M.
Champollion se plaint que le Canon chronologique de Manéthon ait été trop
dédaigné jusqu’ici, et cela, ajoute-t-il, « parce qu’on ne s’est pas donné la
peine de le comprendre et de l’étudier »[1]. Ignore-t-il donc les fréquents
débats dont ce Canon a été l’objet parmi les savants, depuis qu’ils ont voulu
porter la critique dans l’étude des histoires anciennes ? S’il a été
combattu, n’a-t-il pas été défendu, et avec un zèle égal, avec les mêmes
ressources de l’érudition ? Marsham, par exemple,
et Périzonius n’avaient sur le fond aucun doute, et
ne cherchaient à y mettre un autre ordre, que pour lever les difficultés
qu’il présente, et conserver toutes les dynasties. S’ils
n’ont pas réussi mieux l’un que l’autre, ce n’est certainement pas qu’ils
aient épargné leurs peines ; et s’ils n’ont point compris le vrai système de
Manéthon, ce n’est pas faute de l’avoir étudié. Le savant Périzonius
n’a vu que confusion et incertitude dans ces changements arbitraires, et
sentant cependant la nécessité de resserrer la liste des dynasties, il en
retranche un assez grand nombre ; mais il ne le fait point à l’aveugle. Il
regarde les douze et même les quinze premières comme de pure invention,
d’autres lui sont suspectes, d’autres encore ne lui paraissent, en tout ou en
partie, que des répétitions de dynasties précédentes : sur tout cela il
expose les motifs qui le décident, et l’on reconnaît qu’il s’était rendu
compte de tous les détails, du sujet qu’il discute. Avant
eux, le judicieux Pétau était allé plus loin, et l’on peut dire de lui avec
vérité qu’il dédaignait le Canon de Manéthon. Ce n’est pas qu’il ne l’eût
examiné avec le même soin que les divers monuments de la chronologie ancienne
; c’est, au contraire, parce qu’il en avait sondé les bases et pesé les
résultats, qu’il ne le croyait pas digne d’occuper l’attention de l’homme qui
n’attache de prix qu’à l’histoire et à la chronologie des temps vrais[2]. Plusieurs
autres ont écrit sur les dynasties Égyptiennes, soit en traitant d’autres
matières de chronologie, comme Ussérius et des
Vignoles ; soit dans des ouvrages exprès, comme d’Origny, le plus récent de
tous ; et la plupart dans la seule vue de les modifier de manière à les
rendre admissibles, et n’être pas obligés de les rejeter entièrement. On ne
peut donc pas dire qu’elles aient été toujours trop négligées ; et, s’il
était vrai qu’elles le fussent tout à fait maintenant, n’en trouverait-on pas
la cause dans le peu de succès de ces diverses tentatives ? Il devait
naturellement dégoûter d’en faire de nouvelles, qui n’étaient même plus
possibles, toutes les combinaisons se trouvant épuisées. Prenons les dynasties dans l’état où nous les avons. |