CIVILISATION, RELIGION ET MONUMENTS DE L'ASSYRIE ET DE LA CHALDÉE

 

CHAPITRE IV — LES ARTS ET LES MONUMENTS[1].

Texte numérisé par Marc Szwajcer

 

 

§ 1. — L’ARCHITECTURE CHALDÉO-ASSYRIENNE

Tandis que la vallée du Nil est peuplée, aujourd’hui encore, des gigantesques monuments de l’empire des pharaons, et qu’on admirera, tant qu’il y aura des hommes, les Pyramides, le Sphinx et les temples de Thèbes, l’Assyrie et la Chaldée, au contraire, n’ont conservé debout aucune de leurs imposantes constructions ; les ruines mêmes ont péri et presque rien n’émerge au-dessus de la plaine unie du désert, sinon des collines de terres d’alluvion qui surmontent d’informes éboulis. Il faut creuser le sol, parfois jusqu’à vingt mètres, pour retrouver les vestiges du passé, et encore ce n’est le plus souvent que la racine des murs qu’on déterre ; loin de demeurer comme anéanti devant la masse des pylônes encore debout, des colonnes, des murailles, des obélisques comparables à ceux de Louksor et de Karnak, le voyageur est obligé de reconstituer, dans sa pensée seulement, l’immensité des édifices par l’immensité des matériaux écroulés et couchés dans la poussière.

Cette différence entre l’aspect général des ruines des bords du Nil et celles des bords de l’Euphrate et du Tigre est due à la diversité des matériaux que les Égyptiens et les Chaldéo-Assyriens employaient dans leurs constructions. En Égypte, la pierre abonde ; on n’avait qu’à choisir entre les variétés multiples de la matière première. Ici, au contraire, la nature se montre particulièrement avare et ne vient point au secours de l’homme qui doit tout à son industrie. Faute de pierre à bâtir, il fallut construire avec l’argile que l’on soumit à la cuisson pour lui donner la solidité et la cohésion. Mais la brique ne peut dépasser certaines dimensions, sous peine d’être trop cuite à la surface et, par conséquent de s’effriter, ou bien de n’être, dans son noyau interne, qu’un bloc de terre sans consistance et impropre à supporter la moindre humidité. Les constructions élevées avec de pareils matériaux devaient naturellement moins bien résister à l’action dévorante du temps et des eaux ; l’assemblage en étant moins parfait, les crevasses et les éboulements devaient plus facilement se produire. Les inscriptions nous apprennent que dès le temps des Assyriens, on était constamment obligé de rebâtir des édifices chancelants et délabrés.

Les proto-Chaldéens construisaient avec la brique dès l’époque représentée par les souvenirs de la tour de Babel : Allons, disent les hommes qui voulaient bâtir une tour qui s’élevât jusqu’au ciel, faisons des briques et cuisons-les dans le feu. Et la brique leur servit de pierre, et le bitume, de ciment[2]. Il y avait deux espèces de briques. Celle qu’on appelle ici brique crue était simplement séchée au soleil sans être soumise a l’action du feu ; elle a un aspect blanchâtre et elle est plus friable que l’autre, la brique cuite, qui, mise au four, comme nos tuiles modernes, prenait un aspect rougeâtre et une solidité à toute épreuve. Les esclaves chargés de préparer la brique commençaient par pétrir l’argile en y mêlant de l’eau et de la menue paille : Puise de l’eau, dit le prophète Nahum, ramasse de l’argile et pétris-la avec tes pieds[3]. On mettait la pâte ainsi préparée dans des moules en bois et on exposait les gâteaux pendant les longs mois d’été, au soleil torride de ces contrées, ou bien on les plaçait dans des tours comme le fout encore les briquetiers de nos jours. La brique crue, plus grossière que l’autre et moins coûteuse, était particulièrement employée dans la construction des terrasses on des murs intérieurs ; elle demeurait toujours sensible à l’action corrosive des eaux : les inscriptions babyloniennes relatent fréquemment des éboulements produits par la liquéfaction des briques des fondations, et Ninive ne dut peut-être sa perte qu’à l’écroulement d’une partie de ses remparts baignés par le Tigre. Même dans les murs intérieurs des édifices, l’action de l’humidité a produit l’effet d’une sorte de fusion des matériaux, dont on ne distingue même plus les joints. C’est ce qui a été observé à Khorsabad, et l’on a pensé que la brique avait été employée avant d’être suffisamment asséchée, ou bien qu’on l’avait humectée au moment de la construction, pour rendre la muraille plus homogène et n’en faire qu’un seul et immense bloc[4]. La brique cuite ôtait d’un usage plus répandu, à cause de ses qualités supérieures ; parfois, pour les constructions de luxe, les temples, les palais, les pyramides à étages, on en émaillait la face extérieure.

Les briques offrent en général l’aspect d’un cube rectangulaire d’un pied chaldéen de côté (0m,315) sur 0m,10 centimètres d’épaisseur environ ; quelquefois seulement et pour des constructions spéciales, comme une voûte, un fût de colonne, elles affectent des formes en rapport avec leur destination, et présentent l’aspect de nos voussoirs en pierre. Sur l’un des plats de chaque carreau on inscrivait une formule en caractères cunéiformes en l’honneur du souverain qui faisait construire l’édifice. Cette inscription était généralement imprimée à l’aide d’un timbre en métal que l’on appliquait sur la pâte avant la cuisson ou la dessiccation : c’est ainsi que la plupart des briques que l’on recueille à Babylone sont estampées au nom de Nabuchodonosor et de Nabonid. Souvent aussi elle était gravée à l’aide du stylet. Dans la construction, la face qui portait l’inscription était toujours placée en dessous, et l’on disposait le mortier tout autour du texte, de façon à ne point l’empâter et le noyer.

Tels étaient les matériaux de construction à Ninive et à Babylone ; dans ces deux grandes capitales, la pierre ne fut employée qu’à l’état d’exception pour des travaux extraordinaires, des dallages, des soubassements et surtout pour les bas-reliefs. C’est ainsi qu’Hérodote et Diodore disent formellement que, tandis que les quais de l’Euphrate étaient en uriques, le grand pont qui seul faisait communiquer l’une avec l’autre les deux parties de la ville, fut bâti en très grandes pierres, que reliaient des crampons de fer noyés dans du plomb[5]. Ninive, plus rapprochée des montagnes, eut, pu avoir de la pierre en quantité, et de fait on y rencontre des constructions en moellons appareillés, mais la capitale de l’Assyrie ne fit, au point de vue architectural, que copier Babylone ; elle n’eut point d’art original, et elle ne cessa de demander à la Chaldée des ouvriers et des artistes qui, habitués à bâtir avec la brique, ne changèrent pas souvent leurs habitudes.

Il en est de même pour le bois de charpente qui manque absolument à la Babylonie, mais qu’on eut pu se procurer à Ninive en exploitant les forêts du Dasios ou du Kurdistan : on ne le fit que rarement, et ce ne fut que lorsque de grandes conquîtes lointaines eurent livré, pieds et poings liés, aux Ninivites, des armées d’esclaves, qu’on se décida à leur faire transporter jusque sur les bords du Tigre les poutres de cèdre, de pins et de chêne des montagnes de l’Amanus, voire même du Liban.

Souvent on employait comme mortier, de l’argile grasse, ou lut composé de cendres et de chaux ; parfois aussi, comme dans les constructions de Birs-Nimroud et du Kasr de Babylone, c’est un mortier de chaux si solide qu’on ne peut détacher les briques les unes des autres sans les réduire en menus morceaux. Enfin, on a surtout eu recours au bitume. On s’en est servi dans la construction des temples de Ur dont le nom actuel Mighéir signifie encore la bitumée. Il a été mis en usage pour les murs de Babylone, et outre le récit des voyageurs modernes, nous avons sur ce point, le témoignage d’Hérodote. Dans le mur d’enceinte on retrouve aujourd’hui les couches de briques noyées dans le bitume, et de distance en distance, des lits de ces roseaux gigantesques qui croissent encore en abondance dans les marécages de la basse Chaldée.

Avant de bâtir un temple ou un palais, on procédait à une cérémonie religieuse qui correspond à ce que nous appelons aujourd’hui la pose de la première pierre. Nous avons rapporté, dans le précédent volume des textes de Nabonid qui racontent qu’il rechercha, dans les ruines des plus anciens temples chaldéens, la pierre de fondation, le temen qu’y avaient déposé les rois primitifs, et qu’il eut le bonheur de retrouver cette pierre angulaire, tandis que plusieurs de ses prédécesseurs n’avaient pratiqué que des fouilles infructueuses. On a retrouvé de nos jours de ces petits barillets cylindriques couverts d’une écriture très compacte et difficile à déchiffrer, qu’on avait déposés dans de petites niches aux quatre angles des soubassements des édifices. Ainsi, au Birs-Nimroud, M. H. Rawlinson avait fait creuser dans l’un des angles de la tour, certain de rencontrer des objets analogues à ceux qu’on avait recueillis ailleurs, et voici comment il raconte lui-même sa découverte : Au bout d’une demi-heure, on trouva une petite cavité : Apporte-moi, dit alors U. Rawlinson au contremaître qui dirigeait le travail, apporte-moi le barillet commémoratif. L’ouvrier plongea la main dans le trou ; il l’en retira et montra le baril ; les assistants n’en pouvaient croire leurs yeux et se regardaient tout ébahis. Le baril, couvert d’inscriptions, sortit ainsi de la cachette où il avait été déposé probablement par les mains de Nabuchodonosor lui-même, et où il reposait depuis vingt-quatre siècles[6]. Dans les fouilles si fructueuses qu’il entreprit à Tell-Loh, M. de Sarzec fit des découvertes analogues

Je trouvai, dit-il, à trente centimètres à peine sous le sol primitif, quatre cubes en maçonnerie de grosses briques et bitume, ayant chacun 50 centimètres sur chaque face. Au centre de ces cubes se trouvait une cavité de 27 centimètres sur 12 et de 35 de profondeur. Celte cavité, remplie d’un sable jaune impalpable, renfermait une statuette de bronze représentant, ici, un homme agenouillé, là, une femme debout, parfois encore, un taureau. Aux pieds de chaque statuette se trouvaient, noyées d’ordinaire dans le bitume qui tapissait la cavité, deux tablettes de pierre, l’une blanche, l’autre noire ; c’était la noire qui, le plus habituellement, portait une inscription en caractères cunéiformes, pareille, ou à peu de chose près, à celle qui était gravée sur la figure de bronze[7]. Ailleurs, M. de Sarzec a trouvé, au lieu de statuettes, des cônes en argile, ayant la forme de grands clous à tête hémisphérique, et portant une inscription gravée sur le pourtour de leur tige.

A Nimroud, dans le palais d’Assur-nazir-pal, il y avait au-dessous des grands lions ailés qui décoraient la principale entrée de l’édifice, de petites tablettes en albâtre portant dés inscriptions sur leurs deux faces ; on a trouvé, dans les fondations du palais d’Assarhaddon, des statuettes analogues ;à celles que X11. de Sarzec a recueillies à Tell-Loh ; à Khorsabad enfin, M. Place mit au jour une cavité en pierre qui contenait cinq inscriptions gravées sur de petites plaques en or, en argent, en antimoine, en cuivre et en plomb. Il a aussi découvert, dans les fondations du palais de Sargon, jusqu’à quatorze barillets de terre cuite. Dans le voisinage de la cachette, se trouvaient des statuettes grossières et des amulettes de tout genre, parmi lesquelles des cailloux percés d’un trou ou de simples coquilles, qui paraissent établir que la cérémonie de l’enfouissement du temen angulaire était publique : le peuple accourait de toutes parts et jetait dans les fondations ses amulettes et ses ex-voto.

Enfin, ce qui achève de donner à la construction en elle-même un caractère religieux, c’est que tous les palais chaldéens et assyriens sont très exactement orientés. Cette règle invariable préside à la direction et à l’élévation des murs ; tantôt, ce sont des angles du bâtiment qui sont orientés, chacun d’eux se trouvant exactement dans l’axe même de l’un des points cardinaux, tantôt, c’est la perpendiculaire des quatre murs qui est dans cette direction. Nous savons le rôle important que jouaient les points cardinaux dans la mythologie assyro-chaldéenne, et nous nous rappelons que la formule ordinaire du protocole des inscriptions royales, roi des quatre régions, est en rapport avec les quatre régions du monde céleste.

La loi élémentaire et essentielle de toute construction architecturale est la solidité. C’est la première des conditions que s’impose l’architecte en jetant les bases d’un palais, et ce doit être la première règle de critique de quiconque veut juger sainement d’un édifice. Pont- atteindre à ce but, les Chaldéens, qui disposaient de matériaux aussi imparfaits que la brique, eurent recours à l’artifice commandé en pareille occurrence : ils élargirent outre mesure la base des édifices, exagérèrent l’épaisseur des murailles, et quand ils furent forcés de ménager des ouvertures, ils les pratiquèrent si étroites qu’elles ressemblaient à des meurtrières plutôt, qu’il des fenêtres. Aussi, les constructions chaldéennes se développent bien plus en surface qu’en hauteur, et les plus élevées devaient conserver une apparence d’écrasement et de manque de hardiesse. C’est le contraire de l’architecture arabe oit la force de résistance des grands blocs de pierre étant exagérée, la masse de la construction est en haut, supportée par des colonnades qu’on croirait parfois près de fléchir sous le fais.

Xénophon, qui traversa l’Assyrie à la tête des Dix mille, remarque que les remparts des anciennes villes qu’il appelle Larissa et Mespila, étaient construits, jusqu’au fiers de la hauteur, en pierres de grand appareil, auxquelles étaient superposées des assises de briques. C’est la disposition observée dans les murs de Khorsabad. Ces murs avaient vingt-quatre mètres d’épaisseur et une hauteur à peu près égale ; les assises inférieures étaient formées de gros blocs de pierre, taillés et juxtaposés sans mortier. Tout autour de la grande terrasse sur laquelle les bâtiments royaux étaient assis, régnait un mur en énormes moellons pesant chacun plus de vingt mille kilogrammes et dont les assises intérieures étaient jointes à la terrasse et aux briques crues qui eu formaient le noyau. La hauteur de ce mur était de 18 mètres et il était couronné par un parapet en briques avec des créneaux.

Protégée par de pareils remparts flanqués encore de contreforts qui ressemblaient à des bastions, la ville de Sargon pouvait défier les rayons du soleil le plus ardent aussi bien que les plus puissantes machines de guerre. A l’intérieur de la forteresse, les murailles avaient de quatre à huit mètres d’épaisseur ; là même où un architecte moderne n’aurait élevé qu’une simple cloison entre deux salles voisines, les Assyriens ont bâti des murs presque aussi larges que les chambres qu’ils devaient clore. Ces énormes murailles étaient pour soutenir les voûtes et les plafonds, car les Assyro-Chaldéens n’ont pas connu la colonne, ou plutôt ils n’en ont pas fait souvent usage, parce que la nature refusait à leurs architectes les monolithes nécessaires pour la tailler. Les débris de colonnes qu’on a recueillis dans les palais de Ninive sont extrêmement rares. On cite pourtant à Khorsabad un monolithe en calcaire qui donne, en un seul bloc, à la fois la partie supérieure du fût d’une colonne et le chapiteau. Ce bloc a un mètre de hauteur. Le chapiteau est formé par un renflement circulaire dont la panse est ornée de deux zones d’oves ou de festons. On voit aussi, sur un bas-relief de Koyoundjik, un palais orné, à sa partie supérieure, d’une claire-voie dont le toit est supporté par des colonnes ioniques. Il importe encore d’ajouter qu’on trouve, au contraire, fort, souvent, dans les petits édicules, comme le tabernacle du dieu Samas, par exemple, des colonnettes de bois ou de métal, avec leur base et leurs chapiteaux, ce qui prouve que les Assyriens connaissaient le principe de la colonne, bien qu’ils ne l’aient pas appliqué dans la grande architecture.

Les principales salles des palais étaient surmontées d’une coupole ou d’un dôme allongé en pain de sucre. Le système de la coupole a, de tout temps, été en usage en Orient, et la tradition assyrienne s’est conservée jusque dans la construction de Sainte-Sophie, des églises byzantines et des mosquées turques, en passant par les palais des rois arsacides et sassanides, à Firuz-Abad et à Sabaristan, construits en briques comme les palais ninivites et babyloniens. Pour bâtir leurs coupoles, les Assyriens n’avaient pas besoin de cintrage ; ils les montaient par lits annulaires superposés et de plus en plus étroits, au fur et à mesure qu’ils approchaient du sommet ; c’est ainsi qu’ont souvent procédé les architectes des églises byzantines, et cet usage a encore cours en Orient.

Dès la plus haute antiquité, nous trouvons en Assyrie et en Chaldée toutes les espèces de voûtes, depuis la voûte en encorbellement jusqu’à la voûte en plein cintre, en anse de panier, en tiers-point, en fer à cheval. Un des plus anciens exemples que l’on puisse citer au monde est, à coup sûr, une voûte en encorbellement découverte par Taylor à Mugheïr. C’est une sorte de caveau construit en briques crues reliées par du mortier. Les parois sont formées d’assises échelonnées de manière à déborder les unes sur les autres au fur et à mesure qu’elles se rapprochent du sommet où elles se rejoignent. C’est le système de voûte le plus primitif. Les fameux jardins suspendus de Babylone étaient installés sur une immense terrasse qui reposait sur l’extrados d’une voûte construite avec des briques cuites reliées par un excellent ciment et recouverte d’une couche de bitume et de plomb pour empêcher l’infiltration des eaux. Mais pour avoir une idée précise de la science avec laquelle les architectes chaldéens construisaient les voûtes, il faut lire la minutieuse description du système d’aqueducs et d’éponte qui conduisait au dehors les eaux vannes des palais et des habitations ninivites.

Il est peu de chambres, disent MM. Perrot et Chipiez, où ne s’ouvre, au milieu du dallage, un trou vers lequel la pente du sol doit amener les eaux ; ce trou rond est percé dans nue pierre carrée qui a été enfoncée dans l’aire de la salle, parmi les briques ; il donne sur une conduite verticale, pratiquée dans une petite bâtisse de briques. Le sol du canal principal dans lequel débouche ce caniveau est formé de dalles en calcaire baignées dans l’asphalte. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est la construction de la voûte. Les briques qui la composent ont une forme trapézoïdale, et deux de leurs côtés sont légèrement arrondis. L’inclinaison des côtés obliques est variable pour chaque voussoir, à cause de la position qu’il occupe sur la courbe. Les briques marchent donc deux par deux sur les flancs de la voûte ; il existe de chaque côté, quatre briques ; il a donc fallu quatre moules différents lors dé la confection des voûtes, plus un cinquième moule pour nu dernier voussoir dont nous parlerons plus loin. Dans ces briques, les quatre côtés sont sensiblement différents les tins des autres. Les deux côtés arrondis n’étant pas â la même distance des centres, ne sont pas de même longueur, quant aux deux côtés obliques, le côté inférieur n’occupant pas sur la courbe la même place que le côté supérieur, les deux ligues ne pouvaient avoir la même direction. Ne voulant pas demander leurs voussoirs à la pierre, les Assyriens se sont vus contraints, ici, d’imprimer à l’argile des formes vraiment compliquées, mais on ne peut que rendre hommage à l’habileté dont leurs briquetiers ont fait preuve dans ce travail difficile[8].

D’autres voûtes présentent la forme d’une ellipse allongée, ou bien sont en plein cintre, et partout on retrouve le même procédé savant auquel on n’a dû arriver qu’après de longs siècles de tâtonnements, et sur lesquels nous n’avons tant insisté que pour montrer combien est erronée la doctrine qui enseignait, naguère encore, que l’antiquité ne connaissait pas la voûte avant les Étrusques : ce sont les Assyriens qui en furent les inventeurs.

L’air et la lumière dont les palais ninivites et babyloniens si somptueusement décorés avaient si grand besoin, ne pénétraient que par la porte ou par une ouverture ménagée dans le plafond même de, appartements. A cet effet, les portes étaient démesurément grandes : la hauteur de celles du palais de Khorsabad, était de près de cinq mètres. De pareilles dimensions, dit M. Place, constituent des baies exceptionnellement vastes, surtout quand la plupart d’entre elles ont pour objet de desservir non pas des salles d’apparat, mais des pièces destinées aux services les plus ordinaires, des magasins, des antichambres, des celliers, des cuisines, des chambres à coucher. Puisque des architectes assez préoccupés de la solidité de leurs murs pour s’interdire sévèrement l’emploi des fenêtres, n’ont pas craint d’y pratiquer tant de hautes et larges portes, il n’est pas douteux que ces portes, tout en servant d’abord à la circulation, dussent encore contribuer beaucoup à l’éclairage et à l’aérage des appartements[9].

Les plus intéressants spécimens de portes qui nous soient conservé, sont les fameuses portes trouvées à Balawat par M. Rassam, dans les ruines du palais de Salmanasar III (895 à 825). Ces portes eu bois, recouvertes d’une armature de bronze, devaient avoir de six à huit mètres de haut. Les vantaux étaient revêtus de bandes métalliques en bronze, chargées de bas-reliefs dont nous avons reproduit quelques spécimens. M. Rassam a, en outre, découvert et fait transporter au Musée Britannique un échantillon d’un seuil en bronze, trouvé à Borsippa, et qui est capable de donner une idée des proportions colossales des portes de Babylone et des plaques d’airain qui les formaient. Ce seuil a 1m,52 de longueur et 0m,25 de large. Sur la tranche, se lit une inscription de Nabuchodonosor ; la disposition de ce texte prouve que cette lourde Bulle d’airain est la moitié seulement de l’ancien seuil ; celui-ci, fait de deux morceaux pareils, aurait donc eu plus de trois mètres. La face supérieure, celle que foulait le pied du passant, est décorée de grandes rosaces comprises dans des panneaux carrés. Cette pièce est, cela va sans dire, en fonte pleine ; aussi le poids en est-il très considérable. Il a fallu des ouvriers très habiles, non seulement pour manier et mettre en place une pareille masse, mais aussi, mais surtout pour la couler ; aujourd’hui encore, nous disait un connaisseur, cette dernière opération ne laisserait pas de présenter quelque difficulté[10]. Il ne faut donc pas trop s’étonner, en présence de ce morceau colossal, du récit l’Hérodote relativement aux portés de Babylone, qu’on n’ouvrait et ne fermait peut-être qu’à l’aide de poulies et de treuils, comme nos portes de forteresses.

Un seul des palais de l’Assyrie a été jusqu’à présent déblayé d’une manière complète dans toutes ses parties. C’est celui de Khorsabad, qui précisément offre l’intérêt d’une grande unité de plan, ayant été élevé en peu d’années sous un même règne et d’après titre conception d’ensemble. C’est pour ces raisons que nous l’avons choisi comme un excellent type de la manière dont les Assyriens entendaient la disposition d’une résidence royale.

Les différents bâtiments du palais de Dur-Sargin ou Duc-Sarukin s’élevaient sur deux plates-formes de hauteurs différentes disposées en forme de T. L’une, la plus haute, était carrée, avec ses angles très exactement dirigés vers les quatre points cardinaux ; l’autre, notablement plus basse et en forme de rectangle allongé, s’appliquait le long de la face sud-est de la terrasse carrée qu’elle dépassait par ses deux extrémités. La terrasse supérieure serrait de soubassement au palais proprement dit, dont l’entrée principale était nu nord-est, du côté de la campagne, et donnait sur le terre-plein des remparts de la ville. Cette entrée, du reste, n’était pas au milieu de la façade, car jamais peuple ne s’est montré moins préoccupé que les Assyriens de la régularité et du parallélisme dans son architecture ; ainsi toutes les cours de leurs palais présentent quatre grandes portes sur leurs quatre faces, mais jamais on n’en trouve une placée exactement en face de celle qui devrait lui faire pendant. La masse générale du palais dessine en plan une forme carrée, sauf quelques petites irrégularités, peu marquées pour une construction assyrienne. L’entrée principale du nord-est donne accès dans une immense cour d’honneur de forme rectangulaire, entourée de bâtiments de tous les côtés ; celui du fond était le corps de logis principal du palais. Chose tout à fait insolite, il avait une façade très régulière, avec sa porte, la plus splendidement ornementée de tout l’édifice, exactement placée au milieu. Quant à la distribution intérieure du château royal, nous en wons parlé ailleurs.

Quelques-uns des palais assyriens occupent une énorme étendue. Celui de Sennachérib à Koyoundjik couvre une surface presque égale à celle du grand temple de Karnak en Égypte. Le plan, du reste, en est toujours le même ; ce sont des successions d’immenses cours carrées, autour desquelles se groupent des salles disposées en enfilade, sans aucun passage de dégagement. D’autres cours ou esplanades sont placées entre l’édifice lui-même et la muraille en terrasse qui borde extérieurement le monticule sur lequel il est bâti. Les salles n’ont jamais plus de quarante pieds de largeur, mais leur longueur est souvent très considérable, ce qui leur donne l’aspect de véritables galeries. La plus grande de celles du palais de Khorsabad a cent seize pieds de long ; dans le palais d’Assurnazirpal, à Nimroud, on en trouve une qui a cent quarante pieds ; enfin la longueur de la principale salle du palais de Koyoundjik est de cent quatre-vingts pieds.

Reportons-nous, par la pensée, à Babylone sous le règne de Nabuchodonosor, au moment. de la splendeur de cette grande cité qui émerveillait tous les étrangers. Quel imposant aspect devaient offrir aux regards éblouis ces dômes immenses, ces coupoles dorées et étincelantes, qui dépassaient de cent mètres les terrasses des maisons et se détachaient au milieu du ciel comme la silhouette de nos cathédrales gothiques ; voyez ces étages superposés de briques émaillées aux sept couleurs, dominant la grande ville couchée sur le bord de l’Euphrate, au milieu de la plaine uniformément plate, entourée de sa double enceinte de murailles crénelées et noircies par le bitume. C’était vraiment la reine des nations parée, enrichie, entourée d’une cour de peuples d’esclaves parqués dans ses murs comme un vif bétail ! Aujourd’hui, fout cela n’est que poussière et la steppe déserte remplace la ville la plus populeuse de la terre.

 

§ 2. — LA SCUPTURE, LA PEINTURE, LES ARTS DÉCORATIFS ET INDUSTRIELS

Parcourez des yeux les images qui forment l’illustration archéologique de la partie de cet ouvrage consacré à l’Assyrie et à la Chaldée, et vous serez, sans aucun doute, frappé de la monotonie de toutes ces scènes et de leur uniformité artistique. L’art égyptien offre déjà, bien qu’à un degré moindre, le même caractère. Après un vigoureux effort de génie qui fil passer rapidement l’art assyrien des rudiments de l’age de pierre à l’épanouissement complet de ses facultés, lotit reste stationnaire, figé, pour ainsi dire, dans les mêmes conceptions et les mêmes procédés. Comme en Chine, à partir d’un certain moment, il n’y a plus ni progrès, ni créations nouvelles ; on s’engourdit, on s’arrête à un point donné sans pouvoir pousser plus loin dans la recherche du beau idéal. Il était, réservé au bénie hellénique de trouver la variété infinie des formes et la perfectibilité sans limites de l’exécution. Mais qu’on y prenne barde : cette infériorité de l’art assyro-chaldéen ne petit servir de prétexte à rabaisser le mérite des sculpteurs de Ninive ou de Babylone. Certes, celui qui crée et invente, a souvent plus de mérite que celui qui perfectionne. Or, l’art assyrien a germé sur le sol même de la Mésopotamie ; il est foncièrement indigène, autochtone, et ne s’est point paré des dépouilles de l’étranger en se les accommodant. Il ne procède pas de l’Égypte, avec laquelle l’Assyrien n’a jamais eu que le contact, passager d’invasions à main armée. A l’encontre du sol de la Grèce ou de l’Italie, traversé par maints peuples d’origines diverses, qui y ont tous laissé l’empreinte de leur génie propre et ont contribué, chacun pour une part, à accroître le trésor des découvertes civilisatrices, le sol de l’île mésopotamienne est resté vierge de tout contact hétérogène pendant cette immense période qui s’étend depuis l’invasion semi-légendaire de Chodorlahomor jusqu’à la conquête perse. Chez les Assyro-Chaldéens, aucune importation exotique, aucun emprunt fait il des rivaux plus industrieux, plus habiles. L’art y est fils de ses œuvres. Aussi est-il essentiellement homogène dans toutes ses parties ; il se présente à nous toujours conforme à lui-même, aspirant à atteindre tin idéal qui n’a jamais varia.

Des statuettes de bronze et une stèle de marbre mutilée, sur laquelle figurent des scènes de carnage et de funérailles, représentent l’art chaldéen le plus archaïque. Les têtes des cadavres sont remarquables par leur originalité : le crâne est entièrement nu, le profil du visage très énergique, le nez aquilin ne formant qu’une seule courbe avec le front, les sourcils proéminents ; les yeux sont représentés par une sorte de cavité ovoïde placée sur la joue, l’oreille est trop remontée. Les vautours, qui tiennent des têtes et des membres dans leurs serres, sont reconnaissables à leur tête déplumée, à leur bec recourbé, à la longueur de leur cou ; ou retrouve partout, dans l’ensemble comme dan, les détails, les procédés naïfs et enfantins dé l’artiste qui ne se doutait pas encore de ce que sont les proportions et la perspective. On sent néanmoins que, comme le sculpteur assyrien des meilleurs siècles, il est déjà réaliste et qu’il a voulu copier la nature.

La première étape que nous rencontrions ensuite sur notre route, est constituée par cet ensemble de statues et de bas-reliefs trouvés par M. de Sarzec à Tell-Loh et qui portent le nom du roi Gudéa. Ici, nous ne sommes déjà plus en présence de l’enfance de l’art et de ses premiers essais. Le sculpteur a maîtrisé la matière ; il sait la contraindre au gré de son imagination et de ses facultés artistiques. Ce qui frappe surtout dans ces statues debout ou assises du roi Gudéa, c’est l’étude directe de la nature vivante et la recherche de l’exactitude. Examinez-en tous les détails : L’épaule droite et le bras droit, laissés à découvert, sont des morceaux remarquables ; observez aussi le travail très accentué des masses musculaires du dos, ainsi que la franchise avec laquelle sont indiquées, sous la chair, les saillies de la charpente osseuse. Toutes ces parties sont traitées avec une ampleur qui donne à toute la figure, d’ailleurs robuste et, trapue, un grand air de force ; cependant la vigueur de la louche reste encore ici sobre et discrète. Même caractère dans les mains, où les phalanges et les ongles sont étudiés avec un soin minutieux, mais sans petitesse, et dans les pieds, où l’on remarquera la solidité de la pose, ainsi que le dessin très marqué de la cheville et des orteils[11]. Les plis du vêtement sont rendus avec une exactitude qui n’a pas été dépassée plus tard ; les têtes, dont nous avons reproduit l’image, prouvent qu’à cette époque, en Chaldée, l’usage ne s’était pas encore établi de donner aux ligures cette barbe longue et tressée en cordelettes qu’on rencontrera plus tard sur les bas-reliefs ninivites. A l’époque de Gudéa, on se rasait complètement la figure et les cheveux.

La mode avait changé déjà sous Marduk-nadir-ahi, roi de Babylone, qui est représenté sur sa stèle avec une barbe courte et frisée. Voyez les détails du costume royal, cette tiare ornée de plumes, ces broderies, ces dessins élégants et symétriques, ces franges, cette large et magnifique ceinture sous laquelle se dissimulent à moitié deux poignards aux élégantes poignées d’ivoire : jamais la sculpture n’est allée plus loin dans la recherche minutieuse du détail. On en était arrivé là, à Babylone, dès le XIe siècle avant notre ère.

Le hasard veut que les monuments chaldéens nous fassent défaut à partir de cette époque et que nous soyons dans l’impossibilité de suivre le développement de l’art babylonien. Pour expliquer cette lacune étrange, on peut dire, il est vrai, que c’est à partir de Teglath-pal-asar Ier, contemporain de Marduk-nadir-ahi, que Babylone commence à péricliter et que la Chaldée perd son indépendance politique et son autonomie. L’art émigre à Ninive où nous allons le retrouver. Plus tard, Babylone reconquiert sa liberté au détriment de sa rivale, et devient encore une fois, comme l’attestent Hérodote et la Bible, le centre artistique, le plus florissant qu’on eût jamais vu, mais les circonstances ont fait qu’il ne nous est presque rien parvenu encore des monuments de la période de Nabuchodonosor.

L’art ninivite, à son tour, est bien loin de remonter aussi haut dans le passé que l’art babylonien. Ce n’est que lorsque la capitale de l’Assyrie a imposé sa domination à sa rivale du sud, qu’elle commence à avoir des œuvres artistiques, comme si, traitant les artistes à l’égal de vulgaires esclaves, elle les avait emmenés chez elle pour les forcer à travailler dans ses propres palais. L’art ninivite procède de l’art babylonien. Cependant, tandis que les monuments de Gudéa témoignent d’un développement étonnant de la statuaire en Chaldée, les fouilles de Ninive n’ont rien révélé de comparable. De l’Assyrie, nous n’avons guère qu’une demi-douzaine de statues monumentales, qui, chronologiquement, s’échelonnent, de loin en loin à travers les siècles, et artistiquement méritent à peine de fixer un instant l’attention. Lourdes, gauches, de proportions défectueuses, sans caractère, elles sont bien inférieures aux bas-reliefs qui leur sont contemporains, et surtout bien médiocres comparées aux statues chaldéennes de Tell-Loh pourtant plus vieilles de dix siècles. Celles-ci, qu’elles soient assises ou debout, sont complètement achevées par devant comme par derrière ; les statues assyriennes au contraire, paraissent avoir été faites pour être adossées contre un mur, car c’est à peine si le dos en est ébauché. En Chaldée, on a employé pour sculpter les statues, la pierre dure telle que le basalte et de diorite ; en Assyrie, c’est une pierre tendre comme le grès. Vues de profil, les statues ninivites, celles du dieu Nébo et celle d’Assur-nazir-pal, par exemple, produisent le plus disgracieux effet ; aplaties, sans mouvements ni contours, on les croirait emboîtées dans des gables comme des cadavres. Ce caractère les rapproche d’une catégorie de monuments particulièrement en honneur chez les Assyriens : ce sont les stèles triomphales.

Après le sac et la ruine d’un pays, le monarque n’avait rien de plus pressé que de faire ériger, sur le lieu même de ses exploits, une grande borne sculptée de tous côtés et détachées de la paroi de la muraille. L’Assyrie n’a rien à, mettre en parallèle avec ces innombrables statues égyptiennes dont l’art, toujours sobre et ingénu, est parfois si étudié. Le bas-relief est l’art supérieur de l’Assyrie, comme la statuaire est, par excellence, l’art de l’Égypte des Pharaons.

Telle fut la conséquence logique du milieu naturel dans lequel durent s’épanouir ces deux grandes civilisations autour desquelles gravite lotit l’antique Orient. Sur les fiords du Nil, la pierre sculpturale abonde, la matière première est sous la main de l’artiste ; en Mésopotamie, point de carrières, et impossible d’obtenir avec la brique la décoration sculpturale que supporte la pierre. On ne pouvait songer il aller chercher dans des pays lointains ces énormes blocs dont le statuaire a besoin ; on ne le fît, en effet, que très exceptionnellement. Tout ce qu’on pouvait raisonnablement essayer, c’était, tout au plus, d’amener à grands frais de transport, de minces dalles de calcaire ou de marbre pour en plaquer les murs et dissimuler la pauvreté des matériaux. Ces dalles se prêtaient merveilleusement à la décoration en bas-relief : ce fut donc la sculpture en bas-relief qui se perfectionna presque exclusivement au détriment de la statuaire.

Nous ne savons ce qu’était la sculpture assyrienne au commencement de la monarchie ; les plus anciens bas-reliefs qui nous soient parvenus sont du règne d’Assur-nazir-pal et proviennent du palais de ce prince à Nimroud (Kalah). C’était dans l’intervalle qui séparait chaque campagne, c’est-à-dire entre deux printemps, que le roi faisait sculpter les bas-reliefs racontant aux yeux ses prouesses et ses conquêtes. Ces tableaux devaient clone être exécutés rapidement, par un groupe nombreux d’artistes plus ou moins habiles. Les maîtres sculptaient les figures royales et le cortège qui les entoure, leurs disciples taillaient les soldats assyriens, les processions de prisonniers et tout l’attirail d’une armée en campagne ; on chargeait les apprentis du soin de reproduire les cadavres des ennemis, les montagnes, les rivières et le théâtre des champs de bataille. De là, parfois, une grande inégalité dans l’exécution d’un même bas-relief : on y distingue le travail de plusieurs artistes. Tel groupe est un chef-d’œuvre, tel autre est visiblement plus négligé et d’une autre main, un troisième enfin n’est qu’une ébauche. C’est sans doute cette collaboration de nombreux sculpteurs de talent inégal qui fait qu’il est difficile de rencontrer un bas-relief également bien exécuté dans toutes ses parties.

Quand on compare entre elles les sculptures de Nimroud, de Koyoundjik, de Kalah-Shergat, de Khorsabad, on constate sous cette uniformité générale que nous avons signalée, des différences qui ont assez d’importance pour permettre de suivre les progrès de l’art. Tels qu’ils sont connus de nous jusqu’à présent, les monuments assyriens correspondent à trois systèmes bien tranchés. Sous Assur-nazir-pal, les figures, déjà énergiques et hardies, mais un peu trapues, sont peu nombreuses, groupées dans des compositions simples et fort rudimentaires encore, qui deviennent très confuses dès que l’on essaye d’y introduire plus de personnages ; les mouvements sont, en général sobres, contenus, mais pleins de vérité et de convenance. Par suite d’une idée religieuse sans cloute, l’artiste a l’habitude qu’on ne constate que dans l’art assyrien, de recouvrir une partie de ses figures de longues inscriptions explicatives. Cet usage est emprunté à la sculpture babylonienne, car il est déjà mis en pratique sur les statues de Gudéa. Sous Sargon et Sennachérib, les sculpteurs deviennent plus ambitieux ; ils veulent combiner de vastes scènes aux nombreux personnages, dans lesquelles ils savent mettre plus de clarté, mais pas plus de perspective que leurs prédécesseurs. A toutes les scènes de chasse ou de guerre, ils donnent un fond de paysage grossièrement exécuté, où ils s’efforcent de déterminer la nature du lieu par ses arbres et ses animaux caractéristiques ; on sent que l’artiste aime les sites pittoresques, les bois, les montagnes, les rivières ; mais il les rend avec les plus ê1ranges erreurs dans les proportions réciproques des choses ; on y voit par exemple, au milieu des flots, des poissons aussi gros que les navires, et dans les bois, des oiseaux qui ont la moitié de la taille des chasseurs qui les lient. Les gestes des figures sont plus accentués, plus énergiques qu’à la première époque et non moins vrais. Les inscriptions sont désormais placées à côté des figures et ne les recouvrent plus comme précédemment. L’art de Sargon et de Sennachérib est un art de transition qui cherche surtout ses effets dans les figures colossales et plus grandes que nature. Au temps d’Assurbanipal enfin, le bas-relief rentre dans des données plus conformes aux conditions réelles et aux sains principes du genre ; on renonce aux fonds de paysage, à la prétention de représenter simultanément des scènes disposées sur plusieurs plans différents ; la nature des lieux où se passent les épisodes de guerre et de chasse est seulement indiquée par quelques arbres, rendus avec une frappante vérité, mais quelquefois la tête en bas, ou par quelques édifices sobrement esquisse ; il y a donc moins d’occasions de faines de perspective. En même temps, on remarque encore un grand progrès sur l’époque précédente dans la vie et le mouvement des personnages, ainsi que dans l’art de les grouper et de balancer les divers éléments de la composition. Au lieu de figures plus grandes que nature, ce sont au contraire des figures rapetissées, groupées en une suite de tableaux aux scènes les plus variées, pleines de fraîcheur et, d’action.

Cependant, et malgré ces réels mérites, l’art ninivite n’a rien de naturel, rien de naïf comme l’art du moyen âge par exemple. Il se confine dans des types abstraits qu’il a créés une fois pour toutes et il les répète à satiété. Les sculptures extérieures du palais sont exclusivement consacrées aux dieux, comme pour mettre la demeure du prince à l’abri des atteintes de l’ennemi ; les sculptures de l’intérieur retracent la belliqueuse chronique des rois. Tel est le double caractère de cet art éminemment national, mais qui, n’ayant que deux couleurs, nous l’ait éprouver une impression de fatigue et d’ennui. Les bas-reliefs égyptiens comportent souvent des scènes de la vie civile : des travaux des champs, des jeux, des fêtes, des marchés publics et cent autres épisodes de la vie privée des anciens Égyptiens. En Assyrie, rien de tout cela : ces pierres qui parlent répètent, sans cesser un instant, au soldat, qu’il ne doit point se relâcher de sa bravoure ; elles supplient les génies de garder éternellement le palais. Ainsi tous ces tableaux, sont consacrés à la vie officielle. Ce n’est que comme épisodes de l’existence du roi que nous y rencontrons des guerres, des supplices, des processions, des chasses, des constructions de palais, des scènes de navigation, des campements de troupes.

Si, des caractères généraux nous passons à l’examen des détails de ces sculptures et aux procédés techniques, nous rencontrerons d’autres défauts non moins essentiels. Veut-il reproduire le visage humain, l’artiste assyrien procède comme font encore les enfants qui commencent à dessiner ; il place toujours l’œil de face, même quand la ligure est de profil. Ces grands yeux en amande donnent au visage un aspect caractéristique qui, d’ailleurs, sied bien au type oriental. Quand il se trouve obligé de représenter des personnages de face ou dans nue toute autre attitude que le simple profil, le sculpteur est embarrassé, hésitant, impuissant, il ne sait pas dessiner les pieds en raccourci, et il les place entièrement de profil, alors que tout le haut du corps est de face, ce qui donne, à la figure en général un aspect disloqué. Elle retourne la tête comme si on la lui avait mise sens devant derrière ; les pieds et les mains offrent souvent la même difformité.

Tout l’effort de l’artiste se porte vers la sculpture de la tête, des bras et des jambes. Il met en saillie des muscles énormes qui ne sont même pas tout à fait à leur place anatomique. Des plis énergiques indiquent, par exemple, les contours de la rotule, les muscles du jarret ; les pieds et les mains sont fouillés et dégagés jusqu’à l’excès. Pour la tête, les Assyriens n’ont guère connu que deux types qu’ils reproduisent indéfiniment : la tête barbue et la tête imberbe. On peut cependant établir des catégories et des distinctions plus précises : la tête barbue est frisée en bourrelets très courts, ou bien la barbe est tortillée eu nattes parallèles et symétriques ; cette dernière forme est réservée aux lignées royales ou à celles des hauts fonctionnaires de la cour. Dans les têtes imberbes, il faut aussi distinguer le type spécial consacré aux figures d’eunuques, toujours bouffies et sensuelles. C’est avec une pareille pauvreté d’éléments que l’artiste a fait tous ses tableaux. Chez les Chaldéens, il semble qu’il y ait eu, à ce point de vue, moins de convenu ; du moins dans les statues de Tell-Loh nous trouvons plus de variétés : il y a des têtes complètement rasées ; si nous en jugeons pur le portrait de Marduk-nadin-ahi, il y avait aussi des rois à barbe courte. Mais les têtes de rois elles-mêmes ne paraissent pas avoir un caractère iconographique bien évident. Le sculpteur assyrien s’est, rarement préoccupé de faire un portrait ; aussi, à part les différences qui peuvent caractériser une époque, un pays, une école d’Artistes, on ne rencontre qu’un petit nombre de types, sans qu’il paraisse jamais être question d’une ressemblance individuelle.

Le roi est toujours représenté plus grand que ses ministres et ses officiers ; les Assyriens sont plus grands que leurs ennemis ou leurs esclaves. On voit même des sièges de forteresses où les soldats d’Assur sont aussi grands que les remparts de la ville qu’ils combattent.

En Égypte, il y a des figures de vieillard, d’enfant, de jeune lionne ; en Assyrie, les visages ne changent pour ainsi dire jamais : rois, officiers, esclaves, dieux mêmes, tous out la même ligure intermédiaire entre l’adolescence et l’âge mûr ; jamais sur ces figures, la trace d’un sentiment ou d’une émotion quelconque : le visage de l’Assyrien reste toujours imperturbable, il ne rit jamais, il ne pleure jamais ; les gestes de ses bras, seuls, sont chargés d’exprimer et de traduire_ ses impressions. La main levée en arrière, â la hauteur de l’occiput, est un signe d’introduction, d’appel ; la main levée en avant de la bouche est une marque de salut respectueux ; les mains jointes indiquent la prière et la supplication ; la main portée aux cheveux est un signe de deuil et de violente douleur ; les deux mains disposées de telle sorte que l’une tient le poignet de l’autre, sont mi geste qu’on ne fait que devant le souverain ou les dieux, comme l’aveu de la servit rude et de la plus absolue soumission. On voit quelquefois des Assyriens qui prient en élevant une main à la hauteur du visage, tandis que l’autre pend négligemment le long du corps ; il en est enfin qui font le geste de la prière chrétienne, c’est-à-dire qui élèvent les deux mains eu appuyant les deux paumes l’une contre l’autre.

La draperie qui recouvre les personnages épouse les contours extérieurs et le galbe général du corps, avec très peu d’inflexions ; elle est plus ou moins riche et surchargée de festons, de glands et de broderies, mais elle reste toujours aplatie et monotone ; on dirait que toutes les figures sont couvertes de chasubles ou de chapes aussi lourdes, aussi épaisses et aussi riches que celles que portent les prêtres dans nos églises. L’Égyptien va presque nu ; aussi, nous savons par des milliers d’exemples comment les artistes des Pharaons traitent le torse humain. L’Assyrien, comme l’Arabe d’aujourd’hui, est toujours drapé dans d’épais burnous, si bien que ses artistes n’ont presque jamais traité le nu. Rarement, sinon pour représenter la déesse Istar, quelques figures d’esclaves ait travail, ou des cadavres couchés sur le champ de bataille, on s’est hasardé à représenter le corps humain dans un état de nudité complète ou même de demi-nudité. Les lois de la pudeur orientale sont observées avec un religieux scrupule, et ce préjugé n’est probablement pas pour peu de chose dans l’arrêt subit des progrès de l’art assyrien. En effet, sous l’enveloppe épaisse et souvent sculptée avec une merveilleuse habileté qui recouvre toutes les statues, on ne sent rien de la forme vivante ni de la charpente du buste humain. La longue tunique de lin, garnie de passementeries qui enveloppe le corps, ne laisse à découvert que la tête, les pieds et l’avant-bras ; le vêtement de travail des esclaves, lui-même, s’arrête au dessous des genoux et monte jusqu’au cou ; le châle à franges, quand on le porte, enveloppe le buste comme la toge romaine ; les femmes ont, par dessus la tunique, une cape qui ne permet de voir que le visage. Tel était le thème restreint imposé au sculpteur assyrien pour arriver à traduire le beau naturel et idéal.

Si l’on compare les œuvres du ciseau des artistes ninivites et celles des Hellènes de l’époque archaïque, jusqu’aux Éginètes, on observe une étonnante parenté ; le célèbre bas-relief primitif d’Athènes, connu sous le nom vulgaire de Guerrier de Marathon, semble détaché des parois de Khorsabad ou de Koyoundjik. Comme tous les arts primitifs, la sculpture assyrienne offre, aussi bien que la sculpture égyptienne, une imparfaite imitation de la nature, une roideur maladroite et presque architecturale dans le dessin des figures. Mais l’art assyrien dérive d’un tout autre principe que l’art égyptien ; il n’en a pas la gravité solennelle et monumentale. Au lieu de procéder par grandes masses, de dégager pour ainsi dire les formules algébriques des formes de la nature, de simplifier les plans et les lignes en réduisant le modelé, par un choix systématique et intelligent à la fois, de ses éléments essentiels et caractéristiques, il cherche a rendre le détail arec un soin minutieux, il n’oublie ni une broderie du vêtement, ni une mèche des cheveux ou de la barbe, ni un muscle des bras ou des jambes. A force de s’étudiera reproduire les détails, l’art assyrien arrive a s’éloigner de la réalité autant que l’art égyptien, mais dans la voie diamétralement opposée. Les choses secondaires prennent une importance exagérée qui nuit aux lignes de l’ensemble ; la musculature des membres, a force, d’être accentuée, devient monstrueuse ; les proportions entre les diverses parties du corps ne sont plus exactes, et, a ce point de vue, la sculpture assyrienne demeure fort au-dessous de la sculpture égyptienne. Elle n’a pas non plus le même souffle d’idéal, la même hantent- d’inspiration, le même caractère de grandeur calme et religieuse ; mais eu revanche, elle a une énergie, une vie, un mouvement que l’art de l’Égypte n’a jamais connu. La manière dont les sculptures assyriennes sont exécutées ajoute encore à cette impression d’énergie ; le ciseau assyrien était maladroit, il tic réussissait que lorsqu’il avait affaire à cet albâtre gypseux, assez tendre, qui forme toutes les plaques de revêtement des palais ; et lorsqu’il s’essayait sur les pierres dures comme le basalte, que les artistes égyptiens travaillèrent avec une finesse de, camée, ses rouvres étaient étonnamment grossières, comme on peut le voir par l’obélisque de Nimroud. Mais il rachetait cette maladresse par une verve inouïe, par une rudesse pleine de grandeur et de fougue : tantôt il attaque la pierre avec une vivacité qui y creuse des sillons profonds et de vives arêtes où se joue la lumière ; tantôt il l’égratigne comme la griffe d’un lion. Dans toutes ses figures, l’artiste exagère les muscles comme pour traduire le caractère de force et de vigueur brutale du peuple assyrien. C’est la recherche du détail et de l’infiniment petit qui a perdu l’art assyrien en contribuant à lui faire oublier les traits généraux. Le sculpteur, égaré par ce faux point de vue et ce côté secondaire, s’est acharné à la poursuite de l’idéal en perfectionnant les détails, au lieu de se préoccuper surtout de modifier et d’améliorer les proportions générales, d’assouplir les poses et de donner a ses figures plus de mouvement et de naturel.

L’art ninivite a, aussi heureusement que l’égyptien, associé la forme humaine à la forme animale dans la représentation symbolique  de la divinité et des êtres supra-sensibles. Les taureaux et les lions ailés sont aussi beaux que les sphinx, et Nisruk à tête d’aigle vaut Râ à tête d’épervier. Dans l’un et l’autre pays, la symbolique a résolu ce problème, plus difficile qu’on pourrait le croire, au premier abord, de constituer par ce bizarre assemblage, des monstres étranges, mais qui ne sont ni difformes, ni répugnants. On trouve, sur les bords de l’Euphrate, les prototypes des amours ailés, des centaures, des chimères, des sphinx, des griffons, des pégases, des hippocampes de l’art hellénique.

Un des thèmes principaux sur lesquels le sculpteur assyrien s’est exercé avec le plus de succès et d’habileté, c’est dans la représentation des taureaux ailés. L’idée philosophique exprimée par ces géants qui soutiennent tout l’édifice sur leur tête, c’est celle de la force physique calme et sûre d’elle-même : c’est la même conception que celle qui a créé les sphinx ou Égypte. Seulement, taudis que dans le sphinx égyptien il n’entre que deux éléments, l’homme et le lion, on en trouve quatre et même davantage dans les kérubs assyriens : l’homme, le taureau, le lion et l’aigle. Disséquez cet animal composite et étudier individuellement chacune de ses parties, vous eu observerez la robuste musculature, la savante harmonie, les proportions bien combinées, l’expression noble, imposante, naturelle. Le visage, quelquefois souriant et grave a la fois, est encadré de ces boucles symétriques qui descendent jusque sur le poitrail comme une abondante crinière ; les flancs sont garnis de touffes de poils et portent la marque de nerfs et de muscles vigoureux[12].

Il est de ces monstres ailés qui ont jusqu’à cinq mètres de haut ; ou les multipliait â profusion sur les façades ; il y eu avait dix paires sur lu façade du palais de Sennachérib, à Koyoundjik, et le palais de Sargon, à Khorsabad, en a fourni jusqu’à vingt-six paires. Souvent, à côté de ces taureaux ou de ces lions ailés, figure le géant qui dompte un lion de son bras droit, sans effort ; on y voit aussi les grandes figures ailées à corps d’homme et à bec d’aigle.

La sculpture assyrienne, du reste, se montrait, dans la représentation des animaux, supérieure â ce qu’elle était dans le rendu de la figure humaine. Mais là encore, elle procédait du principe opposé â celui de l’art pharaonique. Ne pouvant lutter avec la nature qui possède le secret de la vie, les Égyptiens s’étaient élevés au-dessus d’elle, en l’abrégeant. Les formes essentielles de l’animal étant résumées, avaient été par cela même agrandies ; les détails s’effaçant, il n’était resté que l’espèce, dans sa signification la plus énergique. Toute la famille des lions étant représentée par un seul lion, toujours le même, la formule était plus puissante et l’image plus grandiose. Au lieu de cet art formidable, laconique et solennel, qui, passant avec finesse des grandes masses aux grands plans, modelait sommairement les formes, les Assyriens cherchaient une sculpture plus remuée, plus fouillée, plus colorée, qui rendit autant que possible les détails de la nature, et qui, au lieu de se borner, pour chaque espèce, à un type unique et conventionnel, donnât un caractère individuel à toutes les figures, en peignant avec réalité, pour chacune, l’action, et, si l’on peut ainsi parler, la passion du moment. En ce genre, ils atteignirent la perfection vers le temps d’Assurbanipal, et dans les sculptures du palais de Koyoundjik on voit, au milieu des scènes de chasse, des figures d’animaux auxquelles aucun autre art, même celui des Grecs, ne pourrait en opposer de supérieures comme expression. Nous signalerons comme un incomparable chef-d’œuvre de vie, de pathétique en ce genre et de vérité à la fois individuelle et typique, tout un grand bas-relief d’une chasse au lion actuellement conservé au Musée Britannique, et surtout une certaine figure de lionne qui, la colonne vertébrale brisée par un coup de flèche, a déjà les parties postérieures du corps privées de mouvement, mais se relève péniblement sur les pattes de devant pour rugir après les chasseurs, et les menacer de sa gueule béante[13]. Ailleurs, c’est un lion nonchalamment endormi qui détend ses membres avec insouciance ; un autre bondit sur le char des audacieux qui viennent l’attaquer jusque dans sa retraite, ou même s’élance sur les barques qui sillonnent le fleuve.

1,e cheval, plus peut-être encore que le lion, a excité l’émulation des sculpteurs assyriens. Nous voyons le cheval sauvage qui tressaille au moment où l’enserre le lacet des chasseurs, le cheval de bataille, le cheval de trait. Ils sont dessinés avec une élégance et une hardiesse qui a permis de reconnaître de quelles races de chevaux les Assyriens faisaient usage[14].

Après le cheval, l’animal domestique sculpté avec le plus de complaisance, c’est le chien. On a recueilli à Birs-Nimroud, une tablette en terre cuite qui représente un esclave tenant en laisse un gros chien. C’est une sorte de dogue que l’on devait employer à chasser les fauves du désert et du marais ; on le lâchait sinon sur le lion, tout au moins sur l’hyène, sur la panthère et sur le sanglier. Les caractères de l’espèce sont si bien marqués que les naturalistes ont cru la reconnaître comme existant encore, sinon en Mésopotamie, où on fie la rencontre plus, du moins dans l’Asie centrale. Ou pourrait chercher là le portrait, de l’un de ces chiens de l’Inde qu’entretenait, au temps d’Hérodote, le satrape qui gouvernail la Babylonie ; la meute qu’il on avait formée était si nombreuse, que son entretien absorbait les revenus de quatre gros bourgs de la plaine[15]. Déjà les rois d’Assyrie nourrissaient de grandes meutes de chiens ; et sur des bas-reliefs qui représentent le départ pour la chasse, on voit des groupes de chiens, tenus en laisse par des esclaves, aboyant après le gibier, et impatients de s’élancer sur leur proie pour la mordre à belles dents.

Dans les tableaux destinés à perpétuer le souvenir de chasses particulièrement fructueuses ou la capture des troupeaux d’un peuple ennemi, figurent, dans les attitudes les plus variées et les plus capricieuses, les autres animaux sauvages ou domestiques de l’Asie occidentale : c’est le chameau et le dromadaire, l’onagre et le bison, le cerf et la gazelle, la chèvre et le mouton, l’ibex et le sanglier ; ou prend plaisir aussi à représenter, dans les convois, les animaux exotiques rapportés par des peuples tributaires, l’éléphant, le singe, le rhinocéros.

Parmi les oiseaux, c’est l’aigle, le vautour et le gerfaut qui planent lourdement et sans grâce au-dessus des champs de bataille. D’autres fois, on a sculpté aussi la perdrix et quelques autres oiseaux qui voltigent autour de leur nid. L’autruche, animal sacré, parait sur des cylindres, notamment sur le cachet d’Urzaua, roi de Musasir en Arménie, et parmi les broderies des vêtements officiels. Les sauterelles, ce fléau de tout l’Orient, figurent à titre d’offrandes aux dieux el représentent, sans cloute, des légions d’esprits malfaisants. Sur les cylindres, on voit enfin des animaux symboliques comme le coq, le serpent, le scorpion ; dans les flots on place des anguilles, des crabes, des poissons d’espèces variées. Dans les champs enfin, ou sur les bords des fleuves, ce sont des palmiers et des arbres de toute espèce, des oignons, des épis de blé, ales fleurs de lotus, des ceps de vigne, des algues paludéennes. La fleur de marguerite figure, admirablement exécutée, surtout dans les sculptures qui décoraient, comme un riche lapis, le seuil des palais. Elle s’y marie avec une belle rosace d’un dessin des plus riches et des plus gracieux. Cette rosace est comprise dans un cadre carra que décorent des chevrons ; ce cadre, avec le motif qui le remplit, peut donner l’idée des caissons qui faisaient l’ornement des plafonds. On remarquera, dans cette rosace, outre, le double feston qui tourne autour de l’étoile centrale, la même alternance de boutons et de fleurs épanouies que dans l’élégante bordure. On a reconnu dans cette fleur celle du lotus égyptien ; M. Layard croit pourtant que le type en a peut-être été fourni aux Assyriens par une tulipe écarlate qui, vers le commencement du printemps, pousse en abondance dans les plaines de l’Assyrie, et y pique de points rouges le vert tapis de la prairie[16].

Toutes les sculptures des palais ninivites étaient peintes de couleurs éclatantes dont on peut observer les vestiges sur les bas-reliefs conservés dans nos musées. La barbe, les cheveux, les armes, le visage même et le costume des personnages étaient diversement coloriés. A Babylone, cet usage était plus répandu peut-être encore qu’à Ninive ; seulement cette sculpture coloriée n’était pas un badigeon fixé sur la pierre comme dans les palais de l’Assyrie ; elle était formée avec des briques émaillées. On prenait une plaque d’argile d’une dimension assez grande pour pouvoir y composer le sujet tout entier. On modelait cette plaque d’argile en bas-reliefs, et on la coupait ensuite par des rectangles de la hauteur de huit centimètres et de la largeur de dix ou douze, dont chacun formait une brique. Ces morceaux, munis d’une marque de pose, étaient alors couverts séparément de couleurs vitrifiables et ensuite cuits au four. Plus tard, ou les rassemblait en les unissant les uns aux autres avec du mortier, et dans ce travail de reconstruction du sujet, l’ouvrier était guidé par les marques de pose. C’était le premier rudiment de ces mosaïques en bas-relief que, les Grecs et les Romains exécutèrent quelquefois, et avec une si grande habileté.

Le voyageur ne saurait parcourir les ruines de la Chaldée sans rencontrer, sur chaque monticule des centaines de fragments de ces briques émaillées, qui attestent la fréquence de l’usage qu’on en faisait. Les débris qu’on a rapportés en Europe représentent des fleurons, des rosaces, des génies, des animaux, des personnages ; et il est probable que si les murs des palais babyloniens nous avaient été conservés, on aurait retrouvé sur les parois des murs, des briques émaillées, plaquées en cuirasse comme les grandes dalles des palais ninivites, et reproduisant en images des scènes analogues à colles qui se déroulaient sur les sculptures assyriennes. Diodore, d’après Ctésias, raconte formellement qu’à Babylone, sur les parois des murs bâtis par Nabuchodonosor et qu’il attribue à Sémiramis, on voyait, peints sur la brique, toute espèce d’animaux. Il décrit ainsi une des scènes que Ctésias avait remarquées : Sur les tours et sur les murailles, ou voyait toute sorte d’animaux imités selon toutes les règles de l’art, tant pour la forme que pour la couleur. Le tout représentait une chasse de divers animaux dont les proportions dépassaient quatre coudées. Au milieu, Sémiramis à cheval, lançant un trait contre une panthère, et, à côté, son époux Ninus, frappant de sa lance un lion qu’il attaque de près[17].

Bérose parle sans doute aussi de briques émaillées quand il signale les peintures du temple de Bel, où l’on voyait toutes sortes de monstres merveilleux présentant la plus grande variété dans leurs formes[18]. Enfin le prophète Ézéchiel qui habita Babylone, dit en parlant de Jérusalem : Elle a vu des hommes dessinés sur le mur, des images de Chaldéens dessinés au vermillon, portant une ceinture autour des reins, d’amples tiares de couleur sur leurs têtes, tous semblables à des chevaliers, des portraits de Babyloniens originaires de la Chaldée[19].

Un grand nombre de mosquées de la Perse sont encore aujourd’hui toutes tapissées intérieurement de briques émaillées sur lesquelles sont dessinées, à la place des figures que ne tolère pas le Coran, des sentences religieuses en magnifiques lettres coufiques. Tout le monde a pu admirer des échantillons des ateliers de briques émaillées qui florissaient, naguère encore, en Asie-Mineure, et dont les produits ont orné les plus riches mosquées du monde musulman. Cet art dérive directement des Assyriens, et leurs successeurs jusqu’à nos jours ne lui ont pas fait faire le moindre progrès.

La peinture proprement dite avait aussi une part considérable dans la décoration des édifices de la Babylonie et de l’Assyrie. C’était au-dessus de la zone des bas-reliefs sur la partie de la muraille qui montait jusqu’à la voûte ou jusqu’au plafond, qu’on faisait des peintures à fresques continuant la décoration polychrome. C’est dans cette partie sans doute, de la salle du festin, au palais de Babylone, qu’on vit la main mystérieuse écrire sur l’enduit de la muraille la terrible sentence de Balthasar. Aucune grande composition de celle nature n’est parvenue jusqu’à nous ; cependant, on en connaît assez de fragments pour être en état d’affirmer que les peintures assyriennes étaient conçues dans le sentiment et dans les données du bas-relief. Les figures, qui se détachaient isolément sur un fond de couleur uniforme, n’étaient aucunement modelées, mais formées par des teintes plates que cerne un gros trait noir ou blanc, dessillant, tous les contours et remplissant exactement le même rôle que les armatures en plomb dans les vitraux de nos églises.

Nous apprenons aussi, par les inscriptions, qu’il y avait beaucoup de pièces entièrement lambrissées de bois et qu’on y employait quelquefois les essences les plus précieuses ; les espèces nommées comme servant à former ces lambris, sont le pin maritime, le sapin, le cyprès, le cèdre, le pistachier sauvage, l’ébène et le santal. Quand l’extension des conquêtes des monarques Assyriens et Chaldéens permit d’amener à Ninive et à Babylone les produits des pays étrangers, le cèdre entra pour la plus large part dans la décoration des édifices : le cèdre du Liban, dont l’odeur est bonne, disent les inscriptions. On l’incrustait de plaques d’ivoire, d’émaux colorés, de morceaux de lapis-lazuli ; ou le décorait d’or et d’argent, et l’on fabriquait ainsi ces motifs de décoration bigarrés et étincelants si chers encore aujourd’hui aux Orientaux. On n’en a pas jusqu’à présent retrouvé de vestiges, car tous les palais fouillés avaient été dévastés par l’incendie dans les désastres qui marquèrent la fin de l’empire d’Assyrie et les sièges successifs de Babylone. Pour les réunions auxquelles les grandes galeries intérieures ne suffisaient pas, c’étaient les cours elles-mêmes, décorées de gigantesques sculptures sur toutes leurs faces et couvertes d’un velum étendu dans ces occasions, qui servaient de salles. De minces colonnes, en bois revêtu de métal, soutenaient autour de ces cours des portiques en bois peints de couleurs éclatantes.

C’est surtout, avons-nous dit, dans la petite sculpture et, dans les arts industriels qu’excelle le génie assyrien : c’est là qu’est sa supériorité et qu’on peut l’admirer sans restriction d’aucune sorte. Tout ici nous révèle un peuple gorgé de richesses, cher, lequel le luxe, la parure, l’ostentation tenaient mue place prépondérante. Les pierreries, les bijoux d’or et d’argent, les tapis et les belles étoffes, les meubles de luxe étaient recherchés avec une passion et une avidité qui n’ont d’égaux que le goût exquis et l’étonnante habileté des ouvriers qui fabriquaient ces objets. Partout, comme décoration, l’on remarque des têtes d’animaux : tantôt ce sont des bijoux, des armes, des tables qui en sont ornés ; des griffes de lion terminent les extrémités des sièges et de mille ustensiles variés. La chèvre, la panthère, le, cheval, le taureau fournissent aussi des éléments à l’imagination des artisans de toute espèce. L’ornementation assyrienne est plus riche et plus féconde que celle de l’Égypte ; les motifs de décoration, dans les sculptures, sont mieux rythmés et plus harmonieux ; il y règne une symétrie recherchée, sans affectation ni mauvais goût : les fleurs, les festons, les enroulements de toutes sortes, les entrelacs, les rosaces, les ligures géométriques, tout cela est d’une variété infinie, d’un goût exquis, d’un équilibre parfait : nulle part, ni en Égypte, ni en Grèce, on n’a fait mieux, et nos artistes modernes pourraient encore s’inspirer des œuvres de l’ornemaniste assyrien.

De très bonne heure les artistes chaldéens ont su travailler le bronze, le ciseler et le soumettre à la fusion pour le couler ensuite dans des moules en terre. Les fouilles de Tell-Loh ont enrichi le Musée du Louvre de statuettes de bronze en fonte pleine qui ne sont pas, eux-mêmes les premiers produits de cet art, bien qu’on n’en possède pas encore de spécimens plus anciens. En Assyrie ou parait s’être particulièrement appliqué à travailler le métal au repoussé. Les portes des temples et des palais étaient, ainsi que nous l’avons vu, décorées de revêtements en plaques de bronze. Ces longues bandes de métal avaient été préalablement appliquées sur une matrice et martelées jusqu’à ce que les pleins et les creux du moule se trouvassent reproduits en relief : le travail n’en est pas sans un réel mérite artistique. Des plaques de bronze dore revêtaient, nous l’avons dit ailleurs, les coupoles des pyramides à étages.

La verrerie était très développée dans les ateliers ninivites et on en trouve de nombreux débris. Un beau vase en verre transparent, conservé au Musée britannique, et trouvé à Nimroud, porte sur sa panse le nom de Sargon. On a découvert au même lieu une grande lentille en cristal de roche qui parait avoir servi de lunette grossissante a l’usage des artistes qui travaillaient les bijoux et les pierres gravées.

Un art, fort cultivé clos Assyriens, et qui était parvenu chez eux à un liant degré de perfection, était celui de la gravure en creux sur pierres (tares. Elle était principalement appliquée à ces cylindres qui servaient de cachets, et dont on prenait l’empreinte en les roulant. Hérodote raconte que tous les Babyloniens avaient un sceau de ce genre. Ces pierres cylindriques sont percées d’un trou longitudinal qui permettait de les suspendre à un collier ; sur la circonférence on gravait en creux soit une inscription, soit une image religieuse. Les plus grands de ces cylindres ont vingt millimètres de diamètre sur une longueur de quatre ou cinq centimètres. On les portait, comme le font encore les Orientaux pour leur cachet, probablement dans un petit sac suspendu au cou. Les pierres employées pour fabriquer ces cylindres sont généralement l’hématite, le jaspe, l’onyx, la calcédoine, le grenat, le cristal de roche, ou même simplement le marbre.

Les sujets qui y sont figurés ont, pour la plupart, un caractère religieux ; ce sont des réunions de symboles sacrés ou des images de divinités adorées par un ou plusieurs personnages humains. Quelquefois aussi on y voit des scènes de chasse. Mais toujours une idée religieuse est attachée à ces cylindres qui servaient autant de talisman que de cachet. Point de sujet qui revienne plus souvent, que l’image des dieux célestes, triomphant des démons. Apposée sur l’argile, cette image préservait des entreprises diaboliques les trésors que l’on aurait scellés du cachet où aurait été gravée une scène de cette espèce ; elle intéressait la divinité au maintien des conventions où elle la faisait ainsi intervenir et dont elle la constituait témoin et garante. Ajoutez à cela que des superstitions dont il subsiste encore en Orient quelques traces, attribuaient à telles ou telles pierres certaines puissances cachées. L’hématite, par exemple, c’est de là que lui vient son nom, passait pour arrêter les hémorragies, et l’on croyait encore chez les Grecs que la cornaline donnait du courage à celui qui l’avait au doigt, montée dans le chaton de sa bague[20]. La grande majorité de ces cylindres sont des productions de pacotille, dont le travail est très négligé. Mais il eu est aussi d’une exécution soignée, qui se font Alors remarquer par une extrême finesse de rayure et qui, malgré leurs petites dimensions, ne le cèdent comme beauté d’art il aucun des meilleurs bas-reliefs de Kh6rsalrul ou de Koyoundjik.

Les artistes chaldéo-assyriens ne sont véritablement inférieurs que sur un point : c’est pour les produits céramiques. Les poteries et les statuettes de terre cuite que nous ont livrées les fouilles mésopotamiennes sont d’une grossièretés rudimentaire, depuis celles qui ont été recueillies dans les tombes archaïques de Warka (Uruk) et de Mughéir (Ur), jusqu’à celles des palais de Sargon ou d’Assurbanipal. La faute n’en est peut-être pas toute entière aux artistes assyriens, et de même que, nous l’avons vu, ce sont des nécessités sociales et climatériques qui ont fait développer la sculpture en bas-relief au détriment de la statuaire, qui ont forcé de remplacer les plafonds lambrissés par la voûte et la coupole, de même la cause principale de l’infériorité de la céramique assyro-chaldéenne doit être cherchée dans la médiocrité de la matière première. L’argile de la Mésopotamie, si propre à la fabrication des briques, n’est pas d’un gain assez tin et d’une cohésion assez parfaite pour qu’on puisse en façonner les minces parois d’un vase élégant, et surtout pour qu’on puisse y modeler, sans l’émietter, tous les détails du visage, des vêtements et ces mille riens qui donnent aux figurines grecques des nécropoles de Tanagra, de Cymé, de Myrina, leur inimitable cachet. Les poteries et les terres cuites babyloniennes qui nous sont parvenues s’effritent presque au simple toucher, malgré la cuisson à laquelle elles ont été soumises. On remarque que pour donner aux parois des vases quelque consistance, il a fallu malaxer de la menue paille avec la pâte argileuse. Avec de pareils procédés on ne pouvait songer à amincir les parois, à les Façonner d’une manière artistique. Il n’était pas naturel, par lit même, de décorer des vases aussi grossiers délaissés par les artistes. On s’est contenté de tracer des bandes de couleur, des oves, des festons symétriques autour du col des amphores ; rien ou presque rien d’emprunté aux scènes historiques et mythologiques ou au monde animal et végétal que l’artiste assyrien savait pourtant si merveilleusement exploiter pour la décoration des vases de métal, des objets en ivoire, en bois ou en pierre.

Les poteries assyriennes, même celles de la meilleure époque, ressemblent parfois à s’y méprendre aux produits céramiques les plus archaïques de la Grèce propre et des îles de la mer Égée. Mais ici, ce n’étaient que les rudiments de l’art, les premiers tâtonnements de, l’artiste qui bientôt fabriquera des chefs-d’œuvre ; là, au contraire, ces vases grossiers sont il la fois le point de départ et le point d’arrivée. La céramique ninivite et babylonienne n’ira pas plus loin, même lorsque, sous les Sargonides, l’art sculptural aura atteint son complet épanouissement. En un mot, et quelque bonnes que soient les raisons que nous venons d’exposer, la céramique est le côté faible de l’art de Ninive et de Babylone, tandis qu’elle constitue un des aspects les plus brillants et les plus gracieux de l’art hellénique.

 

 

 



[1] Pour les développements que comporte ce chapitre, voyez surtout G. Perret et Ch. Chipiez, Histoire de l’Art dans l’antiquité, tome II : Chaldée et Assyrie.

[2] Genèse, XI, 3.

[3] Nahum, III, 14.

[4] Cf. Perrot et Chipiez, Histoire de l’Art dans d’antiquité, t, II, p. 116 et 154.

[5] Hérodote, I, 186 ; Diodore, II, VIII, 2.

[6] Atheneum, n° 1421 (20 janvier 1855).

[7] Revue archéologique, novembre 1881.

[8] Perrot et Chipiez, Histoire de l’Art dans l’antiquité, t. II, p. 237 à 239.

[9] Voyez Place, Ninive, t. I, p. 312-314.

[10] Perrot et Chipiez, Histoire de l’Art dans l’antiquité, t. II, p, 252.

[11] Perret et Chipiez, Histoire de l’Art dans l’antiquité, t. II, p. 594.

[12] Perrot et Chipiez, op. cit., t. II, p. 543-544.

[13] Cf. Perrot et Chipiez, Hist. de l’Art, t. II, p. 573.

[14] Piètrement, Les chevaux dans les temps préhistoriques et historiques, p. 406.

[15] Perrot et Chipiez, op. cit., p. 536.

[16] Perrot et Chipiez, op. cit., t. II, p. 317.

[17] Diodore, II, 8, 6.

[18] Bérose, Fragm., I, 4.

[19] Ézéchiel, XXIII, 14, 15.

[20] Perrot et Chipiez, Hist. de l’Art, t. II, p. 663. Les Chaldéo-Assvriens n’ont jamais su travailler les pierres dures en camée, c’est-à-dire en relief. Le camée donnant les traits de Nabuchodonosor, est d’une époque bien postérieure à ce prince, si son authenticité est, comme on le dit, à l’abri du soupçon. L’original n’est pas au Musée de La Haye, mais au Musée de Florence. Le Musée de La Haye possède seulement une pierre analogue avec l’inscription circulaire, mais sans la tête. Voyez Menant, Revue archéologique, juillet-août 1885, p. 79.