LES DYNASTIES ÉGYPTIENNES

SECONDE PARTIE. — LES DYNASTIES ÉGYPTIENNES

CONSIDÉRÉES SOUS LE RAPPORT DE LA CHRONOLOGIE ET DE L’HISTOIRE

 

ARTICLE IV. — THARACA, ROI D’ÉTHIOPIE ET D’ÉGYPTE.

 

 

L’époque de son règne marquée par l’expédition de Sennachérib en Judée, la 14e année d’Ézéchias. - Désastre de l’armée d’Assyrie, au moment où Sennachérib se disposait à marcher contre Tharaca.

 

On lit, au 4 e Livre des Rois, et dans Isaïe[1], que le roi d’Assyrie, Sennachérib, déjà proche de Jérusalem et menaçant Ézéchias, roi de Juda, reçut la nouvelle que Tharaca, roi d’Éthiopie, s’avançait pour le combattre ; et l’on voit, au Chapitre précédent du Livre des Rois, que ce roi d’Éthiopie était un Pharaon, roi d’Égypte. Tharaca était donc en même temps roi d’Égypte et d’Éthiopie ; il est incontestablement le Pharaon de ce nom dans la XXVe dynastie, la dernière des Éthiopiens et dont il fut le dernier roi.

Ceux qui ont voulu mettre Sennachérib aux prises avec le roi Séthon d’Hérodote, ou lui faire conquérir et ravager l’Égypte pendant trois ans, avant ses dernières menaces contre Jérusalem, et le désastre de son armée[2], ont étrangement embrouillé ce trait de l’Histoire Sainte, très-simple et très-clair dans le Livre des Rois, dans les Paralipomènes et dans Isaïe. Sennachérib marchant sur Jérusalem, arrive à Lachis, et de là envoie des députés à Ézéchias, pour le sommer de se rendre. À leur retour, Sennachérib s’était avancé jusqu’à Lobna, où il reçoit leur réponse, et apprend en même temps que Tharaca s’approche. Il écrit alors des lettres pleines de menaces contre le roi de Juda et de blasphèmes contre le Dieu des Juifs, se dispose à aller au-devant de son nouvel ennemi, et dans la nuit même perd son armée, frappée par l’ange du Seigneur. C’est dans le cours même de cette expédition de Sennachérib, qu’on veut placer celle d’un roi d’Assyrie en Égypte et en Éthiopie, prédite au Chapitre XXe d’Isaïe ; l’opinion n’est pas soutenable.

Isaïe annonce que le roi d’Assyrie fondra sur l’Égypte, portera le ravage dans ce pays et dans toute l’Éthiopie, et en sortira emmenant avec lui une multitude de captifs, tant Éthiopiens qu’Égyptiens. Il est clair d’abord, que ces événements sont étrangers au récit de l’Historien sacré, sur la marche de Tharaca, qui vient au-devant de Sennachérib, et sur le désastre de de l’armée Assyrienne, qui eut lieu au moment où Sennachérib allait marcher à la rencontre de Tharaca ; les deux ennemis n’eurent pas même le temps de se joindre. On suppose donc que Sennachérib avait paru en Syrie trois ans auparavant, et que, sans s’arrêter alors à Jérusalem et se portant directement sur l’Égypte, le but principal de son expédition, il n’était revenu en Judée qu’après avoir terminé cette guerre. Mais, dans cette supposition, verrait-on le même roi que Sennachérib venait de combattre et de vaincre, et dont il avait ruiné le pays, reparaître tout-à-coup à la tête d’une puissante armée pour l’attaquer dans sa retraite ? On ne sait pourquoi Rondet s’est attaché à défendre un système si mal combiné.

Au reste, le Prophète nous donne le nom du roi d’Assyrie, premier dévastateur de l’Égypte, qu’il appelle Sargon : il ne le confondait donc point avec l’ennemi d’Ézéchias, auquel il donne constamment le nom de Sennachérib. Sargon est le même qu’Assaradon, fils et successeur de Sennachérib ; les meilleurs Interprètes en conviennent. Isaïe nous représente ce prince assiégeant et prenant la ville d’Azot dans la Palestine, prélude sans doute de la guerre qu’il porta en Égypte, puisque c’est en cette année-là même que le Prophète l’annonce.

Nous ne parlerons du pieux Séthon, vainqueur de Sennachérib, roi des Arabes et des Assyriens, et de l’armée de rats que Vulcain envoie à son secours, que pour faire remarquer un exemple frappant et généralement avoué, de la manière dont les Égyptiens s’emparaient, pour les tourner à leur avantage, des faits de l’Histoire Sainte où il était question d’eux, d’un Pharaon, du pays de Mezraïm.

L’année où Sennachérib menaça Jérusalem, et qui fut aussi celle de son désastre, renferme donc toute la durée de son expédition, depuis son entrée dans la Judée et le siège des places fortes qui couvraient la capitale. Mais à quelque époque antérieure qu’on le fasse entrer en campagne, et quelque part qu’on lui fasse porter ses armes, cette année, et par conséquent celle de la marche de Tharaca n’en auraient pas moins une date certaine dans la quatorzième année du règne d’Ézéchias, qui répond à la 713e avant l’ère chrétienne. Tharaca, régnait donc 188 ans avant Cambyse, et 103 ans avant la guerre de Néchao II contre Josias, roi de Juda, et ensuite contre les Assyriens. Or, de Tharaca à Néchao II, le calcul des dynasties ne donne que 93 ans ; c’est dix ans à y ajouter pour remplir l’intervalle entre les deux époques.

On a vu, d’après le témoignage des Historiens sacrés, que Tharaca appartenait à cette race de rois Ethiopiens, qui avaient conquis l’Égypte et régnaient sur l’une et sur l’autre contrée. Il fut probablement le dernier de ces rois ; circonstance qui fixerait l’époque de la guerre d’Assaradon au sein des deux royaumes, et des trois années de désolation des deux peuples. Dans Manéthon, la dynastie suivante, la XXVIe, ne compte que des rois Saïtes, au nombre de neuf. L’Écriture ne donne à ses rois, Néchao et Ephrée, que les titres de Pharaons et de rois d’Égypte, et il est bien certain qu’Ephrée ne possédait plus l’Éthiopie. Ézéchiel nous fait connaître les limites de sa domination, en marquant celles où s’arrêteront les conquêtes et les ravages de Nabuchodonosor : « Je réduirai l’Égypte en servitude, et elle sera ravagée depuis Migdol (dans l’isthme) jusqu’à Syène et jusqu’aux confins de l’Éthiopie[3]. »

 

 

 



[1] Reg. XIX. g. Is. XXXVII. 21.

[2] Roudet, Sainte Bible, Dissert, sur le chap. 18. D’Is. XIII. p. 291.

[3] Ézéchiel, XXIX et XXX, 6.