais ici se présente la difficulté que nous avons fait pressentir : les
mémorables événements de l’Exode, quoiqu’également intéressants pour les deux
nations, ne s’étaient pas conservés dans la mémoire des Égyptiens, ou n’y
avaient laissé que des souvenirs confus, lorsqu’ils pensèrent à écrire ces
annales tardives dont nous avons quelques restes : elles sont muettes à cet
égard, et ne donnent aucun moyen de les rattacher à celles des Hébreux par la
comparaison des faits. Il faut donc prendre une autre route, et elle est
toute tracée : nous établirons d’abord la date de ces événements d’après la
chronologie de l’Écriture, qui est notre règle ; nous verrons ensuite à quel
point répond cette date dans la chronologie Égyptienne. Les
années de Roboam avant l’irruption de Sésac, celles de Salomon, de David, de
Saül, sont exactement fixées, et leur durée est connue ; il n’en est pas de
même des années que comprend le gouvernement des Juges. Les anciens
Chronologistes qui ont pris pour base unique de leurs calculs le Livre
consacré à l’histoire de ces chefs momentanés des douze tribus, ont rencontré
des difficultés qu’ils n’ont jamais pleinement vaincues : la preuve en est
dans la diversité des systèmes qu’ils ont établis, en combinant, de
différentes manières et chacun à son gré, les données que l’Écrivain sacré
leur offrait. Des Textes clairs et formels qu’ils avaient sous les yeux
auraient prévenu l’embarras dans lequel ils se sont volontairement jetés, et
leur auraient épargné des peines restées infructueuses. Mais ces textes
resserraient les temps ; et ils cherchaient au contraire les étendre le plus
qu’il leur était possible, dans l’intention de mettre la chronologie de
l’Histoire sainte, au niveau de cette antiquité fabuleuse, que les Historiens
profanes prêtent à plusieurs des anciens peuples, et particulièrement aux
Égyptiens. On a senti enfin qu’il fallait sortir de cette route scabreuse et
incertaine. On lit
au Livre des Juges (C.XI.V. 26), qu’il y avait trois cents ans que les Israélites
habitaient les pays situés au-delà du Jourdain, quand ils furent attaqués et
soumis par les Ammonites ; et c’était sur la considération de cette longue et
paisible jouissance, que Jephté combattait les injustes prétentions du roi
d’Ammon[1]. Jephté n’avait pas intérêt à
diminuer le nombre des années ; et s’il n’en comptait que trois cents, c’est
qu’il n’y en avait pas davantage. Les trois cents ans de possession dont il
s’agit ici, dataient de l’entrée des Hébreux dans la Terre promise ; car les
deux tribus de Ruben et de Gad, et la demi-tribu de Manassé, furent les
premières qui eurent une demeure fixe. La servitude, sous les Ammonites, est
comptée pour la pénultième, et l’on ne peut mettre après elle que celle des
Philistins, qui fut bien décidément la dernière. La période de temps qui
finit à la judicature de Jephté, renfermait donc la plus grande et la plus
embarrassante partie de la chronologie des Juges, et elle en détermine la
juste étendue. Un
autre Texte du 3e Livre des Rois, aussi clair, aussi formel, et qui comprend,
à quelques années près, sur lesquelles il n’y a pas de difficulté, tout
l’espace de temps que nous avons à déterminer, semblerait avoir été destiné à
prévenir ou à lever toutes les incertitudes qui pouvaient naître, soit sur la
durée des époques marquées au Livre de Josué, soit sur les successions de
servitude et de paix décrites au Livre des Juges. En effet, quand on le prend
pour base générale de cette partie de la Chronologie sainte, on voit bientôt
s’aplanir les difficultés, en apparence inextricables, qu’elle présentait. A
l’aide d’une critique sage, et d’après quelques passages mieux entendus de
Josué et des Juges, la suite des faits et les nombres d’années assignés à
chacun viennent se ranger d’eux-mêmes et sans violence dans les limites qu’il
leur fixe ; et l’on est étonné de trouver plus claire et plus juste dans un
espace plus resserré, une période de temps qui, en considérant les fractions
multipliées dont elle se compose, paraissait exiger un beaucoup plus long intervalle.
C’est ainsi que ce texte détermine à la fois l’ordre des faits et la durée
des temps sous les gouvernements de Josué et des Juges ; et qu’à son tour il
trouve, dans l’harmonie établie par lui au milieu d’une sorte de confusion,
qui, sans ébranler la certitude de l’histoire, en embarrassait la marche, une
preuve manifeste de l’exactitude des calculs dont il présente le résultat.
Examinons de plus près ce Texte important. L’Histoire
du Peuple Hébreu est remarquable par le soin particulier que prirent, dans
tous les temps, les Écrivains à qui nous la devons de joindre au
développement des faits, la suite des générations ou des tableaux de la durée
des temps qu’elles avaient remplis, de manière à former une chaîne
chronologique non interrompue et inattaquable dans son ensemble : la foi nous
apprend qu’elles furent en cela les vues de l’Esprit saint, qui inspirait ces
hommes privilégiés, et dirigeait leur plume. En consignant, dans son Histoire
du règne de Salomon, le mémorable événement de la Fondation du Temple,
l’Auteur sacré a donc voulu en constater la date et la rendre à jamais
certaine ; il s’exprime ainsi : « 480 ans après la sortie des Enfants
d’Israël hors de l’Égypte, la quatrième année du règne de Salomon sur Israël,
au mois de Zio, qui est le second mois ; ce prince commença à bâtir une maison
au Seigneur[2]. L’Auteur,
comme on le voit, s’énonce avec une sorte de solennité, qui montre
l’importance qu’il mettait à fixer l’époque du fait qu’il rapporte. Il la
rattache à une des époques antérieures les plus intéressantes et les plus
sûres, à celle peut-être qui était le mieux et le plus universellement connue
parmi les Hébreux de toutes les tribus et de toutes les classes ; il veut
fonder la vérité de l’une sur l’authenticité de l’autre : Cela seul,
indépendamment du caractère divin qui lui appartient, garantit son exactitude
dans les recherches dont ils donnaient le résultat. Dira-t-on que le texte
primitif a pu être altéré ? Il y a été moins exposé que d’autres. Les
copistes, les dépositaires des annales sacrées étaient avertis ; ils ont dû
lui donner une attention spéciale ; ils ont dû craindre d’y porter une main
distraite ou téméraire. Ce texte, dont ils sentaient le prix, ils l’ont donc
religieusement conservé tel qu’ils l’avaient reçu. Les présomptions les plus
légitimes, les considérations les plus fortes, s’unissent donc pour repousser
toute idée d’altération ; et il ne sera jamais permis d’en supposer aucune,
tant qu’on n’en aura pas la preuve directe et évidente. Ajoutons
que les plus habiles Interprètes ont toujours reconnu l’autorité de ce texte,
et qu’aujourd’hui les plus sages Chronologistes n’hésitent pas à le prendre
pour règle dans l’évaluation des temps qu’il embrasse. Quelques légères
différences dans la manière d’obtenir ce résultat, différences qui ne doivent
même plus subsister à présent que la matière est éclaircie dans tous ses
détails, ne changent rien au fond : c’est toujours à 480 ans seulement que
tous bornent le temps écoulé de la Sortie d’Égypte à la Fondation du Temple. Mais
comment réduire à ce court espace de temps la somme des années distinctement
marquées au Livre des Juges ? Nous pourrions renvoyer aux Auteurs qui ont
traité ce sujet avec plus ou moins d’étendue, Marsham, Ussérius, Calmet, et
après eux l’Éditeur de la Bible française, dite de Vence, qui a clairement
exposé le système général d’explication, discuté avec soin les divergences
particulières dont nous venons de parler, et qui seul peut absolument suffire
: mais la question est ici d’une trop grande conséquence, pour ne pas
rappeler sommairement au lecteur les considérations qui la décident. La
chronologie des Juges se compose de deux sortes d’années, qui se suivent
alternativement, années de servitude attirée par les péchés d’Israël, années
de paix procurée par le Juge que Dieu envoie pour délivrer son Peuple : on
trouve ainsi sept périodes de servitude et sept périodes de paix, pour
chacune desquelles le nombre d’années qu’elles durèrent est exactement
marqué. Il est clair que ces diverses périodes de servitude et de paix,
quelque multipliées qu’elles soient dans l’Histoire, doivent toutes entrer
dans la Chronologie, et il n’est pas moins évident qu’elles ne pourraient pas
être renfermées dans les limites que leur assigne le 3e Livre des Rois, si
elles devaient être rangées toutes en ordre successif, et former une seule
série continue. Il faut
donc que les évènements, au lieu de se suivre toujours, aient quelquefois
marché ensemble, soit qu’une partie des tribus restât libre pendant que
l’autre était assujettie, soit que deux peuples différents opprimassent à la
fois deux portions différentes des tribus : or ces deux circonstances se sont
successivement présentées, et la dernière surtout est remarquée de la manière
la plus positive au dixième Chapitre du Livre des Juges. La
servitude sous les Ammonites commence avec la servitude sous les Philistins,
l’une pour les tribus situées au-delà et à l’orient du Jourdain, l’autre pour
les tribus placées en-deçà et à l’occident du fleuve. Le Texte est formel, et
toute l’histoire de ces deux servitudes ne permettait pas de l’entendre
autrement : Les Enfants d’Israël, après la mort de Jaïr, avaient de nouveau
commis le mal devant le Seigneur, « et la colère du Seigneur s’alluma contre
eux, et il les livra entre les mains des Philistins et entre les mains des
Enfants d’Ammon[3]. » La domination des
Philistins dura longtemps, et ne finit que sous le gouvernement de Samuel ;
celle des Ammonites cessa beaucoup plus tôt, et pour cette raison sans doute,
elle est décrite la première : Les Enfants d’Ammon, « en cette même année et
pendant dix-huit ans, affligèrent et opprimèrent les Enfants d’Israël qui
demeuraient au-delà du Jourdain, au pays des Amorrhéens qui est en
Galaad. » Il y
eut donc alors deux servitudes collatérales ; le fait est incontestable, et
donne le fil des événements qui suivirent. La victoire de Jephté sur les
Ammonites rendit la liberté aux tribus orientales, Ruben, Cad et la
demi-tribu de Manassé. Elles en jouirent pendant la vie de Jephté, et pendant
tout le temps des trois Juges qui lui succédèrent ; ce qui nous mène jusqu’à
la défaite des Philistins et à la délivrance des tribus occidentales, après
laquelle tout Israël se réunit sous le gouvernement de Samuel. Voilà ce qui
résulte évidemment du récit de l’Historien sacré, et en met les deux parties
d’accord, quand on a reconnu l’époque commune qu’il donne à la domination des
Philistins et à celle des Ammonites, et le partage qu’il fait des tribus
asservies toutes en même temps par l’un ou par l’autre de ces peuples. La même
distinction se retrouve, quoique moins expressément prononcée, au temps de la
servitude sous Jabin, roi des Cananéens. Toutes les tribus qui se lèvent à la
voix de Débora et de Barach, sont de celles qui habitaient le même côté du
fleuve où s’étaient maintenus les restes de ces anciens ennemis d’Israël.
Aucune des tribus du côté opposé ne se montre dans cette occasion. Elles
eurent à la vérité cela de commun avec les tribus de Dan et d’Aser ; et
Débora, dans son chant de victoire, leur en fait à toutes également le
reproche. Mais considérons comment elle s’exprime à l’égard des unes et des
autres. « Pourquoi Dan s’est-il tenu sur ses vaisseaux, et pourquoi Aser
est-il resté sur le rivage de la mer, au sein de ses rochers escarpés ? » On
voit quelle était la position des deux tribus ; et soit qu’elles se fussent
retirées aux extrémités de leur territoire en abandonnant le reste, soit que
le difficile accès de leur pays en eût écarté l’ennemi, ou leur eût donné le
moyen de repousser ses attaques, elles auraient évité, en partie du moins, et
en tout si l’on veut, la servitude qui pesait sur les tribus voisines : mais
sans être exemptes de peines et de craintes ; sans jouir d’une tranquillité
parfaite, plus libres seulement et moins vexées qu’elles. Débora
nous donne une autre idée des tribus orientales, « II y a dans le
partage de Ruben des chefs puissants, d’un cœur ferme, et capables de grands
desseins : pourquoi donc êtes-vous restés tranquilles au milieu de vos
étables pour entendre les bêlements de vos troupeaux ? Pourquoi Galaad s’est-il
tenu en repos au-delà du Jourdain ? » Est-ce là l’image d’un peuple qui a
gémi sous un joug étranger, et servi vingt ans des maîtres qui l’opprimaient
? N’y voit-on pas au contraire que Ruben et Galaad avaient conservé leur
liberté pendant la servitude de leurs frères, et continué de vivre heureux
dans leurs anciennes possessions ; la paix n’ayant pas été troublée au-delà
du Jourdain, où la domination du roi de Chanaan ne s’était pas étendue ? Cette
observation est d’une extrême importance. Elle lève la seconde des deux
principales, ou plutôt des deux seules difficultés que présente l’Histoire
des Juges, en expliquant, par le fait même, les 80 ans de la paix procurée
par Aod, et prouvant que cette longue paix a subsisté réellement, et suivant
toute la force du terme, pour les tribus orientales. Car ces 80 ans répondent
exactement aux 20 premières années de la paix d’Aod, qui fut alors générale,
aux 40 années de la servitude des tribus occidentales sous Jabin, enfin aux
40 années de la paix, encore générale, qui suivit la victoire de Débora et de
Barach. Ainsi
se trouvent réglées et démontrées, par le Texte même de l’Histoire des Juges,
la suite et la durée des temps, soit de paix, soit de servitude, jusqu’à la
fin de la domination des Philistins et à la judicature de Samuel, après
laquelle la Chronologie n’a plus d’embarras. Ainsi, cette Histoire,
développée comme elle doit l’être, s’accorde parfaitement avec le texte du 3e
Livre des Rois, qui après avoir mis sur la voie pour en découvrir la marche,
reçoit d’elle à son tour sa pleine et entière justification. Que
nous opposera-t-on maintenant ? Nous pouvons le prévoir. On nous opposera
cette grave autorité qu’on n’hésite point à produire quand il s’agit de la
Chronologie sacrée ; qui a déjà suffi pour décider, sans examen, la grande
question des années des Patriarches, et sur laquelle on semble principalement
et presque uniquement compter pour les résoudre toutes. Ceux
qui connaissent l’Antiquité véritable
et l’Antiquité défendue de Dom Pezron, ont été certainement étonnés de
voir les défenseurs des dynasties citer avec tant de confiance le plus
paradoxal des chronologistes, au jugement de tous les savants. Son système
sur les années des Juges étant singulièrement propre à faire connaître le
génie de cet Écrivain, et la manière dont il emploie une vaste érudition,
qu’il déprise par l’excessif abus qu’il en fait, nous avons un double motif
de le prendre pour l’objet de nos remarques. Le simple exposé de ses idées
sur ce sujet donnera une idée juste de toute sa Chronologie, oubliée depuis
longtemps et que l’on veut faire revivre. Pezron
ne conteste pas le témoignage du 3e Livre des Rois : mais l’Auteur sacré n’a
pas voulu ou n’a pas pu tout dire ; son évaluation est incomplète, et il faut
y suppléer ce qu’il a omis. Nous verrons bientôt en quoi consistent les
prétendues omissions ; contentons-nous d’observer ici qu’elles donneraient le
moyen de grossir le nombre marqué dans ce texte, d’autant d’années que l’on
croirait en avoir besoin. Quant
aux périodes de servitude ou de paix, qui eurent la même époque, et coururent
en même temps, quoique leur existence simultanée soit marquée expressément,
ou suffisamment indiquée dans les deux passages du Livre des Juges que nous
avons cités, Pezron ne l’a pas connue, ou n’a pas voulu la reconnaître. Libre
ainsi de toute entrave, il a pu donner carrière à son désir d’allonger les
temps. Sa Chronologie n’est que le relevé de toutes les périodes, ou plutôt
de toutes les sommes d’années mentionnées dans le Texte, et chacune y entre
en son rang, comme de droit et sans distinction, même celle des 20 années de
Samson, qui commença seulement, selon l’expression de l’Écriture, la
délivrance d’Israël ; qui l’annonçait par le succès miraculeux de quelques entreprises
partielles, mais ne l’opéra point, et mourut pour son peuple, en le laissant
encore sous le joug des Philistins : même celle des 40 ans du pontificat
d’Héli, qui ne fut pas du nombre des libérateurs de la nation, et n’eut le
nom de Juge qu’en sa qualité de Grand-Prêtre. C’était déjà bien des années gagnées, mais ce n’était pas assez. Pezron imagine ce qu’il appelle des temps d’anarchie, c’est-à-dire, de certains nombres d’années, qu’il place entre la paix qui a précédé et la servitude qui a suivi cette paix ; et, au moyen de ces seules intercalations, dont l’Écriture ne dit rien, qu’elle ne permet pas de soupçonner, il trouve 203 ans à ajouter aux années qu’elle exprime. Demandez à l’Auteur sur quel fondement il introduit ces temps d’anarchie : il vous répondra qu’ils ont dû exister, et qu’il est constant que les années marquées dans l’Histoire Sainte, ont été interrompues par des anarchies considérables qui n’y sont pas comprises. Demandez-lui encore sur quoi il en détermine la durée : il vous dira qu’il ne peut la déterminer que par conjecture ; mais que la durée des anarchies était proportionnée à celle des servitudes, qu’elle devait même être plus longue, et qu’une servitude de 40 ans, telle que la sixième, a dû être précédée par une anarchie de 50 ans pour le moins. Il explique le Texte du 3e Chapitre des Rois, qu’il ne lui a rien coûté d’admettre, comme on le voit à présent, par l’omission de ses prétendues anarchies. C’est bien pire pour le Texte de saint Paul au XIIIe Chapitre des Actes, qu’il suppose regarder le temps des Juges : l’Apôtre ne compte que 450 ans de Josué à Samuel, parce qu’il retranche à la fois et les anarchies et les servitudes ; et si vous témoigniez quelque doute sur de pareilles réticences, avec lesquelles l’Histoire Sainte ne serait plus une Histoire, il vous ferait observer très sérieusement qu’en cela l’Écriture n’a rien fait d’extraordinaire ; que les Orientaux n’avaient guère coutume de marquer dans leurs Histoires les temps malheureux, et que les servitudes même ne sont comptées dans le Livre des Juges que pour l’instruction des Israélites, et non pour en conserver le souvenir[4]. |