Né à la fin de l'année 1553, Henri IV, en mai 1610, n'était âgé que de cinquante-six ans, quatre mois et vingt jours. D'une constitution privilégiée, à la fois souple et robuste, que les fatigues d'une vie si accidentée avaient à peine entamée, il semblait destiné, par les lois ordinaires de la nature, à fournir encore une longue carrière. Jamais, en effet, il n'avait paru plus actif, plus dispos, plus animé et en plus forte possession de la vie pour nous servir de l'expression de madame de Staël, parlant de Mirabeau, qu'à ce moment unique où, souverain respecté, populaire, d'un pays réorganisé, régénéré, tranquille, prospère, à la tête d'une nation qui reflétait la mâle et cordiale physionomie de son roi, d'une famille de six enfants (trois fils et trois filles), promettant à la France des règnes glorieux et des alliances fécondes, il se préparait, fort des méditations et des ressources de sept années de repos, à cette grande guerre, de principe plus que d'intérêt, de réparation plus que de conquête, destinée à fonder, sur des hases durables, l'équilibre européen et la' paix perpétuelle. Nous ne saurions ici aborder l'étude de ces réformes et de ces progrès dont le simple exposé déborderait le cadre d'un ouvrage qui ne saurait être que le tableau rapide et succinct, borné aux traits essentiels et aux résultats définitifs, des événements d'un grand règne. Nous n'avons pas manqué d'ailleurs de signaler avec soin, chaque fois que nous les avons rencontrés, et au moment de leur première éclosion, les germes que le génie du roi et de son principal ministre devaient féconder et développer plus tard. Nous n'étonnerons donc personne, parmi nos lecteurs, quand, nous arrêtant un moment dans une courte halte, au sommet de la montagne, nous embrasserons d'un coup d'œil en leur compagnie, le superbe panorama de la France laborieuse, industrieuse, heureuse, telle qu'elle apparaît en 1610, avec ses voies de communications multipliées et assurées, ses canaux animés par un incessant mouvement de transport et d'échange, ses coteaux chargés de vignes, ses champs de blé, d'orge, de maïs, de riz, de chanvre et de lin, ses pâturages enrichis d'herbes nourricières nouvelles, ses plantations de mûriers et de houblons bordant les routes ou les chemins, ses campagnes remplies des travaux et des plaisirs agrestes, ses villes et surtout sa capitale fières de l'augmentation de leurs habitants et de leurs monuments nouveaux. Cette prospérité matérielle, partout souriant aux yeux, était due à une série de mesures qui avaient d'abord rétabli dans le pays l'harmonie et la santé morales, sans lesquelles la grandeur des peuples se réduit à de vaines et fugitives apparences. Nous en énumérerons brièvement quelques-unes, renvoyant les lecteurs curieux de détails et de preuves aux excellents ouvrages, dont nous n'avons pu songer à extraire que quelques faits, quelques exemples, quelques fruits de cette abondance et de cette prospérité de notre pays, durant cette époque de 1600 à 1610, considérée par les historiens et les poètes contemporains comme une sorte d'âge d'or[1]. Les finances sont le nerf de la guerre et de la paix. Les peuples qui ont de bonnes finances, des impôts bien proportionnés, un budget en équilibre, une dette publique en voie régulière et progressive d'amortissement, des réserves pour les cas imprévus, ont un bon gouvernement ; car les mauvais ne peuvent rien donner de tout cela. Si nous résumons, à ce point de vue, l'état de la France en 1610, nous trouvons que les revenus publics ordinaires et extraordinaires avaient été portés de vingt-trois à trente-neuf millions, tout en supportant un dégrèvement, sur les charges populaires, de quatre millions, spontanément accordé par un roi plus soucieux d'accroître le bien-être de ses sujets que d'augmenter ses revenus. Il avait été acquitté 100 millions de dette exigible, remboursé 5 millions de rente représentant un autre capital d'environ 100 millions, racheté pour 35 millions de domaine, en tout 235 millions du temps. Il sui de là que les deux tiers de la dette générale avaient été acquittés, et que sur le tiers restant, 45 millions d'aliénations du domaine devaient encore être éteints dans seize ans. Si aux 235 millions de dette déjà payés, on joint les 43 millions d'argent comptant (thésaurisés par Sully et gardés par lui en réserve) on arrive au total de 278 millions, pour chiffre du capital que Henri IV et Sully avaient rendu à la France pendant une administration de treize ans et quatre mois ; les 278 millions de ce temps-là correspondaient à un milliard d'aujourd'hui, d'après la supputation suivie jusqu'ici dans cette histoire et à une somme bien autrement considérable, d'après d'autres calculs ![2]... C'est ainsi qu'aux divers points de vue des ressources acquises, des charges diminuées, des réserves assurées, de l'abondance et du mouvement du numéraire, du crédit intérieur et extérieur, la France, en 1610, était devenue la première puissance financière de l'Europe et du monde. Henri IV et Sully ont été, en matière de finances et d'impôts, les plus grands novateurs, les plus grands révolutionnaires que l'on trouve dans toute notre ancienne histoire. H faut ajouter que quand des hommes, même éminents, s'éloignèrent de leurs idées, ces hommes échouèrent complètement dans leurs tentatives de réformes. Il en fut ainsi pour la gabelle : Henri IV et Sully voulaient faire du sel une marchandise, au lieu d'un impôt : ils avaient fixé l'époque de ce changement à l'année 1614, à la fin de la lutte contre la maison d'Autriche ; la mort et la perte du pouvoir empêchèrent seules l'exécution de ce projet. Louis XIV et Colbert tentèrent de remédier aux criants abus de la gabelle ; mais en partant du principe que le sel devait être maintenu à l'état d'impôt, et non converti en marchandise, ils n'opérèrent qu'une réforme insuffisante et momentanée. La gabelle reprit bientôt toute son insigne âpreté, toutes ses violences ; elle porta progressivement le sel jusqu'à quatorze sous la livre, et contraignit l'homme du peuple à le prendre, bon gré mal gré, à ce prix ; elle resta le fléau, le supplice des classes pauvres jusqu'à la révolution de 1789, laquelle n'opéra leur délivrance qu'en mettant en pratique les idées de Henri et de son ministre[3]... Le résultat extérieur de ces réformes et de ces progrès fut celui-ci : Par les mesures combinées qu'adoptèrent Henri IV et Sully, ils firent de la France une puissance infiniment supérieure à l'Espagne, à l'Allemagne, à l'Angleterre ; ils en firent la première puissance financière de l'Europe. En lui donnant cette force, que les souverains étrangers reconnurent bien vite, ils la rendirent, à la fin de ce règne, l'arbitre pacifique de l'Europe dans les démêlés de l'Espagne et de la Hollande, des Vénitiens et du Pape. Dans les questions de politique générale et de suprématie, qui ne pouvaient se résoudre que par la guerre, ils lui fournirent les moyens d'intervenir avec une armée de 101.000 hommes, qu'aucune puissance en Europe n'était en état, ni de lever, ni d'entretenir ; de décider irrésistible ment ces questions à son avantage ; de prendre dès l'abord, et sans obstacle sérieux, le rang que Richelieu et Louis XIV ne lui assignèrent que bien plus tard et avec tant d'efforts[4]... À l'intérieur, les résultats de l'administration de Henri IV et de Sully ne furent pas moins magnifiques. Henri encouragea, honora, récompensa les deux grands réformateurs de l'agriculture et de l'industrie de son temps, Olivier de Serres et Barthélemy Laffemas. Pour ne parler que du premier, Henri l'appela à la cour, s'entretint fréquemment et familièrement avec lui, accepta la dédicace de son Théâtre d'agriculture, ouvrage encore classique aujourd'hui, aux yeux des hommes les 'plus compétents, le propagea par toutes sortes de faveurs et de témoignages, se le faisant lire tout haut après ses repas, et louant ses doctrines et ses préceptes. La France agricole dut, à cette intelligente et libérale protection, la création d'une industrie nouvelle, celle de la sériciculture, et l'introduction, dans la culture et dans l'usage, du maïs, du houblon, de la betterave, de la garance, du sainfoin. Aussi, sous ce gouvernement réparateur et rénovateur, travaillant sans cesse à diminuer les charges, à augmenter les ressources, à favoriser les travaux des champs, à assurer leur sécurité, à multiplier les débouchés, sous ce gouvernement, l'argent abonde et les pistoles d'Espagne sont plus communes en France qu'en Espagne. La liberté assurée au commerce des grains depuis 1598 partiellement, depuis 1601 généralement, et maintenue après eux jusqu'à la disette de 1661, enrichit le producteur. Le prix du froment suit une progression continuellement ascendante : parti en 1598 de neuf livres seize sous six deniers le setier, argent le roi, il arrive en 1660, jusqu'à dix-sept livres, c'est-à-dire à près du double. Aussi, le paysan est tranquille, riche, heureux. Olivier de Serres, bénissant le roi d'avoir rempli et rouvert les deux sources de la prospérité nationale, les deux mamelles de vie, l'agriculture et l'industrie, lui montre son peuple, par ses travaux, demeurant en seureté publicque sous son figuier, cultivant sa terre comme â ses pieds, à l'abri de sa Majesté, qui a à ses costés la justice et la paix. Et un contemporain, par sa jeunesse, de Henri IV, l'abbé de Marolles, dans ses Mémoires, décrit, en des termes naïfs et charmants, la fertilité des campagnes de la Touraine en 1609, et la prospérité des habitants de cette nouvelle vallée de Tempé. Comment ne pas s'attendrir à ces souvenirs idylliques, comme le fait le bon abbé, quand il songe à cette mort tragique, qui a changé si subitement et si fatalement la joie en douleur, l'abondance en disette, et en un deuil stérile le riant spectacle des champs ? L'idée qui me reste de ces choses-là me donne de la joie. Je revois en esprit, avec un plaisir non pareil, la beauté des campagnes d'alors ; il me semble qu'elles étoient plus fertiles qu'elles n'ont été depuis ; que les prairies étoient plus verdoyantes qu'elles ne sont à présent et que nos arbres avoient plus de fruits. Il n'y avoit rien de si doux que d'entendre le ramage des oiseaux, le mugissement des bœufs, et les chansons des bergers. Le bétail étoit mené sûrement aux champs, et les laboureurs ver-soient les guérets pour y jeter les blés que les leveurs de tailles et les gens de guerre n'avoient pas ravagés. Ils avoient leurs meubles et leurs provisions nécessaires et couchoient dans leurs lits. Qnand la saison de la récolte étoit venue, il y avoit plaisir de voir des troupes de moissonneurs courbés les uns près des autres, dépouiller les sillons, et ramasser au retour les javelles, que les plus robustes lioient ensuite, tandis que les autres chargeoient les herbes dans les charrettes, et que les enfants, gardant de loin les troupeaux, glanoient les épis qu'une oubliante affectée avoit laissés pour les réjouir. Les robustes filles de village scioient les blés, comme les garçons, et le travail des uns et des autres étoit entrecoupé de temps en temps par un repas rustique, qui se prenoit à l'ombre d'un cormier ou d'un poirier, qui abattoit ses branches chargées de fruits, jusqu'à la portée de leurs bras... ... Après la moisson, les paysans choisissoient un jour de fête pour s'assembler et faire un petit festin qu'ils appelaient l'oison de métive (c'est le mot de la province). A quoi ils convioient non seulement leurs amis, mais encore leurs maitres, qui les combloient de joie, s'ils se donnoient la peine d'y aller. Quand les bonnes gens faisoient les noces de leurs enfants, c'étoit plaisir d'en voir l'appareil ; car outre les beaux habits de l'épousée qui n'étoient pas moins que d'une robe rouge et d'une coiffure en broderie de faux clinquant et de perles de verre, les parents étoient vêtus de leurs robes bleues bien plissées, qu'il tiraient de leurs coffres parfumés de lavande, de roses sèches et de romarin. Je dis les hommes aussi bien que les femmes ; car c'est ainsi qu'ils appeloient le manteau froncé qu'ils nettoient sur leurs épaules, ayant un collet haut et droit, comme celui de quelques religieux : les paysannes proprement coiffées y paroissoient avec leurs corps-de-cotte de deux couleurs. Les livrées des épousailles n'étoient point oubliées ; chacun les portoit à sa ceinture ou sur le haut-de-manche. Il y avoit un concert de musettes, de flûtes et de hautbois, et après un banquet somptueux, la danse rustique duroit jusqu'au soir. On ne se plaignoit point des impositions excessives ; chacun payoit sa taxé avec gaieté, et je n'ai point de mémoire d'avoir oui dire qu'alors un passage de gens de guerre eût pillé une paroisse, bien loin d'avoir désolé des provinces entières, comme il ne s'est vu que trop souvent depuis, par la violence des ennemis. Telle fut la fin du règne du bon Henri IV, qui fut la fin de beaucoup de bien et le commencement d'une infinité de maux, quand une furie enragée Ôta la vie à ce grand prince[5]. Que l'on compare en effet la prospérité de ce temps heureux où vraiment, suivant le vœu célèbre d'Henri IV, le paysan mettait sa poule au pot le dimanche, à la détresse et à la misère des faméliques temps de la Fronde, où il fallut, pour les combattre, tout le génie charitable d'un saint Vincent de Paul ! Qu'on compare l'année 1610 même au plus beau moment du règne de Louis XIV, à cette année 1675 où Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné, montrait les paysans vivant, pendant l'hiver, de pain de glands ou de racines, et même de l'herbe des prés et de l'écorce des arbres. Qu'on songe aux révélations navrantes de Bois-Guillebert, de Vauban, de Fénelon, de Saint-Simon, au célèbre et terrible portrait du laboureur par La Bruyère. Qu'on pense aux détails fournis en 1740 par Massillon, et plus tard par Buffon et Turgot, sur la condition des habitants de l'Auvergne, du Limousin, et à ce pain de fougère montré à Louis XV comme trompant la faim d'une partie de son peuple ! Qu'on se rappelle tout cela,. et qu'on admire Henri. Si l'agriculture, l'industrie, le commerce, les routes, les canaux, la colonisation, avaient tour à tour excité la sollicitude d'Henri IV, et reçu les marques de son génie, l'état moral, intellectuel, militaire, politique du pays n'avait pas moins été l'objet de ses méditations et de ses réformes. Il avait reconstitué l'unité française, en respectant les franchises municipales, les privilèges des états, en fortifiant à la fois la centralisation administrative, dans ses liens nécessaires, et en délivrant la liberté individuelle et provinciale d'entraves inutiles. Il avait supprimé les exemptions nobiliaires criantes, imposé, à l'esprit oligarchique, la crainte de ses intendants et de ses magistrats, supprimé les derniers vestiges de l'anarchie féodale, policé les routes, réglementé sévèrement le port d'armes, prohibé les duels. Il avait enfin fait de la France agrandie par la réunion spontanée à la couronne de son domaine privé[6], gouvernée en fait sinon en droit, suivant les principes de la royauté tempérée, une monarchie qui valait la meilleure des républiques. La justice avait été réorganisée et améliorée, quoique incomplètement encore ; mais Henri avait ouvert les yeux sur les vices de la Paulette, et plus d'une réforme nécessaire était déjà arrêtée dans son esprit, incessamment occupé de ce devoir essentiel de la royauté. Il répétait souvent : Dieu me fera peut-être la grâce, dans ma vieillesse, de me donner le temps d'aller, deux ou trois fois par semaine, au Parlement, comme y alloit le bon roi Louis XII, pour travailler à l'abréviation des procès. Ce seront là mes dernières promenades. L'attention du roi militaire et du roi politique avait été, on le comprend, non moins profondément attirée par les défectuosités de cette organisation de l'armée, qui lui rappelait tant de déceptions, et dont l'amélioration se liait pour lui au succès de ses plus chers et de ses plus vastes projets. L'armée, sous Henri IV, devient permanente, nationale ; l'artillerie et le génie y sont l'objet d'efforts et de perfectionnements incessants. Le recrutement, la solde, l'entretien, la discipline, les hôpitaux, tout y est créé ou réformé suivant les besoins révélés par l'expérience ou les progrès suggérés par l'étude. Et c'est vraiment une armée nouvelle, supérieure à tous les types connus jusque-là, que Henri allait mettre au service de ces idées originales, de ces projets hardis et féconds, de ce remaniement de l'Europe suivant les principes de la politique moderne : l'équilibre des forces, et la liberté religieuse, de ce Grand Dessein enfin, qui, s'il eût été réalisé, eût changé le monde et l'histoire. Réduit à ses termes essentiels, à ses vues certaines, débarrassé de tout alliage d'utopie ou de fantaisie, le plan d'Henri IV, en vue duquel, depuis sept ans, était combiné tout son système d'alliances à l'extérieur et de réformes à l'intérieur, avait pour but de détruire tout ce qui demeurait de l'abusif, chimérique, tyrannique chef-d'œuvre de Charles-Quint et de Philippe II, c'est-à-dire le projet d'établir en Europe la monarchie universelle de la maison d'Autriche, et de fonder l'unité catholique par l'extermination de tous les cultes dissidents, la Réforme, le judaïsme, le mahométisme. Le prince dont l'éternel honneur demeure d'avoir été le fondateur de la liberté religieuse en France et son plus actif propagateur en Europe, voua, pendant les dix années de 1600 à 1610, toutes ses méditations, tous ses efforts à préciser le but, à réunir les moyens, à choisir les auxiliaires d'un projet tout contraire à celui de l'ambition espagnole, qui en forme la contrepartie et la revanche, au projet d'une guerre pour la paix, d'une coalition pour la liberté, d'une croisade pour la tolérance. Voici le résumé des voies et moyens de ce plan formidable et réparateur. La coalition contre les deux branches de la maison d'Autriche, préparée par Henri IV de 1601 à 1607, achevée et complétée par ce prince en 1609 et 1610, la prise d'armes de la moitié de l'Europe, résultant du plan, d'attaque concerté entre les alliés, sont attestés par six hommes d'État, dont quatre concoururent à la formation et à l'armement de la coalition, dont deux virent les restes de cette entreprise, ou eurent entre les mains des preuves diplomatiques de son existence[7]. Ces six hommes d'État sont : Sully, d'Aubigné, La Force, Bassompierre, Fontenay-Mareuil et le cardinal de Richelieu. Henri avait associé à ses desseins contre la branche espagnole le duc de Savoie, les Vénitiens, le grand-duc de Toscane, les petits princes d'Italie, le Pape, les Suisses avec les Grisons et les Génevois, les Lorrains, les Hollandais, les Anglais, ces deux dernières puissances s'engageant à prendre les armes aussi bien contre la branche espagnole que contre la branche allemande. L'Espagne dégénérée de Philippe III, qui venait de signaler son fanatique désespoir par la proscription en masse de tout un peuple, les Morisques, devait être réduite à ses limites normales et restreinte à son développement régulier. Les confédérés conservaient à Philippe III une partie de ses possessions des Indes et ses colonies d'Amérique ; mais en Europe, ils ne lui laissaient que l'Espagne et les îles voisines. Le Milanais, la Sicile, le royaume de Naples, h Franche-Comté, les Pays-Bas lui étaient confisqués et partagés entre les confédérés. Le duc de Savoie réunissait le Milanais et la plus grande partie du Montferrat à ses États héréditaires, et devenait roi de Lombardie. Les Vénitiens recevaient la Ghiara d'Adda et la Sicile ; le Pape arrondissait du royaume de Naples les États pontificaux. Le roi de France renonçait aux prétentions ou droits anciens de sa couronne sur la Sicile, le royaume de Naples et le Milanais, et les transportait, chacun suivant sa part, à ses alliés. Le grand-duc de Florence obtenait Porto-Hercole et Orbitello, el d'autres villes et forteresses formant la ceinture de présides et d'enclaves, dans laquelle les Espagnols le resserraient à l'étouffer. Les petits princes d'Italie étaient gratifiés et agrandis proportionnellement à leur importance. Les Suisses avaient pour butin la Franche-Comté. La Hollande recevait comme prix de son intervention le Brabant nord avec Berg-op-Zoom, Breda, Steenbergen, Rozendaal, la ville et province d'Anvers, le nord de la Flandre occidentale et orientale avec Bruges, L'Écluse, Ostende, Oostburg, Axel, Hulst, Damme, Aardemburg et leurs territoires, les restes, enlevés à l'Espagne, des sept Provinces-Unies engagées dans l'union d'Utrecht, enfin Java. Le reste des provinces espagnoles des Pays-Bas était partagé entre la France et l'Angleterre ; la première prenant l'Artois, Cambrai, Tournay et leurs territoires, la province de Namur, le duché du Luxembourg ; l'Angleterre la partie de la Flandre non attribuée aux Hollandais, le Brabant sud et la juridiction de Malines. Si l'on considère l'état de décadence de la monarchie espagnole en 1610, tellement épuisée d'hommes (le siège d'Ostende venait de lui en coûter 70.000) qu'elle n'en pouvait plus chercher que dans les provinces wallonnes et allemandes qu'on allait lui enlever, et, tellement ruinée d'argent, après les quatre milliards neuf cent millions de dépenses extraordinaires faites sous Philippe H, qu'elle ne trouvait plus de ressources ni de préteurs, on voit que ces calculs étaient moins téméraires et ces partages moins chimériques en réalité qu'en apparence. Henri IV avait soulevé et armé contre la branche allemande les Hollandais et les Anglais qui devaient attaquer les princes du nom d'Autriche, d'abord dans les duchés de Clèves et de Juliers, et ensuite dans le reste de l'Allemagne, avant de se tourner contre la branche espagnole dans les Pays-Bas ; le roi de Danemark, le roi de Suède, les princes réformés et les villes libres d'Allemagne. Le roi avait encore disposé à la révolte et à une prise d'armes les populations de la Hongrie, de la Bohême, de la Moravie, de la Silésie, de la Lusace et même d'une partie de l'Autriche. Dans l'assemblée de Hall, en Souabe, Henri avait arrêté et résolu, de concert avec les princes d'Allemagne, les mesures propres à enlever à la branche allemande de la maison d'Autriche tout ce qu'elle avait acquis ou usurpé depuis 1437, tout ce qui avait entretenu dans cette maison les idées et les projets de monarchie universelle, au détriment de la paix et de l'indépendance de l'Europe. Ces résolutions de l'assemblée de Hall avaient été ensuite adoptées par le Pape, les Vénitiens, le duc de Savoie, les Hollandais et les autres alliés de Henri[8]... D'après le plan et la convention arrêtés entre les parties intéressées, et par un hommage au droit qui leur faisait honneur, les six pays et seigneuries composant la succession de Juliers étaient restitués aux héritiers naturels, aux légitimes propriétaires. La dignité impériale, la suprématie attachée à ce titre étaient enlevés à la maison d'Autriche. Les électeurs, rentrés dans la liberté de leur droit, promettaient toutefois de choisir dès à présent pour roi des Romains, et à la mort prochaine de Rodolphe, en qualité d'empereur, un prince étranger à la maison déchue. Il était stipulé que leur choix ne pourrait jamais se porter deux fois de suite sur un prince de la même maison. Le droit d'élire leur souverain, rendu aux royaumes de Hongrie et de Bohème, aux duchés, marquisats de Silésie, de Moravie, de Lusace, de Basse-Autriche, équivalait pour eux leur affranchissement de la tutelle oppressive qu'ils avaient subie, et ne les soumettait plus qu'à une suzeraineté nominale. La souveraineté et l'investiture des huit autres provinces formant les États héréditaires devaient revenir, selon toute probabilité, pour prix de leurs services, aux petits princes allemands entrés dans la coalition. L'abaissement croissant de la branche allemande de la maison d'Autriche, les dissensions de cette maison, où l'archiduc Mathias cherchait à détrôner son frère, l'empereur Rodolphe, et où l'archiduc Léopold armait contre tous deux, promettaient aux opérations de la coalition, au Nord, une issue aussi favorable qu'au Midi. Rien n'avait été négligé d'ailleurs pour que la grandeur des préparatifs répondit à la grandeur du but. La coalition disposait de 238.000 soldats et d'une artillerie de 200 canons. Dans cette réunion de forces, la part de la France était de 101.000 soldats et de 80 canons ; elle fournissait quatre armées destinées à agir : deux en Espagne, une en Italie, une en Allemagne. Les ressources financières de cette croisade politique et laïque étaient à la hauteur de son armement et au niveau de tous les besoins prévus et imprévus. Le trésor de la guerre — 41.345.000 livres, déposées en numéraire ou en créances, immédiatement réalisables dans les caves de la Bastille ; 81.000.000 de recettes extraordinaires obtenues par l'amélioration des fermes publiques — mettait à la disposition du roi, en trois ans, 122.345.000 livres, qui le dispensaient de recourir à l'impôt ou à l'emprunt pour subvenir aux frais de la lutte. La coalition n'était pas moins munie. Les puissances confédérées avaient fait un fonds assuré de 28.870.000 livres, pour le même espace de trois ans. Rien ne manquait donc à cette grande expédition des moyens qui peuvent donner le succès. Rien ne lui manquait non plus de cette confiance qui l'attire, de ces heureux auspices qui permettent de l'espérer. Partout la fortune se montrait propice, prête à inaugurer par ses faveurs la première union de la Force et du Droit. L'ennemi se sentait vaincu d'avance et les confédérés jouissaient d'avance de leur victoire, quand ils considéraient l'adversaire qu'ils allaient avoir en face, le chef qu'ils s'étaient donné, cet Henri IV, salué par l'admiration universelle du titre de grand capitaine et de grand politique. Henri ressentait tour à tour les espérances qu'il inspirait et les craintes qu'il provoquait ; son état moral, durant le mois de mai 1610, offre le mélange et le contraste d'impressions et de sensations qui troublent souvent les grandes âmes, au lendemain des excessives fatigues d'esprit, à la veille des événements décisifs. Henri se sentait donc soumis à toutes les alternatives, à toutes les vicissitudes intérieures qu'éprouvent, à certaines heures importantes de la vie, les hommes doués d'une imagination vive et d'une sensibilité délicate. Tous les contemporains sont d'accord pour constater que pendant les quinze derniers jours de son existence, il se montrait le plus souvent, serein, confiant, plein de l'alacrité de l'action et de la victoire prochaine, parlant avec exaltation de ses desseins, avec orgueil de ses armées, avec joie de son espoir de voir bientôt la fin d'une guerre aussi courte que décisive, qu'il voulait mener par grands coups, d'une façon rapide, presque foudroyante. Mais à ces expansions, à ces enivrements, à ces jovialités se mêlaient subitement des humeurs sombres, de longs silences, des pressentiments prophétiques, de mélancoliques lassitudes, des recommandations testamentaires. Cet état d'agitation et de trouble s'explique d'ailleurs lorsqu'on songe à la suprême partie qu'Henri allait engager, à son affection pour ses enfants qu'il fallait quitter, à l'attendrissement naturel des adieux, à cette vie domestique et populaire qu'il aimait, à ces belles parties de chasse dont les hasards aventureux rempliraient un volume, à ces repas, aux entretiens familiers, à ces visites à Sully, à ces promenades à travers ses bâtiments nouveaux, à ces excursions incognito, où il apprenait tant de choses. Il ne se résignait pas sans peine à renoncer à tout cela. De plus, les scènes violentes et les explications orageuses qui avaient eu lieu, depuis quelque temps, entre le Roi et la Reine, poussée par des conseillers ambitieux à demander, à exiger, avant le départ du roi pour l'armée, sa consécration solennelle et son installation comme Régente, n'étaient un mystère pour personne, ni à la cour, ni à la ville ; cette circonstance suffirait à expliquer, à elle seule, l'ébranlement causé aux nerfs de Henri par des émotions si différentes de celles qui sont salutaires, et rendent moins pénibles les séparations inévitables. Enfin il faut tenir compte, dans les préoccupations et les appréhensions trahies par Henri, des avis qui lui montraient les intrigues de cour plus intenses que jamais, plus remuants que jamais les restes épargnés de la faction aristocratique, plus suspects que jamais les agissements des d'Épernon, des d'Auvergne, des d'Entragues, enfin qui l'engageaient à se garder, avec un redoublement de précautions et de vigilance, de quelque coup de partie, ménagé par ses adversaires français ou étrangers, de quelque tentative fanatique et désespérée dont il y avait des signes avant-coureurs, et qu'on sentait, pour ainsi dire, dans l'air. Henri n'avait malheureusement pas le droit d'être incrédule ni indifférent à de tels avis. Depuis l'attentat de Jean Châtel, chaque année une tentative nouvelle de quelque forcené avait fait trembler la France sur les jours du Roi, dix-sept fois mis en péril depuis son avènement. La liste de ces furieux, dont nous ne citons que les plus connus, s'ouvre, en1596, par Jean Guédon, avocat d'Angers ; en 1597, elle se continue par un tapissier de Paris, qui annonçait que si Chastel avait manqué son coup, il ne manquerait pas le sien ; en 1598, par le chartreux Pierre Ouin, du couvent de Nantes, excité à ce crime par l'agent espagnol Ledesma. Cette liste se poursuit, en 1599, par deux jacobins du couvent de Gand, Ridicoux et Argier, appartenant au même ordre que Jacques Clément, imbus des mêmes principes que lui, recevant à Bruxelles, à Rome, à Milan, les instructions et l'argent des agents espagnols. Il faut y joindre le capucin Langlois, du diocèse de Toul : tous furent exécutés le 3 avril 1599. On rencontre ensuite, en 1600, Nicole Mignon, qui avait formé le projet d'empoisonner le roi ; en 1602, Julien Guédon, digne frère de Jean, qui voulait employer le fer contre Henri, et qui avait impunément confié son secret au grand pénitencier de l'évêque d'Angers ; en 1603, un prêtre et un gentilhomme de Bordeaux, qui avaient concerté de l'assassiner de loin d'un coup d'arbalète. Ces complots empoisonnaient l'existence d'Henri, moins encore par les dangers auxquels ils l'exposaient sans relâche, que par le spectacle de l'incurable perversité qu'ils lui donnaient, et par l'amère pensée que la mort interromprait le cours de la régénération de la France[9]. Résolu à se conserver pour le salut des autres, comme le dit justement de Thou, Henri, frappé de la stérilité des supplices, chercha à désarmer, par la générosité, par la clémence, par le pardon, les passions qui complotaient sa mort avec un indomptable acharnement, et ce fanatisme aveugle qui continuait à prêcher dans l'ombre la sinistre et fatale religion du poignard. Il crut y réussir en cédant au vœu du Souverain Pontife, et en rappelant, malgré les objections de Sully, l'ordre des jésuites, proscrit à la suite de l'attentat de Jean Châtel. Le Roi persista à ne point frapper tout un corps pour la faute de quelques-uns de ses membres ; et un sentiment d'impartialité supérieure présida à la rédaction de ses lettres patentes du 2 janvier 1604, non moins que les motifs politiques et personnels que Sully a traduits en ces termes : Par nécessité il me faut à présent faire de deux choses l'une : à savoir de les admettre purement et simplement, les décharger des diffames et opprobres desquels ils ont été flétris, et les mettre à l'épreuve de leurs tant beaux serments et promesses excellentes ; ou bien les rejeter plus absolument que jamais, et leur user de toutes les rigueurs et duretés dont l'on se pourra aviser, afin qu'ils n'approchent jamais de moi et de mes États. Auquel cas, il n'y a point de doute que ce ne soit les jeter au dernier désespoir, et par icelui dans les desseins d'attenter à ma vie. Ce qui me la rendroit si misérable et langoureuse, demeurant toujours dans la défiance d'être empoisonné ou bien assassiné — car ces gens ont des intelligences et correspondances partout, et grande dextérité à disposer les esprits selon qu'il leur plaît —, qu'il me vaudroit mieux être déjà mort, étant en cela de l'opinion de César, que la plus douce mort est la moins prévue et attendue. Sur ces derniers mots, gagné autant par l'émotion que par la raison, Sully se rangea à l'opinion d'Henri, qu'il avait combattue, et que l'expérience sembla justifier ; car pendant six ans, les complots contre sa vie cessèrent absolument, et rien ne prouve que les jésuites aient pris part à celui de Ravaillac. Mais cette interruption même avait quelque chose d'équivoque et de menaçant ; Henri savait trop bien de quoi l'esprit de parti est capable, pour ne pas redouter secrètement quelque subite recrudescence d'une haine qu'il sentait plutôt assoupie qu'éteinte, et pour se laisser aller à l'entière confiance et à l'entière sécurité. Ses préparatifs achevés, ses dernières dispositions prises pour cette expédition si profondément française, destinée à rendre à notre pays ses limites naturelles[10], et dont le succès eût prévenu les horreurs de la guerre de Trente ans, le Roi annonça son départ de Paris. Le 19 mai, il devait quitter sa Capitale pour se rendre à son armée. Dans cette prévision, Henri acheva de pourvoir au gouvernement intérieur pendant son absence. Il arrêta de confier la direction de ce gouvernement à la Reine avec la qualité de régente ; il lui adjoignit un conseil de Régence composé de quinze membres, parmi lesquels on comptait le connétable de Montmorency, le chancelier de Sillery, le duc d'Épernon, M. de Villeroy et le président Jeannin ; la Régente ne pouvait rien décider sans l'avis de ce conseil, où sa voix ne comptait que pour un quinzième. Pour adoucir ce que ces précautions et défiances légitimes pouvaient avoir de pénible pour la Reine, qui s'en montrait offusquée et dépitée, Henri avait accédé à son désir d'une consécration solennelle et d'une entrée triomphale dans Paris, dissimulant ainsi sous les honneurs l'absence du pouvoir. Henri était profondément imbu des principes de la loi salique ; le souvenir du rôle prépondérant de Catherine de Médicis, du rôle effacé de la femme de Charles IX et de Henri III l'avait vivement frappé ; il ne voulait laisser ni trop ni trop peu de son autorité à une femme, chose toujours dangereuse : car elle a du génie ou n'a pas même d'esprit, et peut être tentée d'agrandir son mandat ou le laisser tomber en quenouille, se montrer capable d'en abuser ou incapable d'en user. C'est à partir de la veille du sacre de la Reine à Saint-Denis, église bien choisie pour un sacre que devait suivre une telle catastrophe[11], que les plus intimes serviteurs et les plus dévoués familiers d'Henri s'aperçurent de ces fluctuations en sens divers d'un esprit d'ordinaire si ferme, de ces alternatives de tristesse et de joie à travers lesquelles il ne pouvait reconquérir l'équilibre de son âme oscillant sans cesse de l'allégresse de l'espérance, de l'enivrement de la force, de la confiance dans la victoire, à cette mélancolie du bonheur, à ce dégoût de la grandeur, à cette lassitude de l'action, à cette aspiration au repos que, dans des circonstances pareilles, Alexandre, César, Charlemagne, Louis XIV, Napoléon ont éprouvées et exprimées tour à tour. Dans les derniers jours du mois d'avril, s'entretenant avec Bassompierre : — Je ne sais ce que c'est, lui dit-il, tout rêveur, mais je ne puis me persuader que j'aille en Allemagne. Le cœur ne me dit pas que tu ailles aussi en Italie[12]. Un autre jour, à la pensée de son armée, il éprouvait comme une subite impatience de s'y rendre, et à trouver, au milieu de ses fidèles compagnons, le remède à ces anxiétés irrésistibles qui le rongeaient sourdement. Il s'exaltait alors dans le sens de l'espérance et de l'orgueil. — Qu'y a-t-il au monde, s'écriait-il, qui puisse résister à cela ? Que ne feroient pas deux mille gentilshommes en présence de leur Roy ? Ils esbranleroient les montagnes[13]. Obligé, pour avoir la paix, d'accorder à Marie de Médicis le sacre qu'elle ambitionnait, il ne put lui refuser sa présence à cette cérémonie, qui n'était pas de son goût ; et malgré les instances de ses conseillers pour qu'il partit incontinent pour l'armée, il ajourna ce départ, mais avec peine et malgré lui. On l'entendait répéter souvent ce qu'il avait dit à l'Arsenal, chez Sully : — Pardieu ! je mourrai en cette ville, et n'en sortirai jamais ! Ils me tueront, car je vois bien qu'ils n'ont d'autre remède en leurs dangers que ma mort ! Ah ! maudit sacre tu seras cause de ma mort ![14] Le jeudi 13 mai, la reine fut sacrée et couronnée à Saint-Denis. Dominant ses répugnances et ses pressentiments, non-seulement le roi avait soigneusement présidé aux préparatifs de la cérémonie, mais il y assista exactement, la suivant dans ses moindres détails, et s'y associant même avec une émotion et une piété qui furent remarquées. Ce naïf élan de foi alla jusqu'à lui faire unir sa voix, pendant la Préface, suivant la coutume de nos anciens rois, à celle du prélat officiant, le cardinal de Joyeuse[15]. Vous ne sçavés pas, disoit-il plus tard à l'un de ses confidents, à quoy je pensois tout à l'heure, en voyant cette grande assemblée ? Je pensois au jugement dernier, et au compte que nous y devons rendre à Dieu[16]. Le lendemain vendredi 14 mai, le roi se leva de bonne heure, et vaqua à ses prières habituelles avec ce redoublement de ferveur et d'humilité qu'on remarquait en lui depuis quelque temps, dans ces entretiens avec Dieu, dont il sentait la main sur sa tête. Il alla, après un court entretien avec M. de Villeroy, se promener aux Tulleries avec le dauphin et le cardinal de Joyeuse. Il paraissait rasséréné, et cette promenade matinale, au milieu des chefs-d'œuvre de l'art et des charmes printaniers de la nature, lui avait fait du bien. De là, il se rendit aux Feuillants pour entendre la messe. Au sortir de l'église, rejoint par le duc de Guise et le maréchal de Bassompierre, qui l'accompagnèrent jusqu'au château, il les émerveilla par la vivacité et l'abondance de ces saillies qui jaillissaient de son esprit et de son cœur, comme l'eau jaillit de la source, comme la lumière jaillit du soleil. Mais, la source se tarit soudain, la lumière se voila d'ombre. Sur un compliment du duc de Guise, à propos de sa belle humeur, cette belle humeur changea. Il était revenu aux craintes, aux regrets, aux tendres et tristes reproches. Vous ne me connoissez pas maintenant, vous autres, dit-il à ses interlocuteurs surpris ; mais je mourrai un de ces jours, et quand vous m'aurez perdu, vous cognoistrés alors ce que je valois, et la différence qu'il y a de moi aux autres hommes. Et comme Bassompierre se récriait, l'adjurant de secouer ces tristes pensées, lui reprochant de faire injure au dévouement de ses serviteurs, à l'amour de son peuple, à ces prospérités qui l'environnaient et le défendaient de toutes parts. — Mon ami, répondit le roi, avec un soupir, il faut quitter tout cela[17]. Les pressentiments du roi, le combat agité incessamment, dans cette âme généreuse et loyale, entre les suggestions d'une trop juste méfiance et les scrupules d'une conscience sûre du bien qu'il avait fait, qui lui reprochait ses alarmes indignes de son peuple et indignes de lui : tous ces sentiments contraires se firent jour tour à tour dans les dernières paroles et les derniers actes d'Henri vivant. Pour ses moments d'appréhension et de pessimisme, ils ne s'expliquent que trop par la certitude d'avoir affaire à des ennemis intérieurs et extérieurs prêts à tout, et les nombreux avertissements qui se succédaient autour de lui, trop vagues pour lui permettre de se préserver, trop précis pour ne pas justifier ses doutes et ses soupçons. La confidente de Marie de Médicis, le mauvais génie d'une princesse étroite, égoïste, superstitieuse, marquée, moins l'énergie de la volonté et la puissance du calcul, de plus d'un des traits de la race et de la physionomie de cette Catherine de Médicis, dont elle était comme une empreinte effacée, Léonora Galligaï se piquait de sortilèges et de magie. Elle avait fait venir à la cour une nonne extatique, la mère Pasithée, qui avait déclaré savoir, par une vision, que le roi ne passerait pas cinquante-huit ans, et qu'il était urgent de sacrer la future régente[18]. D'autres prévisions faisaient concorder l'époque du couronnement avec celle de cet attentat, si nécessaire à tant de gens, si funeste à tant d'autres, mais qui semblait à tous inévitable, à ce point que des ordres mystérieux avaient déjà fait préparer, dans une secrète officine, le portrait en taille-douce de l'héritier de la couronne, du successeur d'Henri IV, qui apparut dans les rues trois jours après la mort d'Henri[19]. Autre rapprochement bien étrange, et qui n'a point encore été fait, dit un historien, cette idée, qui était celle de tant de monde, et faisait, en quelque sorte, partie de la monnaie courante de l'opinion commune, fut aussi celle de Ravaillac. Il attendit, pour tuer Henri IV, que la reine eût été sacrée, estimant, dit-il dans son second interrogatoire, qu'il n'y auroit pas tant de confusion en la France, le tuant après le couronnement, que si elle n'eût pas été couronnée[20]. Ajoutons aux motifs qui justifiaient les appréhensions d'Henri qu'il n'ignorait pas la prédiction selon laquelle il devait être frappé en carrosse, à la première grande magnificence qu'il feroit[21] ; que les horoscopes de l'astrologue La Brosse, souvent vérifiés, auxquels Sully et lui ne pouvaient s'empêcher d'avoir confiance, le menaçaient d'un sort tragique, et lui furent rappelés par le duc de Vendôme, selon Matthieu, dans la journée même de l'attentat ; enfin, que, par une coïncidence faite pour effrayer, pendant le couronnement de Marie de Médicis, la pierre qui couvrait l'entrée du sépulcre des rois se brisa d'elle-même[22]. Dans la matinée, le roi, s'entretenant tour à tour avec diverses personnes, notamment le président Jeannin, toucha successivement à tous les sujets qui occupaient sa vaste intelligence, qui passionnaient son infatigable sollicitude pour le bien de ses sujets. Il exprima notamment l'intention de travailler résolument à la réformation de son État en toutes ses parties, de soulager les misères du pauvre peuple, et de ne plus souffrir que cy après l'or eust plus de pouvoir en son royaume que la vertu et le mérite. Toujours affligé de ces divisions et dissensions qui, si souvent, avaient paralysé ses efforts, il ajouta qu'il faisait appel, pour l'aider dans cette grande entreprise, aux efforts de tous ses sujets[23]. Dans l'après-dînée, il se retira dans son cabinet pour écrire, mais il ne put rester longtemps en place ; il se leva, s'approcha d'une fenêtre et passant la main sur son front il s'écria : Mon Dieu ! j'ai quelque chose là dedans qui me trouble fort ! Il n'avait auprès de lui qu'un exempt des gardes. H voulut essayer de prendre quelque repos. Il s'étendit sur son lit et en fit tirer les rideaux comme s'il allait dormir. L'exempt s'aperçut bientôt que le roi s'était mis à genoux et qu'il priait. Cela fait, Henri se coucha de nouveau ; mais il était trop agité pour goûter aucun sommeil. H se releva et se promena quelque temps dans la chambre sans parler. Il se jeta encore une fois sur son lit et recommença à prier Dieu. Puis il fit quelques pas, et s'arrêtant près de l'exempt, il lui demanda quelle heure il était. L'exempt lui répondit qu'il était quatre heures, et se hasarda à ajouter : Sire, je vois votre Majesté toute pensive ; il vauldroit mieux prendre un peu l'air pour destourner cette humeur. Alors Henri : C'est bien dict ; faites apprester mon carrosse, je vais à l'Arsenal voir le duc de Sully que l'on m'a dict qui se baigne aujourd'hui. Et puis, je serois bien aise de voir en passant si toutes choses sont bien ordonnées. Il voulait parler des préparatifs qui se faisaient dans Paris pour l'entrée solennelle de la Reine[24]. Avant de sortir, le roi passa chez la reine. Au moment où il approchait de la chambre de Marie de Médicis, il rencontra sur le seuil le chancelier, à qui il donna quelques instructions ; et comme celui-ci s'excusait de le quitter pour aller tenir le conseil du sceau : — Allez, lui dit le roi en l'embrassant, je m'en vay dire adieu à ma femme. Il entra chez la reine, qu'il trouva assise entre deux de ses fils, le duc d'Orléans et le duc d'Anjou. Henri IV était le meilleur des pères. Tous ses actes, toute sa correspondance[25], tous les témoignages intimes recueillis jour par jour autour de lui[26], attestent le respect profond qu'il avait de la responsabilité du chef de famille, la mâle et tendre effusion de cœur avec laquelle il se portait au devoir d'aimer ses enfants, et au bonheur d'en être aimé. Il partageait leurs jeux, excitait leurs saillies, et plus d'une fois les plus graves serviteurs de l'État ou les ambassadeurs des puissances le trouvèrent faisant le père, c'est-à-dire faisant l'enfant avec eux. On connaît la scène d'intérieur charmante, dans laquelle l'ambassadeur d'Espagne le surprend en train de s'égayer avec les princes, poussant la bonhomie jusqu'à se traîner à terre devant les deux aînés, portant le plus jeune assis à califourchon sur son dos. On se souvient aussi de son spirituel sourire à la vue du grave et gourmé personnage, de sa question : Êtes-vous père, monsieur l'ambassadeur ? et sur sa réponse affirmative, de son mot : En ce cas, je continue. L'épisode est légendaire, et le pinceau de Ingres et celui de Bonington l'ont tour à tour retracé sur la toile. Le visage assombri d'Henri s'épanouit donc et s'illumina à la vue de ses enfants. Il les lutina, les caressa, se prêta à leurs jeux, faisant effort pour se lever, puisse rasseyant en murmurant indécis : Je ne sçay ce que j'ay ; je ne puis sortir d'icy[27]. La reine, chose à remarquer, et fort à sa décharge d'injustes soupçons, supplia le roi de ne point contrarier ces pressentiments et de renoncer à sa promenade. Le roi s'y refusa. Il lui répugnait, d'afficher de telles appréhensions sans en triompher, et de devoir son salut, en cas de danger, à la crainte du danger. — Je me recommande à Dieu quand je me couche, dit-il ; je le prie de me conduire quand je me lève ; tout le reste est entre ses mains. Ce qu'il garde est bien gardé. Il me garantira des fols, et ne crains point les sages. A partir de là, je vis en telle façon que je ne doibs entrer en défiance ; c'est aux tyrans d'estre toujours en crainte et frayeur. Les pasteurs courageux dorment en seureté ; les couards ont toujours peur[28]. La reine, devant de tels motifs, n'osa point insister. Force fut d'en faire autant à M. de Vitry, capitaine des gardes, qui réclama la faveur d'accompagner le roi, en se fondant sur les justes appréhensions que lui causait la pensée de le voir s'engager en ceste grande ville, pleine d'un nombre incroyable d'estrangers et d'inconnus. Henri déclina l'offre assez brusquement, détourna Vitry en lui donnant la mission d'aller surveiller les préparatifs de la fête du dimanche, et le congédia en lui disant : Il y a cinquante et tant d'ans que je me garde sans capitaine des gardes ; je me garderai bien encore tout seul[29]. Cependant il avait peine à surmonter sa répugnance tenace à quitter les Tuileries. Il sortit deux fois et rentra deux fois, ramené par je ne sais quel impérieux attrait, retenu par je ne sais quels liens mystérieux et douloureux à rompre. Jamais ses adieux n'avaient été si tristes et si prolongés. Enfin, par un suprême effort de volonté, il sortit de la chambre et se jeta en carrosse, après un signe de croix, répondant d'abord pour toute instruction à ceux qui lui demandaient l'ordre : Mettez-moy hors de céans. Le carrosse dans lequel le roi monta était découvert et dé. garni de ses mantelets, à cause de la saison, et surtout par ce qu'il avait donné pour but à sa promenade le désir d'explorer et d'inspecter les dispositions prises pour l'entrée de la reine ; ce désir eût été contrarié par l'obstacle des parois du dais de son carrosse, qui avait été abattu, afin que de la nef où le roi et ses compagnons d'excursion étaient assis à mi-corps, ils pussent jouir sans gêne du spectacle des préparatifs. Un concours inouï de circonstances fatales aggrava cette disposition si propice à un criminel dessein. Il fallut que le roi prit son chemin par la rue de la Ferronnerie, tellement étroite, comme les rues du vieux Paris, comme les rues du moyen âge, qu'elle ne livrait passage qu'avec peine à deux voitures à la fois ; que dans cette rue une charrette de foin fût déjà engagée, et contraignit la voiture à n'avancer qu'au pas ;.qu'enfin, les valets de pied, par défaut d'espace, fussent réduits à quitter momentanément les abords du carrosse et à passer par le cimetière des Innocents. Sans la coïncidence de toutes ces circonstances, l'assassin, qui monta sur l'essieu et frappa le roi à mort, n'aurait même pas pu l'approcher. Cette considération ajoute aux regrets, et les rend plats poignants encore[30]. Toutes ces coïncidences favorables au dessein fanatique et désespéré qu'il couvait depuis plusieurs jours, n'avaient point échappé à un homme grand, robuste, à barbe rouge, aux cheveux d'un roux très-foncé, aux yeux tors, qui, depuis les piliers du Louvre, derrière lesquels il s'était caché pour assister à la sortie du roi et reconnaître la direction qu'il prenait, le suivait à distance, tantôt au milieu des passants, tantôt dissimulé derrière les voitures, attendant une halte propice et inévitable, dans les rues étroites et encombrées de la cité. Cet homme, appelé François Ravaillac, maitre d'école ruiné, famélique solliciteur de procès, natif et habitant d'Angoulême, chef-lieu du gouvernement du duc d'Épernon, était venu à Paris pour chercher fortune, et il avait cru voir, dans le délire d'une exaltation solitaire, en proie aux tentations et aux fantômes de l'ignorance, de la haine, de la pauvreté, le salut de la France et le sien dans un monstrueux attentat. Il en cachait sous ses haillons l'instrument maudit. Trop misérable pour l'acheter et en payer le prix, il l'avait dérobé dans une hôtellerie près des Quinze-Vingts ; puis, dans un moment de remords, il l'avait brisé contre une charrette, pour se mettre dans l'impuissance de s'en servir. Mais bientôt, cédant de nouveau à l'influence démoniaque qui l'obsédait, il avait rendu, en l'aiguisant contre une pierre, une pointe et un tranchant à son arme, grossier couteau de cuisine, emmanché de corne de cerf[31]. Nous laissons maintenant la parole à Malherbe, alors attaché au service et à la personne du roi : la lettre où il raconte ce lamentable événement, dont il tenait les détails des témoins oculaires, est du 19 mai 1610. Il confirmé d'abord les témoignages que nous avons cités sur la répugnance du roi à quitter la reine, et son refus de se laisser accompagner par son capitaine des gardes. Le roi sortit peu après pour s'en aller à l'Arsenal. Il délibéra longtemps s'il sortiroit, et plusieurs fois dit à la Reine : Ma mie, irai-je, n'irai-je pas ? Il sortit même deux ou trois fois, et puis tout d'un coup retourna et disoit à la reine : Ma mie, irai-je encore ? et faisoit de nouveau doute d'aller ou de demeurer. Enfin, il se résolut d'y aller, et ayant plusieurs fois baisé la Reine, lui dit adieu, et entre autres choses que l'on a remarquées, il lui dit : Je ne feray qu'aller et venir, et serai ici tout à cette heure même. Comme il fut en bas de la montée où son carrosse l'attendoit, M. de Praslin, son capitaine des gardes, le voulut suivre. Il lui dit : Allez-vous-en ; je ne veux personne ; allez faire vos affaires. Malherbe continue en ces termes : Ainsi, n'ayant autour de lui que quelques gentilshommes et des valets de pied, il monta en carrosse, se mit au fond à sa main gauche, et fit mettre M. d'Espernon à la main droite. Auprès de lui, à la portière étoient M. de Montbazon, M. de la Force ; à la portière, du coté de M. d'Espernon, étoient M. le maréchal de Lavardin, M. De Créqui, au devant M. le marquis de Mirebeau, et M. le premier écuyer. Comme il fut à la Croix-du-Tiroir, on lui demanda où il vouloit aller ; il commanda qu'on allât vers Saint-Innocent. Étant arrivé à la rue de la Ferronnerie[32], qui est à la fin de celle Saint-Honoré, pour aller à celle de Saint-Denis, devant la Salamandre, il se rencontra une charrette qui obligea le carrosse du roi à s'approcher plus près des boutiques de quincailliers qui sont du côté de Saint-Innocent, et même d'aller un peu plus bellement, sans s'arrêter toute fois, combien qu'un qui s'est hâté d'en faire imprimer le discours, l'ait écrit de cette façon. Ce fut là qu'un abominable assassin, qui s'étoit rangé contre la prochaine boutique, qui est celle du Cœur couronné percé d'une flèche, se jeta sur le roi et lui donna, coup sur coup, deux coups de couteau dans le côté gauche l'un prenant entre l'aisselle et le tétin, va en montant sans faire autre chose que glisser ; l'autre prend contre la cinquième et sixième côte, et en descendant en bas, coupe une grosse artère, de celles qu'ils appellent veineuses. Le roi, par malheur, et comme pour tenter davantage ce monstre, avoit la main gauche sur l'épaule de M. de Montbazon, et de l'autre, s'appuyoit sur M. D'Espernon auquel il parloit[33]. Il jeta quelque petit cri, et fit quelques mouvements. M. de Montbazon lui ayant demandé : Qu'est-ce ? Sire ? Il lui répondit : Ce n'est rien par deux fois, mais la dernière il l'a dit si bas qu'on ne put entendre. Voilà les seules paroles qu'il dit depuis qu'il fut blessé. Tout aussitôt le carrosse tourna vers le Louvre. Comme il fut au pied de la montée où il étoit monté en carrosse, qui est celle de la chambre de la reine, on lui donna du vin. Pensez que quelqu'un étoit déjà couru devant porter cette nouvelle. Le sieur de Cérisy, lieutenant de la compagnie de M. de Praslin, lui ayant soulevé la tête, il fit quelques mouvements des yeux, puis les referma aussitôt sans les plus rouvrir. Il fut porté en haut par M. de Montbazon, le comte de Curson en Quercy, et mis sur le lit de son cabinet, et sur les deux heures, porté sur le lit de sa chambre où il fut tout le lendemain et le dimanche ; un chacun alloit lui donner l'eau bénite. Je ne vous dis rien des pleurs de la reine, cela se doit imaginer. Pour le peuple de Paris, je crois qu'il ne pleura jamais tant que dans cette occasion[34]. Ainsi mourut, pleuré de son peuple et regretté de ses ennemis même, Henri IV, le plus grand roi qu'ait jamais eu la France. Le trouble de Paris à cette fatale nouvelle, répandue avec la rapidité de la foudre, la surprise des uns, la colère des autres, la douleur de tous ; le grave et morne désespoir de Sully, les détails de son émouvante entrevue avec Marie de Médicis et le jeune roi orphelin ; les premières mesures prises contre le meurtrier ; la fureur de Saint-Michel, l'un des gentilshommes ordinaires, qui tira son épée pour immoler l'assassin et n'en fut empêché que par ce cri du duc d'Épernon : qu'il ne le touchast pas, qu'il y alloit de sa teste ; la question infligée au meurtrier pour en obtenir des aveux, à l'hôtel de Retz, aussitôt après son arrestation, au moyen de vis de carabine serrées, et avec une telle violence qu'il en eut les os des pouces rompus : toutes ces scènes, tout ce deuil, toute cette confusion du drame forment un tableau qui défie la plume de l'historien, et exigerait un Shakespeare. Nous ne le tenterons pas. Nous n'essayerons pas davantage d'intervenir dans le débat toujours ouvert sur la question de savoir si le meurtre de Henri IV fut le résultat d'un complot ourdi par de puissants ennemis, dont Ravaillac n'aurait été que l'instrument ; si l'assassin obéit aux inspirations solitaires d'un aveugle fanatisme, ou s'il fut guidé par des investigateurs assez habiles pour rester dans l'ombre et pour fermer sa bouche, même au milieu des plus horribles tortures ?[35] La controverse dure encore, et ne semble pas près d'être close, aucun témoignage décisif n'étant venu lever les derniers voiles qui couvrent encore, peut-être pour jamais, cet attirant et douloureux problème de la responsabilité du plus grand des crimes. Parmi les historiens contemporains, Sully et l'Estoile expriment seuls des doutes et des soupçons que leur autorité n'est pas suffisante à élever au rang de preuves. Fontenay-Mareuil, Pontchartrain, P. Mathieu ne voient dans Ravaillac, qu'un fanatique, qu'un mélancholique, auteur et exécuteur d'un dessein personnel ignoré, et, en dehors de son mobile de folie et de fureur religieuse, désintéressé, qui persista au milieu des tourments de la question et du supplice à nier avoir eu des complices, et qui en effet, s'il en avait eu, n'aurait pas été laissé dans un dénuement assez grand pour ne pas posséder même de quoi acheter un couteau. Les quelques pièces de menue monnaie qu'on trouva sur lui n'auraient pas suffi à cette emplette, ni même à lui fournir la subsistance d'un jour. Ces complices, quels auraient-ils été, en dehors de l'Espagne, évidemment intéressée au meurtre qui faisait son salut, et dont la politique ne reculait pas devant de tels moyens ? Eu ce qui touche l'attentat de Ravaillac, la reine et d'Épernon doivent être déchargés de tout soupçon. Marie de Médicis fit tout ce qu'il est possible de faire pour dissuader Henri de sa funeste promenade à l'Arsenal. Mathieu, Richelieu, Fontenay-Mareuil, la disculpent complètement à cet égard. Le duc d'Épernon sauva la vie à Ravaillac en termes trop énergiques pour ne pas établir qu'il n'avait aucun intérêt à cette mort hâtive du coupable, et à son silence. Cependant toute une légende, toute une tradition s'est formée, fondée sur de prétendues révélations d'une aventurière appelée la d'Escoman. Un historien qui ne recule pas devant les témérités, a adopté ce roman, en a resserré la trame et l'a revêtue des brillantes fantaisies de son imagination. Mais le courant de la science et de la critique historique est aujourd'hui en contradiction complète avec la paradoxale version de M. Michelet. En dehors des pièces du procès[36] qui ne donnent sur aucun point ouverture à l'hypothèse d'une complicité, Voltaire a combattu le système défendu aujourd'hui seulement par M. Michelet, et jusqu'à un certain point, par M. Henri Martin, dans une dissertation pétillante de bon sens et d'esprit[37]. Les deux plus récents historiens qui se sont occupés de la question sont tous deux défavorables à l'hypothèse de la complicité. Aux raisons de M. Poirson, M. Loiseleur en a ajouté qui, sans être complètement décisives dans une matière où les preuves dernières manquent et vouée fatalement à la déclamation et au pyrrhonisme, conduisent le plus près possible de la certitude ceux dont l'avis est, comme le sien et comme le nôtre, que Ravaillac n'eut pas de complices, et agit de son propre et seul mouvement. Quant à savoir si au moment même où Ravaillac frappait le roi, n'arrivait pas à maturité un complot dans lequel l'Espagne, le duc d'Épernon, la marquise de Verneuil, auraient mis en commun leurs haines, leurs ambitions, leurs craintes, et dans lequel Marie de Médicis ou ses favoris, les Concini, pourraient encourir une part de responsabilité, c'est là une autre question, que M. Loiseleur aborde hardiment, et qu'il résout dans le sens de l'affirmative. Il n'hésite pas à penser qu'il y avait complot contre Henri IV, formé, noué, prêt à éclater ? auquel il n'eût pas échappé sans doute, quelques jours plus tard après le crime dont il fut victime, et qui désarma les assassins dont Ravaillac, concurrent imprévu, autant qu'opportun, avait rendu la besogne inutile. L'histoire, qui n'accepte et n'adopte que les faits avérés, ne saurait être sur ce point aussi hardie que la critique. Et son doute doit profiter à ceux que n'accuse aucun témoignage décisif. Nous ne clorons pas cette histoire sans revenir sur le supplice de Ravaillac, et sans puiser, dans ce tragique spectacle, un enseignement et une consolation. La leçon que nous y trouvons tout d'abord, c'est celle de la stérilité du crime, de la malédiction du poignard. Le coupable eut de cette vérité un témoignage effroyable, dont l'angoisse morale le punit et vengea la France, plus efficacement et plus cruellement que les tourments matériels de son supplice, si douloureux qu'il ait été. Il vit son crime réprouvé par la religion, au nom usurpé de laquelle il avait osé le commettre. Il l'entendit maudire par ce peuple qu'il avait cru sauver. Écoutons, là dessus, les contemporains. Ravaillac croyoit que le peuple lui sauroit gré de ce coup : quand on commanda aux archers d'empêcher qu'il ne fust offensé par les rues, cet orgueilleux pendard répondit qu'on n'avoit garde. Mais il fut bien ébahi quand, à la porte de la Conciergerie, à la cour du Palais, et par toutes les rues, il entendit des huées horribles contre lui. Il vit le peuple échauffé non-seulement à la punition de son corps, mais à la perte de son âme, chacun le donnant à l'enfer, maudissant sa naissance et sa vie. — Dès que le peuple, qui étoit en grand nombre dans la cour du Palais le vit, il se mit à crier les uns le méchant, les autres le parricide, les autres le traître et le chien, les autres le meurtrier et autres paroles d'indignation et d'opprobre ; plusieurs mêmes s'efforcèrent de l'offenser et de se jeter sur lui, ce qu'ils eussent fait, sans les archers qui les en empêchèrent... Cela fut continué jusque devant Notre-Dame, par le peuple de tout sexe et de tout âge qui étoit le long des rues, aux boutiques et aux fenêtres, durant même la lecture de l'arrêt et pendant qu'il fit amende honorable. Puis il fut conduit à la Grève, recevant par les chemins les mêmes injures et clameurs d'indignation. — La plus grande part des princes et seigneurs, étant alors à Paris, se trouvèrent à l'Hôtel-de-Ville pour assister à l'exécution... Finalement ce misérable assassin étant parvenu au lieu du supplice, se voyant près d'être tiré et démembré par les chevaux, et qu'un certain homme, étant près de l'échafaud, étoit descendu de son cheval pour le mettre en la place d'un qui était recru, afin de le mieux tirer : Si j'eusse pensé, dit-il, de voir ce que je vois, et un peuple si affectionné à son roi, je n'eusse jamais entrepris le coup que j'ai fait, et je m'en repens de bon cœur. Mais je m'étois fortement persuadé, vu ce que j'en oyois dire, que je ferois un sacrifice agréable au public, et que le public m'en auroit de l'obligation ; or au contraire, je vois que c'est lui qui fournit les chevaux pour me déchirer. — Ayant fait demander au peuple un Salve regina, et le greffier ayant dit aux docteurs qu'ils fissent les prières accoutumées et chantassent le Salve, ceux-ci se découvrirent et le commencèrent. Mais aussitôt le peuple en tourbe et confusion cria contre eux, disant qu'il ne falloit prier pour un tel méchant parricide et qu'il étoit damné comme un Judas[38]. Dans tout le reste du supplice, ajoute un historien[39], la multitude démontra la même animosité, la même âpreté de regrets, de colère et de vengeance, et s'y livra au point d'arriver jusqu'à l'égarement. Il faut regretter et blâmer ces excès ; mais ce n'est pas le jugement et la réprobation dont ils sont dignes qui doivent nous occuper ici, ce sont les dispositions d'un peuple entier dont ils étaient l'indice certain. On le voit, et c'est là le fait consolateur auquel nous faisons allusion plus haut, si Henri ne fut pas aimé et apprécié de tous ses sujets et de tous ses contemporains comme il devait l'être, il emporta du moins l'admiration et les regrets du plus grand nombre. Si Ravaillac eut des complices, tout au moins des complices moraux, parmi les grands, il n'en eût pas parmi les humbles et les simples, au sein de ce peuple qui sentait d'instinct tout ce qu'il perdait en perdant un tel souverain. La liste serait longue, si nous voulions la dresser, de ces regrets touchants que plus d'un, foudroyé par la fatale nouvelle, attesta de sa mort ; de ces hommages expiatoires qui se sont succédé depuis la catastrophe et ont emprunté l'autorité des voix les plus éloquentes. Nous ne parlerons pas de la douleur universelle, dans les villes et les campagnes, des témoignages naïfs et des victimes obscures de cette douleur. Nous citerons seulement, parmi ceux qui moururent du saisissement et du regret d'apprendre la mort d'Henri IV, le capitaine Marchant, beau-père du président Le Jeay ; le brave de Vie, gouverneur de Calais, et beaucoup d'autres moins connus. Je meurs de notre commune perte ; je n'ai point assez de larmes pour le pleurer, écrivait Villeroy à la Boderie. La douleur de Sully, ses regrets et ses larmes ne tarirent jamais. Son deuil dura autant que sa vie, et il a élevé à la mémoire de son maître et de son ami, dans les Œconomies royales, un monument qui durera autant qu'elle. Chez les étrangers, l'impression ne fut pas moins vive et les manifestations de ce regret moins éloquentes. Parmi les Vénitiens, plusieurs s'écrièrent, en s'arrachant les cheveux et en se meurtrissant la poitrine : Notre roi est mort ! Jacques Ier déclara qu'il avoit perdu sa main droite. Le prince de Galles pleura. Le 23 mai dans la nuit, dès que le pape Paul V apprit la mort du roi, il envoya prier l'ambassadeur de France, M. de Brèves, de venir le trouver dès le lendemain matin. Dès qu'il aperçut le triste visiteur, le Pontife se jeta à son cou, et après l'avoir embrassé longuement, d'une voix entrecoupée de sanglots, il lui dit : — Ha ! mon amy, vous avez perdu
vostre roy et vostre bon maistre, et moy j'ay perdu taon bon fils aisné ;
prince grand, magnanime, sage et incomparable, vrai fils de l'Église, affectionné
à ce Sainct-Siège. Nous nous devons tous ressentir de ceste cruelle mort ; vostre
France plus ira avant et plus en sentira la perte ; il n'y aura coing de
terre qui ne pleure ce grand monarque, et de moy qui ay test honneur de
porter le tiltre de chef de l'Église, je veux, par un privilège singulier, en
honorer la mémoire au-dessus de tous les rois qui ont précédé. Le même jour, en effet, le Pape célébra solennellement la messe pour le repos de l'âme du roi très-chrétien. Le 28, les obsèques eurent lieu en grande pompe dans. la chapelle, et ce que jamais Souverain Pontife n'avait encore fait, il demeura présent à l'oraison funèbre prononcée sur son ordre, par un prêtre français, en l'honneur de cette exceptionnelle mémoire, si digne de ces exceptionnels honneurs. Un grand évêque, un grand écrivain, saint François de Sales, joignit sa voix à ce concert imposant et émouvant d'hommages et de regrets. Il déplora la mort funeste d'Henri IV, dans une lettre qui mérite d'être gravée sur le socle de son monument[40]. Nous clorons dignement ces souvenirs funèbres par les paroles suivantes, sorties de la bouche du plus grand orateur de la chaire chrétienne. Et c'est Bossuet lui-même qui, de sa grande voix, nous peindra magistralement ces regrets unanimes dont il avait recueilli dans sa jeunesse la tradition et l'émotion encore vivante. Voici comment soixante-cinq ans après la mort d'Henri IV, Bossuet parlait de lui à son successeur Louis XIV : Il est arrivé souvent qu'on a dit aux rois que les peuples sont plaintifs naturellement, et qu'il n'est pas possible de les contenter, quoi qu'on fasse. Sans remonter bien avant dans l'histoire des siècles passés, Sire, le nôtre a vu naître Henri IV, votre aïeul, qui par sa bonté ingénieuse et persévérante à chercher les remèdes des maux de l'État, avait trouvé le moyen de rendre les peuples heureux, et de leur faire sentir et avouer leur bonheur. Aussi en était-il aimé jusqu'à la passion, et dans le temps de sa mort on vit par tout le royaume, et dans toutes les familles, je ne dis pas l'étonnement, l'horreur et l'indignation que devait inspirer un coup si soudain et si exécrable, mais une désolation pareille à celle que cause la perte d'un bon père à ses enfants. Il n'y a personne de nous qui ne se souvienne d'avoir oui souvent raconter ce gémissement universel à son père ou à son grand-père, et qui n'ait encore le cœur attendri de ce qu'il a oui réciter des bontés de ce grand roi envers son peuple, et de l'amour extrême de son peuple envers lui[41]. Depuis lors la voix de Bossuet a trouvé plus d'un écho digne d'elle dans ceux qui ont eu à parler de lui, de Sully ou de leur temps. Nul n'a pu contempler impunément cette figure du roi que son dernier historien appelle l'adorable Henri. Nul ne l'a nommé ou ne l'a peint sans une émotion particulière, sans un bonheur d'expressions qui semble une grâce attachée à ce sujet, et que MM. Augustin Thierry, Villemain, Guizot, Mignet, de Carné, Legouvé ont tour à tour éprouvée. Ces hommages successifs ont perpétuellement redoré l'autel et reverdi le laurier de la mémoire d'un roi ami du peuple et protecteur des lettres. Grâce à eux, le souvenir d'Henri IV a été entretenu, dans l'esprit et le cœur de la nation, aussi frais, aussi vivant, aussi souriant qu'apparurent, en 1795, aux yeux étonnés des profanateurs des tombeaux de Saint-Denis, son corps et son visage, exceptionnellement respectés par la mort ! FIN DE L'OUVRAGE |
[1] Parmi ces ouvrages, nous
citerons le t. III et le t. IV de la consciencieuse et judicieuse Histoire
d'Henri IV, par M. A. Poirson. — Henri IV et sa politique, par M.
Ch. Mercier de Lacombe. Paris, Didier. — Les Fondateurs de l'unité Française,
par M. le comte de Carné, où le rôle d'Henri IV, à ce point de vue spécial, est
supérieurement retracé ; — les premiers chapitres de la belle Histoire de la
réunion de la Lorraine à la France, par M. le comte d'Haussonville ; — le
rapport de M. Villemain sur les concours académiques de 1861 ; — le mémoire de
M. Wolowski, lu dans la séance publique des cinq Académies du 14 août 1860 ; —
le magistral écrit de M. Guizot : La France et la maison de Bourbon avant
1789, et le t. III de son admirable Histoire de France racontée à mes
petits-enfants ; enfin les parties correspondant à notre sujet des lumineux
travaux de M. Mignet.
[2] Poirson, t. III, p. 154.
[3] Poirson, t. III, p. 163-164.
[4] Poirson, t. III, p. 167.
[5] Mémoires de l'abbé de
Marolles, publiés pour la première fois en 1656-1657, et réimprimés à
Amsterdam, en 1755, en 3 vol. in-12°, (p. 19-34 de la dernière édition).
Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, t, XIII, p. 173-189.
[6] Les principautés souveraines
de Navarre et de Béarn, entièrement unies à la France par une association
politique, ne furent fondues dans le corps de la monarchie que sous Louis XIII,
en 1620 ; niais dès 1607, Henri IV réunit officiellement â la France : dans le
Midi un duché et neuf comtés, qui étaient le duché d'Albret, les comtés de
Foix, d'Armagnac, de Bigorre, de Rouergue, de Roch, de Cuiversan, de Tarascon,
de Périgord, de Limoges, dans le Centre, le duché de Beaumont-le-Vicomte ; dans
le Nord, le duché d'Alençon et les trois comtés de Soissons, de Marie, de La
Fère.
[7] Poirson, t. IV, p. 115.
[8] Poirson, t. IV, p. 159.
[9] Poirson, t. II, p. 657-658.
[10] Aux termes d'un traité conclu
en 1609, à la suite de l'ambassade de Bassompierre, la Lorraine était réunie à
la France par le mariage du Dauphin avec la fille et l'unique héritière du duc.
D'après les conventions passées avec le duc de Savoie, celui-ci cédait au roi
le comté de Nice, la Savoie avec les places de Pignerol et de Montmélian. Henri
réclamait aussi le Roussillon, comme ancien fief et comme dépendance du
royaume. Ainsi, sans les atteindre encore partout, la France tendait fortement
vers ses limites naturelles des Alpes, de la Méditerranée, des Pyrénées, de
l'Océan et du Rhin.
[11] Ravaillac et ses complices,
par M. J. Loiseleur, Didier, 1873, p. 25.
[12] Mémoires de Bassompierre,
p. 70.
[13] Matthieu, p. 818.
[14] Œconomies royales, p.
365.
[15] Matthieu, p. 809.
[16] Vie du P. Coton, par le
P. d'Orléans, p. 142 et suiv.
[17] Mémoires de Bassompierre,
p. 71.
[18] Sully, Œconomies,
collection Petitot, t. VIII, p. 57.
[19] Loiseleur, p. 107.
[20] Loiseleur, p. 18.
[21] Sully, Œconomies, t.
VIII, p. 365.
[22] Mémoires de Richelieu,
t. I, p. 53.
[23] Matthieu, p. 819.
[24] Henri IV et sa politique,
par M. Ch. Mercier de la Combe, p. 453-454. L'auteur insiste particulièrement
sur le caractère religieux des dernières pensées et des derniers actes d'Henri
IV, sous l'influence de pressentiments qui devaient, en effet, tourner l'âme
d'un prince comme lui vers le Dieu qui frappe et qui
guérit, qui tue et ressuscite. Il s'appuie sur le témoignage de Legrain,
Décade, livre X. p.480, de l'Estoile, Mémoires et Journal, p.
585, de d'Aubigné, Histoire universelle, Appendice, p. 742 ; de
Nicolas Pasquier, dans les Œuvres complètes d'Etienne, t. II, p. 1061 ;
de Matthieu, p. 819-820.
[25] Voir notamment P. Matthieu, p.
777-778, et la suite des lettres du roi à madame de Montglat, gouvernante de
ses enfants, du 22 mars 1603 au 23 novembre 1608, dans le t. VI des Lettres
missives, p. 55, 56, 135, 136, 164, 467, 564 et dans le t. VII, p. 19, 62,
166, 229, 316, 319, 328, 333, 370, 385, 396, 500, 518, 647. — Voir aussi la
lettre d'Henri IV à Sully, du 15 août 1607, t. VII, p. 342.
[26] Voir encore les Mémoires
de Louise Bourgeois, sage femme de la Reine, et l'honnête, curieux, naïf, malin
journal de Jean Hérouard, médecin du roi Louis XIII, de 1601 à 1634, publié
chez Didot par MM. Eudore Soulié et E. de Barthélemy, 2 vol. in-8°.
[27] Matthieu, p. 820.
[28] Matthieu, p 820.
[29] Matthieu, p 820.
[30] Poirson, t. IV, p. 178.
[31] Il est aujourd'hui conservé au
Musée d'artillerie.
[32] A l'entrée de la rue de la
Ferronnerie Henri aperçut un de ses lieutenants, le sieur de Montigny ; il le
salua en lui disant avec cette bonté qui lui était familière : Serviteur, Montigny, serviteur. (Matthieu, p. 824).
[33] Il venait de remettre ou duc
d'Épernon un mémoire que lui avait adressé le comte de Soissons. Il venait de dire
au maréchal de Lavarons : Au retour de l'Arsenal, je
vous ferez voir le dessein que D'Escures m'a faict pour le passage de mon armée
; vous en serez content, et j'en ai reçu un grand contentement.
(Matthieu.)
[34] Lettres de Malherbe, p.
142-144, Paris, Blaise, 1822, in-8°.
[35] Loiseleur.
[36] Procès de Ravaillac, Archives
curieuses de l'histoire de France, t. XV.
[37] Voltaire, Dissertation sur
la mort de Henri IV, édit. Lefèvre, t. VIII, p. 256. Essai sur les mœurs,
t. XIII, p. 311.
[38] Matthieu, Histoire de la
mort de Henri IV, Archives curieuses, etc., t. XV, p. 101-102. — Procès
de Ravaillac, p. 139, 140. — L'Estoile, Registre Journal de Louis XIII,
p. 598. — Biographie Universelle, t. XXXVII, p. 148.
[39] Poirson, t. IV, p. 203-204.
[40] Cette lettre de saint François
de Sales, datée du 27 mai 1610, est citée dans la Préface des Lettres
inédites de Henri IV, publiées par le prince Augustin Galitzin.
[41] Lettre du 10 juillet 1675. Œuvres complètes de Bossuet, éd. Lefebvre 1836, t. XI, p. 26, citée par M. Villemain, dans son rapport à l'Académie française, août 1857.