HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME TROISIÈME

 

CHAPITRE LVII. — Les dérivatifs de l’opinion publique (1720-1722).

 

 

Misère et désespoir. — Le scandale du duc de La Force. — Saisie. — Assignation. — Procès. — Mariages et séparations. — Distraction offerte au public. — Ambassade de Mehemet-Effendi. — L’entrée à Paris. — ; L’audience royale. — Le comte de Belle-Isle. — La terre de Belle-Isle. — L’échange. — Mécontentement. — La carrière de Cartouche. — Son arrestation. — La question. — Les aveux. — Le supplice. — Exécutions nombreuses.

 

Misère et désespoir

Ainsi se rapprochait le terme légal fixé à la Régence. Aux priapées qui en avaient souillé le début, à la frénésie qui en avait marqué l’apogée, à la ruine morale et, financière qui en consacreraient le souvenir, succédait, par un dernier contraste, dans ce royaume épuisé et misérable[1], le spectacle de ripailles pantagruéliques. Après le vent de folie qui emporte jusqu’aux sages on la fatale année 1720, tous ceux qui, ne jouissant pas de la familiarité du Régent qui leur ouvrirait la bourse du Roi, ne doivent compter que sur eux-mêmes, se disent comme l’avocat Marais : « Dieu nous donne une année plus heureuse que la dernière ![2] » ou comme son confrère Barbier : « Je n’ai plus aujourd'hui de quoi donner des étrennes aux domestiques ![3] »

Les arrêts se succèdent et ne remédient à quoi que ce soit[4] et le bruit se répand d’une réforme générale des troupes sous prétexte que le Roi n’est plus en état de payer et entretenir un si grand nombre de soldats[5] ; mais, peu de jours après, on apprend que le Régent a fort mal reçu le chancelier et le contrôleur général avec leur plan de réformé, il leur a dit : « J’ai fait mes réflexions, cela sera bon pour l’été prochain. » Reste à savoir, dit le public, avec quoi on payera les troupes ?[6] Chacun sait qu’on les payera par des exactions ou par des malversations et si on ne songe pas encore à reprocher au jeune Roi les coûteux plaisirs des ballets qu’on lui donne, on songe moins encore à épargner les princes du sang et les grands seigneurs qui exploitent et dilapident la fortune de la France[7]. En Angleterre, commence-t-on à dire, on est moins patient, « ces Anglais raisonnent et exécutent ; pour nous, nous faisons des chansons, et on m’exécute rien[8]. » Partout on crie misère, les marchands ne vendent rien, on ne voit pas un écu et les théâtres sont remplis[9] et, si le Régent tombe malade, « on est obligé de prier pour sa conservation, car ce qui le suit ne le vaut pas (le duc de Chartres) et le public craint de tomber aux mains de M. le Duc, qui ne connaît point de lois et qui n’a jamais rien su, que la chasse[10] ». On s’alarme à tort, Bourbon continuera Orléans et achèvera la ruine de ceux que son cousin n’a pas réduit au désespoir. Le mot n’est que juste. « Le désespoir, écrit Marais, est dans toutes les bonnes familles ; on n’a plus ni rentes, ni revenus ; on est chargé de billets et d’actions qui ne rapportent rien. Tous les jours ce sont des histoires nouvelles de gens morts désespérés ou réduits à la charité des paroisses[11] » ; et le cardinal de Noailles dénonce sans détours « la misère qui augmente tous les jours et se multiplie[12] ».

 

Le scandale du duc de la Force

Sur ces entrefaites, éclate le scandale du duc de la Force. Celui-ci, l’ami et l’associé du duc de Saint-Simon dans toutes ses exigences ducales n’avait pas cru déroger en se faisant accapareur. Depuis que la monnaie perdait chaque jour de sa valeur, depuis que le papier n’inspirait plus aucune confiance, certains entassaient des approvisionnements énormes de marchandises. Les coupables demeuraient insaisissables. Tel jour on confisquait deux péniches chargées d’eau-de-vie, tel autre jour cinq cents livres de vin d’Espagne, ou bien des tonnes de tabac. L’opinion accusait le duc de Guiche, le duc d’Antin, le maréchal d’Estrées, le duc d’Orléans lui-même. Enfin les soupçons se fixèrent et les preuves accusèrent à ne s’en pouvoir dédire, le duc de la Force[13].

 

Saisie

Le lundi 3 février, les syndics des marchands, à la requête des épiciers et en vertu d’une ordonnance du lieutenant de police, se transportèrent au couvent des Grands-Augustins avec un commissaire aux archers, sur l’avis que plusieurs salles de ce couvent renfermaient un dépôt considérable de toutes sortes de marchandises entassées jusque dans la bibliothèque et dans le lieu on se tenait la chambre royale : sucres, savons, suifs, cires, bougies, chandelles, étains, plombs, cuivres, cuirs, charbons de terre et cent cinquante pipes d’eau-de-vie, plus ou moins adroitement dissimulées sous l’apparence de porcelaines et paravents de la Chine. Il existait un entrepôt semblable au grand couvent des Cordeliers et plusieurs dans différentes maisons du faubourg Saint-Antoine. La valeur des marchandises saisies s’élevait à une douzaine de millions ; un homme se présenta, inconnu nommé Dorian, reçu marchand depuis un mois, qui n’ayant rien, logé au troisième étage, sans meubles, se déclara propriétaire. Décrété de prise de corps, l’homme s’avoua prête-nom du duc de la Force, pair de France. L’aveu arrêtait les poursuites du lieutenant de police et le procureur du Roi requit le renvoi au Parlement. Les marchandises furent saisies et on ne tarda pas à savoir que le duc de la Force les faisait acheter par son intendant, son maître d’hôtel et ses valets de chambre, sous leur nom et sous le nom de quelques autres particuliers. Le tout avait été payé avec des billots de la banque.

 

Assignation

Le duc de la Force était très décrié, mais il était duc et pair et l'affaire ne pouvait être étouffée. Le Parlement, charmé de tenir un de ses plus farouches adversaires du temps de Law, ne se laisserait pas arracher un si belle proie. Plusieurs ducs voulaient donner requête à ce que leur confrère fut privé, sa vie durant, de toute fonction de pairie, comme indigne. On ne s’entretenait dans Paris d’autre chose et le frère de l’inculpé voulait quitter le nom de la famille. Une estampe se passait de mains en mains, représentant un crocheteur courbé sous le poids de plusieurs bal lots débordant de cire, de café, etc., et on lisait au bas : « Admirez la Force ». Entre temps, le Parlement déclarait valable la saisie d’un amas de charbon de terre fait par un agioteur et les marchandises confisquées aux Grands-Augustins attribuées moitié à l’Hôtel-Dieu, moitié à l’Hôpital-Général ; le 13 février, tous les princes, ducs et pairs furent convoqués en la Grand’Chambre en l’affaire de monopole du duc de la Force. Il faut, disaient les ducs, qu’il soit libéré ou condamné, il y va de l’honneur du corps ; les plus énervés réclamaient pour lui le pilori ; Lauzun, son parent, s’avouait « de même maison, mais non de même boutique ». Le 15, les princes du sang et les ducs et pairs s’étant trouvés de bon matin au Palais, il y eut une grande assemblée de toutes les Chambres qui dura quatre heures. Le prince de Conti, accompagné de soixante personnes arriva dès sept heures et demie ; le duc de Bourbon, le comte de Charolais sur les huit heures. Un grand nombre de pairs ecclésiastiques et les deux tiers des pairs laïques s’v trouvèrent à la même heure, le duc de Saint-Simon et sept autres pairs s’en dispensèrent sous prétexte de ne pas reconnaître la compétence du Parlement. Les Chambres étant assemblées, on fit sortir tous ceux qui n’y avaient pas séance et de huis-clos fut prononcé. M. Ferrand rapporta les procédures et les saisies, avec l’interrogatoire de Dorian, l’affaire parut grave ; le Premier Président recueillit les avis. Le prince de Conti s’éleva avec force contre l’inculpé, le maréchal de Villars fit l’éloge de la maison de la Force et du duc dont il demanda l’interrogatoire personnel avant de passer outre au jugement. Le duc de Noailles refusa d’opiner, le duc d’Antin approuva la Force d’avoir fait fructifier ses billets de banque. Finalement, à la pluralité des voix, le duc de la Force fut assigné pour être ouï et le menu fretin, — intendant, tailleur, etc., — décrété de prise de corps ; par le même arrêt, plusieurs épiciers furent mis à l’amende et déclarés déchus de la maîtrise, condamnés en outre à avoir leurs boutiques fermées pour avoir contrevenu aux statuts de leur communauté.

 

Procès

Deux jours plus tard, on fit perquisition dans une maison appartenant au duc de la Force, rue Saint-Dominique et on n’y trouva point de marchandises. Le duc, averti, accourut, trouva les commissaires en chemin, leur réclama l’ordonnance en vertu de laquelle on visitait sa maison, la saisit, la déchira et s’attira un Procès-verbal de rébellion. Le duc avait promis de subir l’inter- rogatoire sans se faire signifier l’assignation ; quand le moment arriva, il se présenta devant les deux rapporteurs et refusa d’enlever son chapeau et son épée, quoique accusé, de sorte qu’il, fallut remettre l’interrogatoire. Le public en faisait des gorges chaudes, colportait chansons, épigrammes et anecdotes sur ce bonnetier en fâcheuse posture. Conti, alors assez populaire, avait reçu, disait-on, la visite du duc et pair accapareur, l’avait reconduit en le remerciant de son honnêteté et protestant qu’il avait ses provisions faites pour le carême.

Le 21, tout le Parlement s’assembla de nouveau et le duc de la Force se présenta avec un gentilhomme et cinq laquais pour subir son interrogatoire dans la petite Tournelle. Il avait revêtu un habit de cérémonie et préparé une belle harangue. La Cour refusa de l’entendre hors de l’interrogatoire. L’avocat général prit la parole, le duc l’interrompit, et le Premier Président l’avisa de se taire : « On n’interrompt jamais les gens du Roi ». Un peu après, le duc interrompit de nouveau l’avocat-général qui l’apostropha : « Monsieur, lui dit-il, il n’y a que le Premier Président qui puisse me faire répéter ce qu’il n’aurait pas entendu : laissez-moi parler » ; et il poursuivit. Après ce discours et avant que d’aller aux opinions, le Premier Président dit au duc de la Force :

« On va opiner sur ce qui vous regarde, il faut que vous sortiez, vous ne pouvez pas y être présent ». Le duc demanda cavalièrement : « Pourquoi sortirai-je de ma place ? » — « Cela doit être ainsi, répliqua le Premier Président, voulez-vous m’obliger d’ordonner aux huissiers de vous mettre dehors ? » Sur quoi, le duc se leva très en colère, les larmes aux yeux, et voulant sortir par le Parquet, on l’arrêta : « Ce passage est réservé aux princes du sang » lui dit-on. — « Par où sortirai-je donc ? » — « Sortez par la lanterne », lui jeta le Premier Président. Il tombait ainsi dans la grande salle où deux mille âmes étaient assemblées pour le voir défiler entre deux haies d’insulteurs qui criaient : « Voilà le marchand de chandelles ! »

Avant de sortir, l’accusé avait protesté de nullité de tout ce qui serait fait contre lui, ce qui ne fut pas admis et après sa sortie, donna lecture du procès-verbal de rébellion et La Force fut décrété d’ajournement personnel presque tout d’une voix, ce qui emportait interdiction de toutes fonctions de pair et de membre du conseil de Régence. Enfin pour que rien ne manquât à sa honte, la Cour avait décidé que l’inculpé subirait l’interrogatoire debout, nu-tête, sans chapeau et sans épée. Dans Paris on ne parlait d’autre chose ; on accusait le duc d’Antin, le duc de Saint-Simon, le duc de Guiche, le maréchal d’Estrées de s’être livrés à un commerce semblable à celui qu’on imputait au duc de La Force et on assurait que les autres ducs et pairs avaient résolu de présenter requête au Roi pour faire évoquer cette cause au Conseil et la soustraire au Parlement. Pour cette raison, les pairs ecclésiastiques s’assemblèrent chez le cardinal de Mailly, archevêque de Reims, et les pairs laïques chez le duc de Luxembourg ; il y eût ainsi une scission et deux bandes de pairs, l’une de neuf, l'autre de vingt-deux membres et, le 27 février, le Régent accorda un arrêt d’évocation de l’affaire par-devant le Conseil d’en-haut. Cette requête fut signifiée à la Cour, aussitôt on envoya chez tous les princes et ducs qui la prirent avec une extrême vivacité et on résolut de faire des remontrances au Roi. Le Premier Président, « fort baissé », accompagné des princes du sang, des ducs et pairs et des magistrats, s’exprima longuement et Daguesseau lui répondit de façon confuse. On piétinait et bientôt on s’assembla, on se querella, les Mémoires manuscrits et imprimés, Déclarations, Monitoires, Avis, Manifestes se succèdent, se réfutent, se contredisent et ne se font lire que de quelques basochiens ; l’opinion publique s’occupe d’autre chose et le Parlement, sans se hâter, rend, le 12 juillet seulement, l’arrêt par lequel « sera tenu Henri-Jacques Nompar de Caumont, duc de la Force, de se comporter à l’avenir d’une manière irréprochable et telle qu'il convient 5 sa naissance et à sa dignité de pair de France[14] ».

 

Mariages et séparations

La noblesse de France semble prendre à cœur de s’exposer au mépris et au dégoût. Les correspondances, les mémoires ne manquent pas de raconter un autre scandale survenu en même temps que celui du duc-épicier. Chacun narre l’historiette à sa façon. « Il y a trois jours, le prince Charles de Lorraine, comte d’Armagnac, grand écuyer de France, vint chez le duc de Noailles et commença la harangue à peu près en ces termes : « Beau-père, je ne sais où j’avais l’esprit quand j’ai épousé votre fille. Il faut que la tête m’ait tourné ; moi ivrogne, moi chasseur, que voulais-je faire d’une jeune femme ? Reprenez-la, beau-père, et vivons en paix. Voilà huit cent billets de banque que vous m’avez donnés, il n’en manque pas une obole, gardez-les et votre fille avec, oublions le passé, vivons en bons amis. » — La jeune femme avait seize ans et ne vivait que depuis six mois sous le tait de son mari. — Le duc de Noailles demanda s’il était mécontent d’elle, qu’il saurait bien ranger sa fille à son devoir. Le prince lui répondit qu’il en était bien content, mais que l’état de mariage avait quelque chose de trop arrangé pour lui ;... que par suite, lorsque sa santé ne lui permettrait plus de boire et de chasser, il la redemanderait peut-être, mais que quant à présent il ne peu voit pas rester avec elle. Le duc lui demanda deux jours pour délibérer et prendre conseil dans sa famille. Le prince Charles lui dit qu’il avait pris seul conseil, qu’il n’avait qu'à faire de même, qu’il connaissait l’éloquence de la maréchale, les discours que le cardinal pouvait lui tenir sur les devoirs du mariage, mais que tout cela était inutile, ayant pris son parti. » Le surlendemain, la jeune femme se retire au couvent de la Visitation Sainte-Marie, et sur cela chacun raisonne sans rien savoir. L’avocat-conseil du prince Charles, Mathieu Marais, sait toute l’affaire et explique que cette conduite n’a d’autre raison que les besoins d’argent. Le beau-père a imposé le paiement d’une partie de la dot, 200.000 francs, en billets de banque ; le gendre en a été tout aussi piqué que l’on peut l’être, mais qu’on le pouvait forcer à le recevoir, il n’a rien dit et a mûri sa vengeance. Tout cela aboutit à un acte de séparation de corps et de biens qu’on signe comme on ferait d’un contrat de mariage, et, pour que rien ne manque, le cardinal de Noailles signe, lui aussi[15].

 

Distraction offerte au public

L'exemple est contagieux ; cette séparation, pour cause d’économie trouve des imitateurs. M. de Lautrec, gendre du Premier Président, renvoie sa femme à l’hôtel de Mesme[16] ; M. d’Estaing quitte la sienne après trente ans de mariage[17]. Le public s’étonne, mais sa faculté d’étonnement est mise à une si rude épreuve qu’il ne se scandalise guère, il plaisante et sourit ou bien il chantonne des refrains et répète des gaillardises qui ne sauraient être transcrites ici[18]. Habile à ne pas laisser les esprits s’échauffer, le gouvernement du Régent leur ménage des distractions variées et, afin de faire diversion à l’accaparement, imagine une « turquerie » éblouissante.

 

Ambassade de Mehemet Effendi

L’ambassade de Mehemet-Effendi n’avait pas été souhaitée, on l’avait même traversée le plus possible, afin d’épargner au trésor une dépense ruineuse et dont on n’attendait rien d’utile. Ibrahim-Pacha, devenu grand-vizir voulut voir s’accomplir une démarche qui flattait autant sa vanité qu’elle servait ses intérêts. Le prétexte de la contagion de Provence ne fut même pas admis pour justifier un délai, il fallut héberger, voiturer, amuser, nourrir et abreuver l’envoyé turc suivi de soixante-seize personnes. Le problème était ardu a résoudre et certains intendants n’y réussirent qu’en ordonnant des rafles de volailles et bouteilles de vin.

Mehemet-Effendi était sexagénaire, portant beau, et homme à bonnes fortunes. Instruit, poli et savant, il avait négocié le traité de Passarowitz[19] et atteignait cet âge critique où volontiers on délaisse le travail pour une existence d’apparat. Les circonstances ne permettant pas de lui épargner l’ennui d’une quarantaine et la localité où il prit terre ne possédant pas de lazaret, on l’enferma avec sa suite dans une église décorée de peintures et de statues qui ne pouvaient inspirer à ces mahométans qu’une profonde horreur. « On ne saurait, disait-il, être plus surpris que je le fus de me voir en cet endroit ; je m’abandonnai à toutes sortes de pensées et de réflexions. Mais comme il aurait été difficile de revenir sur ses pas, je ne trouvai pas de meilleur parti que celui de baiser le bas de la robe de la Patience[20]. » Au sortir de ce lazaret, l’ambassadeur s’embarqua à Béziers sur le canal du Languedoc, traversa Toulouse et gagna Bordeaux d’où il devait se rendre par Poitiers à Paris[21]. Le chevalier de Canilly devait l’aller recevoir à Orléans et la maison du Roi l’attendre à Etampes, mais on se contenta de les envoyer à Vincennes et à Saint-Denis[22]. Le 8 mars l’ambassadeur arriva par Charenton dans le faubourg Saint-Antoine, escorté par cinquante maîtres de la cavalerie, l’épée à la main, et la maréchaussée ; le régiment du Roi montait la garde à sa porte et tout se préparait, à la grande joie des Parisiens, pour une entrée magnifique[23]. Buvat n’a pas eu de repos qu’il n’ait dénombré la suite de Mehemet[24] et Marais, moins badaud mais plus gaillard, recueille avec soin une gaudriole[25].

 

L’entrée à Paris

Le 16, tout Paris est sur pied[26] ; le Roi s’était rendu incognito dans la Place-Royale, chez le marquis de Boufflers, sur le passage du cortège ; le duc d’Orléans était à un autre balcon. Ce fut le défilé ordinaire des cavaliers, des musiques, des fantassins entremêlés de seigneurs, pages, palefreniers et autres gens de livrée. Un turc portait une lampe, un autre un turban vert, puis venaient douze chevaux tenus en main et disparaissant sous leurs housses brodées, quatorze jeunes garçons portant chacun une lance avec un flot de rubans et quatorze adultes à cheval portant un fusil sur l’épaule. L’équipage du maréchal d’Estrées était magnifique, de sa personne il escortait l’ambassadeur et il ne lui manquait qu’une chose c’était de savoir se tenir à cheval. Il en changea quatre fois dans la route, et toujours éperonnant ses diverses montures passait incessamment, malgré l'assistance du pommeau, de l’encolure à la croupe. Un de ses coursiers rua si fort qu’il estropia huit ou neuf curieux et tua raide une femme dans la rue de la Verrerie[27].

 

L’audience royale

Le 21, audience du Roi. Tout le cortège entra par le Pont-Tournant dans le jardin des Tuileries avec l'accompagnement obligé de chevau-légers, grenadiers, dragons, mousquetaires, etc. La population tout entière l'emplissaient les rues, garnissait les fenêtres, toujours ravie d’un spectacle militaire. Les gendarmes se trouvaient en ordre de bataille devant le pont ; puis les gardes du corps ; puis les mousquetaires et le régiment du Roi près de la porte Saint-Honoré. Les gardes françaises et Suisses formaient la haie le long des Tuileries. Dans la grande galerie attendaient les princesses du sang et les dames de la Cour, au nombre de près de trois cents ; et, au fond de la galerie, se voyait le trône du Roi sur une estrade de huit degrés et séparé du reste de la galerie par une balustrade dorée. Le haut du dais était en gros relief de broderie d’or en bosse, ornée de cartouches de soie à personnages naturels, au petit point. Le trône était de bois doré, sculpté à jour, dominé par deux génies tenant une couronne. Le dossier tendu de drap d’or offrait un soleil dont les rayons, faits de pierreries et de perles, éblouissaient.

L’ambassadeur étant arrivé au haut de l’escalier de l’appartement du Roi, le duc de Noailles, capitaine des gardes, l’alla recevoir et le conduisit jusqu’à la porte du grand cabinet. Le Roi étant averti que l'ambassadeur approchait, monta sur son trône, vêtu d’un habit de velours couleur-de feu, enrichi d’agréments en forme de boutonnières, avec les plus beaux diamants de la couronne, autour desquels régnait une broderie d’or qui rehaussait l’éclat des diamants. Cet habit était chargé de pierreries pour la valeur de plus de vingt-cinq millions et pesait trente- cinq à quarante livres. Le Roi avait à son chapeau une agrafe de gros diamants avec le Sanci, et, sur l’épaule, le Régent dans un nœud de perles et de diamants.

L’audience ne se distingua par quoi que ce soit des banalités consacrées par le protocole : inclinations, compliments, messages et présents. Ensuite ce furent les visites d’apparat, les promenades dans Paris. Parmi les présents, le jeune Roi fit beaucoup d’estime d’un arc avec un carquois garni de soixante flèches, il prit le Turc en amitié. Mehemet raconte ainsi une de leurs entrevues : « Aussitôt qu’il m’aperçut avec son gouverneur, il se tourna de notre côté et je l’abordai. Divers discours d’amitié furent le sujet de notre entretien. Il était charmé d'examiner nos habits, nos poignards les uns après les autres. Le maréchal me demanda : Que dites-vous de la beauté du Roi ? — Que Dieu soit loué ! répondis-je et qu’il le préserve du maléfice ! — Il n’à que onze ans et quatre mois, ajouta-t-il, sa taille n’est-elle pas proportionnée ? Remarquez surtout ce que sont ses propres cheveux. — En disant cela il fit tourner le Roi et je considérai ses cheveux d’hyacinthe en le caressant ; ils étaient corne des fils d’or bien égalisés et lui venaient jusqu’à la ceinture. Sa démarche, reprit encore le gouverneur, est aussi fort belle. Il dit en même temps au Roi : Marchez de cette manière que l’on vous voie. Le Roi, avec la marche majestueuse de la perdrix, alla jusqu’au milieu de la salle, après quoi il revint. Marchez avec plus de vitesse, ajouta le gouverneur, pour faire voir votre légèreté à courir. Aussitôt le Roi se mit à courir, le maréchal me demanda après cela si je le trouvais aimable. Je lui répondis par cette exclamation : — « Que le Dieu tout puissant qui a créé une si belle créature la bénisse ! » De part ni d’autre on ne retira aucun résultat de cette ambassade qu’un déploiement de luxe, un surcroît de gêne et de malaise et beaucoup de paroles creuses. Le Turc en attendait autre chose, il ne put même aborder le but secret de sa mission qui tendait à créer une ligue destinée à contenir les ambitions allemandes. Ses insinuations furent éludées avec peu de ménagement.

 

Le comte de Belle-Isle

Parmi tant d’événements particuliers qui passionnaient l’opinion publique au cours de ces années : système, ruine, peste, incendie, il en est un qui surexcita les esprits à l’égal des plus grands événements de la politique[28]. « Nouvelle des plus extraordinaires, au moins qui a paru telle ici à tous, écrit-on de Paris : avant-hier au soir — 22 avril 1720 — on signa l’abandon de Belle-Isle à M. Law et à la Banque[29] ». Petit-fils du surintendant bouquet, le comte de Belle-Isle s’était estimé heureux de se conduire en brave et intelligent officier pendant le règne du feu Roi. La disparition de Louis XIV et la réaction qui suivit offraient au politique et au courtisan une carrière nouvelle à parcourir. Le champ était libre et Belle-Isle s’était précautionné d’amitiés capables de l’y pousser hardiment. « Ses amitiés, écrit Saint- Simon, lui ouvrirent une infinité de portes. Il ne négligea ni les cochères, ni les carrées, ni les rondes[30] » ; dans le nombre, il utilisa même des portes assez basses, comme le montre son intimité avec Berthelot de Pléneuf qu’on a vu fuir à Turin en 1715 pour mettre sa personne en sûreté[31], d’où il obtenait, au mois d'octobre 1719, la permission de revenir pour se livrer à de nouveaux tripotages[32]. Pendant ces années d’absence, Mme de Pléneuf n’avait cessé de recevoir « la jeunesse la plus brillante de la Cour[33] », on soupait chez elle tous les soirs et Belle-Isle avec Le Blanc partageait ses bonnes grâces. En mars 1718, Belle-Isle est promu maréchal de camp[34], l’année suivante il achète le gouvernement d’Huningue[35], et son extrême circonspection le tient à l’écart de toutes les grandes intrigues de cette époque. Il s’appuie alors sur le cardinal de Rohan et sur le ministre Le Blanc, surtout il s’attache à Dubois qui peut l’aider à conduire à bonne fin l’échange du marquisat de Belle-Isle.

 

La terre de Belle-Isle

L’île ou le marquisat de Belle-Isle était, par sa dimension, sa population et son importance stratégique un fief que le pouvoir royal avait tout intérêt à posséder[36]. L’île était la plus « considérable qui fût sous l’obéissance de Sa Majesté en Europe » ayant quatorze lieues de circuit et comptant cinq mille habitants ; elle couvrait les côtes méridionales de Bretagne[37] et pouvait être facilement défendue. Henri IV, Louis XIII et Louis XIV avaient tenté de recouvrer la propriété de Belle-Isle sans y réussir, jusqu’à ce que, en 1718, son possesseur fit revivre l’idée d’un échange et prit soin de se découvrir des partisans au Conseil de régence, mais sans brusquer l’affaire afin de n’effaroucher personne. Belle-Isle était assuré, grâce à l’appui de Dubois et à Le Blanc, du concours de Law ; d’Argenson était de ses amis, Saint-Simon l’obligerait volontiers, Fagon aussi, le duc de Bourbon et le comte de Toulouse l’avaient pris en grande amitié ; par contre le prince de Conti lui était hostile, Villeroy, Villars, Huxelles, le duc de Nouilles, Canillac et plusieurs autres ne l’étaient pas moins. Cette opposition intimida le duc d’Orléans qui, la première fois que l’affaire vint au Conseil, « dit qu’il fallait remettre la décision à une autre fois ». Six semaines plus tard, un soir, en fin de séance, alors que tous les membres étaient levés et prêts à s'éloigner, le duc de Bourbon proposa au Régent de finir l’échange de Belle-Isle : « Les commissaires sont d’avis, dit-il, presque tout le inonde en a été d’avis ici. « Le comte de Toulouse et Saint-Simon, avertis d’avance, approuvèrent, les opposants surpris comprenaient à peine de quoi il s’agissait. La Vrillière consigna l’acceptation sur le registre du Conseil[38].

 

L’échange

Belle-Isle avait gain de cause, il fit choix des terres que le Roi lui donnerait en compensation et Dangeau notait la rumeur parvenue jusqu’à lui : « Il y a déjà quelque temps que M. le duc d’Orléans songe à faire acheter au Roi la terre de Belle-Isle... Il ne s’agit pas présentement de donner de l’argent à M. de Belle- Isle, mais on fait un changement de quelques domaines, parmi lesquels est celui de Gisors. On n’est pas encore convenu de tout ; la terre de Belle-Isle vaut plus de quarante-mille livres de rente[39]. » Le 27 septembre 1718, un arrêt du Conseil décidait qu'il serait bientôt procédé à l’échange. Le même jour, des commissaires furent désignés par lettres patentes pour passer l’acte en question qui fut signé le 2 octobre suivant. Belle-Isle recevait en « récompense » et contre échange : en Normandie, le comté de Gisors, les Andelys, Vernon et la terre de Longueville ; dans le Maine, près de Saint-Calais, la seigneurie de Montoire ; en Languedoc, Auvillar, aux environs de Moissac, Beaucaire sur le Rhône, la pesade d’Albi, soit treize mille livres de revenus et les droits des landes de Carcassonne. Cet échange donnait à Belle- Isle de véritables états et déchaînait contre lui la haine et l’envie universelles[40]. La Chambre des Comptes fut chargée de l’évaluation des biens échangés et y employa cent trente-neuf vacations réparties sur l’espace de neuf années[41]. Elle examina les titres de propriété, désigna des délégués choisis parmi les officiers du Roi siégeant dans les pays à visiter. La prisée des terres normandes fut promptement menée, à Belle-Isle et dans le Midi ce fut plus long, cependant tout « allait à merveille » sauf pour Beaucaire qui soulevait une vive opposition, et que Belle-Isle échangea contre des terres situées dans le Languedoc[42]. Cependant la Chambre des Comptes s’ingéniait à faire des oppositions, à accumuler les délais, mais Belle-Isle tenait tête à ce mauvais vouloir grâce à la bienveillance du Conseil d’État et, le 7 août 1720, un arrêt du Conseil et des lettres patentes terminèrent le conflit en déboutant la Chambre des Comptes et ses prétentions[43].

Ce n’était qu’un arrêt de plus. Belle-Isle se heurta à tous les engagistes propriétaires d’une parcelle quelconque de ses nouveaux domaines, habiles à le promener parmi tous les dédales de la procédure. « Il n’y a pas de jour s’écriait-il avec impatience, qu’un engagiste ne me forme une nouvelle difficulté ». Les engagistes normands se devaient à eux-mêmes d’être les plus âpres et les plus retors, favorisés qu’ils étaient par la Chambre des Comptes ; les languedociens n’étaient guère plus accommodants. Pendant qu’il se débattait, le Roi faisait acte de propriétaire du marquisat de Belle-Isle en inféodant l’île à la Compagnie des Indes pour une somme de cinquante mille livres[44]. Les difficultés commençaient à s’aplanir, l’échange de Belle-Isle était sur le point d'être terminé, il ne restait plus qu’à rédiger le procès-verbal lorsque la mort de Dubois, celle du duc d’Orléans, l’avènement du duc de Bourbon et de la plus vindicative ennemie de Belle-Isle, allait rendre la parole à la Chambre des Comptes, obstinée à soutenir l’énorme préjudice causé à la couronne par l’échange de Belle- Isle. Le jeune Louis XV, à qui toutes ces contestations étaient fort indifférentes, devait passer pour y porter un intérêt éclairé ; on lui fit dire, et Mathieu Marais a recueilli ce bruit, qu’il ne pouvait souffrir qu’on donnât Gisors, l’apanage d’un fils de France[45] ; peut-être néanmoins les treize ans du Roi furent-ils un instant impressionnés par la gravité du Premier Président Nicolaï insistant sur l’impossibilité où il se trouvait de « consentir à l’échange sans manquer à son devoir[46]. » Le 4 janvier 1724, un arrêt de la Chambre des Comptes ordonnait « que le Procureur général se retirerait par devers Sa Majesté pour présenter la lésion évidente ci, la supplier de résilier le contrat[47] » ; en conséquence, le 11 janvier l’affaire de l’échange de Belle-Isle était à nouveau rapportée par le contrôleur général devant le Conseil qui chargea la Chambre des Comptes de reprendre toutes les évaluations, de réviser les jugements et réduire les terres échangées jusqu’à concurrence de trente-quatre mille livres de revenus[48]. Tout était à refaire et Belle-Isle se trouvait maintenant compromis de telle façon que, le 5 mars, il entrait à la Bastille[49].

 

Mécontentement

Ces faits paraîtront choisis et rapportés à dessein à ceux qui estiment que dans notre société si profondément divisée, écrire l’histoire de son pays c’est apporter des arguments à l’appui de l'opinion à laquelle on appartient[50]. Il semble malaisé à quelque opinion qu’on appartienne, de produire des récits favorables au régime monarchique, au gouvernement de la Régence et à ses plus notoires bénéficiaires. Faudra-t-il louer les mesures puériles adoptées pour combattre l’épidémie qui ravage le midi de la France, gagne le Gévaudan, l’Auvergne, menace la Bourgogne : fumigations, cordon de troupes, et interdiction aux Parisiens d’entretenir dans leurs maisons porcs, pigeons, poules et lapins[51]. Ou bien faudra-t-il approuver l’arrêt du 8 juillet 1721 interdisant le débit et le port des toiles et étoffes des Indes sous peine de mort[52]. Les contemporains eux-mêmes gémissent sur cette administration aveugle et imprévoyante. « Un malheur général, qu’on appelle faute d'argent, écrit M. de Caumartin, nous réduit tous à un tel point que nous ne savons que devenir. Tous ceux à qui nous devons nous demandent ; personne ne nous paye ni ne nous veut faire crédit, et les agioteurs cachent tellement leur argent qu’on ne voit pas une obole[53]. » Le Régent, écrit Barbier, est la haine du public par rapport aux affaires[54], et on le lui fait savoir. Lors de la guérison du Roi, au mois d’août 1721, la joie du peuple éclate bruyante, provocante, on va danser dans le Palais-Royal et boire à la santé du Roi, se battant la fesse au cri de ; « Et voilà pour le Régent[55] ». Les harangères viennent danser en rond dans le jardin des Tuileries criant : « Vive le Roi, la Régence au diable ![56] »

 

La carrière de Cartouche

Une fois encore ce gouvernement décrié peut offrir à l’opinion publique une diversion dramatique qui distrait toutes les imaginations de la capitale. Pendant six mois il n’y sera question que de Cartouche, de sa bande, de ses exploits. A ce chef de brigands, voleur, assassin, tous les Jansénistes font une réputation, presque une légende, car il est ancien élève des Jésuites. Né dans la rue du Pont-au-Choux, fils d’un tonnelier, entré au collège Louis-le-Grand d’où il fut renvoyé, puis chassé de la maison paternelle, Louis-Dominique Cartouche s’agrège à une bande de voleurs qui exploite la Normandie, revient à Paris et y organise une association dont il prend le commandement. Tout de suite on s’en aperçoità l’audace et à la fréquence des vols, à l’adresse et à la cruauté des voleurs. Dès le mois de juin 1721, le guet met la main sur quelques comparses, mais Cartouche, tue deux ou trois archers et leur échappe, se déshabille, monte par une cheminée, se sauve et, à dix maisons plus loin, se fait ouvrir la porte, s’évade et court encore[57]. On dit qu’il a un sort et que le Régent le redoute, car « c’est un déterminé à qui l’idée d’un coup peut venir ». Une récompense est promise à qui le fera prendre, défense est faite aux armuriers de tenir ni de vendre aucuns pistolets de poche[58] et Cartouche s’en moque ; le 22 juillet, suivi de huit camarades, il assiste à la représentation de l’Opéra et y exerce ses talents. Douze grenadiers mis à ses trousses reviennent bredouilles[59]. « La mode ici, écrit-on, est d’avoir peur de M. Cartouche, on prétend qu’il a fait serment de tuer tous ceux qu’il volerait[60], et on attribue à Cartouche tout ce qui se passe dans Paris[61], on annonce une comédie de Le Grand dont il sera le héros ; puis la vogue se détourne, on l’oublie, et quelques-uns se demandent si tout ceci est plus qu’un conte[62], mais ce qui est certain c’est qu’on n’a jamais vu tant de voleurs, les prisons en sont pleines[63]. »

 

Son arrestation

Enfin le 14 octobre 1721, à onze heures, le fameux Cartouche fut arrêté à la Courtille, dans le cabaret de la Grande Motte à la Haute Borne. Un de ses compagnons, bon gentilhomme, nommé Du Châtelet, l’avait trahi et Le Blanc, secrétaire d’État de la guerre, avait chargé une brigade de grenadiers du régiment des gardes et quatre exempts de s’emparer du malfaiteur. Ils avaient ordre de le prendre mort ou vif, et de le tirer s’il prenait la fuite. Après avoir cerné la maison, on envahit la chambre où Cartouche dormait sous la garde de ses complices qui n’eurent pas le temps de se mettre en état de défense et laissèrent arrêter et ficeler leur chef qui, vêtu d’une culotte, d’une paire de pantoufles et d’un bonnet de nuit, fut conduit chez M. le Blanc et, de là, nu Chatelet à pied, afin que le peuple le vît et sût sa capture[64]. Et les récits de courir, d’autant plus merveilleux que le peuple le croyait sorcier. Ce fut bien mieux lorsque, sept jours après la capture, on apprit que Cartouche s’était sauvé du cachot, les fers aux pieds, après avoir descellé une pierre de taille, être tombé dans une fosse d’aisance et s’en être tiré pour gagner une fosse voisine, soulever la pierre de dessus, déboucher dans la cave d’une fruitière où une chienne allaitant ses petits se mit à aboyer, réveilla le fruitier qui appela le guet, lequel entendit, accourut, saisit Cartouche caché sous une table, le garrotta, le ferra au ventre, aux pieds et aux mains et ne put l’empêcher de plaisanter. Il avait su, dit-il, qu’on le jouait le soir même, à la Comédie, et avait eu envie d’y aller[65]. En effet, on donnait la pièce de Le Grand, Cartouche ou les voleurs, qui attirait « un monde étonnant[66] ».

On peut dire que voilà un homme très extraordinaire, écrit Barbier ; par ordre du Régent, on le nourrit fort bien : bonne soupe, bon bouilli, quelquefois une petite entrée, avec trois chopines de vin par jour67. Tout le monde, qui a de l’accès, va le voir. Les grandes dames vont s’apitoyer sur le malheureux parce qu'elles le trouvent étendu sur une paillasse, lié par le milieu du corps, par les poignets et par les chevilles avec des anneaux rivés a la poutre du plancher de dessous[67]. D’étranges histoires circulent sur les connivences que rencontrent les curieux[68] et pour y couper court on hâte les interrogatoires et le procès. Mais tous les détails donnent le frisson. Chaque semaine, pour ne pas dire chaque jour, on amène au Châtelet des complices du bandit qui ne les reconnaît pas et prétend s’appeler Jean Bourguignon, fils d’un drapier de Bar-le-Duc.

 

La question

Un jour on découvre cinq hommes de la bande parmi les postulants de l’abbaye de la Trappe[69] ; un autre jour, on apprendra que quarante hommes de la suite de la princesse des Asturies sont affiliés à l’organisation[70], de sorte que c’est comme un soulagement d’apprendre que l’exécution est imminente, car depuis plusieurs jours on ne parle que de Cartouche[71]. Le 27 novembre, à sept heures du matin, Cartouche fut appliqué à la question avec Madeleine, gentilhomme lorrain, et Du Châtelet, autre gentilhomme, qui l’avait dénoncé. Madeleine passa le premier et mourut étouffé[72] ; Du Châtelet, qui jasait autant qu’on voulait, fut peu éprouvé. Vint Cartouche, à qui on donna les brodequins ; il nia toujours être Cartouche et affirma s’appeler Jean Bourguignon. Comme il n’avouait rien il ne fut pas ménagé et on le remit entre les mains de son confesseur jusqu’à quatre heures qu’il fut conduit à la Grève, laquelle n’avait jamais été si pleine de monde que ce jour-là, la plupart des fenêtres étaient louées. On avait ôté le matin une potence et quatre roues, il ne restait que celle qui lui était destinée. Sur la charrette, le condamné regardait à droite et à gauche, sans laisser voir d’inquiétude, vers cinq heures, il arriva à la Grève et fut piqué de ne voir qu’une roue. Se voyant abandonné à son sort par les camarades qui lui avaient juré de l’y soustraire, il résolut de les en punir et demanda à parler à son rapporteur. En conséquence on le mena dans l’Hôtel de Ville où l’attendaient deux conseillers et deux greffiers assis devant une table. Il fut mis au bout de la table, assis dans un fauteuil, entre deux geôliers à ses côtés, son confesseur un peu plus loin.

 

Les aveux

« Il dit d’abord à ces messieurs qu’il allait leur déclarer bien des choses ; sur quoi ils lui représentèrent que par un aveu sincère il aurait pu s’épargner bien des tourments. Il répondit que, quand on l’aurait fait souffrir six fois davantage, on n’aurait rien tiré de lui, et qu’au lieu même de son supplice il aurait gardé le silence, si ce monsieur que voilà, dit-il en montrant son confesseur, ne lui avait ordonné, pour la décharge de sa conscience, de déclarer ses complices. Après avoir reconnu qu’il s’appelait Cartouche, il fit l’histoire de son éducation et de sa vie ; il dit que dès la. plus tendre enfance il avait commencé le métier de, filou, qu’il avait volé plus de cinq cents épées, beaucoup de tabatières et de montres, que son plus grand plaisir était d’escamoter des manteaux, des épées et des pistolets aux archers du guet, lorsque, s’en retournant le matin, il les trouvait endormis dans les rues ; qu’il y à voit de ces manteaux volés de quoi fournir l’hôpital de couvertures ; que jamais par son goût il n’avait été porté aux meurtres, à moins que ceux qu’il attaquait ne lui fissent résistance, ou des traîtres ou des mouches ; que de ces derniers il en avait tué tout autant qu’il en avait trouvé... »

Il nomma tous ses complices, en nombre infini, et ceux à qui il avait vendu ses larcins, comme orfèvres, fripiers, revendeurs et plusieurs particuliers. Toute la nuit, on ne fit qu’amener du monde dans des fiacres, dont beaucoup se croyaient en sûreté, en sorte que la Grève fut toujours pleine de curieux.

 

Le supplice

Cartouche demeura pendant la nuit entière à entretenir les commissaires ; plus de quarante personnes lui furent confrontées plusieurs retenues en prison. Son sang-froid était surprenant, il envoya chercher une fort jolie fille, sa maîtresse ; lorsqu’elle fut arrivée, il dit que, bien loin d’avoir eu part à ses crimes, il les lui avait cachés avec tout le soin possible, qu’il en avait eu un enfant et songeait à l’épouser à l’époque de son arrestation. A ces mots, elle lui sauta au cou et ils demeurèrent longtemps embrassés, silencieux et fondant en larmes. Le confesseur l'avertit qu’au moment de paraître devant Dieu, il fallait rompre cet engagement coupable, mais Cartouche lui répondit qu'il ne ressemblait pas à cos gens de qualité qui n’aiment dans leur maîtresse que la débauche, lui aimait et estimait la sienne et il eut beaucoup de peine à s’en séparer. Il était impossible de montrer plus de fermeté et de tranquillité d’esprit, il paraissait s’entretenir de choses à lui étrangères et si l’aveu de ses filouteries amenait le récit d’une circonstance un peu plaisante, il se mettait à rire tout le premier et lorsqu’il était fatigué, on lui apportait ce qu’il demandait. Il soupa le jeudi soir et il déjeuna le vendredi matin. Son rapporteur lui proposa du café au lait, mais il préféra un verre de vin et un petit pain et il but à la santé de ses juges. Vers neuf heures il déclara n'avoir plus rien à dire et les commissaires l’abandonnèrent à son confesseur qui employa son temps jusqu’à une heure pour le préparer à la mort. Il monta à l’échafaud et se mit sur la roue avec un sang-froid admirable. Il devait expirer sur la roue au cas qu’il n’avouât rien, mais il était convenu qu’il serait étranglé tout d’abord s’il révélait ses complices : ce qui fut exécuté. Ainsi finit Cartouche, son esprit et sa fermeté le firent plaindre. Un chirurgien acheta son corps, l’habilla, lui mit une perruque et du rouge et le montra pour de l’argent ; il gagna près de huit cents livres en vingt-quatre heures[73].

 

Exécutions nombreuses

Depuis ce moment on va assister à un spectacle inconnu, jamais on n’a vu de Tournelle si meurtrière, et les magistrats, les archers, les bourreaux, la populace ne connaissent plus le repos. Il y a les coupables qu’on exécute sur le préau de la Conciergerie, pour épargner l’infamie à des familles distinguées[74], il y a ceux qui dénoncent avant de mourir à l’exemple de Cartouche[75], ce qui donne lieu à bien des mouvements[76]. Les Journaux de Buvat, de Barbier, de Marais nous apprennent que, pendant plus de six mois, on ne fait que pendre et rouer à Paris[77]. Une fois, c’est un huissier qu’on pend à minuit[78], et quelques jours plus tard la mode s’introduit « de pendre les voleurs aux flambeaux : en voilà deux qui passent devant ma porte à dix heures du soir écrit Barbier ; il y avait à chacun deux douzaines de flambeaux[79] ». « On pend tous les jours à Paris des complices de Car- louche, et, ce qu’on n’avait point encore vu jusqu’ici, ces complices prêts d’être suppliciés, font passer toute la nuit aux rapporteurs pour découvrir d’autres complices et on n’en voit point la fin[80] » ; ainsi s’exprime Mathieu Marais, et Barbier, à la même date — juin 1722, — nous dit qu’« on continue l’instruction du procès des complices de Cartouche, et il y a plus de cent cinquante prisonniers à la Conciergerie... Tous les jours on exécute quelqu’un de ces malheureux. Cela est d’une grande conséquence[81]. » Au mois de juillet le nombre augmente encore, il en vient de Lyon[82] et la corde et la roue happent sans arrêt serrurier, pâtissier, boucher, cocher, cabaretier, archer, exempt, sergents et soldats aux gardes, etc.[83] On ne parle à Paris que de rompus et de pendus[84] toutes les semaines huit ou neuf complices de Cartouche sont exécutés[85]. Le 2 septembre on fait une fournée de trente-trois, le 29 une fournée de trente-sept[86], enfin un malheureux enfant de treize ans, le plus jeune frère de Cartouche, condamné aux galères à perpétuité, est pendu avec une corde sous les aisselles, malgré ses cris et ses supplications qu’on le fit mourir ; après une demi-heure il s’évanouit, perd la parole, on le détache du gibet et il expire quelques instants après[87].

Maintenant la Régence approche de son terme, et elle ne connaîtra plus ni fortes émotions ni graves scandales. Quelques années l’ont blasée sur toutes choses et cette société spirituelle, pétillante, se calme par l’effet de la lassitude plutôt que par l’effet du remords ou du dégoût. La noblesse, les princes du sang continuent à braver la morale, mais ce ne sont plus les orgies d’une duchesse de Berry, les fureurs lubriques d’une comtesse de Gacé, les folies crapuleuses de quelques autres. Le jeune Roi grandit et ses vices ne sont pas encore connus, le Régent devient épais et se fatigue, le duc de Bourbon, le prince de Conti, le comte de Charolais n’inspirent qu’un grand mépris. La Cour compte pour peu de chose, la capitale ruinée ne compte guère plus, reste à savoir où en est la France.

 

 

 



[1] Adher, La misère en France en 1721, dans Bulletin de la Société archéologique du Midi de la France, 1906-1909, t. XVI, p. 414-417.

[2] M. Marais, op. cit., t. II, p. 43 ; janvier 1721 ; voir la gravure de Bern. Picard, intitulée : Monument consacré à la postérité en mémoire de la folie incroyable de la vingtième année du XVIIIe siècle, décrite dans Les correspondants de la marquise de Balleroy, t. II, p. 256.

[3] Barbier, Journal, t. I, p. 98 ; janvier 1721.

[4] M. Marais, op. cit., t. II, p. 43 ; Buvat, Journal, t. II, p. 194.

[5] M. Marais, op. cit., t. II, p. 46 ; 6 janvier 1721.

[6] M. Marais, op. cit., t. II, p. 48 ; 10 janvier 1721.

[7] M. Marais, op. cit., t. II, p. 49 ; M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 3 janvier 1722, dans op. cit., t. II, p. 228 ; 19 et 22 janv., 241, 245-248.

[8] M. Marais, op. cit., t. II, p. 56 ; 17 janvier 1721.

[9] X à Mme de Balleroy, t. II, p. 245 ; 22 janvier 1721.

[10] M. Marais, op. cit., t. II, p. 57 ; 17 janvier 1721.

[11] M. Marais, op. cit., t. II, p. 59 ; 21 janvier 1721.

[12] Mandement du cardinal de Noailles, pour assister les pauvres de Bennes. 14 janvier 1721 ; voir aussi celui de l’évêque de Castres, M. Marais, op. cit., t. II, p. 146 ; mai 1721.

[13] Sur ce personnage, voir M. de Lescure, Les Philippiques de la Grange-Chancel, in-12, Paris, 1858, p. 75, suiv. ; G. Fontbrune-Berbineau, Le duc de la Force et les protestants de Bergerac, dans Bulletin de la Soc. de l’hist. du protestantisme français, 1901, 4e série, t. L, p. 78-102 ; Le même, Le duc de la Force et les protestants de Tonneins, dans même revue, p. 654-656. Dans une lettre du comte d’Argenson à Mme de Balleroy, 25 novembre 1716, on lit que M. de la Force se laissa conseiller de demander quelque chose de beau, comme les provinces d’État, le clergé, les grosses fermes, etc., où il taillerait et rognerait, op. cit., t. II, p. 93.

[14] Barbier, Journal, t. I, p. 109-112, 115, 116, 117, 119, 134-137 ; Buvat, Journal, t. II, p. 209-211 ; 213-216 : 217, 219, 231, 234, 255, 266, 271 ; M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 67-69, 74-75, 77-79, 81, 89, 93-97. 102-106, 110-112, 120 ; Caumartin de Boissy et autres à Mme de Balleroy, t. II, p. 268, 269, 270, 271, 273, 278,280, 281, 282, 283, 284-289, 290, 293. 305, 310, 331, 342 ; entre février et juillet 1721. J. Flammermont, Remontrances du Parlement de Paris, in-4°, Paris, 1888, t. I, p. 140-148 ; P. Narbonne, Journal du règne de Louis XIV et Louis XV, in-8°, Versailles 1866, p. 63-65.

[15] Barbier, Journal, t. I, p. 112-113 ; Buvat, Journal, t. II, p. 212-213, 220 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 79-81, 84-86, 109, 110. 154, 202-204 ; Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 19, 20 février, op. cit., t. II, p. 275-277, 279.

[16] Mathieu Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 86,-87, 23 février 1721 : Buvat, Journal, t. II, p. 212 ; Madame, Correspondance, édit. G. Brunet, II, p. 306.

[17] M. Marais, op. cit., t. II, p. 87 ; J. Buvat, op. cit., t. II, p. 222 : X à Mme de Balleroy, 21 mars 1721, dans op. cit., t. I, p. 295.

[18] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 19 février, op. cit., t. II, p. 274-275 ; 5 mars, ibid., t. II, p. 283 ; 10 mars, ibid., t. II, p. 292 ; Barbier, Journal, t. I, p. 113-115 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 75-77 ; 98-99 ; 108 ; 125 ; 215 ; 260 ; Bloisjourdain, Mélanges, t. II, p. 10 ; Madame, Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 307, 317.

[19] M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 102 ; 8 mars 1721.

[20] En 1721 Lenoir donna la Relation à la suite d’une Nouvelle description de Constantinople ; en 1724, la traduction par Dr Fiennes et celle-ci par Galland : Relation de l'ambassade de Mehemet-Effendi à la Cour de France en 1721, écrite par lui-même et traduite du turc, in-12, Paris, 1757 (traduction très mutilée) ; 2e édition en 1758 ; G. Baxis de Flassan, Histoire générale et raisonnée de la diplomatie française, in-8°, Paris, t. IV, p. 422-431 ; le texte turc lithographié a été publié en 1820, en 1841 et en 1876. Voyage d’un ministre ottoman. Relation de Mehemet-Effendi, annotée avec des documents inédits (édition de) J. Seeker, in-8°, Montpellier, 1874, Lémontey, op. cit., t. II, p. 452-455 ; D’Aubigny, Un ambassadeur turc à Paris sous la Régence, dans Revue d’histoire diplomatique, 1889 ; Ch. Schefer, Mémoire historique sur l'ambassade de France à Constantinople par le ministre de Bonnac publié avec ses négociations à la Porte ottomane, in-8°, Paris, 1894, p. XLIII-XLIV. A. Gasté, Retour à Constantinople de l’ambassadeur turc, Mehemet-Effendi. Journal de bord du chev. de Canilly de Brest à Constantinople et de Constantinople à Brest, juillet 1721, mai 1722, dans Mémoires de l’Académie nationale des sciences, arts et belles-lettres de Caen, 1902, t. LVI, p. 49- 141.

[21] X à Mme de Balleroy, 10 février 1721, dans op. cit., t. II, p. 266 ; Buvat, Journal, t. I, p. 212.

[22] X à Mme de Balleroy, 10 février 1721, dans op. cit., t. II, p. 266 ; Buvat, op. cit., t. II, p. 217 ; Barbier, Journal, t. I. p. 116.

[23] Barbier, Journal, t. I, p. 118-119.

[24] Buvat, Journal, t. II, p. 218.

[25] M. Marais, op. cit., t. II, p. 102 ; M. de Caumartin à Mme de Balleroy,13 mars 1721, dans op. cit., t. II, p. 297.

[26] M. Marais, op. cit., t. II, p. 105 ; Barbier, Journal, t. I,. p. 120.

[27] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 19 mars (et 23 mars), dans op. cit., t. II, p. 294 (et 297) ; Buvat, Journal, t. II, p. 220-221, 223-230, 237, 239, 240-241, 245, 248, 250, 252, 255, 259, 260, 265, 269, 273 ; Barbier, Journal, t. I, p. 121 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 104, 108 ; Saint-Simon, Mémoires, 1858, édit. Chéruel, t. XVIII, p. 135, suiv., 169-172.

[28] D’Echérac, La jeunesse du maréchal de Belle-Isle (1684-1726), in-8°, Paris, 1908, p. 95.

[29] Le chev. de Balleroy à sa mère, 24 avril 1720, dans Les correspondants de la Marquise de Balleroy, in-8°, Paris, 1883, t. II, p. 156-157.

[30] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, 1863-1865, t. XI, p. 67.

[31] J. Buvat, Journal de la Régence, in-8°, Paris 1865, t. 1, p. 53-54 ; septembre 1715.

[32] J. Buvat, op. cit., t. I, p. 452, 464 ; oct. nov. 1719.

[33] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 262 ; 8 mars 1713.

[34] Bibl. nat., ms. franç. nouv. acq. 9187, fol. 277 ; Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 23 ; 28 mars 1719.

[35] P. d’Echérac, op. cit., p. 96.

[36] Arch. nat., E 2.000 : Exposé des motifs de motifs du Conseil du 27 septembre 1718.

[37] Saint-Simon, Mémoires, t. XI, p. 69-70.

[38] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 386 ; 21 septembre 1719 ; voir Gazette de la Régence, p. 326 ; 3 avril 1719.

[39] Arch. nat., E 1990 : Minutes du Conseil.

[40] Ch. Bouchet, Contrat d’échange entre le Roi et M. le comte de Belle-Isle (2 octobre 1718), dans Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendômois, 1871, t. X, p. 128.

[41] Arch. nat., P 1502 : Travaux de la commission séance par séance avec copie des arrêts intervenus.

[42] Arch. nat., P 1502, fol. 96, suiv. ; arrêt du Conseil, 20 mai, signature du contrat, 27 mai ; jouissance des terres, Ier juin 1719.

[43] Arch. nat., E 2019.

[44] Arch. nat., E 2017 : arrêt du Conseil du 17 mars 1720.

[45] M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 417 ; 17 février 1723.

[46] Villars, Mémoires, édit. de Vogüé, t. IV, p. 279-280.

[47] Arch. nat., P. 1502, fol. 137 v° suiv.

[48] Arch. nat., P. 1502, fol. 139 v° suiv.

[49] Bibl. de l’Arsenal, Bastille 12479, page 42 : livre d’écrou de la Bastille, 5 mars 1724 : M. de Belle-Isle avec deux valets de chambre.

[50] P. Albert, La littérature française au XIXe siècle, in-12, Paris, 1902, t. I, p. 10.

[51] M. Marais, op. cit., t. II, p. 139 : Buvat, op. cit., t. II, p. 257 ; juin 1721.

[52] M. Marais, op. cit., t. II, p. 177 ; Buvat, op. cit., t. II, p. 270.

[53] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 30 septembre 1721, dans op. cit., t. II, p. 359.

[54] Barbier, Journal, t. I, p. 133 ; mai 1721.

[55] M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 184 ; août 1721.

[56] Buvat, Journal, t. II, p. 281 ; août 1721.

[57] M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 156 ; 20 mai ; M. de Balleroy à sa mère, 16 juin 1721, dans op. cit., t. II, p. 336 ; voir Arch. nat., AD. III, 4 ; AD + 769-773 ; X2 B 1352-1355 ; X2 B 1352-1355 ; Arsenal, ms. 7567 : Bibl. nat., ms. Joly de Fleury, 1958-1960, 2043-2045 ; Bibl. de la Ville de Paris, imprimé 11930, in-4° ; Histoire de la vie et du procès du fameux L.-D. Cartouche et de plusieurs de ses complices, in-8°, La Haye 1722 ; The Life and Actions of L.-D. Cartouche who was broken alive upon the wheel at Paris, translated from the french by Daniel Defoe, 1722 ; F. Funck-Brentano, Les Brigands, in-4°, Paris, s. d. ; et, pour mémoire, Racot de Grandval, Le vice puni ou Cartouche, Poème, 1725.

[58] Barbier, Journal, t. I, p. 135 ; juin 1721.

[59] Buvat, Journal, t. II, p. 260 ; juillet 1721.

[60] M. de Balleroy à sa mère, 16 juin, dans op. cit., t. II, p. 336.

[61] X à Mme de Balleroy, 12 juillet 1721, dans op. cit., t. II, p. 340.

[62] Barbier, Journal, t. I, p. 136, juillet 1721.

[63] Barbier, Journal, t. I, p. 154, août 1721.

[64] Buvat, Journal, t. II, p. 301, octobre 1721 ; Barbier, Journal, t. I, p. 164 ; octobre 1721.

[65] Buvat, Journal, t. II, p. 302 ; Barbier, Journal, t. II, p. 167 ; M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 22 octobre, dans op. cit., t. II, p. 362.

[66] Barbier, Journal, t. I, p. 167 ; octobre 1721 ; Comédie en trois actes en prose, in-12, Paris, 1721, elle fut représentée treize fois.

[67] Des Essarts, Procès fameux extraits de l’Essai sur l’histoire générale des Tribunaux des peuples…, 1786, t. II, p. 219-238 ; Buvat, Journal, t. II, p. 303.

[68] M. Marais, op. cit., t. II, p. 198-199 novembre 1721 ; Barbier, op. cit., t. I, p. 176-177.

[69] Buvat, Journal, t. II, p. 305, novembre 1721.

[70] Des Essarts, loc. cit. ; Lémontey, op. cit., t. II, p. 434 ; Buvat, Journal, t. II, p. 312.

[71] M. de Caumartin à Mme de Balleroy, 29 novembre 1721, dans op. cit., t. II, p. 378.

[72] Buvat, op. cit., t. II, p. 310 ; M. Caumartin de Saint-Ange et M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 3 décembre 1721, dans op. cit., t. II, p. 381 suiv., 387.

[73] Voir Buvat, Barbier et les deux Caumartin, loc. cit.

[74] Buvat, Journal, t. II, p. 310, décembre 1721.

[75] M. Marais, op. cit., t. II, p. 198 ; Barbier, op. cit., t. I, p. 177 ; Buvat, Journal, t. II, p. 312, 313.

[76] M. Marais, op. cit., t. II, p. 198 ; Barbier, op. cit., t. I, p. 177, 224 : Buvat, Journal, t. II, p. 318, 406 ; M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy,10 décembre 1721, dans op. cit., t. II, p. 392.

[77] P. Narbonne, op. cit., p. 67 : « En dix-huit mois (novembre 1721) il a été pendu plus de trois cents personnes de la bande de Cartouche ».

[78] Buvat, op. cit., t. II, p. 310 ; 29 novembre 1721.

[79] Barbier, op. cit., t. II, p. 187 ; janvier 1722.

[80] M. Marais, op. cit., t. II, p. 300 ; juin 1722.

[81] Barbier, op. cit., t. II, p. 220-221, juin ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 305, juin 1722.

[82] Buvat, op. cit., t. II, p. 318, 327 ; décembre 1721, janvier 1722 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 305, juin 1722.

[83] M. Marais, op. cit., t. II, p. 313, 314 ; Buvat, op. cit., t. II, p. 318, 327-336, 357, 365, 402, 404-406, 408, 409, 416.

[84] Barbier, op. cit., t. II, p. 223, juillet 1722.

[85] Buvat, op. cit., t. II, p. 405, juillet 1722.

[86] Buvat, op. cit., t. II, p. 415, septembre 1722.

[87] Buvat, op. cit., t. II, p. 409 ; Barbier, op. cit., t. I, p. 226, juillet 1722.