HISTOIRE DE LOUIS XI

SON SIÈCLE, SES EXPLOITS COMME DAUPHIN - SES DIX ANS D'ADMINISTRATION EN DAUPHINÉ - SES CINQ ANS DE RÉSIDENCE EN BRABANT ET SON RÈGNE

TOME SECOND

 

CHAPITRE DIX-NEUVIÈME.

 

 

Louis XI vient à Lyon. — Bataille de Granson. — Le duc à Lausanne. Projet du roi René. — Louis à Notre-Dame-du-Puy. — Résultat politique de la défaite du duc. — Rupture des conférences de Noyon. — Campo-Basso offre de trahir le duc. — Affaire Montchenu. — Le duc de Nemours emprisonné. — René II va en Lorraine. — Traité de Lyon avec le roi René. — Le roi et son oncle visitent Lyon. — Lyon ancien et moderne. — Son existence politique et industrielle. — Ses quatre foires nouvelles. — Organisation de la fabrique de Lyon. — Soins administratifs du roi. — Préparatifs de guerre du roi et des Suisses. — Le duc va assiéger Morat.

 

Lorsque Louis XI vit l'inutilité de ses efforts de conciliation et la lutte s'engager, son premier soin fut de se rapprocher du théâtre des événements. Sa préoccupation était grande ; car du résultat de ce conflit dépendaient une foule d'intérêts politiques. Il pensait, il est vrai, au pèlerinage du Puy en Velay, mais combien d'autres motifs l'appelaient aussi vers le midi ? Son affaire avec le roi René demandait une solution ; il était peu satisfait de l'attitude d'Yolande de Savoie, sa sœur, et de la part que le duc de Milan et le prince d'Orange avaient prise dans la guerre qui s'allumait ; ensuite, ayant donné mission au sire Pierre de Bourbon, son gendre, d'aller assiéger le duc de Nemours dans Cariai et de le lui amener afin qu'il eût à rendre compte de la façon dont il avait tenu le serment si solennellement fait par lui au comte de Dammartin en décembre 1469, il voulait s'assurer de l'exécution de ses ordres. Il y avait guerre déclarée au vassal ; et pour cette raison une lettre du 31 janvier[1] montre que dès lors les biens du duc furent mis en séquestre sous la main du roi. Il restait à décider sur certaines prétentions du cardinal de la Rovère, légat d'Avignon, touchant le cours du-Rhône, et contre le ressort du parlement de Toulouse. Enfin il désirait observer par lui-même si la ville de Lyon, dont il eût voulu faire la première ville commerciale de France, profitait de ses concessions. Il y vint donc. Parti de Touraine vers le 19 février, il s'achemina par le Berry, le Bourbonnais et l'Auvergne. Malgré sa sympathie pour les Suisses et son espoir en leur succès, il était décidé, sans contredit, à observer fidèlement la trêve, puisqu'il n'avait point d'armée sous la main. Mais les événements allaient promptement modifier bien des calculs.

Sur la route de Granson à Neufchâtel le duc s'était assuré du château de Vaux-Marcus ou Vaux-Marcou, et il avait confié ce poste avancé à cent archers sous les ordres du sire de Rosimbos. Généralement on accorde à Charles de Bourgogne une certaine habileté comme chef d'armée ; mais en cette campagne téméraire où il avait contre lui l'âpreté des lieux et de la saison, la colère et la présomption paralysèrent tous ses moyens. Au lieu de risquer en effet un engagement dans des lieux montagneux et difficiles où sa cavalerie ne pouvait se mouvoir, il aurait dû, ce semble, attirer les Suisses dans la plaine ou vers son camp. Tel était l'avis d'Antoine, grand bâtard de Bourgogne. Le duc ne le voulut jamais écouter. Il persistait à ne voir en ces hommes, qui cependant avaient si bien su mourir, que des brigands qui fuiraient à son approche, oubliant ainsi la journée d'Héricourt et les avertissements du roi. Défense donc ayant été faite au sire de Rosimbos de se replier, le 2 mars l'armée dut s'avancer le long du lac, en bon ordre de marche.

L'avant-garde des Suisses était aussi le 1er mars tout près de Vaux-Marcus. Le 2 mars au matin elle passe à droite du château, rencontre Rosimbos qu'elle a bientôt mis en déroute ; puis, un peu plus loin, aperçoit l'armée bourguignonne qui chemine en bas dans la route. Sitôt que l'avoyer Scharnachtal sut son avant-garde engagée il hâta le pas pour la rejoindre. Il se trouvait alors en face de l'avant-garde des Bourguignons. En ce lieu, sur le bord du lac, est une petite plaine où s'élevait la chartreuse de la Lance. Il y descend d'un pas ferme avec les siens. Sur la pente, et presque en bas du coteau, ils s'arrêtent. Là, suivant l'antique usage de 'leurs pères, on aime à voir ces vaillants défenseurs de leurs foyers se découvrir humblement, mettre le genou en terre avant le combat, et adresser leur prière au Dieu des armées.

Dès que de part et d'autre on se vit en présence, on fut également décidé à combattre. Les Suisses marchèrent sous les ordres de Scharnachtal en bataillons épais, comme la phalange macédonienne, bannières au vent, et se faisant un rempart de leurs hallebardes. Leur corps de bataille était flanqué de troupes armées à la légère, qui ôtaient tout espoir de le tourner. D'autre part, là combattirent à la tête de l'élite des hommes d'armes le duc Charles et le sire de Château-Guyon. Tous leurs efforts pour rompre ces solides bataillons furent inutiles ; ils perdirent leurs plus braves combattants, et le sire de Château-Guyon lui-même tomba frappé de la main du Bernois Hanns in der Grub. Le duc avec ses cavaliers en désordre fut obligé de se replier sur le gros de son armée, espérant du moins une revanche.

Cependant l'armée suisse avait continué sa marche sur les hauteurs : elle aussi descendit bientôt en bon ordre à grands pas et en poussant des cris de vengeance qui devaient éveiller dans l'âme altière du duc le souvenir de son récent forfait. Les Bourguignons, déjà émus de la défaite du premier corps et de la fuite de cette belle cavalerie, étaient mal disposés à soutenir le choc de cette double attaque. Dans ce moment critique, réduits à cet étroit espace où ils ne pouvaient faire la moindre évolution, ils hésitèrent d'abord ; puis, malgré tous les efforts du duc pour soutenir leur courage, la terreur eut bientôt gagné tous les esprits et le désordre tous les rangs. Les Italiens donnèrent le signal et l'exemple de la fuite. En un moment on ne vit que gens qui couraient en tous sens ; ce fut un sauve qui peut général. Le duc lui-même avec cinq des siens courut six grandes heures jusqu'à Jougne ou Joigne, à seize lieues de là.

Les Suisses avaient peu de cavalerie pour poursuivre les fuyards : ils étaient eux-mêmes harassé et le jour finissait. Il périt donc peu de monde dans la fuite. On estime à mille hommes seulement la perte des Bourguignons ; mais les. Suisses s'emparèrent du camp, où il semblait que toutes les richesses et les magnificences de la Bourgogne eussent été réunies. On eût dit que tout ce luxe, qui devait rehausser le duc aux yeux des peuples, ne fût là que pour aggraver sa défaite. De tant d'objets précieux tombés entre leurs mains, ils ne connaissaient nullement la valeur. On s'étonne peu qu'ils prissent la vaisselle d'argent pour de l'étain, et que le gros diamant du duc, à peine ramassé par un arbalétrier, ait été donné à un prêtre pour tin florin, lequel, aussi ignorant du prix réel, le revendit trois livres tournois : Quand ils connaîtront mieux la valeur fictive de l'or et du diamant ils sauront moins aussi apprécier les vrais biens ! Alors ils estimèrent à plus haut prix les provisions de guerre, la poudre, les coulevrines ou bombardes, les pièces d'artillerie de main qu'ils prirent par centaines, les-étendards des princes et seigneurs dont ils ornèrent les églises de toutes leurs villes. « Le trésor du duc fut pris aussi et fidèlement distribué entre tous les alliés[2], » comme on faisait dans les temps primitifs.

Le soir même, avant de prendre aucun repos, l'avoyer de Scharnachtal, le héros de la lectines, arma chevalier les principaux chefs des alliés et tells de ses compagnons qui s'étaient le plus distingués par leur bravoure, particulièrement Hermann de Mullinen, odes troupes légères. Dès le lendemain les Suisses marchait sur Granson. L'aspect de leurs compatriotes, encore pendus aux arbres d'alentour, les saisit d'horreur. Une cruauté en appelle une autre. Ils s'emparent de la forteresse, se saisissent des Bourguignons qu'ils y trouvent, et, funestes représailles ! ils les jettent du haut des tours, ou les noient, ou les pendent aux arbres à la place de leurs frères d'armes. Quelques-uns cependant furent épargnés. Quant aux compagnons de Rosimbos, ils sortirent de leur fort de Vaux-Marcus en pleine nuit, traversèrent les postes ennemis à la faveur des ténèbres, franchirent les montagnes et se frayèrent ainsi un passage jusqu'à Salins.

Le duc ne s'était pas arrêté longtemps à Jougne. Après quelques heures de repos il avait continué sa course avec son peu de monde jusque dans les terres du prince d'Orange à Nozeroy, en deçà des montagnes, où il arriva le 4 mars. Il était triste, fort humilié, mais surtout furieux et le cœur plein de projets de vengeance. Aussi ne s'arrêta-t-il que quatre jours, et au bout de ce temps il passa de nouveau les montagnes, ramassa à Orbe les premiers débris de son armée et cinq jours après, le 12 mars, il avait établi son camp à Lausanne. De là il rassemble ses gens dispersés. La perte d'hommes n'avait pas été considérable, il est vrai, mais une déroute produit un effet moral qui n'est pas si vite réparé par le nombre. On le voit écrire activement aux lieutenants de ses provinces, leur demander des envois d'hommes et d'argent, donner ordre de transformer les cloches en canons, tout faire enfin pour recomposer son armée et se munir de provisions de guerre. Par lettres datées de Lausanne, 12 mars, et courant d'avril, il mande aux officiers de ses principales villes de saisir les déserteurs de son armée, s'ils en trouvent, et de les mettre à mort sur-le-champ, sans autre avis ; sous la même peine il ordonne à tous ses gens, arbalétriers, archers, couleuvriniers et piquiers, de venir à son camp sans nul délai. Ainsi, c'est toujours par des menaces de mort qu'il impose l'obéissance ; à ses yeux la terreur supplée au sentiment du devoir et de l'honneur.

Tant de colères contenues et d'emportements finirent par altérer sa santé : il avait des intermittences de fureur et de noire mélancolie. Les soins de son médecin, Angelo Catho, et un régime tonique le rétablirent bientôt. La duchesse de Savoie vint à Lausanne lui offrir les consolations d'une amitié un peu intéressée, il est vrai, mais les seules que son cœur sec et froid lui eussent laissées. Loin de l'abandonner, comme le dit par erreur le sire de Comines, elle l'assura de son bon vouloir et le combla d'attentions délicates. Le duc reprenait peu à peu sa vie accoutumée. Son armée se reformait ; il recevait de bonnes troupes de Hollande et d'Angleterre ; le pape ne lui était pas indifférent, et le 6 avril l'empereur lui envoyait ses députés pour lui prouver ses sympathies un peu stériles et tout aussi intéressées que 'celles de la duchesse de Savoie ; puis, du 7 au 14 avril, il célébra les fêtes de Pâques.

Les Suisses, de leur côté, regardaient la campagne comme terminée. Leur but était atteint et l'ennemi repoussé. Les cultures du printemps, les herbages des montagnes, et surtout leurs familles les rappelaient en leurs foyers. Ils se dispersèrent donc. « Au revoir, disaient-ils en se quittant ; au revoir quand besoin sera ! » Et ils s'en allaient recevoir les félicitations de leurs concitoyens. Toutefois les gens de Berne et de Fribourg n'étaient point aussi rassurés, et à la vue de cette armée nouvelle, dont ils suivaient de l'œil les accroissements, ils se fortifiaient et s'armaient encore mieux.

A son arrivée à Lyon le roi apprit la victoire des Suisses. Cet événement allait faciliter la solution de bien des questions politiques. Celle de la maison d'Anjou était du nombre et des plus délicates. Tout avait été éclairci avec Charles II, comte du Maine. Restait le roi René. Ce prince, bon mais faible, oubliait donc toutes les humiliations reçues par lui et sa famille, de la maison de Bourgogne, pour favoriser l'ambitieuse avidité de Charles le Téméraire ! La récente invasion de la Lorraine au préjudice de son petit-fils ne l'avait pas plus ému que les malheurs de Marguerite d'Anjou. Ainsi, pendant que cette princesse léguait au roi par gratitude tous ses droits et créances, René, son père, songe à donner le comté de Provence à Charles de Bourgogne, l'auteur de tous ses maux ! Telle était cependant la vérité ; et par la mort du sire de Château-Guyon, on put mettre sous les yeux de Louis XI une pièce qui attestait clairement le projet de livrer la Provence au duc.

Ce dessein avait même reçu un commencement d'exécution ; car le fils du prince d'Orange, Hugues d'Orbe, était passé en Piémont avec 20.000 écus pour y lever des troupes, et devait, avec ces forces, prendre possession de la Provence pour le duc de Bourgogne. Le bruit de la déroute de Granson fut comme un coup de foudre. A cette nouvelle les officiers provençaux et bourguignons cessèrent leurs enrôlements et se sauvèrent en toute hâte ; pas assez vite toutefois pour que quelques-uns ne fussent pris.

L'année précédente, comme on sait, le roi avait mis la main sur les terres de son oncle en Anjou et en Barrois ; dans ce der-. nier duché le sire de Craon venait récemment de loger ses gens à Saint-Michel ; ce dont le vieux roi avait été vivement froissé. Mais les griefs de Louis XI touchaient au fond de sa politique générale. Il y avait eu et il y avait peut-être encore conspiration contre lui. Le 4 mars il en écrit au parlement : « Il serait fâché, y est-il dit, de trouver le roi de Sicile, son oncle, aussi coupable qu'on le disait ; il l'avait toujours aimé, et désirait continuer : cependant l'intérêt de l'État l'emporte sur toute autre considération. En conséquence il veut et ordonne que la cour voie et connaisse ce qui raisonnablement est à faire pour la sûreté publique et qu'elle lui envoie sa délibération signée du greffier. »

Le parlement répondit bientôt. « Après mûre délibération, dit cette réponse, la cour estime qu'on peut en bonne justice procéder contre le roi de Sicile par prise de corps. Mais qu'ayant égard à sa parenté avec le roi, à son grand âge et à d'autres considérations, puisque le roi ne voulait pas qu'il fût procédé par prise de corps, il devait être ajourné à comparaître devant le roi, ou devant ceux qui seraient à ce commis par lui en sa cour suffisamment garnie, sous peine de bannissement du royaume, et de confiscation de corps et de biens, comme convaincu des crimes à lui imposés. »

A la nouvelle de ces événements le roi René sentit sa situation : mieux inspiré qu'auparavant il cherche à calmer le juste mécontentement de Louis XIA lui envoie donc Charles, comte du Maine, son neveu aussi, avec des paroles humbles et soumises. « S'il a rendu quelques services à la maison de France, il sait que Louis a beaucoup fait pour la maison d'Anjou ; il aime à lui en renouveler toute sa reconnaissance. Il y a eu dans le passé plus de malentendu que de mauvais vouloir. Occupé de littérature, de beaux-arts et de poésie, peut-être a-t-il un peu délaissé ses possessions de Bar et d'Anjou ; il ne s'est réellement immiscé dans aucune intrigue politique. On a pu à son insu abuser de son nom ; mais, en résumé, on l'a impliqué dans bien des affaires où il n'était pour rien : et, certes, il a été le premier trompé. » Le jeune comte s'acquitta fort bien de son message, Il pria le roi d'ordonner mainlevée sur l'Anjou et sur le Barrois ; chose facile à lui, puisqu'il était absolument maître de ces provinces ; et lui demanda d'avoir pour agréable que son oncle l'eût institué, lui Charles du Maine, héritier de la Provence et de quelques autres acquêts hors de France, le roi René ne rayant fait qu'à la requête et sous le bon plaisir de sa majesté, manifesté à Senlis. Par suite de ces pourparlers l'intervention du parlement cessa d'être invoquée, et la voie fut ouverte à un arrangement à l'amiable, qui ne pouvait que plaire au roi.

Louis inaugurait souvent l'année par un acte de dévotion. Pâques était proche : il partit donc, peu de jours après son arrivée à Lyon, pour son pèlerinage projeté du Puy. Notre-Dame-du-Puy en Velay était depuis longtemps en possession de la faveur royale. Charles VII y avait fait élever l'église angélique, et son règne, d'abord si malheureux, avait mieux fini. Louis XI, dès son avènement et sous l'épiscopat de Jean de Bourbon, successeur de Ode, abbé de Cluny, envoya par ses officiers à- la ville du Puy des immunités, à l'église des vœux et des offrandes : en 1468, après Péronne, il ordonna qu'on y fît une procession solennelle d'actions de grâce. Enfin en 1469 le roi, en vue d'obtenir un héritier de sa race, avait mandé à l'évêque de faire sortir en grande pompe la statue miraculeuse de la Vierge ; ce qui fut fait à la fête de la dédicace, en présence du duc de Bourbon, des vicomtes de Polignac et d'Allègre, et d'un grand nombre de seigneurs des provinces voisines. Or, le 30 juin 1470, la reine avait eu un fils. Aussi vint-elle ensuite elle-même, avec la duchesse de Bourbon et les comtesses de Montpensier et de Vendôme, visiter le saint sanctuaire.

Le jeudi 7 mars le roi arriva pour coucher aux hôtelleries. Informé de son approche, a le chapitre, en l'absence de l'évêque, « lui députa le doyen Jacques de Ceissac, Oudin, abbé de Saint-Vosi, et le chanoine Pierre de Neuville. » Le roi avait pour grand chambellan Charles de Lafayette, qui avait épousé Isabelle de Polignac, de la plus illustre maison de cette contrée. Lafayette introduisit les députés ; ils présentèrent respectueusement les clefs du cloître et des rocs, et l'abbé de Saint-Vosi fit une harangue de bienvenue. « Le roi les écouta la tête découverte, les fit relever d'un geste bienveillant, et leur dit que s'ils souhaitaient quelque chose[3] ils lui en donnassent un mémoire ; et qu'il ferait toujours ce qui serait en son pouvoir pour la révérence de la glorieuse Vierge Marie, leur patronne et la sienne. » Il leur prescrivit de s'en retourner ; de l'attendre à la porte de la cathédrale, où il ne voulait paraître qu'en pèlerin, et à la place des honneurs qu'il n'était point venu chercher, il les pria de chanter le Salve Regina. Il voulut faire à pied le trajet de trois lieues et demie qui le séparait du Puy, où il n'arriva que vers les quatre heures. « Sous le portique Saint-Jean le doyen le revêtit d'un surplis et d'une chape canonicale ; il demanda dispense du vœu qu'il avait fait d'entrer nu-pieds dans l'église. » Il était fatigué ; après une courte oraison il mit une bourse de trois cents écus d'or sur l'autel angélique et se retira. « Le lendemain, qui était un samedi, il en offrit trente-un à chacune des trois messes qu'il entendit, ce qu'il continua les jours suivants. » A la messe de congé il remit aux sacristains un petit vase de cristal richement bordé de pierreries, qu'il les chargea « de faire marquer de son nom et d'employer à la custode du Saint-Sacrement dans les grandes fêtes ».

Alors le roi fit rendre au chapitre six cents grosses réales, qu'il se souvenait de lui avoir empruntées lors des disgrâces de sa jeunesse. Enfin il confirma et augmenta les immunités de cette cathédrale ; les autres églises et l'hospice eurent part à sa munificence, et « il n'y eut ni couvent ni famille pauvre qui ne se ressentit de ses aumônes ». Le roi retourna donc à Lyon, non sans promettre de revenir, laissant tout le monde pénétré de sa grande piété et de sa sincère dévotion qui n'ont été soupçonnées que par ses adversaires, lesquels étaient bien autrement dissimulés que lui.

Cependant l'affaire de Granson allait montrer au duc Charles ce qu'étaient ces alliances dont il se glorifiait tant autrefois. Dès qu'on sut sa défaite, ce fut à qui l'abandonnerait. Le duc de Milan, qui avait tout reçu du roi et montré tant d'ingratitude envers lui, se fit remarquer par son empressement. Il envoya un exprès à Louis XI, lui offrant 100.000 ducats comptant, s'il voulait s'obliger à ne faire ni paix ni trêve avec le duc de Bourgogne, et cela lorsqu'il n'y avait que trois semaines que Marie Galéas avait envoyé en sens contraire une députation à Charles[4] ! « Dites à votre maître, répondit le roi, que je ne veux point de son argent ; qu'au regard de la paix ou de la guerre, j'en ferai à mon vouloir. S'il se repent d'avoir laissé mon alliance, je suis content de retourner comme nous étions ; » et le 9 août de l'année 1476 le traité fut renouvelé. Mais le roi devait savoir à quoi s'en tenir sur sa loyauté, et il s'y connaissait. Vint ensuite un messager de Madame Yolande de Savoie : tout en se faisant bourguignonne, elle jugeait prudent de ne pas trop indisposer son frère. L'envoyé s'adressa d'abord au sire de Comines pour obtenir un nouveau traité. Louis XI le reçut bien, et sans rien reprocher du passé, dit Comines, il « luy feit faire par moy toutes bonnes réponses ».

Bien que le duc de Bretagne eût aussi son traité et sa trêve marchande, il ne fut pas le moins étonné ni le moins inquiet de cette défaite inattendue de son allié. Il comptait même si bien sur un résultat contraire, qu'en dépit des engagements qu'il avait formellement pris à Senlis le 9 octobre de n'avoir, au dehors surtout, nulles relations contraires aux intérêts du roi, « il ne se faisait pas faute de faire alors même des démarches pour renouveler avec Édouard leur traité de 1467[5] ». Tentative superflue. Alors François II n'hésita pas à envoyer au roi une ambassade comme témoignage de sa fidélité. Le chancelier. Chauvin en fut le chef. Son objet était de presser le roi de jurer la paix faite à Senlis et de donner ses scellés, comme il l'avait promis. Toute la difficulté était sur la forme du serment. Mais ce que le roi voulait surtout, c'est que le traité reçût l'approbation explicite des états de Bretagne. Il fallut une ambassade nouvelle. Les villes impériales d'Allemagne n'hésitèrent pas à se prononcer davantage contre le duc. Mais pour Louis XI il continue simplement d'observer la paix de Soleure. Telle était sa volonté bien arrêtée : et il est à remarquer que ni là ni plus tard il n'accabla le malheur.

Enfin les Suisses eux-mêmes envoyèrent à Lyon une députation ; Adrien de Bubemberg, leur ancien avoyer, la conduisait. Ils voulaient représenter au roi les avantages de la circonstance ; raviver, s'il était possible, ses anciens ressentiments ; Charles lui avait tant de fois manqué de parole ! et, s'il se pouvait, le décider à se déclarer contre les Bourguignons. Louis les félicita de leur victoire, les loua de leur bravoure, et ne dissimula point l'intérêt qu'il leur portait ; car à ses yeux leur cause était juste. Mais il était engagé par la trêve, et était résolu à tenir parole. D'ailleurs il ne doutait pas qu'ils ne se défendissent encore avec succès si on les attaquait de nouveau. Est-ce qu'un peuple qui veut être libre ne surmonte pas tous les obstacles ? A ces sages paroles il ajouta quelques présents, et ils se retirèrent, sinon satisfaits, du moins en repos sur les intentions du roi.

Dans ses premiers instants de troubles le duc n'avait pas été sans inquiétudes sur ce qu'il adviendrait si Louis XI, moins fidèle à la trêve, cherchait quelque prétexte de la rompre -à ce moment. Il expédia donc à Lyon le sire de Contay, pour s'excuser auprès du roi de ne s'être point rendu à l'entrevue d'Auxerre malgré l'invitation qui lui en avait été faite ; il promettait d'y aller sous peu, si le roi le désirait, humble démarche qui certes était bien contraire à ses habitudes. Louis XI, sans faire la moindre allusion à la fâcheuse situation où le duc était réduit, répondit gracieusement, et promit de garder scrupuleusement la trêve. La soumission apparente du duc ne dépassait pas cependant le rayon de ses revers, car en ce moment le roi se préoccupait de la conférence qui devait se tenir à Noyon ; après avoir été incessamment remise, on arrêta enfin qu'elle aurait lieu le 15 mars. A cet effet le roi avait nommé commissaires le chancelier Doriole ; le sire de Gaucourt, son lieutenant à Paris ; Guy Pot, bailli de Vermandois ; Guillaume' Compain, doyen du chapitre d'Orléans ; Guillaume Paris, son conseiller, et Ythier de Puy-Giraud, un de ses secrétaires. Ils devaient travailler avec les députés de Bourgogne à pacifier les différends. Ayant reçu leurs instructions, ils se trouvèrent à Noyon le jour dit. Mais alors les députés bourguignons ne jugèrent pas les pouvoirs de ceux de France suffisants, parce qu'il n'y était question ni d'Alphonse de Portugal, ni des rois de Castille et d'Aragon, alliés du duc, et pour d'autres raisons encore. Puis ils se plaignirent de l'impôt mis par le roi sur le vin qui sortait de France, comme d'une contravention à la trêve. Ces obstacles étaient de pures chicanes : le chancelier 'donna sur tous les points en litige de longues explications ; mais rien ne se put terminer. Le roi vit bien qu'on tenait à suivre la voie tracée dans un écrit du duc du 26 septembre précédent et que l'on gardait par devers soi la pensée de rompre la trêve à la première occasion. Mais tandis que celui-ci ne rêvait qu'attaque et provocation contre le roi' il entretenait tout près de lui un ennemi caché bien autrement dangereux.

Parmi les plus intimes confidents de Charles de Bourgogne on citait surtout Nicolas de Montfort, comte de Campo-Basso, son chambellan. Ce seigneur, parent par alliance de la maison de Bretagne, avait quitté le service de la maison d'Anjou pour celui de la cour de Bourgogne. Par son adresse à flatter les penchants de son maître il s'était bientôt emparé de sa confiance. De tels hommes sont aussi dangereux à leurs amis dans la prospérité, où ils les corrompent, que dans l'adversité, où ils les trahissent. Campo-Basso crut voir dans le service 'du roi un avenir meilleur ; il caressait cette pensée et n'attendait qu'une occasion favorable à ses desseins. La défaite du duc lui en servit. Sous le prétexte de quelque vœu, il se dérobe à l'armée de Bourgogne, passe à Lyon, où il confie ses secrets désirs au médecin Simon de Pavie, son compatriote, ensuite à Saint-Pry, ambassadeur pour le roi en Piémont, et poursuit sa route en Bretagne. Louis XI est bientôt informé de tout ; sur la renommée qu'il avait d'un habile homme de guerre, le roi pense à se l'attacher. Il écrit donc à Dunois II, comte de Tancarville, alors son ambassadeur auprès de François II, de le sonder adroitement et de lui rendre compte sans délai de ses démarches. Dès la première ouverture, le perfide Italien montra tout son mécontentement. Suivant les uns, il cherchait à se venger d'un soufflet que le duc lui aurait donné dans un moment de colère ; d'autres croient que son dépit venait de ce que sa compagnie avait été fort diminuée dans une récente organisation. Quoi qu'il en soit, Campo-Basso se permit d'affreux propos contre le duc son maitre, et alla même jusqu'à promettre de le livrer ou de le tuer, assurant qu'il pouvait également faire l'un, alors que le duc, monté sur son petit cheval, chevauchait à la reconnaissance de son armée selon sa coutume ; et l'autre, par le poison[6]. Autant que Dunois, Louis XI eut horreur d'une pareille proposition, à laquelle la générosité du sang de France ne lui eût permis de consentir, même pour acquérir la monarchie de l'univers ; non-seulement il la repoussa, mais il résolut d'en avertir le duc. « Le roy, dit Comines, eut la mauvaiseté de cet homme en grand mépris. » Selon un historien, « l'insistance extraordinaire que Campo-Basso mettait dans l'offre de tuer son maitre[7] devint suspecte au roi et il en avertit le duc ».

Nul doute sur ce point : Louis XI fit savoir à Charles de Bourgogne les propositions de Campo-Basso par le sire de Contay, son plus fidèle conseiller, et cela quand tous les jours on saisissait certains émissaires bourguignons entrés en France pour attenter à la vie du roi. Alors même ne découvrait-on pas les démarches tentées par un nommé Jean Lebon pour empoisonner le dauphin ? Ce misérable confessa, dit-on, que pour l'exécution de cet horrible projet, il avait reçu de l'argent du duc Charles. Lebon ayant été condamné par le parlement, Louis XI lui donna l'option de vivre aveugle ou de mourir[8] ; il préféra vivre, et le roi continua de payer à sa femme une pension qu'il lui faisait.

Le roi n'en fit pas moins sa révélation, comme s'il ignorait tout cela. « Il imita Fabricius quand celui-ci renvoya à Pyrrhus le traître qui s'était offert à l'empoisonner[9]. Le duc méprisa cet avis, ne pouvant prendre créance de l'intention de celui qui le donnait. » Et cependant le fait était fort croyable ; la conduite antérieure du comte italien venait à l'appui Tout en faisant la guerre à René, le successeur de ses anciens maîtres, ne lui avait-il pas secrètement offert[10] de trahir son nouveau ? Son seul manque de foi envers la garnison de Briey le montrait capable de toute perfidie. Si le duc avait eu un peu de la prudence du roi et un peu aussi de son esprit de discernement, il n'aurait pas été si longtemps la dupe d'un intrigant. Tout autre que Charles aurait été reconnaissant de cette révélation ; mais que peuvent les meilleurs avis sur les esprits prévenus ! Charles ne crut pas plus à ce second avertissement qu'au premier. Il lui semblait qu'on voulait le priver d'un bon serviteur, aussi bien qu'en le dissuadant de faire la guerre aux Suisses on portait envie à sa gloire. Pour en marquer plus ouvertement son dédain il témoigna une plus grande estime à ce perfide courtisan. Ne nous étonnons point que le duc n'ait pas eu foi en ces conseils ; combien d'esprits éclairés partagent encore de nos jours ses préjugés !

Pendant ce temps le roi mettait l'ordre et la paix partout autour de lui. Les lois imparfaites de ce temps suscitaient souvent autant de désunion dans les familles que la mauvaise foi, et les plus grandes maisons, telles que celle du seigneur du Bouchage, en donnaient alors l'exemple. Le sire Falque de Montchenu était devenu légataire des biens de Guillaume de Rossillon, seigneur du Bouchage, mort en prison avant son jugement. Le sire Humbert de Bastarnay, par diverses pratiques et aussi par suite de l'attachement que lui témoignait Louis alors dauphin, avait épousé Georgette, fille aînée de Falque ; il avait fini par s'emparer de tous les biens du sire de Montchenu ; tout cela presque malgré la fille et le beau-père. Cette affaire, longue et compliquée, ne s'était apaisée ni par l'arrêt du parlement du 5 octobre 1463, ni par celui du 20 septembre 1465, ni par la ratification de ce mariage faite dans l'église de Bayonne devant toutes les parties intéressées et en la présence du roi. S'agissait-il d'un projet de conciliation ? le sire de Montchenu protestait d'avance par-devant notaire contre le consentement qu'il allait donner ; en sorte qu'il n'y avait rien de fait. Ce singulier expédient était alors pratiqué aussi bien en politique que pour les affaires privées.

Le beau-père vint de Savoie, où il s'était réfugié, trouver le roi à Lyon et implorer son équité. Louis XI lui répondit brusquement « qu'il ne voulait plus entendre parler de cette affaire ». Cependant, le 5 avril 1475, il y eut une nouvelle transaction entre le gendre et le beau-père : par acte authentique Bastarnay lui rendit ses terres, ne se réservant que celles de la maison du Bouchage, et s'obligea en outre à donner deux mille cinq cents écus pour la dot de Catherine, sœur de Georgette. Cette transaction, bien que ratifiée par Geoffroy de Montchenu, fils de Falque, n'en fut pas moins attaquée plus tard ; mais la somme convenue ayant été payée à Catherine, épouse de Louis de Grolée, seigneur de Château-Vilain, l'acte fut irrévocable.

Les relations politiques avec le Saint-Siège étaient toujours difficiles ; peut-être fallait-il l'attribuer à l'extrême vivacité du cardinal légat, Julien de la Rovère. Alors Rome, qui croyait avoir une certaine juridiction sur les rives du Rhône dans le comtat Venaissin, feignait d'ignorer que les bords du fleuve appartenaient à la France et se plaignait de la sévérité du parlement de Toulouse. Le légat vint donc faire ses plaintes à Lyon. Louis XI, impatienté, mit, dit-on, quelques jours le prélat aux arrêts. Une autre version plus vraisemblable rapporte que le cardinal de Saint-Pierre-aux-Liens étant allé trouver le roi, celui-ci le fit attendre quelque temps sans lui donner audience. Toujours est-il que le débat fut bientôt pacifié. Louis rappela ses hommes d'armes commandés par l'amiral de Bourbon, lequel avait reçu ordre d'entrer dans le comtat ; et même le légat gagna si bien la confiance du roi qu'il fut déclaré par lui l'arbitre de toutes les affaires litigieuses entre les deux cours. Ce démêlé fournit au duc de Bourgogne l'occasion de reprendre ses allures arrogantes. Son armée se reformait et il n'était plus en aussi grande crainte de Louis. Il crut devoir se mêler du différend et par intermédiaire faire au roi des remontrances où étaient aventurées quelques menaces. Louis écouta l'ambassade avec bienveillance et se donna la peine de la rassurer sur l'issue de l'incident.

Une autre affaire ecclésiastique était pendante encore. Jean de Beauvau, ancien évêque d'Angers, avait eu le tort d'engager une sorte de lutte avec son métropolitain de Tours. Les prétentions de maître Balue envenimèrent encore cette difficulté. Le roi, il est vrai, avait rétabli Jean de Beauvau sur son siège, mais la preuve qu'il n'encouragea point, comme on l'a dit, sa résistance est évidente. En effet, lorsqu'à l'occasion de la déposition de cet évêque le parlement voulut intervenir, Louis XI écrivit à messieurs du parlement une lettre où il est dit : « Les matières de dépositions d'évêques sont des plus grandes causes réservées à la connaissance du saint-père et non à d'autres Voulant, comme vrai fils de l'Église, garder l'autorité du Saint-Siège en ce qui lui appartient, et se montrer obéissant, le roi doit faire observer cette sentence, sans souffrir qu'aucune contradiction y soit faite. » Sixte IV, en rétablissant, par sa bulle de 29 mars 1476, Jean de Beauvau sur son siège, rendit enfin la paix à l'Église d'Angers.

De son côté Pierre de Bourbon s'était exactement acquitté de son mandat. Le duc de Nemours, fort compromis dans le procès du connétable, n'avait point obéi à l'ordre de se rendre auprès du roi : il avait donc fallu l'assiéger dans la forteresse de Carlat en Auvergne. Pendant ce siège Louise d'Anjou, son épouse, bonne et vertueuse princesse, était morte en couches ; et enfin, dans le courant de mars, le duc avait été forcé de se rendre. Conduit d'abord à Vienne, puis enfermé à Lyon au château de Pierre-Encise, il y attendit jusqu'au 4 août l'instruction de son procès. C'étaient :de bien affligeantes nouvelles pour la maison d'Anjou, et l'on ne devait guère songer à prendre avec le roi le ton hautain du reproche, car de lui seulement on pouvait attendre secours et appui. Alors on remarquait dans la suite du roi un jeune prince de cette famille. René de Vaudemont n'avait point été sans s'apercevoir que la réconciliation du roi avec le duc Charles s'était un peu faite à ses dépens ; il eut la sagesse de n'en montrer nul dépit. Exclu par la force de son duché de Lorraine, sa contenance était des plus modestes, comme il convient à un prince malheureux. Mais assuré des sympathies de son peuple et de l'Allemagne, il attendait que les circonstances lui permissent de prendre sa revanche. Dès la nouvelle de l'échec de Granson il se demanda s'il n'y gagnerait rien. Déjà quelques marchands allemands établis à Lyon se faisaient gloire de porter ses couleurs, blanc, rouge et gris. Ils se rangèrent d'abord sur son passage, une hallebarde à la main, puis se constituèrent auprès de lui comme une garde d'honneur.

Sur ces entrefaites le jeune prince apprend que Marie d'Harcourt, son aïeule, épouse de ce comte Antoine de Vaudemont qui gagna sur le roi René la bataille de Bullegnéville, était gravement malade. Cette princesse avait testé en sa faveur dès le 12 novembre 1474. Il prend congé du roi, et vole auprès d'elle à Harcourt. Elle lui met dans la main 200.000 écus et meurt peu après. Ce secours venait fort à propos. De là le duc se rend à Joinville auprès de sa mère, Yolande d'Anjou. Dans toutes ces contrées, en Lorraine surtout, la déroute de Granson avait tout changé de face. Les garnisons bourguignonnes laissées en ces villes grandes et petites étaient relativement faibles, le duc n'ayant point voulu affaiblir son armée. Les seigneurs lorrains restés dans le pays ou sur les limites, s'encourageaient mutuellement à tenter quelques entreprises contre les Bourguignons épars dans les villes et châteaux. Ils étaient encore nombreux : on compte parmi eux[11] le bâtard de Vaudemont, Henry et Ferry de Tautouville, Gratien de Guerre, l'écuyer Gérard, Jean d'Aigremont, le petit Jean de Vaudemont et beaucoup d'autres. La nuit de Pâques ils surprirent Amé de Valpergue et les siens dans le château de Vaudemont : Henri de Valpergue avec ses Bourguignons abandonnèrent aussi Vézelize, Thelod, le Pont-Saint-Vincent et autres lieux, pour se réfugier dans Nancy.

Ainsi tandis que le sire de Bélièvre, dit de Rubempré, gouverneur de cette ville, tâche de relever le courage des siens, les amis et partisans de René II font chaque jour de nouveaux progrès autour de lui. D'un autre côté les Suisses, qui voyaient grossir sans cesse l'armée du duc à Lausanne, cherchent de nouveaux auxiliaires. Ils envoient une députation à Joinville pour inviter le jeune duc à se joindre à eux, lui offrant, s'il venait avec quelques forces, un grand commandement dans leur armée. Leur cause, en effet, n'était-elle pas commune ? Toutefois René- de Vaudemont ne pouvait accepter sans demander la permission du roi ; il lui écrivit donc, le priant en cette circonstance de lui envoyer quelques hommes d'armes. Mais comment concilier la sympathie que Louis XI ressentait pour son parent avec la volonté d'observer la trêve ? Il pense y parvenir en envoyant à René quatre cents hommes d'armes sous les ordres des sires de la Pennache et d'Aubigny, enjoignant à ceux-ci, sur leurs vies, « de ne faire aucune insulte aux Bourguignons ni aux Allemands en passant par la Lorraine[12] ». C'était seulement une escorte, mais la loyauté lui interdisait de faire davantage.

Le duc de Lorraine n'hésite plus : il donne à ses troupes deux jours de repos à Joinville, et, malgré les larmes de sa mère qui le voulait retenir, il se met en marche. A Toul les magistrats viennent au-devant de lui, et le prient de loger avec son monde dans les faubourgs où on lui fournira tout en abondance. A Saint-Nicolas il trouva réunies les troupes bourguignonnes des lieux voisins : il fit hautement défense aux siens de molester en rien les Bourguignons, et persuada à ceux-ci de retourner en leurs garnisons respectives. Tous, Français, Lorrains et Bourguignons, se logèrent paisiblement et même fraternisèrent dans les tavernes.

La chronique rapporte que le lendemain, au sortir de la messe, une bonne femme s'approcha du duc et lui remit une bourse contenant plus de quatre cents écus. Arrivés à Lunéville, ils n'entrèrent point en la cité, mais se logèrent aux environs. A Sarrebourg, ainsi qu'en ses autres étapes, les gentilshommes d'alentour vinrent à sa rencontre, lui amenant plus de huit cents hommes à pied et à cheval, qui lui venaient offrir leurs services. On y passa trois jours en festins, et là les troupes françaises se retirèrent. Les seigneurs lorrains et leurs gens suivirent seuls le duc à Strasbourg.

Louis XI voulait surtout terminer ses affaires de famille. C'était aussi le grand intérêt de l'État, et le moment semblait propice. On ne devait plus en Bretagne, en Savoie, en Provence, ni même en Italie, trouver de résistances et d'objections aussi opiniâtres : d'ailleurs les démarches déjà faites par le roi René étaient pleines de conciliation : les négociations avancèrent vite. Gui de Poisieu, archevêque de Vienne, Jean de Blanchefort, maire de Bordeaux, et Gratien Faure, président de Toulouse, avaient reçu mission du roi d'aller en Provence : ils obtinrent prompte satisfaction. Le 7 avril, en leur présence et en plein conseil, le duc-roi jura à Arles, sur les saints Évangiles, de ne prendre part à aucune ligue, et de ne jamais céder aux ennemis du roi, quels qu'ils fussent, tout ou partie de la Provence. Pour lors les ambassadeurs revinrent à Lyon avec les scellés des principaux conseillers du prince, tels que Jean de Cossa, Saladin d'Anglure, Honorat de Veyne, le chancelier Jean Martin, le président Palamède de Forbin, et autres officiers des villes d'Aix, d'Arles et de Marseille. Pour mettre le sceau à cette réconciliation, le roi René vint à Lyon trouver Louis XI : outre les seigneurs déjà nommés, le cardinal Julien de la Rovère l'accompagnait. Comment croire qu'alors le sire de Cossa nia qu'à Aix on eût jamais songé à léguer la Provence au duc Charles, tandis que le roi tenait en prison ceux mêmes chargés de l'exécution de ce projet[13] ?

Le roi fit droit mit demandes de son oncle, et par le traité de Lyon du 6 mai il y eut des concessions réciproques. Louis XI se réservait de ' gouverner l'Anjou à son gré ; le maire et les échevins nommés par lui à Angers seront conservés ; il jouira jusqu'au let octobre des revenus dudit duché, lesquels seront distribués selon l'état qu'il en a dressé, sauf qu'il payera pendant ce temps deux mille livres par mois pour la dépense du roi René ; mais au n'ois d'octobre celui-ci disposera des revenus de ce duché. Le testament du 28 juillet, par lequel le roi René instituait comme légataire son neveu Charles, comte du Maine, et à son défaut René de Vaudemont, son petit-fils, fut maintenu ; et pour l'accession de la Provence à la couronne le roi se contenta d'une simple promesse au cas où le légataire décéderait sans héritiers. En ces conventions tout fut donc équitable, et bien loin que Louis XI ait abusé de sa position, il recouvra l'amitié de son oncle, et acquit un zélé serviteur en la personne du sire Palamède de Forbin, dont il sut apprécier le mérite.

Louis XI, pendant les courts instants qu'il dérobait aux affaires, était heureux et fier de faire à son oncle les honneurs de sa bonne ville de Lyon, de la visiter avec lui, et d'en apprécier les besoins. Certes les sujets d'observation et d'admiration étaient nombreux. Cette ville, dont les Romains, si avisés en leurs essais de colonisation', s'étaient fait un point d'appui pour conserver et gouverner la conquête des Gaules, devait, considérée sous un aspect plus pacifique, acquérir une célébrité bien justifiée. Le développement du christianisme, auquel elle prit généreusement part dans l'ère nouvelle, lui avait valu quelque gloire sans nuire à ses progrès. C'est en effet par la vénération qu'on portait à la mémoire de ses saints évêques et martyrs que la renommée de son nom s'étendit. Enfin par sa merveilleuse situation entre le Rhône et la Saône, par sa position géographique qui la met en communication si facile d'un côté avec la Méditerranée et l'Italie, de l'autre avec l'Allemagne et tout l'intérieur de la France jusqu'à l'Océan, elle semblait destinée à devenir le vaste entrepôt des marchandises apportées de l'Orient par la voie des transports maritimes, tout en s'associant au grand mouvement commercial des villes du Nord et de la hanse Teutonique, telles que Gand, Bruges et Liège.

Dans le moyen Age, Lyon fit partie du royaume de Bourgogne transjurane. Au onzième siècle cette ville passa sous la domination temporelle des évêques, puis au treizième, les Lyonnais se soulevèrent contre la juridiction ecclésiastique, et se créèrent une administration municipale ou consulat. De là, il résulta d'incessantes hostilités entre les habitants et le chapitre, qui avait toujours à ses ordres une force armée. C'est alors qu'à la fin. de ce siècle la ville fut considérablement augmentée par l'arrivée d'un grand nombre d'Italiens se dérobant ainsi aux dissensions intestines des Guelfes et des Gibelins. Enfin en 1312, sous l'épiscopat de Pierre de Savoie, Philippe le Bel ménagea une transaction entre les prétentions de l'autorité diocésaine et les droits de la commune, préparant l'annexion de cette ville à la couronne.

Resté longtemps ville impériale avec des institutions libres, Lyon avait donc fini par n'être attaché à l'empire que par un lien purement nominal ; on peut même dire que jusqu'à Louis X il s'appartint à lui-même. Au milieu de tant de souverainetés plus ou moins féodales qui depuis les deux royaumes de Bourgogne se groupaient autour de lui, à Genève, à Chambéry, à Vienne, à Aix, à Besançon, à Dijon, dans le Bourbonnais et dans l'Auvergne, souverainetés qui eurent toutes successivement leurs jours d'éclat, l'isolement n'était plus pour Lyon une existence bien sûre. Nul doute que les villes les plus certaines de s'appartenir réellement et de conserver leurs franchises essentielles ne fussent alors celles qui se développaient sous l'égide de la royauté. Lyon suivit donc l'impulsion, et se réunit spontanément à la couronne de France sous Louis X.

Lorsque Pétrarque vint passer à Lyon quelques semaines du mois d'août 1331 il en fit dans ses lettres une description élogieuse. Plus tard, en 1419, Gerson y passa les dernières années de sa vie. Après une carrière des plus honorables, le digne chancelier de l'université sentit aussi l'aiguillon de l'adversité. Sur les instances de l'archevêque Talaru, qui savait l'apprécier, il se retira à Lyon auprès de son frère, alors supérieur des Célestins, et se dévoua à l'éducation des enfants du peuple. Plusieurs l'ont cru l'auteur de l'Imitation. La question est restée douteuse, mais il réunit autant de probabilités que Gersen et Thomas-a-Kempis, sinon davantage. Ainsi là, sur la rive gauche de la Saône, en face du coteau de l'ancienne ville, auraient été méditées ces profondes réflexions de l'interpelle consolation, les plus éloquentes pages que le cœur humain ait jamais dictées

La ville de Lyon, déjà grande au commencement du quinzième siècle, se développa de plus en plus sous le sceptre de nos rois. Bientôt à l'étroit dans le triangle dont le sommet est vers le sud, au confluent des deux cours d'eau, elle s'est étendue au loin sur les quatre rives de ses fleuves, et elle a envahi toutes les hauteurs dont elle est dominée au nord et à l'ouest. Comment donc a-t-elle délaissé la rive et la côte occidentale où le palais des Césars, les souvenirs historiques et sa cathédrale l'attachaient, pour s'étendre dans la presqu'île qu'elle ne préserve qu'à grand'peine des inondations ? Son commerce, ses entrepôts, ses foires et surtout l'accroissement de sa population, en exigeant de l'espace, répondent à cette_ question. Certes, les privilèges accordés aux habitants étaient de nature à en multiplier le nombre. En voici quelques-uns : a Un bourgeois vend son vin sans payer aide ni octroi ; les ouvriers de tous métiers exercent librement leur profession sans épreuve préalable et sans payer maîtrise ; les citoyens ont les clefs de leur ville ; ils montent la garde chaque jour et à tour de rôle ; ils sont enrégimentés par compagnies et pennonages ; leurs pennons ou officiers sont nommés par le consulat, d'accord avec le lieutenant da roi ; les citoyens sont, exempta du ban et de l'arrière-ban pour les fiefs et seigneuries qu'ils peuvent posséder dans le royaume ; ils sont dispensés de loger les gens de guerre, ne payent ni redevances ni impôts pour les immeubles qu'ils ont soit à Lyon, soit ailleurs ; ils peuvent avoir colombiers, fours et pressoirs, sans que les seigneurs même hauts justiciers s'y puissent opposer ; ils disposent de leurs biens allodiaux par baux emphytéotiques, et y imposent des censives et autres redevances seigneuriales. Enfin ils sont gouvernés par le droit romain, alors que ce droit n'est en opposition ni avec les lois fondamentales de la monarchie, ni avec les ordonnances des rois.

Telles étaient les immunités de cette ville, sous ce qu'une histoire récente de Lyon appelle « le despotisme de Louis XI ». Ces avantages pourraient paraître excessifs, même injustes, si la ville n'avait eu son mode de contribuer aux charges publiques. Ainsi à chaque avènement elle demandait la confirmation de ses privilèges ; et cette confirmation lui était accordée, mais à un prix plus ou moins élevé. Alors le consulat, ou corps de ville, se composait du maire ou prévôt des marchands et des échevins ou conseillers. A chaque avènement il envoyait à Paris une députation de son choix : ces délégués municipaux traitaient avec le nouveau roi de la ferme des gabelles et des droits à payer pour l'introduction à Lyon des draps d'or et de soie fabriqués à l'étranger. Si le trésor public était insuffisant pour subvenir à certaines dépenses, le roi empruntait à la ville de Lyon, et affectait au remboursement tantôt les revenus à venir de telle contrée voisine, tantôt une concession de péage ou d'impôts à prélever sur le pesage des farines ou sur le vin vendu au cabaret. Le roi venait-il à Lyon ? le consulat mettait en délibération la valeur et la nature des dons qui lui seraient faits.

Au quinzième siècle il y avait douze échevins présidés par un prévôt des marchands ; c'était l'administration consulaire ou municipale. Ils étaient électifs et portaient la robe de velours violet. Tous les ans il y avait élection de six conseillers et l'on ne pouvait réélire ceux sortis l'année précédente. Encore au quatorzième siècle, pour élire, on convoquait tous les citoyens dans la chapelle Saint-Jacques, et là chaque bourgeois et ouvrier votait en toute liberté. Au quinzième siècle l'élection était faite par les notables ouvriers. Or, sous cette apparence populaire, la bourgeoisie tenait le haut bout. Chacun des soixante-douze métiers, en effet, avait deux notables, lesquels étaient nommés par le maire et les échevins ; en sorte qu'il y avait réciprocité d'élection des notables ouvriers par les échevins et de ceux-ci par ceux-là ; c'est ainsi que les classes inférieures avaient fini par n'avoir plus aucune part à l'élection et que sous ce régime les cités prospérèrent. Pour donner même plus de fixité au conseil le procureur de la ville et le greffier étaient inamovibles, mais sans avoir voix délibérative.

Dans les attributions du conseil de la cité entraient toutes les fonctions réputées encore aujourd'hui municipales. Les chefs de chaque corporation de métier devaient, signaler au consulat toutes les contraventions aux règlements ; le commandant des trente-six pennonages, qui constituaient la force publique, était présenté par les échevins et nommé par le roi. IL était capitaine de la ville et prêtait serment entre les mains du gouverneur ou sénéchal. Enfin il y avait des assemblées municipales privées pour les affaires consulaires, et aussi de générales, toujours avec autorisation du gouverneur, où, sous peine d'amende, les citoyens étaient tenus d'assister.

Les foires furent à la fois le principal objet de la sollicitude du sénéchal et du consulat, et le plus puissant élément de la fortune de Lyon. Au quinzième siècle, sous les premiers Valois, les foires de Genève s'étaient grossies de la désertion des nôtres[14]. Par suite du malheur des temps celles mêmes que Charles VII avait établies à Lyon n'avaient pas prospéré. Louis XI, qui s'entendait si bien à vulgariser les sources de la richesse publique, avait entrepris, d'y remédier. Par ses lettres au parlement du 8 mars 1462 il frappe du même coup les foires de Genève en s'opposant au transit en ses États des marchandises qui s'y rendent, et rétablit sur un pied nouveau celles de Lyon ; « s'il ne se borne pas à confirmer l'ancienne ordonnance de son père, y est-il dit, c'est qu'en ce qui concerne les privilèges accordés à ces foires, ladite « ordonnance n'a jamais été exécutée ».

« Ainsi, dans l'intérêt de la chose publique et le plus grand avantage de ses sujets, il ordonne qu'au lieu des trois foires octroyées pour un temps limité, il y en aura quatre, pour être tenues perpétuellement chaque année durant quinze jours entiers, et commençant la première le lundi de la Quasimodo, la deuxième le 4 août, la troisième le 3 novembre, et la quatrième le lundi après la fête des Rois. » Suivent les privilèges : de s'y servir de tout or et de tout argent monnoyé et de toutes les voies possibles d'échange ; promesse aux marchands de pouvoir faire entrer et sortir leurs marchandises en toute franchise sous ce règne et les suivants. Tous, sauf les Anglais et ennemis de la France — mais alors, en 1476, toute paix était faite —, pourront sûrement aller, et faire mener leurs biens par le royaume et le Dauphiné ; tous auront liberté de tenir train de change public, de prendre et de remettre leur argent par lettres de change ; pourvu que l'argent ainsi envoyé en quelque pays, ne soit pas ensuite remis directement ou indirectement à Rome pour quelque cause que ce soit, comme il a été récemment ordonné (en 1462) par les édits. Enfin le roi veut que tous les marchands de la foire de Lyon aient tous les privilèges dont jouissent ceux qui ont continué de fréquenter les foires de Champagne, de Brie et du Landit, et que les dettes qui y seront faites soient sacrées. Le bailli de Mâcon, ou son lieutenant, sera le conservateur et gardien de ces foires : il jugera, sans longs procès ni plaids, les différends qui pourraient s'élever sur les ventes et achats. Mais, parait-il, cette dernière clause ne fut pas suffisante, car de Nogent-le-Roi, 21 avril 1464, Louis XI, s'autorisant de l'exemple de Bourges, d'Anvers et d'autres lieux, et des demandes des bourgeois et habitants de Lyon, déclare « que désirant de tout son pouvoir augmenter et meilleurer lesdites foires et attraire tous les marchands à icelles, il octroye de grâce spéciale aux échevins, pouvoir et autorité d'élire et commettre aucun prud'homme suffisant et idoine, toutes fois que besoin sera, pour empêcher qu'aucun agent de la force publique ne fasse aux marchands aucune vexation ni extorsion : afin que lesdits commis les accordent amiablement, ou qu'ils nomment pour arbitres chargés de les accommoder, deux marchands non suspects ; enfin que si ces derniers ne les peuvent mettre d'accord, ils les renvoient devant le juge à qui il appartiendra d'en connaître. » Le roi donne également aux conseillers pouvoir d'élire aucun prud'homme sur chaque espèce de marchandises, aussi de nommer auprès du bailli des intermédiaires pour traiter avec les marchands du fait de leurs intérêts.

Le bailli de Mâcon, devenu sénéchal de Lyon, avait le titre de juge conservateur ; il représentait la justice royale. Tous devenaient égaux en matière de commerce. « Ce tribunal pouvait ordonner la contrainte par corps contre les débiteurs fugitifs ; ses arrêts étaient exécutoires dans toute la France. Tout marchand pouvait faire actionner un étranger à Lyon même. » La juridiction des notables prud'hommes était plus prompte et à la disposition de tous. Cette institution d'un tribunal de conservation est ensuite devenue le tribunal de commerce.

Pour l'obligation de payer, le roi s'en réfère à ce qui est usité aux foires de Pézenas et de Bourges. Les grandes opérations de change se faisaient après les foires entre les marchands étrangers et nationaux. On avisait au payement d'une foire à l'autre. A un jour donné on se réunissait sur une place, et là les marchands de toutes nations acceptaient ou refusaient, par une simple petite marque, les lettres tirées sur eux de n'importe quel lieu. C'était sous les yeux et sous la présidence du consul de Florence que se tenait cette séance de règlements de comptes ; on fixait ensuite, chacun auprès du consul respectif de sa nation, la valeur relative de l'or et de la monnaie, et ce qui était décidé à Lyon devenait règle pour les autres contrées.

Si le commerce d'échange est pour un peuple un puissant moyen de fortune, ce n'est qu'autant qu'il apportera son contingent à la masse des produits. Au quinzième siècle la France possédait déjà plusieurs industries de premier ordre. Dès le temps de saint Louis on travaillait la soie en France. Toutefois l'Italie surtout avait le monopole de cette production ; on évalue à 500.000 écus l'argent qui sortait annuellement de France pour l'achat des draps d'or et de soie, lorsque le roi songea à changer cet état de choses. L'initiative individuelle ne pouvait produire que des essais, et il y avait loin de ces tentatives isolées à la complète organisation d'un mode de fabrication si compliqué. Pour Te succès il fallait un patronage ferme et soutenu. Personne n'a plus contribué que Louis XI à gratifier la France de cette belle industrie. Par lettres patentes du 23 mai 1466, le roi établit donc à Lyon un centre privilégié où se fabriqueront ces précieuses étoffes. Il enjoint au sénéchal de Lyon et aux élus sur le fait des aides « de donner ordre que l'art de faire drap d'or et soie soit introduit dans la ville de Lyon, où déjà il en est quelque commencement, de faire venir audit lieu maîtres, ouvriers appareilleurs et autres expérimentés tant au fait de l'ouvrage de ladite soie, que ès teintures et autres choses à ce propos ». De plus, pour que ces divers ouvriers soient disposés à venir résider à Lyon, il leur octroie d'y demeurer quittes de toutes tailles et impositions, aussi bien que de l'impôt des douze deniers par livre pour tous draps d'or et de soie qui seront_ faits et de ce qui est exigé pour première vente. Il leur accorde encore d'autres privilèges, sans qu'il puisse leur être rien demandé pendant douze ans. Ainsi non-seulement le roi appelle d'Italie à Lyon des ouvriers tisseurs en soie et d'habiles teinturiers, pour la complète production de ces tissus dès lors si recherchés, mais il les y installe avec leurs métiers et tous leurs accessoires. N'avaient-ils pas là, comme à souhait, pour l'opération indispensable du lavage des soies, les eaux si belles du Rhône et de la Saône ? Louis XI fit avec bon espoir une grande partie des frais nécessaires à cette installation qui devait avoir de si féconds résultats. Comme moyen subsidiaire il ordonna la levée d'une somme annuelle de deux mille livres tournois sur les habitants : sacrifice momentané dont ils devaient retirer un immense profit. Toutefois, des représentations lui ayant été faites au sujet d'une dette contractée pour son service envers la ville, il fit surseoir au payement de l'impôt jusqu'au moment où les trois mille livres dues par l'État fussent soldées.

Bientôt la fabrique de Lyon prit de l'importance, puisque le roi demanda trois députés à la ville, dont un de l'industrie, peur participer aux délibérations des états généraux de 1468. Mais, en même temps qu'il organisait la fabrication des étoffes, il songeait aussi à acclimater en France le précieux insecte qui en fournit la matière première. Il ordonne à cet effet de nombreuses plantations de mûriers auprès de Lyon, en Dauphiné et plus tard en Touraine. C'étaient les lieux qu'il affectionnait. Peut-être mûriers et vers à soie auraient-ils mieux réussi en Provence, mais elle ne lui appartenait pas encore. Ainsi, au lieu de faire passer l'or de France en Italie, comme firent si mal à propos ses trois successeurs, Louis XI se servit d'un art essentiellement italien pour attirer en son royaume les trésors de toute l'Europe.

Il était singulier, en effet, à une époque où on ne rêvait que tournois, pas d'armes et luttes chevaleresques, de voir un roi si sincèrement préoccupé de tout ce qui pouvait donner au pays de France pour l'avenir prospérité, gloire et richesse ; il devinait par intuition les vraies sources de la fortune et du bien-être des peuples, puisqu'on n'avait point encore éprouvé les résultats du crédit, de la liberté sagement réglée des échanges et de plusieurs autres innovations dont son génie prit l'initiative. Nul souverain n'a jamais eu plus que lui une si haute idée des bienfaits du commerce. Il ne perdait jamais de vue quelle eût pu être la prospérité des villes de Flandre, si la tyrannie de la maison de Bourgogne n'y avait mis obstacle. Il admirait et enviait cette féconde activité des marchands de la hanse Teutonique. Aussi les recevait-il avec honneur et se montrait-il jaloux de leur alliance.

Louis XI avait donc là de quoi intéresser vivement un prince aussi amateur des belles choses que l'était René d'Anjou. Mais ce n'était pas tout encore. On se rappelle ce que Louis avait fait pour propager en France l'art nouveau de l'imprimerie, son soin à y attirer les premiers ouvriers allemands, et comment il indemnisa les imprimeurs étrangers que son droit d'aubaine avait atteints. Aussi vit-on en 1470 se fonder à Paris, dans le collège même de la Sorbonne, la première imprimerie française, et en 1473, grâce à la haute protection royale, deux ouvriers allemands, Césarius et Stoll, sortis de l'atelier d'Ulric Gering, en vinrent fonder une seconde à Lyon. On signale aussi dans ce temps l'imprimerie de Guillaume Leroy. Celui-ci, sous les auspices d'un capitaliste zélé, appelé Barthélemy Buyer, tandis qu'un autre Lyonnais, Étienne Coral, produisait à Parme des œuvres de l'antiquité romaine, éditait le 16 septembre 1473 le Compendium in-4° du cardinal-diacre Lothaire, ouvrage que ne tarda pas à suivre en 1476 la Légende dorée in-folio de la vie des Saints. Or on y travaillait pendant le séjour de Louis. XI à Lyon. On ne protège pas un moyen de populariser les idées sans être protecteur des sciences et des lettres, qui en profitent. S'il est vrai, comme on l'affirme[15], que plus de cinquante imprimeurs, dont plusieurs sont restés célèbres, vinrent d'Allemagne et d'Italie, dans le court espace de vingt-huit ans, faire concurrence à Guillaume Leroy, on peut se faire une idée des encouragements qui furent donnés par Louis XI à cette nouvelle industrie.

Comment peut-on dire, après de tels actes, que Louis XI ne fut jamais vu « qu'occupé à augmenter son pouvoir et à pressurer ses peuples[16] ? » Tandis qu'au contraire on ne le vit jamais se passionner que pour le bien de ses sujets. Le même auteur reconnaît pourtant ici que « Louis XI avait de l'inclination pour le bon règlement de toute chose ; qu'il avait goût au bon ordre ; qu'il avait institué de belles foires à Lyon et à Caen, planté des mûriers, attiré les ouvriers en soie par des privilèges, et ramené un peu la noblesse et le clergé aux idées commerciales. » Disons aussi que, tant qu'il vécut., ses institutions grandirent, et que jusqu'à sa mort il sut faire exécuter ses décisions.

Après Paris aucune ville ne s'est plus ressentie que Lyon de cette utile protection des lettres, de l'industrie et des arts. Lyon avait déjà attiré l'attention de Louis lorsqu'il n'était encore que dauphin, et dès lors il songeait à ce que cette grande ville, si heureusement située, pourrait devenir. Quel ne dût pas être son légitime orgueil de voir lui-même et de faire admirer à son oncle, si ami des arts, le développement des progrès qui lui étaient dus en partie ! L'architecture se montrait dans les églises avec le caractère d'une majestueuse simplicité. Alors venaient de se terminer la façade et le clocher de Saint-Nizier commencés en 1454. Avec quelle émotion ils visitèrent cette belle cathédrale de Saint-Jean, où s'étaient réconciliées les églises grecque et latine, rapprochement, du reste, qui dura trop peu, et l'antique sanctuaire d'Ainay qui remonte, assure-t-on, jusqu'à Charlemagne, et fut élevé au lieu même occupé par l'autel de Lyon bâti en l'honneur d'Auguste ! Là avaient été institués par Caligula des jeux qui rappelaient ceux de la Grèce, et où les poètes et les rhéteurs venaient de toutes les parties de la Gaule et de l'Italie disputer la palme du talent. Quel intérêt durent avoir pour le roi René ce lieu depuis tant d'années l'asile de la prière, ces restes d'une grande époque servant de base au symbole du christianisme, ce souvenir de luttes d'éloquence et de poésie qui ressemblaient si bien à la pacifique institution des jeux floraux où le prix était recherché avec une noble émulation par tous les beaux esprits amis du gai savoir !

Sur le coteau qui domine la ville, s'élevait déjà une chapelle qui a dû beaucoup à la piété de saint Thomas de Cantorbéry. Elle était sous le vocable de Notre-Dame de Bon-Conseil. Louis XI, pour qu'il y fût dit tous les jours quelques messes, lui attribua les rentes et gardes de Saint-Symphorien-le-Châtel, et la ferme de la châtellenie de Charlieu[17]. Voici en quels termes sont motivées ses lettres patentes : « Ayant considération aux très-grandes et singulières grâces que Dieu notre créateur nous a faites par ci-devant, à l'intercession de sa benoiste mère, la glorieuse vierge Marie, à laquelle après Dieu son fils nous avons toujours eu spécial refuge et espérance, et laquelle, en la con- duite de nos plus grands faicts et affaires, nous a toujours imperti sa grâce et intercession envers Dieu son fils, tellement que par son moyen et aide, nos royaume et seigneuries sont, grâce à Dieu, conservés, entretenus et demeurés en leur entier sous nous et notre vraie obéissance, nonobstant quelconques entreprises, machinations et conspirations qui aient été faites depuis notre avènement à la couronne, à l'encontre de nous - et de nosdits royaume et seigneuries, tant par nos ennemis et adversaires que autres nos rebelles et désobéissants sujets, leurs adhérents et complices, pour ces motifs nous instituons la fondation qui suit, etc. » On reconnaît à ces expressions la dévotion de celui qui ordonna, le ter mai 1472, que tous les jours, au son de la cloche, à l'heure de midi, chacun fléchît le genou en terre et dît la salutation angélique pour la paix du royaume.

Sans compter toutes les ordonnances que nous avons mentionnées au courant du récit, cette année 1475 en fournit un grand nombre ; nous ne citerons que celles du 7 avril, où il est dit que les gens de Figeac profiteront de la confiscation du comte d'Armagnac ; de septembre, octroyant des privilèges à l'abbaye de Charroux ; de décembre, confirmant ceux octroyés à Saint-Martin de Tours. En janvier Louis XI donne, de la succession du connétable, les terres de Ligny au sire de Craon, celles de Brienne à Charles d'Amboise et celles d'Auteuil à Jean Ladriesche ; puis il donne encore à François de Laval, déjà comte de Montfort, le comté de ce nom en Normandie ; en février il trace une règle pour les biens et revenus des hospices de Bordeaux, et aussi sur la conduite des gens de guerre en voyage. Comme en novembre il a réuni à la couronne le pays des Quatre-Vallées, il y réunit en mars les seigneuries de Millau et de Compeyre. De ce côté du midi Louis se voyait assuré de la paix. Le Roussillon était à nous, et par la rivalité des maisons de Portugal et d'Aragon au sujet de la succession de Castille, la possession de la Cerdagne et du Roussillon s'affermissait. Enfin, par la prise récente de Carlat et par l'incarcération du duc de Nemours, le dernier des princes récalcitrants qu'il se crût obligé de poursuivre, le roi était désormais tranquille du côté des Pyrénées.

Cependant l'armée du duc de Bourgogne n'avait cessé de grossir à Lausanne depuis la déroute de Granson. L'affaire ayant été peu meurtrière, un grand nombre des fuyards revinrent au camp, mais non plus rassurés ni plus confiants dans le succès. De nouvelles recrues venaient encore s'y ajouter ; toutefois les Suisses, justement inquiétés de cette augmentation de forces, surtout les gens de Berne et de Fribourg, dressaient mille embuscades dans les gorges de leurs montagnes pour empêcher les divers détachements d'arriver à leur destination. Ils les attaquaient partout, mettaient impitoyablement le feu aux villes qui les recevaient, et sur toutes les 'frontières ils n'avaient ni cessé ni ralenti les hostilités.

D'autre part les Suisses n'étaient point restés inactifs. Dès le mois de mars il s'était tenu à Lucerne une assemblée des cantons où furent pris de sages règlements de guerre : « Dans l'armée point de volontaires ni de vagabonds ; point de jurements ni de combats singuliers ; en toutes circonstances respect aux églises, aux femmes, aux enfants, aux vieillards et aux prêtres. Une fois en campagne, nul ne quittera l'habit de guerre ; toujours une prière à Dieu sera faite avant le combat ; pendant la lutte, la mort immédiate à qui tenterait de fuir ; nul ne touchera au butin avant le partage entre tous. » Mais pourquoi faut-il qu'à des règlements si sages on ait ajouté celui-ci : point de prisonniers ! coutume pire que celles des païens, où du moins, en réduisant les vaincus à l'esclavage, ils témoignaient encore d'un certain respect pour la vie humaine ? La plus belle victoire ainsi achetée, l'est encore à trop haut prix, et il est à croire que les Suisses eussent vaincu avec plus d'humanité.

Lorsqu'ils virent l'armée bourguignonne prête à reprendre l'offensive, ils appelèrent de nouveau à leur aide leurs confédérés des cantons et leurs alliés d'Allemagne ; il était évident que le duc, en menaçant Berne, Fribourg et Soleure, attaquait réellement toutes les ligues. Aussi de tous côtés on venait à eux ou on se préparait à marcher. Depuis deux mois les gens de Berne avaient fortifié Morat comme leur poste avancé, et le capitaine Adrien de Bubemberg, avec une garnison de deux mille hommes, composée en grande partie de Bernois, promettait de s'y bien défendre. Le rendez-vous de l'armée helvétique était sur la rive droite de la Sane, à peu de distance de Berne ; cependant on y arrivait lentement encore à la fin de mai.

On connaissait, il est vrai, toute la sympathie de ces bonnes villes d'Alsace et autres pour leurs amis des montagnes ; mais se sentiront-elles aussi directement attaquées ? Se hâteront-elles, et leur secours sera-t-il suffisant ? Les envoyés suisses devaient remontrer ces choses et presser les Allemands, surtout ceux de Strasbourg, de se mettre en marche. Là était le duc René de Vaudemont, en qui toute la Suisse espérait. Il part donc de Strasbourg le 2 juin, accompagné d'un bon renfort où l'on distinguait à la tête des gens de leurs seigneuries les sires de Bitche, de Sarrebourg, de Réchicourt, de Saverne, de Nassau, de Fénestranges ; et lorsque déjà Te duc de Bourgogne pressait Morat, il prit sans retard le chemin de Zurich avec ses Lorrains et les Alsaciens qui aimaient assez à l'avoir pour chef.

Le duc de Bourgogne, en effet, sûr de sa revanche, se voyait à la tête d'une armée nombreuse à la vérité, mais sans expérience et mal remise encore de sa défaite ; il voulut la passer en revue. Il adresse alors à ses troupes quelques paroles brèves et saccadées où perçait plus de dépit que d'assurance, et voulant leur inspirer la fureur qui l'anime, il ne trouve à leur promettre que la vengeance et le pillage. Mais cela ne suffisait pas ; et s'il n'avait été si aveuglé par la passion, il se serait aperçu que son prestige n'était plus aussi grand, et que ses cris de vive Bourgogne ! trouvaient peu d'écho. Au surplus, quelle affection pouvait-on ressentir a pour un maitre si dur[18] combattant pour une cause in-a définissable »

C'est le 27 mai qu'à la tête de plus de trente mille hommes, il part de Lausanne pour Morat. Cette ville est située sur la rive orientale du lac de ce nom, et ce lac lui-même est à deux lieues sud-est du lac de Neufchâtel. Avec le gros de l'armée le duc suit la route qui conduit directement par Avenches et Faoug, tandis que le comte de Romont, à la tête d'une dizaine de mille hommes, essaye de passer sur la gauche entre les deux lacs par Monlet, espérant revenir atteindre Morat par le nord ; mais il trouva, de ce côté, des marécages d'où il lui fut difficile de se tirer et des obstacles que les habitants du lieu surent rendre insurmontables. Il lui fallut donc, avec ses Savoisiens, revenir sur ses pas et se hâter de regagner l'armée ducale. Arrivé à Morat, on investit la place le 8 juin. Le 11, le comte de Romont, qui était posté sur la route d'Aarberg au nord, donne à la ville un premier assaut qui échoue après sept heures de combat et beaucoup de pertes. D'autres tentatives n'eurent pas plus de succès ; d'ailleurs la ville, toujours accessible du côté du lac, recevait sans cesse renfort et munitions. Pendant dix jours d'attaques incessantes, et lorsque les brèches se faisaient de toutes parts, la garnison se défendit vaillamment et les Bourguignons s'épuisèrent en vains efforts. Ainsi le duc fut arrêté environ quinze jours devant cette place et donna trois assauts qui furent toujours repoussés. Le 21 juin on lui dit que les Suisses approchaient. Lever le siège et attendre les ennemis dans la plaine, afin de se servir avec avantage de sa cavalerie, était de beaucoup le meilleur conseil à suivre ; mais soit par présomption, soit qu'il crût l'armée suisse moins nombreuse qu'elle n'était, il n'en voulut rien faire.

Pendant cette héroïque défense de Morat, les contingents de Suisse et les secours d'Allemagne avaient eu le temps de se réunir. Le duc René II de Lorraine, avec trois cents cavaliers environ, était arrivé fort à propos, le 20 ou le 21, quand la bataille semblait imminente. Alors, suivant une notable attribution d'un chef d'armée prince du sang, ce jeune homme si digne d'intérêt donne l'accolade à plusieurs seigneurs qui n'étaient point encore chevaliers. Parmi tant de guerriers réunis par patriotisme pour combattre l'ennemi commun, on remarquait les comtes de Thierstein et d'Eptingen, chefs des Alsaciens ; le bernois Hanns de Hallwyl, qui commandait l'avant-garde, et Hanns de Waldermann de Zurich, nommé chef du corps de bataille : la cavalerie, commandée par le duc René et le comte de Thierstein, en devait former les deux ailes. Les hommes de Zurich, ceux d'Uri et d'Unterwald, tous furent fidèles au rendez-vous. Ainsi trente-cinq mille Suisses, Allemands et Lorrains, le 22 juin 1476, passèrent la Sane sur le pont de Gumminen, qu'ils avaient su garder. Peut-être étaient-ils plus nombreux que les Bourguignons, mais à coup sûr ils étaient plus confiants en la justice de leur cause et de leur bon droit, et plus prudents en leurs dispositions.

 

 

 



[1] Ms n° 2907.

[2] Barante.

[3] Histoire de Notre-Dame-du-Puy, ch. XVI.

[4] Notes sur Comines.

[5] Art de vérifier les dates.

[6] Pierre Mathieu.

[7] Michelet, t. IV. p. 503.

[8] Legrand.

[9] Pierre Mathieu.

[10] Barante, t. X, p. 420.

[11] Dom Calmet.

[12] Dom Calmet.

[13] Comines.

[14] Voir t. I, chap. VII, in fine.

[15] Monfalcon.

[16] Barante, t. XII, p. 157.

[17] Pierre Mathieu, t. XI, p. 472.

[18] Barante.