Texte numérisé par Marc Szwajcer
§ 1. — LA LÉGENDE DE NINUS ET DE SÉMIRAMIS[1]. Vers la fin du Ve siècle avant notre ère, tandis que Xénophon accomplissait à travers les plaines de l’Asie son immortelle retraite, un soldat de l’armée grecque envoyé par ses compagnons d’armes, arrivait à la cour du roi de Perse Artaxerxe-Mnémon pour fléchir la colère du vainqueur et conclure une paix qui ne fût pas trop onéreuse. Cet ambassadeur était le médecin Ctésias, né a Cnide en Asie-Mineure, et descendant des Asclépiades. Comme Artaxerxe avait été blessé à la bataille de Cunaxa, il retint Ctésias à sa cour et le combla d’honneurs en lui donnant le titre de premier médecin du palais. Telle est la version la plus accréditée sur cet épisode de la vie du chroniqueur, qui s’est fait l’écho de fables narrées à la cour de Suse, en écrivant l’histoire de Ninus et de Sémiramis. Ces récits fantastiques étaient, de la part des Perses, beaucoup plus intéressés qu’on pourrait le croire tout d’abord. A l’époque où ils ont été rédigés, l’empire fondé par Cyrus et Darius était encore debout et embrassait toutes les populations asiatiques depuis l’Inde jusqu’à la Méditerranée. Le joug des Perses s’étendait à la fois sur des Aryens, des Touraniens, des Kouschites, des Sémites, tous impatients de le secouer, et les monarques qui résidaient à Suse comprenaient bien qu’avec ces éléments hétérogènes ils n’avaient pu édifier qu’un bien fragile édifice, que le moindre choc pouvait réduire en poussière. Il fallait donc essayer de rapprocher et de rattacher les uns aux autres ces différents peuples en confondant leurs souvenirs et leurs traditions nationales, et en leur faisant croire que la domination universelle qu’ils subissaient remontait au commencement de toutes choses, en un mot que la grande monarchie perse dont ils étaient les sujets était cent fois séculaire et avait une divine origine. Ninus, fils de Bélus, est donné par la légende perse comme le premier roi des Assyriens. Amoureux de la guerre et désireux d’acquérir la gloire de fondateur d’un immense empire, il organise une armée composée de jeunes gens d’élite et les prépare par des exercices multipliés à toutes les fatigues et à tous les dangers des combats. Il s’assure l’alliance du roi des Arabes Ariaeus, et, renforçant ses troupes par les recrues qu’il tire d’Arabie, il commence ses guerres en assaillant les Babyloniens. Leur pays, dit Diodore, avait beaucoup de villes bien peuplées ; mais les habitants, inexpérimentés dans l’art de la guerre, furent bientôt vaincus et soumis au tribut. Ninus emmena prisonniers le roi et ses enfants, et les mit à mort. De là il marcha, suivi d’une multitude de soldats, sur l’Arménie et épouvanta les habitants par le sac de quelques villes ; Barzanès, le roi de cette contrée, se voyant hors d’état de résister, alla au-devant de l’ennemi avec des présents : celui-ci offrit sa soumission. Minus le traita généreusement, lui laissa son royaume et n’exigea de lui qu’un contingent de troupes auxiliaires. Le roi de Médie, Pharnus, attaqué ensuite, voulut résister ; mais, abandonné des siens, il fut fait prisonnier avec ses sept fils et sa femme, et mis en croix. Poursuivant de la même manière le cours de ses succès et n’éprouvant jamais aucun échec, Ninus, en dix-sept ans, subjugua toute l’Asie, à l’exception de la Baclriane et de l’Inde, et joignit aussi à ses États les provinces arrosées par le Nil. Diodore énumère ainsi, d’après Ctésias, les pays et les peuples qui lui obéissaient : l’Égypte, la Phénicie, la Syrie, la Cilicie, la Pamphylie, la Lycie, la Carie, la Phrygie, la Mysie, la Lydie, la Troade, les bords de l’Hellespont, la Propontide, la Bithynie, la Cappadoce, les nations barbares des rivages du Pont-Euxin jusqu’au Tanaïs, les Cadusiens, les Tapyres, l’Hyrcanie, la Drangiane, les Derbices, la Carmanie, les Choromnéens, les Borcaniens, la Parthyène, la Perse, la Susiane et le pays des Caspiens, outre la Babylonie, l’Arménie et la Médie. Au retour de ces expéditions, et pour donner à ses États une capitale digne de lui, qui surpassât toutes les villes, existantes et que la postérité ne pût pas égaler, il construisit sur les bords de l’Euphrate (sic) Ninive, qu’il appela de son nom et qui devint la plus grande et la plus florissante cité du monde. Ces travaux ne firent pas perdre à Ninus ses goûts guerriers ; sa nouvelle ville achevée, il entreprit la conquête de la Bactriane, qu’il avait déjà vainement tentée. C’est dans le cours de cette guerre que se montra pour la première fois Sémiramis, qui allait bientôt attacher à son nom une si grande célébrité. Il y a en Syrie, dit Diodore, empruntant les propres paroles de Ctésias, une ville nommée Ascalon, près de laquelle est un étang grand et profond, rempli de poissons. A côté de cet étang, s’élève le temple d’une déesse fameuse, que les Syriens appellent Dercéto, et représentent avec un buste de femme sur un corps de poisson. Les plus instruits des indigènes racontent qu’Aphrodite, irritée contre celle déesse, lui inspira un violent amour pour un beau et jeune ministre de son temple. Dans les embrassements de ce jeune syrien, Dercéto devint mère d’une fille, mais bientôt, rougissant de sa faute, elle fit périr son amant et exposa sa fille dans un lieu désert au milieu des rochers. Elle-même, poussée par la honte et par la douleur se jeta dans l’étang, où elle se transforma en poisson ; aussi, depuis lors, les Syriens s’abstiennent-ils de manger du poisson et rendent-ils à ces animaux des honneurs divins. Cependant de nombreuses colombes nichaient autour du lieu où l’enfant avait été exposé ; elles le nourrirent et lui sauvèrent la vie d’une manière miraculeuse et divine, les unes le réchauffant et l’enveloppant de leurs ailes, les autres apportant dans leur bec et faisant dégoutter sur ses lèvres du lait enlevé aux bergeries voisines. Puis, quand l’enfant eut atteint l’âge d’un an et commença à avoir besoin d’une nourriture plus solide, ce furent des fromages que les colombes dérobèrent pour le lui apporter. Les bergers finirent par s’en apercevoir, et ayant fait le guet, suivirent les colombes jusqu’au lieu où ils trouvèrent la petite fille, admirable de beauté. L’ayant apportée dans leurs cabanes, ils la présentèrent à l’intendant des propriétés royales nommé Simmas. Celui-ci, n’ayant pas d’enfants, l’éleva comme sa fille et la nomma Sémiramis, du mot qui, dans la langue syrienne, signifie colombe ; et, depuis ce temps, les Syriens honorèrent les colombes comme des divinités. Après avoir grandi dans la maison de Simmas, Sémiramis fut épousée pour sa beauté parle gouverneur de Syrie, nommé Ménonès. Les autres auteurs qui ont également emprunté leurs données à Ctésias, écrivent Onnés, Oannès, et cette leçon paraît plus exacte. Elle ne tarda pas à prendre un empire absolu sur l’esprit de son mari, et elle lé suivit à l’armée royale dans la guerre de Bactriane. Ninus avait emmené dans cette expédition 1.700.000 fantassins, 210.000 cavaliers et 10.600 chars armés de faux. Un acte de bravoure, exceptionnel pour son sexe, valut à Sémiramis d’être distinguée par Ninus et de devenir reine. Vaincus d’abord parles Bactriens dans une bataille où ils perdirent 100.000 hommes, les Assyriens avaient repris l’avantage ; devenus maîtres des principales villes du pays, ils assiégèrent la capitale, où s’était retiré le roi Oxyartès. — D’autres auteurs font de Zoroastre le roi enfermé dans Bactres. — Mais le siège traînait en longueur, lorsque Sémiramis, travestie en guerrier, trouva moyen d’escalader la forteresse, et par un signal élevé sur le mur, avertit de son succès les troupes de Ninus qui emportèrent la place. Ninus, émerveillé de tant de bravoure et de la beauté de Sémiramis, l’enleva à Ménonès et en fît son épouse. Ménonès se pendit de désespoir. Peu de temps après, Ninus ayant eu de Sémiramis un fils nommé Ninyas, mourut et la laissa souveraine de l’empire. Suivant d’autres écrivains, il se retira en Crète, lui laissant le champ libre en Assyrie. Une troisième version de la légende raconte encore différemment l’élévation de Sémiramis. Elle en fait une courtisane introduite, à cause de sa rare beauté, comme concubine dans le harem de Ninus. Lors de la célébration des Sacées, Sémiramis obtint de s’asseoir sur le trône comme reine de la fête ; alors elle donna l’ordre de jeter le monarque en prison et de le mettre à mort ; et c’est ainsi qu’elle s’empara du pouvoir. Ninus fut enterré sous une pyramide haute de neuf stades et large de dix à la base, dans le palais de Ninive. Quant à Sémiramis, une fois en possession de la puissance suprême, elle donna l’essor à son génie naturellement entreprenant. Jalouse de surpasser la gloire de son époux, elle conçut le dessein de bâtir sur le bas Euphrate une ville immense ; ce fut Babylone qui n’existait pas jusqu’alors. Ctésias rapportait ta Sémiramis, conformément à Ja légende, toutes les grandes constructions de Babylone. Il racontait aussi qu’elle avait encore construit de nombreuses villes destinées à servir de marchés le long de l’Euphrate et du Tigre, et qu’elle avait fait apporter par eau, des montagnes de l’Arménie, un obélisque prodigieux, haut de cent trente pieds et large de vingt-cinq, qu’elle avait dressé à la porte de Babylone. Justin parle aussi de la construction de Babylone par cette reine fameuse. Sémiramis, après avoir achevé ces ouvrages dans la Babylonie, entreprit une expédition contre les Mèdes qui s’étaient révoltés. Elle soumit de nouveau leur pays et y laissa des monuments immortels de son passage. Arrivée au pied du mont Bagistan, elle y créa un paradis merveilleux, et sur une des parois de la montagne, formée de rochers taillés à pic, d’une hauteur effrayante, elle fit sculpter son image entourée de celle de cent de ses gardes, avec une inscription racontant ses exploits. Auprès de Chavon, elle fit établir un autre paradis entourant un rocher de dimensions extraordinaires, et elle s’y arrêta longtemps, se livrant à tous les plaisirs, tandis que son armée campait aux environs. Elle ouvrit une route taillée dans le roc à travers le mont Zaraeus. Diodore lui attribue aussi la fondation d’Ecbatane et de son palais. Comme la ville manquait d’eau et qu’il n’y avait aucune source dans le voisinage, elle amena à grands frais et à l’aide de travaux prodigieux une eau pure et abondante dans tous les quartiers. Pour cela, elle perça le mont Oronte et y creusa un tunnel de quinze pieds de largeur sur quarante de hauteur, qui communiquait avec un lac situé de l’autre côté de la montagne. De la Médie, Sémiramis se dirigea vers la Perse et parcourut toutes les autres contrées qu’elle possédait dans l’Asie. En Arménie elle éleva près du lac de Van, une ville qui fut appelée Sémiranocerte, avec un palais immense. Partout où elle allait, elle perçait les montagnes brisait les rochers, pratiquait de grandes et belles routes. Dans les plaines elle érigeait des tertres qui servaient de tombeaux à ses généraux morts pendant l’expédition. D’autres disaient qu’elle les avait élevés en prévision d’un déluge futur. Mais une version beaucoup plus répandue en faisait les tombeaux de ses amants mis à mort : la légende, dans toutes ses formes, étant en effet unanime pour attribuer à Sémiramis de nombreuses débauches. Ayant toujours refusé, disait-on, de contracter un nouveau mariage légitime, elle prenait pour ses amants les plus beaux hommes de son armée, et quand son caprice était une fois satisfait, elle les faisait tuer. On allait plus loin, on lui attribuait d’étranges amours avec un cheval, pour lequel elle s’était enflammée d’une passion violente. L’Asie parcourue, Sémiramis se rendit en Égypte, car ce pays faisait aussi partie de son empire. De là elle alla visiter l’oracle d’Ammon qui lui prédit qu’elle disparaîtrait miraculeusement du milieu des hommes et serait honorée comme une divinité, après que son fils Ninyas aurait conspiré contre sa vie. Elle fit ensuite la conquête de l’Ethiopie, dont elle admira les fabuleuses merveilles. Mais la soumission de l’Ethiopie n’avait pas demandé de combats et Sémiramis brûlait de l’ambition d’ajouter la gloire militaire à toute sa renommée. Elle résolut donc d’entreprendre la conquête de l’Inde, dont les immenses richesses excitaient d’ailleurs sa convoitise. Stabrobatis, roi des Indiens, averti des préparatifs inouïs de la reine d’Assyrie, mit sur pied des forces considérables, puis défia Sémiramis elle-même, dans une lettre où il lui reprochait ses débauches, et la menaçait de la mettre en croix s’il était vainqueur. Sémiramis n’en attaqua pas moins le monarque indien, et parvint d’abord à forcer le passage de l’Indus. Mais dans la grande bataille qui s’ensuivit, les éléphants de Stabrobatis lui assurèrent la victoire. La reine elle-même fut blessée, son armée mise en fuite et détruite aux deux tiers ; mais les Indiens, par l’ordre des dieux, ne la poursuivirent pas au delà du fleuve. Quand Megasthène, ambassadeur de Seleucus à la cour de Patalipoutra (la Palibothra des Grecs) consulta les chroniques et les traditions nationales des Indiens, il n’y trouva aucune trace de l’expédition de Sémiramis. Mais n’osant pas révoquer en doute l’existence de cette reine à laquelle tous les Grecs croyaient fermement de son temps, il supposa qu’elle avait dû mourir avant de pouvoir réaliser son projet d’attaque contre cette partie lointaine de l’Asie. C’est au retour de la campagne si tristement terminée dans l’Inde qu’on racontait que Sémiramis avait été en butte à une conspiration des deux fils issus de son mariage avec Oannès, lesquels sont nommés Hyapatès et Hydaspès. Révoltés des désordres de leur mère et excités par l’eunuque Satibaras, les deux jeunes gens avaient résolu de l’assassiner ; prévenue, Sémiramis les fit mettre à mort. Au reste, à la suite de cet échec, elle rentra dans ses États d’où elle ne sortit plus. Elle poursuivit l’exécution de ses vastes travaux, et telles furent l’activité cl la renommée de cette reine, qu’après elle, suivant Strabon, tout grand ouvrage en Asie lui fut attribué par la voix populaire ; Alexandre trouva, raconte-t-on, son nom inscrit sur les frontières de la Scythie, alors considérée comme la borne du monde habité. C’est cette inscription dont le texte prétendu nous a été conservé par Polyen et dans laquelle Sémiramis parlant d’elle-même se serait exprimée ainsi : La nature m’a donné le corps d’une femme, mais mes actions m’ont égalée au plus vaillant des hommes. J’ai régi l’empire de Ninus qui, vers l’Orient, touche au fleuve Hinamanès (évidemment celui que la plupart des géographes anciens nomment Étymander), vers le sud au pays de l’encens et de la myrrhe, vers le nord aux Saces et aux Sogdiens. Avant moi, aucun Assyrien n’avait vu de mers ; j’en ai vu quatre, que personne n’abordait, tant elles étaient éloignées. J’ai contraint les fleuves de couler où je voulais, et je ne l’ai voulu qu’aux lieux où ils étaient utiles ; j’ai rendu féconde la terre stérile en l’arrosant de mes fleuves. J’ai élevé des forteresses inexpugnables, j’ai percé avec le fer des routes à travers les rochers impraticables. J’ai frayé à mes chariots des chemins que les bêtes féroces elles-mêmes n’avaient pas parcourus. Et au milieu de ces occupations, j’ai trouvé du temps pour mes plaisirs et pour mes amours. Cependant, ayant appris que son fils Ninyas lui tendait des embûches, Sémiramis se souvint des prédictions de l’oracle d’Ammon et prit le parti d’abdiquer. Loin de punir le conspirateur, elle lui remit l’empire, ordonna à tous les gouverneurs d’obéir au nouveau souverain, puis elle disparut, changée en colombe, au milieu d’un vol de ces oiseaux. Les Assyriens en firent une déesse et rendirent, à cause d’elle, des honneurs divins à la colombe. D’autres récits la font tuer par son fils Ninyas. On disait même que celui-ci l’avait frappée dans son horreur pour la passion incestueuse dont elle le poursuivait. Quant à la tradition arménienne, elle avait pris un caractère tout local. Elle prétendait que Sémiramis résidait à Sémiranocerte, sur le lac de Van, quand Zoroastre, qu’elle avait institué satrape d’Assyrie, se révolta et marcha contre elle. Elle s’enfuit alors presque seule dans les montagnes de l’Arménie, où elle fut tuée par son fils Ninyas. La chronologie rattachée à ces récits n’est pas moins fabuleuse que la légende elle-même. Elle place Ninus et Sémiramis, avec leurs immenses conquêtes et leur empire qui embrasse toute l’Asie, dans un temps où il n’était pas encore même question d’une monarchie assyrienne. Ctésias comptait trente-trois règnes et 1306 ans de durée entre Ninus et Sardanapale, et plaçait le prétendu détrônement de ce dernier roi par Arbace en 876 avant notre ère ; cela reporte Ninus en 2182 et concorde exactement avec l’autre affirmation du même écrivain, qu’il était de mille ans antérieur à la prise de Troie. Il faut distinguer dans la légende de Sémiramis deux éléments, l’un épique, l’autre religieux. Au point de vue des souvenirs historiques confondus dans un seul ensemble par l’imagination populaire et transformés en épopée, Ninus, son nom même l’indique suffisamment, est le héros éponyme de la ville de Ninive, la personnification de cette ville et de sa puissance ; sous son nom les récits de la tradition perse ont groupé tous les exploits, toutes les conquêtes des rois des différentes dynasties assyriennes. De même, la légende a gratifié Sémiramis de la gloire de tous les travaux utiles ou gigantesques exécutés aux époques les plus diverses par des souverains de Ninive et de Babylone : nous avons vu que la tradition sémitique attribuait les mêmes exploits militaires et les mêmes travaux gigantesques à Nemrod. La liste des provinces soumises à Ninus telle que la donnait Ctésias est précisément celle des provinces composant l’empire des Achéménides à partir de Darius, fils d’Hystaspe. Ninyas menant au fond de son palais une vie tranquille, se bornant à assurer la sécurité de son empire, représente les rois de Perse assurant la paix dans leurs immenses États. Au point de vue religieux, Sémiramis est la grande déesse Istar que la légende transporte dans le domaine des événements humains. Diodore dit que son culte avait deux sièges principaux, l’Assyrie et la ville d’Ascalon chez les Philistins. Aussi son image paraît-elle sur les monnaies frappées dans cette dernière ville du temps des empereurs romains, monnaies où Ton voit une déesse debout sur la proue d’un navire, la tête couronnée de tours, tenant une lance, et ayant à côté d’elle une colombe et un autel. Une autre monnaie du même temps et de la même cité la représente armée de la lance et tenant la colombe sur sa main, debout sur sa mère Dercéto, figurée moitié femme et moitié poisson, conformément à la description de Diodore. La fable de Sémiramis nourrie et élevée par les colombes n’est que la version poétique d’un vieux mythe des religions de l’Asie, que d’autres écrivains nous ont conservé sous sa forme la plus simple. Un œuf, disait-on, tomba jadis du ciel dans l’Euphrate ; des poissons l’apportèrent sur la rive, des colombes le couvèrent, et de sa coquille sortit Aphrodite. Il faut rapprocher de ce mythe la tradition d’après laquelle la Sagesse créatrice planait sous la forme d’une colombe au-dessus des eaux qui portaient la terre. Là encore, la colombe présente le caractère de la force créatrice qui couve l’œuf du monde, à la façon d’un oiseau ; c’est l’enfant amoureux de ses propres principes, de la cosmogonie de Sanchoniathon. Et en vertu de ce mythe, emprunté aux religions voisines, les Samaritains, sur le mont Garizim, adoraient Jéhovah sous la forme d’une colombe en tant qu’étant la Sagesse qui a créé le monde. Le poisson et la colombe, que nous trouvons ensemble dans le récit de la naissance de Sémiramis sont deux symboles qui jouent le plus grand rôle dans les religions de l’Asie et s’y présentent en rapport avec les formes infiniment variées de la divinité féminine. La déesse syro-philistine que les Grecs ont appelée tantôt Dercéto et tantôt Atergatis, mais en appliquant plus spécialement le premier nom au culte d’Ascalon et le second au culte de l’Assyrie, et que la légende donnait pour la mère de Sémiramis, était adorée à Ascalon comme un être ichthyomorphe, et Diodore ajoute qu’on nourrissait dans l’étang de son temple des poissons sacrés. La grande déesse d’Hiérapolis était Atergatis et son nom parait sur les monnaies d’un dynaste de cette ville à l’époque grecque : dans l’étang qui avoisinait son temple on nourrissait des poissons ; d’où l’interdiction aux prêtres de manger du poisson. A Ascalon, on lui offrait des poissons en sacrifice et les rites du culte d’Atergatis ou Dercéto dans celle cité sont le commentaire naturel de représentations de quelques cylindres babyloniens où l’on voit un poisson servi sur la table d’offrandes entre un dieu et une déesse coiffés de la tiare et assis sur des trônes ; ailleurs, le poisson est servi devant un dieu coiffé de la tiare et assis, derrière lequel Istar armé se lient debout ; quelquefois aussi, c’est un prêtre qui fait l’offrande d’un poisson à une divinité représentée sous la forme d’une hache. Nous verrons ailleurs que dans la religion chaldéo-assyrienne, deux des principales divinités Anu et Bel-Dagon sont ichthyomorphes. Pour le moment, ne voulant point nous écarter du côté historique de la légende de Sémiramis, nous nous contenterons de faire encore remarquer que le nom de l’époux royal de cette reine, Ninus, reproduit dans son fils Ninyas, est à rapprocher du mot qui dans les langues sémitiques désigne le poisson, en assyrien nunu ; le nom même de la ville de Ninive est exprimé en assyrien par un idéogramme qui figure un poisson renfermé dans l’enceinte d’un bassin sacré, et le prophète Nahum fait allusion à cette représentation symbolique quand il dit : Ninive est comme un vivier rempli d’eau. Quant au nom de Sémiramis, il signifie peut-être simplement Schem ram, nomen excelsum», en assyrien sumu-ramu. C’est, dans tous les cas, purement et simplement le nom de la reine Sammuramat, femme du roi Raman-Ninar III, dont nous raconterons plus loin le règne assez peu brillant d’ailleurs. C’est là, en dehors des rapprochements mythologiques que nous développons dans une autre partie de cet ouvrage, tout ce qu’il reste de ce conte persan que les découvertes récentes de l’assyriologie ont définitivement rayé de l’histoire. § 2. — LES PREMIERS ROIS D’ASSYRIE En ce qui concerne les origines et les premiers développements de l’empire assyrien, la science moderne n’est pas encore parvenue à rattacher le lien qui unit les récits légendaires des temps héroïques à l’histoire positive. Entre la période épique représentée par Nemrod et les plus anciens rois de la Mésopotamie du nord que nous révèlent les documents, il dut exister un long intervalle pendant lequel vécurent des demi-héros, de proportions presque déjà humaines, dont le rôle véritable, bien qu’embelli de traits merveilleux, est cependant reconnaissable et digne de foi. En Chaldée, Sargon l’Ancien appartient à cette période de transition ; mais pour l’Assyrie nous ne savons rien de ce temps que l’on pourrait comparer à celui où l’enfant ayant quitté le berceau s’essaye à diriger ses pas mal assurés et chancelants : c’est dans cet âge sans histoire qu’il faut sans doute placer un personnage du nom de Bel-Pasku, que des inscriptions d’une époque postérieure appellent le roi qui marcha le premier, l’origine de la royauté, ainsi que le nom de Bel-Ani, fils d’Adasi, que les monarques de l’époque des Sargonides regardaient comme un des ancêtres mythiques de l’empire d’Assur. Le dieu suprême du panthéon assyrien, Assur, donna son nom à une ville qui lui était consacrée et où il avait un temple célèbre, c’est la ville d’Ellassar (alu Assur), représentée aujourd’hui par les monticules de Kalah-Shergat. C’est là, et non pas à Ninive, qu’il faut chercher les commencements de l’histoire d’Assyrie, et c’est dans ces ruines qu’on a ramassé les inscriptions les plus archaïques, bien que leur antiquité soit loin, toutefois, d’être comparable à celle des plus anciens monuments de la Chaldée. Elles ne remontent même pas jusqu’à l’époque de l’invasion des Égyptiens en Mésopotamie, et cependant les annales des Pharaons nous révèlent l’existence, au commencement du XVIe siècle avant notre ère, du royaume d’Ellassar sur les bords du Tigre, et d’une autre petite souveraineté à Singar, qui étendait sa domination sur le bassin du Habour. Le tome deuxième de cet ouvrage renferme l’histoire circonstanciée de ces grandes promenades militaires des Égyptiens en Asie, qui furent une réaction vigoureuse contre la domination éphémère des Hyksos sur les bords du Nil. Thoutmès Ier, après avoir battu les Chananéens de la Palestine, puis les Routennou près de Dammeseq (Damas), s’était arrêté au bord de l’Euphrate, en vue de Karkémis. S’il parvint à subjuguer un instant toute la Syrie, il n’osa du moins s’attaquer aux empires déjà séculaires de la Mésopotamie : cette œuvre hardie était réservée à Thoutmès III qui porta à son apogée la puissance égyptienne. Sa victoire de Makta ou Megiddo lui ayant livré les portes de l’Asie, il recouvra bientôt toutes les conquêtes de Thoutmès Ier, franchit l’Euphrate et imposa de lourds tributs aux rois de Singar et d’Ellassar ; puis, longeant le cours du fleuve, il fit le sac de la terre des Suhites, pénétra en Babylonie, et s’en retourna en Égypte gorgé de butin. Parcourant sans relâche son immense empire depuis l’Éthiopie jusqu’aux rives du Tigre, Thoutmès III revint plusieurs fois en Mésopotamie où il avait laissé de fortes garnisons pour maintenir le pays. Partout, il avait conservé comme vassaux et tributaires les anciens rois nationaux qui tremblaient sous le joug. Quand il mourut, le souvenir de ses victoires avait si fortement impressionné les esprits pusillanimes des Asiatiques, que personne parmi les princes syriens ne songea à la rébellion. Seuls, les Assyriens levèrent l’étendard de la révolte à l’avènement d’Amenhotep II. Celui-ci accourt de l’Égypte, traverse la Syrie comme un ouragan, franchit l’Euphrate et se précipite sur Ninive[2] comme un lion furieux, disent les textes égyptiens. La ville épouvantée lui ouvre ses portes ; Amenhotep descend ensuite la vallée du Tigre, fait tout rentrer dans l’ordre et le silence, puis reprend le chemin de l’Égypte. Ce sont les monuments des bords du Nil seuls qui nous racontent la domination des Pharaons sur la Mésopotamie. Les inscriptions cunéiformes sont absolument muettes sur ces terribles guerres, et, jusqu’à présent, on ‘n’a pu constater en Assyrie et en Chaldée des traces de l’invasion étrangère que par la découverte d’objets d’art ou d’ustensiles de provenance égyptienne ou fabriqués d’après le style égyptien. On peut croire, sans que nous puissions encore nous en rendre un compte exact, que l’entrée des Égyptiens en Mésopotamie fut le point de départ d’une ère nouvelle dans l’histoire de l’antique Orient. Vivant à l’état isolé et fermées à toute influence exotique, les deux civilisations des bords du Nil et du Tigre couraient le risque de s’éterniser, comme la Chine, dans une demi-culture intellectuelle et matérielle, ennemie de tout progrès. C’est le frottement, pacifique ou guerrier, de races hétérogènes, qui stimule la recherche féconde, et tenant l’esprit constamment en éveil, l’empêche de somnoler dans un engourdissement fatal. La grande muraille de l’Égypte, ce sont les Égyptiens eux-mêmes qui viennent de l’escalader, et l’on peut dire qu’à partir de ce moment toutes les nations de l’Asie vont être éclairées au même flambeau de civilisation jusqu’au jour où les Grecs le recevront de leurs mains : l’isolement des peuples est fini ; désormais l’histoire du monde occidental ne forme plus qu’un faisceau compact et homogène que relient d’incessants rapports politiques, artistiques, littéraires et commerciaux. Combien de temps dura en Mésopotamie la prépondérance égyptienne, c’est ce qu’il est difficile d’apprécier, de même qu’il n’est pas encore possible de dire quelle est, parmi les dynasties chaldéennes, celle qui fut la vassale de Pharaons. On peut toutefois conjecturer, malgré le silence des textes, que les empires de Chaldée et d’Assyrie recouvrèrent leur indépendance à la faveur de l’anarchie et des querelles religieuses qui désolèrent l’Égypte vers le fin de la XVIIIe dynastie. Si, dès le début de la XIXe des rois comme Séti Ier et Ramsès Ier essayent, dans une série d’expéditions militaires, de reconquérir la Syrie et le pays de Chanaan, on ne voit point que ces conquérants aient désormais tenté de traverser le grand désert de Syrie et de franchir l’Euphrate. Il semble, d’après les quelques bases chronologiques sur lesquelles l’histoire de ces temps reculés peut s’appuyer, que ce furent, comme nous l’avons dit plus haut, les rois cosséens qui héritèrent de la Chaldée lorsque les Égyptiens abandonnèrent ce pays. Il ne serait peut-être pas impossible d’admettre qu’il y eût deux dynasties cosséennes, la première implantée par les Égyptiens eux-mêmes pour gouverner sous leur suzeraineté, et la seconde, composée des neuf rois donnés comme arabes par Bérose, et dont les textes cunéiformes nous ont fait retrouver les noms originaux. Quant à l’Assyrie, ce n’est que bien des siècles après le départ des envahisseurs, que nous pourrons suivre, dans les inscriptions, la trace de ses annales, et l’on ne peut dire ce qu’il advint tout d’abord des royaumes de Singar et d’Ellassar. Le premier roi d’Ellassar dont les briques estampées nous aient gardé le souvenir, porte le nom d’Isme-Dagan, comme un des anciens souverains de la basse Chaldée. De sa vie on ne sait rien. Son fils, qui fit rebâtir le temple du dieu Assur, s’appelait Samsi-Raman ; il s’intitule non pas encore roi, mais simplement patesi ou pontife d’Assur, et voici ce que nous apprend de lui une inscription de Théglath-pal-asar Ier : Le temple d’Anu et de Ramau, les grands dieux, mes seigneurs, que Samsi-Raman, pontife d’Assur, fils d’Isme-Dagan, pontife d’Assur, avait construit six cent quarante et un ans avant moi, était tombé en ruines ; plus tard, Assur-Dayan, roi du pays d’Assur, fils d’Adar-pal-asar, roi du pays d’Assur, avait démoli ce temple qui ne fut pas reconstruit et pendant soixante ans on ne toucha pas à ses fondations. Au début de mon règne, Anu et Raman, les grands dieux mes seigneurs, qui soutiennent ma puissance, m’enjoignirent de rebâtir leurs sanctuaires. Comme le règne de Théglath-pal-asar est fixé vers l’an 1120, il s’ensuit que Samsi-Raman gouvernait comme pontife d’Assur vers 1760 avant notre ère. Cette base chronologique serait précieuse si l’on pouvait suivre sans interruption la série des souverains d’Ellassar ; malheureusement, après le règne de Samsi-Raman, l’histoire d’Assyrie retombe dans le néant, sans qu’on puisse apprécier même approximativement la durée de cette période absolument inconnue. C’est à peine s’il est permis de jeter dans ce gouffre sans fond quelques noms perdus qu’il serait peut-être aussi logique de placer ailleurs. Des briques d’un palais de Kalah-Shergat sont estampées au nom d’un certain Iri-Amtuk, pontife d’Assur, fils d’un autre pontife dont le nom mutilé commence par Te..., et finit parla syllabe ba. Assur-Narara et Nabu-Dayan, dont les noms figurent aussi à Ellassar, paraissent avoir régné à la même époque. Avec ces princes, finit la période de la domination des patési (ischakku), ou pontifes d’Assur. Lorsque l’histoire peut de nouveau enregistrer des noms de souverains, c’est avec le titre de roi. Mais quels furent les événements qui amenèrent cette révolution et cette nouvelle organisation politique en Assyrie ? Des découvertes ultérieures nous renseigneront sur ce problème encore insoluble aujourd’hui. C’est la fameuse table des synchronismes que nous avons déjà citée plus haut en parlant des rois de Chaldée, qui fournit les noms des premiers rois d’Assyrie, en mentionnant les traités d’alliance conclus successivement entre Kara-indas, roi de Babylone, et Assur-bel-nisi-su, roi du pays d’Assur, puis entre Busur-Assur, roi d’Assyrie, et Purnapurias de Babylone. Vient ensuite un prince nommé Assur-uballit, contemporain de Kara-hardas, roi de Babylone, dont il était le grand’père par sa fille Muallidat-serua. Après une lacune d’un ou deux règnes, la tablette raconte que Bel-Nirar, roi d’Assyrie, lutte victorieusement contre Kurigalzu, roi de Kar-Dunias, et que les limites des deux royaumes, telles que les avaient consenties les rois antérieurs, sont modifiées (vers 1360). Le successeur de Bel-Ni-rar fut Pudiel, comme nous l’apprennent une inscription de son fils et une mention généalogique inscrite sur la panse d’un vase d’albâtre trouvé à Kalah-Sher-gat ; l’histoire de Raman-Nirar, fils de Pudiel (vers 1310), est racontée comme il suit sur la table des synchronismes : Raman-Nirar, roi d’Assyrie, et Nazidedas, roi du pays de Kar-Dunias, combattirent l’un contre l’autre dans la ville de Kar-Istar du district d’Agar-sallu ; Raman-Nirar battit Nazidedas, le mit en fuite, lui enleva son camp et ses statues du dieu Urgal (la grande lumière). Ils fixèrent leurs frontières plus bas que la limite antérieure, depuis le district de Pilas, en deçà du Tigre, et la ville d’Arman, dans le district d’Agarsallu, jusqu’au pays des Lulumê, et chacun d’eux resta dans son territoire. Lentement, mais toujours progressivement et avec une ténacité rare, les rois d’Ellassar s’avancent du côté de Babylone ; ils sont déjà aux portes de la grande cité, et les gardes qui veillent à la frontière de leur empire peuvent entendre les voix confuses et l’écho, sourd comme le bruit des vagues, de l’agitation de la ville qui fut le berceau des peuples. La politique constante et traditionnelle des rois d’Assur, qu’ils poursuivront pendant des siècles dans la paix comme dans la guerre, par des traités d’alliance ou les armes à la main, c’est la conquête de la Chaldée ; l’histoire ne cite pas un seul exemple d’un peuple aussi longtemps ferme en ses desseins, qui ne soit arrivé au succès et à la réalisation de son rêve. Il semble que la tablette des synchronismes qui nous instruit de ces événements ait été rédigée dans le but exclusif de célébrer ce triomphe de la politique assyrienne, car elle ne mentionne aucun fait qui ne se rapporte à la conquête de la Babylonie, et le nom même dos rois d’Ellassar qui n’ont pas travaillé dans ce but est omis dans cette précieuse chronique. On possède encore une longue inscription de Raman-Nirar[3] trouvée aux ruines d’Ellassar, dans laquelle ce prince se glorifie d’avoir ruiné les pays des Cosséens, des Guti leurs voisins, ainsi que celui de Lulumê et des Subarê cantonnés sur les confins de la Susiane. A cette époque, le territoire de l’Assyrie n’atteignait pas encore jusqu’à Raqqah, au confluent du Belik et de l’Euphrate, car Raman-Nirar se vante d’être allé jusqu’à la ville de Rapiq qui est certainement la Raqqah moderne. Dans l’énumération de ses ancêtres, Raman-Nirar attribue aux princes qui l’ont précédé sur le trône, de grandes victoires sur les Cosséens et leurs alliés. C’est d’abord son père Pudiel qui a soumis en entier les districts de Turuk et de Nilumhi, ainsi que tous les rois des plaines et des montagnes du vaste pays des Guti, les tribus des Ahlami, des Suti, des Yauri. Son grand-père Bel-Nirar, le vicaire du dieu Assur, a égorgé les peuples Cosséens et anéanti ses ennemis ; son arrière grand-père Assur-uballit a exterminé le peuple du vaste pays de Subar, et a élargi le territoire et les limites de l’Assyrie. Au lieu de nous raconter de nouveaux faits politiques et militaires, le reste de l’inscription se compose de la mention de la réédification du temple d’Assur qui s’était délabré, et d’une longue formule imprécatoire contre l’impie qui altérerait ou détruirait l’inscription royale : il n’y a pas à en tirer parti pour l’histoire. Le nom de Raman-Nirar nous a encore été conservé sur une épée de bronze trouvée il y a peu d’années auprès de Diarbekr. Ce glaive royal était muni d’une poignée en ivoire sculpté, et sur la lame on lit cette inscription : Palais de Raman-Nirar, roi des légions, fils de Pudiel, roi d’Assyrie, fils de Bel-Nirar, roi d’Assyrie aussi. C’était sans doute le glaive d’une des divinités qui ornaient le palais de Raman-Nirar à Ellassar[4]. Des briques de construction seules nous font connaître le nom du fils de Raman-Nirar, qui s’appelait Salmanasar et prend le titre de roi des légions qu’il donne aussi, d’ailleurs, à son père. Pour la première fois (vers 1300), nous rencontrons cette formule fameuse de Sar kissâti roi des légions qui va figurer constamment dans le protocole des monarques assyriens, et qui paraît une allusion aux légions d’anges et d’archanges et aux armées célestes qui forment la garde de Jéhovah dans l’Écriture sainte. Le fils de Salmanasar I, fut Teglath-Adar qui fit la guerre au roi de Babylone et envahit le pays de Kar-Dunias. On ne connaît pas les détails de cette expédition qui ne nous est signalée que par une inscription de Sennachérib qui vivait six cents ans plus tard. Ce texte insinue cependant que les Chaldéens prirent leur revanche et firent, à leur tour, irruption en Assyrie, puisqu’ils s’emparèrent du sceau royal de Teglath-Adar qu’ils emportèrent à Babylone. Ce cylindre cachet, analogue à ceux que possèdent nos musées et qu’on déroulait sur le gâteau d’argile molle, avant la cuisson, portait l’inscription suivante : Teglath-Adar, roi des nations, fils de Salmanasar, roi du pays d’Assur, a conquis le pays de Kar-Dunias. Si quelqu’un détruit cette inscription et mon sceau, que les dieux Assuret Raman fassent disparaître son nom de ces régions. — Ceci, ajoute Sennachérib, était écrit sur le sceau en hématite qui fut enlevé du pays d’Assur et d’Accad, pendant une guerre. Moi, Sennachérib, roi d’Assyrie, six cents ans plus lard, j’ai conquis Babylone et j’ai enlevé ce sceau du trésor de cette ville. D’après ce récit, on peut placer le règne de Teglath-Adar vers l’an 1290 avant l’ère chrétienne. Une inscription d’un de ses successeurs le qualifie de roi des Sumers et des Accads ; c’est la première fois que ce titre est donné à un roi d’Assyrie. La lutte recommença avec Bel-kudur-uçur fils de Teglath-Adar. Les Babyloniens s’étaient enfin aperçu que leurs voisins du nord en voulaient à leur vie nationale ; la fibre patriotique avait vibré dans leur âme, et ils résolurent de tenter un effort vigoureux pour soulever le joug qui s’appesantissait déjà sur une partie de leurs provinces. Peut-être y eut-il à ce moment une révolution de palais qui substitua une dynastie sémitique aux rois cosséens, car, à partir de cette époque, les rois de Babylone portent des noms sémitiques. Ces princes ne s’en montrèrent pas moins que leurs prédécesseurs, ennemis acharnés des rois d’Ellassar. Après avoir rebâti et embelli des temples pour s’attirer l’appui et la bénédiction des dieux, le roi de Kar-Dunias, Raman-pal-iddin successeur de Nazidedas, ceignit de remparts les principales villes chaldéennes qu’il munit de garnisons, puis, à la tête de troupes solides, il fondit sur l’Assyrie : Bel-kudur-uçur surpris, fut tué sur le champ de bataille et les hommes du midi s’avancèrent jusque sous les murs d’Ellassar. Le royaume d’Assur était à deux doigts de sa perte, et la ville allait succomber, lorsqu’au moment d’être complètement victorieux, Raman-pal-iddin subit un échec qui ranima les espérances des assiégés. Ces derniers avaient à leur tête un prince jeune et vigoureux, Adar-pal-asar, qui réorganisa l’armée, l’habitua à la confiance par de petits succès, et le jour où il crut l’occasion favorable, il frappa un coup décisif qui contraignit Raman-pal-iddin à battre en retraite et à regagner la frontière. Restaurateur d’un trône qui allait crouler, une inscription proclame Adar-pal-asar le héros qui fonda le royaume d’Assur, celui qui le premier organisa les armées d’Assyrie. Son fils Assur-Dayan (vers 1180) est connu pour avoir démoli un temple d’Anu qui fut reconstruit soixante ans plus tard par Teglath-pal-asar, et pour avoir fait une expédition heureuse contre les Chal-déens : Au temps de Zamalmal-zikir-iddin, roi de Kar-Dunias, Assur-Dayan, roi d’Assur, marcha contre le pays de Kar-Dunias ; il prit les villes de Zaba, d’Irriga et d’Agarsal et il emporta leurs dépouilles en Assyrie. C’était une éclatante revanche des malheurs des règnes précédents ; aussi le souvenir des succès d’Assur-Dayan resta profondément gravé dans la mémoire de ses successeurs qui le proclament par la bouche de l’un d’eux : Celui qui porta le sceptre suprême, qui rendit illustre la nation de Bel, qui recommanda l’œuvre de sa main et l’acte de ses doigts aux grands dieux et qui surpassa ce qui avait été fait avant lui. Les deux successeurs d’Assur-Dayan, Mutakkil-Nusku et Assur-ris-isi ne sont guère connus que de nom ; pourtant, la table des synchro-nismes mentionne une guerre entre Assur-ris-isi et Nabuchodonosor Ier, roi de Kar-Dunias, qui paraît avoir pris l’initiative des hostilités. Après des alternatives de succès et de revers, le roi de Babylone finit par être complètement battu et perdit toute son armée. Assur-ris-isi recueillit comme butin cinquante chars de guerre et réussit même à s’emparer de l’étendard royal de son ennemi. La suite de la tablette enregistre les règnes de Teglath-pal-asar, roi d’Assyrie, et de Marduk-nadin-ahi, roi de Kar-Dunias, et nous assisterons plus loin à la terrible tempête dans laquelle le royaume d’Assyrie lui-même, après un éclat extraordinaire, faillit sombrer. Teglath-pal-asar inaugure une ère nouvelle pour l’histoire des anciens peuples de l’Orient ; la gloire des Assyriens ne tardera pas à éclipser celle des Pharaons ; de longues chroniques vont nous raconter, avec de complaisants détails et l’emphase familière aux Orientaux, les exploits des puissants monarques devant lesquels toute l’Asie occidentale s’apprête à courber la tête. §3. — RÈGNE DE TEGLATH-PAL-ASAR Ier (1120 À 1100 AV. J.-C.) Avec le règne de Teglath-pal-asar s’ouvre pour plusieurs siècles la période de splendeur de l’histoire d’Assyrie. Trop à l’étroit dans les limites du bassin du Tigre et de l’Euphrate, le peuple d’Assur déborde de toutes parts, et comme un torrent démesurément gonflé, il entraîne tout sur son passage ; il faut la guerre à ces terribles légions bardées de fer, mises en appétit de carnage par leurs luttes séculaires contre les Chaldéens, et puisque, en Mésopotamie, tout dort maintenant dans le silence de la mort ou de la servitude, c’est au loin, hors de la Mésopotamie, qu’elles iront chercher des ennemis à vaincre, des esclaves à enchaîner, des villes à piller et à livrer aux flammes. Jamais peuple n’abusa plus que l’Assyrien de la supériorité de la force, ne poussa plus loin le mépris du faible et la cruauté envers un ennemi qui rend les armes. C’est une barbarie savante qui préside à tous les actes des rois d’Assur ; ils ne calculent le degré de leur puissance que par le nombre des villes incendiées et des guerriers captifs ou lâchement égorgés après la bataille. Sur les ruines fumantes des forteresses prises d’assaut, entre des haies d’esclaves garrottés et de cadavres empalés ou décapités, le monarque couvert d’or et de pierreries, le sceptre en main et la tiare sur la tête, s’avance debout sur son char de guerre, insultant aux vaincus et déployant un faste aussi inutile que ses iniquités pour assurer son triomphe. Quel contraste pour les Asiatiques entre l’oppression des Assyriens et la domination égyptienne, celle-ci n’exigeant qu’un tribut modeste et les formes de la vassalité, celle-là ne s’imposant que par la terreur et le massacre ! Quelle que fut l’infériorité des peuples de l’Orient à l’égard des Assyriens, au point de vue de la culture intellectuelle et matérielle, de l’organisation politique et militaire, ils eussent réussi sans doute à repousser l’invasion et à refouler l’envahisseur dans ses propres frontières, s’ils eussent pu se concerter entre eux et former une grande ligue de résistance ; mais la cohésion et l’unité leur fit toujours défaut ; presque partout ils luttèrent vaillamment, mais ce fut les uns après les autres, sans ordre, sans discipline et sans entente. Les rois d’Assyrie, toujours sur le pied de guerre et prompts comme la foudre, les surprennent avant qu’ils soient organisés, avant même qu’ils aient eu le temps de prévenir leurs alliés hésitants. Incapables de défendre leur liberté, ces tribus à demi barbares paraissaient nées pour l’esclavage et elles sont aussi peu dignes de pitié que leurs oppresseurs d’indulgence. C’étaient, au nord, la grande confédération du pays de Naïri qui, comprenant toute l’Arménie, s’étendait depuis la mer Caspienne jusqu’à la mer Noire. On y comptait peut-être une centaine de roitelets rivaux et jaloux les uns des autres ; ceux qui résidaient à Van, capitale du pays de Mannai ou Vannai, étaient les plus puissants et même à une certaine époque ils parvinrent à dominer sur une partie de la confédération. Que l’Assyrien prit la route qui, passant entre le lac de Van et celui d’Ourmia, le menait jusqu’au bassin de l’Araxe, ou bien que, contournant le lac de Van, il essayât de rejoindre le cours supérieur de l’Euphrate, il était toujours assuré de ne rencontrer devant lui, dans ces montagnes escarpées et pourtant si faciles à défendre, que des troupes isolées qui luttaient pour se faire tuer, mais non pas pour vaincre. C’étaient comme des troupeaux d’hommes forcés dans leurs dernières retraites, et rien ne ressemblait moins à une armée de combattants ; il devait, en vérité, y avoir bien peu de différence pour les rois d’Assyrie, entre ces expéditions militaires et les chasses fantastiques dont ils se montrent aussi fiers que de leurs victoires. A l’ouest du pays de Naïri, se trouvait la confédération des Moschiens ou Muskai qui, dans les commencements, débordait un peu en Mésopotamie et atteignait jusqu’à la ville moderne de Diar-bekr. Entre l’Euphrate et la Méditerranée étaient campées les tribus des Hittites ou Héthéens, nombreuses, fortes et florissantes malgré l’invasion égyptienne ; mais elles n’avaient rien appris à l’école du malheur, et elles étaient, entre elles, aussi divisées que si elles eussent été des races ennemies. Du côté de l’est, sur la rive gauche du Tigre, habitaient les tribus des Guti et des Kasschi ou Cosséens ; bien qu’elles fussent en décadence et mal organisées, les Assyriens n’oseront pas encore les attaquer, dans la crainte de ranimer des courages qui pouvaient n’être qu’endormis. Tels étaient les voisins peu redoutables avec lesquels Teglath-pal-asar allait avoir à compter : la guerre ne devait être qu’un jeu pour lui. 11 est le premier des rois assyriens dont nous possédions une inscription d’une grande étendue dans laquelle sont racontées, année par année, comme dans une chronique, ses campagnes militaires et ses exploits cynégétiques. Sa capitale était encore Ellassar ; c’est dans les ruines de cette ville que M. Layard a découvert des briques estampées à son nom, et, en quatre exemplaires, un prisme cylindrique de 45 centimètres de haut, couvert d’une inscription qui contient plus de sept cents lignes d’une écriture fine et compacte. C’est ce texte que choisit, dès 1857, la Société asiatique de Londres, pour sujet de l’épreuve à laquelle elle soumit concurremment MM. H. Rawlinson, Hincks, Fox Talbot et Oppert, afin de juger, par la comparaison de quatre traductions indépendantes, du crédit scientifique que l’on pouvait accorder à l’assyriologie à ses débuts. Vers la fin de cette grande inscription, Teglath-pal-asar nous donne lui-même pompeusement sa généalogie jusqu’à la cinquième génération : Je suis Teglath-pal-asar (Tukulli-abal-e-sarra), le grand, le suprême, dont les dieux Assur et Adar ont comblé les vœux, qui a poursuivi les ennemis d’Assur jusqu’au fond de leur retraite et les a tous anéantis. Je suis fils d’Assur-ris-isi, le roi puissant, qui a conquis les pays rebelles, qui a dompté les plus forts. Je suis le petit-fils de Mutakkil-Nusku, que le dieu Assur, dans sa bonté, a daigné choisir pour lui confier le gouvernement du pays d’Assur. Je suis l’arrière petit-fils d’Assur-Dayan, qui a tenu en main le sceptre suprême et a gouverné le pays de Bel, dont les grands dieux ont agréé l’œuvre et les offrandes et qui parvint à une grande vieillesse. Je suis le descendant d’Adar-pal-asar, le roi gardien du sanctuaire d’Assur. Avant d’entrer dans le récit de ses campagnes, Teglath-pal-asar se met sous la protection des grands dieux de l’Assyrie. Il invoque tour à tour, dans une prière qui ne contient pas moins de soixante lignes : Assur, le chef des légions célestes qui dispose des sceptres et des couronnes ; Bel, le prince des archanges, le père des dieux, le maître des pays ; Sin, qui sait tout ; Samas, qui régit le ciel et la terre ; Raman, qui inonde et submerge les champs et les maisons des méchants ; Adar, le héros qui tue les ennemis ; Istar, la fille des dieux qui, elle aussi, fait gagner les batailles et est l’arbitre des armées. Grands dieux, s’écrie le pieux monarque, vous qui gouvernez la terre et les cieux, vous dont la présence est terrible comme la guerre et la ruine, vous qui avez agrandi le pouvoir royal de Teglath-pal-asar, le grand, le favori de votre cœur, le pasteur suprême que vous avez appelé dans votre constante bonté, dont vous avez ceint le front d’une tiare sublime, que vous avez désigné pour régner sur le pays de Bel, en lui donnant la puissance, la gloire et la force, à qui vous avez pour toujours fixé un destin de gloire et de puissance, et que vous avez préposé à la garde de vos temples ! C’est moi, qui suis Teglath-pal-asar, le roi puissant, le roi des légions invincibles, le roi des quatre régions, le roi de tous les princes, le seigneur des seigneurs, le roi des rois, le monarque suprême ; qui, grâce à la protection de Samas, tiens dans ma main un sceptre brillant et gouverne le pays de Bel dans toute son étendue,... le conquérant, le géant qui, pareil au torrent de l’inondation, envahis les pays ennemis ; qui, par la faveur d’Assur, n’ai pas de rivaux ; qui dompte tous les ennemis d’Assur. Ainsi, ce sont les dieux qui ont comblé de puissance et de richesses l’heureux monarque ; ce sont eux qui ont tout remis entre ses mains : peuples et rois, plaines et montagnes ; par leur bienveillant concours, il n’a jamais subi d’échec dans ses guerres, et il a étendu au loin les frontières des pays qui reconnaissent la puissance du dieu Assur. Mais qu’on ne s’y trompe point : ces campagnes entreprises au printemps de chaque année n’avaient pas même pour but de faire du prosélytisme religieux ou de reculer les bornes de la grande civilisation qui fleurissait sur les bords du Tigre. Les rois d’Assyrie n’ont qu’un désir : opérer une abondante razzia qui donne au peuple d’Assur et à son prince voluptueux et sanguinaire de grandes richesses, des vivres et des esclaves. La nation privilégiée et favorisée des dieux pouvait ainsi, grâce à ces rapines périodiques, envisager l’avenir avec confiance el n’avoir souci du lendemain que pour se demander vers quel point de l’horizon il paraîtrait préférable, au printemps suivant, de jeter un nouveau coup de filet. La première campagne de Teglath-pal-asar fut dirigée contre le pays des Moschiens, les Muskai des textes cunéiformes, les Moschii des géographes classiques, issus de Meschek d’après la Bible, et toujours nommés, dans le texte sacré, avec les Tibaréniens leurs alliés. Au commencement de mon règne, dit le roi, je vainquis vingt mille Moschiens el leurs cinq rois qui, depuis cinquante ans, prélevaient sur les terres d’Alzi et de Purukuzzu le tribut qui revenait à Assur, mon seigneur. Jamais roi n’avait osé les affronter au combat, et confiants dans leurs forces, ils avaient envahi le pays de Kummuh. J’invoquai Assur, mon seigneur, et je rassemblai mes chars de guerre avec mes troupes au grand complet. Je franchis le mont Kasiar par des chemins difficiles, et je débouchai dans le pays de Kummuh en présence de vingt mille ennemis commandés par leurs cinq rois. Je les battis complètement el j’accablai leur armée comme une pluie torrentielle, si bien que leurs cadavres jonchaient les ravins et les sommets de la montagne : je coupai les têtes et je les fis exposer au-dessus des remparts de leurs villes. J’emportai un butin immense. Il restait six mille des leurs qui avaient échappé à mes armes et qui vinrent baiser mes pieds ; je les fis prisonniers et je les emmenai en Assyrie. Les Moschiens battus avaient le centre de leur puissance en Cappadoce, et la principale ville de leur territoire, à laquelle leur nom demeura fort longtemps attaché, était Mazaca qui devint plus tard, à l’époque romaine, Césarée de Cappadoce. Le récit de la première expédition de Teglath-pal-asar, que nous venons de rapporter, indique assez clairement que le pays de Kummuh était depuis longtemps tributaire de l’Assyrie, à laquelle les Moschiens l’avaient soustrait. Cette contrée de Kummuh qui parait avoir légué son nom à la Commagène, s’étendait alors jusque dans les vallées du cours supérieur du Tigre, au nord de Diarbekr : elle se trouvait ainsi resserrée entre l’Assyrie et le pays des Moschiens. Aussi, la possession en fut-elle longuement disputée, et malgré la victoire éclatante qui couronna la première tentative de Teglath-pal-asar, le pays fut loin d’être définitivement soumis : le roi d’Ellassar se vit bientôt contraint de reprendre les armes. Cette fois, ce n’étaient plus les Moschiens qui détenaient le Kummuh : c’étaient les indigènes eux-mêmes, d’ailleurs frères par le sang des Moschiens, qui avaient levé l’étendard de la rébellion, au nom de l’indépendance nationale. La répression fut terrible : Le district de Kummuh, dit le roi, me fut infidèle et refusa de payer le tribut qu’il devait à Assur, mon seigneur. Je l’envahis en entier ; j’en emportai toutes les richesses ; je livrai aux flammes et détruisis les villes. Les fuyards ayant trouvé un asile dans la ville de Sirisi, au delà du Tigre, et s’étant retranchés dans cette forteresse, je partis avec mes chars et mes hommes de guerre ; je franchis des montagnes abruptes par des sentiers impraticables... je traversai le Tigre et je m’emparai de Sirisi. Je traquai les rebelles dans la montagne comme des bêtes fauves ; les eaux du Tigre et les hauteurs d’alentour furent couvertes de leurs cadavres. Ce fut alors que je dispersai, comme la poussière, les armées du pays de Kurthi accourues au secours de Kummuh ; les cadavres de leurs soldats étaient entassés sur la montagne : les eaux du Nâmi en charrièrent jusque dans le Tigre. Le roi de Kurlhi, Kilianteru, fils de Kalianteru, tomba entre mes mains. Ses femmes, ses fils et ses filles furent aussi faits prisonniers, et je m’emparai de cent quatre-vingts plaques de bronze, de cinq vases de cuivre, des statues de leurs dieux, de lingots d’or et d’argent, de la meilleure partie de leurs trésors et de leurs richesses. La ville et le palais royal furent la proie des flammes. Alors, une de leurs forteresses, Urrahinas, perchée sur le mont Panari, fut terrifiée de cette manifestation de la puissance d’Assur, mon seigneur. Pour sauver leur vie, ses habitants s’enfuirent en emportant leurs dieux ; ils se réfugièrent comme des oiseaux, dans les sommets escarpés de la montagne. Je franchis de nouveau le Tigre à la tête de mes chars et de mes armées. Sadianteru, fils de Hatuhi, roi d’Urrahinas, craignant d’être fait prisonnier, vint offrir sa soumission et embrasser mes pieds ; je pris en otage ses enfants et toute sa famille. Il m’apporta comme tribut soixante plaques de bronze, un vase en cuivre, un grand namhar de cuivre, cent vingt hommes, des bœufs et des moutons. Alors, j’eus pitié de lui, et je lui fis grâce de la vie, mais je lui imposai pour toujours le joug pesant de ma souveraineté. Ainsi, tout le vaste pays de Kummuh, je l’eus à mes pieds. Après cette conquête, j’offris à Assur, mon seigneur, un namhar et un vase, de cuivre provenant des dépouilles du Kummuh, et je consacrai à Raman, mon protecteur, soixante ruggi de bronze avec leurs dieux. Malgré ce châtiment exemplaire, le pays de Kummuh essaiera encore une fois de secouer le joug ; ses nombreuses tribus viendront de nouveau se heurter au colosse assyrien fait d’un seul bloc qui les brisera presque sans effort. Les Kurthi, qui s’étaient tardivement mêlés à la lutte, ne tarderont pas à expier leur imprudente intervention par la ruine la plus complète. Si l’on s’en rapportait h quelques assonances et à des rapprochements philologiques, on pourrait croire que les Kurthi étaient des populations helléniques cantonnées dans quelque coin de la Cappadoce, peut-être un rameau détaché des Hellènes qui habitaient la Cilicie. Leurs rois, en effet, Kilianléru, Kaliantéru et Sadiantéru portent des noms qui trahissent au premier coup d’œil le informe grecque originelle ; ce sont des mots formés, comme tant d’autres, avec l’élément final — andros, comme Scamandros, Maiandros, Cassandra. Ce n’est là toutefois qu’une hypothèse, car comment expliquer la présence de populations grecques sur les confins de l’Arménie ? Teglath-pal-asar ne dépassa pas l’Amanus du côté de l’Occident et il ne vit pas la Méditerranée[5]. A l’est du pays de Kummuh, dans les montagnes qui ferment le bassin occidental du lac de Van, habitait une tribu de montagnards qui firent longtemps la guerre aux rois d’Assyrie et, domptés, ne laissèrent jamais échapper l’occasion d’une révolte : c’étaient les Mildisai. Ils crurent qu’à la faveur des guerres du Kummuh, le moment était venu pour eux de prendre les armes. Teglath-pal-asar se précipite comme la foudre sur le pays des rebelles : les Mildisai se flattaient que l’Assyrien ne parviendrait jamais à franchir les monts Anima qui leur servaient de rempart naturel. Mais Teglath-pal-asar s’engage dans les défilés, à pied, à la tête de ses troupes, laissant de côté chars et bagages ; selon la pittoresque expression de ses annales, il pénètre comme un javelot dans les gorges tortueuses des montagnes et il débouche tout à coup dans la plaine, aux yeux des Mildisai glacés de stupeur. Il changea leur pays en un monceau de ruines, emmena en Assyrie des troupeaux d’esclaves et un riche butin. Et après ce bel exploit, le terrible conquérant s’écrie dans l’orgueil du triomphe : Je suis Teglath-pal-asar, le suprême, le héros, qui me suis frayé un chemin à travers les montagnes, qui ai écrasé mes ennemis, qui ai triomphé des plus puissants. L’année suivante, après une razzia dans le pays de Subari, il dut retourner en Alzi et en Purukuzzi, districts du Kummuh, qui refusaient de payer la contribution de guerre. Il fallut, en même temps, réprimer une incursion des Kaskai et des Urumai, tribus hittites qui entrent pour la première fois en scène, et qui, au nombre de quatre mille hommes, avaient envahi le canton de Subarti sur lequel le roi d’Assyrie se prétendait des droits. Tandis qu’il guerroyait dans ces parages, sur les bords de l’Euphrate, le pays de Kummuh se souleva encore une fois, préférant la mort à la servitude : Teglath-pal-asar vole partout où se manifeste le danger. Dans mon impétuosité, dit-il, je me précipitai une seconde fois sur le Kummuh : j’en emportai d’assaut les villes que je pillai et livrai aux flammes. Les fuyards qui échappèrent à mes armes ayant trouvé un refuge dans des montagnes inaccessibles, entrecoupées de ravins tortueux et hérissées de pics que jamais le pied de l’homme n’avait foulés, je les pourchassai jusque dans leur repaire et je leur livrai une bataille où ils perdirent tant de monde que les plateaux et les vallées étaient couverts de cadavres ; je pris tous leurs biens. C’est ainsi que j’achevai la conquête du pays de Kummuh que j’incorporai définitivement à mon empire. C’était annexer à l’Assyrie un cimetière. Cependant, Teglath-pal-asar pensait bien qu’il ne serait définitivement maître du Kummuh que s’il prévenait toute chance de rébellion en châtiant sévèrement les gens de Kurthi qui avaient, on s’en souvient, prêté main-forte à leurs voisins en détresse. Le plus prochain district du pays de Kurthi était celui de Haria, protégé surtout par d’impénétrables forêts encore inexplorées. Assur, mon seigneur, m’ordonna de partir, dit le roi ; j’envahis les cantons d’Idni et d’Aia et j’escaladai, sans mes chars que j’avais quittés pour la circonstance, des montagnes inaccessibles dont les pics ressemblent à la pointe d’un poignard. Les gens de Kurthi avaient levé une armée immense qui, prête à livrer bataille, se tenait sur le mont Azutabgis. Le choc fut terrible ; j’amoncelai sur les hauteurs et dans les vallées les cadavres de leurs guerriers, puis je marchai sur les villes fortement assises dans le massif montagneux de Haria. J’en pris vingt-cinq au milieu des monts Aia, Suira, Idni, Sizu, Selgu, Arzanibiu, Uruzu, Anitku ; je les pillai et les livrai aux flammes. Les districts d’Adanit, de Saranit, d’Ammanit, d’Aruma, d’Isua, de Daria subirent le même sort, et les dépouilles opimes de la guerre furent offertes sur l’autel du grand dieu Assur. Des révoltes partielles forcèrent cependant encore le roi d’Assyrie à revenir dans les montagnes qui bordent, à l’ouest, le cours supérieur de l’Euphrate. Dans le canton de Sugi, au pays de Kilhi, il se trouva en face de dix mille combattants fournis par les tribus de Himi, de Luhi, d’Arirgi, d’Alamun, de Nimni et de Kurthi ; l’ennemi, suivant sa tactique habituelle, s’était posté sur le mont Hirihi ; n’importe, il fut battu par le tout-puissant roi qui pilla le district de Sugi et emmena en captivité vingt-cinq statues des divinités du pays. Il déposa ces trophées dans le temple de la déesse Belil, la grande épouse d’Assur, dont ils servirent à orner le sanctuaire : les dieux des vaincus devenaient eux-mêmes les esclaves des dieux du vainqueur. L’empire d’Assyrie s’étend désormais au nord-ouest jusqu’à la chaîne de l’Anti-Taurus. Un jour qu’enivré par le succès, Teglath-pal-asar eut la velléité de tenter un effort à l’est de ses États, il se mit soudain en campagne, franchit le Zab inférieur, envahit les pays de Murattas et de Sardanit au milieu des monts Arsaniu et Athuma, sur le territoire des Guti. Il se vante d’avoir moissonné les armées ennemies comme de l’herbe sèche, et d’avoir, en une matinée, assiégé et pris Murattas, la capitale : les dieux et toutes les richesses des vaincus furent emmenés en Assyrie, et une offrande d’ustensiles en bronze fut faite au dieu Raman par le prince victorieux. Teglath-pal-asar est ainsi le premier roi assyrien qui pénètre dans les montagnes qui longent le cours du Tigre ; mais il ne parait pas, malgré l’emphase de son récit, s’y être aventuré bien loin, dans la crainte d’avoir maille à partir avec les Cosséens. Les tribus qu’il combattit devaient être des partis de montagnards installés vers les sources du Zab inférieur et dont la proximité d’Ellassar pouvait devenir inquiétante. Teglath-pal-asar, après cette brillante promenade militaire, s’en retourna et ne revint plus, soit que les montagnes lui parussent trop ardues à explorer et qu’il préférât des succès plus faciles, soit que des révoltes suscitées dans d’autres parties de son empire l’eussent forcé de rebrousser chemin. Il se passera longtemps, peut-être deux siècles, avant que les rois d’Assyrie osent de nouveau porter le fer et le feu à l’orient du Tigre. Du côté du nord, la conquête était plus facile, le butin plus riche, le chemin mieux connu, car il avait déjà été frayé par d’autres princes assyriens. Je suis, dit Teglath-pal-asar, le troisième de ceux qui allèrent au pays de Naïri. Ces peuples habitaient les hauts plateaux qui forment l’Arménie actuelle, que le géographe allemand Karl Ritter, définit justement une île-montagne. C’est un énorme massif montagneux de mille à deux mille cinq cents mètres de hauteur moyenne, dont les assises surgissent par degrés des plaines de la Babylonie et de la Perse et qui s’élèvent brusquement et sans transition aucune au-dessus des rives de la mer Noire et des plaines basses de la Caspienne. D’énormes chaînes de montagnes détachées du Taurus ou du Caucase traversent en tous sens cet immense espace et forment à leur tour autant de nouveaux massifs, d’où s’élancent des pics d’une hauteur énorme comme le Masis ou Ararat qui atteint 5.800 mètres. Le sol est souvent ébranlé par de violentes secousses et par les éruptions de volcans encore en activité. Partout on rencontre la lave et des cratères éteints avec des sources thermales et des lacs dont les plus considérables sont ceux de Van, d’Ourmia et de Khegam ou de Sévan. La présence du feu souterrain se manifeste encore par les puits d’où jaillissent à flots l’eau chaude et la boue, et d’où s’écoulent des torrents de naphte en fusion[6]. Ce pays accidenté et déchiré par de profondes vallées, est sillonné par des cours d’eaux qui s’acheminent dans les directions les plus opposées et vont se déverser dans la mer Noire, la Caspienne ou le golfe Persique. , Au XIe siècle avant notre ère, cette vaste région était habitée par des hommes de races diverses : au centre se trouvaient plus particulièrement les Arméno-Aryens ; au sud, c’étaient des populations sémitiques qui se rattachaient à celles de la Mésopotamie, tandis qu’au nord-est enfin, étaient installées des tribus sœurs des Géorgiens et des Kurdes de nos jours. C’était là ce que les Assyriens désignent sous l’appellation générique de pays de Naïri : confédération sans cohésion ni unité, où l’on distinguait particulièrement le royaume de Manna ou Vanna, dont la capitale était sur l’emplacement de la ville de Van actuelle ; le pays de Musasir, l’Arsissa des géographes classiques, sur la rive septentrionale du lac de Van ; le canton montagneux de Mildis, où se voient aujourd’hui les ruines imposantes de Kosaba, non loin d’Ezeroum ; celui de Milidda, la Mélitène des Grecs ; enfin, un des districts les plus importants et qui exerça longtemps la prépondérance sur la plupart des autres, celui d’Urartu ou Arartu, dans lequel il est facile de reconnaître le nom du mont Ararat. Dans la partie orientale du pays de Naïri, celle qui confine au lac d’Ourmia et à la mer Caspienne, on rencontre le canton de Zamua, immédiatement au nord de celui d’Arrapha, l’Arrapachitis des anciens ; celui de Hubuskia, aux sources du Zab supérieur ou Lycus, ayant à l’est le pays de Kilzanu et à l’ouest le Mannai et le Musasir. Au nord du lac d’Ourmia, touchant au Hubuskia, sont les terres de Madahir et de Harru ; à l’est, le canton montagneux de Mesa, et enfin celui de Giratbunda qui bordait la mer Caspienne et les pays mèdes. C’est dans ces fertiles montagnes que voulut pénétrer Teglath-pal-asar : il ouvrait ainsi une période de guerres terribles qui dureront aussi longtemps que la monarchie assyrienne elle-même. Déjà les rois antérieurs avaient essayé leurs forces contre le Naïri en refoulant vers le nord les tribus qui débordaient sur la Mésopotamie, et le district d’Amidu (Diarbekr) était déjà depuis quelque temps passé sous la domination assyrienne. Teglath-pal-asar s’enfonça dans les régions occidentales du Naïri par des chemins que jamais roi assyrien n’avait pris avant lui. Il énumère avec orgueil les montagnes qu’il dut franchir : les monts Ilama, Amadana, Ilhis, Sirabil, Tarhuna, Tirkahul, Kisra, Tarhanab, Ilula, Hastarai, Sarisar, Ubira, Miliatrun, Sulianzi, Nuba-nas, Sisi. Ce sont les différents sommets formés par le massif qui sépare le lac dé Van du cours du Tigre et qui deviennent extrêmement abruptes aux monts Niphatès vers la source de ce fleuve. L’armée put toutefois les traverser avec chars et bagages ; elle remonta, puis franchit le haut Euphrate pour se diriger du côté de la mer Noire. Vingt-trois rois du Naïri essayèrent de lui barrer la route ; c’étaient les souverains de Nimmi, Tunub, Tuali, Kidari, Uzula, Unzamun, Andiabi, Pilakin, Aturgini, Kulibarzini, Sinibirni, Himua, Paitir, Uiram, Suru-ria, Abayni, Adayni, Kirin, Albaia, Ugina, Nazabia, Amassiuni, Dayeni. Le roi d’Assyrie renversa ce rempart humain comme un torrent débordé franchit sa digue ; les confédérés cherchèrent un refuge, les uns dans les creux des rochers, les autres derrière les murs de leurs forteresses, abandonnant cent vingt chars de guerre aux mains de l’ennemi. Vainement une soixantaine de roitelets accoururent pour porter secours à leurs frères ; leurs soixante armées ne retardèrent pas d’un jour la marche des soldats d’Assur qui, là comme partout, livrèrent le pays à l’incendie et au pillage et firent le sac des places fortes dont ils massacrèrent les défenseurs. Cependant, par calcul sans doute, beaucoup plutôt que par sentiment, la pitié se fit jour dans le cœur d’airain de Teglath-pal-asar. Les rois du Naïri avaient été pris vivants : l’Assyrien crut plus favorable à ses intérêts de ne leur point arracher la vie, il espéra en leur faisant grâce que les malheureux lui seraient reconnaissants de cette magnanimité inattendue et qu’ils lui resteraient attachés comme de fidèles vassaux. Politique singulière et à courte vue que celle qui ne prévoyait pas que les ferments de haine et de vengeance qu’elle avait provoqués, ne pouvaient être étouffés par l’aumône de la servitude à la place des tortures et des supplices ! Teglath-pal-asar imposa à ces rois un tribut annuel de douze cents chevaux et de deux mille bœufs, prit leurs fils en otage et les renvoya chacun dans son pays. Un seul d’entre eux refusa de courber ainsi sa tête sous le joug d’Assur : c’était Sêni, roi du Dayeni, qui préféra les chaînes de la captivité plutôt que de participer à l’asservissement de sa patrie. Ainsi fut opérée momentanément la conquête d’une partie du Naïri ; les districts situés à l’est du lac de Van n’avaient pas pris part à la guerre et Teglath-pal-asar ne les molesta point. L’ouest, au contraire, voisin des tribus, récemment soumises, du Kummuh et des Moschiens, était important à dompter pour assurer la tranquillité des conquêtes récentes. De même, les cantons des Hittites qui avoisinaient au sud le Kummuh, pouvaient, à un moment donné, devenir turbulents et menacer la frontière. Après une courte campagne au pays de Hanigalbi sous les murs de Milidia, Teglath-pal-asar résolut d’entreprendre contre les Hittites une grande expédition qui mît ces voisins dangereux hors d’état de lui nuire. Il s’y prit habilement pour les surprendre. Parti d’Ellassar à la tête de ses troupes, il descendit du côté de la Chaldée sous prétexte d’aller châtier les Ahlamê du pays d’Arma, et il s’avança jusqu’à Suhi, sur l’Euphrate. On ne savait trop de quel côté il allait diriger ses pas, lorsque soudain, par un changement de front et une marche forcée, il remonta en un seul jour de Suhi jusqu’en face de Karkémis, le plus puissant boulevard des Hittites du côté de l’Assyrie. Teglath-pal-asar n’osa pourtant entreprendre le siège de cette grande forteresse dont la position admirable semblait défier les plus solides armées. 11 se contenta de livrer bataille aux troupes qui l’attendaient sur la gauche du fleuve et dont il fît un grand carnage. Les débris des bataillons ennemis crurent trouver leur salut en se jetant dans le fleuve qu’ils traversèrent à là nage ; ils comptaient sans un malheureux hasard qui mit à la disposition des Assyriens des bateaux tout prêts, pour s’élancer à leur poursuite. Teglath-pal-asar les rejoignit dans les six villes groupées autour du mont Bisri, où il récolta des troupeaux d’esclaves et un riche butin : tout ce qui ne put être emporté fut brûlé. Poursuivant sa marche victorieuse à travers la confédération hittite, le roi d’Assyrie pénétra jusqu’à la chaîne de l’Amanus où il combattit les gens des pays de Musri, qui comprenait les districts d’Elamuni, de Tala et de Harusa. Pendant qu’il pillait et saccageait à son aise, le district de Humani (Amanus) arriva au secours des vaincus ; il était trop tard et cette provocation ne servit qu’à attirer l’orage qu’elle avait la prétention de conjurer. Teglath-pal-asar battit les nouveaux venus qu’il traqua dans leurs montagnes comme des bêtes fauves, et qu’il força de se réfugier dans leur ville d’Arini, aux pieds du mont Aisa. Ainsi domptés, les gens de Humani se jetèrent aux pieds du vainqueur qui se crut généreux outre mesure, en leur accordant la vie et en se contentant de les dépouiller et de leur infliger une lourde contribution de guerre. Il ne se trompait point entièrement d’ailleurs, car à peine avait-il le dos tourné pour rentrer en Mésopotamie qu’une insurrection générale éclata chez les Humani. Vingt mille montagnards se trouvèrent rassemblés et prêts à mourir pour l’indépendance de leur pays ; mais que pouvaient ces bandes indisciplinées contre les cohortes du dieu Assur ! L’empire d’Assyrie, comme plus tard l’empire romain, n’était entouré que de barbares. Les vingt mille confédérés furent taillés en pièces et poursuivis jusqu’au mont Harusa qui domine les plaines de Musri. Le sol de la montagne et des vallées, dit l’inscription, disparut sous l’amoncellement des cadavres ; Hunusa, la capitale du district, fut rasée jusqu’aux fondements et ses habitants eurent la tête tranchée. A ce point du récit de ses exploits, Teglath-pal-asar rompt la froide monotonie de ses cruautés pour raconter qu’il fit ériger en pierre cipa un monument commémoratif de son triomphe et qu’il consigna sur des tables de bronze le récit des victoires qu’il avait remportées. J’y écrivis, dit-il, que cette ville ne serait jamais rebâtie et que ses murs ne seraient jamais relevés. Une simple maisonnette en briques en désigna seule l’emplacement, et c’est dans cet abri que le roi déposa le texte de la malédiction qu’il avait prononcée. La ville de Kibsuna fut également démolie, et ainsi fut définitivement achevée la conquête du pays de Humani, situé sur le versant oriental de la chaîne de l’Amanus, à laquelle il a laissé son nom. Teglath-pal-asar s’est donné la peine de récapituler lui-même le nombre des. provinces qu’il avait soumises et dont H dresse complaisamment le bilan. Il compte quarante-deux peuples qui reconnaissent son autorité, depuis le cours du Zab inférieur jusqu’aux rives de l’Euphrate, et depuis le pays des Hittites jusqu’à la mer Noire. Voilà, dit-il[7], l’œuvre de mes mains depuis mon avènement jusqu’à ma cinquième année de règne ; voilà les pays que j’ai soumis l’un après l’autre, leur prenant des otages, leur imposant des contributions de guerre... Je suis Teglath-pal-asar, le suprême, le fort, qui tiens un sceptre à nul autre pareil, qui remplis une mission sublime. D’une surprenante activité et sans cesse en mouvement, Teglath-pal-asar employait à la chasse le temps qu’il ne consumait pas à la guerre. Incapable de goûter les douceurs de la tranquillité et de la paix, il ne trouvait de plaisir qu’à tuer et la vue du sang l’enivrait. Ecoutez-le raconter ses courses folles à travers les forêts ou les sables brûlants pour atteindre les lions ou les buffles : Les dieux Adar et Nergal ont confié à mes royales mains leurs armes terribles et leur arc puissant. Avec le secours du dieu Adar, mon protecteur, j’ai tué quatre buffles mâles, d’une force et d’une grandeur extraordinaires. C’était au désert, dans le pays de Mitani, près de la ville d’Araziki, en face des Hittites ; je les ai tués avec mon arc puissant, mon glaive de fer et ma lance aiguë, et j’ai apporté leurs peaux et leurs cornes dans ma ville d’Assur (Ellassar). Une autre fois, j’ai tué dix éléphants gigantesques dans le voisinage de Harran, aux sources du Habour ; j’en ai pris quatre autres vivants ; les peaux et les défenses des tués ont été transportés à Ellassar. Une autre fois encore, avec le secours du dieu Adar, j’ai tué cent vingt lions que j’ai étendus raides morts à mes pieds ; j’en ai chargé huit cents sur mes chars. Ni les fauves du désert ni les oiseaux du ciel n’ont pu se soustraire à mes flèches. Heureusement des bas-reliefs assyriens qui représentent de pareilles chasses, réduisent à leurs véritables proportions ces exploits un peu trop dignes du Nemrod de la légende le fort chasseur devant l’Eternel. Si nous y voyons des lions bondir autour du char royal, nous y remarquons aussi, parfois, des lions en cage qu’un gardien délivre avec précaution en faisant glisser une claire-voie mobile, et le roi est tout prêt à abattre, sans courir grand danger, le fauve qui sort lentement de sa prison et dont on avait sans doute limé les dents. C’était un simulacre de chasse ; n’importe, le prince égorgeait, il était satisfait et rendait grâces aux dieux. Il se proclame le sangu ou pontife suprême des dieux qui l’ont comblé de leurs bénédictions. A l’imitation de ses ancêtres, il fait réparer les temples qui tombent de vétusté, redresser les statues, consolider la toiture, remplacer les vieilles portes par de magnifiques battants en bois de cèdre coupé dans les forêts des pays conquis. Istar l’Assyrienne et le dieu Marlu sont particulièrement l’objet de son culte et il leur construit de somptueuses demeures dans sa ville d’Ellassar. Le butin des pays qu’il avait saccagés lui fournit la matière d’opulents sacrifices d’actions de grâce et de riches ex-votos qu’il suspend aux parois des sanctuaires. Enfin, Teglath-pal-asar se fait agriculteur et il s’applaudit d’avoir arraché dans de lointaines contrées des essences d’arbres qu’il a replantées dans les plaines de la Mésopotamie qu’il s’efforce de reboiser et de fertiliser. Toutes choses tournaient donc à souhait pour l’heureux monarque, et l’avenir lui souriait. Mais l’Orient est le pays des revirements de fortune et des grands coups de théâtre. Pourquoi Teglath-pal-asar s’arrête-t-il dans son récit après la cinquième année de son règne, et pour quelles raisons ne nous a-t-il pas laissé un pareil dithyrambe sur la fin de sa vie ? Le fait est qu’on n’a plus une ligne de lui, et c’est à tort qu’on lui a attribué un passage d’une inscription mutilée trouvée dans les ruines du palais de Koyundjik, à Ninive, dans laquelle il est fait mention d’expéditions sur la Méditerranée et de rapports sur l’Egypte. Si l’on n’a rien retrouvé de ce prince, c’est probablement parce qu’il n’a rien écrit. Les rois d’Assyrie ne racontent que leurs succès, jamais leurs défaites, et d’irrécusables témoignages nous portent à croire que le règne de Teglath-pal-asar finit par une catastrophe. C’était la peine du talion et ce ne fut que justice si les peuples qu’il avait opprimés vinrent danser sur son tombeau. C’est Babylone qui porta ce coup terrible à l’orgueilleux monarque ; tandis qu’il guerroyait dans le nord et au couchant, la vieille cité chaldéenne, qu’on croyait abattue pour toujours, se relevait lentement, silencieusement, fermait ses plaies, réparait les brèches de ses remparts, aiguisait ses armes, et la seconde fois que Teglath-pal-asar se présenta pour entrer dans ses murs, on lui barra la route et il fut honteusement battu. Un jour viendra sans doute, où les horreurs de cette guerre, qui dut être effroyable, nous seront connues ; pour le moment, nous ne pouvons que recourir au froid laconisme de la Table des synchronismes, qui n’enregistre d’ailleurs que les premiers succès du roi d’Assur : Teglath-pal-asar, roi d’Assyrie, dit-elle, et Marduk-nadin-ahi, roi du pays de Kar-Dunias, mirent pour la seconde fois leurs chars en ligne de bataille, près d’une ville située sur le Zab inférieur, dans le voisinage d’Arzuhina.... la place de Dur-Kurigalzu, la Sippar de Samas, la Sippar d’Anunit (les Sepharvaïm de la Bible), Babylone, Upî (Opis) et d’autres grandes villes avec leurs citadelles tombèrent au pouvoir de Teglath-pal-asar ; il s’empara aussi des villes d’Agarsal et de.... jusqu’à la ville de Lubdi, et du pays de Suhi, y compris la ville de Rapiki avec son territoire. Tout jusque-là allait au gré de Teglath-pal-asar ; mais le reste qu’il se garde d’ajouter, ce sont ses successeurs qui vont nous en instruire. L’inscription de Sennachérib, connue sous le nom d’inscription de Bavian, s’exprime comme il suit : Les dieux Raman et Sala, dieux de la ville des Palais (Ekalate) que Marduk-nadin-ahi, roi du pays d’Ac-cad, avait enlevés à l’Assyrie au temps de Teglath-pal-asar et transportés à Babylone, moi, Sennachérib, après un intervalle de 418 ans, je les enlevai de Babylone et je les remis à leur place dans la ville des Palais. » Le roi de Babylone, Marduk-nadin-ahi, avait donc fini par être victorieux, par délivrer la Chaldée et même par envahir l’Assyrie. Qui sait même si Teglath-pal-asar ne périt point dans la lutte ? Comme tous les tyrans dont l’autorité n’est fondée que sur la force des armes, peut-être suffit-il d’une défaite sans importance en elle-même pour l’abattre et précipiter sa ruine. L’Assyrie se ressentit longtemps des effets de cette catastrophe, qui la mit à deux doigts de sa ruine et faillit transporter le sort de la haute Mésopotamie tout entière entre les mains du roi de Babylone. Désormais ses princes, obligés de lutter pour l’indépendance nationale contre leurs voisins du pays de Kar-Dunias, ne peuvent songer à maintenir dans le respect les contrées lointaines que des flots de sang avaient contraintes d’accepter le joug. Les gens du Naïri et du Kummuh, les Moschiens et les Hittites relevèrent la tète et reprenant leur vie d’autrefois, rebâtirent leurs villes, restaurèrent leurs remparts. L’Assyrie n’atteignit même plus le cours de l’Euphrate et redevint le pays d’Assur proprement dit : pour elle, la question vitale est la guerre défensive contre Babylone, et nous assisterons longtemps encore à cette lutte fratricide de l’élément sémitique du nord avec l’élément sémito-kouschite du sud : c’est le grand drame, de l’histoire de la Mésopotamie, dont nous n’avons encore vu que le premier acte. § 4. LES SUCCESSEURS DE TEGLATH-PAL-ASAR Ier. Les successeurs de Teglath-pal-asar ne furent pas des rois fainéants, mais des rois impuissants. Réduits à se défendre contre des ennemis d’autant plus menaçants et terribles qu’ils avaient plus d’injures à venger, sans ressources, n’ayant que les débris d’une armée décimée, qui résistait pied à pied à des forces vingt fois supérieures, ils surent pourtant ne point perdre courage, essayèrent de faire face à tous les dangers, et comprirent que la persévérance dans la lutte mène la plupart du temps au succès final. Quel crime avait donc commis envers les dieux Teglath-pal-asar, pour être ainsi abandonné du ciel et pour que la malédiction qu’il avait encourue retombât sur sa race et sur son peuple ? Il avait pourtant travaillé avec une opiniâtre ardeur à la gloire du dieu Assur, lui rapportant tout le mérite de ses succès, lui consacrant les dépouilles opimes des ennemis, s’appliquant à surpasser tout ce qu’avaient pu rêver ses prédécesseurs pour orner et enrichir les sanctuaires, offrant des hécatombes comme jamais les dieux eux-mêmes n’en avaient vu. Eut-il trop d’orgueil et ivre de gloire, se crut-il un dieu lui-même et essaya-t-il d’escalader le ciel ? A part le royaume juif qui se constitue solidement avec David et Salomon, l’Orient assiste impassible et indifférent aux péripéties du drame dont le dénouement, quel qu’il soit, lui prépare un maître. C’est la verge pour le châtier qu’on se dispute et il lui importe peu que les coups viennent du midi ou du septentrion. Il avait tressailli d’allégresse à la chute de Teglath-pal-asar, mais incapable de profiter de la liberté, il attendait que le sort des armes lui redonnât de nouvelles chaînes. Fatalité ou absence d’esprit politique, les Babyloniens ne surent jamais profiter de leurs victoires et poursuivre jusqu’au bout les conséquences de la défaite de leurs ennemis. Ils croyaient avoir tout fait quand ils avaient accompli de belles prouesses, pillé quelques villes, emporté les statues des dieux de leurs adversaires ; beaux trophées, en vérité, qui ne servaient qu’à les endormir dans une fausse sécurité, en les persuadant que l’ennemi privé de ses talismans divins ne pourrait se relever jamais. Cette déplorable ligne de conduite sauva l’Assyrie ; non seulement Marduk-nadin-ahi ne prit pas la peine de bénéficier de l’abaissement de son rival et d’exploiter à son avantage l’insurrection générale qui éclata sur tous les points de l’empire assyrien et dont il avait donné lui-même le signal, mais il paraît s’être retiré en Chaldée, satisfait d’avoir infligé une verte correction à l’imprudent qui avait voulu opprimer sa patrie. Il y eut alors un moment de répit qui permit aux Assyriens de respirer, de se compter, de mettre en ligne leurs dernières réserves ; la guerre se ralluma et les Babyloniens s’aperçurent trop tard de leur imprudence ; car les chances de succès étaient déjà redevenues à peu près égales de part et d’autre, et c’est d’un commun accord que l’on conclut une trêve : Au temps d’Assur-bel-kala, roi du pays d’Assur, dit la Table des synchronismes, et de Marduk-sapik-zir-mat, roi de Babylone, ces deux princes signèrent la paix. Quand les hostilités recommencèrent, les Chaldéens avaient encore changé de maître, et ils paraissent s’être donné, par surcroît, le luxe d’une révolution intérieure. Leur nouveau roi Saduni, homme d’une naissance obscure était un incapable dont la fatuité et l’arrogance furent bien châtiées. Battu par Assur-bel-kala qui pénétra jusqu’au cœur du pays de Kar-Dunias, Saduni cachant sa honte disparut, on ne sait comment, au milieu de cette guerre qu’il était impropre à soutenir. Sous son successeur Nabu-zikir-iskun, les affaires de la Chaldée ne se relevèrent guère ; ce pays allait droit à sa perle, et, avec un prince actif et vigoureux comme Assur-bel-kala, la prépondérance assyrienne menaçait, de s’implanter de nouveau dans la Mésopotamie tout entière. Après la prise de Bagdada par les Assyriens, on fit un nouveau traité, et les deux rois témoignèrent du désir de le maintenir, en se donnant réciproquement leurs filles en mariage et en fixant définitivement les frontières respectives des deux États. Ils limitèrent le pays d’Accad et ils en établirent les bornes depuis la montagne du E-Harris, au-dessus de la ville de Zaban, jusqu’au mont Batani, près de la ville de Zabdani. Si la ville de Zaban était, comme c’est vraisemblable, au confluent du Zab inférieur et du Tigre, représentée par le monticule actuel de Tell-Mimus, et si l’on peut identifier Zabdani avec la Zibba moderne sur l’Euphrate, on doit reconnaître que, malgré les fautes de la dernière période, les Babyloniens étaient restés maîtres de la clef du pays d’Assur. Ils se trouvaient aux portes mêmes d’Ellassar. Ce voisinage trop inquiétant, malgré les protestations d’amitié qui s’échangeaient, expliqué pourquoi les rois d’Assyrie vont se décider à abandonner la vieille capitale de leur empire pour transporter leur résidence un peu plus au nord, à Kalah d’abord, puis à Ninive. Ici s’arrête malheureusement la Table des synchronismes et nous ne savons plus rien des rapports entre l’Assyrie et la Chaldée. Rapprochés par des alliances de famille, épuisés par une lutte séculaire aussi fatale au vainqueur qu’au vaincu, ces deux pays paraissent d’ailleurs avoir vécu longtemps dans une paix profonde, car cent ans plus tard, quand la guerre recommence avec plus d’acharnement que jamais, les frontières des deux empires sont encore celles qui furent fixés par Assur-bel-kala et Nabu-zikir-iskun. Ce n’est que d’après l’ordre suivi dans la Table des synchronismes que l’on regarde Assur-bel-kala comme successeur de Teglath-pal-asar, mais nous ne savons pas s’il fut son fils ni même son successeur immédiat. Dans tous les cas, c’est un fils de Teglath-pal-asar qui règne après Assur-bel-kala ; il se nomme Samsi-Raman, et il n’est connu que par les légendes fragmentés des coupes votives en bronze, trouvées à Koyundjik et à Schérif-kan, et qui mentionnent sa généalogie en l’appelant fils de Teglath-pal-asar et petit-fils d’Assur-ris-isi. Il laissa son trône chancelant à Assur-rab-amar, cité seulement dans une inscription de Salmanasar, qui l’accuse d’avoir cédé au roi du pays d’Aramu, prince hittite sans doute, la ville de Mulkina, sur l’Euphrate, que jadis Teglath-pal-asar avait conquise et annexée à l’Assyrie. Ce prince, dont le règne paraît avoir été désastreux, est le dernier qui ait fixé sa résidence à Ellassar ; il était à peu près contemporain d’Erib-Marduk et de Marduk-pal-iddin II, rois de Babylone, qui ne sont guère connus que de nom, et qui paraissent avoir vécu en paix avec l’Assyrie. |
[1] Pour tout ce paragraphe, voyez le mémoire de Fr. Lenormant, La légende de Sémiramis.
[2] Plutôt que Ni ou Ninus Vetus sur l’Euphrate.
[3] V. Pognon, Journal asiatique, t. I de 1884.
[4] C. Boscaven, Transactions of the Society of Biblical archæology, t. IV, 1876, p. 347.
[5] Bien que nous ayons pris le parti d’être très sobre de notes, il est pourtant indispensable de faire remarquer ici que les historiens ont, en général, fait voyager les rois d’Assyrie beaucoup trop loin de leur capitale. Pour Teglath-pal-asar Ier, notamment, on l’a fait envahir la Cilicie, ravager les côtes de la Méditerranée et recevoir le tribut des Égyptiens. La principale cause de cette erreur, c’est qu’on a attribué à Teglath-pal-asar Ier une inscription mutilée connue sous le nom de monolithe brisé, dans laquelle se trouvent effectivement racontées des guerres en Phénicie et même de grandes pêches dans la Méditerranée. Mais cette inscription n’est pas de Teglath-pal-asar Ier, car il est impossible d’en faire cadrer le récit avec celui de la grande inscription des Annales de ce prince ; en outre, elle a été trouvée dans les ruines du palais de Koyoundjik : ce serait la seule inscription de Teglath-pal-asar Ier trouvée à Ninive. Le monolithe brisé est certainement du règne d’Assur-nazir-pal. Cf. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 50 ; W. Lotz, Die Inschriften Tiglathpileser’s, I, p. 196 ; Schrader, Die Keilinschriften und das alte Testament, 2e éd. 1883, p. 104.
[6] Gatteyrias, L’Arménie et les Arméniens, p. 10-11.
[7] Une autre inscription de Teglath-pal-asar dit que ce prince domina jusque sur les bords de la Méditerranée appelée tamdi rabiti Aharria la grande mer de Phénicie ; mais je ne crois pas qu’on puisse prendre à la lettre cette vague et hyperbolique détermination des limites occidentales de l’empire d’Assyrie à cette époque ; je doute de même, malgré le texte des inscriptions, que Teglath-pal-asar ait vu la mer Noire.