Vaincu par
Nabuchodonosor. - Fin de la Monarchie Égyptienne.
Éphrée,
Apriès. Nous trouvons ici le premier des synchronismes que nous cherchons. Le
Pharaon Ephrée de l’Écriture est, sans aucun doute, le Vaphris
de Manéthon et l’Apriès des Grecs : si donc l’époque de l’irruption de
Nabuchodonosor en Égypte et de la fin du règne d’Éphrée est connue, l’époque
où finit le règne d’Apriès, et avec lui la monarchie Égyptienne, sera par-là
même déterminée d’une manière certaine. Nous ne touchons que sommairement la
preuve. Ézéchiel
annonce à plusieurs reprises la ruine de l’Égypte, et ses Prophéties sont
soigneusement datées de l’année où Jéchonias, roi de Juda, fut conduit
prisonnier à Babylone, ce qui eut lieu l’an 599 avant l’ère chrétienne. La
captivité de ce prince fut aussi celle du Prophète, comme il le dit lui-même
en marquant l’année où il eut les visions relatives à la réédification de la
Ville et du Temple[1] : cette circonstance put être
un des motifs qui lui firent choisir, pour la date de ses Prophéties, l’époque
de la captivité de Jéchonias, si remarquable d’ailleurs par les vues de Dieu
sur ce prince. Trois
des Prophéties d’Ézéchiel contre l’Égypte, datées de la dixième, de la
onzième et de la douzième année, n’annoncent encore que des évènements
éloignés ; mais une quatrième, datée de la vingt-septième année, est plus
précise et plus pressante. Nabuchodonosor, roi de Babylone, y est expressément
nommé ; c’est le Seigneur qui l’amènera sur la terre d’Égypte, et l’Égypte
sera la récompense du service que l’armée de Nabuchodonosor vient de lui
rendre au long et pénible siège de Tyr[2] : tout annonce l’exécution
prochaine des menaces faites depuis longtemps. La vingt-septième année après
la translation de Jéchonias était la cinq cent soixante-douzième avant l’ère
chrétienne. L’invasion de l’Égypte put donc avoir lieu dès la fin de cette
année, puisque la Prophétie était du premier jour de son premier mois, et la
guerre aurait continué dans la suivante, cinq cent soixante-onzième, qui serait
l’époque de la catastrophe d’Ephrée et de son peuple. On ne peut en effet
mettre cet événement plus tard : le commencement et la durée du règne de
Nabuchodonosor, bien marqués dans l’Écriture, en fixent le terme à l’an 562,
neuf ans seulement après son retour dans ses états. C’est assez, mais ce
n’est pas trop, pour tout ce que Daniel rapporte de ce prince : le songe
qu’il eut alors, les douze mois que le Seigneur lui accorde pour rentrer en
lui-même et profiter des avis du Prophète, les sept années du châtiment qui
punit son orgueil ; son repentir et le témoignage qu’il en donne par l’édit
adressé à tous les peuples de son empire[3]. Le
règne d’Apriès finit donc en l’année 571 A. C., quarante-six ans avant
l’entrée de Cambyse en Égypte, et six ans plus tard que Manéthon ne le
suppose. Nous devons expliquer d’où vient cette différence. L’Écriture
nous instruit d’un fait important de l’Histoire d’Égypte, qu’ont ignoré les
Écrivains profanes, qu’ont dû surtout ignorer les Grecs, qui n’étudiaient
l’histoire de ce pays que dans les fables forgées par les prêtres Égyptiens,
postérieurement aux désastres de leur nation. Elle nous apprend que
Nabuchodonosor, après sa victoire, traita l’Égypte comme il avait traité la
Judée et les autres contrées voisines, tant de la Syrie que de l’Arabie. Il
en tira les habitants pour les transférer dans ses états : c’est-à-dire,
qu’il enleva, ainsi qu’il l’avait fait à Jérusalem, les principaux, de la
nation ; les grands, les prêtres, les artisans, tous ceux qui pouvaient lui
donner quelque inquiétude en Égypte, ou lui être de quelque utilité à Babylone
et dans ses anciennes provinces. La
captivité de l’Égypte devait durer 40 ans : commencée en 571 A.C., elle dut
finir en 531, l’année qui précéda la mort de Cyrus, arrivée en 530. Ce fut le
dernier acte, en ce genre, de la sagesse et de la bienveillance de ce prince,
qui déjà, cinq ans auparavant, avait délivré de même et renvoyé chacun dans
leur patrie, les Juifs et les autres captifs des pays voisins de la Judée.
Mais, si le retour des Égyptiens eut lieu du vivant de Cyrus, ce prince était
donc dès lors maître de l’Égypte, c’était donc lui qui en avait fait la
conquête et ainsi se trouve confirmé, par un témoignage qui ne permet aucun
doute, le récit de Xénophon, si vraisemblable en lui- même, et que n’aurait
jamais dû balancer celui d’Hérodote. L’Égypte fut comprise, comme le dit
expressément Xénophon, dans les conquêtes de Cyrus après la prise de Babylone
; dans celte grande expédition, dont l’Historien parle avec emphase, pendant
laquelle il parcourut et soumit toutes les provinces au midi de l’Euphrate,
qui avaient fait partie de l’empire des Chaldéens. Les auteurs des contes Égyptiens n’avaient eu garde d’y consigner une circonstance si fâcheuse pour l’honneur de la nation ; ils remplissaient donc cet intervalle par quarante années du règne d’Amasis, auxquelles ils en ajoutaient quatre autres, pour atteindre le règne des Perses. Par la disparaissait de leur Histoire toute idée d’un temps de captivité ; car il était bien constant que les Perses ne leur avaient rien fait éprouver de pareil. Cependant le souvenir des désastres de la nation subsistait : l’Égypte entière présentait d’ineffaçables traits de la dévastation qu’elle avait subie ; et il n’était pas possible d’attribuer à Cyrus, trop connu des Perses et des Grecs, ces barbares exécutions. Voilà pourquoi les conteurs n’ont point parlé de ce prince, et ont mis tout, la conquête et ses succès, sur le compte de son successeur ; en affaiblissant néanmoins plusieurs traits et en ajoutant d’autres, sans que le tableau cessât d’être parfaitement reconnaissable, soit dans les traits qui lui étaient propres, soit même par ceux qui n’étaient qu’accessoires, mais qu’ils tiraient du même fond. |