Administration du
dauphin en Dauphiné. — Le dauphin et la Savoie. — Affaires épiscopales. —
Répartition de l'impôt. — Les états de Romans et les traités. — Répression
des guerres privées. — Soins administratifs. — Entrée du dauphin à Grenoble
et sa maison. — Affaire de Gilles de Bretagne. Marguerite et la guerre civile
en Angleterre. — Le dauphin offre à son père sa coopération. — Mariage du
dauphin avec Charlotte de Savoie.
Louis,
dans ses deux belles expéditions du Languedoc, dans celle de Dieppe et dans
celle d'Allemagne, couronnées par des victoires signalées et par des
résultats pacifiques, avait déjà montré non-seulement son courage et sa
prudence, mais encore son intelligence profonde de l'ordre et des moyens de
bien administrer. En peu d'années il a déjà acquis beaucoup d'expérience. Les
contradictions mêmes et les peines qu'il a essuyées ont mûri sa raison. Ses
qualités administratives, on doit s'y attendre, vont se développer dans le
gouvernement de son État du Dauphiné ; mais il sera arrêté d'un côté par la
défiance que la nouveauté inspire toujours, et de l'autre par le mauvais
vouloir de ceux qui dominaient son père ; ces deux obstacles paralyseront ses
efforts et multiplieront les difficultés sous ses pas. On a vu
ce qu'était le Dauphiné avant et depuis la cession. Il se constituait de
plusieurs petits États. Voici les titres que prenait Humbert, dernier dauphin
; il était « prince de Briançonnais[1], duc de Champsor, marquis de
Césane, comte palatin de Vienne, d'Albon, de Grésivaudan, d'Embrunois, de
Gapençois, baron de la Tour-du-Pin et de Montauban ». Tous ces titres,
ajoute-t-on, ne faisaient pas un prince puissant. « Chaque évêque en son
diocèse se croyait aussi souverain que le dauphin ; et plusieurs barons,
comme celui de Sassenage, jouissaient a d'une certaine indépendance. » Le
dauphin était parti pour son apanage à la fin de décembre. « Beaucoup de gens
de bien l'y suivirent et plus qu'il n'en pouvait nourrir[2]. » Ses revenus étaient peu
considérables. Aux subsides du Dauphiné se joignaient simplement ceux du
comté de Cominges, de Château-Thierry et des quatre châtellenies du Rouergue.
Sa petite cour risquait donc d'être encore trop nombreuse. Il sembla d'abord
avoir pour mission de traiter avec le duc de Savoie Amédée « touchant les
comtés de Valentinois et de Diois[3] ». C'était triste de
s'acheminer pour un exil dont il était difficile de prévoir le terme. S'il
pouvait y avoir quelque adoucissement à cette pensée, c'était la perspective
de vivre dans un beau pays, très-gracieusement accidenté, peuplé d'une
génération honnête et belliqueuse, et d'essayer sur cette contrée les
principes de gouvernement qu'il n'éditait déjà pour la France. L'aspect
si varié de ces lieux dut exciter l'intérêt du prince et de ses jeunes
compagnons. Ce fut le séjour de la fée Mélusine, des Adhémar, des Poitiers,
des Saint-Vallier, des Alleman ; là sont des fiefs qui comptent sans
interruption plus de cinq siècles de filiation masculine. De là est sorti cet
Henri III, baron de Sassenage, qui vingt-deux ans auparavant, le 6 août 1424,
périt bravement pour la France avec 300 des gentilshommes qu'il commandait à
la bataille de Verneuil[4]. Sans sortir de cette noble
maison, nous trouvons alors (1416), à la tête de cette baronnie, le fils aîné de Henri III.
François III, toujours bien conseillé par le célèbre juriste de Lyon, Guy
Pape, a rendu à Charles VII et au dauphin actuel tous les services qu'il a pu
; et, d'accord avec Louis, son frère cadet a payé la dot de Marguerite, sa
sœur, quand elle épousa, en 1438, Amblard de Beaumont, dont elle fut bientôt
veuve. Jacques,
fils de François, élevé par Aymon Alleman, son oncle, succédera, jeune
encore, en 1447, à la baronnie de son père, avant de vendre au trésorier
Antoine Bolomier la seigneurie de Montellierz que le baron son aïeul avait
acquise des évêques de Valence, terre où l'on croit que résida Marguerite sa
tante, et aussi depuis cette aliénation Jacques de Sassenage servira toujours
loyalement Louis XI, et en sera dignement récompensé. Les
mutations qu'éprouva Montellier montrent une fois de plus combien grande
était la confusion des droits de juridiction sur toute la contrée, souvent
cédés, vendus ou échangés, sans nul consentement des peuples. Dès le XIIe
siècle 'on voit le droit de ressort sur ce fief ou partagé entre le seigneur
de Châteauneuf d'Isère et l'évêque de Valence, ou revendiqué par Guillaume de
Montellier, fils de Raymond de Châteauneuf, puis réclamé[5] avec le secours d'Albert de
Sassenage par l'évêque Guillaume de Rossillon. On en vint à une bataille
rangée, où Albert battit Aymar de Poitiers comte de Valentinois. Il y eut
paix en 1331. Ensuite l'évêque Pierre de Chatelux crut qu'il y avait
usurpation de ses droits ; il fit assiéger Crest. Aymar, cette fois, secondé
par le sire de Claveyson, fut victorieux, et, pour se venger, couvrit la
contrée de ruines. Qu'on juge, au milieu de tous ces conflits, quelle était
la misère der peuples ! C'est à la fin du XIVe siècle que le prélat Henri de
la Voute, avec l'approbation de Clément VII, céda cette seigneurie à François
de Sassenage. Le pays trouva du moins plus de sécurité sous la protection de
cette maison. Par cette communauté on peut juger du sort de toutes les
autres. Arrivé
en janvier dans le Dauphiné, Louis convoque d'abord les états du pays à
Romans pour le samedi 4 février. Ils se réunissent dans le monastère des
frères mineurs. Précédemment, par l'organe du sire de Groslée, ils lui
avaient fait certaines admonitions tendant à subordonner ses choix pour les
grands offices à l'opinion du conseil delphinal. Cela eût presque été une
tutelle imposée. Louis ne se soumit point à cette exigence. Ils votèrent une
aide de 46.000 florins à titre de don gratuit, comme auparavant, sur la
demande de Aymar de Bléterens ; en ajoutant toujours que c'était par don
volontaire, sans engagement pour l'avenir et sana préjudice de leurs
libertés. Le vote
fut à peu près le même les années suivantes. Le dauphin devait recevoir
l'impôt, le receveur rendre compte aux états des deniers du pays, et, pour le
don gratuit, à ceux qui seront commis par les trois états. « Si la nécessité
obligea Louis à tirer de ses sujets plus qu'ils n'avaient coutume de donner,
il eut grand soin de les protéger et de les mettre à couvert de toutes les
vexations qu'on eût pu[6] d'ailleurs leur faire éprouver.
» Il les défendit contre ceux qui tenaient les fermes du roi en Languedoc. Il
fit conserver aux drapiers et à d'autres les privilèges que le roi leur avait
accordés ; et quelques marchands du Dauphiné n'ayant pas été bien traités en
Aragon, « il ne manqua pas d'user de représailles sur les Aragonais qui
trafiquaient dans son pays ». Il
s'appliqua tout entier au règlement de son petit État. Dès le mois de mars
1646, il mit sa chancellerie sur le pied de celle de France, et prit pour
chancelier Yves de Scépeaux, jurisconsulte notable. Il paraît bien que le roi
s'était départi de la condition qui mettait les sceaux du Dauphiné entre les
mains du chancelier de France. Il voulut que les notaires[7] ne pussent exercer sans avoir
une commission signée de lui, et il en détermina le nombre par règlement du
21 mars 1451 ; mais il eut soin, par lettres expresses du 28 juin suivant, de
déclarer que les testaments et les actes des notaires supprimés continueraient
d'être valables. A
quelque temps de là, c'est-à-dire en juillet 1417, il réduisit les
bailliages, qui étaient nombreux. Il ne voulut en tout qu'une sénéchaussée et
deux bailliages. Et il unit la justice sur l'ancien pied. Il y avait
autrefois sept juges mages, par conséquent sept sièges : savoir, trois pour
le plat pays, et quatre pour le second bailliage, celui des montagnes. Comme
on avait ajouté un juge-mage pour le Faucigny, on créa une sénéchaussée pour
le Valentinois et Diois, et pour les terres des deux rives du Rhône. Les sièges
de la sénéchaussée furent Crest, Monteil et Chalençon. Parmi
ses lettres patentes les plus notables on remarque celles du 21 décembre
1418, enregistrées le 2 janvier suivant[8], par lesquelles « il défend à
toute personne de chasser dans les garennes ou colombiers, sans la permission
de ceux à qui ils appartiennent, sous peine de 10 fr. d'amende pour la
première fois. » Ce règlement fort sage, qui est encore inscrit dans nos
codes, fut fort discuté en ces temps de privilége. Il
ordonne, le 15 août 1449, aux baillis de se choisir des lieutenants habiles
et gens de bien : il voulut que, sauf son autorité supérieure, ils fussent
mis dans leurs charges, non de deux en deux ans, mais à vie, et qu'ils ne
pussent être remplacés, à moins d'avis contraire de sa part, que pour
démission ou forfaiture. Il voulut encore que, dans le cas où il écrirait des
lettres de dons à prendre sur des revenus affectés à un service et obtenues
par importunité, elles ne fussent point entérinées par le conseil delphinal,
concession qui dénote autant de justice que de sagesse. On ne
peut guère se faire une idée du désordre administratif d'alors et de la
difficulté d'y remédier, si on ne connaît assez ces temps-là pour savoir
combien étaient arbitraires les moyens d'extension que la féodalité ne
cessait de pratiquer. Ce point a particulièrement besoin d'être étudié dans
ce siècle de transition, où souvent on ne devait savoir à qui obéir ; et le
Dauphiné même nous en donne de notables exemples. Des
difficultés pour le fait d'hommages ou de limites s'étaient élevées entre la
Savoie et le Dauphiné. Le pays de Gex avait été ravagé par les Savoisiens, la
Dombe et le Bugey par les Dauphinois ; ni les conférences de Voiron, ni
celles de Mâcon[9], ni l'intervention du légat
n'avaient pu calmer ce conflit. La victoire des Savoisiens en novembre 1353 à
la Bastide des Abrets y mit fin pour quelque temps. Il y eut cependant encore
des pillages et un siège de la Tour-du-Pin par les victorieux. Enfin le comte
de Savoie, par les conseils de Jacques de Genève, seigneur d'An-thon, son
oncle, accorda la paix, le 16 janvier 1363. Dès
1430 Raoul de Gaucourt, gouverneur du Dauphiné, et Humbert de Groslée, bailli
de Lyon et de Mâcon, avaient battu à An thon le 11 juin le duc de Savoie et
Louis de Chalon ; et c'est en cette circonstance que le prince d'Orange passa
le Rhône sur son cheval à la nage, hardiesse que Brantôme compare à celle de
Clélie. Après cette journée très-meurtrière pour la noblesse, la
prépondérance fut assurée de ce côté au roi-dauphin. Gaucourt eut ensuite le
bon sens et la fermeté de refuser l'hommage à l'archevêque de Vienne. Quand
le roi visita le Dauphiné, en 1434, le dauphin, alors enfant de onze ans,
n'était pas avec lui. Il l'accompagna en 1437 et reçut là, comme on sait, un
gracieux accueil. Peu après on parla beaucoup des dissensions entre
l'archevêque de Vienne et ses ouailles, au point qu'il les interdit par la
bouche de Humbert Rolland, son official, zizanies intérieures qui alors
n'étaient point rares. On
avait toujours quelque démêlé avec la Savoie. En 1416, une nouvelle paix
venait d'être négociée et signée à Bayonne par le premier ministre Pierre de
Brezé : elle avait été ratifiée à Chinon par le dauphin et par le roi.
D'après ce traité, le dauphin remettait au duc l'hommage de Faucigny et des
lieux qui lui avaient été donnés par des échanges ; le duc renonçait à tous
les droits qu'il pouvait avoir sur les comtés de Valentinois et de Diois. Il
promettait de rendre au dauphin tous les lieux qu'il y possédait et de plus
de lui solder en trois mois 40.000 écus. Raoul de Gaucourt, gouverneur du
Dauphiné, qui devait prendre possession desdites places, en chargea par
lettres du 18 mai Jean d'Origny, auditeur des comptes delphinaux, et lui
ordonna de les recevoir de Boniface de Valpergue, commissaire du duc. Le 8
juin, maître d'Origny donna sa déclaration de prise de possession. Ainsi pour
le moment tons les intérêts étaient réglés. Il fallut encore forcer la Savoie
à l'entière exécution des traités. Pour
cette raison le dauphin, dès son arrivée, crut devoir montrer qu'il tenait
aux engagements pris, et fit la guerre avant la fin de l'hiver. Ayant réuni
la noblesse du pays, il fondit sur Saint-Genis d'Aost, le prit, passa le
Rhône et força en peu de jours à Montluel à se rendre. Le duc proposa la
paix. Elle fut faite à Genève, le 1er mai. Non-seulement les concessions
précédemment faites furent maintenues, mais pour dédommager le dauphin de
renoncer à l'hommage, c'est-à-dire à la directe du Faucigny, le duc s'engagea
à payer en divers termes 54.000 écus d'or : encore trouva-t-on qu'il avait
cédé un droit précieux à trop bon marché. Dès
lors les relations de Louis avec la Savoie redevinrent amicales ; cependant
l'hommage du marquis de Saluces, auquel le duc et le dauphin prétendaient,
pouvait devenir et devint plus tard une difficulté ; car le marquis ne savait
trop auquel entendre et craignait à peu près autant de mécontenter l'un que
l'autre. Dès le 18 janvier 1446 le dauphin commit le gouverneur pour recevoir
l'hommage du marquis de Saluces et déclarer au duc de Savoie qu'il ne pouvait
y prétendre, puisqu'il en avait été déboulé par arrêt du parlement du 10 mai
1390. Il veut donc réformer un abus qui (Litait de cinquante ans et plus. Ce
fut peut-être une cause indirecte de la guerre. Le dauphin actuel
administrait sérieusement sa province ; il savait que les droits du souverain
sont une force pour tous, et il tenait aux siens vis-à-vis de l'étranger. Au
milieu de ces luttes les faibles étaient absorbés ; et cette situation
devait, comme au temps de Charlemagne, mais d'une autre façon, ramener la
concentration et l'unité du pouvoir. A tous
ces abus il y avait parfois dans la générosité des caractères certaines
compensations qu'on ne doit point passer sous silence. L'esclavage lui-même
n'a-t-il pas trouvé souvent de la part des maîtres beaucoup d'adoucissement ?
Dans les guerres entre seigneurs il se mêlait sans doute ordinairement
beaucoup de perfidie, d'égoïsme et d'inhumanité. La courtoisie y entrait
aussi parfois en une certaine mesure. A l'égard de ces hommes farouches, qui
sous le moindre prétexte, souvent par pure vanité, désolaient, incendiaient
le pays et versaient le sang, on était souvent réduit à leur savoir gré du
mal qu'ils ne faisaient pas. S'il y avait cruauté dans la rancune, on
rencontrait aussi quelque réciprocité de bons procédés. Citons une de ces
traditions dignes de l'esprit chrétien. En
1325, dans une des fréquentes guerres entre la Savoie et le Dauphiné, au sein
de la victoire gagnée à Varey par le jeune dauphin Guignes VIII, Albert de
Sassenage favorisa la retraite d'Édouard, comte de Savoie. Le souvenir de
cette action ne se perdit pas ; depuis lors s'il est arrivé que des seigneurs
de Sassenage aient été faits prisonniers par des Savoisiens, ils ont toujours
été renvoyés à leur famille sans rançon. Chorier fait ici avec raison cette
réflexion que « dans les maisons vraiment royales comme « celle de Savoie, un
bienfait n'est jamais stérile ». Cette
tradition si honorable se rattache à une coutume dès lors fort ancienne :
qu'un vassal fit un gentilhomme prisonnier, le roi avait le droit de le lui
réclamer en payant une rançon convenable. C'est ainsi que Louis XI disposa de
Guillaume d'Orange qu'avait pris Imbert de Groslée ; c'est en vertu de ce
privilége que les Anglais se firent livrer Jeanne d'Arc, et que Charles VI
eût sans doute pu, soit par échange, soit par l'offre d'une rançon,
soustraire cette héroïne à un aussi indigne traitement. La
longue durée de plusieurs maisons par filiation masculine, surtout de celles
de Sassenage et de Saluces, suffirait à prouver l'excellence de ce qu'on
appelle la loi salique. Parmi les dispositions qui y dérogent, on cite le
traité d'Avignon (1339)
entre le dauphin Humbert II et le seigneur Henri Berenger, où il est dit qu'à
défaut de mâle, la succession pourrait passer aux filles ; mais il y fut
stipulé que celles-ci ne se marieraient que du consentement du dauphin :
précaution pleine de sagesse, là aussi bien que dans les grandes monarchies,
pour empêcher que d'importantes portions de territoire ne vinssent à passer
en mains étrangères. Ces
usages, curieux à observer, n'en laissent pas moins subsister l'impuissance à
peu près absolue du droit quand il n'était pas appuyé par la force. Ne
l'oublions pas, de cette confusion dans la pratique des devoirs naissait le
prétexte à toute usurpation, le trouble des consciences, l'anarchie, la
guerre et finalement la misère des peuples et la nécessité d'un ordre
politique différent. Le
régime féodal, où il entrait plus de contrainte que de libre volonté, où la
subordination, toujours mal définie, était plus apparente que réelle, s'était
étendu dans le clergé, et avait remplacé en grande partie l'ancienne
hiérarchie. Ainsi, toutes les grandes abbayes, comme celles de Cluny, de
Corbie, de Saint-Martin de Tours, de Marmoutiers, de Saint-Waast, avaient
sous leur dépendance, avec droit de suzeraineté, d'autres monastères de
second ordre. On le sait, le sol de notre France est couvert de monuments
élevés par la dévotion des siècles passés. L'énumération en serait trop
longue. Outre les sanctuaires dont nous aurons occasion de parler, on
remarquera dans le diocèse de Senlis[10], où Louis XI se rendait souvent
pour observer sa frontière du nord, la sainte chapelle de Saint-Frambaud,
fondée par Adélaïde, mère du roi Robert, où repose le corps du saint ; et
l'abbaye de la Victoire que fonda Philippe-Auguste, en souvenir de la bataille
de Bouvines ; abbaye que réédifia Louis XI en mémoire de ses succès contre
Charles de Bourgogne ; on peut citer encore la piété aux trois Maries, dont
l'exhumation fut faite en 1448 avec tant de pompe par l'évêque de Carpentras
Guillaume Solberti, assisté d'un légat et de douze autres prélats. On voit
quelles étaient les idées du temps. Dire, comme l'abbé Legrand[11], « que la dévotion de
Louis XI tenait beaucoup de la superstition », est certainement fort
inexact. Tout porte à croire au contraire que sa piété était sincère. Il
faisait des pèlerinages, à l'exemple de sa mère, comme en faisaient aussi
tous les princes de ce siècle ; et on ne le vit adhérer à aucune des
croyances qui alors avaient beaucoup d'empire sur les esprits, ni aux
prédictions des devins, ni aux entretiens secrets avec le démon. Sa foi ne
s'éloigna en rien des vrais principes du catholicisme ; sa diplomatie avec
Rome et avec l'Italie fut digne et ferme. D'après Chorier, « Louis dauphin,
malgré ses entreprises sur les églises qui ne reconnaissaient pas sa
souveraineté, était fort persuadé des vérités de la religion » ;
ajoutons que sa résignation à ses derniers moments est un magnifique
témoignage de la pureté de sa foi. En
1440, époque où commença réellement l'administration directe du dauphin,
Gaucourt, qui joignait l'énergie à la prudence, fut continué dans son office
de gouverneur de la province. Les actes du prince encore bien jeune le
montrent plein de raison, donnant toute sa confiance au vieux capitaine de
Gaucourt, à son mentor d'Estissac et à d'autres fidèles conseillers. Les
états de la province le secondaient aussi dans son œuvre de progrès. Ceux du
4 décembre 1444 non-seulement votèrent des subsides, mais parmi leurs vœux
ils se prononcèrent contre la vénalité des offices[12]. Le sire d'Estissac, qui était
présent pour le prince, se chargea d'appuyer cette sage réclamation, ce qui
nous donne une preuve de son esprit vraiment libéral. L'ordonnance du 16 août
1445, que le gouverneur dut promulguer et faire exécuter, annonce, dans
plusieurs de ses dispositions en matière de justice et de finance,
l'intention d'une réforme des abus et le dessein d'arriver de tous points à
plus de régularité. On remarquera dans cet édit : « 1° que chaque lieu et
jugerie ou ressort sera pourvu de juges, procureurs et autres officiers qui
soient habiles et prudents hommes ; que si aucuns n'étaient pas tels,
monseigneur en sera averti par son conseil pour y pourvoir ; 2° que les
officiers de justice et de finance feront continuelle résidence sur le lieu
de leur office, sous peine de radiation ; 3° que tous accusés, présumés
coupables de meurtres ou de voies de fait sur les officiers du dauphin ou sur
ses sujets, seront punis selon les cas, et que bonne justice en sera faite si
sur ce ils n'ont lettres de grâces en forme due, sans préjudicier aux parties
à qui de tels cas pourraient toucher ; mais veut et entend mondit seigneur
que le droit d'un chacun soit gardé en toute bonne justice ; 4° que les
coupables d'icelles voies de fait ne jouiront aucunement des dons qu'ils
pourraient par importunité avoir obtenus du prince. 5° Si mondit seigneur,
par inadvertance ou importunité, octroyait aucunes lettres closes ou patentes
qui fussent contre les style et observance de la cour souveraine, quelle
qu'en soit la cause, il compte que l'exécution desdites lettres sera retardée
jusqu'à ce qu'il ait été sur ce averti par son conseil. 6° Les exemptions
qu'on aurait obtenues par importunité ne doivent pas venir, à moins de
certaines conditions bien spécifiées, en diminution des revenus dus par les
fermiers des gabelles et péages. 7° Veut mondit seigneur, pour la sûreté de
ses deniers et la conservation de son domaine, que tous châtelains et autres
officiers de finance qui ne seraient pas solvables ni habiles à exercer leurs
recettes et à gouverner la justice de leurs châtellenies, soient contraints
en deux mois d'y commettre en leur lieu des hommes capables et solvables ;
sinon, qu'il y soit incontinent pourvu par son conseil, en sorte qu'il n'y
ait dommage ni pour son domaine ni pour ses sujets. 8° Il veut que tous les
chatelains qui n'auraient pas baillé caution de leur châtellenie à la chambre
des comptes soient, dans les deux mois après ledit commandement, contraints à
le faire, à peine de privation de leur office ; 9° que, pour la sûreté des
places, châteaux et maisons de monseigneur, et pour qu'ils ne tombent pas en
ruines, tous les châtelains y demeurent et y fassent demeurer à leur place
aucun autre bon ménager qui soit sûr pour la garde dudit lieu ; 10° Il veut
que ses juges aient connaissance des causes de la juridiction des châteaux,
ainsi que paravant ; et aussi que ceux qui feront la recette desdites
châtellenies en rendent compte à la chambre des comptes de Grenoble, et en
fassent le versement sur les décharges du trésorier. », Cette
ordonnance, signée de Louis et contresignée de Bochetel, son trésorier privé,
était aussi en bonne partie l'œuvre de son lieutenant gouverneur. L'ordre
est à l'intérieur le plus grand élément de force. Ses propres observations en
Languedoc, en Picardie et en Allemagne l'avaient déjà conduit à reconnaître
cette vérité : pour y parvenir il faut, de la part de celui qui gouverne, une
protection efficace de tous sous l'égide du gouvernement et de la loi, et
encore une scrupuleuse exactitude, à remplir ses engagements, à rétribuer les
services publics, à payer la solde des gens de guerre, à rémunérer tous les
actes méritoires, à récompenser le dévouement et la fidélité. Le dauphin
porta donc son attention sur les finances, puisque humainement elles sont le
principal ressort d'un gouvernement. Une chose certaine sur laquelle on
pouvait compter, c'est qu'il ne laisserait pas, comme par le passé, les règlements
à l'état de lettre morte, et que ce qu'il aurait édicté serait exécuté. Ses
ennemis les plus acharnés conviennent de sa haute raison. Les
soins administratifs sont incessants. Presque aussitôt après son arrivée, dès
qu'il a constitué sa chancellerie, le 27 juillet suivant, Louis établit
Nicolas Erland trésorier général le 5 décembre ; il charge Bochetel, qui a
déjà mérité sa confiance personnelle, d'être contrôleur de la trésorerie. Le
15 octobre 1447 il nomme par lettres patentes une commission composée de
maîtres Aymar de Poisieu, Nicolas Erland et Jean d'Origny auditeur des
comptes. Elle est chargée d'examiner la gestion de tous les gens de finance,
de faire cette délicate enquête avec la plus grande attention et même au
besoin de les faire ressouvenir de leur responsabilité. Il connaissait les
lois de finance du commencement du quatorzième siècle ; il savait « qu'elles
étaient conçues de manière à laisser « place à l'arbitraire : à cet égard il
était donc sur ses gardes ». On se figure à peine tout le mal qu'un tel
régime dut faire au peuple dès que la couronne songea à affermer les impôts. Outre
les revenus de son domaine, le dauphin avait une aide de 45.000 florins et
quelques autres subsides pour gracieux avènement ou à d'autre titre votés par
les états qui s'assemblaient à Romans en février. Par l'examen des budgets on
y voit que les dépenses étaient toujours un peu au-dessous des recettes, que
les déboursés du dauphin pour sa personne étaient relativement minimes ;
qu'il était magnifique dans ses dons soit aux églises, soit à ses fidèles ;
qu'il prenait souvent à son compte des charges qu'il lui eût été facile de
laisser à son père, comme, par exemple, quand ses deux jeunes belles-sœurs
d'Écosse, appelées par la reine, séjournèrent en France presque entièrement à
ses frais. L'impôt
était assurément bien employé : afin qu'il ne devînt pas trop lourd pour
chacun, il fallait qu'il fût également réparti un peu sur tous. Jusqu'à lui
on n'avait guère pensé qu'à accorder des privilèges et des immunités. Il
décide[13] que tout le monde payera
l'impôt, même, comme on le voit par ses lettres du 21 octobre 1447, les
habitants de Saint-Vallier et de Grenoble. Il veut envelopper dans l'impôt
les terres allodiales, parce qu'il regarde avec raison cette allodialité
comme usurpée. Pour cela il faut, chose assez difficile, qu'il se procure des
statistiques exactes de ces terres, et qu'il obtienne d'elles,
particulièrement des villes épiscopales, non une satisfaction stérile
d'amour-propre, mais, comme on sait, l'aveu de la propriété directe. Aucun
obstacle ne l'arrête. On le voit donc, le 22 août 1448, commissionner Aymar
de Poisieu et Matthieu Thomassin, avec ordre « d'aller à Vienne et d'y
obliger les habitants à rendre hommage au dauphin comme ils auraient fait à
Humbert, sous peine de cent marcs d'argent et plus » : ce qui ne l'empêcha
pas de reconnaître les privilèges de Vienne par lettres du 31 octobre
suivant. Il paraît ainsi que les empiétements sur les droits du dauphin
dataient surtout de l'époque de la cession, tant il y avait eu de négligence
de la part de l'autorité française ! Il
savait très-bien que plusieurs de nos rois ses aïeux, dans des temps fort
récents, avaient assujetti par divers moyens tout le monde à l'impôt en
faisant contribuer, pour le revenu ou pour les objets de consommation, aussi
bien les classes nobles que le clergé ; que les évêques spécialement avaient
payé, soit pour la guerre de Flandre, soit pour autres causes, d'assez
nombreux décimes ou dixièmes à Philippe le Bel surtout, et que, pour se
pourvoir d'exemptions, on avait fort souvent, auprès de lui et des autres
rois, abusé de l'allodialité des terres si rarement prouvée. Il dut agir en
conséquence. ' D'ailleurs il n'ignorait pas ce qu'il y avait eu de
répréhensible dans les actes de Philippe IV, et le soin qu'il a de le citer
le moins possible ou de ne pas s'autoriser de son exemple montre qu'il
réprouvait ses violences, tout en demeurant persuadé qu'il fallait de la
fermeté. « Le dauphin veut s'agrandir, » dit Fontanieu[14] ; « ainsi en octobre 1448 il se
fait faire donation par le dauphin d'Auvergne Robert, comte de Clermont et de
Sancerre. » Que voit-on là d'injuste ? est-ce que les annexions faites dès
lors ne profitaient pas à la couronne de France ? Robert, l'un des quatre
fils de Béraud II, avait été évêque de Chartres. Il était évêque d'Alby en
1418 quand il testa, et il mourut en 1419. Ce legs dépouillait sa sœur : mais
il pouvait disposer de sa fortune, et il était d'âge à savoir ce qu'il
faisait. Le parlement eut à s'occuper de ce don qu'avait reçu Louis de Laval
; et en définitive le dauphin Louis ne l'accepta pas. Pendant
les quarante années de désordre de la royauté de Charles VI, et les
vingt-cinq ans du règne agité de Charles VII, la puissance des archevêques de
Vienne et des autres prélats s'était accrue. Les
droits des évêques partout et spécialement en Dauphiné étaient fort
considérables. Par concession des empereurs ils jouissaient de la régale, ils
battaient monnaie, sans toutefois y mettre ni leur nom ni leurs armes. Le siège
de Vienne étant devenu vacant, l'administration du diocèse revenait à
l'évêque de Valence. Des précautions féodales étaient prises de longue main
par les règlements. Pour être chanoine de Valence, il fallait une noblesse
bien prouvée des deux côtés à la fois. Le prévôt ou doyen était naturellement
le premier dignitaire du chapitre. Pierre Charpin, élu en 1441, « fut en
1450 un des négociateurs « du traité de pariage consenti en faveur du dauphin
Louis ». Du reste, l'église de Vienne était remarquable par les fiefs
qui relevaient d'elle. Parmi eux étaient les comtés de Vienne et d'Albon,
noble partie du Dauphiné. Elle comptait même les dauphins parmi ses vassaux.
Il y avait donc parfois de deux parts hommage réciproque, ce qui devait
impliquer une vraie confusion dans la hiérarchie. Il en était partout de
même. Ainsi d'après Sauval[15] jusqu'à Philippe-Auguste, le
Louvre, devant lequel les princes et autres seigneurs abaissaient leur
couronne pour rendre hommage, avait relevé lui-même de l'Église de Paris, et
était dans les censives de celle-ci. L'archevêque
de Vienne avait attiré à lui toute souveraineté et toute juridiction dans la
ville et aux environs. A la mort du prélat Vassellani, en 1446, le dauphin,
avant l'intronisation du successeur, prépara les esprits à l'acceptation de
son pouvoir avec tous les ménagements possibles. Ainsi, le 2 mars 1450, il
est fait un accord de partage, réglant la juridiction et l'établissement des
officiers de la ville et du territoire de Vienne entre le dauphin et Jean de
Poitiers, le nouvel archevêque. Le bailliage fut alors transféré de Bourgoin
à Vienne[16]. L'archevêque et le dauphin
nommèrent des commissaires pour exercer leur commune juridiction. L'exemple
de Vienne fut suivi par les autres prélats et chapitres : ainsi, le 28
octobre suivant, des lettres du dauphin nomment des commissaires pour faire
le recensement des feux dans les terres de l'archevêque, et de Louis de
Poitiers, évêque de Valence et de Die, qui ont prêté hommage de toutes leurs
dépendances : et en 1452 il fait sur la souveraineté de Gap un traité avec
l'évêque où intervient le comte de Provence ; en sorte qu'il charge de
nouveau Ladriesche de la garde de la ville. La souveraineté du dauphin finit
par être reconnue de tous. « Ce droit, il le tirait de la couronne de France,
à laquelle[17] le Dauphiné avait d'abord «
appartenu. » Le
dauphin, du reste, dans toute cette affaire, n'agit nullement par voies
détournées. Il dit nettement ce qu'il se croyait le droit de vouloir. Ainsi,
lorsque le traité entre l'archevêque et Louis eut été bien solennellement
fait, le 21 septembre 1441, par les députés des deux parts, et que Jean de
Poitiers eut reconnu, pour toute sa temporalité, la souveraineté du dauphin[18], le traité fut notifié par le
chancelier au corps de la ville de Vienne et au chapitre. Alors Louis, dans
son discours inaugural, eut soin de déclarer « que les rois de France ni
leurs fils ainés ne souffraient jamais de souverains dans leur pays, bien
loin d'en reconnaître ; que pour cette raison les prélats et gens d'église de
la province, bien éclairés sur la justice de son droit, avaient reconnu sa
souveraineté et son ressort supérieur. » Il y
eut donc un édit général d'après lequel les prélats et les corps
ecclésiastiques, ainsi que les seigneurs qui s'étaient considérés comme
allodiaux à l'égard des dauphins, étaient obligés de rendre hommage à Louis
et de remettre à la chambre des comptes les actes d'aveu et les dénombrements
de ce qu'ils possédaient, édit qui convertissait leurs possessions en fiefs,
et créait au dauphin une directe universelle. Cette réforme profitait surtout
à la royauté, qui semblait ne pas le comprendre. Il ne
faudrait pas croire que la soumission des prélats à ce droit nouveau, ou
plutôt à la restauration d'un droit ancien, se soit faite tout à fait sans
résistance. Voici un exemple cité par l'historien du Dauphiné. L'évêque de
Valence Louis de Poitiers refuse de livrer deux accusés ; il en appelle aux
parlements de Paris et de Toulouse, au roi, et au pape. Son refus ne parut à
personne bien justifié. Le dauphin fait procéder par saisie de son temporel.
Le prélat, pour rentrer en jouissance de ses terres, dut descendre au rang de
sujet. L'affaire fut conclue le 10 septembre 1450 par le ministère de Guy
Pape, employé dans cette importante négociation. L'évêque reconnut le dauphin
pour souverain et sa juridiction comme le dernier ressort, et il rendit
hommage en personne,1 devant les députés qui avaient fait le traité. Pour affermir
son autorité dans Valence, le dauphin y fit élever un palais. Il déchargea
les habitants de la ville, du marc d'or qu'ils payaient annuellement pour la
protection qu'on leur donnait. Les protéger était dorénavant devenu le devoir
du dauphin. L'évêque
de Gap, Gautier de Céreste, fit aussi d'assez grandes difficultés. Sa
résistance fut vaine, son voyage à Rome sans résultat. Louis, dès le 21 mai
1444, avait écrit au prélat des lettres où sa propre souveraineté était
marquée. Le dauphin lui fit comprendre, ainsi qu'aux habitants du diocèse,
qu'ils étaient ses vassaux, qu'ils ne différaient des autres que par
l'allodialité, qui n'est pas incompatible avec la soumission à un souverain. Le
chapitre de Romans avait antérieurement traité avec Clément VII, qui s'était
réservé les dernières appellations. « Cette usurpation sur le droit
royal fut corrigée : on reconnut que le ressort suprême était une attribution
nécessaire de la souveraineté. » Dans toutes ces circonstances délicates
et souvent fort compliquées, il y eut de nombreuses consultations de
Thomassin et de Guy Pape, les deux plus habiles juristes de cette époque.
Quoique ces affaires parussent définitivement terminées, la suprématie de Gap
donna lieu plus tard à de nouvelles difficultés, que Louis XI se hâta
d'aplanir en 1465. Pendant
ce temps l'expédition contre la garnison du Mans fut en France la plus
importante affaire. Les Anglais, pour maintenir la trêve, finirent par rendre
la ville et s'en allèrent en Normandie : l'année suivante, ils rendirent
aussi Mayenne, comme ils l'avaient promis. Toutefois, la paix ne fut pas de
longue durée. C'est à
cette année 1449 que l'on rapporte[19] le rétablissement à Saint-Denis
de la foire du Landit et la translation de Bourges à Paris du saint Clou et
de la sainte Couronne d'épines, événements qui avaient alors leur importance. Alors
l'autorité du dauphin et par suite :sa juridiction s'étendaient ou plutôt se
rétablissaient sur l'ancien pied. Avec cet administrateur de vingt-quatre ans
il n'y avait point d'hésitation. Il adresse le 26 septembre 1447 des lettres
au gouverneur, au conseil delphinal et à la chambre des comptes, pour que
tout fief mouvant de lui et qui n'aurait pas rempli le devoir de l'hommage
soit, après les criées dument faites, mis en sa main. Il décide de même[20] pour ses vassaux du Vivarais
qui seraient dans le même cas. Ses lettres du 27 septembre déclarent, d'après
l'assentiment des états, que tous doivent contribuer, « sauf les clercs
vivant cléricalement et les nobles vivant noblement ». Ses lettres du 26
février 1448 déclaraient que, « bien que les états de la province lui eussent
accordé un don gratuit et permis de le prendre sur les allodiaux, c'était
sans nul préjudice de leurs libertés ». On ne
doit pas s'étonner de l'appui que le dauphin trouve aux états du Dauphiné.
Ces états, introduits dans ce pays par la domination française, étaient comme
la compensation de la cession de Humbert H. Les populations trouvaient un
appui dans ce droit de voter leurs charges et de faire connaître leurs
besoins. Outre les mandataires des ordres privilégiés, les députés des bonnes
villes y étaient convoqués comme en France ; ils se réunissaient
ordinairement à Romans. La présidence était, d'après l'usage, déférée à
l'évêque de Grenoble ; ils votaient l'impôt et les dons qu'il plaisait à la
province d'octroyer. Quand ils avaient quelques griefs à l'égard de
l'autorité, ils trouvaient là une occasion de les formuler en commun, et ils
nommaient les délégués chargés de présenter leurs admonitions à qui de droit.
Ils furent même priés par le dauphin Louis de nommer une commission
permanente pour surveiller la perception et l'emploi des deniers de l'État,
autorisation dont la bonne administration des finances les dispensa de
profiter. On convient que les états du Dauphiné ne furent jamais plus souvent
ni plus exactement convoqués que sous le dauphin Louis. Par un effet de
l'inconstance des peuples, le zèle pour ces assemblées finit par se
refroidir. Chorier assure « qu'en 1628, quand il fut question d'y surseoir,
les députés consentirent à cela avec empressement ». Les délégués des bonnes
villes firent toujours en ces états très-digne contenance, selon Chorier[21] ; c'était dans le tiers état,
c'est-à-dire parmi les bourgeois et les gens de commerce, que se
choisissaient exclusivement, à peu près partout, les consuls et généralement
ceux qui devaient participer au gouvernement des villes et aux honneurs
municipaux. On se relâcha sous Louis XI, en 4467, de cette règle trop
absolue. Le statut sur lequel se sont nommés ensuite les consuls fut fait par
les juges des appels Jean de Voûte et Claude Lallier, et par le trésorier
Claude Coct, sous le gouverneur général de sa province Jean de Cominges.
Alors nobles et avocats furent d'accord ; l'épée et la robe alternèrent
naturellement d'année en année dans les magistratures municipales. On s'en
tint à cette règle. « Les sages, dit Chorier[22], sont « persuadés qu'en
politique c'est un grand mal d'aller même à « un grand bien par la
nouveauté. » D'ailleurs, on ne faisait pas tant attention à la condition de
ceux qu'on nommait au consulat qu'à leur mérite. Ordinairement il restait
deux consuls anciens qui devaient gouverner avec les nouveaux. On constate
enfin qu'avant François Ier les rois-dauphins n'imposèrent jamais rien d'autorité
absolue sur cette province[23]. Ils étaient satisfaits des
dons gratuits que votaient les états. Aux
états de Romans qui furent très-solennellement tenus en janvier 1449, il fut
positivement convenu que tous, exempts ou non, étaient également obligés de
contribuer, excepté les nobles et clercs en fonction. On y entendit le compte
du trésorier, contrôlé par maître Bochetel ; ensuite le sire de Scépeaux
exposa la situation. Après le chancelier, le dauphin prit la parole, et dit «
qu'il souffrait véritablement d'être obligé de lever des subsides aussi
considérables sur son peuple. Il priait les états de considérer que les
dauphins de France ses prédécesseurs avaient toujours eu avec le Dauphiné
quelque province considérable, comme la Normandie ou la Guyenne. Il promit
aux Dauphinois que dès qu'il aurait plus de revenus non-seulement il
soulagerait la province et diminuerait les impôts, mais qu'il ferait part à
son peuple de ses largesses. » Les
états, selon la coutume, accompagnèrent leur don de remontrances et de vues
d'amélioration ; et même, pour s'assurer qu'il y serait donné suite,
nommèrent des commissaires chargés de rester auprès du dauphin. Ce furent
alors les sires de Morges, de Monteynard et François Portier. D'un autre
côté, on a, du 4 mai 1449, des lettres de Louis où, appuyé sur la décision
des états, qui permettaient d'imposer les terres allodiales d'une certaine
somme, il commet le chapelain de Mens pour s'informer du nombre des feux
allodiaux, que l'évêque et le chapitre de Die avaient en trêves ou garantie.
Il fait de même pour les autres circonscriptions ecclésiastiques. Les
états assemblés à Romans le 11 février 1450 présentent beaucoup de membres du
clergé, de la noblesse et aussi du tiers. Ils votent, à cause du mariage
alors récemment fait, quelque chose de plus que l'année précédente,
c'est-à-dire[24] 21.042 florins, don volontaire
des bonnes villes. Dans leur décision on remarque ces mots : « Aussi
contribueront ceux des lieux qui avaient coutume, d'être allodiaux. » Il y
eut, suivant l'usage, un cahier de doléances ; mais, quoique le dauphin eût
nommé ceux qui devaient les examiner, les états ne désignèrent personne pour
en poursuivre les résultats. C'était une marque del leur confiance. Parmi les
membres de cette assemblée on voit les hommes les plus considérables. Le
dauphin y assistait, ayant avec lui Yves de Scépeaux, son chancelier[25] ; Louis de Laval, seigneur de
Châtillon, le successeur du sire de Gaucourt, Guillaume de Courcillon, bailly
du bas Dauphiné ; Jean de Villaine, bailly du haut pays ; son chambellan Jean
de Daillon, ses maitres d'hôtel Gabriel de Bernes et Geoffroy Chausson, et
plusieurs autres de sa maison. Pas
plus en Dauphiné qu'ailleurs, ni pour les juridictions, et pour les intérêts
spirituels et temporels, ni pour les confins des seigneuries et des États, il
n'y avait rien de précis. Voici un exemple qui montre jusqu'où allait sur ce
point la confusion. La pièce qui donne cette curieuse preuve est du 5 janvier
1447. Les députés de France et de Bourgogne ayant été chargés de faire une
enquête sur la limite des deux pays, pour un intérêt de fisc et de commerce,
et ayant dû pour cela consulter les villes et villages de la frontière, il
s'en trouva cent vingt qui, attribués à la Bourgogne, prétendirent, pour
différentes causes, être du royaume. C'était de même entre le Dauphiné et la
Savoie. Aussi y avait-il eu d'abord un traité d'alliance et de commerce fait
à Briançon le 2 août 1449 entre les deux peuples « accoutumés, y est-il dit,
d'aller commercer, vivre et communiquer l'un avec l'autre, et désireux
d'augmenter cette bonne amitié réciproque par un engagement formel ». Ce
traité est des plus remarquables : le commerce sera libre entre leurs sujets.
On ne pourra augmenter les droits d'entrée ni de sortie sur aucune
marchandise, ni en empêcher le débit. S'il y a plainte sur ce point, le tort
fait aux marchands sera aussitôt réparé. Ils ne donneront ni l'un ni l'autre
passage aux ennemis de chacun d'eux. Ils s'assisteront au contraire
réciproquement, et ils se donneront en cas de besoin un secours de 2.000
chevaux et autres forces bien spécifiées. Si entre les sujets des deux
princes il survenait quelque différend, on ne souffrirait ni voies de fait ni
représailles ; mais bonne et brève justice sera faite après l'examen de
l'affaire. Il y aura, si le cas s'y présente, extradition des coupables. Tous
ces articles seront exécutés sans dol ni fraude, mais de bonne foi. Cette
alliance doit être perpétuelle. S'il survient quelque difficulté, quatre
conseillers seront nommés pour tout régler. Lorsque
déjà des relations plus intimes commencent à se former entre les deux cours
voisines, le 1er mai 1450, des lettres du dauphin, en vue de prévenir toute
difficulté à venir, nomment Jean Bayle et Jean d'Origny maîtres des comptes,
pour régler les limites entre le Dauphiné et la Savoie, près le pont de
Beauvoisin. Les instructions sont du lei mars 1450. Louis
fait encore beaucoup d'utiles règlements qu'il serait long d'énumérer. Ainsi
il veut et édicte que les exemptions de péage (28 juin 1450) ne valent que pour ceux qui les
ont obtenues ; que nul n'abatte les futaies de ses domaines ; qu'il y ait[26] un sceau pour les actes des
notaires et châtelains, ce qui constituait une sorte de droit de timbre. Il
décide qu'en considération des dommages notables causés aux récoltes par les
meutes et les chevaux des chasseurs, la chasse soit interdite, excepté contre
les ours, les loups, les renards et les chamois[27]. Cette ordonnance fut plus
d'une fois retouchée, et le 4 septembre 145g il y eut permission de chasser à
la chouette. Les
états, parmi leurs remontrances, avaient signalé le déplorable abus des
guerres que les seigneurs se croyaient autorisés à se faire entre eux et la
désolation qui s'ensuivait souvent dans toute une contrée. te dauphin sentait
mieux que personne tout l'inconvénient d'un pareil usage ; il était d'autant
plus porté à le réprimer, s'il le pouvait, que depuis le commencement du siècle,
même sous Charles VI, dans le Languedoc, les guerres privées avaient été déjà
très-sévèrement interdites[28]. Néanmoins en Dauphiné et dans
plusieurs autres provinces les nobles conservaient la coutume de se déclarer
et de se faire la guerre, au lieu de s'en tenir à l'arbitrage du seigneur
suzerain. A peine même s'ils suspendaient leurs hostilités personnelles quand
survenait une guerre étrangère. Malgré
la concession que le faible Humbert avait faite à la noblesse du Dauphiné, le
dauphin prit en grande considération la très-juste réclamation des états ;
et, appuyé pour cette grave affaire de l'autorité de l'opinion, il défendit
aux juges de Viennois et de Valentinois de donner aux barons ses vassaux ce
qu'on appelait des lettres de querelles. Chorier
dit : « Louis voyant sous les armes les gentilshommes des frontières de la
Savoie fut surpris de leur hardiesse à se faire la guerre, suivant la
permission de Humbert... Il fut porté, par l'intérêt du repos public et de
son autorité à peu près souveraine, à condamner cette liberté, qui[29], de tous les gentilshommes,
faisait autant de petits tyrans, toutes les fois que la frénésie de se venger
avec éclat saisissait leur imagination. Ces guerres n'étaient souvent que des
surprises, des actes de rapine, des incendies, non de loyaux combats. » Dès
lors les châteaux forts et les donjons n'eurent plus :de raison d'être : la
foi publique tint lieu de fortification et les villages se multiplièrent dans
les plaines avec plus de sécurité ; mais il fallut plus tard une ordonnance
confirmative. Toutes
ces mesures étaient assurément excellentes, mais, on ne peut le dissimuler,
elles heurtaient beaucoup d'habitudes, d'amours-propres et d'intérêts privés,
et le bien qui devait en résulter ne pouvait se manifester clairement qu'avec
le temps. On ne s'étonnera donc pas que toutes ces nouveautés, qui étaient un
évident progrès, ne fussent pas aussi généralement goûtées qu'elles auraient
dû l'être. Louis XI n'en persévéra pas n'oins dans son œuvre. Quel sérieux
réformateur a jamais été agréable à tous ? est-ce qu'il n'a pas fallu dérober
la tombe de Colbert à l'incroyable malédiction des Parisiens ! Il n'y
avait guère qu'un moyen d'éviter tout conflit, toute agitation intérieure,
c'était l'unité dans l'autorité civile et spécialement dans la juridiction,
et l'égalité à supporter les charges ; Louis pourvut à l'une et à l'autre. A
ce point de vue donc, il étendait autant que possible le pouvoir du conseil
delphinal : il en faisait le conseil souverain du pays, comme était le
parlement pour la France. Ainsi,
d'après ses intentions très-formelles, à ce conseil doivent ressortir tous
les appels de la province (8 février 1451). Il en est le juge suprême ; défense (mai 1447) qu'aucun sujet du Dauphiné
puisse être distrait de ses juges légaux et traduit en une juridiction
étrangère ; défense (2 mai 1449) contre les appellations téméraires ; nul ne sera
admis à appeler d'une sentence[30], s'il n'a préalablement
consigné 120 livres ; le 10 mai suivant, défense d'appeler des juges qui
ressortissent immédiatement au conseil delphinal, ni des sentences
interlocutoires de ces mêmes juges. De Toulouse, en juin 1463, il écrit
encore contre les téméraires appellations du Dauphiné. Ses soins entrent
jusque dans les détails de la hiérarchie judiciaire, tant il voulait l'ordre
partout ! et il trace des règles de préséance pour les maîtres des requêtes. Louis
était encore à la cour de France, le 23 décembre 4446, lorsque fut célébré le
mariage de Jeanne sa sœur avec Jean de Bourbon, comte de Clermont, héritier
de la couronne ducale. Dès le 4er février 1437, Louis était en possession du
château de Mazan, que Louis de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, lui avait
livré ; il y réunissait les terres dépendantes du comté de Valentinois
et Diois. Le 7 mai 1417, lorsque sans doute on comptait encore sur son retour
à la cour, il reçut de son père les quatre châtellenies du Rouergue, comme
dédommagement des dépenses qu'il avait faites dans la guerre de Languedoc et
de Gascogne. En octobre suivant, presque au moment où il recevait comme
gonfalonier la plus gracieuse réponse de Nicolas V, par l'entremise de son
envoyé Guy Pape, il recevait encore d'Eugène IV la ville de Montélimar, et il
en donnait les clefs au bâtard de Poitiers comme gouverneur. Le 12
juillet 4448 Louis envoyait une ambassade à Rome pour la pacification de
l'Église. Ses ambassadeurs, tant qu'ils y furent, ne cessèrent d'être
honorablement traités. Dans les conférences, il fut question de Nicolas, qui
était à Lyon, et de Félix, qui était à Lausanne. Après la mort d'Eugène IV,
c'est au dauphin qu'on s'adressa particulièrement en vue de ramener la paix
religieuse. Le roi et lui, c'est une justice à leur rendre, s'y employèrent
avec un zèle égal. Les autres puissances se joignirent à eux. Nicolas se
décida enfin à accepter les conditions qui avaient été proposées à Genève. Il
fut dit que les excommunications seraient levées. Aux ambassadeurs du dauphin
se joignirent les délégués du roi, maître Jacques de Combort dit de Trignac[31], évêque de Clermont ; Jacques
Juvénal des Ursins, patriarche d'Antioche et évêque de Poitiers, et le bâtard
d'Orléans. Les assemblées de Lyon et de Genève amenèrent la démission espérée
de Félix V. Ce dernier, satisfait d'avoir la caution de Louis pour Nicolas,
se retira dans sa terre de Ripaille, comme on sait ; les cardinaux de sa
promotion restèrent dans le sacré collège. Il conserva « tous les « ornements
de sa dignité, sauf[32] l'anneau du pasteur, la croix
sur les pantoufles et le dais ». Ainsi la paix fut rendue à l'Église. C'est
aussi le dauphin que les Génois crurent le plus capable de rétablir l'union
chez eux. Louis ne crut pas devoir accepter cette mission. Ce sont là du
moins des témoignages de la confiance et de la considération dont il
jouissait. Cependant
les contradictions n'avaient pas manqué. Dès qu'on s'aperçut que Louis ne
songeait pas à retourner auprès de son père, on fit à la cour mille propos,
mille conjectures. On questionnait ceux qui venaient du Dauphiné ; on disait
tantôt qu'il amassait beaucoup de gens avec des vues hostiles, tantôt qu'il
entreprenait sur l'Église et sur les terres du pape ; on ne disait les choses
qu'à demi-mot et toujours pour faire entendre bien au-delà de ce qu'on
pouvait dire, comme il arrive quand on veut noircir un absent. Guillaume
Mariette fit plusieurs voyages de Chinon en Dauphiné, et réciproquement. Il
se disait très -bien informé des projets de Louis ; à l'entendre, il avait de
grandes révélations à faire. Il parla d'abord au sire de Brezé, chef des
conseils du roi, puis à Charles VII lui-même. Quand il retourna à Grenoble,
le dauphin, qui avait eu vent de ses menées, le fit arrêter et mettre en
jugement. Comme il était tombé malade en prison, le dauphin le fit soigner
par ses propres médecins. Il s'échappa des prisons de la Côte-Saint-André ;
mais il fut repris. Conduit à Lyon, on le livra à la justice du parlement en
1448, ce qui amena la découverte, après de longues procédures, de toutes ses
intrigues et de tous ses mensonges. Il fut, avec plusieurs de ses complices,
condamné comme calomniateur, et il eut la tête tranchée. C'était un
imposteur. Pour se faire la partie belle, il avait fabriqué des pièces dont
la fausseté fut reconnue. A le croire, le dauphin était prêt à marcher pour
détrôner son père. On reprocha au sire de Brezé de n'avoir pas assez tôt
parlé au roi des premières révélations qu'il avait reçues. Il n'y avait point
attaché d'importance. On le soupçonna même d'avoir eu des intelligences avec
le dauphin. Cette nouvelle affaire ne manqua point de gravité. Les ennemis ou
les envieux du ministre commençaient à prévaloir à la cour, et son crédit en
fut ébranlé. Il eut aussi ses jours de disgrâce. Il y eut procès contre lui,
et procès devant le parlement. Il fut donc par le roi dépouillé de toutes ses
charges : « mais, ô honte ! dit Fontanieu, le parlement déclara Pierre
de Brezé non coupable ». Ses emplois ne lui furent rendus que longtemps
après. Il savait cette maxime qu'on ne doit jamais se venger de sa patrie[33]. Aussi le voit-on peu après,
dans la guerre de Normandie, combattre courageusement les Anglais. Cette
affaire fut surtout connue par les lettres de rémission données par Charles
VII au sire de Brezé. Louis
porta nécessairement un grand intérêt à ces démêlés. Ces enquêtes à son sujet
ne purent que lui être fort peu agréables. Depuis sa résolution de ne pas
retourner à la cour de France, où il ne comptait guère que des ennemis, il
cherchait ses satisfactions autour de lui. Il voulait, s'il était possible,
administrer le Dauphiné encore mieux que n'avait fait Charles le Sage, son
bisaïeul. Quoique par goût il fit peu de cas du luxe et de la représentation,
il savait cependant qu'il est bon qu'un prince se montrât quelquefois aux
populations, puisque leur attitude en sa présence lui devient souvent un
conseil, parfois même une leçon. Ainsi, comme il était solennellement entré à
Toulouse, où il n'avait eu qu'une autorité passagère, il fit dès le mois
d'août 1447 son entrée à Grenoble avec une certaine pompe et entouré de sa
petite cour ; car, bien qu'il fût appelé dauphin de Viennois, Grenoble, où
était le palais de Humbert, où siégeait aussi le conseil delphinal,
commençait à être capitale du Dauphiné. Une
note de son gouverneur et premier chambellan, Amauri d'Estissac, en faisant
connaître les gentilshommes qui furent payés le 24 janvier suivant à son
départ de Saint-Symphorien d'Ozon, nous révèle en grande partie quel était[34] son cortége en cette fête, et
en même temps les honoraires de chacun. On vit donc là le premier chambellan,
Charles de Melun, écuyer d'écurie ; l'échanson Bérault de l'Estang ; Geoffroi
Leurault, Amien de Beauvoir, écuyers tranchants ; Jacques, seigneur de Theis,
varlet de chambre ; Hardoin de la Touche, Jacquelin Trousseau, Pierre
Charnier, écuyers échansons ; Jean Jupille, Charlot Blosset et Jean Blosset
son frère, échansons ; Jean de Byars, pannetier ; Jean Dufou, Jean Botet,
Colinet d'Elcourt, Guillon du Dresnay, Jean Lebrun, Jean de Longaunay,
Guillaume de Mauvoisin, Mathieu de Condé, tous écuyers et gentilshommes de
l'hôtel du prince ; Hugues de Bournazel, écuyer pannetier ; Pérolles de
Borillon, arbalétrier ; Haine et Guillaume, fauconniers ; Guillaume de
Courcillon, chevalier ; Thomas Reguier, veneur ; les pages Robinet de Carné,
Bertrand Leroux, Philippe Luillier dit Paris, et Jean Turpin dit de la Penne,
tant on aime alors le sobriquet, ! le vicomte Antoine, seigneur de Clermont,
chambellan, tous à 30 livres par mois ; Charles de Groslée, chevalier,
seigneur de Château-Villain, et Geoffroi le Maingre dit Boucicault,
chambellans, à 25 livres ; Hector de Tournon, écuyer, seigneur en partie de
la Tour du Pin ; Charles de l'Estang, Louis de Crussol à 20 livres ; Arnault
Miglos, Georges de la Chastre, Jean de Villaines, Lardi de Bar, Pierre
Latonnière, Gaubert des Massues, Philippeau Breteau, Guillaume Cochet,
écuyers ; Rolland Lescouet, Louis seigneur, de la Chapelle, Jean de Lespare,
échansons ; Tannegui du Chatel, Benoît Devaux, écuyer varlet de chambre ;
Guillaume de Meulon, pannetier ; Hugues de Montagu, varlet de chambre et
armurier ; Bertheau, écuyer d'écurie et capitaine de trente archers à cheval,
tous pour la garde du dauphin à 45 livres ; Girauld, bâtard de Montfaucon,
écuyer capitaine de dix arbalétriers à cheval, aussi pour la garde du corps
de Monseigneur, à 10 livres. Une
telle composition de sa maison répond assez à ceux qui ont prétendu qu'il
s'entourait d'hommes de peu. Les comptes nous révèlent encore beaucoup
d'autres personnages qu'il serait long d'énumérer. Toutefois, par les
pensions qu'il soldait déjà en 1447, savoir : à Amauri d'Estissac et à
Guillaume de Courcillon, 1.200 livres ; à Jean, seigneur de Bueil, 2.000 ; à
son chambellan, seigneur de Montejean, 1.000 ; à Regnier de Bouligny, à Yves
de Scépeaux, à Regnault de Dresnay, son conseiller et chambellan, 1.000
livres et la capitainerie de Château-Thierry ; à Jean d'Haraumont, son maître
d'hôtel, 600 livres ; au sire Jean Jaupitre et à Pierre Taureau, 300 livres ;
à Pierre, petit varlet de chambre, à Antoine Benevois et à Pierre Blondeau,
son barbier, 50 livres ; de plus, quand il donne à Jarretière, roi des
hérauts du roi d'Angleterre, 100 écus d'or, aux gens du prince de Navarre
venus à Grenoble en ambassade, six tasses d'argent pesant 12 marcs, à 6 écus
1/2 le marc et 10 écus d'or comptant ; à Antoine, seigneur de Prie,
chevalier, 100 écus d'or ; à Louis Desharres, chambellan de celui-ci, 60 écus
d'or ; à Jean Majoris, son confesseur, 50 écus d'or pour avoir une belle mule
; à l'archevêque de Reims, duc et pair, conseiller du roi et du dauphin, 300
écus d'or, le 18 septembre 1447 ; on voit par ces dons sa munificence et son
attention à s'attacher ceux qui le servent. A ce
personnel déjà imposant il faut ajouter Guillaume ()liner, son physicien ou
médecin, son écuyer maître d'hôtel Aimar de Poisieu dit Capdoral, ses maîtres
d'hôtel Gabriel de Bernes, seigneur de Targes, et Rogerin de Brosses, son
écuyer, seigneur de Fontaine, son écuyer tranchant Guillaume Sanglier, les
chambellans Jean de Daillon et Jean de Chaourles dit Malicorne, Jean
de Garguesalle, Pierre de Romont, le bâtard de Montfaucon, Antoine Dufay,
Remonnet de Flers, Gaston du Lyon, Jean du Parc, ses gardes et ses quatre
trompettes. Qui
considérera ce qu'il a déjà fait ne sera pas étonné de l'importance qu'il
avait déjà acquise parmi les souverains de l'Europe. Quoique avec de modiques
revenus, un territoire restreint et peu de forces, il trouve moyen par la
mesure et la dignité de sa conduite de se faire craindre et respecter, «
non-seulement de ses « sujets et de ses voisins, dit Legrand, mais des
princes et des « États éloignés ». Les Suisses, les ducs de Savoie et de
Milan, presque tous les princes et peuples d'Italie, les rois de Navarre,
d'Aragon et d'Angleterre lui envoyèrent des ambassadeurs et recherchèrent son
amitié. Aux
assemblées des électeurs allemands à Boppart, en mai 1445, ses commissaires
munis de bonnes instructions le représentèrent à côté de ceux de Charles VII.
Ceux qu'il envoya ensuite à Nuremberg furent les seigneurs d'Estissac, de
Fénestranges, Capdorat, Raulin Regnault et Jacquemin de Brunières. Il
s'agissait particulièrement dans ces assemblées des réparations et
dédommagements auxquels la France avait droit pour son expédition de Zurich,
et aussi de la délivrance du duc Louis de Bavière, frère d'Isabeau, homme
d'un grand âge, qui avait d'abord été mis en prison par feu son fils, et qui
depuis la mort de celui-ci était encore, sans cause raisonnable, détenu par
le jeune marquis de Brandebourg. Cette affaire, aussi bien que celles de
Gilles, de don Carlos et autres du même temps, montrent quel danger couraient
ceux qui prétendaient à un trône, même de loin, s'ils avaient des ennemis. Tandis
que le dauphin rétablissait sur des bases solides son petit État, la guerre
contre l'invasion anglaise se rallumait en France, et il se passait d'assez
tristes événements. Il régnait une bonne entente entre Charles VII et le duc
de Bretagne François 1er, et le roi était disposé à prendre fait et cause
pour tout ce qui intéressait le duc. Cette union momentanée fut fatale à
Gilles de Bretagne, son frère. Ce malheureux, dont tout le crime était
d'avoir demandé trop haut que son apanage fût, non en Anjou, mais en
Bretagne, était accusé d'avoir de l'inclination pour les Anglais. Voici,
selon d'Argentré et dom Morice, ce qui arriva. Nous résumons cette trop
longue histoire. L'imprudent
prince, malgré tous les avis, était resté au Guildo ; et, bien qu'il
n'ignorât pas combien d'ennemis il avait à la cour de son frère, il
continuait, dit-on, à se divertir avec les Anglais. Le duc, à l'occasion de
quelques propos qu'on lui attribuait, le fit enfermer à Chateaubriand et
ordonna contre lui un commencement d'instruction. Des témoins furent
entendus. A Rasily on communiqua au roi la déposition du bâtard de Bretagne,
un peu envenimée puisque celui-ci la désavoua en partie. Olivier du Breuil la
remit au procureur général Guillaume Cousinot, pour en faire son rapport. Le
duc représentait son frère comme rebelle et ami des Anglais. Le procureur
général, consulté, répondit que ces charges ne suffisaient que pour justifier
l'emprisonnement du prince ; pressé davantage, il ajouta que la loi ne
donnait point à l'aîné le droit de poursuivre criminellement son cadet ;
qu'il ne pouvait donc faire le procès à M. Gilles. Au reste, la conduite de
Gilles n'était pas fort exemplaire. Il y avait une jeune héritière,
Françoise, fille unique de Jacques de Dinan et de Catherine de Rohan. Elle
avait déjà de vastes seigneuries. Il l'enleva avant qu'elle fût nubile en vue
du mariage, et il l'épousa plus tard. Elle avait été promise auparavant. On
le conçoit, ce n'était pas un moyen de se faire des amis et d'intéresser
beaucoup à sa personne. Des chroniques vont même jusqu'à dire[35] « qu'il n'aurait pas a eu
l'affection de son épouse ». Quoi qu'il en soit, Cousinot n'eût pas dû se
prononcer, même comme il a fait, sans informations précises. Le duc
François Ier, après s'être entendu avec le roi Charles, « et a malgré
les efforts du connétable de Richemont, leur oncle commun[36] », l'avait fait mettre en
prison en 1447. Il y fut d'abord trois ans ; ensuite enfermé plus à l'étroit
dans un cachot, ses gardiens devenus ses bourreaux essayèrent de l'y faire
mourir de faim ; puis, comme sa vie se prolongeait au-delà de ce qu'ils
avaient cru possible, ils l'étranglèrent dans la nuit du 24 au 25 avril 1450
: c'est une des actions honteuses de ce siècle. Il fut assassiné sans
jugement, quoiqu'il invoquât à grands cris la justice de son frère et celle
du roi. Là est la justification de l'éloignement du dauphin. Le meurtre de
Gilles se rattache à la guerre qui va suivre, puisque, selon dom Morice, ceux
qui surprirent Fougères eurent en vue de le délivrer, et que dans les
conférences les Anglais parlèrent toujours de sa délivrance. L'Angleterre
comme la France, employait à on service des chefs de compagnie fort peu
exacts à suivre les ordres qu'on leur donnait, trop souvent même agissant de
leur autorité. Dans la nuit du 23 au 21 mars 1447, Fougères, qui alors
appartenait au duc de Bretagne, fut surprise par François de Simienne, dit
l'Aragonais. Ce guerrier, loin d'être un aventurier, était, selon Rymer,
gouverneur de la basse Normandie : 'on peut excuser le chevalier d'Aragon et Rapin-Thoiras
; mais insinuer que Marguerite a bien pu s'entendre avec Charles VII pour lui
donner une occasion de conquérir ses provinces, c'est calomnier la mémoire de
cette reine. Surienne escalada le château, fit main basse sur la garnison et
mit la ville au pillage. Or, la trêve devait durer jusqu'au mois de juin
1449. Somerset,
obligé de s'expliquer sur un cas aussi grave, désavoua l'Aragonais : mais de
satisfaction, il n'en offrit point, dit-on, de bien sérieuse. Il s'était
ouvert des conférences, d'abord à Louviers, puis à Saint-Ouen, ensuite de
nouveau encore à Louviers. L'évêque de Chichester y soutenait que
l'Angleterre ne pouvait discuter avec les ducs de Bretagne et de Bourgogne,
puisque le premier était vassal du roi d'Angleterre et que le second s'étant
soumis à la même condition, avait rendu hommage à Henri VI. Il prétendait
même que le duc de Bretagne était son homme-lige. La thèse opposée fut
vivement soutenue, on le conçoit, par Guillaume Cousinot et par les députés
de Bourgogne et de Bretagne. Ces derniers déclarèrent hautement que les ducs
leurs maîtres n'étaient engagés par le serment et par l'hommage qu'envers le
roi de France. Le duc
de Bretagne, indigné de cette surprise, avait envoyé vers le roi de France à
Chinon l'évêque de Rennes et son chancelier, le sire de Guéméné, pour se
plaindre de cette violation de la trêve. Le roi répondit qu'à ses yeux cette
cause était la sienne propre. En effet il n'hésita pas. Jean Chartier affirme
qu'après plusieurs députations dirigées de France vers Louviers, et du camp
anglais de Somerset et de Talbot vers Chinon, les mandataires de Henri VI
consentirent, il est vrai, à désavouer le sire de Surienne et à rendre
Fougères, si leurs places du Pont-de-l'Arche et autres leur étaient rendues ;
mais qu'ils ne voulurent point entendre parler de réparations suffisantes. On
courut donc aux armes. Outre Jean Chartier trois autres chroniqueurs ont obtenu
d'écrire cette guerre. On a le manuscrit de Robert Blondel ; on connaît les
travaux de Gilles le Bouvier dit Berry et ceux de maître Bazin, évêque de
Lisieux. La Normandie fut le rendez-vous de tous les meilleurs capitaines du
roi. Lui-même ne tardera pas à se joindre au comte de Dunois, devenu son
lieutenant général, et il fera de brillantes entrées dans les principales
villes du duché, heureuses de redevenir françaises. La ville d'Alençon,
défendue par un Anglais dit Nicolas Morin, ne résista pas mieux que les
autres : elle se rendit à son seigneur le duc. Cousinot
et le maréchal de Culant se rendaient à Évreux pour traiter de la
satisfaction due par le roi d'Angleterre, quand on apprit que la trêve était
rompue des deux parts. Il n'est pas vraisemblable que ce fût l'effet d'un
malentendu ou d'un manque de discipline. Charles VII voulut paraître avoir la
main forcée par les seigneurs de France, trop émus de l'outrage fait au duc
de Bretagne. Il désirait la guerre parce qu'il voyait que les Anglais étaient
peu en mesure de la faire. Parmi
les seigneurs qui accompagnèrent le roi en cette expédition on cite son
beau-frère René d'Anjou[37], mais ce prince pouvait-il
oublier qu'il attaquait sa fille, Marguerite d'Anjou On
écrivit de longs mémoires de part et d'autre, mais sans aucun résultat. Le
roi se prépara à la guerre par une alliance étroite conclue le 17 juin à
Rennes avec le duc de Bretagne François Ier. Alors, assure-t-on[38], le roi demanda la liberté de
Gilles. Le duc l'accorda de bonne grâce. L'amiral partit donc pour le faire
mettre en liberté ; niais, au moyen d'un habile scélérat nommé Pierre la
Rose, une lettre fut contrefaite comme si elle venait de Henri VI, avec toutes
les formes de la chancellerie anglaise, et remplie d'injures et de menaces
contre le duc. François y fut trompé ; il envoya immédiatement contre-ordre,
et il en coûta la vie au prince dont les ennemis eurent ainsi le dernier mot. Les
Anglais avaient tort pour le fond et pour la forme. Selon Duclercq, ils
avaient commis beaucoup de méfaits : ils devaient donc satisfaction et
réparation, mais ils avaient raison de réclamer la liberté de Gilles. Selon
Rymer, on demanda d'abord 1.600.000 écus de dédommagement. Lingard affirme
que, malgré les explications du conseil d'Angleterre et le désaveu de Henri
VI sur l'infraction de la trêve, et même toutes les offres de réparations et
d'indemnité, Charles VII voulut la guerre. Assurément c'était trop se
presser. On frappait d'impopularité une reine qui agissait en vue d'une bonne
paix. On
était déjà trop porté, au-delà du détroit, à ne tenir aucun compte de ce
qu'elle faisait pour la prospérité de l'Angleterre : quoiqu'elle eût fondé le
collège de la reine dans l'université de Cambridge, qu'elle eût encouragé les
arts, l'industrie et le commerce pour détourner les esprits du goût des
conquêtes continentales et pour assurer à la population l'aisance par le
travail ; quoiqu'elle eût établi en grand nombre des manufactures de laine et
de soie, tous ses soins intelligents, qui dès lors visaient juste à la gloire
commerciale, c'est-à-dire à la fortune et à la force de l'Angleterre, tous
ses efforts étaient comptés pour rien. La multitude, trop souvent aveugle ou
rendue telle par les ambitieux habiles à l'exploiter, accusa obstinément
Marguerite des échecs qui lui étaient infligés par la perte des provinces
françaises. Ne disait-on pas qu'elle s'entendait avec Charles VII pour trahir
l'Angleterre ! Autant eût valu mettre sur son compte tout le sang versé et
tout l'argent dépensé inutilement depuis plus de cent ans dans cette
interminable guerre de succession. On voudrait que du moins les historiens
français ne prissent aucune part[39] à cette injustice. L'Angleterre
ne savait pas encore toute la renommée qu'un peuple peut trouver sous le
règne d'une femme. Des historiens français du dix-huitième siècle ont fermé
les yeux sur son courage[40], et l'ont indignement chargée
de crimes inventés par ses ennemis, ou plutôt par l'esprit de parti. Charles
VII se montra fort belliqueux, peut-être même un peu trop. Il aurait voulu
entraîner le duc de Bourgogne à la guerre ; il songea alors à obtenir de lui
le rachat ou la restitution presque gratuite des villes de la Somme cédées à
réméré depuis quatorze ans. Le duc Philippe se contenta de permettre aux
seigneurs ses vassaux de Picardie et d'Artois de prendre les armes sous les
drapeaux du roi. On vit arriver les sires de Saveuse, de Genlis, de Croï, de
Contay, de Rubempré. Philippe avait aussi ses épreuves. Le décès de la jeune
épouse du comte de Charollais, Catherine de France, morte à Bruxelles à
dix-sept ans, avait relâché les liens qui l'attachaient à Charles VII. Le
comte était veuf avant quinze ans. On sait qu'il épousa ensuite Isabelle de
Bourbon, dont il eut Marie de Bourgogne, en février 1456. Philippe
se mêla donc peu de cette guerre. « Le conseil de France[41] disposait tout pour profiter du
mauvais gouvernement de l'Angleterre. » Mais ce gouvernement était celui
de Henri VI et de Marguerite. Est-ce qu'auparavant le parti de la guerre sous
la direction du duc de Glocester gouvernait mieux ? Charles VII, avouons-le,
eût dû, tout en portant grande attention aux intérêts de la France, éviter
autant que possible de rendre Marguerite odieuse aux Anglais. Ce qui
frappe en cette circonstance, c'est l'hypocrisie du duc de Bretagne. Dom
Morice observe qu'il traitait les députés anglais avec beaucoup de douceur ;
que s'il avait à se plaindre de quelque dommage sur mer ou autrement, il
envoyait le grief à l'examen des conservateurs de la trêve réunis à Vernon ;
que plus il maltraitait son frère, plus il caressait les députés anglais ;
que même à quelques-uns d'entre eux il donna le collier de l’épi, « ordre
établi peut-être pour des gentilshommes moins qualifiés que ceux à qui
on donnait le collier de l'hermine ». Sur ces
entrefaites, la guerre fut dénoncée par un manifeste du roi. L'initiative des
hostilités fut prise contre le château du Pont-de-l'Arche par Pierre de
Brezé, capitaine de Louviers, Robert Floquet, écuyer de Normandie et bailly
d'Évreux, Jacques de Clermont, écuyer de Dauphiné, et autres. Le sire de
Fauquenbergue y fut pris[42]. En outre, un chef de bande
nommé Verdun, gentilhomme du pays de Gascogne, prit d'assaut Conac et
Saint-Maipin du consentement du duc de Bretagne ; et Mouy, gouverneur du
Beauvaisis, prit Gerberoi sur le capitaine Jean Harpe. Ainsi les griefs se
multipliaient. On reprochait aux Anglais de faire beaucoup de mal aux rois
d'Écosse et de Castille compris dans la trêve. Le roi, parti d'Amboise le 6
août 1449, va appuyer ceux qui assiègent Verneuil. « Il y eut au dict assault
de moult belles armes « faites, spécialement par le sénéchal[43]. » Le 22
août le roi arriva à Chartres, et fut le lendemain à la tour de Verneuil.
Château-Gaillard est une des places qui tinrent le plus longtemps. On cite la
rencontre de Formigny, du 15 avril 1450, où le connétable et Pierre de Brezé
acquirent de la gloire ; le siège de Caen, où l'on pratiqua de profondes
mines, le siège de Falaise par Pochon de Saintrailles et celui de Cherbourg. Le roi
réunit en effet alors une des plus belles armées qu'il eût encore eues. Il
appelle à lui ses meilleurs capitaines, le maréchal de Culant, le sire de
Saintrailles, Dunois et beaucoup d'autres. Il serait difficile de dire
pourquoi il n'agrée pas les offres de service de son fils. L'argentier
Jacques Cœur est là, et pourvoit à toutes les dépenses. Les troupes arrivent.
On va faire l'essai des francs archers nouvellement institués, qui
promettaient plus qu'ils n'ont tenu, surtout pour la discipline. Le chroniqueur
relate beaucoup de faits d'armes[44]. Tandis que Somerset et Talbot
n'avaient point d'année sous la main, le roi en avait trois : l'une conduite par
Dunois, son lieutenant général, qui de Vendôme marche sur Verneuil ; l'autre
qu'il conduit lui-même contre les plus fortes positions des Anglais, et une
troisième, que le connétable a rassemblée sur les marches de Bretagne, où
servaient Jacques de Luxembourg, le maréchal de Lohéac, Joachim Rouhaut et le
sire d'Orval. Grâce à l'appui moral des populations, toutes les places se
rendirent successivement en quatre mois. Les gens de Rouen, secondés par
Guillaume d'Estouteville, leur archevêque, forcèrent les Anglais à se
retirer. Le roi fit donc son entrée dans leur ville le 10 novembre veille de
la Saint-Martin ; et il y eut pour cela des processions dans tout le royaume[45]. La
présence d'Agnès à Jumièges y attira le roi. Il y passa une partie de
l'hiver. De là sont datées plusieurs de ses lettres, particulièrement celles
du 16 janvier 145 par lesquelles « en considération des services de Jean
bâtard d'Orléans, comte de Dunois et grand chambellan de France, pour le
rémunérer et aussi le récompenser du comté de Mortain par lui rendu, il lui
cède, à lui et à ses hoirs mâles, le comté de Longueville et ses
appartenantes, se réservant les foi, hommage, ressort et souveraineté ». Dans
cette guerre les récompenses ne furent point ménagées. Sans compter le comte
de Nevers et Pierre de Lafayette qui reçurent l'accolade sous les yeux du
roi, avant son entrée à Rouen, Guillaume Cousinot fut, comme les anciens
légistes de Rome, aussi armé chevalier par Dunois. Il réunissait la bravoure
au talent diplomatique, et sous ces deux règnes il eut part aux plus grandes
affaires. Le chancelier même, le baron de Tresnel Jean Juvénal des Ursins
reçoit dans Jean Chartier[46] l'éloge de bon homme d'armes. Rien
n'est curieux comme l'espèce d'enquête entreprise par les chroniqueurs du
temps pour arriver à sauvegarder ce qu'ils appellent la modestie d'Agnès. Il y
avait près de six semaines que Charles VII était dans cette abbaye, selon le
texte de l'histoire de Jumièges, lorsque Agnès fut attaquée d'une maladie
fort grave. Elle en mourut, à la ferme du Mesnil, le jeudi 9 février, à six
heures du soir, âgée de quarante ans. Elle
expira dans de grands sentiments de pénitence. Elle laissa aux religieux 800
saluts d'or fin, de 62 au marc, pour une messe basse à dire
tous les jours et un service à célébrer chaque année. Ils s'y engagèrent par
lettres patentes du 14 mars suivant, à la réquisition de Jacques Cœur, de
Robert Poittevin et d'Étienne Chevalier, qu'elle avait faits ses exécuteurs
testamentaires. Le roi confirma la donation, et permit aux religieux d'en
acheter un fonds de terre, qu'il exempta dès lors du droit d'amortissement.
Le cœur de la demoiselle fut inhumé, selon sa volonté, dans la chapelle de la
Vierge de ladite abbaye, où l'on voit encore son mausolée en marbre noir.
Elle y était représentée en posture de suppliante à deux genoux, tenant entre
les mains un cœur qu'elle offre à la sainte Vierge, comme pour la supplier de
la réconcilier avec Dieu qu'elle avait tant offensé pendant sa vie[47]. On sait
que son corps fut enterré à Loches. Sur son tombeau de Jumièges, qui a été
fort maltraité des protestants, on lit cette épitaphe française : « Ci-gist
Agnès Surelle, noble damoiselle, en son vivant dame de Roqueferrière, de
Beauté, d'Issoudun et de Vernon-sur-Seine ; piteuse entre toutes gens ; qui
de ses biens donnoit largement aux églises et aux pauvres ; qui trépassa le 9
février de l'année de grâce 1449 (vieux style), priez pour elle. » Selon
La Chaumassière, historien du Berry, à ces dons le roi avait ajouté le
château de Bois-Trousseau. A Loches on avait fait pour elle plusieurs
épitaphes en vers latins, et, selon le goût du temps, rimées même aux
hémistiches. Dans celle qu'on attribua à François Ier il y a plus de
galanterie que de vérité. Son corps ne fut pas plus respecté en 1793 que son
cœur ne l'avait été en 1570. Au
reste, le roi oublia promptement Agnès, bientôt remplacée par sa parente
Antoinette de Maignelais, devenue la dame de Villequier. Le dauphin suivait
avec attention les événements. On a eu tort de dire[48] « qu'il aimait mieux
rester indépendant et tranquille dans son Dauphiné ». Le duc de Bourgogne a
voulu rester neutre, tout en permettant à ses barons de prendre part à la
guerre. Le dauphin a mieux compris son devoir : il a offert au roi sa
coopération. On se demande pourquoi Charles VII refuse à son fils cette
confraternité du camp, le contubernium des anciens. La
campagne se continua en plein hiver. Après la bataille de Formigny, si
imprudemment livrée par le comte de Clermont, mais enfin perdue par les
Anglais le 14 avril, tandis que le connétable attendait en Normandie les
maréchaux de France et de Bretagne, on mit le siège avec trente lances devant
Saint-Sauveur-le-Vicomte. Là était Odet d'Aidie, dont il sera parlé plus tard[49] : la ville se rendit
promptement par composition. La guerre se termina le ter juillet 1450 par la
reddition de Caen, et surtout le 15 août par la capitulation de Cherbourg, où
Jean Bureau fit si bien manœuvrer l'artillerie. Ces événements firent grande
sensation : et on chanta le Te Deum. Le
temps n'est pas éloigné où les Anglais ne posséderont plus sur notre
continent que Calais. Au reste, malgré bien des malheurs trop réels, tout ne
fut pas à déplorer dans l'occupation anglaise. Entre les princes qui se
disaient tous deux roi de France il s'établit, en vue d'atteindre à la
popularité, une sorte d'émulation : l'un et l'autre étendaient les privilèges
des villes de leur obéissance. Si le fils des Lancastre condescendait à tout
pour obtenir les prédilections de Rome, d'un autre côté le successeur des
Valois établissait la pragmatique pour se mouvoir librement dans son pouvoir
temporel, et aussi pour revoir autant que possible l'usage des élections
ecclésiastiques. L'Anglais avait beau faire ; c'était toujours le roi
français qui chez nous était populaire. Ce fut donc à peu près en vain qu'en
décembre 4431 Henri VI combla de privilèges les Parisiens et étendit ses
faveurs aux poissonniers de Rouen. C'était peine inutile ; on ne voulait plus
de l'étranger. Cette
conquête de la Normandie fut le coup de grâce porté à la royauté d'Henri VI.
Peut-être était-ce une bonne politique d'envenimer en Angleterre les
prétentions de Richard, duc d'York ; mais pour cela il n'eût pas fallu avoir
livré à nos ennemis une princesse de France pour gage de la paix. Ainsi les
rumeurs de l'opinion eurent bientôt fait place aux agitations populaires. La
sédition se porta promptement aux voies de fait. Le 9 janvier 1450, on arrêta
à Portsmouth l'évêque de Chichester, qui avait livré le Maine ; il fut
massacré dans le tumulte. La même année, la chambre des communes accusa de
haute trahison le comte de Suffolk, récemment fait duc ; puis survint sa
condamnation, son bannissement, son meurtre en mer, le 2 mai 1451, et
l'impunité de ses assassins. Alors, suivant Rymer, on commença à parler des
droits du duc d'York, comme héritier de ; la maison de la Marche. Peut-être
le roi Henri VI lui fit-il accepter le gouvernement de l'Irlande, afin de le
tenir éloigné ; mais quand la Guienne fut aussi perdue, il revint en
Angleterre. En
Dauphiné, le calme régnait dans les esprits. Par lettres de la Tour-du-Pin,
en octobre 1450, Louis confirme tous les privilèges accordés à la ville de
Valence, notamment ceux du 26 janvier 1416, par l'empereur Sigismond ; et il
y ajoute une longue réglementation, contresignée Bouchetel et Louis de Laval.
Le dauphin songeait alors à se remarier ; et comme il avait entendu dire que
son père pensait pour lui à une princesse d'Angleterre, il lui semblait,
ayant eu déjà sur ce point toute la docilité possible, pouvoir suivre son
goût, dans les limites des convenances politiques. Il en avait donc causé
avec ses amis ; et peut-être faut-il attribuer à ces confidences une lettre
de son ambassadeur de Savoie où ce dernier lui mande « qu'un mariage, qui
rapprocherait les deux a maisons anciennement amies, serait mieux conçu que
celui qui a paraît être dans la pensée du roi. » Il ajoute en parlant du duc
de Savoie : « Quant à Monsieur le prince et à Madame la princesse, ils
sont entièrement vôtres. » Le
dauphin expose ses motifs dans les instructions écrites qui furent remises à
Charles VII le 23 novembre 1450, par ses ambassadeurs, Geoffroy Chausson et
Rogerin Blosset. Il y est dit : « Le mariage a été différé, parce que le roi
lui a mandé qu'il ne voulait entendre à aucune proposition, jusqu'à ce qu'il
sût ce qu'on pouvait espérer d'un mariage en Angleterre. Après plusieurs
ouvertures faites à ce sujet le dauphin, vu son état et son âge, et surtout
parce que le roi déjà autrefois l'a marié à son bon plaisir, aujourd'hui
qu'il peut connaitre ce qui lui est bon et agréable, et que la chose le
touche plus qu'un autre, désire prendre femme à son gré et dont il se puisse
contenter. » Il a donc jeté ses vues sur trois points, la Savoie, la Marche
et Laval. Comme il paraît s'arrêter à celui de Savoie, il explique les
avantages que cette union lui présente. « Les
envoyés supplient donc au roi qu'il lui plaise avoir égard et considération à
l'état et à l'âge dudit seigneur, à sa pauvreté, qui est bien grande, et de
vouloir bien observer qu'il doit tenir état de fils aîné du roi. » Sur
ce point les envoyés disent que si Sa Majesté voulait lui donner le duché de
Guienne, qui ne lui est pas de grande valeur, le dauphin, avec son bon appui,
s'appliquerait à le recouvrer. Dans le cas où le roi verrait là trop de
danger pour les enfants du dauphin, ce prince lui faisait prière de lui
assigner un autre pays. « Les envoyés supplient en dernier lieu au
roi de ne point ajouter foi aux mauvais rapports ou propos qui pourraient lui
être ou lui avoir été faits ; ajoutant que le dauphin ne demande qu'à être
informé de ses bons plaisirs pour les accomplir. » Il ne
paraît pas que la réponse de Charles VII ait été favorable sur aucun de ces
points. Le 9 décembre suivant, Louis donne à Ives de Scépaux, son chancelier,
et à Aymar de Poisieu dit Capdoral, son maitre d'hôtel, une procuration[50] pour traiter de son mariage
avec la princesse Charlotte, fille de Louis, duc de Savoie. Il rappelle qu'il
y a eu entre lui et le duc plusieurs ambassades de son oncle le cardinal de
Sabine, légat et vicaire perpétuel du Saint-Siège, en espérance de son union
avec la princesse ; qu'il a été fait des ouvertures et projets de traité, à
cause des convenances de consanguinité et de lignage entre les deux familles.
Il déclare que de son propre mouvement, après en avoir délibéré avec ses
conseillers ci-dessus nommés, il les délègue et il leur donne plein pouvoir
de conclure ledit mariage en son nom, et d'en régler les conditions, tant
pour le douaire que pour les sommes qui se recevront, et pour le cas de
restitution, ce que Dieu ne veuille 1 De traiter enfin comme il pourrait le
faire lui-même. Le 14
février le contrat est passé à Genève chez les frères prêcheurs. Louis de
Savoie y est en personne : pour le dauphin interviennent son chambellan Jean,
bâtard d'Armagnac, maréchal du Dauphiné, et son général des finances. La dot
est de 100.000 écus, dont le duc paye 15.000 comptant de soixante-dix au
marc. Le douaire de 10.000 écus ne sera exigible qu'après le mariage consommé
; car la princesse n'avait alors que douze ans : jusque-là la pension sera de
5.000 écus. Le dauphin ratifie à Chalant, le 23 février, le contrat signé par
ses mandataires et le lundi, 8 mars, il se rend à Chambéry pour épouser la
princesse. Ce
jour-là même arriva en cette ville, de la part du roi, le héraut Normandie
chargé de mettre opposition au mariage. Le dauphin lui fit d'abord demander
par deux de ses officiers, Géraumond et Raymond, les lettres dont il était
porteur pour les faire tenir au duc de Savoie ; sur le refus de celui-ci, on
l'invita à s'aller reposer quelques jours à Grenoble. Le héraut refuse ;
alors on lui demande quel était l'objet de sa mission. Dans l'espoir, sans
doute, de retarder la célébration du mariage, il fit connaître au dauphin le
but qu'il se proposait de la part du roi. Des officiers savoisiens étant
venus lui demander ses dépêches, il déclara de nouveau qu'il devait les
remettre au duc lui-même et lui parler. Pendant ce temps il était comme au
secret, confiné dans une église. Ne pouvant obtenir une audience immédiate,
il désira remettre ses missives au chancelier du duc et à son conseil. Alors
on le mena au château, et là dans la cour, où lesdits personnages vinrent le
trouver, il donna les lettres dont il était porteur ; ajoutant seulement : «
que le roi était fort étonné que le duc traitât et fit traiter du mariage du
dauphin et de sa fille sans le lui faire savoir. » Le lendemain,
Normandie étant allé dans la chapelle du château, « y trouva le dauphin : il
y vit entrer la princesse en manteau de velours cramoisi. » Comme il avait la
vue basse il ne put apercevoir qui la menait. Le surlendemain, jeudi 12 mars,
le héraut du dauphin lui apporta pour le roi deux paquets de lettres, les
unes de Louis de Savoie, les autres des gens de son conseil. Dans sa réponse
le duc constate qu'il n'a reçu que le 10 mars la missive du roi ; que les
épousailles s'étaient faites la veille. Il rappelle que le légat défunt en
avait écrit à Sa Majesté, et lui avait donné à lui-même, en présence de son
conseil, l'assurance que le roi y consentait. En priant Sa Majesté d'avoir la
chose a non en déplaisante, » il considère qu'il n'en pourra résulter que
joie et grand bien pour tous. Le duc apaisa Charles VII par l'entremise du
cardinal d'Estouteville. Le héraut Normandie, dans son rapport du 20 mars
suivant, confirme ces faits. Le
mariage du dauphin était de tous points convenable, et le roi n'y aurait fait
nulle opposition sans la malignité de ceux qui le dominaient. Tandis que
cette union excitait si fort sa colère, il s'en faisait une autre qui lui
inspirait des sentiments différents. De Montbazon, octobre 1450, il existe
des lettres par lesquelles le roi donne les îles, terres et seigneuries
d'Oléron, de Marans, d'Arves et autres, à André de Villequier, seigneur de la
Garenne, à l'occasion de son mariage avec Antoinette de Maignelais, nièce
d'Agnès Sorel. Il en est d'autres, de novembre 1450, où il cède à la dame de
Villequier, sa vie durant, les place, château, ville et seigneurie
d'Issoudun, dans le Berry, avec les revenus du grenier à sel établi audit
lieu. Il donne encore, par lettres patentes d'août 1451, au sire André de
Villequier, son chambellan, en héritage et à la postérité de celui-ci, la
vicomté de Saint-Sauveur en Bretagne, et deux autres seigneuries, échues au
souverain par confiscation. Si le roi oublie de constituer un douaire à Marie
d'Anjou, son épouse, et un apanage à Charles, son fils, on voit qu'il se
souvient de la demoiselle de Maignelais. Charles VII, quand il le voulait,
savait très-bien placer ses libéralités ; ainsi on le voit à cette époque
faire don à Prégent, seigneur de Raiz et de Coëtivy, de la baronie de Lespare[51]. A
l'occasion du mariage du dauphin, il y eut entre Louis et le duc, son
beau-père, un échange de bons procédés. Les contestations entre les deux pays
provenaient d'un défaut de précision dans le tracé des limites. Afin d'obvier
sur ce point à toute difficulté pour l'avenir, il envoie d'un commun accord,
Jean Bayle et Jean d'Origny au Pont de Beauvoisin, et tout y est réglé ; puis
il charge le même d'Origny d'évaluer les terres assignées pour le douaire de
la dauphine. Selon Chorier, le Valentinois et le Diois assuraient cette
rente, mais le duc par lettres patentes du 14 mars, nonobstant la clause du
contrat, dispensa son gendre de caution. Il est certain que les échéances du
payement de la dot de la princesse Charlotte furent prolongées plusieurs
fois. En mai 1460, elle n'était point encore entièrement payée, car le duc de
Savoie assigne à cette dette 6,818 écus d'or sur la gabelle de Nice, 2,727
autres sur ses fouages et impôts de Verceil, et diverses créances. Dans le
règlement des affaires du dauphin on voit toujours ordre et libéralité : ses
lettres du 29 janvier à son trésorier lui ordonnent de disposer d'une
certaine somme pour les personnes de la suite de la future dauphine. Le 10
mai 1451, il commet aux affaires des finances Jean Bothu et Jean d'Origny, pour
veiller aux revenus de la princesse. Le 31 juillet il écrit à Pierre de
Comprémi pour recevoir le don gratuit ; le 3 août suivant, il le charge de
recueillir les sommes souscrites en tous lieux pour ce joyeux avènement,
lesquelles se montaient à 21,642 florins. Comprémi étant mort en 1455,
Raymond Aschard le remplaça. Pour porter bonheur à son mariage, et par suite
de sa singulière dévotion à la sainte Vierge, il fonda une messe en l'église
de Saint-André de Grenoble pour être chantée au grand autel à la fête de
l'Assomption dite de Notre-Dame d'août, et il la dota d'un florin delphinal,
ce qui ferait aujourd'hui une soixantaine de francs. Dans ce même temps, en 1451, Philippe de Bourgogne, préoccupé des dangers de la chrétienté, célébrait à Mons[52] une fête de la Toison d'or. Il y donnait le collier au duc de Clèves, à Jacques de Lalain, au seigneur de Lannoy et autres ; il envoyait des ambassadeurs à tous les princes chrétiens. Mais en 1452 il fut détourné de combattre les infidèles par la révolte des Gantois, qui alors couraient le pays et s'avisèrent d'assiéger Oudenarde. Ce fut en vain que, pour calmer ces luttes, Charles VII s'offrit comme médiateur et envoya une députation où figurait Guillaume de Popincourt. Pour avoir la paix il fallut en venir aux batailles de Rupelmonde et de Gavre. C'est dans cette dernière ville que fut signé, le 24 juillet 1453, le traité qui mit fin à cette affreuse guerre. |
[1]
Legrand et Chorier.
[2]
Comines, I. VI, ch. XII.
[3]
Laurentie.
[4]
Chorier, Histoire de la maison de Sassenage.
[5]
M. l'abbé A. Vincent.
[6]
Legrand.
[7]
Lettres du 7 mars 1446 et des 9 et 24 nov. 1450.
[8]
Pastoret, t. XVI.
[9]
Chorier.
[10]
Gallia christiana.
[11]
Tome I, folio 3.
[12]
Chorier.
[13]
Mars 1446.
[14]
Histoire de Charles VII.
[15]
Antiquités de Paris, t. II, p. 8.
[16]
Chorier.
[17]
Chorier.
[18]
Chorier.
[19]
Félibien.
[20]
Janvier 1450.
[21]
Notes sur sa propre histoire, 3e volume, p. 635.
[22]
Notes, t. III, p. 645.
[23]
Notes, t. III, p. 652.
[24]
Legrand.
[25]
Legrand.
[26]
9 novembre 1450 et 29 juin 1451.
[27]
Valence, 21 février 1446, et la Côte-Saint-André, 21 décembre 1448.
[28]
Lettres données au bois de Vincennes, 8 février 1330, par Philippe VI.
[29]
P. 452.
[30]
Romans, 17 nov. 1452.
[31]
Président Savaron.
[32]
Fontanieu.
[33]
Irasci patriæ nefas.
[34]
Legrand.
[35]
Laurentie.
[36]
Barante, t. VIII, p. 113.
[37]
Histoire de René, par Villeneuve de Dargemont.
[38]
Dom Morice.
[39]
Barante, t. VII, p. 286.
[40]
Surtout Fontanieu.
[41]
Barante, t. VII.
[42]
Alain Chartier.
[43]
Alain Chartier.
[44]
Alain Chartier.
[45]
Jean Chartier, chap. 209, p. 170.
[46]
Année 1449.
[47]
Documents historiques de Champollion-Figeac, t. I, p. 420, année 1841.
[48]
Fontanieu, Histoire de Charles VII, portefeuille, n° 25, Bibl. nat.
[49]
Jean Chartier.
[50]
Legrand.
[51]
Registre des chartes, n° 180.
[52]
Olivier de la Marche.