Testament et mort de Louis XIV. — Intrigues de l'Espagne et du duc d'Orléans. — Établissement de la régence. QUAND la mort, ravageant la famille de Louis XIV, n'eut plus laissé d'intermédiaire entre un dauphin de quatre ans et un roi presque octogénaire, tout se prépara pour les événements d'une régence inévitable. La tutelle du monarque orphelin était une proie que pouvaient disputer deux prétendants dont l'un occupait sans gloire le trône d'Espagne, et l'autre végétait à la cour de France dans la disgrâce et dans les voluptés. Mais Louis XIV, réduit à les craindre également, prévoyait dans les succès de Philippe V un nouvel embrasement de l'Europe, et dans ceux du duc d'Orléans le triomphe du vice et peut-être du crime. L'Europe épiait avec inquiétude la conduite de tous trois, tandis que la France, encore plus importunée de la durée d'un long règne que fatiguée de ses rigueurs, attendait tout changement comme une faveur du sort. Le temps a déchiré quelques-uns des voiles dont Louis XIV enveloppa le mystère de ses dernières volontés. Le vieux monarque hésita entre le désir d'enlever tout-à-fait la régence à son neveu, et la précaution de ne lui léguer qu'un titre sans pouvoir. Pour favoriser le premier dessein, on présenta au roi un vaste écrit où l'on établissait que-la disposition des régences ne se règle, en France, ni par les droits du sang, ni par la volonté des lois. On prouvait ensuite combien il serait in' sensé d'attendre des parlements une garantie certaine, et le mépris qui avait couvert le testament de Louis XIII était rappelé, avec amertume[1]. La seule mesure convenable, y disait-on au monarque, consiste à faire, dès à présent, nommer un régent par les États-généraux. JI est hors de doute qu'une telle assemblée, convoquée pour ce seul objet, opérera sans trouble, se séparera sans résistance et fixera sur la tête la plus agréable au roi une qualité au-dessus de toute atteinte ; le duc du Maine était évidemment le choix promis per ce mémoire à la tendresse de Louis XIV ; et le manuscrit conservé au dépôt des affaires étrangères peut faire soupçonner que le marquis de Torcy ne fut pas étranger à sa composition. Si pourtant on réservait au duc d'Orléans les honneurs. de la régence, quelle digne opposerait-on aux entreprises de cet esprit audacieux ? La crainte alla jusqu'à proposer d'ériger le conseil de régence en une sorte de cour nationale, où seraient admis un député de chaque parlement et un autre des états de chaque province, sénat puissant et éclairé où disparaîtraient à la fois le Régent et ses mauvais desseins. Le chevalier de Liliers, que le chancelier envoyait alors sonder sur ces différeras points l'opinion des cours étrangères, a laissé dans ses lettres des traces de ce projet extraordinaire. Une tradition sourde, mais dénuée de preuves, a quelque temps Maintenu, parmi les hommes initiés dans les affaires publiques, l'opinion que cet arrangement était la suite d'une promesse faite par Louis XIV au duc de Bourgogne mourant ; on ajoutait même que le chevalier de Liliers tenait en dépôt un testament, rédigé dans cet esprit, qui devait paraître sous les auspices du roi d'Espagne, nommé tuteur honoraire, dans le cas où le duc d'Orléans briserait le frein qu'on lui destinait[2]. Mais Louis XIV était arrivé à un âge où on ne s'arrête point à des projets aussi fermes. Guidé par le chancelier Voisins, il déposa au parlement de Paris le testament d'un légiste plutôt que Icelui d'un grand homme d'état[3]. Séparant la tutelle du roi de la régence du royaume, il donna la première avec le commandement de la maison militaire au duc du Maine son fils naturel, et la seconde à un conseil, formé de courtisans médiocres et de ministres odieux, gouvernant tout à la pluralité des voix, se renouvelant par ses propres choix, et n'ayant dans le duc d'Orléans qu'un chef fantastique sans force et sans action. Cet acte solennel où la justice des dispositions s'unit. à l'imprudence des mesures, retrace, comme en un tableau fidèle, la plupart des traits caractéristiques de Louis XIV octogénaire, l'anxiété d'une âme intègre et souffrante, l'imprévoyance d'un jugement faussé par l'habitude du pouvoir absolu, et' une sagesse de vieillard, faible minutieuse et peu propre à calculer l'énergie des passions qui sont déjà loin de lui. On creusa la pierre, on tripla les portes de fer pour persuader au public que des feuilles si bien gardées avaient quelque valeur. Le monarque, content de ces vaines apparences, retomba entre les mains des cabales, plus funestes à son repos que ne l'avaient jamais été Montespan, Guillaume et le prince Eugène. Voyons quels étaient, dans le même temps, les affections et les projets de la cour de Madrid. On est obligé, quand on parle de Philippe V, de rappeler qu'il avait du courage et de la probité, tant ce prince les rendait inutiles en soumettant toujours ses volontés aux passions de sa femme, et sa conscience aux subtilités des casuistes. Sans égard pour les renonciations qui avaient placé sur sa tête la couronne de Charles II, sang pitié pour ces peuples à peine échappés d'une guerre cruelle, on lui persuade que la régence des Français lui appartenait, et que le seul tempérament admissible était de la faire exercer en son nom par un substitut. En conséquence, il envoya le prince Cellamare ambassadeur à Paris, avec une instruction secrète qui accusera longtemps sa mémoire. Cellamare était chargé de demander à Torcy ou à Louis XIV lui-même le secret du testament ; de faire de vives observations si les droits du monarque espagnol y étaient méconnus, mais de l'approuver dans le cas contraire, à moins que le sujet nommé substitut, dit Philippe V, ne fût reconnu pour non affectionné et contraire à ma personne. De quelques paroles ambiguës que le roi d'Espagne cherche ensuite à s'envelopper, on y lit trop clairement que le duc d'Orléans est le substitut qu'a rejeté d'avance sa colère mal éteinte[4]. Si Louis XIV et son ministre refusaient de s'expliquer, l'ambassadeur devait pénétrer le mystère par les pratiques ordinaires de la diplomatie. Il lui était surtout ordonné de suivre avec soin les querelles de la bulle Unigenitus, et de former un parti pour l'Espagne ; et vous me rendrez compte, ajoute le roi, du nombre et de la qualité de ceux qui y entreront, et des circonstances et dépendances qui y auront rapport, tant dans Paris que dans les provinces. A cette instruction était joint un pouvoir particulier du roi qui autorise Cellamare à faire, au moment de la mort de Louis XIV, les protestations nécessaires pour arrêter et invalider lès résolutions contraires et faire connaître, dit-il, la ferme intention dans laquelle je suis de ne point souffrir qu'il me soit fait aucun préjudice, et de maintenir inviolablement mes droits royaux établis et fondés sur les lois de France, et qui ne me sont pas moins acquis par mon affection spéciale pour la nation[5]. Cellamare, arrivé à Paris, ne put rien découvrir du fameux testament. Il avait principalement compté sur l'appui de la maison de Condé, et les motifs d'une telle espérance ne sauraient être bien compris sans l'explication de quelques circonstances antérieures. Lorsque Louis XIV envoya son petit-fils en Espagne, il fit expédier[6] des lettres patentes qui lui conservaient la qualité de Français, ainsi que la faculté pour lui et ses descendants de succéder à la couronne de France. L'incertitude des événements excusait cette réserve, qui mécontenta les Espagnols, parce qu'elle semblait leur prêter un roi plutôt que le leur donner. Mais le sort des armes autorisa les ennemis à exiger de Philippe V une renonciation formelle aux droits de sa naissance. M. de Torcy raconte, dans ses Mémoires, qu'il combattit le vœu des alliés, en alléguant que les lois de la monarchie française ne permettaient pas un pareil acte ; mais il ne dit point s'il faisait cette objection sérieusement, et il paraît que ni les ministres étrangers ni lui-même ne la crurent fondée, puisqu'ils continuèrent de négocier sur la base de la renonciation. Philippe V s'empressa de déclarer[7], devant l'assemblée générale des cortès, qu'il renonçait à jamais, pour lui et ses descendants, à la couronne de France, et l'assemblée ratifia cette déclaration, et la promulgua comme loi fondamentale de la monarchie. Les alliés avaient désiré que de son côté Louis XIV la fit également consacrer par les états généraux ; mais l'antipathie du roi pour tout ce qui rappelait les libertés nationales, lui avait fait rejeter cette solennité : il adressa a.0 parlement des lettres patentes[8] qui confirmaient dans toute son étendue la renonciation de Philippe V, et révoquaient les précédentes lettres de 1701. Ces formes suffirent pour rassurer les alliés ; elles plaçaient le renoncement de Philippe V au rang des lois politiques qui constituent l'existence des états, et priment en tous points les lois. civiles, où l'on ne peut voir que des arrangements domestiques d'une nature inférieure, et particuliers à un seul peuple. En ne se décidant même que par les règles du droit privé, l'acceptation d'un trône étranger opérait dans le duc d'Anjou l'abdication du titre de Français et la perte de son aptitude à hériter. Louis XIV, aidé de toutes les lumières de son conseil, en était si convaincu, qu'il avait jugé indispensable de les lui réserver avant son départ par une loi spéciale. Or, en révoquant formellement cette loi par. les, nouvelles lettres patentes de 1713, il enlevait évidemment tout caractère national à son petit-fils, et encore mieux aux descendants de celui-ci, qui, nés hors du royaume, et sous une autre loi, ne devaient plus être que des Espagnols. C'est sur la foi de ces principes que la paix d'Utrecht fut enfin conclue, et que l'Europe put respirer. Mais au milieu de la sécurité générale une main furtive glissait déjà un germe de discorde. En France, la maison de Condé, issue d'un oncle de Henri IV, n'avait pas vu sans chagrin le frère de Louis XIV commencer devant elle une nouvelle maison d'Orléans. J'aurai dans la suite à signaler plus d'une fois les effets de leur rivalité. Au moment de la pacification d'Utrecht le chef de la maison de Condé était le duc de Bourbon, jeune homme de vingt-un ans dont l'intelligence n'avait rien de prématuré.. Mais tous ses intérêts reposaient entre les mains du marquis de Lassay, attaché à la duchesse douairière par un de ces liens qu'on appelait décemment un mariage de conscience, depuis. que l'exemple du roi et du dauphin en avait multiplié l'usage dans leur famille. Quoi qu'il en soit, le duc de Bourbon, qui avait assisté, le 15 mars 1713, à la séance du parlement, où les lettres patentes confirmatives de la renonciation de Philippe V furent enregistrées, signa, en rentrant dans son palais, un acte de protestation contraire. Cependant, loin de nuire au prince de Condé, la renonciation du roi d'Espagne le rapprochait du trône ; mais il ne voulait point d'un avantage que partageait la maison d'Orléans. Quoique ce trait d'une timide jalousie fût de nature à rester secret, il est probable que la maison de Condé s'en fit un mérite auprès de Philippe V ; mais Cellamare s'abusait en attribuant à quelque dessein bien arrêté cette mutinerie clandestine. A la vérité le duc de Bourbon, ou plutôt le marquis de Lassay, la duchesse du Maine, le comte de Toulouse, le duc de Noailles, le maréchal d'Estrées, le duc de Guiche, et quelques autres accablèrent d'abord cet ambassadeur des protestations de leur attachement pour Philippe V. Mais quand il fit l'ouverture du système de régence par substitut, ce plan équivoque et bizarre, qui blessait l'orgueil national sans contenter aucune ambition, fut couvert d'une risée générale. On se borna à promettre d'agir dans le cas où le nouveau roi suivrait de près son bisaïeul dans la tombe. Cette défaite de courtisans fut accompagnée de l'excellent conseil qu'ils donnèrent au roi d'Espagne de former chez lui un corps de déserteurs français, et de ne jamais entrer en France ni seul, ni avec des troupes étrangères[9]. Cependant s'il faut en croire le duc de Saint-Aignan, notre ambassadeur à Madrid, Philippe V avait alors résolu de s'approcher de la frontière, et de livrer à une régence le gouvernement de ses propres états, tandis qu'il irait lui-même en aventurier solliciter celle d'un état voisin[10]. Au reste, ces folles idées eurent l'issue qu'on devait leur souhaiter ; elles avortèrent, quand la mort eut fermé les yeux de Louis XIV. Cellamare ne protesta pas ; Philippe V ne marcha pas, et la timidité de l'ambassadeur fut approuvée par la timidité de son maître. Mais que faisait alors le rival, objet de tant d'intrigues ? Suspect au roi, fui des courtisans, abhorré du peuple dont la fureur le menaça plus d'une fois, accusé tour à tour d'avoir été un conspirateur en Espagne et un empoisonneur en France, n'opposant aux plus noires calomnies que des mœurs cyniques, une irréligion scandaleuse et des amis infâmes, le duc d'Orléans paraissait s'oublier lui-même dans de grossiers plaisirs et de frivoles études. Cette âme dégradée conservait néanmoins une partie saine, un ressort énergique : c'était l'honneur. Philippe en faisait profession ouverte ; il aimait souvent à se comparer à Henri IV, et la bravoure militaire n'avait pas de juge plus compétent ni plus implacable que lui. Cette exagération n'était pourtant pas fort sincère ; quand le péril s'éloignait, ce prince redevenait pusillanime, et l'on obtenait tout de lui par la menace. Il sentait sa faiblesse, il en rougissait, il s'en indignait ; il ne souffrait pas sans colère que ses plus chers amis parussent la soupçonner. L'exercice du pouvoir, la possession même d'un trône n'auraient pu séduire sa mollesse ; mais dès qu'on lui eut persuadé que l'exclusion de la régence rendait sou courage suspect, il sortit de son engourdissement. Poussé peut-être aussi par une de ces prédictions fantastiques qui n'exciteraient aujourd'hui que le dédain, il résolut de prévenir comme un affront ce qu'il eût souffert comme une injustice ; et laissant la palette des peintres et l'appareil des chimistes, il reprit tous ses avantages naturels. Une physionomie douce et ouverte, une familiarité noble, des manières pleines de grâces, une élocution facile, gaie et brillante, un coup d'œil d'une rapidité incomparable, et surtout une prodigalité de promesses que le plus pénétrant au rait crues sincères, étaient les armes avec lesquelles il allait, à l'âge de quarante ans, et presque seul, disputer à deux rois le gouvernement de la France[11]. Sa propre disgrâce fit ses premiers succès ; elle rallia autour de lui les jansénistes alors très-persécutés et par eux les, chefs du parlement. Quelques débris du quiétisme, quelques amis de Fénelon, qui haïssaient moins les vices du neveu que l'intolérance de l'oncle, grossirent ce parti. On tint des conférences fort secrètes, où la sagesse tranquille de d'Aguesseau et de Joly de Fleuri tempérait les bizarres emportements du duc de Saint-Simon, et du président de Maisons. Ce fut dans un de ces conciliabules que ce dernier proposa de tenir prêts des ouvriers et des soldats pour enlever le testament de Louis XIV au moment de sa mort. Mais ayant lui-même devancé de quelques jours le monarque dans la tombe, il n'eut pas les sceaux qui lui avaient été promis, et le spectacle d'un fou aussi impétueux décoré de la simarre du chef de la justice manqua aux singularités de ce siècle. Les courtisans les plus déliés sentirent bientôt les mouvements du duc d'Orléans. Ceux que l'affection du roi avait accoutumés aux faveurs furent saisis d'une si vive crainte de ne pas les conserver sous un nouveau règne, qu'ils n'hésitèrent pas à tromper leur bienfaiteur. L'avidité du duc de Noailles le poussa le premier à cette défection. II voulait être principal ministre ; on lui promit les finances, et il accepta provisoirement. Le duc de Guiche, son beau-frère, moins fier dans son ambition, vendit pour cinq cent mille francs sa foi et son régiment des gardes françaises ; Reynolds y joignit les gardes suisses ; le maréchal de Villars se livra pour la présidence du conseil de guerre. Plusieurs marchés de ce genre furent conclus directement ou par l'entremise des roués. Personne n'ignore que cette effroyable injure est le nom que le duc d'Orléans donna par plaisanterie à ses amis, que les plus aimables seigneurs acceptèrent avec orgueil, et que l'opinion publique leur attacha comme un jugement. Enfin, à cet encan, où se partageaient les dépouilles d'un roi vivant, parurent deux hommes qu'on n'y attendait pas, deux favoris sans mérite, chargés des bienfaits de Louis XIV, et honorés de sa plus tendre confiance. Ce furent le maréchal de Villeroi et le chancelier Voisins, qui dévoilèrent le secret du testament, et stipulèrent leurs intérêts. Soit pour s'étourdir lui-même, soit par un effet de sa légèreté naturelle, Villeroi conduisit cette bassesse avec une arrogance et une présomption qui imposèrent au duc d'Orléans ; en sorte que ce prince, quelque bien affermi qu'il fût dans son mépris pour tous les hommes, le laissa dicter la loi, et reçut avec l'humilité d'un protégé la fastueuse trahison du maréchal. Philippe savait aussi gagner par d'adroites insinuations ceux qu'il n'avait pas achetés. Ainsi aux princes du sang il promettait l'abaissement des légitimés, aux ducs et pairs la victoire dans leurs débats d'étiquette avec le parlement, au parlement le droit de remontrance, et le maniement des affaires ecclésiastiques, aux grands seigneurs l'établissement aristocratique de plusieurs conseils, où les gens de qualité remplaceraient tous ces hommes de robe et de plume à qui la jalousie de Louis XIV avait prostitué les emplois du gouvernement. Chose étrange ! la mauvaise réputation du séducteur augmentait ses moyens de séduire. Tous ceux à qui l'imprudente cabale de madame de Maintenon avait dépeint le duc d'Orléans comme le meurtrier des princes, n'en étaient que plus ardents à s'attacher à lui[12]. Soit respect pour une ambition aussi déterminée, soit espoir de récompense pour des services qu'on a rarement occasion de rendre, ils chérissaient dans la certitude de ses crimes passés le gage d'un dernier crime, et se hâtaient de faire un régent qui saurait bien se faire roi. La facilité avec laquelle ces diverses intrigues démontèrent pièce à pièce la cour de Louis XIV, et enlevèrent à ses bras mourants ses plus chers serviteurs, annonce le peu de confiance qu'inspiraient les princes légitimés, les seuls qui, durant la jeunesse du duc de Bourbon et du prince de Conti, auraient pu balancer la fortune du duc d'Orléans. En effet, ils dormaient avec sécurité sur les mines creusées par leur rival. Leur caractère et leur éducation expliquent ce prodige d'apathie ou d'incapacité. Les deux fils naturels de Louis XIV, élevés par une femme, dressés pour amuser un vieillard, étaient restés dans l'âge mûr des. enfants du sérail. Le duc du Maine surtout n'avait résisté à aucun des vices de cette destination servile ; comblé de dignités, il n'avait su mériter aucun respect ; tout-puissant par son crédit, il n'avait obligé personne ; enfin, il était affligé d'une maladie mortelle en France, même pour les vertus, il était sans courage. Son frère, le comte de Toulouse, n'avait puisé dans la même école qu'un goût invincible pour la vie commune et presque matérielle. Bon et sincère, sans vices et sans talents, il n'aspirait qu'à un bonheur obscur sur la route duquel on ne rencontre pas d'émules, et n'exigeait qu'une bienveillance oisive qu'aucun parti n'était tenté de lui refuser. Ainsi Philippe pouvait prévoir que pour lui disputer quelque chose dans la carrière où il entrait le duc du Maine manquerait toujours d'audace et son frère toujours de volonté. Cette connaissance parfaite de ses ennemis lui apprit. à se passer d'auxiliaires. En vain, Georges Ier lui fit alors offrir tous les secours d'argent, de vaisseaux et de soldats allemands qui lui seraient nécessaires pour conquérir la régence[13] ; il en accueillit la proposition avec une froideur qui ne laissa pas au comte de Stairs le courage de la renouveler. Ce ministre de Londres à Paris était un. Ecossais souple et insolent, à qui son maître avait donné le périlleux emploi de venir en France intimider Louis XIV[14], et qui composant sa politique de beaucoup d'esprit et de débauche, s'était facilement, avec de pareils titres, introduit au Palais-Royal. Il ne pardonna pas à un prince français d'avoir refusé la guerre civile, et son ressentiment se, cacha mal sous le masque d'une affection outrée. Dès ce moment Philippe, le plus pénétrant des hommes, ne cessa de se défier de sa secrète malveillance[15]. Cependant le dépérissement, que depuis une année on avait remarqué dans la personne du roi, se précipite avec des symptômes effrayants[16]. Les courtisans, debout jour et nuit, pâles et souriant, errent avec inquiétude entre le maître qu'ils craignent encore et celui en qui déjà ils espèrent. On les entend gémir, non de la maladie, mais de ses alternatives. Le duc d'Orléans, tour à tour assiégé ou abandonné par eux, pardonne à un embarras dont le secret lui est connu, et juge fort bien les changements de l'état du roi par ceux du Culte qu'on rend à Philippe. Pendant ces rudes exercices de l'ambition subalterne, Louis traitait Sa propre mort comme un acte de représentation royale[17]. Jamais il ne mit au jour plus de calme et de grandeur, plus de sagesse et de piété, et même avec son neveu plus de cette haute dissimulation, qui est souvent le premier besoin du trône. Enfin, il expira le 1er septembre 1715, à huit heures du matin. Aussitôt tous les grands du royaume entrent dans la chambre du duc d'Orléans, et le saluent du nom de Régent[18]. Une partie d'entre eux le presse d'en accepter le titre, de le notifier au parlement, et de saisir, sans autre formalité, les rênes du pouvoir[19]. Philippe sourit au zèle de ces nouveaux d'Epernons ; mais ayant peine à reconnaître dans la courtoisie de quelques habitués du château de Versailles le pavois du champ de Mars et le droit des guerriers de Clovis, il ordonne sagement de convoquer le parlement, et entraîne le cortège aux pieds de l'enfant Louis XV. Tout se prépare ou plutôt tout était prêt pour la séance du lendemain. Les gardes françaises et les gardes suisses environnent le palais. Villeroy, de Guiche, Contades, Reynolds et Saint-Hilaire dirigent en faveur du duc d'Orléans toutes les mesures que Louis XIV a prescrites contre lui. D'Aguesseau et Fleury ont composé les harangues. L'ambassadeur d'Angleterre étale dans une tribune l'apparence d'un crédit qu'il n'a pas. La grande salle et les vestibules sont inondés d'une foule d'officiers déguisés, de militaires réformés, et de ces aventuriers dont les grandes villes sont le rendez-vous. La plupart portent des armes cachées sous leurs habits, mais sans aucun dessein arrêté. Tous obéissent à cette curiosité française qui aime à saisir les événements dans leur source, à la vanité de jouer un rôle dans toutes les affaires, ou peut-être au plaisir puéril de figurer une scène de la Fronde. Le parlement, impatient de sentir sa liberté, s'était rassemblé dès la pointe du jour. Le duc d'Orléans ne connaissait dans ce grand corps qu'un seul ennemi, et c'était précisément l'homme le plus digne d'être sa créature. En effet, le premier président de Mesme, dissipateur et voluptueux, affectant l'esprit, les manières et le désordre d'un grand seigneur, appartenait bien mieux aux dissolutions de la régence qu'à l'austérité de la vieille cour. Mais ses collègues devaient peu considérer un magistrat aussi étranger aux habitudes du barreau, et devenu leur chef en jouant la comédie sur le théâtre de la duchesse du Maine. Ils n'oubliaient pas qu'il s'était fait peindre dans le costume de ses rôles, persuade sans doute qu'il serait moins méconnaissable avec la casaque d'un Dave que sous la toge parlementaire. Ayant donc à se décider entre les vices d'un prince et ceux d'un magistrat, ils donnèrent la préférence aux vices du plus puissant. Philippe put reconnaître, à son entrée dans la grand'chambre, tout l'ascendant de son parti. Le premier président lui-même fut obligé de le haranguer avec soumission. La cour m'a expressément ordonné, lui dit-il, de vous protester qu'elle ira au-devant de tout ce qui pourra vous prouver le profond respect qu'elle a pour vous. Le duc d'Orléans apportait tout ouverts les deux codicilles de Louis XIV, et pouvait y lire sa propre condamnation ; car le premier de ces actes avait prescrit que le jeune roi serait amené au Palais de Justice, et assisterait à l'ouverture du testament. Cependant l'infidèle d'Orléans se présentait seul, et personne n'osa ou ne voulut en faire la remarque. Cet encouragement donné à la révolte d'un premier sujet présageait assez l'issue de la séance. Quelque hardi et quelque favorisé que fût le duc d'Orléans, l'aspect de la cour des pairs et le silence qui s'y fit pour l'entendre, le déconcertèrent étrangement[20]. Il commença, dans un grand trouble, un discours très-artificieux. Il ne craignit pas de supposer dans la bouche du feu roi' des discours sans vraisemblance et sans témoins, bien sûr que personne n'oserait y opposer un démenti dont son épée eût fait justice. Il promit ensuite un gouvernement sage, économe, réparateur, et toujours éclairé par les remontrances du parlement, et à ces derniers mots tous les cœurs tressaillirent de joie. Aussi, quand il proposa de prononcer, séparément et en premier lieu, sur le droit que sa naissance et les lois du royaume lui donnaient à la régence, un empressement sans frein dépouilla l'assemblée de là gravité d'un corps délibérant. Le testament fut apporté ; un conseiller nommé Dreux le lut d'une voix basse et rapide, et personne ne daigna l'écouter. Les têtes bouillantes des enquêtes ne souffrirent même pas qu'on recueillît les voix dans la forme accoutumée, et une impétueuse acclamation nomma le duc d'Orléans régent en vertu de sa naissance et des lois, du royaume. Le nouveau régent attaqua aussitôt les autres dispositions de Louis XIV. Il improuva surtout avec raison celle qui lui ôtait le commandement de la maison militaire ; mais il passa toute mesure quand il dit que si celui qui avait donné au feu roi ce conseil pernicieux était connu il mériterait un châtiment exemplaire[21]. Cet emportement fut suivi d'une altercation triviale entre lui et le duc du Maine. Un reste de décence engagea ses deux princes à passer dans une chambre voisine consacrée au service des enquêtes, où un cercle de curieux les entoura. Le duc de La Force, esprit froid et rusé, aperçut le premier combien cette querelle compromettait le duc d'Orléans, et laissait au parlement le pouvoir d'en abuser. Il fit avertir le prince de sa mauvaise position[22]. Celui-ci rentra, et renvoya la continuation de la séance à l'après-midi. Retrempé dans un conseil de ses plus habiles confidents, il revint avec la pompe d'un régent et le visage riant d'un maître satisfait. Il développa son plan de régence, parla avec un saint respect de la mémoire du duc de Bourgogne, et, empruntant nue phrase du roman de Télémaque, il demanda à être libre pour faire le bien, et consentit à être lié pour ne point faire de mal. Il sollicita de nouveau les avis du parlement et promit d'admettre quelques-uns de ses membres dans le conseil de conscience et dans celui de l'intérieur. L'ivresse fut au comble ; on lui accorda tout ce qu'il voulut, le droit de former et de réformer à son gré le conseil de régence, d'établir des conseils particuliers, de conférer seul les emplois et les bénéfices, et de commander non-seulement la maison militaire, Mais la garde particulière du roi. On eût donné le trône, s'il l'eût demandé à un régent si bon parlementaire. Les applaudissements de la grand'chambre étaient répétés par une foule innombrable dans le palais et dans les rues voisines. Le duc du Maine, pâle et tremblant, se prosterna devant l'orage. Tous les efforts de son âme maligne et timorée allèrent à demander qu'on le déchargeât de la responsabilité pour la garde du roi. Très-volontiers, répondit le Régent avec hauteur. Ainsi fut détruit le testament de Louis XIV, avec moins de formalités qu'on n'en eût mis à dissoudre la ferme d'un arpent de terre, et ce dédain solennel de la cour des pairs outragea plus la mémoire du grand roi que n'eût fait la violence imaginée par le président de Maisons[23]. Il était juste que la séance ne se terminât pas sans quelque chose de ce burlesque qui devait se mêler à toutes les affairés graves de cette époque. Le duc de Saint-Simon, ne pouvant se contenir malgré la promesse qu'il en avait faite au Régent, éclata contre le président de Nouvion, à l'occasion de la misérable dispute du bonnet. La mine chétive et la prodigieuse colère de ce seigneur acariâtre délassèrent la cour des fatigues de la journée. S'il faut juger les principaux personnages qui figurèrent dans cette occasion mémorable, le duc d'Orléans fut troublé, inégal ; imprudent, et en tout au-dessous de lui-même. Le duc du Maine emporta la double honte d'avoir abandonné, sans résistance, ce qu'on voulut lui ôter, et gardé sans honneur ce qu'on daigna lui laisser. Le parlement, au lieu de ressaisir avec-noblesse un pouvoir douteux et de l'affermir avec habileté, ne montra qu'une cohue populaire et la joie immodérée de nouveaux affranchis. On vit pourtant avec surprise la paix publique sortir de ces éléments de discorde ; mais il faut avouer que l'empire de la raison et l'amour de la patrie y eurent moins de part qu'une certaine mollesse dans les aines dont le luxe et la servitude avaient détendu les ressorts. En quittant le Palais de Justice, le Régent se rendit à Versailles auprès du roi. Le peuple, parmi lequel des émissaires répétaient le mot magique de diminution d'impôt, couvrait tous les lieux de son passage, et retardait sa marelle par les bruyantes démonstrations de la joie publique : La faveur présente dé Philippe se grossissait du repentir des injustices qu'il avait souffertes. Il possédait l'avantage, assez précieux en France, d'avoir lassé la calomnie. L'amour de la nouveauté suffisait pour faire louer un prince sur lequel les satires étaient épuisées. Telle est cependant l'incertitude de nés principes, qu'on doute si le parlement avait produit un arrêt définitif ou un arrêté sujet à confirmation, parce qu'il avait été pris sur les bas sièges des chambres assemblées. Le duc d'Orléans, presque épouvanté de la promptitude de son élévation, voulut absolument la voir affermir par un lit de justice. Déjà tons Ceux qui devaient le composer étaient réunis au Palais dans la matinée du 7 septembre. Mais le roi essuya dans la nuit une telle indisposition, qu'on n'ose l'exposer aux regards de la capitale. En vain des jurisconsultes prétendirent que sa présence n'était point nécessaire à la validité d'un lit de justice, Philippe, encore plus alarmé, tint à sa première opinion[24]. Enfin cinq jours après put se déployer cet appareil redoutable de la puissance royale. Mais le législateur qui s'y montra était un enfant de cinq ans, pâle, débile et sérieux. Un gentilhomme le portait dans ses bras ; une femme assise à ses pieds veillait sur sa faiblesse ; et ces deux circonstances du premier acte de son autorité furent l'emblème de tout son règne. Le président de Mesme n'en compara pas moins, dans sa harangue, l'enfant valétudinaire à un dieu et le Régent à un ange. Joly de Fleury parla avec une éloquence un peu plus soutenable. Le chancelier Voisins prononça intrépidement l'arrêt qui cassait son propre ouvrage ; et chacun, emporté dans ces moments de crise par la chaleur de son ambition, se hâta de terminer cette vaine et pompeuse cérémonie[25]. |
[1] Lorsque ce testament, assez semblable à celui de Louis XIV, fut présenté au parlement, non sous une enveloppe mystérieuse, mais dans une déclaration publique, l'avocat-général Omer Talon ne manqua pas de l'appeler une inspiration du ciel, et de dire que la prévoyance du roi tenait du privilège des prophéties et de la certitude des oracles. Quelque mois après, le même harangueur en requit la cassation. Barillon, président des requêtes, poussa l'insolence jusqu'à demander qu'il fût biffé et arraché des registres. Le mémoire dont je parle, et qui forme un gros volume in-folio, s'autorise de ces faits pour dire : On sait par expérience combien le parchemin de ces messieurs est souple quand on ne touche pas à leurs gages.
[2] Après la mort du roi, le chevalier de Liliers, menacé chaque jour par des lettres anonymes d'être assassiné s'il ne produisait le testament dont on le croyait dépositaire, prit le parti d'écrire au Régent. Il désavoua le dépôt qu'on lui supposait, mais l'envoie au prince une copie des lettres qu'il avait adressées à Louis XIV pendant sa mission. Par une singularité assez remarquable, j'ai retrouvé les mêmes lettres dans les papiers du prince Cellamare, d'où l'on pourrait conjecturer que Louis XIV les avait communiquées lui-même à son petit-fils. J'ai rencontré ailleurs l'original d'une au tri lettre de Liliers, adressée de La Haye au chancelier Voisins, le 16 août 1714, et contenant un mémoire pour le roi, sur les sentiments des Hollandais à l'occasion de la mort de la reine Anne.
[3] Ce testament fut signé à Marly, le 2 août 1774, et déposé au parlement le 29. Le premier codicille, qui charge le maréchal de Villeroi de faire les dispositions militaires pour l'exécution du testament, est du 13 avril 1715. Le second codicille, qui nomme Fleury précepteur, et Tellier confesseur du jeune roi, est du 23 août suivant, huit jours avant la mort de Louis XIV.
[4] Comme j'ai résolu de rendre ma royale bienveillance au duc d'Orléans, je ne rappelle point les sujets qui ont rapport l'indignation que j'avais conçue contre lui précédemment, et mettant à part la considération du rétablissement de ce prince dans nos bonnes grâces, vous devez toujours, sans manquer au respect et à l'attention extérieure, le considérer comme ayant des prétentions à la tutelle et au gouvernement du royaume dans le temps de la minorité, et vous vous réglerez sur cette connaissance avec la circonspection et la dextérité convenables. Ce passage singulier, ainsi que les deux autres cités date le texte, sont traduits sur l'original de l'instruction signée par Philippe, le 9 mai 1715, quatre mois avant la mort de Louis XIV.
[5] Pouvoirs donnés à Cellamare, et signés par Philippe V le même jour que l'instruction.
[6] 3 février 1701.
[7] Octobre 1712.
[8] Enregistrées le 15 mars 1713.
[9] Lettres de Cellamare au cardinal del Giudice, du 15 juillet 1715, et au marquis de Grimaldo, du 2 septembre suivant.
[10] Lettres du duc de Saint-Aignan au marquis de Torcy, du sa août 1715. La régence d'Espagne devait être composée de la reine, du cardinal del Giudice, de l'archevêque de Tolède, du président de Castille, et de l'abbé Alberoni.
[11] Le duc d'Orléans avait la taille courte et pleine, la vue très-basse, les cheveux noirs et le teint allumé de la débauche. Il s'occupa de presque tous les arts, et toujours avec excès. Il composa la musique de l'opéra de Panthée, dont La Fare avait fait les paroles, et qui fut joué devant le roi ; la chimie et ensuite la peinture l'absorbèrent tout entier. La composition des pierres gravées et artificielles eut son tour ; et il finit par s'adonner à la fabrication des parfums qu'il aimait beaucoup, et dont il était constamment infecté. Saint-Simon nous a probablement expliqué la véritable cause de cette diversité de goûts et de travaux : Le Régent, dit-il, était né ennuyé, et si accoutumé à vivre hors de lui-même, qu'il lui était impossible d'y rentrer. (Mémoires historiques, p. 1542.) Un verre de vin suffisait, dès le commencement du repas, pour troubler la raison du duc d'Orléans ; et sa conversation devenait aussitôt d'une extrême licence. Cette seule faiblesse, presque toute organique, a décidé de la vie de ce prince, et a rendu inutiles ses grandes qualités ; car, la duchesse sa femme n'osant inviter personne à sa table, il chercha lui-même une existence obscure, et des sociétés sans pudeur.
[12] Mémoires du marquis de Lassay.
[13] Lettres de l'abbé Dubois ; récit de sa seconde entrevue à La Haye avec lord Stanhope, au mois de juillet 1716.
[14] Depuis que mylord Stairs est à Paris, nous sommes rarement sortis de nos conférences bien ensemble.... Les particularités que vous m'envoyez sur la famille de mylord Stairs promettaient toute la douceur que nous voyons dans le fruit d'un pareil arbre. (Lettres de Torcy à M. d'Herville, des 8 juillet et 19 août 1715.) Le père et l'aïeul de Stairs étaient, des avocats qui avaient rempli un rôle dans les guerres civiles. Pour lui, il avait, en jouant à l'âge de neuf ans, tué son frère d'un coup de pistolet. Son père, ne pouvant plus supporter sa vue, l'avait fait élever en Hollande.
[15] Instructions du Régent à l'abbé Dubois, du 20 juin 1716.
[16] Notre roi est raccourci avant sa mort de la valeur d'une tête... Il était changé de façon à n'avoir plus rien qui lui ressemblât. Fragments des lettres originales d'Élisabeth de Rapière, belle-sœur de Louis XIV.
[17] Le roi ne se crut réellement en danger qu'à la dernière extrémité. Le 22 août, il choisit encore des échantillons et commanda des habits neufs. Cependant depuis deux jours les médecins de la cour avaient donné le signal de détresse, et appelé à leur aide les médecins de la ville. — DANGEAU.
[18] Ledran, Régence d'Orléans, in-4°, manuscrit.
[19] Mémoires du duc de Chaulnes, manuscrit.
[20] Collection de Fontanieu.
[21] Collection de Fontanieu.
[22] Notes de Saint-Simon sur Dangeau. — Mémoires du duc de Chaulnes. — Mémoires du duc d'Antin, 9 vol. in-fol. manuscrits. Ce dernier ajoute qu'on introduisit dans cette chambre des enquêtes les capitaines des gardes, des gendarmes, et des chevau-légers, qu'ils déclarèrent, en présence des gens du roi, que par le droit de leurs charges, ils ne pouvaient recevoir d'ordres que du roi lui-même ou du Régent qui le représente.
[23] Voyez, pour les dispositions de détail, le procès-verbal imprimé de la séance du 2 septembre 1715. Cet événement fut annoncé au public, par la Gazette de France, en trois lignes, avec une insolente légèreté. En même temps on laissait couvrir les statues de Louis XIV d'inscriptions dérisoires, et insulter à son convoi par des farces grotesques. Son cœur, abandonné de ses indignes courtisans, était porté à l'église de Saint-Antoine par six jésuites entassés dans un carrosse.
[24] Mémoires du duc d'Antin.
[25] Voyez le procès-verbal imprimé du lit de justice, du 12 septembre 1715. Quelques écrivains ont dit, par erreur, que la duchesse de Ventadour y parla au nom du roi, et que c'était nu droit de sa place de gouvernante. Dangeau, narrateur exact des petites choses, et qui était présent, dit au contraire que le roi s'exprima avec beaucoup de grâce. Voici les paroles qu'il prononça après avoir ôté et remis son chapeau : Messieurs, je suis venu ici pour vous assurer de mon affection. M. le chancelier voue dire ma volonté.