LA CHOUANNERIE NORMANDE AU TEMPS DE L'EMPIRE

DEUXIÈME PARTIE

 

CHAPITRE III. — LE CHEVALIER.

 

 

Le Chevalier est l'amant adoré. C'est ainsi que Licquet résumait sa première conversation avec Mme Acquet. Depuis lors, il avait pu s'assurer que l'amour effréné qu'elle portait à son héros occupait une telle place dans son âme qu'il y avait étouffé tout autre sentiment : c'est pour lui qu'elle avait hébergé les hommes d'Allain ; c'est pour lui qu'elle était allée tant de fois affronter les méprisants accueils de Joseph Buquet ; c'est pour lui qu'elle avait si longtemps supporté l'odieuse existence de la maison Vannier. Aussi Licquet jugeait-il qu'un sentiment si violent pouvait, bien manié, — c'était son mot — fournir quelque lumière nouvelle.

Il aurait fallu voir cet incomparable comédien dans l'exercice de son jeu cruel. De quel air écoutait-il les confidences amoureuses de sa prisonnière ? De quel -bu de compassion attristée répliquait-il aux élogieux portraits qu'elle traçait de son amant ? Car elle ne parlait guère que de lui et Licquet l'écoutait silencieusement, jusqu'au moment où dans un élan de sensibilité, il lui prit les mains et, comme attendri de la voir dupe, avec des ménagements hypocrites : — Ma pauvre enfant !... Ne vaut-il pas mieux tout vous dire ? il lui fit croire t-plie Le Chevalier l'avait dénoncée ! Elle dut, tout d'abord, se refuser à l'écouter : pourquoi son amant aurait-il commis une telle infamie ? Mais Licquet donnait des raisons : au Temple, Le Chevalier, très informé par Vannier ou par d'autres, avait appris ses relations avec Chauve' et, par vengeance, il avait mis la police sur la trace de son infidèle amie.

Ainsi l'homme pour lequel elle avait sacrifié sa vie ne l'aimait plus. Licquet, pour bien la torturer, accablait la malheureuse de ces consolations volontairement maladroites qui avivent la douleur. Elle pleura beaucoup et n'eut qu'un mot :

— Je voudrais, dit-elle, le sauver malgré son ingratitude.

Ceci ne faisait point l'affaire du policier : il avait espéré qu'elle chargerait à son tour celui qui l'avait livrée ; mais sur ce point il ne put rien obtenir ; elle n'éprouvait nul désir de représailles ; les lettres qu'elle écrivait à Le Chevalier — Licquet encourageait beaucoup la correspondance entre les détenus — sont d'une tristesse qui dénote une âme brisée mais toujours pleine d'amour.

Ce n'est pas lorsqu'un ami est malheureux qu'il faut lui faire des reproches ; aussi je suis loin de vous en faire malgré toute votre conduite à mon égard ; vous savez que j'ai tout fait pour vous, je ne vous le reproche pas, et vous m'avez, après, dénoncée ! Je vous le pardonne de tout mon cœur si cela peut vous être utile ; mais je sais le motif qui vous a engagé d'être aussi injuste pour moi ; vous avez cru que je vous abandonnais et je vous jure que non !...

 

Il n'y avait point là grand renseignement pour Licquet ; aussi, clans l'espoir d'en savoir plus long, excitait-il beaucoup Mme Acquet contre d'Aché : à l'en croire, c'est d'Aché qui, le premier, aurait vendu tout le monde ; c'est lui qui avait fait arrêter Le Chevalier pour se débarrasser de ce rival gênant, après l'avoir compromis ; c'est à lui seul que les détenus devaient attribuer tous leurs malheurs. Et, dans les lettres que Mme Acquet adressait à son amant, Licquet retrouvait l'écho fidèle de ses insinuations ; mais rien de plus :

Vous savez que Delorière d'Aché est un gueux, un célérat que cet lui qui est cause que vous étes dans la peine, que lui seul vous a mis en avant que vous ni penssiez pas ; que ces lui qui a voulu faire imprimer un manifeste qu'il n'a pas pu réussir ; mais que ces lui qui vous a donné de mauvais conseille ; que lui seul mérite la haine avec raison du gouvernement : il est aboré et exécré comme il mérite de l'être et il ni a personne qui ne se ferait un plaisir de le mettre entre les mains du gouvernement ou de le tuer sur le champ ; on scai bien que lui seul est cause que vous êtes dans la peine. Souvenez-vous donc de cela et ne l'oubliez pas[1].

 

Ces lettres, est-il besoin de le dire, ne parvinrent Jamais à Le Chevalier, tenu au secret clans la tour du Temple en attendant que Fouché décidât de son sort. C'était un prisonnier assez embarrassant, car, puisqu'on ne pouvait l'accuser directement du vol du Quesnay, auquel il n'avait pas assisté, et qu'on redoutait, d'ailleurs, de l'impliquer dans l'affaire, à laquelle son superbe verbiage, son importance de chouan gentilhomme, son passé aventureux, ses éloquentes professions de foi risquaient de donner une portée politique semblable à celle du procès de Georges Cadoudal, il ne restait qu'à lé mettre en liberté ou à le juger isolément comme agent royaliste. Or, de royalistes, on n'en voulait plus parler en 1808 ; il était bien entendu que la race en était éteinte, et l'ordre était donné de ne plus en occuper le public qui devait depuis longtemps avoir oublié que, dans des temps très reculés, les Bourbons avaient régné sur la France.

Donc, Réal ne savait trop ce qu'il adviendrait de Le Chevalier quand Licquet s'imagina de donner à celui-ci un rôle dans sa comédie. Nous avouons, dès à présent, n'avoir pu saisir tous les fils de cette nouvelle intrigue ; soit que Licquet ait détruit certaines pièces trop explicites. soit qu'il ait préféré, en matière si délicate, agir sans trop écrire, il reste, dans la suite des événements, des lacunes si considérables qu'il ne nous a pas été possible d'établir la corrélation des faits que nous allons simplement exposer.

Il est certain que l'idée d'exploiter la passion de Mme Acquet et de lui promettre la liberté de son amant en échange d'une confession générale revient tout entière à Licquet. Il le déclare nettement dans une lettre adressée à Réal[2]. On obtint d'elle, par ce moyen, des aveux complets : le 12 décembre, elle fit un récit détaillé de sa vie d'aventures, depuis son départ de Falaise jusqu'à son arrestation ; quelques jours plus tard, elle donna sur la conspiration, dont d'Aché était le chef, des détails sur lesquels nous aurons à revenir. Ce qu'il faut, pour l'instant, retenir c'est cette coïncidence au moins remarquable : le 12, elle parlait, sur la promesse formelle de Licquet qu'il assurerait l'évasion de Le Chevalier, et, le 14, celui-ci s'évadait en effet de la prison du Temple. Licquet dans l'intervalle de ces deux dates était-il allé à Paris ? Cela paraît probable : il parle clans une lettre, d'une absence supposée[3] qui pourrait bien avoir été véritable.

Quant à la façon dont Le Chevalier sortit du Temple, elle est assez singulière pour être contée avec quelque détail : en raison de son état d'exaltation qui le jetait dans des transports continuels et qui avait paru, au concierge de la prison, être le délire de la fièvre, on l'avait logé, non point dans la Tour, mais dans une dépendance dont l'un des murs formait précisément la clôture de la prison et donnait sur les cours extérieures[4].

Le Chevalier, souffrant depuis quelques jours, était sujet à des sueurs extrêmement abondantes ; il avait demandé à changer très fréquemment de draps de lit et on lui en servait plusieurs paires à la fois. Le 13 décembre, à huit heures du matin, le gardien Savard, spécialement attaché à sa personne, était venu vider sa chaise percée, placée dans le cabinet voisin de la chambre ; il était revenu, à une heure. servir le dîner et avait trouvé le prisonnier occupé à lire ; à six heures du soir, le gardien Carabeuf, en apportant la chandelle, l'avait aperçu étendu sur son lit ; le lendemain, 14 décembre, en entrant chez lui le matin, on avait constaté son évasion.

Le Chevalier avait pratiqué dans le mur, épais de deux mètres, de son cabinet, une ouverture assez large pour s'y glisser. On reconnut qu'il avait mené à bien ce travail sans autre outil que sa fourchette : deux morceaux de bûche, coupés en forme de coins, avaient servi de leviers pour ébranler et retirer les moellons. L'opération avait été conduite avec tant d'habileté que tous les gravats avaient été soigneusement retirés à l'intérieur ; au dehors ne se voyait aucune trace de démolition. Le détenu Vaudricourt logé immédiatement au-dessous, n'avait perçu aucun bruit insolite, quoiqu'il eût l'habitude de ne se coucher qu'à onze heures du soir. Le Chevalier, dont le cachot se trouvait à une élévation de seize pieds environ du sol de la cour, avait dû, en outre, fabriquer une corde pour effectuer sa descente : il l'avait tressée de longues bandes découpées dans une culotte de nankin et dans la toile de son matelas. Sorti, par ce moyen dans les cours pendant la nuit, il avait attendu l'heure, très matinale, où l'on apportait, du dehors, le pain des prisonniers. Le concierge du Temple avait l'habitude de se recoucher après avoir reçu le boulanger et la porte restait ouverte un quart d'heure et plus pendant que la livraison du pain se faisait aux guichets[5].

Certes, on s'évadait du Temple, comme de toute autre prison : l'histoire de la vieille tour comporte d'illustres exemples de détenus enlevés, par leurs amis, à la barbe des geôliers et de la garde ; mais que de compères ne fallait-il point recruter pour de tels coups de main ! Etant donnée la topographie du Temple, tel qu'il existait en 1807, il paraît impossible que, sans complicité du dehors, un homme parvînt seul, à percer, en quelques heures de temps, un mur épais de deux mètres et à traverser l'ancien jardin du grand-prieur d'où il aurait dû, pour gagner la rue, soit escalader le mur d'enceinte de l'enclos, soit passer par le palais et ses cours pour arriver à la première porte, celle de la rue du Temple, qui restait — comme le dit le procès-verbal — ouverte, chaque matin, pendant vingt minutes, à l'heure du boulanger. L'invraisemblance du succès nous porte à penser que, si Le Chevalier réussit à triompher d'une telle série d'obstacles, c'est qu'on lui facilita la besogne.

Réal mit à ses trousses l'homme qui, depuis dix ans, était le plus intime confident des secrets de la police, celui qui avait mené les affaires les plus délicates, telles que l'enrôlement de Querelle ou l'arrestation de Pichegru, l'inspecteur Pasque. Celui-ci s'adjoignit le commissaire Beffara et tous deux entrèrent en quête.

Licquet, prévenu l'un des premiers de la disparition de Le Chevalier, en avait immédiatement tiré parti en montrant à Mme Acquet la lettre annonçant l'évasion, qu'il eut soin de lui présenter confidentiellement comme étant son œuvre. Cela lui valut une copieuse déclaration de la prisonnière reconnaissante ; elle vida cette fois tous les tiroirs de sa mémoire, revenant sur des faits déjà révélés, ajoutant des détails, racontant toutes les allées et venues de d'Aché, ses fréquents voyages en Angleterre, la façon dont David l'Intrépide effectuait le passage du détroit. Licquet cherchait surtout à éveiller les souvenirs qu'elle pouvait avoir des relations de Le Chevalier dans la société parisienne : elle savait bien que plusieurs personnages en place étaient du complot, mais, malheureusement, elle ne se rappelait pas leurs noms, quoiqu'elle les eût entendu prononcer, notamment par le notaire Lefebvre avec lequel Le Chevalier correspondait à ce sujet[6]. Pourtant, comme le policier insistait amicalement, elle prononça textuellement ces paroles, que Licquet nota avidement : — Un de ces personnages est dans le Sénat ; le sieur Lefebvre le connaît ; un autre a été en place pendant la Terreur et on peut le reconnaître aux indices suivants : il voit fréquemment Mme Ménard, sœur de Mme veuve Flahaut, laquelle a épousé M. de..., actuellement ambassadeur en Hollande, à ce qu'on croit. Cette darne vit tantôt à Falaise, tantôt à Paris où elle doit être en ce moment. Ce même individu est petit, brun, un peu bossu ; il a beaucoup d'esprit, de moyens, et possède au plus haut degré le talent de l'intrigue. Les autres personnages sont riches : la déclarante ne peut en préciser le nombre... Le Chevalier lui apprit qu'à Paris les affaires allaient bien, qu'on y attendait également la nouvelle de l'arrivée du prince pour s'y prononcer[7].

Licquet exigea que Mme Acquet répétât devant le préfet ces déclarations si graves ; le 23 décembre, elle les confirmait et les signait dans le bureau de Savoye-Rollin ; le soir même, Licquet cherchait à mettre des noms sur tous ces anonymes ; l'almanach impérial à la main, il parcourut, avec la prisonnière, la liste des sénateurs, des grands dignitaires, des notabilités de l'armée et de l'administration, mais sans succès. — Les noms prononcés devant elle, écrivait-il à Réal, se sont effacés de sa mémoire. Lefebvre nous fera peut-être connaître les personnages[8].

Le notaire, en effet, depuis qu'il voyait les choses s'assombrir, était devenu, avec Licquet, d'une loquacité intarissable. Il pleurait de peur quand il se trouvait en présence du préfet et promettait de dire tout ce qu'il savait, en suppliant qu'on prît pitié d'un infortuné père de famille. Cette fois il parla, et si nettement que Licquet lui-même en demeura abasourdi. Le notaire tenait, en effet, de Le Chevalier, que le jour où le duc de Berry débarquerait sur les côtes, l'empereur serait arrêté par deux officiers généraux qui se trouvaient sans cesse à ses côtés et qui disposaient, chacun, d'une armée de 40.000 hommes ! Et quand, amené devant le préfet, pour y répéter cette accusation, Lefebvre eut nommé ces deux généraux, Savoye-Rollin en resta médusé au point qu'il n'osa insérer ces noms au procès-verbal de l'interrogatoire : bien plus, il se refusa à les tracer de sa main et il exigea que le notaire lui-même consignât par écrit ce blasphème devant lequel reculaient les plumes officielles :

Lefebvre assure — écrivait à Réal Savoye-Rollin — que Le Chevalier n'a jamais voulu lui nommer tous les conspirateurs. Lefebvre en a cependant nommé deux, dont l'un surtout est si considérable et qu'il est si invraisemblable de rencontrer là que je ne puis même m'en figurer le soupçon. Par respect pour l'alliance auguste qu'il a contractée, je n'ai point consigné son nom dans l'interrogatoire ; je le joins à ma lettre dans une déclaration écrite et signée par le prévenu.

Et, dans sa lettre se trouve, en effet, un billet portant ces lignes :

Je déclare à M. le préfet de la Seine-Inférieure que les deux généraux que je ne lui ai pas nommés dans mon interrogatoire de ce jour et qui m'ont été désignés par le sieur Le Chevalier sont les généraux : BERNADOTTE ET MASSÉNA.

LEFEBVRE[9].

 

Bernadotte et Masséna ! Au ministère de la police on affecta de, rire beaucoup de cette bonne folie ; mais peut-être bien que ceux qui connaissaient les dessous de certaines vieilles rivalités, et Fouché tout le premier, jugèrent la chose moins ridicule et moins invraisemblable qu'ils ne l'avaient déclarée tout haut. Il n'était que temps d'arrêter Licquet dans son enquête. Ce diable d'homme, avec manière de fouiller jusqu'au tréfonds la conscience de ses prisonniers, était de taille à découvrir qu'il n'y avait en France que Bonaparte qui fût partisan de l'empire. C'étaient là, en tout cas, (les idées à ne point mettre en circulation et, de ce jour-là, Réal se jura bien que jamais Le Chevalier ne divulguerait devant un tribunal d'aussi dangereuses médisances, si Pasque et Beffera réussissaient à le retrouver.

Les deux agents avaient établi une surveillance sur les routes de Normandie, mais sans grand espoir ; Le Chevalier qui, depuis huit ans, avait dépisté tant d'espions et éventé tant de guets-apens était considéré comme imprenable : il fut repris pourtant et, de même que son évasion parait être le résultat d'une combinaison policière, de même, dans la façon dont il retomba aux mains des agents de Réal, croit-on bien reconnaître le tour de main de Licquet. Celui-ci seul, en effet, était assez renseigné pour indiquer le coup. Dans ses longues conversations avec Mme Acquet, il avait appris que, en quittant Caen au mois de mai précédent, Le Chevalier avait confié son fils, âgé de cinq ans, à sa servante, Marie Humon, avec ordre de le conduire chez un sien ami d'Evreux, le sieur Guilbot. Au commencement d'août, l'enfant avait été amené à Paris et placé chez la dame Thiboust, belle-sœur de Le Chevalier, qui demeurait rue des Martyrs[10].

Comment se servit-on du fils pour capturer le père ? C'est un mystère que nous n'avons pu complètement éclaircir. Les récits qu'on a donnés de ce haut fait policier sont évidemment fantaisistes ; ils restent, tout au moins, inexplicables si l'on n'admet pas l'intervention de quelque compère trahissant Le Chevalier après lui avoir donné des preuves non équivoques de dévouement. Ainsi on a dit que Réal, recourant aux procédés extraordinaires, aurait fait arrêter la belle-sœur et la fille du fugitif pour les jeter aux prisons de Caen, avec les galeux et les filles publiques. Le Chevalier instruit de leur incarcération — par qui ? aurait offert de se constituer prisonnier si l'on mettait en liberté les deux femmes et la police accepta le marché[11]. Ainsi contée, l'histoire ne concorde point avec les documents que nous avons pu recueillir Le Chevalier n'avait point de fille et l'on ne trouve, du reste, nulle trace du transfèrement à Caen de Mme Thiboust.

L'autre version n'est guère plus admissible. A peine hors du Temple, le proscrit n'aurait pu, assure-t-on, résister au désir de voir son fils et aurait fait prier — par qui encore ? — Mme Thiboust de le lui amener au passage des Panoramas. Naturellement la police suivit la femme et l'enfant et Le Chevalier fut cueilli dans leurs bras. On a peine à s'imaginer qu'un homme aussi habile se fût à lui-même dressé un piège aussi enfantin, et son aventureuse existence ne l'avait-elle pas, dès longtemps, habitué à vivre séparé des siens ?

La vérité est autre, certainement. Il importerait d'abord de savoir qui avait ouvert à Le Chevalier la porte de sa prison : une de ses parentes, Mme Noël, racontait plus tard qu'on avait fait au détenu, s'il voulait dénoncer ses complices, des offres d'emploi repoussées par lui avec hauteur : comme il devenait embarrassant, on donna ordre aux geôliers de le laisser sortir sur parole dans l'espoir qu'il ne reviendrait pas et qu'on pourrait le condamner pour évasion. Le Chevalier profita de cette faveur, mais il rentra à l'heure dite : ces tolérances n'avaient rien d'anormal dans cette étrange prison, théâtre de tant d'aventures à jamais mystérieuses ; Desmarets ne raconte-t-il pas que le concierge Boniface laissait sortir du Temple un prisonnier d'Etat d'importance, sir Sidney Smith, pour se promener, prendre des bains, dîner en ville, même aller à la chasse : le commodore ne manquait jamais de revenir coucher dans son cachot et reprenait en rentrant sa parole.

Il fallut donc bien que quelqu'un se chargeai de faire sortir du Temple Le Chevalier, puisque celui-ci ne se décidait pas, quand il était dehors, à fausser compagnie 'à ses geôliers ; et voilà qui explique le simulacre d'évasion. Ce qu'on ne peut, par malheur, établir, c'est la part que prirent à cette comédie Fouché et Réal : en furent-ils les instigateurs ou les dupes ; estimèrent-ils qu'ils devaient feindre de l'ignorer ou ne fut-elle, en réalité, que l'œuvre d'agents subalternes travaillant à l'insu de leurs chefs ? Personne, en tout cas, ne crut un instant au mur de deux mètres percé, en une nuit, à l'aide d'une fourchette pas plus qu'à l'échelle de corde taillée dans une culotte de nankin. Réal, en revanche, révoqua le concierge de la prison, fit mettre aux fers le geôlier Savard et exigea un rapport de toutes les circonstances de nature à faire connaitre les intelligences que le détenu devait avoir dans l'intérieur de la prison pour faciliter sa sortie[12].

Que Licquet — soit directement, soit par l'intermédiaire d'un agent tel que Pellet, en qui Le Chevalier avait certainement toute confiance — ait mis la main à cette évasion, voilà qui semble bien probable. Dès que le prisonnier fut dehors, dès que Mme Acquet eut livré tous ses secrets pour prix de la liberté de son amant, il ne s'agit plus que de le reprendre et les moyens qu'on y employa durent être bien peu avouables, car dans les rapports adressés à l'empereur, tenu journellement au courant de toute l'affaire, les péripéties en sont manifestement défigurées. Voici les faits qu'on ne peut mettre en doute : Le Chevalier avait trouvé dans Paris une retraite impénétrable où il aurait pu braver impunément les efforts de la police ; Fouché, spéculant sur les sentiments du fugitif, décerna aussitôt un mandat d'amener contre Mme Thiboust. Par qui Le Chevalier fut-il informé, dans sa cachette, de l'arrestation de sa belle-sœur ? C'est là que se place, évidemment, l'intervention d'un tiers. Toujours est-il que le proscrit écrivit au ministre, lui offrant de se représenter aussitôt que la liberté serait rendue à la femme qui servait de mère à son fils. Fouché fit amener en sa présence Mme Thiboust et lui délivra un sauf-conduit de huit jours pour Le Chevalier, avec l'assurance positive et réitérée de donner à celui-ci un passeport pour l'Angleterre aussitôt qu'il se livrerait[13].

La dame rentra chez elle, rue des Martyrs, où Le Chevalier, prévenu, vint la trouver : c'était le 5 janvier 1808, au soir. Il couvrit de caresses son petit garçon et le fit coucher dans son lit : l'enfant se souvint toujours des baisers qu'il reçut cette nuit-là...

Mme Thiboust, fort peu rassurée par la promesse de Fouché, suppliait son beau-frère de prendre la fuite.

— Non, non, répliquait-il — et c'est en ces termes mêmes que, plus tard, elle rapportait sa réponse — le ministre a tenu sa parole en vous rendant la liberté, je dois tenir la mienne ; l'honneur le veut : hésiter serait une faiblesse, y manquer serait un crime.

Le 6 au matin, persuadé — ou feignant de l'être — que Fouché allait faciliter son passage en Angleterre, il embrassa son enfant et sa belle-sœur.

— Allons, dit-il, c'est aujourd'hui le jour des Rois ; c'est un beau jour ; faites dire une messe pour nous et préparez le déjeuner ; je serai de retour dans deux heures[14].

Deux heures plus tard, l'inspecteur Pasque le réintégrait au Temple et veillait à ce qu'il fût mis fers aux pieds et aux mains, au secret le plus rigoureux, sous la surveillance d'un agent de police qui ne devait le quitter ni jour ni nuit. Le soir même, Fouché adressait à l'empereur un rapport spécial où nulle mention n'était faite de la chevaleresque démarche de Le Chevalier : il y était dit que les agents s'étaient saisis de ce brigand chez une femme avec laquelle il avait des relations et qu'ils avaient pu se jeter sur lui avant qu'il fit usage de ses armes[15]. Le 9 au matin, le commandant Durand, de l'état-major de la place, se présentait au Temple et faisait lever l'écrou du prisonnier[16], qui comparaissait à midi devant une commission militaire, assemblée dans une salle de l'état-major, quai Voltaire, n° 7. Cette juridiction expéditive paperassait si sobrement qu'aucun de ses dossiers n'a subsisté : elle jouait- dans l'organisation sociale le rôle d'une trappe sur laquelle on poussait les gens dont on était embarrassé. Il y eut des condamnés dont on ne connaît le sort que parce qu'on retrouve leurs noms griffonnés sur un feuillet à demi déchiré, qui servait d'enveloppe à des rapports de police.

Le Chevalier fut condamné à mort : à quatre heures il quittait l'hôtel de l'état-major et était écroué à la prison de l'Abbaye en attendant l'exécution. Tandis qu'on vaquait aux préparatifs, il écrivit à Mme Thiboust, restée depuis trois jours sans nouvelles, cette lettre qui parvint le lendemain à la pauvre femme désolée :

Ce samedi, 9 janvier 1808.

Je vais mourir, ma sœur, et je vous lègue mon fils. Je ne fais aucun doute que vous aurez pour lui tous les soins et toute la tendresse d'une mère. Ayez aussi, je vous prie, pour former son âme et son caractère, la fermeté et la vigilance que j'aurais eues moi-même.

Malheureusement, en vous léguant cet enfant qui m'est si cher, je ne peux y joindre le legs d'une fortune égale à celle que mes parents m'avaient laissée en héritage. C'est la principale faute que je me reproche dans le cours de ma vie d'avoir diminué l'héritage qu'ils m'avaient transmis. Élevez-le selon sa fortune actuelle et faites-le plutôt artisan, s'il le faut, que de le confier à des soins étrangers.

Un de mes plus grands regrets en quittant la vie est d'en sortir sans avoir témoigné ma reconnaissance à vous et à votre fille. Adieu, je vivrai j'espère dans votre souvenir et vous me ferez vivre aussi dans celui de mon fils.

LE CHEVALIER[17].

 

La nuit était venue, une nuit d'hiver froide et bruineuse[18], quand le fiacre qui devait conduire le condamné au supplice vint se ranger devant la porte de l'Abbaye : le trajet était long de Saint-Germain-des-Prés à la barrière par les rites du Four et de Grenelle, l'avenue de l'École-Militaire et le chemin, alors tortueux et sans nom, qui est aujourd'hui la rue Dupleix. Il faisait, ce soir-lit, un brouillard humide qui épaississait encore la nuit : les curieux, sans doute, lurent rares, et le spectacle, pourtant, dut être sinistre : sur ce terrain pelé, contre le mur de l'enceinte, s'adossait le condamné, descendu du fiacre arrêté dans l'angle formé par le bâtiment de la barrière de Grenelle. L'usage, pour les fusillades de nuit, était de placer sur la poitrine du supplicié une lanterne allumée qui servait de cible aux hommes.

A six heures, tout était terminé : tandis que le peloton rentrait en ville, les fossoyeurs s'approchaient du corps tombé au pied du mur et le portaient au cimetière de Vaugirard ; un jardinier du voisinage et un rentier, vieillard de quatre-vingts ans, que la curiosité avait amenés près du cadavre de ce chouan inconnu, servirent de témoins à la rédaction de l'acte de décès[19]...

La mort de Le Chevalier mit fin à l'instruction de l'affaire du Quesnay : il était de ces prisonniers dont le grand juge disait qu'on ne pouvait les mettre en liberté, mais que l'intérêt de l'Etat exigeait qu'ils ne comparussent pas devant des juges, et l'on craignait, en poussant plus avant les investigations, d'être entraîné à quelque vaste procès politique qui mettrait en émoi tout l'ouest de la France, toujours prêt à l'insurrection et que les rapports montraient comme organisé pour une nouvelle Chouannerie. Il est bien certain que la capture de d'Aché aurait singulièrement gêné Fouché et, en attendant qu'on put le faire disparaître comme Le Chevalier, il préférait, de beaucoup, le voir échapper aux poursuites de ses agents ; l'absence de ces chefs du complot allait permettre de présenter le vol du 7 juin comme un simple acte de brigandage auquel la politique était tout à fait étrangère.

On imposa donc silence aux bavardages du notaire Lefebvre, en proie à une incontinence de dénonciations qu'il n'interrompait que pour se lamenter et maudire ceux qui l'avaient entraîné dans cette aventure ; on modéra le zèle de Licquet à qui le préfet confia le soin de rédiger le ra[port général de l'affaire, ce dont s'acquitta si bien que son volumineux travail parut à Fouché assez lumineux et circonstancié pour être soumis tel quel à Sa Majesté[20]. Puis on commença, sans hâte, à s'occuper du procès : il fallait interroger et confronter, suivant les formes, les quarante-sept personnes incarcérées ; de ce nombre l'accusation ne retint que trente-deux prévenus, dont vingt-trois étaient présents. C'étaient Flierlé, Harel, Grand-Charles, Fleur d'Epine et Le Héricey qui, sous les ordres d'Allain, avaient attaqué le chariot ; la marquise de Combray sa fille et le notaire Lefebvre, instigateurs du crime ; Gousset, le voiturier ; Alexandre Buquet, Placène, Vannier, Langelley, qui avaient recélé les fonds ; Chauvel, Lanoë, comme complices, puis les aubergistes de Louvigny, d'Aubigny et d'ailleurs qui avaient nourri les brigands. Les accusés absents ou fugitifs étaient d'Aché, Allain, Le Lorault dit la Jeunesse, Joseph Buquet, la fille Dupont, puis des amis de Le Chevalier ou de Lefebvre compromis par les révélations de ce dernier : Courmaceul, Révérend, Dussaussay, etc... Grenthe dit Cœur-de-Roi était mort à la Conciergerie pendant l'enquête. Le jardinier de Mme de Combray, Châtel, s'était suicidé quelques jours après son arrestation. Quant à Placide d'Aché et à Bonnœil, on décida qu'ils ne seraient point mis en jugement et qu'on les traduirait plus tard devant une commission militaire : on écartait manifestement du procès tout ce qui aurait pu lui donner une importance politique.

Mme de Combray, édifiée enfin sur le genre d'intérêt que lui avait témoigné Licquet, et revenue du pays des illusions où le policier l'avait si habilement promenée, avait pu enfin communiquer directement avec sa famille : son fils Timoléon n'avait jamais approuvé, on se le rappelle, ses compromissions politiques, et depuis la Révolution, il s'était tenu à l'écart de Tournebut. Mais, à la première nouvelle des arrestations, faisant trêve à des récriminations trop faciles, il était accouru se fixer à Rouen pour être à portée de sa mère et de son frère prisonniers. Les lettres qu'il échangeait avec Bonnœil, dès qu'il lui fut permis de conseiller les détenus, indiquent, de la part de l'un et de l'autre, un grand sens de la situation, une irréprochable honnêteté et une réciproque et profonde amitié. Cette famille, que Licquet se plaisait à représenter comme uniquement composée de gens haineux, libertins ou égarés, nous apparaît, dans ces correspondances intimes, sous un jour bien différent ; les deux frères sont pleins de respect pour leur mère ; ils témoignent à leur sœur, malheureuse et coupable, un attachement attendri ; jamais un mot de reproches, jamais une allusion aux faits connus et pardonnés : tous sont ligués contre l'ennemi commun, contre Acquet, qu'unanimement ils considèrent gomme l'auteur de tous leurs maux[21]. A son retour du Temple, fort des services louches qu'il avait rendus, celui-ci était rentré triomphant à Donnay ; il ne cherchait pas à dissimuler sa joie des catastrophes qui accablaient les Combray, et il les traitait déjà en ennemis vaincus.

On tint donc conseil : l'avis de Bonnœil et de Timoléon, comme aussi celui de la marquise, était de tout sacrifier pour sauver Mme Acquet ; ils n'ignoraient pas que les dénonciations intéressées du mari faisaient d'elle la principale coupable et que l'accusation devait peser presque entièrement sur elle. Ils résolurent de faire appel à Chauveau-Lagarde, auquel le périlleux honneur d'assister, devant le tribunal révolutionnaire, la reine Marie-Antoinette avait valu un renom illustre. Le grand avocat consentit à se charger de défendre Mme Acquet : il envoya à Rouen, pour étudier l'affaire, un jeune secrétaire nommé Ducolombier, qui habitait ordinairement avec lui : — un intrigant, se disant médecin, écrivait dédaigneusement Licquet. Ducolombier se fixa à Rouen et commença par examiner la situation, plus que trouble, de la fortune des Combray. Depuis plusieurs années, la marquise, aux abois, avait consenti à la vente de quelques-unes de ses propriétés ; Timoléon dut requérir des inscriptions hypothécaires pour la conservation des droits de ses sœurs et de ses propres créances ; et, tout autant pour parer au désastre financier qui menaçait sa famille que dans l'espoir d'être utile à sa mère en atténuant, par acte authentique, sa responsabilité, il provoqua et obtint, devant le tribunal de Louviers, la mise en curatelle de Mme de Combray[22].

Un arrêt de la Cour de cassation du 17 mai 1808, dessaisissant de l'affaire la cour de Caen, en avait attribué la compétence à la cour de justice criminelle et spéciale de la Seine-Inférieure. C'est donc à Rouen que, pour cause de sûreté de l'Etat, allait se dérouler le procès qui, d'avance, passionnait toute la Normandie. La curiosité était singulièrement excitée par ce crime étrange, commis par des dames de château, et l'on s'attendait à des révélations surprenantes, l'instruction ayant duré plus d'un an et ayant mobilisé une véritable armée de témoins, appelés tant de la région de Falaise que des alentours de Tournebut.

La maison que Mme de Combray possédait rue des Carmélites é tait devenue, en quelque sorte, le quartier général de la défense. Là s'était installée Mlle Querey, sortie de prison après quelques semaines de détention, et qui veillait sur les petites Acquet, tenues, à la pension Du Saussay, très ignorantes de ce qui se passait autour d'elles : c'étaient trois enfants indociles et souffrantes encore des mauvais traitements subis dans leurs premières années. C'est aussi rue des Carmélites qu'habitait Timoléon quand ses intérêts de famille ne nécessitaient pas sa présence à Falaise ou à Paris. C'est là encore que logeait Ducolombier qui y avait organisé une sorte d'agence centrale où les avocats des autres prévenus pouvaient venir se concerter. Mme de Combray avait choisi pour défenseur Me Gady de la Vigne, du barreau de Rouen ; Me Denise s'était chargé des intérêts de Flierlé et Me Le Bouvier devait parler pour Lefebvre et pour Placène.

Chauveau-Lagarde arriva à Rouen le 1er décembre 1808. A peine était-il débarqué qu'il reçut d'Acquet de Férolles une longue épître par laquelle l'indigne mari le détournait de prendre la défense de sa femme et cherchait à ruiner les quelques rares témoignages à décharge que Ducolombier s'était efforcé de recueillir[23]. Il semble que ce méprisable procédé éclaira tout de suite l'éminent avocat sur les prolégomènes du drame ; de ce jour il se montra pour la famille de Combray non seulement un conseiller éclairé, mais un ami dont le dévouement ne devait jamais se ralentir.

Le procès s'ouvrit. le 15 décembre[24], dans la grande salle du Palais ; une foule de curieux, principalement composée de paysans, s'était entassée, dès l'ouverture des portes, dans la partie du prétoire réservée au public ; on avait dû établir une estrade pour les vingt-trois accusés, parmi lesquels tous les yeux cherchaient Mme Acquet, qu'on se montrait fort pâle, indifférente ou résignée, et Mme de Combray, très animée au contraire, et dont son défenseur obtenait malaisément le silence. La cour se composait, outre le président Carel, de sept juges, dont trois militaires ; le procureur général impérial et spécial Chapais-Marivaux occupait le siège. Le greffier Simonin donna lecture de l'arrêt de compétence et, tout de suite, les débats s'ouvrirent

Dès les premières périodes de l'acte d'accusation, il parut bien évident que le mot d'ordre était de passer sous silence tout ce qui pouvait accentuer le côté politique du procès. Comme il n'y avait là ni d'Aché, ni Le Chevalier, ni Allain, ni Bonnœil, ni aucun des hommes qui auraient pu revendiquer l'honneur d'être traités en conspirateurs et non en brigands, les juges n'avaient devant eux que des subalternes du complot et le commissaire impérial prit soin de ne citer qu'avec discrétion les noms des chefs ; encore le fit-il au moyen d'épithètes congruentes et sur un ton mélodramatique à faire frissonner de terreur les bonnes gens qui se bousculaient dans l'enceinte :

Cet attentat qui se rallie à des souvenirs odieux, quoique heureusement éteints, offre dans ses vues et dans ses mesures le produit des conceptions de la scélératesse en délire... Pour nœud qui rassemble ces atroces catégories, on découvre avec horreur, malgré son impuissance, les vestiges de l'esprit de désordre, aiguisant les poignards du brigandage.

 

Jamais les caissons dorés qui, depuis Louis XII, plafonnent la grande salle du Palais, n'avaient entendu plus étonnante éloquence ; pendant trois heures, le procureur Chapais-Marivaux entassa ses lourdes phrases, prétentieuses au point d'être inintelligibles ; on croirait lire une traduction rugueuse émanant de quelque écolier maladroit :

La pensée tout entière du complot se rapporte à la mémoire d'un nommé Le Chevalier, ancien chef de rebelles : ce coupable a subi par le supplice le châtiment de ses crimes ; mais la nécessité du sujet rattache son nom à chaque particularité du récit. Cet agitateur a pour émule un autre artisan de désordre nommé Daché... Ces deux factieux, se communiquant l'un à l'autre leurs atrocités délirantes, durent arrêter et fixer comme une base de leurs desseins le projet de l'enlèvement des recettes de l'État[25].

 

Lorsqu'après avoir exposé les faits, le magistrat en vint à la fuite de Mme Acquet, à sa retraite chez Vannier et chez Langelley, et qu'il lui fallut, sans rien divulguer des procédés de Licquet, conter l'arrestation de l'inculpée, il arriva à être tout à fait incompréhensible ; il dut s'estimer heureux de n'avoir pas en face soi, au banc des prévenus, un homme assez hardi pour dévoiler les subterfuges odieux dont on s'était servi afin de s'emparer des accusés et de leur arracher des aveux ; nul doute qu'une telle révélation n'est attiré sur les deux femmes coupables, sinon l'indulgence des juges, du moins la sympathie du public qui, dans toute la province, s'informait, avec une curiosité anxieuse, des moindres détails du procès. Les gazettes de la région avaient l'ordre de n'en point rendre compte ; le Journal de Rouen lui-même n'en parla qu'une foi[26] pour annoncer que ne pouvant, faute de place, reproduire textuellement les interrogatoires et les dépositions, il préférait s'abstenir que d'altérer quelque chose aux faits en cherchant à les abréger, et, sans quelques notes de Licquet qui assista à tout le procès, on ne saurait rien de la physionomie des débats.

L'interrogatoire des accusés et l'audition des témoins occupèrent sept audiences. Le jeudi 22 décembre, le procureur général impérial et spécial prononça son réquisitoire : l'accusation chercha surtout à mettre en lumière l'antagonisme existant entre Mme de Combray et M. Acquet de Férolles ; les dénonciations de celui-ci portaient leurs fruits : on représenta la marquise comme ayant cherché à se défaire de son gendre en empoisonnant son eau. Et l'on vit reparaître la vieille histoire des bouteilles de vin envoyées à l'abbé Clarisse et de la mort inopinée du pauvre curé ; tous les bruits malveillants qui, jadis, avaient couru le pays de Donnay, sortirent amplifiés, grossis, passés à l'état de faits acquis. Il fut établi que le poison était une arme familière à la marquise de Combray, et, comme après avoir assez bien répondu aux premières questions qui lui avaient été posées, elle resta muette sur celle-ci, il y eut dans l'auditoire des murmures désapprobateurs, ce dont triomphait Licquet. — L'accusée, notait-il, que son sexe et son âge avaient d'abord rendue intéressante, a perdu aujourd'hui toute espèce de popularité[27].

De l'interrogatoire de Mme Acquet, nous ne savons rien, de la plaidoirie de Chauveau-Lagarde, peu de chose : une feuille échappée à son dossier et ramassée par Mme de Combray nous fournit de brèves indications. Ce feuillet de papier porte des notes crayonnées à l'audience ; deux ou trois questions posées au banc des accusés à Mme Acquet et auxquelles celle-ci a griffonné quelques mots de réponse. Nous trouvons là, esquissé, le théine que l'avocat développa sans doute pour pallier l'inconduite de sa cliente :

On reproche à Mme Acquet ses liaisons avec Le Chevalier : elle peut répondre... ou bien l'on répondra pour elle qu'elle a eu tant à souffrir pendant quatre ans des mauvais traitements en tous genres d'un homme qui ne fut pas plus tôt son mari, uniquement par intérêt, qu'il chercha d'abord à s'en défaire...

Effrayée tantôt d'être empoisonnée, tantôt d'avoir la cervelle brûlée...

Sa poursuite en séparation l'ayant mise en rapport avec le sieur Le Chevalier, qu'elle ne connaissait pas avant qu'il lui eût été décoché par son mari pour l'amener à un rapprochement[28]...

 

Pendant les quinze audiences que dura le procès, — la cour ne siégea pas le jour de Noël — une foule très nerveuse ne cessa d'encombrer la salle, les cours du palais et les rues étroites qui y donnaient accès. Le 30 décembre, à huit heures du matin, le président Carel déclara clos les débats et la cour se retira pour aller aux opinions. À trois heures de l'après-midi seulement, la cloche annonça le retour des magistrats qui rentrèrent en séance. L'arrêt fut prononcé aussitôt : il portait la peine capitale contre Mme Acquet, Flierlé, Lefebvre, Haret, Grand-Charles, Fleur d'Epine, Le Héricey, Gautier-Boismale, Lemarchand et Alexandre Baquet ; la marquise de Combray était condamnée à vingt-deux ans de fer, ainsi que Lerouge dit Bornet, Vannier et Burreau-Placène. Les autres étaient acquittés, mais devaient néanmoins rester détenus jusqu'à la décision de Son Excellence le ministre de la police générale. La marquise était, en outre, contrainte de restituer au Trésor la totalité de l'argent soustrait.

Pendant la lecture de l'arrêt, les curieux, tassés contre les barrières au point de ne pouvoir bouger, examinaient la contenance des deux femmes ; la vieille marquise s'agitait, parlant à haute voix, interpellant le procureur général :

— Ah ! le monstre !... Comme il nous a traitées !... Le gueux[29] !

Mme Acquet, toujours impassible et pâle, semblait étrangère à ce qui se passait autour d'elle ; quand elle s'entendit condamner à mort, elle tourna la tête vers son défenseur, et Chauveau-Lagarde, se levant aussitôt, requit un sursis pour sa cliente qui, bien qu'en prison depuis quatorze mois, se trouvait, déclara-t-il, en état de grossesse[30]. Ce fut, dans la salle, une rumeur d'étonnement et, tandis qu'au milieu de l'agitation causée par cet incident la cour délibérait sur le sursis, l'un des condamnés, Le Héricey, bondissant par-dessus la barre, retomba, de tout son poids, sur les premiers rangs des spectateurs, s'y fit un trou, à coups de pied et à coups de poing, et, à la faveur de l'affolement, creusant un sillon dans cette foule terrifiée, parmi le cris et les bousculades, il atteignait déjà la porte quand un gendarme le happa au passage et le rejeta dans la salle où, renversé, piétiné, criblé de coups, il fut, à bout de bras, rejeté par-dessus la barrière et entraîné aussitôt avec les autres condamnés[31] ; l'arrêt de sursis, sollicité par le défenseur de Mme Acquet, fut prononcé au milieu du tumulte ; l'écrasement était tel aux portes de la grande salle que plusieurs personnes furent blessées[32].

Le verdict, connu en un instant de toute la ville, fut, en général, mal accueilli. Si la masse du public se montra bêtement satisfaite de la punition des dames de Combray, disant que le rang, ni la richesse n'avaient pas imposé et que, coupables comme les autres, elles étaient traitées comme les autres[33], la population bourgeoise de Rouen, restée très indulgente pour les royalistes, improuvait, de l'aveu même du président de la cour, la condamnation des deux femmes convaincues seulement d'un délit dont ni l'une ni l'autre n'avaient profité. Le sursis accordé à Mme Acquet dont la déclaration de grossesse n'avait trompé personnel[34], semblait d'ailleurs de bon augure et faisait présager une commutation de peine ; quant aux neuf brigands, frappés de la peine capitale, leur sort n'attendrissait personne ; le notaire Lefebvre n'était pas connu à Rouen et son attitude pendant les débats n'avait inspiré aucune sympathie ; les autres étaient de vulgaires comparses auxquels ne s'intéressait que la populace friande du spectacle de l'échafaud. L'exécution devait être immédiate, les jugements prononcés par la cour spéciale étant sans appel, comme ceux qu'avaient jadis rendus les tribunaux révolutionnaires.

Les neuf hommes qui allaient mourir furent ramenés à la Conciergerie : il faisait nuit déjà quand commença la toilette. L'exécuteur des hautes œuvres, Charles-André Ferey, d'une vieille race de bourreaux normands, avait, pour la circonstance, fait appel à ses cousins Joanne et Desmorets et, tandis qu'on dressait en hâte l'échafaud sur la place du Vieux-Marché, ceux-ci s'occupaient des préparatifs à la prison. Dans l'angoisse de cette dernière heure, .le courage de Flierlé fléchit. Il dépêcha un geôlier au cabinet du procureur impérial pour demander si un sursis ne serait pas accordé à celui qui révélerait des choses importantes. Sur la réponse négative du magistrat, l'Allemand parut se résigner :

— Puisqu'il en est ainsi, dit-il, j'emporterai mon secret dans la tombe[35].

Ce n'est qu'à sept heures et demie du soir que les portes de la Conciergerie s'ouvrirent ; à la lueur des torches on voyait, au-dessus de la foule qui s'écrasait dans les rues étroites, vaciller sur la haute charrette les silhouettes des condamnés. L'itinéraire habituel de la prison à l'échafaud était la rue du Gros-Horloge et ce dut être une chose terrifiante que ce parcours funèbre aux flambeaux et cette exécution en pleine nuit de décembre. La foule, tenue à distance, ne vit rien sans doute, que les points lumineux des torches dans l'air brumeux et les formes vagues qui s'agitaient sur la plate-forme. Si l'on accepte l'ordre indiqué par le Journal de Rouen du lendemain, c'est Flierlé qui monta le premier, après lui Harel, Grand-Charles, Fleur d'Epine et Le Héricey qui s'étaient, en sa compagnie, trouvés à l'attaque du 7 juin. Le notaire Lefebvre passa le sixième. Sur le pauvre Gautier-Boismâle, le couteau joua mal, ainsi que sur Alexandre Buquet qui mourut le dernier. Pour ces deux malheureux le supplice fut horrible[36], prolongé encore par les réparations que dut subir la guillotine pour être en état de continuer sa besogne : cette scène sanglante ne prit fin qu'à huit heures et demie[37].

Le lendemain, 31 décembre, devait avoir lieu sur l'échafaud l'exposition de Mme de Combray et de Placène, Vannier et Lerouge, condamnés comme elle à vingt-deux ans de réclusion ; mais quand on se présenta au cachot de la vieille marquise, on la trouva dans un tel état d'exaspération, à des crises effrayantes de colère succédaient un si profond abattement, qu'on dut renoncer à la livrer au bourreau : les trois hommes seuls furent donc, ce jour-là, liés au poteau où il restèrent durant six heures. Dès leur retour à la Conciergerie, leur écrou fut levé et on les expédia, fers aux mains, à la maison de détention de l'hôpital général, d'où ils devaient partir pour le bagne.

La marquise n'avait plus, elle, vingt-deux ans à vivre ; la pensée de finir ses jours dans l'horrible Bicêtre avec les voleurs, les pauvresses et les filles perdues ; l'humiliation d'avoir été vaincue, dupée, rendue ridicule aux yeux de toute la Normandie et, plus encore peut-être, la compréhension subite que tout ceci n'était pas un jeu, que la Révolution triomphait ; qu'elle-même, haute et puissante darne, noble, riche, royaliste — toutes les supériorités était traitée d'égale aux vulgaires malfaiteurs, était un coup si cruel que l'impression unanime était qu'elle y succomberait. Il est impossible aujourd'hui de s'imaginer quel bouleversement de telles révélations devaient produire en des cerveaux réfractaires à ces démocratiques réalités. Pendant près d'un mois, la marquise vécut dans un état de stupeur : du jour de sa condamnation au 15 janvier 1809, on ne parvint à lui faire absorber aucune espèce de nourriture : elle savait qu'on guettait l'instant où on la jugerait assez forte pour supporter le supplice du pilori, et peut-être avait-elle résolu de mourir de faim. II avait été question — et cette pensée de compassion tardive semble avoir germé dans l'esprit de Licquet — d'épargner à la vieille femme cette suprême angoisse ; mais le procureur général Chapais-Marivaux mettait un zèle si acharné à exiger la complète exécution de la peine que le préfet reçut de Réal l'ordre d'y pourvoir ; le 29 janvier, il notait :

J'ai été et suis à la piste du moment où il deviendra possible de mettre à exécution la disposition pénale prononcée contre la veuve Combray. Il m'a été rendu compte jour par jour de son état : elle commence à prendre quelques légers aliments ; mais on m'atteste qu'elle est encore d'une faiblesse extrême : on ne pourrait donc en ce moment, sans scandale public, faire traîner cette femme à l'exposition.

 

Ce qu'on redoutait c'était l'indignation du public au spectacle du supplice inutile infligé à une septuagénaire déjà si cruellement punie. Ces mots du préfet : sans scandale, indiquent combien la sévérité du verdict avait révolté la population rouennaise ; d'autant plus qu'une légende s'était créée : comme on était très incomplètement renseigné sur les détails du procès, puisqu'aucun journal n'avait publié les débats, on disait hautement que la marquise n'était coupable que du crime de n'avoir pas dénoncé sa fille, et une immense pitié allait à cette femme si malheureuse qu'on se représentait comme une sainte, une martyre de son amour maternel et de sa foi royaliste. Peut-être quelque chose de cet unanime hommage transpira-t-il jusque dans la prison : il paraîtrait que, vers le milieu de février, la marquise se montra plus calme et moralement réconfortée. Le procureur impérial en profita pour donner l'ordre de procéder au supplice ; c'était le 17 février ; comme on craignait une crise, on agit prudemment par surprise. On avisa la condamnée que le docteur Ducolombier, venu de la part de Chauveau-Lagarde, la demandait au guichet de la prison : elle descendit sans méfiance et fut très étonnée de trouver, à la place de celui qu'elle s'attendait à rencontrer, deux hommes, qu'elle n'avait jamais ius ; l'un d'eux était le bourreau Ferey, qui, lui saisissant les mains, la lia : les portes s'ouvrirent ; elle vit, dans la cour, les gendarmes, la charrette, la foule et comprit : elle courba la tête, résignée[38].

Sur la place du Vieux-Marché, l'échafaud était dressé supportant un poteau auquel était fixé le texte du jugement ; on hissa la condamnée sur la plate-forme : elle parut toute cassée, sèche, très imposante avec ses cheveux encore noirs, son air de dame de château ; elle était vêtue d'une robe de soie violette ; comme elle s'obstinait à tenir la tête baissée, son visage restait caché sous les volants du bonnet qui couvrait sa tête ; pour que rien ne manquât à l'humiliation, Ferey releva les dentelles et les fixa avec une épingle ; puis il fit asseoir sur l'escabeau la marquise qu'une corde mince lia au poteau et qui fut ainsi forcée de relever le front. Ce qu'elle aperçut devant elle, au pied de l'échafaud, fit monter à ses yeux des larmes d'orgueil : au premier rang de la foule qui, presque muette, respectueuse, remplissait la place, des dames en toilettes sombres se tenaient groupées le plus près possible de la plate-forme, comme pour prendre une part volontaire au châtiment de la vieille chouanne, et, pendant les six heures que dura l'exposition, les femmes les plus titrées et les plus distinguées de la ville vinrent à tour de rôle tenir compagnie à la suppliciée[39] ; quelques-unes, même, déposèrent des fleurs au pied de l'échafaud, transformant ainsi la flétrissure en apothéose.

Devant cet hommage silencieux, le cœur de la marquise, que n'avaient pu attendrir dix-sept mois de tortures et d'anxiétés, ce cœur qui s'obstinait à ne pas faiblir, se fondit enfin : elle pleura ; on voyait les larmes rouler sur ses joues maigres, et la foule s'émouvait d'apercevoir, autour de cette vieille si misérable, les plus hautes dames de la ville faisant cercle et s'abordant avec de solennelles révérences[40].

A la nuit tombante, on ramena à la Conciergerie Mme de Combray qui, le soir même, fut expédiée à Bicêtre[41], et, quelques jours plus tard, le procureur général Chapais-Marivaux, jugeant qu'il avait bien servi le Maître, sollicitait, en récompense de son zèle ; la croix de la Légion d'honneur[42].

 

 

 



[1] Archives nationales, F7 8172.

[2] On a supposé auprès d'elle la possibilité de procurer l'évasion de son amant ; on a fini par la lui promettre si elle voulait tout dire. Archives nationales, F7 8172.

[3] Mon absence supposée a achevé de la convaincre que son but était rempli. Lettre de Licquet à Réal. Archives nationales, F7 8172.

[4] Bulletin de police des 21-22 décembre 1807. Archives nationales.

[5] Procès-verbal de l'évasion de Le Chevalier, de la prison du Temple. Archives nationales, F7 8171 et Registres du Temple.

[6] Troisième déclaration de Mme Acquet, 20 décembre 1807. Archives du greffe de la Cour d'assises de Rouen.

[7] Troisième déclaration de Mme Acquet. 20 décembre 1807. Archives du greffe de la Cour d'assises de Rouen.

[8] Lettre de Licquet à Réal. Archives nationales, F7 8171.

[9] Archives nationales, F7 8171.

[10] Déclaration de Marie Humon, servante de Le Chevalier, Archives nationales, F7 8171.

[11] H. Forneron, Histoire générale des émigrés, t. III, p. 608.

[12] Registres du Temple. Archives de la préfecture de police.

[13] Renseignements particuliers.

[14] Renseignements particuliers.

[15] Bulletin de police du 5 janvier 1808. Archives nationales.

[16] Registres du Temple. Archives de la préfecture de police.

[17] Renseignement particulier.

[18] Bulletin de l'Observatoire, 9 janvier 1808.

[19] Extrait du registre des actes de décès de la commune de Vaugirard.

Du 9 janvier 1808, acte de décès de Armand-Victor Le Chevalier, décédé de ce jour, plaine de Grenelle, à Vaugirard, âgé de 27 ans 8 mois, né à Vire (Calvados). La déclaration à nous faite par Jacques-Noël Langlois, jardinier, âgé de 45 ans, demeurant Clos Feuquier à Vaugirard et Louis Bachelier, propriétaire, rue de Sèvres, à Vaugirard, âgé de 79 ans.

[20] Archives nationales, F7 8171.

[21] Archives de la famille de Saint-Victor.

[22] Archives de la famille de Saint-Victor.

[23] Archives de la famille de Saint-Victor.

[24] Archives du greffe de la Cour d'assises de Rouen.

[25] Archives du greffe de la Cour d'assises de Rouen.

[26] Le 23 décembre 1808.

[27] Archives nationales, F7 8171.

[28] Notes de Chauveau-Lagarde. Archives de la famille de Saint-Victor.

[29] Licquet, qui donne ces détails, prétend que la marquise de Combray se serait laissée aller à proférer contre le procureur des injures plus caractéristiques qu'il n'est pas possible de transcrire. Archives nationales, F7 8171.

[30] À l'audience, après le prononcé de l'arrêt qui condamnait Acquet et qui aurait été immédiatement exécuté si elle ne se fût pas déclarée enceinte, elle repoussa d'abord avec indignation l'unique moyen de prolonger son existence. Il fallut que Chauveau-Lagarde, son avocat, la contraignit de le laisser alléguer ce fait qui était faux. Après avoir crié non, non, avec énergie, elle finit par se taire.

Renseignement puisé à haute source, compris dans les pièces justificatives d'un roman publié en 1839, Le vicomte d'Aché, par Hippolyte Bonnetier.

[31] Le préfet de la Seine-Inférieure à Réal, 31 décembre 1808. Archives nationales, F7 8172.

[32] Archives nationales, F7 8172.

[33] Le président de la Cour impériale à Réal. Archives nationales, F7 8172.

[34] Le préfet de la Seine-Inférieure à Réal. Archives nationales, F7 8172.

[35] Note du procureur général impérial. Archives nationales, F7 8172.

[36] Archives nationales, F7 8172.

[37] Le préfet de la Seine-Inférieure à Réal. Archives nationales, F7 8172.

[38] Elle n'a fait aucune difficulté pour être conduite à l'exposition. Archives nationales, F7 8172.

[39] Biographie des hommes vivants, 1816-1817, article Helye de Combray.

[40] Précis des travaux de l'Académie de Rouen, t. 79. Archives nationales, F7 8172. — Renseignements particuliers.

[41] Maison de correction de Rouen : Ce jourd'huy, dix-sept février de l'an mil huit cent neuf. De la réquisition de M. le Procureur général Impérial, près la cour de justice criminelle et spéciale du département de la Seine-Inférieure, séante à Rouen, et en vertu d'un arrêt en ladite cour criminelle et spéciale, le trente décembre 1808, qui a condamné à la peine de vingt-deux ans de réclusion, et aux dépens, pour cause de complicité et recèle de vol avec violences, à force ouverte et à main armée sur une grande route. Geneviève Ouin, veuve Hély Combray, âgée de soixante-sept ans, vivante de son revenu, demeurant avant son arrestation à Tournebut, près Gaillon, native de Rouen, taille d'un mètre, 596 millimètres, cheveux et sourcils noirs, front haut, yeux bruns, nez allongé, bouche moyenne, menton allongé, visage oval, maigre et décharné.

Je, huissier, en ladite cour soussigné, j'ai transféré ladite veuve Hély Combray, de la maison de justice en la maison de correction où étant écrouée et recommandée sur le présent registre, la laissant à la charge et garde du sieur Beaupré, concierge de ladite maison, dont acte.

CANARD BEAUPRÉ.

[42] Archives nationales, F7 8170. Lettre de Chapuis-Marivaux à Réal ; 16 avril 1809.