LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

PREMIÈRE PARTIE

 

III. — LE CHÂTEAU DE LA ROUËRIE.

 

 

Maintenant qu'il se sentait soutenu par Coblentz, Armand de la Rouërie était assuré du succès. De caractère trop mobile, d'ailleurs, pour tomber dans de longs découragements, il était d'autant mieux porté à l'optimisme qu'il menait enfin l'existence la plus conforme à ses aptitudes.

Il commandait en maître à toute la Bretagne : ce n'était plus, comme jadis en Amérique, une légion de déserteurs et d'aventuriers qu'il avait sous ses ordres, mais une armée considérable, composée des paysans de sa chère province et un état-major comptant les plus beaux noms de l'armoriai breton.

De son château de la Rouërie, transformé en quartier général, il faisait mouvoir cette vaste machine, veillant à tout, se multipliant, portant lui-même les instructions, visitant ses comités. On le rencontrait par les bas-chemins, chevauchant en compagnie de Thérèse de Moëlien, qui s'était instituée son officier d'ordonnance et qui courait les campagnes en habit d'amazone, portant, à l'exemple du chef, des épaulettes d'or et la croix de Cincinnatus attachée sur la poitrine par un ruban bleu ; un panache blanc flottait à son chapeau[1].

Le château était devenu place de guerre : les hautes avenues seigneuriales étaient sillonnées de patrouilles[2] et coupées de barricades formées de charrettes renversées[3]. Au portail de la grande cour et près des guérites de pierre qui en gardaient les entrées latérales, des fagots amoncelés obstruaient le passage. Le Champ de l'Avenue, vaste esplanade demi-circulaire devant l'entrée principale du château, servait de terrain de manœuvres : une trentaine de cavaliers y faisaient des évolutions[4] ; dans la cour même, des paysans apprenaient l'exercice du fusil. Les gens qui passaient la nuit, sur la route d'Avranches, voyaient toutes les fenêtres de la façade éclairées[5] ; pendant le jour on défaisait les lits et on roulait les matelas, pour faire croire qu'il n'y avait personne au château[6].

Le marquis ne perdait pas une occasion de lever des recrues ; il avait enrôlé jusqu'aux mendiants[7] qui parcouraient les villages et qui, s'arrêtant à chaque porte, servaient de facteurs à la conjuration. Souvent aussi il employait des moyens plus pratiques. Un laboureur du hameau des Champas, Louis Lambert, déclara que, revenant de chez son cousin, habitant Marigny, il rencontra le marquis de la Rouerie, qui se promenait sur le bord de la route d'Avranches, en compagnie de quelques dames et d'un monsieur. Lambert salua le marquis et celui-ci, ripostant par un coup de chapeau, lui demanda si, dans le cas où les brigands attaqueraient son château, il pourrait venir avec plusieurs autres braves gens pour le secourir : le paysan répondit qu'il était tout près à le faire et qu'il amènerait autant de monde qu'il pourrait. Sur quoi la Rouërie s'informa de ce qu'il pourrait faire pour lui. Lambert répliqua qu'il avait besoin de 200 livres. Le marquis l'emmena au château et lui en compta 250[8].

A cette époque, c'est-à-dire pendant les premiers mois de 1792, il semble que l'argent rentrait assez régulièrement dans la caisse de l'association : outre les sommes envoyées de Coblentz, l'imposition d'une année de revenus dont la Rouerie avait frappé ses affiliés commençait à donner quelques résultats : nous ne possédons que fort incomplètement les comptes de la conjuration bretonne, et ils paraissent n'avoir été tenus que d'une façon assez fantaisiste[9] ; pourtant, sur un chiffon de papier trouvé chez Desilles, figurent certains noms avec l'indication de cotisations assez importantes.

Reçu en assignats : de M. de la Motte[10], 1.000 francs ; de M. de Saint-Gilles[11], en deux fois, 2.150 francs ; du même, 2.212 francs ; de M. de Launay, 2.000 francs ; de M. de Nevet[12], 300 francs ; de Mme de la Fonchais, 1.200 francs ; de M. de Limoëlan, 1.200 francs ; de M. de Granville[13], 1.200 francs[14].

L'association avait certainement d'autres ressources, puisque, vers le même temps, la Rouërie faisait en Angleterre[15] l'acquisition de 3.600 fusils, qui, joints à 3.000 autres, envoyés d'Ostende par Calonne[16], formaient un total de 6.600 armes, qui furent immédiatement distribuées. Il s'était, en outre, procuré 3 milliers de poudre, 1.500 livres de plomb, 4 canons montés sur affût. Une maison écartée, louée tout exprès, servait d'atelier pour la fabrication des cartouches et la mise en état des armes[17].

Aux premiers jours du printemps de 1792, le marquis de la Rouërie se trouvait donc prêt à l'action : il était urgent de brusquer l'entrée en campagne, car, quelque grand que fût le mystère dont on entourait les préparatifs, une si vaste intrigue n'avait pu demeurer secrète, tout le pays étant, en quelque sorte, dans la confidence. Certains officiers municipaux se montraient hostiles aux projets du marquis et voyaient grandir sous leurs yeux une conjuration qu'ils auraient volontiers dénoncée ; mais à qui ? La monarchie existait encore de fait, et il n'était pas possible de traiter en factieux un homme qui se préparait à lutter pour la défense des institutions établies. Et puis, bien des gens hésitaient à se compromettre : le terrible marquis était de taille à soulever toute la province et on craignait de se déclarer ouvertement l'adversaire d'un si puissant chef de parti.

Au nombre des fonctionnaires partisans de ce prudent opportunisme était Thomas dit Lalande, maire de la commune de Saint-Ouen-de-la-Rouërie. Il avait encouru la colère de son turbulent administré en faisant détruire, — ainsi que l'ordonnait le décret sur les armoiries, — les urnes écussonnées qui, sur le pourtour de l'église du village, contenaient les restes des seigneurs de la Rouërie[18]. Le marquis l'accusait d'avoir ainsi jeté à la voirie le cœur de son père : il avait même, à ce sujet, engagé un procès contre la municipalité de Saint-Ouen[19].

Lalande, très au courant de ce qui se tramait au château, était fort inquiet des suites possibles de l'aventure. Il s'en ouvrit à son beau-frère, Boyvent, juge de paix du canton de Saint-Brice.

— Me voilà cependant fort mal à mon aise[20], lui dit-il ; on débite, tous les jours, ici, que M. de la Rouërie fait des enrôlements ; j'ai eu différentes contestations avec lui, et, si son parti grossissait, il pourrait s'en venger cruellement. Je l'ai déjà menacé de faire une descente chez lui.

— Cherche à vérifier les faits, répondit Boyvent et réfères-en aux municipalités voisines.

C'était déclarer la guerre au château. Lalande préféra temporiser : il expédia son beau-frère en parlementaire. Boyvent, n'osant se risquer chez le marquis, alla flâner aux alentours du parc, et, en regardant par-dessus les haies[21], il aperçut la Rouërie se promenant dans le parterre en compagnie de Mlle de Moëlien, de Mme Fabiani, du major Chafner et de quelques autres personnes. Le marquis, l'ayant reconnu, l'interpella assez vivement, lui reprochant de faire cause commune avec ses persécuteurs, disant que Lalande avait outragé le cœur de son père ; qu'il pouvait bien mettre ses menaces à exécution et faire au château la descente quand il voudrait[22].

Boyvent se retira fort peu rassuré : on a de lui une lettre à son beau-frère, où il ne cache rien de ses appréhensions : M. de la Rouërie, lui dit-il, n'est pas et ne peut pas être content avec toi pour les urnes et le cœur de son père. S'il devenait triomphant, ce que je ne crois point, il pourrait n'être pas doux avec ceux dont il prétend avoir été chagriné[23].

Le maire de Saint-Ouen, terrorisé, prit le parti de se soumettre, et Boyvent fut encore chargé de la négociation. Il écrivit au marquis pour l'assurer du dévouement de Lalande[24] : que, s'il avait projeté de faire une descente au château, c'était dans l'intention bien arrêtée de n'y rien trouver de suspect et pour couper court aux bruits qui circulaient dans le pays. Il ajoutait : Si vous croyez, Monsieur, qu'une descente en ce moment n'est pas convenable, elle n'aura pas lieu, et, si elle se faisait, ce ne serait qu'après que vous auriez fait savoir à mon beau-frère le jour et l'heure auxquels vous l'attendez... Je crois qu'il n'agira, dans cette affaire et dans bien d'autres, que d'après vos intentions[25].

Telle était, en Bretagne, — et sans doute ailleurs aussi, — à cette époque troublée, l'indécision des magistrats : celui-ci se tirait d'affaire, sinon à son honneur, du moins au mieux de ses intérêts ; et le marquis de la Rouërie, assuré de sa connivence, pouvait vaquer en paix à ses préparatifs. Ce conspirateur invité par le maire de sa commune à indiquer lui-même l'heure à laquelle il désire qu'on vienne le surprendre, voilà un trait de pusillanimité administrative qu'il eût été regrettable de passer sous silence.

 

Le chef de la conjuration bretonne n'était pas, cependant, sans éprouver quelques scrupules sur la validité de ses pouvoirs. Les princes l'avaient autorisé à agir, rien de plus ; et maintenant que le projet entrait dans la période d'exécution, il redoutait de se voir déposséder du commandement par quelque rival jaloux de recueillir le bénéfice de ses peines et de son activité. En outre, à certains indices, il soupçonnait que nombre de gentilshommes, de plus noble race ou plus âgés que lui, s'astreindraient difficilement à servir sous ses ordres. Malgré ses objurgations, plusieurs avaient émigré et, pour bien montrer qu'ils ne prenaient pas au sérieux les services que pouvait rendre à la cause royale une insurrection purement locale, ils étaient allés s'enrôler dans l'armée des Princes. MM. de Bois-Février, parent du marquis, et Léziard de la Villorée, l'un de ses principaux agents de Fougères, avaient cru devoir imiter cet exemple : il y avait là un danger auquel il fallait parer. La Rouerie dépêcha donc à Coblentz son ami Pontavice, chargé d'exposer aux Princes la difficulté et de solliciter leur intervention.

Cette fois il eut tout lieu de se déclarer satisfait. Vers le milieu de mars[26], Pontavice rapporta une commission formelle livrant à la Rouerie le commandement de toute la province, la direction des troupes de ligne et des maréchaussées, lui conférant le pouvoir de donner, au nom des Princes, les ordres que les circonstances lui paraîtraient exiger et ordonnant à tous les sujets fidèles de lui obéir comme au roi lui-même[27]. Bien plus, les frères de Louis XVI recommandaient à tous les gentilshommes bretons de s'unir au marquis de la Rouërie et manifestaient le désir que le nombre des émigrés ne fût pas augmenté. Une lettre de Calonne, jointe à cette commission, contenait un blâme personnel contre MM. de Bois-Février et de la Villorée[28]. Fontevieux devait suivre de près Pontavice et venir se mettre à la disposition du chef de la conjuration, afin que celui-ci pût entretenir, avec la cour de Coblentz des relations plus fréquentes.

Fort de cette complète approbation, le marquis se prépara à l'action. Le plan était simple : l'armée des Princes allait entrer en France par Thionville et Verdun. Nul doute que les places fortes ne se hâtassent d'ouvrir leurs portes aux émigrés : en quelques jours ils seraient à Châlons, car on ne comptait rencontrer aucune résistance, et le pays tout entier allait se soulever pour accompagner la marche triomphale des défenseurs de la royauté C'est ce moment que choisirait le marquis pour donner le signal qu'attendaient ses affiliés. Les dix mille hommes qui se grouperaient à son appel entraîneraient indubitablement les provinces voisines : il s'avancerait vers Paris à la tête de ces volontaires, que suivrait une formidable levée de paysans, de gentilshommes, de gardes nationaux, de troupes de ligne, dans un irrésistible mouvement de contagieux enthousiasme. Les deux armées devaient se rencontrer sous les murs de Paris, — les Princes d'un côté, la Rouërie de l'autre, — délivrer le Roi, disperser l'Assemblée et mettre les Jacobins à la raison.

Telle était la confiance qui régnait à Coblentz et aussi en Bretagne que le succès ne faisait question pour personne. Ce n'était pas une guerre, qu'on entreprenait, mais bien une simple démonstration[29] ; pourtant, il faut dire que, tout en étant, comme les Princes, assuré du résultat, le marquis se montra, beaucoup plus qu'eux, avisé et prudent.

Prévenu que certaines municipalités voisines s'inquiétaient des enrôlements qui se faisaient au château de la Rouërie[30], il prétexta les craintes que lui inspiraient des bandes imaginaires de brigands, qui l'avaient menacé à diverses reprises Tantôt ces brigands se massaient, assurait-il, dans les landes de Crollon, tantôt ils étaient censés s'avancer jusqu'aux bois de Blanchelande[31]. Quoi d'étonnant à ce que, dans cette extrémité, il fît appel au concours de ses concitoyens : les paysans venaient s'offrir pour le soutenir en cas d'attaque et ainsi se trouvaient expliquées les allées et venues qui intriguaient les officiers des municipalités voisines et les moyens de défense, — sentinelles, barricades ou patrouilles, — qui faisaient de son château un véritable camp retranché.

Cette précaution prise afin de justifier des mouvements qu'on ne pouvait dissimuler, le marquis convoqua les présidents de tous ses comités d'insurrection à un rendez-vous général[32]. Il les avait déjà groupés, partiellement du moins, en des conseils secrets tenus, la nuit, soit au château du Rocher-Portail, près de la Celle-en-Coglès, soit dans le pavillon de Plaisance, perdu au cœur de la forêt de Gâtine ; mais il voulait, avant d'ouvrir la campagne, tenir des assises solennelles auxquelles figureraient tous les chefs de la conjuration. Le château de la Rouërie fut désigné comme lieu de réunion et la date fixée à la nuit qui suivrait le dimanche de la Pentecôte[33].

Toute la contrée fut en émoi. Bien que la convocation eût été secrète, tant de gens étaient dans la confidence que, de Saint-Malo à Fougères et de Lamballe à Avranches, ce fut comme une traînée de poudre : le bruit se répandit que les événements étaient proches.

Par les chemins détournés, les commissaires de la conjuration, déguisés, qui en paysans, qui en colporteurs, quelques-uns même en patriotes, la plupart à cheval, cachant sous leur manteau leurs pistolets ou leurs sabres, se dirigeaient vers le château de la Rouërie. A tous le marquis avait distribué une sorte de passeport, tracé de sa main sur une bande de papier facile à dissimuler et qui était ainsi conçu :

Toute confiance et secours au porteur de ce billet de la part des amis d'Armand[34].

 

Dès l'après-midi du dimanche, les affiliés affluaient au château : au loin dans la campagne, la Rouerie avait placé des sentinelles perdues, derrière cette première défense s'étendait une ligne de grand'garde ; puis, à la tête des avenues, sur les chemins, étaient des postes d'hommes armés : toutes les entrées du château enfin, tontes les barrières du parc avaient été obstruées à l'aide de fagots entassés[35].

Les arrivants étaient accueillis par les aides de camp du chef : on avait vidé de bétail les étables afin d'y loger quatre-vingt chevaux[36] ; d'autres restèrent toute la nuit sellés et bridés dans la cour[37]. Les chambres du premier étage étaient transformées en dortoirs ; dans les salles du bas, des tables servies attendaient les convives[38] ; depuis plusieurs jours les domestiques avaient fait de grands achats en viandes et provisions de toute sorte[39]. En attendant l'heure de la réunion, on dressa des tables de jeu[40].

Enfin le marquis parut : aux acclamations des assistants, il traversa la salle, distribuant des accolades et des poignées de main : peu à peu le silence s'établit, et la Rouërie donna la parole à l'un de ses aides de camp, qui fit lecture de la commission adressée au marquis par les Princes : sa qualité de chef ainsi établie, la Rouërie, d'une voix vibrante, commença à parler.

Bretons et concitoyens des différentes provinces[41], que la religion et l'honneur rassemblent ici, on vient de vous donner connaissance de mes pouvoirs, celle de mes desseins. C'est pour votre bonheur que je les ai formés... Il n'est pas un de tous, mes dignes compagnons, que les crimes et les désordres de la Révolution n'aient pénétré d'horreur...

La preuve la plus évidente et la plus utile que vous puissiez donner de vos sentiments... est votre union actuelle autour d'un chef commissionné au nom du roi par les Princes, frères de Sa Majesté.

En rendant à l'Eglise ses véritables pasteurs, en protégeant l'influence et la dignité de votre culte bénit, en protégeant les individus et les propriétés contre tous les genres de brigandage, vous hâterez le retour de la constitution bretonne...

Pour moi, mes braves amis, se trouve un moment de gloire dans ma vie : c'est celui où, confondant mes principes, mon honneur, mes espérances et mes dangers avec les vôtres, je promets, en votre nom et au mien, à mon Dieu, à ma patrie et à mon roi de le servir aux dépens de ma fortune et de ma vie.

Jurons tous de nous dévouer, sans réserve, à une si noble cause et que nos amis et nos ennemis sachent enfin que, dans la faible partie de la France que nous habitons, il y a une force irrésistible, composée d'hommes dignes de l'honneur du monde entier !...

Nous ignorons quelle impression produisit cette harangue sur les conjurés réunis autour de l'ardent orateur, mais il paraît bien certain qu'à ce moment tous les assistants se levèrent, toutes les mains se tendirent et que les cris : Nous le jurons, accueillirent ces entraînantes paroles.

La Rouërie reprit alors d'un ton plus calme :

Je vous rappelle, mes chers concitoyens, que, s'il se présente des occasions où votre courage sera la base de nos succès, votre humanité, votre sagesse et votre subordination le remplaceront souvent avec fruit, accéléreront, autant et souvent plus que lui, la fin glorieuse de nos travaux.

... Ceux de vous quiètes fortunés avez fait des avances, même des sacrifices pécuniaires ; les autres se sont également dévoués en donnant tous leurs moyens. Il a été nécessaire de fournir à vos besoins et de le faire de manière à ce que vous ayez tous les mêmes avantages. A cet égard, nous pensons que la somme de vingt sols par jour serait suffisante pour les vivres et les nécessités de chacun de vous...

La Rouërie termina son discours par quelques conseils de modération et de discipline : la victoire paraissait si certaine et si facile à l'ardeur de ses affiliés que l'enthousiasme et la joie de tous éclataient sans retenue. Et ce dut être une scène d'une étrange solennité que la réunion de ces jeunes gentilshommes, abandonnant châteaux et famille, ceignant l'épée, acclamant le chef sous lequel ils allaient combattre. Sans doute, ils estimaient le succès assuré ; aucun d'eux, certes, ne prévoyait que le serment qu'ils prononçaient les vouait pour de longues années à la vie aventureuse des partisans, aux plus atroces privations, aux nuits sans repos, aux hivers sans abri, à la misère des proscrits, cachés dans les bois, traqués comme des bêtes malfaisantes... Combien de ceux qui se rencontrèrent là devaient tomber dans les genêts ! Combien donnaient à cette heure un rendez-vous à la mort ! La chouannerie venait de naître, avec ses rages héroïques, ses désespoirs tenaces, ses inénarrables désastres. — avec sa grandeur aussi, car pas un de ces gentilshommes ne manqua à la parole donnée au chef dont la chaude éloquence créa, cette nuit-là, une force que Napoléon lui-même ne parvint pas à abattre. Vingt-cinq ans plus tard, il s'en trouvait encore qui, hâves, blanchis, méconnaissables, menaient sans repos par les landes leurs bandes décimées.

***

Cette scène, encore qu'on prît toutes précautions pour ne pas l'ébruiter, eut dans la région un écho singulier, soit que la fièvre qui régnait au château de la Rouërie eût gagné toute la vallée du Couësnon, soit qu'un ordre mal interprété eût fait croire à quelques agents que l'heure de mobiliser leurs hommes avait sonné, les paysans de Sougeal, de Vieuxviel, de Trans, prirent les armes. L'incident mérite d'être rapporté avec quelques détails, car il fut la première expérience de l'organisation du complot : il montre, en outre, de quelle façon les commissaires subalternes de la conjuration opéraient leurs recrutements, et il permet de pénétrer, pour ainsi dire, dans les coulisses de ce prologue de la chouannerie.

Donc, le lendemain du jour où la Rouërie avait réuni chez lui ses compagnons, à la sortie des vêpres célébrées à l'occasion du Lundi de la Pentecôte, un jeune séminariste nommé Louis Orain, habitant Sougeal, invita quelques jeunes hommes à venir manger un morceau et boire un coup dans la chambre qu'il occupait chez le sieur Derbrée, vicaire réfractaire de la paroisse.

Ils se trouvaient là une trentaine ; sur la table était un repas servi : pain blanc, vin, cidre et un quartier de veau qu'une femme, Monique Gaillard, apporta tout fumant du restaurant où elle l'avait fait cuire[42].

A peine fut-on admis autour du fricot, qu'Orain insinua qu'on pourrait peut-être faire, à la brume, un tour du côté du château de M. de la Rouërie, que ce seigneur était menacé par des bandes de brigands et qu'il serait reconnaissant à ceux qui viendraient à son secours.

— Je suis allé cette nuit au château, narra-t-il ; j'y ai vu M. le marquis, couché à plat de chambre et qui faisait pitié : il m'a demandé si je lui amènerais du monde.

Beaucoup approuvèrent, mais un des assistants, nommé Julien Gilbert, prit la chose assez froidement, répondit qu'il avait des fagots à faire et qu'il n'irait pas ; sur ces mots il se leva et sortit.

Orain suivit Gilbert jusqu'au cabaret, où il entra, cherchant en vain à le faire changer d'avis ; au bout d'une heure, il revint à la charge, très animé, criant que Gilbert s'en repentirait, lorsque les choses seraient retournées, et qu'à présent qu'il savait le secret, s'il ne suivait pas ses camarades à la Rouërie, c'était, sans doute, pour les vendre. Gilbert eut ensuite à subir l'assaut de Monique Gaillard, qui vint le trouver à son tour :

— Voilà donc, ricanait-elle, les lâches qui s'amusent à boire plutôt que de se joindre aux autres pour aller à la Rouërie, tandis que le retour des anciennes choses est assuré. Elle affirma que, si elle était garçon, elle serait partie tout de suite, et qu'il n'y avait aucun risque.

Gilbert, ébranlé par cet argument, passa chez l'ancien maire de Sougeal, Louis Lambert, et lui demanda si cette démarche était à propos. Celui-ci fit tirer un pot de cidre, qu'ils burent ensemble et l'engagea à y aller.

Gilbert retourna donc chez Orain et prit sa part du fricot. Orain roulait des yeux furieux et grommelait qu'il y en a qui font les câlins et les lâches, mais que, pour ne pas leur permettre de s'enfuir, on les mettra quatre par quatre avec un bon par peloton et que le premier qui voudrait s'échapper, il fallait lui tirer un coup de fusil dans le corps.

Ces allusions dés obligeantes et d'autres réflexions du même genre rendirent assez morne le repas qui se termina vers neuf heures du soir. Au moment du départ, Gilbert insista de nouveau, s'informant si ce n'était pas une f.... mauvaise affaire.

— C'est une bonne affaire pour tous, répondit Orain.

On se mit en route, quatre par quatre. Plusieurs avaient des fusils, quelques-uns des épées, d'autres ne portaient que des bâtons. Ils prirent le chemin de la Celle, passèrent le Couësnon au Gué-Perier, à l'aide du bateau de la veuve Jacqueline Guichard, et suivirent quelque temps la rivière. Tandis qu'ils remontaient la rive droite, Gilbert crut apercevoir, dans la nuit, la silhouette d'un homme qui marchait sur l'autre bord, se dissimulant derrière les arbres. Il cria : — Qui va là ?

— Je n'ai pas besoin de me nommer, répartit l'autre ; Jamet et Berthelot sont-ils avec vous ?

On lui répondit que non, et c'était vrai, du moins pour Jamet, qui, après le repas, s'était éclipsé sous un prétexte futile. Gilbert insista :

— Si tu ne dis pas ton nom, je te tire un coup de fusil.

— Je ne peux pas vous apprendre mon nom, répliqua l'homme.

Mais, à l'intonation de ces mots, Gilbert reconnut le sieur Ricault, curé réfractaire de Sougral ; rassuré, il en fit à haute voix l'observation à ses camarades.

— Ne dites pas que vous m'avez vu, cria Ricault.

Et, hâtant le pas, il disparut[43].

La bande poursuivit sa route. Au village de la Barbaie, Julien le Pauvre et Mathurin le Marchand frappèrent à la porte d'un cabaret et demandèrent le chemin de la Rouërie. On apercevait dans les sentiers convergeant vers le château d'autres troupes, arrivant de Sacey et échangeant, en manière de signaux, des coups de sifflet[44]. A la lisière du bois des Bannieres, un cri de : Halte ! qui vive ? arrêta les gens de Sougeal. Orain répondit : Ami de la garde ! Un homme sortit du bois, vint à leur rencontre, et quelques-uns reconnurent que c'était André fils, colonel de la garde nationale d'Antrain[45]. André les accompagna le long des avenues.

Au portail de la grande cour, deux abbés[46] qui montaient la garde, armés de pistolets, demandèrent aux arrivants le nom de leur chef. Ils répondirent que c'était Louis Orain ; sur quoi ils durent attendre quelques instants, pendant qu'on prévenait au château. Il était environ une heure du matin, toutes les fenêtres de la façade étaient éclairées, la cour était pleine d'hommes et de chevaux : on entendait beaucoup de bruit dans les greniers de l'écurie neuve, où était logée, sans doute, une partie de la garnison.

Enfin un monsieur, vêtu d'une redingote blanche[47], vint recevoir les habitants de Sougeal et les invita à entrer au château : ifs le suivirent docilement ; Orain était le seul à n'avoir pas l'air neuf et emprunté. Reçus d'abord dans une chambre du premier étage, dans laquelle se trouvaient dix à douze personnes, on les fit presque aussitôt redescendre au rez-de-chaussée pour se rafraîchir. On leur servit à manger plus en beurre qu'en viande, remarqua l'un d'eux ; un autre nota qu'on ne leur versa point de vin, mais seulement du cidre, qu'ils burent en se tenant debout autour d'une table ronde. Dans un angle, trois gardes nationaux étaient couchés tout habillés sur des lits. On parla de M. le marquis, que les brigands avaient menacé de tuer ; qu'il fallait se joindre à lui pour empêcher que la Bretagne ne fût pillée par des troupes étrangères ; Gervais Tuffin, qui buvait avec les paysans, ajouta que, pour le moment, d'ailleurs, ils avaient eu tort de venir et qu'on n'avait pas besoin d'eux.

A ce moment un aide de camp vint appeler Orain et passa avec lui dans une chambre voisine, où l'on disait que le marquis était couché :

— Voilà Orain qui veut décamper et nous laisser là, insinua Julien le Pauvre.

— Ne craignez rien, riposta Tuffin, il est à parler avec Monsieur[48].

Orain reparut après un quart d'heure d'absence. Il avait l'air satisfait et apprit à ses compagnons que les choses étaient rentrées dans l'ordre, que M. de la Rouërie allait devenir le seigneur de tout le pays, qu'il était tranquille et qu'on ne lui en voulait plus. Il tenait de l'argent blanc dans sa main et distribua vingt sous à chacun de ses hommes. C'est à ce moment que Pierre Lambert entendit quelqu'un faire cette réflexion :

— Quand le marquis sera le maître, il fera brûler Pontorson et Antrain[49].

Il fallait partir : les officiers de la Rouërie pressaient les paysans de regagner leur village, car le jour allait bientôt paraître, leur recommandant de s'en aller deux par deux et conseillant à ceux qui étaient armés de dire, si on les rencontrait, qu'ils poursuivaient un lièvre. Ils se hâtèrent d'achever leur collation et, par petits groupes, reprirent le chemin de Sougeal. Leur séjour au château avait duré un peu moins de deux heures[50].

 

Dès l'aube, toute la contrée connaissait l'aventure : le bruit s'en répandit jusqu'à Rennes. Les administrateurs du département tinrent conseil : il importait de disperser ces rassemblements de factieux et de s'assurer de la personne des chefs : en conséquence, un détachement du 16e dragons, en garnison à Rennes, ainsi que la cavalerie de la garde nationale avec deux pièces de campagne, reçurent l'ordre d'aller mettre le siège devant le château de la Rouërie, sous la direction de deux commissaires, François Varin et Marie Hévin, délégués par le Directoire du département d'Ille-et-Vilaine.

Les troupes arrivèrent à Antrain le jeudi 31 mai ; la petite ville regorgeait de soldats : depuis la veille, une véritable armée s'y concentrait : à la requête des districts d'Avranches et de Dol[51], les gardes nationales et les brigades de gendarmerie de Pontorson[52], de Fougères[53], de Saint-Aubin-du-Cormier, de Saint-Servan, de Dol même, s'étaient mobilisées et campaient dans la haute ville et sur les bords de la Loysance[54]. Les commissaires rennais s'y rencontrèrent avec MM. de la Brigue, du district de Dol, Gauttraye fils et Latouche, du district de Fougères, qui les instruisirent du détail des faits[55].

Espérant s'emparer par surprise du marquis de la Rouërie avant que ses espions ne l'eussent prévenu du danger qui le menaçait, un peloton de vingt hommes, sous les ordres de Cadenne, lieutenant de gendarmerie à Saint-Servan, se mit en campagne, dès la nuit venue, et battit, sans succès, les environs du château. A onze heures du soir, Cadenne rentrait avec ses hommes à Antrain, ramenant un particulier rencontré sur la route : c'était Deshayes, le secrétaire du marquis.

Hévin l'interrogea sur-le-champ ; mais l'autre, très maître de soi, joua la stupéfaction. Il y a quatre ans qu'il est au service du marquis en qualité d'intendant, et jamais il n'a entendu parler de conjuration ni de politique : depuis trois mois, principalement, la Rouërie s'occupe seulement de l'entretien de son jardin et de l'embellissement de son domaine, qu'il a quitté mardi dernier dans l'après-midi, afin d'empêcher ses amis de venir le voir et de couper court aux bruits de rassemblements que des gens malintentionnés ont répandus. Deshayes ignore où s'est retiré le marquis et sait seulement qu'il est parti en compagnie de plusieurs personnes, entre autres de son cousin, Tuffin, de MM. du Pontavice, de la Haye-Saint-Hilaire et Chafner, des dames du Pontavice, Fabiani et de Mlle Moëlien de Trojoliff. Le valet de chambre Saint-Pierre, ainsi que Guillon et Bossard[56], sont aussitôt montés à cheval et ont suivi leur maître[57].

Hévin comprit que Deshayes s'en tiendrait à ces discrètes révélations et n'insista pas : conseillé par Lalande qui, se sentant soutenu par toute une armée, montrait de la décision et devenait brave, il estima plus urgent de découvrir la retraite de la Rouërie ; le marquis ne pouvait être bien loin, si même il était vrai qu'il eût fui. Lalande, d'ailleurs, connaissait le pays et, à son avis, le conspirateur avait dû trouver asile dans quelque château voisin, au Rocher-Portail ou à la Ballue. Hévin ne perdit pas un moment : il était une heure du matin[58] : il monta à cheval, se mit à la tête des dragons rennais et prit la route du château de la Rouërie.

Son collègue Varin et le commissaire la Brigue se dirigèrent avec les gendarmes vers le Rocher-Portail, où ils arrivèrent à trois heures : les portes étaient fermées, Varin frappe, appelle, somme d'ouvrir au nom de la loi. Une servante apeurée se présente et introduit les commissaires dans une salle basse, où se trouvent Mlles de Farcy de la Ville-des-Bois. Elles déclarent n'avoir point vu M. de la Rouerie, consentent à ce qu'on visite la maison des caves au grenier : la perquisition ne révèle rien de suspect ; pourtant les commissaires remarquent dans les stalles vides de l'écurie du crottin frais sur de la paille nouvellement broyée.

Pierre Tinet, palefrenier, et Julien Huichais, garçon d'écurie, déclarent que la veille, 31 mai, vers six heures et demie du soir, sont arrivée au Rocher-Portail, trois domestiques du marquis de la Rouërie montés sur des chevaux appartenant à MM. du Pontavice et de la Haye-Saint-Hilaire, et que les bêtes ont, en effet, passé une partie de la nuit à l'écurie. Les commissaires mettent les domestiques en état d'arrestation et reprennent avec eux le chemin d'Antrain[59].

En approchant de Saint-Brice, ils avisèrent, au petit jour, la maison de la Branche, appartenant à MM. du Pontavice[60]. Une visite là pouvait fournir quelque indication utile : Varin s'y arrêta avec ses gendarmes et y trouva seulement un domestique qui le reçut dans une salle basse, où ils aperçurent un lit dérangé.

— Qui a couché dans ce lit[61] ?

— C'est moi-même.

Varin s'approche du lit, le retourne et, sous les couvertures, découvre un mouchoir de femme et une coiffe de nuit ; la visite se poursuit : dans une chambre du premier étage, autre lit, également dérangé.

— Ce lit-là,... fait le domestique qui, visiblement, perd son assurance, ce lit-là est défait depuis hier ; personne n'y a couché cette nuit.

Varin n'attendait que cette réponse pour passer la main sur les draps ; ils étaient encore chauds. Le pauvre serviteur avoua piteusement que M. du Pontavice avait passé la nuit là ; Mme du Pontavice et sa fille avaient dormi dans le lit du rez-de-chaussée : tous étaient partis à pied depuis une heure au plus ; leurs chevaux restaient même encore à l'écurie.

De retour à Antrain, Varin, à l'instigation de Thomas Lalande, qui montrait un zèle immodéré, poussa avec sa cavalerie une pointe jusqu'au château de la Ballue[62], sur la route de Bazouges ; mais, malgré une visite minutieuse de la maison et de ses dépendances, il n'y découvrit aucune trace du séjour du fugitif[63].

 

Tandis que son collègue courait ainsi les routes, Hévin était arrivé vers trois heures du matin au château de la Rouërie : il n'y trouva qu'une dizaine de domestiques qui, interrogés individuellement ne firent aucune révélation nouvelle. Tous déposèrent que leur maître était parti, le mardi 29, vers quatre heures de l'après-midi, en compagnie de douze ou quinze personnes formant sa société habituelle[64].

Le jardinier Guillaume Labbé fournit un détail frange : il avait introduit au château, le matin de ce même jour, un inconnu vêtu d'un habit vert, d'un gilet de différentes couleurs avec franges, d'une culotte rayée et de guêtres noires ; cet homme avait parlé à M. Tuffin et s'était plaint de ce qu'on avait voulu lui couper les cheveux.

Enfin comparut le valet de chambre Pierre-Charles Boujard, et celui-ci fut loquace[65]. Il raconta que, depuis longtemps, il était occupé à servir une quantité d'étrangers qui allaient et venaient journellement et nuitamment : ils appelaient le marquis mon général et buvaient à sa santé. S'il n'a pas déjà révélé ces faits à la municipalité de Saint-Ouen, c'est parce qu'une femme tenant auberge au village le prévint que, s'il avait le malheur de dire un seul mot de ce qui se passait sous ses yeux, il serait chassé sans paiement et courrait risque d'être tué d'un coup de fusil à travers les haies. Il cita les noms de quelques-uns de ceux qui venaient au château le plus fréquemment : Faligan, fils d'un tailleur de Rennes ; Magnin, instituteur dans cette même ville ; Rasmeur de Vannes, de Blossac, un ci-devant abbé appelé Gardel. Tous mangeaient à la table du maître avec les dames Pontavice, Chafner et le fils naturel de la Rouërie : ces derniers avaient quitté le château avec le marquis. Boujard ajouta qu'il était mal vu par les autres domestiques : il avait voulu se sauver et était déjà au bout de la rabine[66] quand le jardinier se saisit de lui et le ramena au château. Le marquis le fit mettre en prison dans une chambre, où il était gardé à vue, et menaça de le faire pendre dans sa cour lorsque les affaires seraient arrangées. Il resta ainsi au cachot pendant trois mois et demi : il parvint enfin à sortir en dévissant la serrure : repris aussitôt, il fut souffleté par la femme de chambre de Mlle de Moëlien, pendant que deux autres domestiques le tenaient.

Après s'être étendu sur les prétendues[67] persécutions qu'il avait souffertes, le valet revint aux rassemblements dont il avait été témoin, assurant que le marquis, outre les vingt sous par jour qu'il donnait à ses hommes, promettait six cents livres de récompense à ceux qui passeraient tout au fil de l'épée, sans compter les femmes et les enfants ; il a entendu dire encore qu'il y aurait des villes où on mettrait la charrue dedans.

Le commissaire Hévin, guidé par Boujard, commença une perquisition complète du château et du parc, tandis qu'il expédiait à Antrain une escouade chargée d'en rapporter des rafraîchissements pour sa troupe et de ramener un maçon pour piquer les armoiries sculptées sur la façade du château[68]. Entre-temps il fouillait les carrés du parterre où devaient se trouver enfouies, d'après Boujard, des caisses pleines de fusils[69]. On ne trouva dans la terre que diverses pièces d'argenterie, du beurre en baril et des bouteilles de vin.

La visite des appartements ne donna pas meilleurs résultats : beaucoup de papiers, contrats, actes de toute sorte, correspondance particulière, aucune pièce ayant trait à la conjuration[70]. Hévin mit de côté deux lettres qui lui parurent cependant intéressantes, fit jeter tout le reste dans trois sacs de toile qu'on devait déposer à Saint-Ouen en regagnant Antrain et rallia sa troupe, qui, pendant toute la journée, s'était conduite avec un calme et une modération dignes d'éloges. Quelques hommes s'étaient attaqués à la charpente du colombier, situé à l'extrémité de l'avenue de chênes, au bord du Tronson ; d'autres avaient cassé quelques bouteilles de liqueur, brisé un battant d'armoire, cueilli dans le parterre des branches de myrte et d'oranger et coupé trois arbustes : c'était là les seuls dégâts commis[71].

A six heures du soir Hévin et ses dragons rentraient à Antrain, où ses collègues se montrèrent assez déçus du résultat de l'expédition. Thomas Lalande principalement, qui depuis vingt-quatre heures se multipliait, ne cacha pas son désappointement. Tant que son encombrant administré courrait les champs, le timoré magistrat ne serait pas tranquille, et il s'était flatté de le voir ramener, menottes aux mains, entre deux gendarmes.

A défaut de cette satisfaction, une surprise était réservée à Lalande : Hévin, au cours de sa perquisition avait en effet découvert les lettres où le maire de Saint-Ouen, par l'intermédiaire de son beau-frère Boyvent, protestait de son dévouement au marquis et lui demandait son jour et son heure, afin d'aller le surprendre en toute quiétude. Les commissaires tinrent conseil, et ce fut, ce soir-là, Lalande et Boy vent qui couchèrent en prison[72].

Tel fut le dénouement inattendu de l'expédition : s'il ne tourna pas au tragique pour le maire de Saint-Ouen, c'est que celui-ci se démena si bien, protesta avec tant d'éloquence de son attachement à la Révolution, qu'il parvint à attendrir les commissaires : il fit réclamer sa mise en liberté par les officiers municipaux de sa commune[73] et l'obtint après quelques mois de détention. La leçon pourtant lui profita au point qu'il en perdit toute velléité de se mettre en évidence : l'accusation de complicité avec les conspirateurs pouvait être mortelle : Thomas Lalande se tint pour mort et ne donna plus signe de vie : tant que dura la chouannerie, on n'entendit plus parler de lui.

Quant au marquis de la Rouërie, il avait disparu : son château restait à la garde d'une seule domestique[74], et toutes les battues organisées pour retrouver la trace du fugitif demeurèrent sans résultat : de guerre lasse les officiers municipaux d'Antrain firent apposer dans tout le pays des placards ainsi libellés :

6 juillet 1792.

Jean-Laurent Lemonnier, homme de loi, juge de paix et officier de police et de sûreté de la ville et paroisse de Dol, mandons et ordonnons à tous exécuteurs des mandements de justice, d'amener par-devant nous le sieur Armand Tuffin, demeurant au château de la Rouërie, âgé d'environ quarante ans, taille d'environ 5 pieds 5 pouces, cheveux châtains, yeux, barbe et sourcils noirs, visage long et marqué, nez long et aquilain, menton fourchu, la bouche enfoncée[75].

 

Les paysans s'attroupaient devant les affiches : quelques-uns s'indignaient contre ce seigneur donnant l'exemple de la révolte ; le plus grand nombre ricanaient ouvertement du bon tour joué aux commissaires rennais ; tous s'attendaient à voir surgir le marquis à la tête d'une armée : l'antagonisme croissait entre ses partisans et ses détracteurs, et cette animosité rendait plus active la propagande de ses agents : les enrôlements se faisaient presque ouvertement : les autorités locales, indécises, fermaient les yeux, et chacun s'apprêtait pour le jour prochain où reparaîtrait le colonel Armand, dont le nom, devenu presque légendaire, acquérait une immense popularité.

 

 

 



[1] Récit de Chévetel. — Rapport de Sicard. — Archives du Département des Affaires étrangères, 1410. — Procès-verbal des perquisitions chez la Dlle de Moëlien. — Archives nationales, W, 274.

[2] Déposition de Julien Guichard. — Archives nationales, W, 275.

[3] Déposition de René Brilloux. — Archives nationales, W, 275.

[4] Déposition de François Lorin fils. — Archives nationales, W, 275.

[5] Déposition de Jean Gavard. — Archives nationales, W, 275.

[6] Déclaration de Pierre-Charles Boujard. — Archives nationales, W, 215.

[7] Souvenirs et Campagnes du Général de la Molle-Rallye.

[8] Le reçu est joint au dossier. — Archives nationales, W, 275.

[9] On assure que Thérèse de Moëlien détruisit, au moment d'être arrêtée, la liste de tous les affiliés portant mention des sommes qu'ils s'étaient engagés à verser.

[10] Groult de la Motte (V. d. 270).

[11] Dubuat de Saint-Gilles, voisin de campagne de Desilles.

[12] Jean-Malo-Hyacinte du Breil, comte de Nevet, 1743-1809.

[13] Locquet de Granville, voisin de campagne de Desilles.

[14] Archives nationales, W, 274. Pièce saisie à la Fosse-Hingant, n° XXII.

[15] Donné à M. Douars (?) pour aller en Angleterre conclure le marché des 3.600 fusils, 600 livres. — Archives nationales, W, 274. Pièce saisie à la Fosse-Hingant, n° IV.

[16] Cinquante boëtes pour emballer les fusils qui m'ont été envoyées d'Ostende, à 7 francs chacune, 350 francs. — Archives nationales, W, 274. Pièce saisie à la Fosse-Hingant, n° IV.

[17] Voir, d'ailleurs, le détail de ces munitions. — Archives nationales, W, 274. Pièce saisie à la Fosse-Hingant, n° IV. — Dans ces objets ne sont compris aucuns frais de magasinage, ni de transport, ni des pierres à fusils, et dernières réparations aux fusils. Non comprises encore les gargousses de flanelle, le loyer d'une maison que j'ai pris pour pouvoir travailler en cachette tout ce qui est nécessaire.

[18] Les Tuffin avaient leur sépulture dans l'église paroissiale de Saint-Ouen depuis le XIIe siècle avec leurs armes en lisière autour du petit temple. Peigné, Antrain et ses Environs.

[19] Archives nationales, W, 275.

[20] Nous reproduisons ce dialogue dans les termes mêmes où le rapporte Boyvent, Interrogatoire du 4 juin 1792. — Archives nationales, W, 275.

[21] Archives nationales, W, 275.

[22] Interrogatoire de Boyvent, 4 juin 1792. — Archives nationales, W, 275.

[23] Archives nationales, W, 275.

[24] Je suis persuadé que mon beau-frère est dans les meilleures intentions pour les honnêtes gens... — Archives nationales, W, 275.

[25] Archives nationales, W, 275.

[26] 1792.

[27] Cette commission fut saisie au château de la Fosse-Hingant. En voici le texte intégral :

Commission pour commander aux militaires donnée par les Princes frères du roi à M. le marquis de la Rouërie déjà muni de leur pouvoir en Bretagne pour y former une association utile au service de Sa Majesté.

Les Princes, frères du roi, considérant que le bien de la province de Bretagne et le service de Sa Majesté exigent que le chef de l'association bretonne ait en même temps le pouvoir nécessaire pour diriger les mouvements des troupes de ligne, des maréchaussées et autres militaires ou gens armés dans cette province, leurs Altesses Royales ont conféré et confèrent au marquis de la Rouërie, colonel au service de France depuis le 10 mars 1777 et ancien officier général au service des Etats-Unis d'Amérique, la commission et le pouvoir de donner en leur nom les ordres que les circonstances lui paraîtront exiger tant aux troupes de ligne qu'aux maréchaussées et autres militaires quelconques et gens armés dans cette province. Ordonnant à tous les sujets fidèles qui y sont demeurés, de quelque état et condition qu'ils puissent être de le reconnaître comme muni desdits pouvoirs et d'obéir aux ordres qu'il leur donnera en cette qualité, soit avant, soit pendant le cours de la contre-révolution, le tout sous le bon plaisir du roi et jusqu'à ce que les Princes frères de Sa Majesté jugent à propos de révoquer et annuler la présente commission. Leurs Altesses Royales, persuadées de la nécessité de ramener au même but et de faire concourir avec un accord salutaire les efforts de tous ceux qui seront employés dans la bonne cause, voulant d'ailleurs écarter et même détruire les soupçons, jalousies et inquiétudes que l'arrivée des troupes étrangères en Bretagne parait y inspirer, désirent et jugent à propos que, dans le cas de l'arrivée de ces troupes ou de toutes autres, leurs chefs entrent en relation avec celui de l'association bretonne, et elles prendront audit cas toutes les mesures nécessaires pour que ces chefs se conduisent en tous points de concert avec lui, relativement au bien des affaires du roi et rétablissement de son pouvoir leurs légitime et à la conservation des propriétés. Autorisent leurs Altesses Royales M. le marquis de la Rouërie, en qui elles ont une juste confiance, à joindre autant que faire se pourra à l'association bretonne les parties limitrophes des autres provinces, lesquelles seront sujettes aux mêmes règlements et travaux et participeront aux mêmes avantages, à l'exception de ceux qui ne seraient relatifs qu'à la constitution particulière de la Bretagne.

Au surplus, les Princes, voyant avec satisfaction les principes d'après lesquels s'est formée ladite association, et convaincus des bons effets qui doivent en résulter, recommandent au marquis de la Rouërie de faire connaître de leur part à ses compatriotes que les services qu'ils pourront rendre au roi et à l'Etat en demeurant dans leurs provinces et en se réunissant à cette coalition de zèle et de fidélité, leur paraissent plus importants que ceux qu'ils pourraient rendre au dehors et qu'en conséquence, quelque honorables que soient les motifs qui, dans les premiers moments, ont déterminé plusieurs d'entre eux à venir se ranger sous les ordres de leurs Altesses Royales, elles désirent que le nombre n'en soit pas augmenté et que les gentilshommes ou autres qui, par des raisons également honorables, n'ont pas abandonné leurs foyers évitent de prendre le parti de l'émigration.

En foi de quoi nous avons signé la présente commission et y avons fait apposer le cachet de nos armes.

Fait à Coblentz, le 12 mars 1792.

LOUIS-STANISLAS-XAVIER.

CHARLES-PHILIPPE.

Par leurs Altesses Royales :

COURVOISIER.

[28] A M. le marquis de la Rouërie :

Coblentz, le 2 mars 1792.

Les Princes n'ont point approuvé l'émigration excessive qui a privé notre province de plusieurs citoyens qui auraient pu être fort utiles. Ils ont fait témoigner à M. de P... (le nom a été enlevé au canif, qu'il devait s'abstenir d'inviter aucun de ses compatriotes à l'émigration ; et ils ont marqué aussi leur regret et désapprobation de la démarche inspirée sans doute par bonne intention, mais mal combinée avec les circonstances de MM. de Boislevrier et Leziard qui, après avoir signé l'acte de l'association bretonne et s'être engagés à être membres du Comité de Fougères, sont sortis de leur province pour venir se joindre aux autres émigrés...

DE CALONNE.

Pièce saisie à la Fosse-Hingant, n° V. — Archives nationales, W, 274.

[29] Le 13 mai 1792, Calonne écrivait de Coblentz au marquis de la Rouërie :

Les derniers événements, Monsieur, ne peuvent qu'être infiniment favorables à notre cause... Ne précipitons rien en attendant, et croyez que vous serez averti du moment où il conviendra de participer au mouvement général. Un mois ne se passera pas sans que vous aïez de mes nouvelles. Continuez jusque-là votre opération... je ferai partir le plutôt que je pourrai la personne qui est ici pour déterminer votre marche. D. C.

Au verso, de l'écriture de Fontevieux se trouve ce billet :

Cette lettre doit convaincre que je suis à mon devoir et que je ne néglige aucune occasion de remplir scrupuleusement l'objet qui me retient ici, je prendrai mon essor quand il sera temps, mais surtout point de bruit si ce n'est moi qui le fais. J'embrasse tendrement tous les amis.

C..., le 13 mai 1792.

LEPETIT.

Pièce saisie à la Fosse-Hingant, n° XVI. — Archives nationales, W, 274.

[30] Les maires de trois communes voisines du château de la Rouërie ont déclaré que, depuis deux mois, il s'y fait des rassemblements considérables. On a vu passer plusieurs escouades de gens armés se ralliant par un coup de sifflet. — Archives nationales, DXX12.

[31] Voici une lettre que le marquis adressait au procureur-syndic de la commune d'Antrain.

23 mai 1792, 9 heures et demie du soir.

Près de 300 hommes, qu'on dit très mal intentionnés, se sont réellement assemblés dans les landes de Grollon. De là ils se sont portés dans différentes maisons et surtout à Boucéel. On est sur ses gardes à la Croix et à Villiers ; Saint-James est tout prêt à marcher ; ils sont tous convenus de m'envoyer chercher s'il y a lieu d'employer la force pour les repousser. Dans ce cas je ferai prévenir la paroisse de Saint-Ouen et la ville d'Antrain, qui peuvent jusqu'à ce temps, être fort tranquilles.

ARMAND DE LA ROUËRIE.

Archives nationales, W, 275.

[32] Cette convocation se fit par le moyen de cavaliers qui portèrent les ordres du marquis. Nous trouvons, en effet, dans l'enquête de Brisbarre, juge de paix et officier de police du canton de Trans (27 juillet 1792), cette indication : Huit jours environ avant la Pentecôte, des bandes d'hommes à cheval partirent vers deux heures du matin du château de la Rouërie et prirent différentes routes. — Archives nationales, W, 275.

[33] Le 27 mai 1792.

[34] Trois jours plus tard on arrêta, à l'auberge du Cheval-Blanc, à Antrain (située dans la rue de la Filanderie), un des affiliés qui retournait chez lui : il était vêtu d'un habit vert, portait une ceinture aux trois couleurs, dans laquelle était un pistolet chargé. On le fouilla, et on trouva sur lui le billet dont nous donnons le texte (l'original est joint au procès-verbal). Cet homme déclara qu'il avait couché les nuits précédentes à Saint-Brice et qu'on avait dû mettre ce papier dans sa poche pour lui nuire. — Procès-verbal de Charles Poncelet, sergent-major des grenadiers du bataillon de la Garde Nationale d'Antrain. — Archives nationales, W, 275.

[35] Enquête de Brisbarre, juge de paix et officier de police du canton de Trans. — Archives nationales, W, 275.

[36] Archives nationales, DXX12.

[37] Déposition de Louis Lorin fils. — Archives nationales, W, 275.

[38] David Moussu déclare avoir aidé aux domestiques de M. de la Rouërie de desservir la table du salon, où trente personnes environ avaient soupé. — Archives nationales, W, 275.

[39] Archives nationales, DXX12.

[40] Déposition de Pierre Guinchard, menuisier au Tremblai : Il vit dix-sept à dix-huit personnes sans armes qui jouaient aux cartes. Jacques André, greffier du juge d'Antrain, allait, venait et s'amusait. — Archives nationales, W, 275.

[41] Nous reproduisons les principaux passages de ce discours d'après la minute autographe du marquis ; il l'avait certainement entre les mains en prononçant cette allocution, qu'il dut lire, car le dossier contient, de la même harangue, un premier brouillon, chargé de ratures, dont cette minute n'est qu'une copie plus soignée. Ces deux pièces ont été saisies à la Fosse-Hingant et inventoriées sous les n° XI et XII. — Archives nationales, W, 274.

[42] Nous établissons ce récit d'après les très nombreuses dépositions des paysans de Sougeal, interrogés individuellement quelques jours plus tard par le juge de paix du canton de Trans. Nous nous efforçons de conserver les termes mêmes de ces relations et autant que possible leur naïveté et leur saveur très spéciale. — Archives nationales, W, 275.

[43] Un certain nombre de curés et de vicaires insermenté s'étaient mis sous la protection du marquis. On écrivait de Dol, le 10 mai : Quatorze prêtres réfractaires demeurent à Saint-Ouen-de-la-Rouërie. Le seigneur de cette paroisse fait dire la messe à son château.

[44] Déposition de Jean Labbé-Compagnon, de Pierre Hedou et de Charles Barbier. Ils parlent de bandes composées de seize, de cinquante et de soixante hommes, armés de fusils ou de bâtons. — Archives nationales, W, 275.

[45] Il fut interrogé quelques jours plus tard et avoua qu'il avait passé la nui au château. — Archives nationales, W, 275.

[46] Un abbé, avec l'abbé Gardais (ou Gardel), faisait la sentinelle à la porte du château avec des pistolets dont ils étaient armés. Déposition de Pierre Lambert de la Barre en Vieuxviel. — Archives nationales, W, 275.

[47] C'était Gervais Tuffin. — Archives nationales, W, 275.

[48] Est-il nécessaire de répéter que ces fragments de dialogue sont intégralement extraits des dépositions ? — Archives nationales, W, 275.

[49] Enquête de François Brisbarre, juge de paix du canton de Trans. — Archives nationales, W, 275.

[50] Enquête de François Brisbarre, juge de paix du canton de Trans. — Archives nationales, W, 275.

[51] Papiers de la Commission des Douze. — Archives nationales, DXX10.

[52] Serel, commandant. — Archives nationales, DXX10.

[53] Beaulieu, commandant. — Archives nationales, DXX10.

[54] Un journal de Rennes donnait, le 31 mai, l'état des troupes envoyées à Antrain : Dix-sept hommes de cavalerie, deux cents quarante gardes nationaux de Rennes, suivis de deux pièces de canon ; cinquante hommes du 16e régiment de dragons en garnison à Rennes ; cent cinquante hommes du 16e régiment d'infanterie en garnison à Saint-Malo et Saint-Servan ; cent gardes nationaux et deux pièces de canon de Saint-Malo et Saint-Servan, qui seront accompagnés de beaucoup de gardes nationales voisines.

[55] Archives nationales, DXX10.

[56] Saint-Pierre, Guillon et Bossard avaient accompagné la Rouërie pendant son voyage à Coblentz.

[57] Interrogatoire de Louis-Adrien Deshayes. — Archives nationales, W, 275.

[58] 1er juin 1792.

[59] Archives nationales, DXX10.

[60] Archives nationales, W, 275.

[61] Rapport de Varin. Interrogatoire subi à la Branche par le domestique de Pontavice. — Archives nationales, DXX10.

[62] Appartenant alors à M. du Tiercent.

[63] Archives nationales, DXX10.

[64] Dépositions de la femme la Contrie, de Xavière Masson, femme de chambre de Mlle de Moëlien, de Jacques Pitel, cuisinier, de Jeanne Girou, domestique de basse-cour, de François Lorin, de René Bréjon et de Françoise Dauverne. — Archives nationales, W, 275.

[65] Nous groupons ici, pour n'avoir pas à y revenir, diverses dépositions de Boujard, qui fut interrogé le 1er juin, le 21 octobre et le 4 novembre 1792. — Archives nationales, W, 275.

[66] L'avenue.

[67] Il paraît bien certain, en effet, que Boujard mentait, puisque, dans un de ses interrogatoires, au mois de décembre suivant, il prétendit que tous les domestiques du château s'étaient enfuis avec le marquis et que lui seul, Boujard, avait été interrogé par le commissaire. D'ailleurs, il fut mis en prison à Saint-Malo pour avoir accusé le courtier Vincent de faits qui furent reconnus faux. — Rapport et jugement contre Vincent et Boujard, 6 novembre 1792. — Archives nationales, W, 275.

[68] L'écusson de pierre du fronton porte encore les traces de cette mutilation.

[69] Interrogatoire de Boujard. — Archives nationales, W, 275.

[70] Rapport de Jean Merdrignac, administrateur du district de Dol. — Archives nationales, W, 274.

[71] La tradition locale est unanime cependant sur un prétendu pillage du château, dont nous n'avons trouvé aucune mention dans les documents officiels.

[72] Rapport de Varin. — Archives nationales, DXX10.

[73] Les officiers municipaux et notables de Saint-Ouen-de-la-Rouërie certifient que le sieur Julien-Marguerite Thomas (dit Lalande), maire, s'est toujours comporté en bon citoyen, a donné des preuves de patriotisme. Il a été le premier à faire enlever les armoiries du sieur Tuffin de la Rouërie et autres qui étaient autour de l'église de Saint-Ouen, a fait ôter les bancs seigneuriaux, a fait enlever les fusils de M. Tuffin qui sont déposés chez ledit Thomas. A soutenu un procès contre Tuffin, qui accusait Thomas d'avoir enlevé le cœur de son père, ce qui était faux. Tuffin s'était vanté de faire périr la municipalité de Saint-Ouen et Thomas. Le 20 du mois dernier (mai), Tuffin avait demandé un détachement de la garde nationale sous prétexte de repousser les brigands ; mais Thomas comprit que c'était une ruse (11 juin 1792). — Archives nationales, W, 275.

[74] Marie Gontier.

[75] Archives nationales, W, 275.