LA COMTESSE DE CASTIGLIONE - 1840-1900

Le Roman d'une Favorite, d'après sa correspondance intime inédite et les Lettres des Princes

 

CHAPITRE DEUXIÈME. — LA PÉRIODE TRIOMPHANTE.

 

 

Ses premiers pas dans Paris. — Chez la princesse Mathilde. — Une histoire qui lui fut contée : la principessa Matilda-Napoleone, le comte russe Anatole Demidoff et le sculpteur italien Duprè. — Visite à sa compatriote et parente Marianna Walewska, au ministère des Affaires étrangères. — L'événement sensationnel : la présentation de Mme. de Castiglione, aux Tuileries, et l'effet extraordinaire que produisit, dans les salons officiels, l'apparition de cette beauté merveilleuse. — Prompt éveil des sentiments de l'empereur. — Entre l'ambition et l'amour. — Conversations en tête à tête sur la question italienne. — Dans l'attente d'une solution conforme à ses désirs, voyage de la comtesse en Angleterre. —Le précieux accueil que lui ménagent lord et lady Holland. — En visite à Twickenham. — Propos d'exil. — Quelques intimités épistolaires du duc d'Aumale. — Une rencontre, au salon rouge, qui fit époque dans la vie de la belle Castiglione.

 

Elle arrivait aux heures les plus souriantes du Second Empire. C'était au plein de ce festoiement général des imaginations, qui devait s'attirer tant de sévérités rétrospectives, que tant de fausses pudeurs voudront, plus tard, recouvrir de leurs voiles moroses, par regret ou par jalousie.

Vraiment le plaisir était grand, cette année-là, dans le monde recevant et dansant de la capitale. Le regard ÍL et la pensée nageaient dans une mer de délices. Bals, soupers, musique, amour, c'était une succession enchantée, qui ne suspendait sa course que pour reprendre haleine.

De cette France mondaine et politique, où elle allait engager une si considérable part de sa destinée, la comtesse de Castiglione n'avait pas appris grand'chose, sinon que c'était un pays aimable ayant mission de fournir au reste de l'Europe des vaudevilles, des romans, des articles de modes, des objets de toilette et des idées.

L'une de ses premières démarches, afin de commencer à s'en instruire, aussitôt qu'elle eut touché le sol parisien, fut de se rendre, rue de Courcelles, où la princesse Mathilde tenait sa cour d'hommes d'esprit et de talent[1], Mathilde-Napoléon, presque une compatriote d'an tan. Car elle aussi, la fille de Jérôme et de Catherine de Wurtemberg, avait habité Florence. C'était après les départs successifs de Rome et de Trieste, après les différentes vicissitudes, qui obligèrent ses augustes parents à délaisser, d'abord, leur villa merveilleuse de Montford, à Trieste, puis leurs appartenances beaucoup plus modestes, en la Ville éternelle, au temps où tous les Bonaparte rejetés de France s'étaient groupés autour de Madame-Mère. Pendant les riantes années de sa jeunesse, bien des fois, elle avait charmé les regards des Florentins, en chevauchant par les avenues et les promenades de la ville, avec toute la grâce qu'elle savait y apporter et qu'une naturelle envie de plaire rendait encore plus sensible. Malgré les orages, qui grondaient assez souvent sous le toit paternel, elle avait goûté, là, quelques-unes des meilleures impressions de sa vie de princesse ; et même, elle s'était vue sur le point — n'ayant pas agréé son cousin Louis-Napoléon, lorsqu'il n'était que l'hôte obscur d'Arenenberg — de s'y fixer conjugalement.

Mais la tentation nous vient, ayant du neuf à en dire, de rappeler comment les choses s'étaient passées, en cette histoire de noces.

***

Nicchia était une toute petite fille bouclée, lorsque Matilda Napoleone accepta la demande du comte russe Anatole Demidoff, prince toscan de San-Donato. La nièce du grand empereur eût pu viser plus haut. Le tzar Nicolas, le puissant autocrate du Nord, n'avait-il pas caressé la fantaisie de donner à son fils Alexandre la main d'une Napoléon ?

Mais la voix de la passion avait été la plus forte. Elle n'avait pas entendu le désir du tzar, elle n'avait pas écouté les raisons opposantes de l'ex-roi de Westphalie, Jérôme, son père. Elle n'imaginait point, avant qu'une expérience trop prompte l'eût fait revenir de son illusion, qu'il pût y avoir, sous le firmament, aucun parti souhaitable à l'égal de son Demidoff si beau, si riche, et d'une mine si fière sous l'uniforme circassien. On essaya bien, par prudence, de l'en dissuader. Il lui était bien arrivé à l'oreille quelques vagues informations du goût très passionné qu'il avait pour le sexe faible. Mais elle ne poussa pas l'enquête si à fond qu'elle en sortit pleinement instruite de ses appétits effrénés pour le jeu, pour les maîtresses faciles et chères, encore moins de ses instincts autoritaires et du reste de sauvagerie, qu'il tenait de sa race et qui lui était passé dans le sang.

Personne ne l'avait mise au courant de la manière expéditive dont, récemment, dans Florence, il avait rompu les tendres liens qui l'attachaient à son ancienne amie, Mme de Montaut. On n'avait pas jugé bon d'apprendre à l'innocente fiancée comment ce comte Demidoff, pour être plus certain que la maîtresse délaissée ne lui reviendrait plus, avait failli la tuer à grands coups d'étrivières, de canne, de poings, en la traînant par ses beaux cheveux du premier étage dans la cour[2]. Elle ne savait rien de ces aimables détails, mais se berçait dans son rêve. Tout était couleur de rose et d'azur devant ses yeux charmés. Elle s'élancerait vaillamment sur les chemins de la vie, au bras de son prince russe. Elle en jetait la nouvelle à ses amies, comme un cri de victoire :

Ma lettre, aujourd'hui, ne sera pas longue, mais elle vous apprendra que je suis au comble de mes vœux, que je suis heureuse au delà de toute expression. Mon mariage avec Anatole Demidoff est arrêté pour le 15 octobre prochain. Cet acte si important de ma destinée se fera ici même, à Quarto. Je ne saurais assez vous dire combien je suis contente et parfaitement confiante dans l'avenir[3].

La lune de miel fut courte, mais exquise. Le fortuné couple inspirait, partout, l'admiration et l'envie[4]. Anatole avait avec Mathilde les façons les plus tendres et les plus respectueuses. Elle et lui ne parlaient que de leur félicité suprême à chacun. C'était trop beau pour durer.

Le comte Demidoff était en possession, comme il l'avait souhaité, d'une des plus belles princesses de l'Europe. Il reprit assez vite ses inclinations vagabondes, tout en voulant imposer à sa compagne une rectitude de maintien et une obéissance soumise, qui ressemblait à du servage russe. Elle, si commandante, de son côté, et si naturellement indépendante en ses gestes, en ses mots, si disposée, en outre, à récompenser d'un sourire ou d'une réponse sans cruauté les tributs de galanterie qu'on portait à sa jeunesse, à ses attraits, à son esprit, ne s'y pliait pas sans résistance. Si Anatole Demidoff s'accordait, jour par jour, en sa qualité d'homme, tous les droits imaginables à la dissipation de son or et de ses sens, il n'en était pas moins, à titre de seigneur et maître, promptement enclin à des accès de jalousie furieuse, irraisonnée. Des scènes regrettables éclatèrent. Demidoff avait la main violente comme l'était son caractère. Un outrage public, un soufflet en plein bal, infligé sur des joues de princesse encore animées des plaisirs réunis de la danse et du flirt, rendirent toute réconciliation impossible. Ils s'étaient séparés à grand tapage. La princesse Mathilde n'était plus Mme Demidoff et n'en reprenait le nom que pour signer légalement les reçus des deux cent mille livres de rente que lui servait, par la volonté du tzar, l'époux disgracié.

Désormais Altesse Impériale, il ne lui plaisait guère de rappeler, dans l'intime, cette phase orageuse de son passé. On ne prononçait plus, autour d'elle, le nom du viveur princier, trop connu dans les restaurants de nuit et les alcôves à la mode. Parfois, seulement, si l'on causait de Florence et que ce fût avec des amies d'ancienne date ou des Italiennes telles que la comtesse de Castiglione, Mathilde daignait accorder à sa période conjugale un rappel de mémoire. Et ce n'était point pour la bénir. De la colère lui remontait, en particulier, au souvenir d'une scène, dont Mme de Castiglione eut la confidence, bien après, et qui s'était passée dans la cité florentine, vers les débuts de son mariage. Les rayons de la lune dorée pâlissaient déjà.

La princesse Mathilde avait manifesté le désir d'avoir de la main du statuaire Giovanni Duprè, célèbre au pays toscan, la figuration de sa belle personne en marbre et dans des proportions réduites. L'artiste répondit qu'une telle demande lui était flatteuse, à l'extrême ; néanmoins, connaissant la nature ombrageuse du prince de San Donato, il ajouta qu'il n'oserait entreprendre cette aimable tâche, avant que Son Excellence fût prévenue et lui donnât son agrément. Mathilde insista, et d'une manière si engageante qu'il n'y résista point. On convint des jours. Elle se rendait à son atelier, régulièrement. Le modèle et l'artiste se comprenaient au mieux. L'œuvre avançait très heureusement. Elle serait achevée, dans un court délai. Mais, au plus beau de l'affaire, une après-midi que Duprè se trouvait seul, voici qu'Anatole Demidoff survient, fait un tour ou deux dans la salle et, sans se perdre en compliments, s'arrête tout droit devant la selle, où posait, enveloppée de ses linges humides, la mystérieuse statuette.

Eh ! qu'avez-vous là d'intéressant, signor Duprè ?

Oh ! rien, rien du tout, Excellence !

Faites voir, tout de même, je vous prie, écartez les dessous du voile.

Ma no, c'e nulla ! Il n'y a là vraiment qu'un peu de plâtre informe et qui n'est pas à voir.

Allons, mon cher, vous le savez, je suis extrêmement curieux.

Et, ce disant, il enleva l'enveloppe mouillée dont la maquette était recouverte, considéra la chose d'un air très sérieux, puis, sur un ton de voix sarcastique :

Très bien, cela. Charmante en vérité. Mais dites-le-moi, qui vous en fit la commande ?

Embarrassé, d'abord, dans sa réponse, Duprè prend enfin de l'assurance et s'explique. La princesse avait eu l'idée d'une galante surprise qu'elle voulait ménager à son époux, celle de se montrer à lui vêtue de marbre.

Eh bien ! répliqua le mari, — qui, du reste, n'était pas si mal fondé à voir d'un regard peu satisfait ce déshabillage artistique, — eh bien ! la princesse a eu tort de vous demander son portrait sans mon ordre et vous avez eu tort, vous, de complaire à sa fantaisie. Je n'aime pas ce genre de surprise. Lorsqu'elle reviendra dans votre atelier vous la prierez, de ma part, de retourner à ses menues occupations. Quant à vous-même, je vous le demande expressément, vous allez détruire ce travail, et qu'il n'en soit plus parlé !

Le sculpteur reste étourdi sous la brusquerie de l'injonction. Un vif regret traverse son âme, le triste regret d'être contraint de briser la jolie figurine, qu'il avait modelée avec une sorte d'amour.

Oui, mon cher Duprè, continua le prince, qui avait saisi dans l'expression de son visage le combat de ses sentiments, oui, je comprends votre embarras et votre peine, mais je vous le répète, je n'aime pas un semblable travail et encore moins la manière. Sans doute, un portrait de ma femme, exécuté par un ciseau tel que le vôtre, ne me déplairait point ; il composerait un pendant fort appréciable, avec une très belle statue que je possède dans mes galeries, de Mme Letizia par Canova ; cependant, je vous le redis en propres termes : anéantissez-moi cette figure-là, et qu'il n'en soit plus jamais question. Je vous commanderai, en échange, d'autres et plus importants travaux.

L'artiste, que ces derniers mots réconfortent, n'ajoute aucune observation, mais sollicite un jour de délai. On le lui accorde. Apaisé, maintenant, Demidoff lui serre la main, s'échauffe d'un retour d'amitié, l'embrasse et s'en va. Le lendemain arrive, à l'heure accoutumée, toute parée, toute contente, la belle Mathilde. Elle se dirige vers le miroir, arrange une boucle ou deux de sa chevelure, se retourne, prend sa place et dit :

Eccomi, me voilà !

Alors, Duprè de lui raconter l'incident fâcheux de la veille, d'exprimer sa contrariété et d'annoncer qu'il s'y soumettrait pourtant, parce que c'était la volonté du prince.

Mais, s'était-elle écriée, dans le premier sursaut de son désappointement, il ne faut pas obéir à cet injurieux caprice ; c'est absurde et ridicule, au dernier point. Continuez votre œuvre, j'y tiens, je l'exige.

Elle avait dû, cependant, se calmer, abandonner la place et s'en aller comme elle était venue. Seulement elle en avait gardé autant de ressentiment à l'artiste, qui n'y pouvait rien, qu'à l'époux auteur de sa déception. Duprè eut à s'en rendre compte, quand il vint à Paris, un soir qu'étant l'un des invités de l'Empereur aux Tuileries, Son Altesse Impériale Mathilde avait feint de ne point l'apercevoir et s'en était expliquée, peu après, de la manière suivante : Nous nous connaissons, depuis longtemps, mais la façon dont il m'a traitée ne me dispose pas du tout à m'en souvenir. Et s'enfermant dans sa logique de femme, de toute la soirée, elle ne daigna l'honorer d'un seul regard.

Mme de Castiglione connaissait cette histoire et le sculpteur Dupré ne se fit point faute de la servir à ses contemporains.

§

Ainsi que la princesse Mathilde, la jolie comtesse Walewska, hier ambassadrice à Londres, maintenant la dame du logis, au ministère des Affaires étrangères, avait eu plaisir à recevoir l'envoyée de Cavour, sa compatriote et sa parente supposée. En effet, Mme de Castiglione pensait lui être alliée, d'une sorte de cousinage plus ou moins lointain[5] et l'avait bien connue à Florence. La mère de la comtesse Walewska — Isabelle, de son nom de baptême — était une princesse Poniatowska. Elle avait été mariée très jeune à un comte Bentivoglio[6], dont elle eut un fils ; les nœuds d'un second mariage l'unirent au marquis Zanobi Ricci ; Marie-Anne en naquit, héritant des qualités de grâce et d'amabilité maternelles, qui tinrent longtemps sous le charme la société florentine[7].

Le comte Walewski, ministre plénipotentiaire de Louis-Philippe auprès du grand-duc de Toscane, Alexandre-Colonna Walewski, né en Pologne d'une femme célèbre par sa beauté et son patriotisme, plus célèbre par l'attachement passionné de Napoléon Ier qui lui donna ce fils, avait lié connaissance avec la famille de Ricci. Une attraction à la fois douce et forte l'inclinait vers la jeune fille de la maison, qu'il appelait, dès lors, sa Destinée. Elle répondit à l'appel de son cœur, pour l'accompagner en France, étant devenue sa femme et la seconde comtesse Walewska. Elle traversa la cour de Louis-Philippe, où tout ce monde l'avait accueillie en souriant, suivit son mari à l'ambassade de Londres, en 1852, pendant les beaux moments de l'alliance anglaise, et n'y resta que le temps d'inspirer des regrets à la haute société britannique. De retour à Paris, on s'était installé superbement au ministère des Affaires étrangères, le plus fastueux de toute l'Europe. L'amie de Cavour s'y était présentée, juste à propos, pour s'y voir invitée au bal costumé du 17 février 1856, ce bal fameux, qui fit tant parler de l'empereur en domino et de la comtesse de Castiglione en dame de cœur... Des cœurs elle en avait semé partout ! De grandes réceptions s'inscrivirent, à la suite de celle-là, aux Affaires étrangères : nulle n'y était tant regardée, tant admirée. Et il en était de même aux Tuileries, où elle s'était révélée dans l'intervalle.

La princesse Mathilde, Mme Walewska, la comtesse de Castiglione, toutes trois, entre les femmes, brillaient au plus avant de la scène, à la suite de l'impératrice.

Les opinions se pouvaient départager, à leur sujet, en ce qui concernait l'esprit, la grâce ou le sentiment ; mais, pour l'essentiel de la comparaison, toutes s'accordaient à dire que les attraits des deux premières s'effaçaient, disparaissaient dans le resplendissement de l'Oldoïni. A bon droit se fût-elle écriée :

... Je n'ai point de rivale

A qui je fasse tort en la traitant d'égale.

Encore préférait-elle n'en concéder le privilège à personne et demeurer l'Unique.

***

C'était un mercredi soir, jour officiel, que la comtesse de Castiglione monta, pour la première fois, l'escalier de pierre aux deux paliers un peu roide et haut, qui conduisait aux appartements de réception des Tuileries. Elle avait franchi le vestibule, où se tenait le chambellan en habit rouge chargé de recevoir les arrivants ; elle pénétra dans la galerie des fêtes très bruissante de monde et put aussitôt contempler ce qu'était le Château, un soir de gala dansant.

Quel spectacle entrevu dans l'ardente lumière s'épandant à flots et, de toutes parts, se répétant à l'infini dans le jeu de glaces, avivant de mille et mille reflets l'or des uniformes et la soie des toilettes, quel aspect de foule brillante et parée, se serrant d'un bout à l'autre de cette longue galerie jusqu'à l'imposante salle des Maréchaux, où se tenait le couple impérial et où l'étiquette n'admettait, de droit, que les principaux dignitaires !

Elle passa la haute draperie de velours cramoisi, qui marquait la séparation des deux salles. N'était-elle pas la cousine de Cavour et n'avait-elle pas, à ce titre, sinon par sa mission secrète, rang d'ambassadrice ? On la voyait avancer avec émerveillement. Elle-même regardait et s'étonnait. Si pénétrée qu'elle fût du sentiment italien et de l'idée de sa belle patrie, combien devaient lui paraître ternes et de mince aloi, en comparaison de celte splendeur impériale, les festicciole de la cour désargentée de Piémont ! Si les caractères n'étaient pas sans reproche, à la cour de France, si l'aristocratie des âmes en était contestable, tout y était grand d'étiquette et d'apparat. Généraux, ambassadeurs, ministres, conseillers d'État, jeunes auditeurs, aides de camp, préfets, sénateurs et jusqu'aux magistrats en leur habit de velours noir, tous portaient la vêture de cérémonie, et, près d'eux, toutes les femmes semblaient plus belles par l'entremêlement des étoffes, des parures, des galons et des broderies. Comme ils haussaient la mine, avec leurs fracs à parements d'or ou d'argent, leur culotte blanche, leur chapeau à plumes tenu légèrement sous le bras, ces dignitaires ! Comme ils étaient autres en leur démarche et leurs formes représentatives, que nos officiels, forcés d'être simples sous leurs plaques et leurs croix, le dernier luxe apparent qui leur soit permis ! Tableaux de fêtes incessamment renouvelées, en leur belle ordonnance, et dont l'image tout extérieure laisse, à la surface de la pensée, une sorte de regret historique pour des spectacles qui ne se reverront plus !

Mais, le soir du 24 novembre 1855, il semblait qu'on ne vît plus, en ce décor souverain, qu'une seule figure après l'empereur et l'impératrice, et c'était Mme de Castiglione. Quelle apparition de théâtre ! Et quelle sensation produite ! Nous en évoquâmes, autre part[8], le tableau de légende ; qu'il nous soit permis d'en rappeler dans les mêmes termes, le coup d'œil enchanteur.

Elle était venue assez tard. Un frémissement de curiosité signala son approche. A son entrée, le mouvement fut tel que les danses s'arrêtèrent. La musique cessa de jouer. Un courant passa dans la salle comme une expansion magnétique d'admiration. L'impératrice fit un pas au-devant d'elle. L'empereur avança jusqu'à la place où elle s'était assise, après avoir fait aux souverains sa révérence de cour, pria le duc Ernest de Saxe-Cobourg d'engager l'impératrice et lui-même offrit la main à la nouvelle invitée. Sans qu'il visât à passer pour un modèle d'élégance et de grâce, en l'art de Vestris — ce que lui défendaient son âge et les proportions de son corps- il dansait mieux qu'habituellement un prince et mieux que le grand empereur son oncle. On lui trouva très bonne figure, en ce quadrille, ayant pour vis-à-vis la belle Castiglione. Peu après, dans la soirée, il fit quelques tours de valse, puis quelques pas de promenade avec elle en causant, jusqu'au moment où s'éteignirent les mesures de la danse.

Les yeux ne se détachaient plus d'elle, de la courbe moelleuse et inspirante de sa taille. Un profil pur, des yeux longs et pleins de feu, une bouche petite, des cheveux châtains d'une abondance et d'une splendeur superbes, le cou délié, qu'une ligne tombante attachait à des épaules modelées à ravir, une gorge libre de tout frein[9] et dont la perfection hardie semblait, selon l'expression d'un témoin, jeter un défi à toutes les femmes, un buste royal, des bras et des mains d'un contour charmant et la ligne du corps irréprochable : il n'était rien, chez elle, qu'on pût voir sans l'aimer. Le succès de la comtesse fut complet, triomphant. On prononça que c'était l'événement de la semaine[10].

L'effet extraordinaire, qu'avait produit Mme de Castiglione, la première fois qu'elle fut reçue aux Tuileries, se répéta aux Lundis de la souveraine, aux bals des ministères, à Compiègne, et d'une manière si éclatante que l'empereur en fut remué et l'impératrice alarmée. Napoléon III s'était pris très vite au charme de cette incomparable Florentine, qui causait une telle effervescence de curiosité admirative, sur son passage, en ses toilettes d'apparition, qu'on se hissait sur les fauteuils, sans plus de respect du cérémonial, lorsqu'on l'apercevait passant à travers la foule des invités. Ombrageux de caractère, facile à la défiance et au soupçon, quoique par bonté naturelle disposé à l'indulgence et à l'oubli, Louis-Napoléon possédait en maître l'art de se rendre impénétrable aux interrogations muettes de son entourage, de voiler ses impressions comme il voilait sa prunelle couleur d'eau morte, d'éteindre sa physionomie et de déconcerter les regards les plus sagaces cherchant, en vain, à découvrir la direction de ses pensées. Mais il savait beaucoup moins se dominer, au contact visuel d'une jolie femme. Aussitôt frémissait son instinctive sentimentalité, son œil atone s'allumait d'une prompte lueur, dont la cause ni le sens ne trompait son fidèle Bacciochi. Les signes de l'intérêt subit qu'il avait pris à Mme de Castiglione furent aperçus de bien des gens. Un soir de Compiègne, qu'on avait inscrit au programme du théâtre de la cour une représentation des artistes de la Comédie française, elle s'était fait excuser, se déclarant souffrante. On remarqua, pendant la soirée, que, dans sa loge, l'empereur semblait bien distrait, bien préoccupé, et qu'il tordait sa moustache plus nerveusement qu'à l'ordinaire. Au premier entr'acte il disparut, délaissant l'impératrice, au vu de la salle entière. Le lendemain chacun était informé qu'il avait été prendre des nouvelles directes de la santé de la belle étrangère.

Les propos s'éveillèrent. Il fut parlé d'une histoire d'éventail habilement échappé à la main qui le tenait, relevé de terre par Napoléon et rendu à l'adroite coquette : Mme de Castiglione. La France et les pays d'alentour étaient à peine revenus de leur surprise sur le dénouement de son roman d'amour avec une beauté d'Espagne qu'il en entamait un autre avec une beauté d'Italie. Qu'en adviendrait-il ? Serait-ce quelque fantaisie secrète et sans lendemain ou l'aurore d'un favoritisme déclaré, manifeste, susceptible de prendre des forces et de durer ? Tel ministre d'État, courtisan à l'âme souple, corrompu et corrupteur tout à la fois, interrogeait avec un malin plaisir le secret de cette fortune ascendante.

Alors, elle jugea que l'heure était bonne pour causer politique. Elle se rappela qu'elle était venue en France, non pas simplement afin d'y continuer son voyage de noces, mais afin d'y servir, ambassadrice officieuse, la diplomatie sarde ; qu'elle était l'agente désignée de la future Italie ; que Cavour l'avait adjointe, à ce titre, à ses divers éléments d'action extérieure convergeant tous au même but ; qu'elle aurait à pratiquer en femme intelligente et belle — habile, d'instinct, aux artifices de l'amour — le conseil que lui avait suggéré le grand homme piémontais, de coqueter avec l'empereur, de le séduire s'il le fallait[11], et de l'amener doucement, tendrement, politiquement, à lui confier à elle, dans le secret du tête à tête, les questions essentielles, qu'il conviendrait d'aborder ou qui pourraient être soulevées par ce chef d'État, en vue d'une entente active avec la cour de Turin. Une lettre récente de Cavour fort expressive en son laconisme — et dont l'original est sous nos yeux — le lui redisait formellement :

Réussissez, ma cousine, par les moyens qu'il vous plaira, mais réussissez[12].

Le succès importait seul. Aucune circonstance opportune n'était à négliger, encore moins à laisser sans emploi. Tel était bien, en effet, le principe de vigueur ressortissant de la subtilité italienne. Tout dépend de l'homme, écrivait, l'année précédente, le Florentin Bettino Ricasoli[13] ; et c'était vraiment cet homme mystérieux et taciturne, alors considéré comme le plus puissant des monarques de l'Europe, qu'il fallait pousser à parler clair.

On sait que les Italiens ont le sens inné des affaires publiques et que s'ils n'en traitent pas toujours avec mesure et méthode, ils en ont la passion. Elle était donc à sa mission naturellement prédisposée. Les attraits féminins y ajoutaient des moyens de séduction, dont elle ne demandait qu'à faire usage. Elle s'y emploierait sans attendre, dût-elle y mettre le prix — ce prix que nous devinons bien. A la vérité, ses complaisances dernières étaient subordonnées à une opinion si haute de sa personne physique, de ce qu'elle était et valait, selon sa propre estime, qu'elle ne pouvait être facilement généreuse d'elle-même. Mais elle tenait ce bien en réserve, pour en disposer comme d'une ressource suprême — s'il n'était pas de condition moins absolue, moins indispensable à l'accomplissement de ses grands desseins. Car, elle donnait à ces projets-là des proportions très vastes, en son esprit armé d'une pointe de présomption ; elle les identifiait en soi, comme si elle en eût été chargée presque seule ; son amour-propre s'en exaltait ; son imagination y prenait feu ; et, volontiers, Cavour lui en abandonnait tout l'orgueil, se servant de son ascendant de femme comme il se servait de vingt autres moyens, comme il usait des ressorts de la diplomatie officielle ou secrète, de la presse, de l'émigration italienne, des voyages, des correspondances étrangères et des influences de cour, parce que tout lui était bon pour poser le Piémont, d'abord, et pour le grandir ensuite, parce qu'il ne négligeait aucun instrument capable de contribuer au résultat suprême.

Désireuse de ménager son indépendance, de recevoir, de correspondre, d'agir et, peut-être, d'aimer en cachette, sans, néanmoins, s'éloigner trop de la scène du monde, où il lui plairait de revenir et de savourer de nouveaux triomphes, elle avait fait élection d'un gracieux ermitage, parmi les jardins de l'ancien Passy. Une sorte de petite maison régence, un nid solitaire[14] sous la feuillée, dans la soie et la fanfreluche. Ce n'était pas au bout de la terre. Des Tuileries à la rue de la Pompe, la distance pouvait être fournie en moins d'une heure. Napoléon, qui ne se mettait guère en dépense de faveurs pour les femmes aimables sans un personnel esprit de retour, se serait bien reproché, certainement, de n'avoir jamais poussé sa promenade du soir, conduit par son cocher secret[15], gardé par sa police, jusqu'à ce refuge d'apparences mystérieuses.

Les imaginations, à demi-renseignées et curieuses d'en découvrir davantage, se figuraient sans peine le genre d'entrevues, auxquelles servait de passeport la raison grave d'entretiens à débattre sur l'Autriche et l'Italie. Ils étaient seuls, elle et lui, à s'entendre et à se voir. Elle avait dix-huit ans. Il était d'une nature galante fort empressée. Ce n'était plus le maître d'un empire inclinant sa grandeur vers la femme dans un compliment de cour. Toutes distances de rangs s'étaient bien effacées. En cette chambre close, il n'y avait plus que deux êtres différents et égaux, soumis à l'irrésistible penchant.

A Paris, nul ne doutait qu'elle ne fût la favorite de l'empereur. Des gens trop affirmatifs de ce qu'ils ignoraient réellement brodaient là-dessus qu'elle en était à sa seconde expérience des amours royales et que Victor-Emmanuel l'avait honorée précédemment — si l'on peut ainsi dire — de ce genre de tendresse dont il était si prodigue. Voilà ce qu'on assurait, à Paris. Dans Florence, de plus téméraires en leurs suppositions prétendaient qu'elle était la fille de Napoléon III et que l'intimité renouvelée entre le maître de la France et la jeune comtesse n'était que la reprise naturelle et pure du sentiment, qu'il lui porta dès qu'elle fut née.

Pour son compte, à travers ses lettres et, plus tard, dans ses confidences, elle se riait à juste titre de la seconde et de la troisième de ces hypothèses et démentait catégoriquement la première, avec moins de chances, quand à celle-ci, d'en refouler les vraisemblances. Il y eut des faits notés et des constatations notoires, qui la gênèrent. Le général Fleury, dont elle invalidait, à l'avance, le témoignage d'outre-tombe[16], — sous le prétexte qu'il avait langui pour elle, en pure perte[17], avait suivi, de très près, le jeu de ses coquetteries diplomatiques. Aide de camp de l'empereur, continuellement en fonction d'accompagner les pas du maître, il certifia dans ses Souvenirs, que le succès de la comtesse avait été complet et que, momentanément, Napoléon III avait porté le joug de la belle Italienne. D'autres versions relevèrent des signes forts clairs — oculis subjecta fidelibus —, contribuant à établir l'intimité de cette liaison.

Entre temps, à la faveur des circonstances qui les rapprochaient, elle et l'empereur, il était reparlé de Victor-Emmanuel, de Cavour et de l'unité italienne en espérance de formation.

D'ailleurs, instruite des engagements que l'ancien aventurier des Romagnes avait contractés, de loin, avec des personnalités politiques très avancées de la péninsule, adroite à flatter son amour-propre d'homme et de souverain, complaisante à fortifier sa conviction qu'il aurait à tenir en Europe un rôle prépondérant d'arbitre, elle individualisait, à ses yeux, de la manière la plus engageante, l'Italie et la nationalité italienne. Le premier effet incontestable de son influence secrète fut de déterminer Napoléon, qui ne s'y était pas décidé sans hésitation, à réclamer la présence de Cavour, au Congrès de Paris.

Le terrain, du reste, était admirablement préparé. Elle n'eut pas à lui suggérer une aspiration, qu'il nourrissait en son cerveau, dès avant qu'elle-même fût née. Très anciennes étaient chez Napoléon ces visées de rénovation italienne, qu'il tardait à convertir en action. Une amie de ses jeunes années, qui fut élevée auprès de lui comme une sœur, au château d'Arenenberg, s'en souvenait fort bien, lorsque, devenue la femme du peintre S. Cornu, elle remémorait à haute voix, ses impressions d'antan. Louis-Napoléon, depuis l'adolescence, eut un double espoir, un double et vaste but : être l'empereur des Français, et se rendre le libérateur de l'Italie. L'une et l'autre idées s'étaient développées en lui, sans se quitter, comme si la seconde eût été la suite nécessaire de la première.

Peu de temps après le coup d'État du 2 décembre 1851, le Prince-Président avait envoyé son fidèle Persigny auprès du baron de Radowitz, le ministre des Affaires étrangères du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV[18], afin de le prédisposer à l'acceptation prochaine du rétablissement de l'Empire en France. On avait parlé d'échanges ultérieurs, de bons offices mutuels, de compensations réciproques. Et, quand Persigny eut rempli l'essentiel de sa mission, nettement il avait déclaré, s'adressant à ce Radowitz, qui, longtemps plus tard, en rappellera le propos dans ses Mémoires : Nous avons à rétablir l'empire français ; cela fait, nous affranchirons l'Italie. Pendant que nous chasserons l'Autriche des provinces lombardes, pourquoi ne la chasseriez-vous pas, vous, de votre Allemagne ? D'un double éclair prophétique furent pressentis, ce jour-là, les destins qui se dénouèrent sur les champs de bataille de Solferino et de Sadowa.

Quatre ans après, on eut la surprise de voir entrer en campagne, à la suite des contingents français, anglais et ottomans, contre le tzar Nicolas Ier, un corps d'armée sarde ; et, dans le monde, on s'était demandé, quel intérêt particulier poussait les renards de Savoie à intervenir dans le conflit des puissances, sans qu'ils eussent seulement, comme les Bourbons des Deux-Siciles, le prétexte d'occuper une situation avancée sur la Méditerranée[19]. L'explication cherchée ne tarderait pas à sortir du domaine des faits, avec une particulière évidence. Dès l'année suivante, la question de l'unité italienne était posée au Congrès de Paris, sous l'œil encourageant du ministre de Napoléon, présidant ces assises[20].

Ce n'était encore qu'un brûlot lancé sur les ondes des rivalités internationales. Entre la déclaration de principe et le recours aux armes, qui devait en assurer la réalisation, s'indiquait un temps d'arrêt obligatoire. Mme de Castiglione en profita pour s'éclipser de Paris, lâcher momentanément son Napoléon, comme elle l'écrivait d'une plume assez cavalière, et s'en aller faire un tour, à Londres.

Elle y coula des jours bénis.

***

On lui fit accueil délicieusement, en plusieurs maisons de la haute société britannique, surtout chez lord et lady Holland, qui l'avaient vue, enfant, dans sa ville, et la chérissaient d'un fidèle souvenir. Sa sécurité d'âme était parfaite et douce, comme nulle autre part, auprès de lady Holland, s'y sentant aussi forte de son estime que certaine de son amitié. Un soir, en l'absence de la comtesse, on parlait d'elle à la légère dans les salons de la grande dame anglaise. Une langue indiscrète insinuait quelqu'une des méchantes allusions, qui couraient sur le compte de la favorite des Tuileries. Aussitôt la maîtresse du logis avait riposté, non sans hauteur : Si j'en croyais un mot, elle ne serait pas chez moi. Eût-ce été vrai, elle eût refusé d'y ajouter foi, par égard et par affection.

Dès qu'elle fut arrivée à Holland-House, Nicchia avait été conduite dans une chambre spacieuse, ravissamment ornée. Sur sa table de toilette, — le premier meuble où se porte d'ordinaire le regard d'une voyageuse, — elle aperçut un miroir d'une rare finesse artistique. C'était une glace à main biseautée, surmontée de son chiffre, entourée de deux anges d'or aux ailes ouvertes ; et, tout auprès de l'objet exquis, deux vers écrits de la main de lord Holland en disaient la destination, dans la forme de langage qui plaît aux dieux[21].

Son séjour, au palais qu'occupaient le noble lord et sa compagne, ne comportait qu'agréments, prévenances à son endroit et douces gâteries. Assez distant des rues et des avenues, qui menaient aux portes de l'habitation, pour qu'on y eût l'impression d'une sorte d'isolement seigneurial, ce château était, cependant, d'une telle manière situé, au milieu d'un grand parc, qu'il faisait, avec ses jardins, la parure d'un des plus beaux quartiers de Londres. Autrefois en pleine campagne, mais peu à peu gagné par l'envahissement des constructions avoisinantes, il avait conservé intacts son architecture ancienne, ses appartements de style et tout l'intérêt de ses traditions historiques. On y pouvait voir la chambre où reposa l'austère Sully, lorsqu'il fut envoyé par le Béarnais en ambassade auprès d'Elisabeth ; et l'on y montrait celle de Cromwell, qui habitait Holland-House au temps de son âpre lutte contre le Roi et son Parlement. Peintures, tentures, meubles des siècles défunts : rien n'y était changé, aucune transformation n'en avait altéré le caractère.

Durant la belle saison, lady Holland y donnait des fêtes dont l'éclat et l'originalité avaient une réputation européenne. La famille royale d'Angleterre, les souverains et les princes étrangers en visite s'empressaient à ces garden-parties, si décoratives en leur cadre de verdure, surtout à celle qu'on appelait la fête écossaise et dont les origines remontaient au Moyen âge. Le due d'Aumale était de ceux qu'elle passionnait davantage. Henri d'Orléans comptait, en effet, parmi les meilleurs amis de lord Holland, qui devait lui léguer le magnifique portrait de Talleyrand, devenu l'un des plus précieux ornements de la galerie de Chantilly.

Une après-midi, le duc avait amené dans la maison l'un de ses hôtes de Twickenham : Louis Estancelin. Après quelques paroles gracieuses de bien venue, lady Holland demandait à celui-ci :

Connaissez-vous la merveille de la saison, la comtesse de Castiglione ?

Pas encore, avait-il répondu. Je viens seulement d'arriver de France et cet aimable spectacle n'a pas réjoui mes yeux, jusqu'à présent.

C'est dommage ; mais vous la rencontrerez, avant peu, et vous m'en direz votre avis.

Il ne se doutait pas, en entendant ces mots, que sa destinée serait d'entretenir avec la plus capricieuse des femmes quarante-cinq années d'une amitié sans restriction, dans la joie comme dans la douleur, et sans arrêt parce qu'elle fut sans amour, une amitié entière et libre, d'un caractère unique.

Il n'attendit pas longtemps à en avoir la séduisante révélation.

Elle lui parut ce qu'elle était, au vrai, une créature extrêmement belle. Il ne pensa point à la diviniser aussitôt, dans son imagination, en poète et en rêveur, mais il se rapprocha d'elle, aspirant à la mieux connaître. Peu de jours après il l'entrevoyait de nouveau, comme une apparition passagère. Puis, ce fut plus complètement, en des circonstances plus imprévues, à Orléans-House, chez le duc d'Aumale.

Retiré dans la chambre, que le prince avait mise à sa disposition, une lecture passionnante y tenait absorbée toute l'application de son esprit. Rare privilège : il avait sous les yeux, grâce à la courtoise obligeance du prince, qui la lui avait communiquée, la correspondance autographe de Richelieu et de Louis XIII, relative au procès de Cinq-Mars et de son ami Jacques de Thou. Devant lui s'ouvraient les deux lettres de Richelieu à son roi et à son intendant. La première n'était autre que l'original de la froide et cruelle missive, par laquelle le terrible cardinal exposait à Louis XIII la raison d'État, la raison impérieuse, irresponsable, qui avait commandé, suivant lui, le supplice de M. Le Grand. Lentement, il considérait cette grosse écriture tremblée, ce parchemin jauni par le temps, ces fils de soie rouge retenant le cachet redoutable du cardinal-ministre ; et, sans doute, il méditait sur l'inflexibilité de cette âme de prêtre, associant Dieu, Dieu toujours, à ses desseins obliques d'ambition et de vengeance. Il songeait aussi, en lisant cette page d'histoire, gravée d'une dextre impitoyable[22] que l'expression authentique des faits n'y concordait guère avec la légende ainsi rapportée par Alfred de Vigny : En ce moment, disait le roi, M. Le Grand passe un mauvais quart d'heure. Or, l'indifférent Louis XIII ne pouvait déjà connaître l'exécution de Cinq-Mars ; car, le fils du marquis d'Effiat n'était pas encore condamné.

Tandis que le liseur de Twickenham, avec une ardeur d'étude dont l'animation se reflétait sur son visage, consultait ces témoins écrits d'une lutte d'ambition sans trêve et sans miséricorde, on frappa à la porte de sa chambre. Mécontent d'être ainsi tiré de ses réflexions, il commanda sèchement d'entrer. Un valet de pied du prince, maigre et long, d'aspect candide et dont les simplicités faisaient dire au duc d'Aumale : Ces gens-là ne se doutent pas du rôle qu'ils jouent dans notre vie, un grand laquais était devant lui : Qu'y a-t-il, Pitié ? Car, il portait ce nom bénin, qui semblait exprès choisi pour lui. Lentement Pitié répondit : Madame la comtesse de Coiffier[23] fait annoncer à Monsieur Estancelin que Madame la comtesse de Castiglione est au salon rouge. Elle était en bas et l'envoyait demander. Le choc de la surprise fut tel qu'il en oublia tout aussitôt Louis XIII, Richelieu, Cinq-Mars et le drame de Lyon. Il jeta la plume, ferma le précieux recueil, et descendit en toute hâte.

Le duc, la duchesse et Mme de Castiglione conversaient en ce salon rouge, parlant de l'Italie et de la France, de Cavour[24] et de Louis-Napoléon. Il n'y avait pas trois ou quatre années de cela, Henri d'Orléans écrivait à l'un de ses amis politiques :

Vous voilà pourvu d'un empereur. Quand vous en aurez assez, vous me le manderez[25].

La comtesse pouvait lui en donner des nouvelles toutes fraîches et bien directes. Mais Estancelin était entré. La radieuse Florentine se tenait assise, précisément, au-dessous du portrait du cardinal de Richelieu[26] ; à ses pieds, se jouait un délicieux enfant, le plus joli qu'on pût voir, avec ses longs cheveux blonds bouclés, son frais visage, son air fin et mutin. Sous son chapeau de paille de riz, relevé d'un large nœud de taffetas jaune, qui tiendra une grande place dans leurs souvenirs et leur deviendra comme le talisman de leur amitié[27], habillée d'une robe de gaze noire aux rubans couleur d'or, elle produisait un effet indicible ; ses cheveux ondés, ses yeux lumineux, ses dents de perles, sa taille, sa ravissante figure : il n'était rien que de beau, que de charmant en elle. Cependant, il ne s'était pas empressé de le lui dire, mais demeurait devant elle, silencieux et grave. Le mélange des sensations éprouvées en si peu de temps, le contraste de ces deux physionomies réunies et opposées par le hasard : LUI, l'homme du passé, le cardinal au visage rude recouvrant les crimes d'État des plis de sa robe pourpre ; ELLE, sous le tableau magistral, une femme, si douce à considérer ; ce qu'il venait de lire et ce qu'il voyait : tout cela se heurtait dans son cerveau, et le conflit de ses sentiments se peignait dans son regard, qui avait gardé une expression de sévérité. Il l'admirait sans le lui faire entendre. Il n'avait pas commencé par recourir, en la saluant, aux banales formules complimenteuses, à l'éternel madrigal. C'était donc une autre trempe, un autre caractère d'homme. Elle en eut la curiosité. Il ressentit, à son tour, l'attraction. Et ce fut le point de départ d'un long commerce d'âmes, qui durera, nous l'avons dit, près d'un demi-siècle.

***

La comtesse de Castiglione rendit des visites fréquentes en ce domaine de Twickenham, sis à seize kilomètres de Londres, dans le comté de Midlesex[28]. La duchesse l'y recevait avec aménité. Surtout la voyageuse plaisait au regard et à l'esprit du prince Henri d'Orléans, qui, lui aussi, lui voua une affection durable, moins suivie, moins fidèle que celle du Normand, mais qui fut, peut-être, plus intime, à l'ombre de leurs rencontres, assez fréquentes en Italie, entre Zucco et la Spezia.

Le duc n'était pas nerveux et mélancolique, comme il le devint, après la mort de sa femme très aimée[29]. Il sentait moins douloureusement les rigueurs de l'exil, n'en étant encore qu'aux débuts d'une attente, qu'il espérait courte, et se sentant, dans cette demeure transitoire, entouré partout des symboles visibles de la grandeur de son pays. Ses visiteurs en avaient l'immédiate impression, à considérer seulement son cabinet de travail aux murs tapissés de drapeaux tricolores et d'étendards africains. Des panoplies d'où se détachait, à distance, glorieusement seule, l'épée du grand Condé en complétaient l'aspect militaire et français. Parfois, de sa fenêtre, ayant posé la plume ou le livre, il pouvait attacher son regard sur de chères étoffes : ses uniformes d'officier général, qu'on exposait, fréquemment, au grand air, par son ordre et sous sa surveillance[30] ; les voir illuminait ses souvenirs, réchauffait son cœur, ravivait l'espoir qu'il aurait à les vêtir, de nouveau, pour le service de son pays. Puis, il avait ses archives précieuses, entre toutes, sa bibliothèque, ses tableaux, les meubles choisis, qu'il s'était fait envoyer de France et qui rendaient à l'héritier du duc de Bourbon l'atmosphère même de son Chantilly. Il chassait avec passion[31], recevait au large, voyageait beaucoup, savourait des arrière-saisons très douces, en ses biens de Palerme[32], et correspondait, actif, sur tous les points. Enfin, aux heures de calme, utilisant sur place une merveilleuse richesse de documents et de papiers d'Etat, il écrivait d'une main chaude et ferme l'histoire d'une des plus illustres familles de France. Il possédait tout ce que donne la grande opulence ; il savait goûter, selon le moment : les plaisirs, la lecture ou l'étude ; il était philosophe, en outre, et cela sans trop de peine, ni d'effort. Vraiment, malgré la diminution sensible de ses prérogatives d'Altesse Royale, malgré les amertumes d'un éloignement indéfini, malgré les froissements trop répétés de ses sentiments patriotiques, son sort n'était pas si lamentable.

C'est dans cet Orléans-House que Mme de Castiglione avait connu quelques-unes des meilleures impressions de son premier séjour, en Angleterre, des impressions qu'il lui fut donné de revivre, six années plus tard. D'intervalle, elle fréquentait avec charme l'élite de la société londonienne. Sous les auspices de lady Holland, elle eut le spectacle de magnifiques réceptions officielles. Elle assista, plusieurs fois, aux représentations du grand Opéra. Et, en tous lieux où elle se montrait, elle provoquait cette fièvre des regards, cette excitation de curiosité, qu'elle était habituée à produire, sans plus s'en émouvoir que d'un effet bien naturel.

 

 

 



[1] Elle s'y était installée, en l'hiver de 1852, comme nous en trouvons l'indication anticipée dans ce passage d'une lettre inédite de la princesse :

J'ai été, hier, en ville. Je suis plus enchantée que jamais de l'hôtel du n° 24. C'est délicieux comme logis. Je ne vois pas encore le moment de m'y établir. Les peintures sont finies. (Samedi, 7 août 1852.)

[2] D'un coup de cravache, il lui avait emporté la joue et la paupière. (Voir Lettres de Fortunée Hamelin à M. de C***, Paris, 2 février 1840.) L'ex-muscadine Fortunée Hamelin ne savait pas tout de cette affaire brutale. Il y avait eu d'autres motifs, d'autres prétextes, si l'on veut, qu'une envie de rompre dans le traitement sauvage infligé par Demidoff à Mme de Montaut, mais une vengeance à la Cosaque d'une infidélité réelle ou prétendue.

[3] Correspondance de la princesse Mathilde. Lettre inédite à la comtesse R***, 10 septembre 1840.

[4] Mme Regnault me dit merveille delà beauté divine, de la grâce et de l'esprit de Mme Demidoff. (Lettres de Fortunée Hamelin, La Madeleine, 8 septembre 1841.)

[5] La comtesse de Castiglione n'avait aucune parenté, que je sache, avec la comtesse Walewska. Une sœur de celle-ci (l'unique et elle n'avait pas de frères par son propre père) s'appelait Blanche, et elle était mariée au marquis Tolomei de Florence. (Lettre privée du marquis de Ricci-Riccardi, Carmignano (Toscane), 20 septembre 1911.)

[6] C'était en 1821. Le comte Prosper Bentivoglio mourut, le 9 juin de la même année.

[7] La marquise Ricci, en troisième noce, marquise de Piccolellis, anima de son esprit, pendant de longues années, un salon très fréquenté par l'aristocratie, non seulement de Florence, mais de l'Italie et de l'étranger. Elle était renommée par son exquise affabilité ; elle est morte, il y a à peu près vingt-cinq ans, et nous tous, ses amis, ne pouvons encore l'effacer de notre mémoire. (Id., Lettre privée à M. Henri Prior, communiquée à l'auteur, 20 septembre 1911.)

[8] Les Femmes du Second Empire, p. 10.

[9] L'un de ceux qui se virent admis, et du plus près, à un tel coup d'œil, disait de cette gorge osément présentée qu'elle se dressait fière comme celle des jeunes Mauresques.

[10] Loc. cit.

[11] Une belle comtesse est enrôlée dans la diplomatie italienne. Je l'ai invitée à coqueter avec l'empereur. Je lui ai promis, en cas de succès, que je demanderai, pour son frère, la place de secrétaire, à Pétersbourg. Elle a commencé discrètement son rôle, au concert des Tuileries. (Lettre de Cavour à Luigi Cibrario, ap. Luigi Chiola.)

[12] Correspondance privée de Mme de Castiglione, CCXI et CCXL. Cf. p. 21.

[13] Lettere e documenti del barone Bettino Ricasoli, t. 3, p. 303.

[14] Presque personne n'était autorisé à en franchir le seuil.

[15] Ce cocher secret de l'empereur... On nous proposait, un jour, de nous communiquer ses... Mémoires !

[16] V. ses Mémoires posthumes.

[17] Faible argument dans une cause étrangère.

[18] Grand-oncle de l'empereur Guillaume II.

[19] Habile à trouver des raisons, Cavour s'était attaché à démontrer, devant les deux Chambres de son pays, que le Piémont, maître du grand port de Gênes, avait intérêt à disputer aux Russes l'exclusive domination de la Méditerranée. Cf. Atti del Parlamento Subalpino, t. VI.

[20] Le comte Walewski.

[21] 1er juillet 1857.

To the Countess Castiglione.

A lovely gift. I fain would send to thee.

What I deem loveliest in this mirror see.

HOLLAND.

[22] A titre d'enseignement historique, recueilli au passage, voici la lettre, comme elle fut écrite de la main de Richelieu :

Le 12 septembre 1642.

Votre Majesté, aura, tout à la fois, des nouvelles bien différentes : l'une est la reddition et la prise de Perpignan, qui est la plus belle et la plus considérable place de la terre, pour la France ; l'autre est la condamnation et l'exécution de Monsieur Le Grand et de M. de Thou, qui se sont trouvés si coupables, au jugement de tous leurs juges, qu'ils ne virent jamais procès plus clair.

Ces deux évènements font voir combien Dieu aime Votre Majesté ; je le supplie qu'il continue à verser ses bénédictions sur Elle et qu'il me renvoie la santé pour la servir longtemps encore.

RICHELIEU.

Puisque nous en avons effleuré le sujet, lisons et méditons encore cette fin de la seconde épître envoyée, conjointement, par le cardinal à ses intendants :

Je n'ai pas le temps de vous en écrire plus au long. Perpignan est aux mains du roi, M. Le Grand et M. de Thou, dans l'autre monde ; ce sont deux faits de la bonté de Dieu (!) pour l'État et pour la Foi, qu'on peut dire égaux.

CARDINAL DE RICHELIEU.

[23] Particulière rencontre de noms : le marquis Henri de Cinq-Mars, favori de Louis XIII, s'appelait, en outre, Coiffier de Ruzé d'Effiat. Au reste, nous devons dire que cette madame de Coiffier n'est ici qu'un pseudonyme, adopté par jeu, et que Mme de Castiglione se plut à l'arborer souvent, on ne sait pourquoi.

[24] Cavour connaissait bien le duc d'Aumale. Peu de temps avant la guerre d'Italie, ils eurent ensemble ce bout de dialogue, dont nous retrouvons le détail, dans une lettre inédite du prince :

L'Empereur ne vous aime pas, disait Cavour.

J'en suis convaincu.

Bien, mais ce que vous ne savez peut-être pas, c'est à quel degré il vous craint.

[25] Lettre inédite, Twickenham, s. d.

[26] Portrait en pied, par Philippe de Champagne, aujourd'hui dans la galerie de Chantilly.

[27] J'ai, ce soir, après notre dîner, tête à tête, à vous montrer quelqu'un. Ça ne vous empêchera pas de déjeuner vite, peu et tôt, aux Roses (un salon du café Voisin), avec nœud jaune, le même, encore frais comme moi, vous savez celui de la Coiffier de 1857. (Correspondance inédite de Mme de Castiglione, lettre CCXXXVI.)

Ce fameux nœud jaune a toujours fait fureur et malheur. Il existe, sinon intact, du moins non fané ; il serait encore capable dé causer bonheur, sans horreur de l'âge de ses sentiments, qui n'ont déteint sur lui qu'en larmes de douleurs et de regrets. (Lettre CCLI.)

Tenez, je vous ferai cadeau du nœud jaune, pour qu'il reste dans les souvenirs légendaires de Baromesnil, avec les clefs d'or. (Lettre CCCXLIII.)

[28] Nous en trouvons la date d'acquisition consignée sur l'original d'une lettre du duc d'Aumale à l'un de ses anciens condisciples du collège Henri IV, lettre courte, toute simple, toute rurale, et dont nous voulons prendre copie, pour l'aimable familiarité des détails :

Embercourt, 29 septembre 1852.

Mon cher Louis, j'ai réalisé mon projet d'établissement et j'ai acheté la maison, que le Roi occupait, en 1816, à Twickenham. Je viens vous rappeler votre promesse de me procurer quelques belles espèces de volailles. Mandez-moi, si vous avez quelque occasion de les faire parvenir à Londres, où je les enverrais prendre.

Je n'ai guère. rien de plus à vous dire. D'ailleurs, si j'avais quelque secret à vous confier, je choisirais une autre voie que la poste. Cependant, l'indiscrétion officielle ne m'empêchera pas de vous dire que je voudrais bien avoir d'autres services à vous demander que celui-ci. En attendant ces heureux jours, je suis, de près ou de loin,

Votre affectionné,

HENRI D'ORLÉANS.

[29] Ce fut en 1869. Il en écrivait dans les termes les plus pénétrés à l'un de ses amis de France : Je savais bien que votre cœur était avec le mien et qu'une impossibilité pouvait seule vous empêcher de rendre un dernier hommage à ma chère et angélique femme. J'avais été déjà bien éprouvé, mais ce coup passe tous les autres, je me sens affreusement seul et malheureux. (Lettre inédite, à Estancelin, Woodnorton, 30 décembre 1867.)

[30] Récit d'un témoin, ap. Ernest Daudet, le Duc d'Aumale.

[31] Nous avons fait quelques jolies chasses à tir de faisans et de perdrix, mais pas de chasses à courre et pour cause. Enfin, nous avons adjoint à nos sports la pêche du brochet, la plus dramatique et la plus savante des pêches d'eau douce. (Duc d'Aumale, Lettre inédite, Richmond, 9 janvier 1856.) Tout ce mois a été, pour nous, un mois de liesse et de chasses. (Id., Twickenham, 26 décembre 1861.) L'équipage du lièvre va bien et donne beaucoup de sport. Les chasses au renard ne languissent pas non plus. Mon petit bois se peuple ; nous y avons tiré trois cent cinquante faisans, cette année. Mais je n'ose parler de cela, quand je pense aux chasses que j'ai faites, chez nos amis ; au reste, je ne tiens pas à faire de grandes battues, ici ; j'ai, maintenant, de quoi broussailler et cela me suffit. (Id., Lettre inédite, Woodnorton, Evesham, 6 février 1865.) En d'autres temps, il courait le chevreuil ou poursuivait le sanglier.

[32] Henri d'Orléans adora la Sicile, Palerme et les vins de Zucco. N'oubliez pas, écrivait-il à l'un de ses hôtes attendus, que Palerme est le plus délicieux climat du monde. (Lettre inédite du duc d'Aumale, Twickenham, 9 septembre 1856.) Deux ans plus tard sa plume jetait à la même adresse cette comparaison curieuse entre Nice et Palerme, tout à l'avantage de la cité sicilienne. J'espère que le climat de Nice vous procurera un bien infini. On dit que c'est charmant ; pour moi je ne voudrais pas y être en peinture ; j'ai idée que c'est un endroit bâtard qui n'est ni l'Italie, ni la France, avec des villas anglaises et une société russe brochant sur ; le tout. Mais Palerme, mais la Sicile, mais l'Italie tout entière, parlez-moi de cela ! (Lettre inédite, Twickenham, 20 novembre 1858.)