HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME DEUXIÈME

 

CHAPITRE XXXIX. — Les ruines du Système (18 juillet-14 décembre 1720).

 

 

Précautions prises par la Cour. — Exil du Parlement. — Le séjour à Pontoise. — Menaces nu Régent. — Arrêt du 10 août. — Arrêt du 15 septembre — Ruine de toutes les classes. — Arrêt du 10 octobre. — Abolition de l’Agiot. — Opinions sur le Système. — A Paris. — À Angers et ailleurs. — Départ de Law. — Résultats du Système. — Les accapareurs poursuivis. — Nombre des victimes du système. — Misère publique. — Démoralisation des citoyens. — Respect des engagements inconnu. — Détresse générale du royaume. — Le Système a retardé l’avènement du crédit.

 

Précautions prises par la Cour

Le lendemain de l’émeute, la Banque demeura fermée et on donna lecture devant la porte d’une ordonnance royale faisant défense de s’assembler à peine de désobéissance et ordonnant surséance des paiements jusqu’à nouvel ordre. Les troupes campées à Montargis pour les travaux du canal furent ramenées à Charenton, des régiments ou des détachements furent envoyés à Chaillot et à Saint-Denis ; c’était une force de cinq mille hommes prête à marcher au premier signal. « Tout cela marque, écrit Dangeau, que la Cour veut être obéie et l’on ne doute pas que ce ne soit contre le Parlement qu’on prend ces précautions[1]. »

On n’était pas sans craintes pour la journée du samedi 20, jour de marché : les régiments des gardes avaient ordre de se tenir prêts et les mousquetaires de tenir leurs chevaux bridés, on les dispersa dans chaque marché avec quelques officiers à leur tête et tout fut tranquille. Le pain de Gonesse arriva comme à l’ordinaire grâce à la précaution prise d’envoyer de l’argent aux boulangers au lieu de billets[2]. La Gazette annonçait que le Roi avait rendu un édit déclarant la Compagnie des Indes perpétuelle, à condition pour elle de retirer six cents millions de billets de banque en un an ; en outre, six cents millions pour le virement des parties et compte en banque, et un milliard pour les vingt-cinq millions de rente sur la ville, tant en récépissés qu’en billets, au moyen de quoi en comptait voir disparaître, en une année, billets de banque et récépissés. Cet édit ne portait aucune date parce qu’il n’avait pas été enregistré en Parlement, nonobstant les conférences tenues entre le Chancelier et le Premier Président. Là était l’objet de la querelle, l’enregistrement par la Compagnie eut donné confiance au public, empêché les désordres, qui recommencèrent, quoique sans gravité, dans la matinée du 20. Le chancelier Daguesseau s’était flatté d’entraîner le Parlement, mais déjà on commençait à dire de lui au Palais : « il ne restera pas longtemps en place, il n’est pas assez grand génie pour cela, et il est caustique ![3] »

 

Exil du Parlement

Le dimanche, dès quatre heures du matin, un officier avec quatre mousquetaires allèrent garder l’hôtel du Premier Président, pendant que des estafettes portaient à chaque membre du Parlement une lettre de cachet gravée et ainsi conçue : « le Roi, par de bonnes considérations, a transféré son Parlement à Pontoise. Il vous ordonne, Monsieur, de vous y rendre pour y rendre la justice, et vous défend de vous assembler ailleurs, à peine de désobéissance et de privation de votre charge, si n’y faites faute. — Dieu vous ait, Monsieur, en sa sainte et digne garde[4]. » Le Premier Président était gardé à vue dans sa chambre par un officier et tenu au secret par deux sentinelles interdisant sa porte. Quand les mousquetaires eurent remis toutes les lettres de cachet, ils vinrent relever les gardes du corps qui s’étaient assurés du Palais et s’emparèrent de la Grand’Chambre à midi. Ces mousquetaires étaient tous jeunes, riches et joyeux. A peine maîtres de la Grand’Chambre, ils s’exercèrent à tenir séance, s’assirent avec une feinte gravité sur les fleurs de lys ; l’un d’eux apporta un chat qu’il venait d’attraper, ils l’appelèrent Law, le jugèrent et le condamnèrent à mort, comme on juge un chien dans la comédie des Plaideurs[5]. Cependant, dès le jour même, beaucoup de présidents et de conseillers se mirent en route pour Pontoise, quelques-uns voulurent entretenir le Régent qui s’y refusa et prit soin, dans la soirée, de faire tenir cent mille francs en argent et la même somme en billets de banque de cent et de dix livres au procureur général pour les départir entre les exilés qui en éprouveraient le plus pressant besoin[6].

Quelques patrouilles du guet à cheval suffirent au maintien de l’ordre. On pensait rendre odieux le Parlement en faisant circuler le bruit qu’il complotait de se réunir et de déclarer le Roi majeur[7] ; des colporteurs distribuaient, dans les rues, ce billet : « Le Parlement, par son opposition continuelle au gouvernement, fait resserrer l’argent ; mais malgré toute sa mauvaise intention, l’argent paraîtra la semaine prochaine et le billet de banque ne perdra plus. » Tout le monde voit bien, au dire de l’avocat Barbier, que c’est une espérance qu’ils veulent donner pour empêcher aucun mouvement sur ce qui arrive au Parlement ; et ils ont fait prudemment de le faire un dimanche, qu’il n’y a point de boutique ouverte et que le peuple est sorti de Paris. Mais quand le Parlement sera dehors... ils feront ce qu’ils voudront et comme, réellement, ce sont des fripons qui en ont fait de toutes les manières depuis un an, on attend quelque tour pareil soit sur l’argent, soit sur les billets[8]. Si le prince de Conti, à qui on imputait sans motif un grand désintéressement, l’avait voulu, il eut été en état de tenter un grand coup, et même de faire déposer le Régent en se mettant à la tête du Parlement. Le peuple, affirme Barbier, l’aurait suivi indubitablement. Les troupes campées autour de Paris, ni la maison ni le Roi ne prendraient la défense du Régent, car tout le monde est indigné du bouleversement général. L’ouvrier qui gagnait une livre dix sols par jour veut gagner six livres, et il est quatre jours sans travailler, à manger son argent ; de sorte qu’on ne peut venir à bout de rien faire et tout coûte extraordinairement. Cela est si général, que tout le particulier souffre infiniment, hors une petite poignée de monde, qui a gagné ce qui sert à ruiner les autres[9].

 

Le séjour de Pontoise

A Paris, on murmurait, les avocats refusaient de plaider en aucune juridiction ; à Pontoise, l’exil n’était pris au sérieux par personne. Après avoir enregistré l’édit de translation en y ajoutant « des restrictions qui pussent effacer des esprits les impressions fâcheuses que l’on voulait donner de cette Compagnie[10] », le Parlement s’installa de son mieux, malgré la difficulté de se bien loger vu l’exiguïté de la ville. On se regarda et on vécut « comme à la campagne ; on fit grande chère, on joua gros jeu, on donna des bals aux dames qui accouraient en foule, les équipages sillonnaient du matin au soir la route de Pontoise et cette ville regagna bientôt par la dépense de ces messieurs et du monde qu’ils entraînaient à leur suite ce quelle avait pu perdre aux billets de la banque de Law[11]. » « Ils sont tous les jours en fêtes les uns chez les autres, écrit un Caumartin. Les présidents tiennent des tables épouvantables ; le petit Pelletier a loué l’hôtellerie du Grand-Cerf, où il a donné dix-huit appartements à autant de conseillers qu’il nourrit. Le Premier Président est logé à Saint-Martin, où il y a soir et matin deux tables de vingt-cinq couverts. Ces pauvres messieurs, si l’exil est long, finiront par se ruiner[12] ! » Ils ne couraient pas ce risque ; le Régent payait leurs dépenses en secret, il fit passer trois cent mille livres à M. de Mesme. On s’explique alors cette prodigalité qui indigne Caumartin : « Rien n’est trop cher pour eux ; ils font une chère terrible. Leur punition, au lieu de les corriger, ne fait que les confirmer dans leur entêtement[13]. » Aussi la plaisanterie s’en mêle ; on blâme le choix de Pontoise où l’on s’amuse, on recommande Fresne où, à force de s’ennuyer, Daguesseau s’est converti[14] :

Si tu veux de ton Parlement

Punir l'humeur hautaine.

De Pontoise, trop doux Régent,

Fais le sauter à Fresne !

C’est un lieu de correction

La Faridondaine, la Faridimdon

Où Daguesseau s’est converti

La Cour des monnaies, l’Université de Paris, le grand-conseil adressaient aux exilés le témoignage de leur admiration. Toutes les épigrammes, les chansons maltraitent le Régent et Law avec fureur, suggèrent les attentats de nature à les faire disparaître :

François ! la bravoure vous manque,

Vous êtes pleins d'aveuglement,

Pendre Law avec le Régent

Et vous emparer de la Banque,

C'est l'affaire d'un moment.

 

Menaces au Régent

Tout le monde est si animé contre le Régent que les officiers eux-mêmes laissent échapper des menaces[15], on jette des billets écrits l’la main par la glace des carrosses : « Sauvez le Roi, tuez le Tyran et ne vous embarrassez pas du trouble[16] », on parle de poignards, de poison, d’incendie[17]. Un jour, en rentrant dans son appartement, le duc d’Orléans lit sur la porte une parodie de la dernière scène de Mithridate[18].

C'en est fait, j'ai vécu...

Le papier établi, les Français ruinés

Suffisent à ma cendre et l'honorent assez.

« Je voudrais, pour cent mille écus dit, le prince, en connaître l’auteur. »

Le lendemain, au même endroit, il lut encore ceci.

Tu promets beaucoup, ô Régent :

Est-ce en papier ou en argent ?

 

Arrêt du 15 août

Le jour même où éclatait l’émeute du 17 juillet, une ordonnance avait suspendu le payement des billets à la banque jusqu’à nouvel ordre : ses guichets ne se rouvrirent plus. Vers a fin de juillet, les billets perdaient plus de 30 pour cent ; a la f.in d’août ils perdaient 60 pour cent. Après avoir réduit la monnaie métallique à ne posséder plus qu’une valeur fictive et variable comme le papier, l’avoir dépréciée avec acharnement, Law voulait qu’on lui rapportât le papier, non moins déprécié, en se résignant à la perte qui l’atteint. Le 15 août, un arrêt prévient les porteurs de billets de 10.000 livres que ces billets « n’auront plus cours comme espèces » à compter du 1er octobre ; jusqu’à cette date, la Compagnie les recevra en payement de ses actions et, passé ce délai, elle ne recevra plus que des billets de 100 livres et de 10 livres ; ces derniers cesseront d’avoir cours comme espèces au 1er mai 1721 : la Compagnie, à cette époque les aura tous retirés ou remboursés. Mathieu Marais, qui exprime l’opinion des parlementaires éclairés, écrit à propos de cet arrêt dont le motif est que le Roi veut rétablir la circulation des espèces dans tout le royaume. Ainsi finit le système du papier qui a enrichi mille gueux et appauvri cent mille honnêtes gens. Tous les arrêts rendus depuis un an pour supprimer l’or et l’argent étaient donc trompeurs et faux, ainsi que tous ceux qui assuraient que jamais on ne toucherait aux billets. On s’est joué de la France..., mais le Français est incorrigible, et, qu’il vienne demain un autre Law avec de nouveaux billets, on y courra encore. » Afin de venir à bout plus rapidement des billets on se mit à en brûler d’énormes fardes. Le 28 juin, pour 116.803.000 livres ; le 1erjuillet, pour 155.850.000 l. ; le 9, pour 101.390.000 l. ; les 16, 23 et 30, pour 223.713.000 livres ; malheureusement le prévôt des marchands, Trudaine, à qui était confiée cette opération, remarqua qu’on brûlait plusieurs fois les mêmes billets, il se plaignit hautement et on ne put douter alors que plusieurs billets portaient le même numéro. L’affaire fit grand bruit et Trudaine fut renvoyé. Malgré toutes les destructions, il restait encore dans le public, au commencement du mois d’août plus d’un milliard 400 millions qu’on n’avait aucun moyen de retirer. « Voilà, disait Barbier, où en est cette Banque si florissante à la fin de l’autre année, où on aurait demandé à un homme qui serait venu changer deux millions de livres s’il voulait de l’or ou de l’argent. »

 

Arrêt du 15 septembre

Les arrêts se succédaient sans parvenir à empêcher la baisse de plus en plus rapide, sans obtenir d’autre résultat que d’ajouter au discrédit. Tous les négociants refusaient des papiers sans valeur, alors un arrêt du 15 septembre décida que les billets de 100, de 50 et de 10 livres seraient seuls, jusqu’au 1er novembre, reçus sans monnaie de métal dans les paiements au-dessous de 20 livres ; que les billets de 1.000 et de 10.000 livres , à partir de la publication de Ledit, et ceux de 100, de 50 et de 10 livres à partir du 1er novembre, ne pourraient plus être donnés qu’avec la moitié en espèces. Enfin « à dater du 15 septembre les sommes écrites en comptes courants en banque étaient fixées au quart de la valeur pour laquelle elles avaient été portées, si mieux n’aimaient les propriétaires les retirer en billets de 10.000 et de 1.000 livres, dans le mois pour tout délai. » Comme conséquence de cette disposition « les effets de commerce et les ventes de marchandises en gros faites avant la publication du présent, ou avant qu’il ait pu être connu à l’étranger, et qui devaient être payés en écritures en banques, seront acquittées en nouvelles écritures, sur le pied du quart, au moyen duquel quart la somme totale de ces effets et ventes de marchandises sera acquittée en entier[19]. » C’était une faillite de 76 pour cent ! Mieux valait encore sauver cette obole que tout perdre pensèrent quelques marchands et ils se rendirent à la banque demandant que, conformément à l’arrêt, on leur donnât « en billets les fonds mis en compte » ; à quoi on leur répondit « qu’on ne pouvait leur rendre leurs billets, parce qu’ils étaient biffés et brûlés et qu’il n’en restait que les cendres. » Et Barbier confirme ce que nous apprend Mathieu Marais : « La désolation continue ; sous prétexte de remettre les choses à leur valeur intrinsèque, on a réduit les comptes en banque aux trois quarts de perte... On avait promis de rendre les billets qu’on y avait portés, à ceux qui ne voudraient pas de cette réduction. Tous les marchands ont été pour les retirer ; mais comme c’est une infidélité perpétuelle, on ne leur a rien rendu. » Les mêmes chroniqueurs nous disent l’impression produite par l’arrêt du 15 septembre : « La plume tombe des mains et les expressions manquent pour expliquer les dispositions de cet arrêt qui renferme toutes les horreurs du Système expirant. » — « Les cœurs sont si abattus et si consternés qu’on ne songe qu’à mourir. » — « Jamais encore n’avait été vu semblable écroulement. Ces papiers qu’on s’était disputés avec tant de fureur, restaient maintenant inutiles, maudits, entre les mains de millions de familles (il n’en était aucune, au témoignage de Forbonnais qui n’eût en sa possession au moins quelques billets de banque), se refusant encore à croire que ce qui avait tant de valeur fut réduit maintenant à n’en avoir aucune, obligés cependant d’ouvrir les yeux à une cruelle évidence, et constatant avec désespoir que de leur aisance à tout jamais perdue il ne leur restait plus que cet amas de chiffons. Que de gens écrasés sous cette ruine ! Que de misères imméritées ! Que de sombres désespoirs qui allèrent parfois jusqu’au suicide ! Né quarante ans après ces événements, Hennet a vu encore, à ce souvenir, des larmes dans les yeux d’infortunées victimes de ce désastre, et a entendu leurs malédictions contre l’étranger qui les avait ruinées[20]. »

 

Ruine de toutes les classes

Toutes les mesures, tous les artifices imaginés par Law se brisaient contre la résistance de l’opinion publique. Rentes, actions, comptes en banque, etc., tout devenait inutile. Pendant le mois d'août et le mois de septembre les particuliers ne versèrent pas une somme de trente millions ; dès le mois de septembre il fallut renoncer aux incinérations de billets. Law s’abandonna au découragement. Des symptômes lui permettaient d’entrevoir l’issue tragique promise à l’auteur du Système. « Le dimanche Ter septembre, jour de la fête de Bezons, [Mme Law] vint avec sa fille se promener aux allées du Roule. J’y étais ce jour-là, écrit un maître des comptes, et je vis la populace qui, ayant reconnu la femme de Law, la fit enfuir par ses menaces, ensuite poursuivit le carrosse à coup de pierres. La vigueur de ses chevaux la fit évader. Le peuple ne parlait pas moins que de l’assommer[21]. » L’avocat Barbier se trouvait sur les lieux, a vu les mêmes choses et les rapporte avec la même sérénité satisfaite : « Tous les laquais et la populace ont commencé à dire : « C’est la livrée de ce b... de gueux, qui ne paie pas les billets de dix livres ! « Le cocher n’a eu que le temps de fuir, mademoiselle Law a été blessée[22]. » On ne s’apitoie pas volontiers sur les ennuis de celui qui vous ruine et tous ces promeneurs inoffensifs savent que le billet de cent livres perd quarante-quatre pour cent, qu’on ne donne plus d’argent nulle part, qu’on ne veut plus de billets dans le commerce, en sorte que le bourgeois est obligé de perdre la moitié de son bien, et avec l’autre moitié d’acheter tout deux tiers au-dessus de sa valeur[23]. Tout est doublé et on demande des prix dont on n’avait jamais entendu parler, la livre de bougie se paie neuf francs au lieu de douze sols, et la livre de café dix-huit francs au lieu de deux francs dix sols. Chacun mange son fonds[24] et regarde de travers la famille du financier.

La baisse continue. Le 3 juillet la cote était entre 62 et 65 livres pour le billet de 100 livres ; après s’être relevée un instant au mois d’aout, a 85 et 88 livres, elle tomba à la fin de l’année à 12 livres et, le 8 février 1721, elle n’était plus qu’à 5 livres[25]. La monnaie étant dépréciée, le prix des marchandises avait naturellement haussé. Nicolas-Robert Pichon en fournit des exemples dans son livre de raison « L’aune de drap noir, valant 18 à 20 livres en 1719 devait être payée en mai 1720, 100 à 120 livres ; le foin 60 à 120 livres au lieu de 20 à 25 ; les bas de soie 30 livres au lieu de 15 ; les souliers 10 à 15 livres au lieu de 5, les fiacres prenaient 50 sous de l’heure ; quant aux immeubles, telle terre de cent mille livres était vendue trois à quatre cent mille. Il est y remarquer avec Pichon que cette hausse des prix dépassait le taux de la dépréciation des billets ; les vendeurs escomptaient la baisse future. Les ouvriers et les artisans ne voulaient travailler que pour de l’argent et cependant « ils faisaient payer leur ouvrage trois et quatre fois plus cher qu’à l’ordinaire parce que leur loyer et tout ce qui leur était nécessaire pour vivre, leur coûtait en 1720 trois et quatre fois plus cher qu’en 1719[26]. »

 

Arrêt du 10 octobre

Déjà, après l’arrêt du 15 septembre, créant de nouvelles rentes pour résorber les billets, Barbier gémit : « Grande désolation dans le public ! Tout le monde est ruiné, de quelque façon que l’on se tourne. Il n’y a que ceux qui ont pris de l’argent en fondant leurs actions à mille livres, qui se trouvent avoir fait fortune. Autrement, personne ne pourra échapper à la friponnerie du Conseil. Pour moi j’ai gagné jusqu’à soixante mille livres et je ne gagne plus rien pour avoir gardé mes actions[27]. La désolation augmente tous les jours dans Paris. Un arrêt du Conseil du 10 octobre a donné le dernier coup aux billets de banque[28]. — Art. Ier. Ne pourront au 1er novembre 1720 les billets de Banque être donnés ni reçus en paiement pour quelque cause et quelque prétexte que ce soit que de gré à gré. — Art. 2. Aucuns billots ne seront reçus que dans les bureaux du Roi. Les billets de cent, de cinquante et de dix livres qui ont encore cours dans le commerce, disait le préambule, sont tombés dans un tel discrédit, qu’ils n’ont plus de valeur comme espèce... Le peu de paiements qui se fait encore avec lesdits billets, ne sert qu’à empêcher la circulation de l’argent, et à soutenir le haut prix des denrées et marchandises... » A cet arrêt est joint un état des billets de banque qui porte 2.696.400.000 livres de billets fabriqués et 707.327.460 livres de billets brûlés, restant 1.986.072.540 livres[29]. « Ils sont anéantis au 1er novembre prochain, reprend Barbier. Que de gens ruinés et qui n’auront plus de quoi vivre, n’ayant pour tout bien que quelques billets reçus en remboursement ! Il est fort aisé à présent de deviner le but et, la fin du Système. C’est un jeu de gobelets, lui a duré deux ans pour attirer dans les coffres du Régent tout l’argent du royaume. Depuis, il en a donné et rendu le moins qu’il a pu, et il garde le reste. Mais la ruine de l’État vient de ce qu’en faisant sa main, il n’a pas pu empêcher d’autres gens de profiter de l’occasion par les gains immenses qu’ils faisaient. Law doit avoir pays étranger, des sommes immenses. M. le Duc a pris tant qu’il a pu ; M. le duc d’Antin de même ; des étrangers, qui ont tiré de la Banque ou leur remboursement de la Ville, ou leur gain sur les actions et quelques gros agioteurs fins et heureux ; de manière que ce royaume, qui était si beau et si florissant, il faut le réduire comme s’il y avait eu quatre ou cinq cents millions de moins en espèce, car personne n’a d’argent, ou ceux qui en ont le cachent. Voilà bien à présent la justification du Parlement et la raison pour laquelle on l’a éloigné[30]. »

 

Abolition de l’agiot

Les arrêts se succèdent si rapidement qu’on a peine à suivre ce mouvement : 24, 25, 27, 29 octobre, 1er, 8, 14 novembre, etc., ils ne font que confirmer, élargir, aggraver la catastrophe. La désolation continue, l’indignation éclate lorsque, sous prétexte de remettre les choses à une valeur intrinsèque, on réduit les comptes en banque aux trois quarts de perte. Dix mille livres se trouvent réduits à deux mille cinq cents livres ! On réduit aussi les actions de quinze et douze mille livres à deux mille livres d’argent et « tout le monde s’attend à la perte entière de tout le papier[31]. » Les arrêts du 10 et du 24 octobre entraînaient la fermeture de la bourse ouverte dans les jardins de l’hôtel de Soissons ; ce fût l’objet d’un arrêt daté du 25. « Il porte, dit Mathieu Marais, que la place sera fermée le 29. Les colporteurs disaient d’une voix douloureuse : « Agiot est mort, voilà son billet d’enterrement ![32] » Le 27 et le 28, on a continué d’agioter dans la rue de Grenelle et de donner de l’argent pour le billet... Le 29, dès le matin, le guet à pied et à cheval, les compagnies du grand prévôt, du prévôt de l’île, assistés des commissaires, ont investi l’hôtel de Soissons, la place ou bourse, et les rues de Grenelle, d’Orléans et celle du Bouloy. La place a été fermée, on a chassé tous les agioteurs, on a emprisonné le matin, et, pendant tout le jour on a fait une garde exacte pour empêcher l’assemblée. Enfin, les rues sont demeurées libres », mais « la douleur des agioteurs, ajoute Buvat, s’est changée en une espèce de désespoir séditieux. Malgré la peine de prison et l’amende de trois mille livres, plusieurs s’assemblaient souvent aux environs de la bourse et y négociaient jusqu’à minuit ; en vain la maréchaussée et le guet leur donnaient la chasse ; ils s’attroupaient au coin des rues, sans se décourager, à la vue de leurs compagnons arrêtés[33]. »

 

Opinions sur le Système à Paris

Force était aux honnêtes gens de s’adresser aux agents de change, mais il est aisé d’entendre gronder les colères accumulées contre un régime que chacun fait responsable de la ruine générale. Nicolas-Robert Pichon, maître des comptes, domicilié à Paris, ne tarit pas en récriminations et en injures à propos de ce qu’il voit et de ce qui le touche. Il accuse Law d’avoir ruiné toute la France : l’Église, par l’arrêt du 16 avril 1720 ; la Robe par le remboursement forcé des rentes sur la ville et sur particuliers en billets de banque ; l’Épée, dont il a retardé, malgré l’arrêt du 19 août 1719, le paiement des pensions jusqu’au jour où l’arrêt du 28 janvier 1720 lui a permis de le faire exclusivement en billets qui ne lui coûtaient rien ; la Finance, en s’emparant de ses charges pour en gratifier la Compagnie des Indes ; le Commerce et la petite Bourgeoisie qui ont subi une réduction considérable sur les billets au-dessous de cinq cents livres faute de pouvoir prouver qu’ils venaient des remboursements du Roi.

Pour arrêter les ventes au rabais, Law fit décider que les souscripteurs devaient rapporter à. la Compagnie le nombre d’actions pour lequel ils étaient inscrits afin de les faire timbrer. Aussitôt nous dit Barbier, « on se porte avec une foule extraordinaire à la Banque les actions ; on s’y crève, et on a été obligé de donner de nouveaux délais[34]. » Pichon, qui possédait deux actions, nous raconte son odyssée. « J’allai, écrit-il, le 18 novembre porter mes deux actions. J’en suis encore indigné ; ...les soldats menaçaient tout le monde. J’y arrivai à huit heures du matin, j’entrai dans la grande cour, où les honnêtes gens étaient engloutis dans le nombre de la canaille ; les officiers des cours souveraines, les chevaliers de Saint-Louis en habits brodés y étaient entassés avec tous les coquins ou malotrus ; ...on voyait tout autour aux fenêtres des appartements., des femmes fardées et des petits maîtres... qui riaient et regardaient du haut en bas ce mélange confus de porteurs d’actions qui attendaient par grâce qu’on vînt leur livrer passage.

« Il y eut même à une fenêtre des gens, qui en faisant semblant de se rincer la bouche, furent assez insolents pour jeter quelques gouttes d’eau sur ceux qui étaient dessous ; cela excita une grande rumeur, la populace menaça de casser les vitres... Les soldats avaient fait ranger tout le monde un à un, le long du grand escalier, et ne souffraient pas que quelqu’un se mit en second à côté d’un autre ; ...enfin, à neuf heures, on annonça qu’on venait d’ouvrir la porte de la salle... J’étais précédé et suivi de gens, dont la plupart ; à la mine, je n’aurai pas voulu faire mes laquais... Après avoir attendu plus d’une heure, n’ayant pas encore monté plus du quart de l’escalier, je quittai ma place ; [ayant aperçu dans la cour un commis, ancien camarade de collège] je le priai de me ménager quelque entrée.

« Ce commis me dit qu’il était inutile de tenter les sentinelles, mais il me mena à un valet de la banque ; ce valet portait la petite livrée du Roi, et me dit qu’il était défendu de laisser entrer qui que ce fût d’inconnu sans ordre précis ; le commis lui parla de moi en termes qui le persuadèrent si bien de ma discrétion, que sur cette assurance, appuyée de 7 l. 10 s., ce valet me mena par un escalier dérobé à une porte secrète que la sentinelle m’ouvrit aussitôt... ; je me trouvai tout d’un coup dans un beau salon au milieu d’une bonne compagnie, qui s’entretenait en riant de ceux qui se morfondaient dans l’escalier... De ce salon j’entrai de plain pied dans le cabinet aux bureaux, j’y déposai mes deux actions et signai sur le registre mes deux noms de baptême, mon nom et ma charge. Et après avoir rentré dans le salon... au bout duquel il y a voit un escalier dérobé... cet escalier me conduisit très commodément dans la grande cour ; et je sortis au plus vite d’une maison si funeste à tous les honnêtes gens[35]. « Comme la plupart des Français de ce temps, Pichon associe l’Angleterre aux malédictions qu’ils jettent à l’aventurier. Ils ne sont pas éloignés de penser à quelque mystérieuse manigance dont Law n’aurait été que l’exécuteur, en sorte que « les Anglais lui ont pardonné leurs ruines [personnelles] en faveur de la ruine générale et irréparables qu’il a causée en France[36]. »

 

A Angers et ailleurs

Il est facile de juger des sentiments de tant de milliers de familles par ces notes transcrites dans un livre liturgique par un prêtre d’Angers[37]. Le « perfide Anglais », inventeur du système a jeté « toute la France dans la désolation » ; car « on fabriqua en vertu de divers arrêts du Conseil d’État pour 2 milliards 600 millions de billets..., sans y comprendre ceux que ce scélérat et diabolique homme, qui fut honoré de la charge de contrôleur général des finances, fit rependre dans le public, de son autorité privée, et les autres billets des cours souveraines ; car il y a un abîme de billets faux, qui causent la totale ruine de la pauvre France.

« Il essaya de nous endormir par plusieurs beaux projets, tels que rétablissement des casernes pour le logement des troupes, la réparation des grands chemins qui devaient être bordés de larges fossés et plantez de beaux arbres, etc. ; mais ces magnifiques desseins avortèrent. C’était aussi pour nous leurrer que cet hypocrite fils aîné du diable donna 50.000 l. de rente à l’hôpital général de Paris.

« Le clergé et les États de Bretagne et des autres provinces furent forcez de ruiner leurs créanciers en les remboursant en papier. Le Roy fut subrogé dans les droits de ces créanciers. Le clergé et les États y profitèrent en apparence par la réduction des rentes qu’ils devaient, qui fut faite d’abord à trois pour cent, et ensuite à deux pour cent, c’est-à-dire au denier cinquante. Mais dans la vérité c’était pour eux une pure perte, puisque les particuliers et les compagnies qui composent ces grands corps et qui en étaient créanciers furent par là précipitez dans une ruine totale.

« Les hôpitaux, les fabrices des paroisses, les communautés ecclésiastiques séculières et régulières, surtout celles des filles, et tant d’autres personnes, qui n’avaient pour tout bien que des rentes constituées furent réduites à l’indigence par l’amollissement qui leur en fut fait en cette malheureuse monnaie, que Sa Majesté fut ensuite obligée de décrier au premier novembre 1720. [Le chapitre de Saint-Maurice a réduit au denier trente-trois 40.000 écus qui lui étaient dus par le clergé... La bourse des anniversaires y est pour 70.000 livres][38]. Les plus heureux furent ceux qui purent faire consentir leurs débiteurs à réduire leurs rentes au denier 50 : ils perdaient par là trois cinquièmes de leur bien ; mais ceux qui furent remboursés en billets en perdront selon toute apparence le total.

« De là vint la nécessité où furent les administrateurs de l’Hôtel-Dieu d’Angers, lorsqu’ils se virent chargez de plus de 300.000 l. en papier, de réduire leurs malades au nombre de cent, quoique par sa fondation le nombre n’en soit point limité, et que tout le monde, même les étrangers, y dussent être reçus sans distinction. On avait vu jusqu’à cinq cent un pauvres dans cette magnifique maison.

« L’hôpital des Renfermez de la même ville souffre encore plus, n’ayant aucun bien de fond ; et se voyant chargé de 200.000 l. en billets, le nombre de ses pauvres fut diminué de plus de cent, et on était à peine en état de donner du pain à ceux qui restèrent.

« Les monastères de Sainte-Catherine, du Calvaire, de la Fidélité de la dite ville eurent plus de part que les autres à cette désolation, et on a tout lieu de craindre de voir ces saintes filles dans la nécessité d’aller chercher dans le monde le pain qu’elles ne trouveront pas longtemps chez elles, si la Providence n’y pourvoit par quelque moyen au-dessus de la prévoyance humaine.

[Les Carmélites seront obligées d’« aliéner leurs fonds, les remboursements qui leur ont été faits en billets de banque les ont réduites en cet état. » Les Cordelières de Saint-Florent-le-Vieil « ont été remboursées en billets de banque, de 14.730 l. de  contrats de constitution provenant des dots qu’elles avoient eu ». Les religieuses du même ordre, établies à La Flèche et à Château-Gontier, furent réduites à la misère. « De toutes les communautés établies à Saumur, la Fidélité a le plus à souffrir. Leur revenu consistait en rentes hypothécaires, dont les principaux leur ont été remboursez en billets de banque, que ces religieuses ont presque totalement perdus par la confiance quelles ont eu aux personnes qui avoient bien voulu s’en charger. Ces disgrâces ont réduit cette communauté dans une très grande disette. Des personnes charitables, touchées de leur état et remplies de commisération, leur ont procuré dans les premiers temps des secours capables de les soulager, mais ces secours ont cessé. » Les Ursulines de la même ville « ont pareillement souffert des remboursements considérables en billets de banque dont elles ne tirent qu’un revenu médiocre ». La Visitation « a moins souffert... par la précaution qu’elle a eu d’en placer une partie et de suivie exactement les débouchez qui ont été indiqués[39]]. »

« Les autres provinces ne furent pas plus épargnées que la nôtre...[40] Le Conseil du Roy est occupé depuis un an à chercher les moyens de réparer tant de maux, mais ils paraissent sans remède à presque tous les membres de cette auguste compagnie, qui pensent à les adoucir plutôt qu’à les guérir. » Et les doléances continuent.

 

Départ de Law

Law stupéfait, assistait à l’écroulement de sa vertigineuse construction, essayant encore de tenir tête et de faire belle contenance[41] jusqu’au jour où il dut céder et disparaître. Ses ennemis — et il s’en trouvait dans ce nombre qui n’étaient pas ses victimes — l’eussent voulu voir à la Bastille ; Daguesseau, Villeroy, Villars comptaient parmi les plus échauffés. Ils arrachèrent du Régent une promesse d’arrestation[42], ce qui équivalait à l’engagement d’une disparition prochaine. Dès le 7 décembre, le financier avait demandé et obtenu la permission de se retirer[43]. Le 14, il sortit de Paris pour se rendre dans sa terre, de Guermande en Brie, ayant reçu les adieux de toute la Cour, « car il est toujours en faveur[44] ». La marquise de Prie, maîtresse déclarée de M. le Duc, fut le chercher chez lui[45], en carrosse, et l’accompagna jusqu’à Auxonne d’où Law partit dans un de ses carrosses à lui pour Guermande[46]. « Je suis ravi, dit le Régent, que cet homme soit éloigné de moi[47] » ; ce fut tout ce qu’on en obtint.

Le duc d’Orléans et le duc de Bourbon souhaitaient voir au loin cet ami devenu compromettant. Une partie du voile avait été soulevée par Saint-Simon qui avait assisté à une scène très vive au Conseil de Régence où il fut question du départ de l’aventurier ; le procès-verbal de cette séance du 26 janvier 1721 a été retrouvé et rapporte en détail l’altercation.

« Le Régent ouvrit la séance en disant : Nous avons aujourd’hui une affaire importante dont M. de la Houssaye (c’était le nouveau contrôleur-général) va rendre compte. Aussitôt le duc de Bourbon déclara qu’il avait 1.584 actions dont 84 ne lui appartenant pas, mais qu’il faisait le sacrifice des quinze cents autres et qu’il les aurait apportées pour les brûler s’il avait connu l’objet de la réunion. Law, dit-il, était l’homme du Roi ; ses actes ne pouvaient engager la Compagnie des Indes, que le projet de la Houssaye constituait débitrice des billets de banque en circulation. Il ajouta qu’il « n’y avait eu des arrêts que pour l’émission de douze cents millions et que, cependant, il y en avait dans la circulation plus de deux mille sept cents millions. La Compagnie ne pouvait être rendue responsable de ce fait. Le Régent répondit que l’excédent des billets avait été émis par des arrêts rendus sous la cheminée, que même après l’arrêt du 21 mai on avait trouvé que six cents millions de billets a voient été fabriqués même sans arrêt secret, qu’il y avait là de quoi faire un procès à Law, que le Régent avait dû, pour le sauver, valider après coup par arrêt cette émission.

— « Donc, dit M. le Duc, c’est par votre ordre qu’il l’avait fait ; sans quoi, vous n’auriez pas couvert un crime capital.

— « Le Régent : C’est vous qui lui avez envoyé ses passeports.

— « M. le Duc : C’est vous qui me les avez remis. Je ne vous les avais pas demandés : on m’en a accusé dans le public. Ce fut vous-même qui me donnâtes les passeports desquels je ne vous avais jamais parlé.

— « Le Régent : Si je l’ai fait sortir, c’est qu’on m’a dit que sa présence en France ruinerait le crédit[48]. »

Le 21 décembre le bruit se répandit que Law passait dans les pays étrangers. M. le Duc donna deux chaises de postes à deux places et chargea M. de Sarrobert, son capitaine des chasses, de conduire Law à la frontière de Flandre, le jeune fils du fugitif était dans la deuxième chaise ; quant à celle qu’on nommait Mme Law, elle continuait à habiter à Paris, rue du Colombier, pour vendre les meubles et payer les 1.700.000 livres de dettes criardes. Law, « dans tous les cabarets de la route entendait parler de la ruine où était Paris et la France ; ces gens qui ne croyaient pas si proche d’eux disaient qu’il fallait pendre ce coquin-là et que s’ils le tenaient, ils l’étrangleraient[49]. » Il gagna Valenciennes où l’Intendant de Hainaut, d’Argenson, le mit quelques heures en état d’arrestation, puis, relâché, il passa la frontière. Dès ce moment, il ne comptait plus pour rien.

 

Résultats du Système

Son nom devait symboliser un épisode d’hallucination plus funeste à la France que ne l’a été la catastrophe des assignats à la fin du XVIIIe siècle[50]. Le marquis de Mirabeau, l’« Ami des hommes », dans son bizarre langage a comparé la perturbation économique soudaine, universelle de 1720 — car l’Angleterre elle-même en subit le contrecoup — à une « manière de jubilé » produisant l’abolition de toutes les dettes[51]. Le maréchal de Villars a consigné cette remarque utile que l’industrie du bâtiment reçut de, ces circonstances une vive impulsion, qui fut durable, témoignage que plusieurs autres ont confirmé. Un mémoire rédigé en 1726 observe « qu’on élevait partout de nouveaux bâtiments, qu’on réparait les anciens tant dans les villes que dans la campagne, que la culture des terres était partout augmentée[52]. Et lorsque, en 1724, le gouvernement entamera une lutte énergique afin de ramener le prix de main-d’œuvre à ceux de l’époque antérieure au Système, l’Intendant de Provence, M. Le Bret, proposera l’interdiction pendant un an de toute construction nouvelle, moyen décisif, selon lui, de ramener aux travaux agricoles une multitude de ceux qui les avaient délaissés pour embrasser les professions plus lucratives de menuisiers, serruriers, maçons, charpentiers, etc.[53]

Tout n’était pas faux dans ce qu’avait dit Law pour regagner la confiance au moment où elle commençait à fléchir : « Quelle condition, quelle profession, ne s’est point sentie des richesses écloses du nouveau Système ? L’officier d’épée ou de robe touche ses pensions et ses gages, auxquels il ne fallait plus penser : le marchand et l’ouvrier ne peuvent suffire aux demandes des acheteurs ; le menu peuple, ceux même qui par la bassesse de leur fortune ne sont, pour ainsi dire, d’aucune classe, tous, enfin, trouvent à vivre, à gagner, à s’enrichir. Parmi les défiants même, les déclamateurs, les aveugles ou malintentionnés, combien y en a-t-il qui étant débiteurs, se sont tirés de l’oppression de leurs créanciers ! Combien de créanciers ont recueilli des dettes désespérées !... Il n’y avait plus de banqueroutes en France, l’industrie et le commerce étaient rétablis, les manufactures augmentèrent dans la proportion de deux à cinq... Les terres qui avaient été en friche depuis longtemps furent cultivées... toutes les mains travaillaient ; on retirait les pauvres des hôpitaux pour les employer...[54] » Tout cela, en effet, s’était vu, et parfois même quelques traces en subsistèrent. » L’État, aussi, s'était cru débarrassé de l’éternel, de l’obsédant souci d’argent, et il avait pu se lancer dans des entreprises que sa pénurie lui avait jusqu’alors interdites ; des travaux publics avaient été commencés, d’autres projetés ; la Compagnie avait réellement donné quelque impulsion à la marine, au commerce, commencé à coloniser la Louisiane....

 

Les « accapareurs » poursuivis

Ces avantages — et quelques autres — furent chèrement achetés, et la part du mal resta, à tout prendre, infiniment plus grande que celle du bien. On vante le profit que tira la classe laborieuse de la hausse générale des prix, conséquence de la multiplication du papier et de l’augmentation des espèces, qui survécut, comme il arrive souvent, aux causes qui l’avaient fait naître, et qui permit aux ouvriers journaliers, domestiques, de louer plus chers leurs services ; mais cette hausse des prix lui infligea à elle-même, pendant l’agonie du Système et ensuite, les plus cruelles souffrances[55]. » Dans une lettre du 20 août 1720[56], le lieutenant général de police de La Rochelle, décrit en termes pathétiques l’horrible misère des classes pauvres, accablées par une augmentation des deux tiers et des trois quarts sur toutes les denrées de consommation. Les pauvres mouraient de faim, les bourgeois, naguère aisés, vivaient dans la gêne. Les billets n’étant plus payés depuis le mois de juillet 1720, depuis ce moment, ceux qui avaient obéi aux ordonnances dépensaient en quelques jours le capital d’une année. A l’époque de la fermeture de la Banque, les marchands ne recevaient plus les billets de 10 livres que pour quarante sous[57] et cette disproportion allait en augmentant. Au mois d’avril 1721, on ne donnera que 6 l. 10 s. d’un billet de 100 livres et 55 l. d’un billet de 1.000 livres[58], aussi remarque Barbier « sans avoir ni joué ni perdu, je n’ai plus aujourd’hui de quoi donner les étrennes aux domestiques. « L’année suivante, 1722, il dira encore : « Personne n’a un sou, et (pour preuve) hier, jeudi gras, il n’y a pas eu de bœuf gras. »

 

Nombre des victimes du Système

Le nouveau contrôleur-général, Le Pelletier de La Houssaye, partait du principe qu’il fallait distinguer les actionnaires de bonne foi et les agioteurs, atteindre ceux qui avaient vendu à des prix énormes, remonter à l’origine des biens et rendre à chacun l’équivalent de sa fortune première. Il fallut, dans ce but, s’engager dans une opération interminable. Cinquante-quatre bureaux composés de plus de cent commissaires du conseil et de deux mille commis furent installés au vieux Louvre ; lu procès-verbal constate que des feuilles de liquidation furent délivrées à 511.009 déclarants. Une nouvelle opération survint, on s’abandonnait aux mystères de l’administration, à ses lenteurs perfides et la misère allait grandissant. Les 511.009 déposants ne représentaient pas la totalité des victimes du Système car certains porteurs de billets se raccrochaient obstinément à des espérances illusoires ; il s’en trouvait encore un, en 1791, pour inviter le Comité des finances à remettre en circulation les billets de la banque de Law afin de fortifier le crédit des assignats ! Il est plus important de rechercher, dans ce nombre de 511.009 porteurs, la diffusion en province des titres de la Compagnie et de la banque. Le nombre des déclarants parisiens fut de 107.936[59], celui des déclarants provinciaux de 369.744. Les 33.329 autres arrivèrent un peu plus tard des lieux affligés par la peste de Marseille et longtemps sans communication avec le reste du royaume. La généralité de Lyon fournit, à elle seule, 10.205 déclarants, pour une somme de 88.361.521 livres[60]. On voit par là combien ces titres s’étaient répandus jusque dans les provinces les plus éloignées.

 

Misère publique

Une des conséquences d'un bouleversement si général fut une diminution marquée dans la demande du travail. La misère porta un coup fatal à toutes les industries et entraîna de pénibles restrictions. On peut juger de leur nature et de leur gravité par la consommation du sel, indice assez sûr, sous l’ancien régime, du degré d’aisance des populations. Dans l’année qui suivit la chute du Système, elle tombe au-dessous de ce qu’elle avait été avant lui : Je produit des grandes gabelles tomba de 22.090.873 à 21.718.931 l., celui des cinq grosses fermes tomba de 12.266.031 à 9.359.212[61].

 

Démoralisation des citoyens

Si, dans cette tourmente, la richesse nationale ne fut, à vrai dire, ni augmentée ni diminuée ; les fortunes individuelles furent bouleversées. Les ventes balançant les achats, la spéculation se borna, suivant le mot de Saint-Simon « à mettre le bien de Pierre dans la poche de Jean ». Il y eut quelques gros gagnants et une multitude infinie de petits perdants, il serait plus vrai de dire, une multitude de ruinés. Si la somme totale des pertes dépassa la somme des bénéfices, c’est que, dans la liquidation générale, l’État en prit occasion de réduire le capital de la dette publique de 385 millions et les arrérages d’environ 40 millions. Sans cette circonstance, il n’y aurait eu ni déperdition sensible ni consommation, mais un énorme déplacement de richesses déjà créées par le travail et par l’épargne. Ce déplacement n’est pas, en lui-même, un mal bien redoutable, il n’appauvrit pas une nation mais il démoralise les citoyens[62]. « Tous les liens de la société furent rompus, écrit le marquis de Mirabeau. ... Non seulement on remboursa par force les créanciers les plus privilégiés, mais encore le frère remboursa la sœur, le fils, la mère : et l’on mit impitoyablement à l’aumône ce qu’on avait de plus sacré et de plus cher. Chacun répondait au scandale public et au cri de sa propre conscience qu’il était remboursé de même et ne pouvait faire autrement. »

 

Respect des engagements inconnu

L’exemple venait de plus haut et les particuliers ne faisaient que se conformer a la conduite du prince. Visa de 1715, projet de banqueroute totale remplacée par les banqueroutes partielles. Chambre de justice de 1716, visa et banqueroute de 1721, ne sont que les aspects divers d’une conception fondamentale des devoirs du gouvernement envers les sujets : le Roi n’est pas tenu de remplir les obligations résultant des contrats qu’il a consentis. Le principe du respect des engagements de l’État n’est point encore entré dans le droit public financier. On hésite à accepter les dettes du monarque dont on porte la couronne ; on s’y résigne enfin, mais en se réservant la faculté de se livrer aux pires tripotages, variation des monnaies, vente des offices, juridictions exceptionnelles. Du grand aux petits la leçon n’est pas perdue.

La conscience publique et la solidarité générale ne souffrent pas impunément de semblables accrocs. A la faveur du Système, les débiteurs indélicats avaient eu toute liberté de se libérer à peu de frais, lorsque la société commença à se ressaisir et les transactions à se faire on put juger de l’atteinte portée à la bonne foi et à la confiance. « Le souvenir de ces événements, nous dit Forbonnais, nuit, surtout dans les provinces, à la facilité du prêt, retire de grandes sommes de la circulation, contribue à soutenir l’intérêt de l’argent ; il n’est que trop commun de voir des gens qui ne veulent pas se libérer en entier de leurs dettes dans l’espérance chimérique d’une pareille révolution. »

 

Détresse générale du royaume

« Concluons donc avec Forbonnais que le peu de bien dû au Système aurait pu être acquis, mieux et d’une manière plus durable, en quelques années de paix et de tranquillité et que ces bouleversements furent néfastes — comme aussi bien le sont toujours des opérations aussi violentes, des révolutions aussi étranges. On a pu faire de brillantes descriptions de l’état de la France pendant les quelques semaines du grand éclat du Système, mais on doit en faire aussi et de plus poignantes, et de plus fondées, de la trop réelle détresse qui succéda à celle apparente prospérité. « L’exemple" des remboursements en billets de banque, dit [Pâris-Duverney], auteur d’un Examen des Réflexions politiques sur les finances et le commerce (de du Tot), avait anéanti toute confiance et tout crédit envers les particuliers ; et la défiance était d’autant plus grande qu’ils ignoraient réciproquement l’état de leur fortune ; on savait que le plus grand nombre avait été ruiné, mais on ne distinguait pas ceux qui avaient eu le bonheur d’échapper au naufrage général. La hauteur des monnaies à 75 l. le marc d’argent maintenait fort haut le prix des denrées malgré la rareté des espèces ; tous les ouvriers étaient sans travail ; les manufactures, le commerce et l’industrie dans l’inaction... ; une pauvreté réelle faisait languir tous les citoyens tandis qu’il y en avait seulement quelques-uns qui regorgeaient de toutes sortes de richesses..., et la crainte des recherches contenait dans la modération une partie de ceux que le Système avait comblés. La situation des finances n’était pas moins déplorable ; pas un sol dans les caisses du roi ; Sa Majesté se trouvait sans revenus actuels : les fermes générales, les impositions, toutes les sources de l’abondance étaient épuisées pour longtemps... Quoique le présent fut horrible, l’avenir paraissait devoir être encore plus affreux. La confusion qui se trouvait dans la dette ne causait pas moins d’embarras que l’impuissance de l’acquitter : et l’on ne concevait pas comment, parmi cette multitude de citoyens qui présentaient les mêmes titres de créance, il serait possible de distinguer les droits légitimes, et de leur donner la préférence sur ceux qui ne l’étaient pas. » Tableau véridique dont les correspondances du temps conflit ment, accentuent même les sombres couleurs. « Il semble, écrit le 21 décembre 1720 l’intendant de Tours Le Gendre, que chacun se soit donné le mot pour garder le peu d’argent qu’il a, dans l’appréhension de mourir de faim ou d’être payé en compte en banque ; la crainte des diminutions n’augmente point l'empressement de porter des espèces à la monnaie, le commerce tombe tous les jours, les fabricants de toute espèce ont congédié plus de la moitié de leurs ouvriers, qui demandent l’aumône ou deviennent vagabonds ; il n’y a plus de sûretésur les grands chemins, ni dans les villes pendant la nuit... Les grands et les petits retranchent tous les jours quelque chose de leur dépense... Le marchand le plus riche et le plus accrédité de Tours ne trouverait pas à emprunter 1.000 écus à 6 pour cent[63]. » « L’inondation de ces papiers, écrit l’évêque de Castres, a fait presque autant de mal dans nos cantons que les flammes ont pu faire en Bretagne...[64] Plus de commerce, plus de travail, plus de confiance, plus de ressource, ni dans l’industrie, ni dans l'amitié, ni dans la charité même. »

 

Le Système a retardé l'avènement du crédit

Law est souvent loué d’avoir élargi les idées en matière de finance, révélé la puissance du crédit, fait connaître ces choses destinées à changer la face du monde économique qui s’appellent le titre au porteur, le marché à terme, les spéculations de bourse, l’association des capitaux. — « On entend mieux le commerce en France depuis vingt ans qu’on ne l’a connu depuis Pharamond jusqu’à Louis XIV, écrivait Voltaire. C’était auparavant une espèce de chimie entre les mains de trois ou quatre hommes... Le système de Law c’était l’émétique à des malades, nous en primes trop et nous eûmes des convulsions, mais enfin des débris de son Système il nous resta une Compagnie des Indes avec cinquante millions de fond[65]. » — Il nous resta aussi « de si affreux souvenirs que le Système a beaucoup plutôt retardé que préparé le règne du crédit. Sans lui, peut-être la France aurait-elle créé plus tôt chez elle des établissements analogues à ces banques d’Amsterdam et de Londres qui rendaient alors tant de services à la Hollande et à l’Angleterre et se serait-elle débarrassée plus tôt du joug honteux des faiseurs de services et des usuriers d’État. La peur des idées nouvelles et un empirisme grossier tels sont les legs les plus certains qu’aient faits à la France les saturnales financières de la Régence. Forbonnais a remarqué judicieusement que Law a jeté l’odieux sur le nom de système, « le seul cependant par lequel il soit possible d’exprimer un projet conséquent à des principes donnés... Tout homme qui a le malheur de proposer un plan, soit pour opérer des réformes, soit pour trouver des expédients, se voit mépriser comme un esprit systématique, et rarement sera-t-il employé. » Plus tard, Journu Aubert, censeur de la Banque de France, pouvait aussi rendre Law responsable du long retard de la France à marcher sur les traces des États ayant véritablement des lumières en finance. « Depuis la catastrophe du Système, la prévention contre tout projet de banque générale en France était si profondément prononcée que les meilleurs esprits n’osaient ni en reproduire l’idée, ni en concevoir l’espérance. On n'ignorait pas combien les banques de Hollande et d'Angleterre ont concouru à la prospérité de ces États ; mais on se bornait à des regrets de ne pouvoir transporter sur le sol de la monarchie une plante qui ne s'acclimatait que sur celui de la liberté[66]. » Combien de fois, lorsque la Constituante se lança dans l’aventure de l’assignat, les adversaires de cette mesure n’invoquèrent-ils pas les déplorables souvenirs du Système et ne rappelèrent-ils pas ces morceaux de papiers qu’on voyait encore suspendus aux portes de nombreuses chaumières, comme pour perpétuer de génération en génération l’horreur du papier-monnaie ![67] »

 

 

 



[1] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 323 ; 18 janvier 1720.

[2] Barbier, Journal, t. I, p. 51 ; Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 324 ; 19-20 juillet 1720.

[3] Barbier, Journal, t. I, p. 52 ; 21 juillet 1720.

[4] Barbier, Journal, t. I, p. 55 ; 23 juillet 1720 ; texte plus développé dans M. Marais, op. cit., t. I, p.333.

[5] Hénault, Mémoires, ms. de Contades dans L. Percy, Le président Hénault et Mme du Deffand, in-8°, Paris, 1893, p. 43-44 ; d’après Marais, op. cit., t. I, p. 338, les mousquetaires jugèrent le chien du Buvetier.

[6] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 325, 21 juillet 1720.

[7] Barbier, Journal, t. I, p. 52 ; M. de Balleroy à sa femme [30] juillet, dans Les Correspondants de la Marquise de Balleroy, t. II, p. 186.

[8] Barbier, Journal, t. I, p. 54, 21 juillet 1720.

[9] Barbier, Journal, t. I, p. 53.

[10] Hénault, Mémoires, dans L. Percy, op. cit., p. 44 ; Dangeau, t. XVIII, p. 328 ; 28 juillet 1720.

[11] Hénault, Mémoires, dans op. cit., p. 44.

[12] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, [30] juillet, dans op. cit., t. II, p. 185.

[13] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 18 août 1720, dans op. cit., t. II, p. 187.

[14] Barbier, Journal, t. I, p. 57 ; Madame, Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 263 ; 6 septembre 1720.

[15] Barbier, Journal, t. I, p. 53, 59 ; juillet, août 1720.

[16] Barbier, Journal, t. I, p. 59 ; 1er août 1720.

[17] Madame à la raugrave Louise, Paris, 13 août ; Saint-Cloud, 6 septembre1720, dans Correspondance, t. II, p. 261, 268.

[18] Buvat qui a conservé ces vers, dit qu’on les attribuait à l’abbé de Villier, vieillard septuagénaire, assassiné le 28 août 1720, dans la soirée : Journal, t. II, p. 161-163.

[19] F. Véron du Verger de Forbonnais, op. cit., t. VI, p. 359.

[20] M. Marion, Histoire financière de la France depuis 1715, in-8°, Paris, t. I, p. 99. Buvat raconte qu’on trouva, le 16 décembre, une femme et trois enfants égorgés et le mari pendu, dans la chambre six sols en monnaie et 200.000 livres en billets de banque.

[21] E. Le Vasseur, Law et son système jugés par un contemporain [Nicolas-Robert Pichon, maître des comptes], dans Comptes rendus de l'Académie des sciences sociales et politiques, 1909, t. CLXXI, p. 186.

[22] Barbier, Journal, t. I, p. 66 ; 1er septembre 1720.

[23] Barbier, Journal, t. I, p. 66-67 ; 1er septembre 1720 ; M. de Caumartin à Mme de Balleroy, 3 septembre, dans op. cit., t. II, p. 195.

[24] Barbier, Journal, t. I, p. 59 ; août 1720.

[25] A la marge de la page 147 de son manuscrit, Pichon dit qu’il y eut un jour en mai 1720, où pendant une heure le billet de cent livres fut au pair. Ce tarif était généralement, et en même temps, absolument pareil pour Paris et pour tout le royaume, et la proportion était toujours égale entre le billet de mille livres et le billet de cent livres ; quand le billet de cent livres vaut 5 livres, celui de dix livres vaut dix sols.

[26] E. Le Vasseur, op. cit., p. 488. « Les denrées furent portées au quadruple de leur valeur dans un temps où les revenus avaient baissé des trois quarts », lit-on dans le Journal de Lehoreau inséré dans le Cérémonial de l’Eglise d’Angers, voir Urseau, dans le Bulletin des travaux historiques. Section des sc. écon. et soc. »

[27] Barbier, Journal, t. I, p. 72 ; 20 septembre 1720.

[28] Barbier, Journal, t. I, p. 75 ; 12 octobre 1720.

[29] E. Le Vasseur, op. cit., p. 489 ; E. Levasseur, Recherches historiques sur le système de Law, 1854, p. 214 et 224, cité d’après un état d’autres chiffres : fabrication totale de 2.736.540.000 livres de billets et un reste de 1.402.745.470 livres. Forbonnais, op. cit., t. II, p. 632, a donné les mêmes nombres de billets brûlés, mais, suivant lui, il n’en restait dans la circulation que 850 millions, quoique l’édit accusât 1.169 millions. On ne sait donc pas exactement quel a été le total des émissions.

[30] Barbier, Journal, t. I, p. 75 ; 12 octobre 1720.

[31] Barbier, Journal, t. I, p. 77-78 ; octobre 1720.

[32] M. Marais, Journal.

[33] Buvat, Journal, t. II.

[34] Barbier, Journal, t. I, p. 79-80 ; octobre 1720.

[35] E. Le Vasseur, Le système de Law jugé par un contemporain, dans Compte-rendu de l’Acad. des sc. mor. et polit., 1909, CLXXI, p. 494-495.

[36] Ibid., p. 503.

[37] Ch. Urseau, La banque de Law, d’après un chroniqueur angevin, dans Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques. — Section des sciences économiques et sociales, 1900 (1901), p. 122-127. L’auteur est celui du « Cérémonial de l’Eglise d'Angers, composé par M. René Lehoreau, sieur du Fresne, prêtre-maire-chapelain de Rüe Chèvre, en la même église », conservé à la bibliothèque de l’évêché d’Angers.

[38] Note de Lehoreau au livre VI de son Cérémonial.

[39] Ch. Urseau, op, cit., p. 125, note 4, d’après Arch. nat., G9, 619, n° 10.

[40] Voir C. Bloch, Effets du système de Law à Orléans (1720) dans Bulletin du Comité historique et scientifique. — Section des sciences économiques et sociales, 1898, p. 162-168. J. Benzacar, Enquête sur la Banque royale de Law dans l’Election de Bordeaux, dans même recueil, 1907, p. 17-37.

Pour les billets de la banque, voir Amtmann, Billet de la banque de Law, 1720, dans Bulletin de la Société archéologique de Bordeaux, 1892, t. XVII, p. XX ; G. Chaux, Anciens billets de banque et loteries, dans Revue de l’Agenais, Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts d’Agen, 1997, t. XXXIV, p. 167-170.

[41] Barbier, Journal, t. I, p. 64, août 1720 ; Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 20 septembre 1720, dans op. cit., t. II, p. 202.

[42] Villars, Mémoires, collect. Petitot et Monmerqué, t. I, p. 56.

[43] M. de Balleroy à sa femme, 9 décembre 1720, dans op. cit., t. I, p. 216.

[44] Barbier, Journal, t. II, p. 91 ; décembre 1720.

[45] A. C[allet], A travers le IVe. La maison de Law, dans La Cité. Bulletin de la Société historique et archéologique du IVe arrondissement, 1908-1909, t. IV, p. 574.

[46] Anonyme à Mme de Balleroy, 18 décembre, dans op. cit., t. II, p. 216.

[47] Ibid., t. II, p. 217.

[48] E. Le Vasseur, Law et son système jugés par un contemporain, dans Compte-rendu des séances de l’Acad. des sc. mor. et politiq., 1909, t. CLXXI, p. 500-501.

[49] Ibid., p. 499.

[50] G. Bigot, Les grandes catastrophes financières. Law 1715-1720 ; Assignats, 1790-1796 ; Union générale, 1880-1882, dans Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, 1883, t. XXI, p. 17-386.

[51] Baudeau [= Mirabeau], Les éphémérides du citoyen, février 1768 : La dépravation de l’ordre légal.

[52] Villars, Mémoires, édit. citée, t. III, p. 124.

[53] Arch. des Aff. Etrang., France, vol. 1259.

[54] Bibl. nat., ms. franç. 11153 : Mémoire de Law.

[55] M. Marion, op. cit., t. I, p. 100-101.

[56] Arch. nat., G7, 344.

[57] Duhautchamp, Histoire du Système des Finances, 1739, t. IV, p. 33.

[58] Buvat et Barbier, Journal, avril 1721.

[59] Arch. nat., K, 885, n° 2.

[60] Arch. nat., G7, 368.

[61] Bibl. nat., ms. franç., n° 7799.

[62] A. Vuitry, op. cit., p. 456-457.

[63] Arch. nat., G7, 531.

[64] Allusion à l’incendie qui détruisit une partie de la ville de Rennes, en 1720.

[65] Voltaire, Observations sur le commerce, in-8°, 1738.

[66] Discours du 25 vendémiaire an IX.

[67] M. Marion, Histoire financière de la France depuis 1715, in-8°, Paris, 1914, t. I, p. 102-104.