HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME DEUXIÈME

 

CHAPITRE XXXII. — La déclaration de guerre (Janvier - mars 1719).

 

 

Conséquence politique de la conspiration avortée. — Déclaration de guerre à l’Espagne. — Mémoire de Torcy. — Lettre à lord Stair. — Conciliabule. — Le Conseil de la Régence. — Manifeste de Fontenelle. — Proclamation publique. — L'opinion en France. — Déclaration de Philippe V. — Elle manque son but, — Lettre de Dubois à Stanhope. — Nécessité de resserrer l'alliance. — Echecs diplomatiques d’Alberoni. — Préparatifs militaires. — Alberoni pressent le désastre. — Dubois subit la guerre et l'exploite. — Vanité de Stair. — Affaires de la ligue du Nord. — Suède. — Russie. — Menace de conflit dans le Nord. — Embarras de ministres anglais. — Dubois leur sacrifie la Suède. — Rapprochement avec le Parlement. — Alberoni conduit l’Espagne au désastre. — Derniers et louches projets d'accommodement.

 

Conséquence politique de la conspiration avortée

Ce que n’avaient pu lui obtenir le Lit de justice et la déroute des légitimés, la Quadruple-Alliance et le triomphe de sa politique étrangère, la découverte et l’avortement de la conspiration de Cellamare allaient le valoir au Régent. En face du descendant direct de Louis XIV, à l’instant de lui déclarer la guerre, Philippe d’Orléans représenta la France devant l’Espagne, le patriotisme national contre l’intérêt étranger. Sagement, il avait par ses mesures prévu et préparé l’événement. Dès le mois d’octobre 1718, on observe des concentrations stratégiques au pied des Pyrénées[1], le maréchal de Berwick, commandant en Guyenne, étudié les cols de la frontière, trace des plans[2], noue des intelligences en Catalogne et en Biscaye[3].

 

Déclaration de guerre à l’Espagne - Mémoire de Torcy

Cependant l’Angleterre n’était pas sans inquiétudes. La politique dilatoire de Dubois pouvait s’expliquer par un partage d’influences qui se disputaient la volonté du Régent : celle de Dubois et celle de Torcy. Dubois restant le favori de qui l’Angleterre peut tout attendre, tout exiger, Torcy demeurant auréolé d’une compétence hors ligne, malaisé à convaincre, impossible à surprendre et tout imprégné des traditions d’une diplomatie qui n’accordait rien, que contrainte, à l’Angleterre. Ce fut cependant Torcy qui précipita la rupture entre la France et l’Espagne dont il avait tant contribué à unir les destinées. Exposant dans un mémoire la politique étrangère du Régent, il la justifiait et s’attachait à y découvrir la continuation de la politique de Louis XIV. Le Régent était entré dans tous les engagements du feu Roi pour la pacification de l’Europe et il n’ignorait pas que le salut du royaume était attaché au maintien de la paix générale. Il fallait, à force de bonne foi, dissiper les défiances et l’animosité des voisins de la France toujours prêts à reformer leur coalition contre elle. Le duc d’Orléans l’avait compris, le roi d’Espagne n’avait, malheureusement, pas imité cette conduite. Il n’avait pas voulu considérer comme définitifs les engagements pris par son aïeul, il avait voulu troubler la paix-de l’Europe à peine rétablie, au prix de quels efforts ! La France ne disposait d’aucun autre moyen de sauvegarder cette paix précieuse que d’entretenir un accord étroit avec l’Angleterre à qui on en était redevable. Encore fallait-il que la France dissipât certaines obscurités et quelques dissentiments survenus entre elle et l’Angleterre depuis l’échange des signatures d’Utrecht ; par dessus tout, elle devait garantir la succession à la couronne en conformité avec les dispositions de ce traité. Pour sa part, l’Angleterre confirmait le règlement à la succession des couronnes de France et d’Espagne. Ces points acquis, il restait à empêcher l’Empereur et le roi d’Espagne d’en venir aux mains et comme ils ne pouvaient faire combattre leurs armées qu’en Italie, on réglait dès maintenant la situation politique de l’Italie. Totalement exclue de la péninsule par le traité d’Utrecht, l’Espagne y reparaissait grâce aux successions de Parme et de Toscane attribuées au fils du second lit de Philippe V, en sorte qu’il était permis de se poser cette question : Louis XIV eût-il obtenu pour son petit-fils plus que le duc d’Orléans n’avait obtenu pour son cousin ?[4] »

 

Lettres de lord Stair

En Angleterre, le message adressé par le Roi au Parlement pour la déclaration de guerre fut présenté et voté le 17 (= 28) décembre à une forte majorité, malgré l’opposition tenace des Walpole. Le Ier janvier 1719, lord Stair adressait à Dubois une lettre dont les termes avaient été concertés à l’avance[5]. Elle rappelait les efforts unis de la Grande-Bretagne et de la France pour rétablir la paix, les agressions du roi Catholique, ses complots pour allumer la guerre civile dans les royaumes de ses voisins et de ses meilleurs amis. Dans cette conjoncture, le roi Georges avait senti qu’il fallait recourir non plus aux négociations mais aux armes, seules capables de montrer au roi d’Espagne vers quels abîmes l’entraînait son ministre. La lettre se terminait par une notification et une mise en demeure. « J’ai ordre du Roi, disait lord Stair, d’exhorter Son Altesse Royale de remplir les obligations du traité de Londres, 2e août dernier, et particulièrement celles contractées par le 3e article secret du même traité, et de prier S. A. R. en conformité desdites obligations, de déclarer la guerre à l’Espagne pour concourir avec Sa Majesté dans la bonne lin et intention qu’elle se propose de faire consentir le roi Catholique à rétablir la paix et la tranquillité de l’Europe, selon le plan du susdit traité de Londres[6]. »

 

Conciliabule

On ne pouvait tarder plus longtemps. Dubois voulut cependant ménager l’opinion et confia à Fontenelle la rédaction d’un manifeste qui devait précéder immédiatement la déclaration de guerre. Avant de le montrer au Conseil de Régence, le duc d’Orléans fit lire le manifeste dans son cabinet où se trouvaient réunis M. le Duc, d’Argenson, Dubois, Le Blanc et Saint-Simon. Cette pièce, au dire de Saint-Simon, fut ce quelle devait être, c’est-à-dire masquée, fardée, mais pitoyable jusqu’à montrer la corde, parce que nul art ne pouvait couvrir le fond ni produire au public rien de plausible ; du reste, écrite aussi bien qu’il était possible, parce que Fontenelle ne pouvait mal écrire. On raisonna assez, on conclut peu, on y fit peu de changements[7] (1er janvier).

 

Le Conseil de Régence

Deux jours plus tard, le manifeste fut porté au Conseil de Régence. On lui donna comme repoussoir une lettre d’Alberoni prescrivant à Cellamare de révéler à lord Stair que c’était avec la connivence du Régent que le duc d’Ormond, chef du parti jacobite, avait pu se rendre récemment d’Italie ; en Espagne. Beretti-Landi était chargé de répandre le même mensonge en Angleterre. Ainsi présentée, la déclaration de guerre fut principalement appuyée par le garde des sceaux d’Argenson, le maréchal d’Estrées, le duc d’Antin et l’abbé Dubois. Plusieurs approuvèrent parce qu’il fallait se conformer a l’article 3e du traité. Nul ne contredit Le maréchal d’Huxelles s’abstint de paraître au Conseil[8]. « Villeroy, qui ne savait jamais s’arrêter entre l’arrogance et l’abjection, voulut répéter son suffrage dans une lettre au Régent[9] (3 janvier). S’il en fallait croire Saint-Simon, « le public ne fut pas si docile[10] », et c’est probablement le contraire qui approche plus de la vérité.

 

Manifeste (de Fontenelle)

Le Manifeste du roi de France sur le sujet de rupture entre la France et l'Espagne, daté du 8 janvier 1719 est une œuvre de mérite qui aura entraîné l’assentiment du plus grand nombre de ses lecteurs. Après un récit exact et modéré des rapports du Régent et du roi d’Espagne, des prévenances accueillies par des rebuffades, de l’influence néfaste d’Alberoni tendant à soulever la guerre civile en France, Fontenelle abordait la politique générale : « Les longues guerres avaient laissé contre nous dans l’Europe des restes d’aliénation et de haine qui ne cherchaient qu’à se ranimer, et nos voisins encore pleins des jalousies et des frayeurs qu’ils avaient eues si souvent de nos prospérités, et même de nos ressources dans nos plus grandes disgrâces, songeaient déjà, pour achever de nous abattre à profiter de la minorité du Roi et de l’épuisement du royaume, dont nous nous plaignions nous-mêmes assez hautement pour inviter nos ennemis à tout entreprendre, L’ancienne ligue menaçait de se rejoindre, et les Nations s’excitaient mutuellement à la guerre par l’importance de se mettre pour toujours à couvert d’une Puissance trop redoutable, et qu’on s’efforçait encore de rendre odieuse par des reproches injustes de sa mauvaise foi.

« Quel moyen plus sûr pour dissiper cet orage, que de s’unir avec la Puissance qui, de concert avec nous, avait rappelé la paix par les traités d’Utrecht ? Le Roi ne négligea rien pour réussir dans cette vue. La confiance se rétablit par ses soins entre les deux Puissances ; et elles comptèrent aussitôt que rien ne contribuerait davantage à confirmer une Paix encore mal assurée, qu’une alliance défensive entre la France, l’Angleterre et les Provinces-Unies pour maintenir les traités d’Utrecht et de Bade et pour la garantie réciproque de leurs États. Avant toute ouverture de négociation, Sa Majesté donna avis de son dessein au roi d’Espagne... »

Mais celui-ci qui n’apercevait rien dans le traité d’Utrecht qui eût besoin d’être confirmé ou garanti, qui déclarait la guerre à l’Empereur, se couvrait de prétextes pour ne pas adhérer à la Quadruple-Alliance. Mais « les vrais motifs de refus jusqu’à présent impénétrables viennent enfin d’éclater disait Fontenelle avec une émotion peut-être feinte. Les lettres de l’ambassadeur d’Espagne au cardinal Alberoni ont levé le voile qui les couvrait, et l’on aperçoit avec horreur ce qui rendait le ministre d’Espagne inaccessible à tout projet de paix, il aurait vu avorter par là ces complots odieux qu’il tramait contre nous. Il eût perdu toute espérance de désoler ce royaume, de. soulever la France contre la France, d’y ménager des rébellions dans tous les ordres de l’État, de souffler la guerre civile dans le sein de nos provinces et d’être enfin pour nous le fléau du Ciel en faisant éclater ses projets séditieux et jouer cette mine qui devait, selon les termes des lettres à l’ambassadeur servir de prélude à l’incendie. Quelle récompense pour la France des trésors qu’elle a prodigués et du sang qu’elle a répandu pour l’Espagne. La Providence a éloigné de nous ces malheurs, et tous les François à la vue de la trahison qui nous les préparait, en attendent et en pressent la vengeance[11]. »

 

Proclamation publique

Le lendemain, 9 janvier, on publia à son de trompe sur les places publiques la guerre avec l’Espagne[12] et en même temps, on criait et on affichait dans Paris la Déclaration de guerre contre l'Espagne[13]. Cette pièce portait que l’Espagne, en violant les traités d’Utrecht et de Bade, avait détruit les espérances de paix et fait craindre le retour d’une guerre générale, longue et cruelle. Les rois de France et d’Angleterre n’avaient rien négligé pour ménager un accommodement honorable et avantageux au roi d’Espagne. L’Empereur et le roi de Sicile y avaient donné les mains, mais inutilement. Le Roi, en conséquence de l’article 3e du traité de Londres du 2 août dernier, déclarait la guerre au roi d'Espagne.

 

L’opinion en France

En France, ce mot de guerre ne laisse personne indiffèrent. « On croit qu’elle ne se fera point » s’empresse d’écrire l’octogénaire Dangeau[14] ; « on débutera par une action d’éclat » écrit le Gazetier de la Régence[15] ; « on envoie trente à quarante mille hommes », note l’avocat Barbier[16]. Une guerre, c était la ruine les blessures ou pis que cela pour les humbles et pour les grands C’étaient les grades et la fortune. On parla tout de suite d’une promotion de maréchaux de France et les candidats se présentèrent ; chacun imaginait des nominations assez étranges. Le vieux Lauzun, âgé de quatre-vingt-sept ans et toujours malicieux fut trouver le Régent, « et de ce ton doux et modeste qu’il avait d’bien fait sien, lui représenta qu’au cas qu’il y eût une promotion de maréchaux, comme le voulait le public, et qu’il en d’inutiles lui était depuis de longues années le premier lieutenants-généraux. Le duc d’Orléans qui était l’homme du monde qui sentait le mieux le sel et la malignité se mit a éclater de rire, et lui promit qu’au cas qu’il exposait il ne serait pas oublié. Il en fit après le conte à tout le monde, dont les prétendus candidats se trouvèrent bien fâchés[17] ». Tout de suite, on commença à faire le complet des régiments, à nommer généraux et colonels : Richelieu, Luynes, Melun, a Rocheguyon, Olonne, Montbazon, Villequier, Gesvros, etc., etc.[18]

Tous ceux-ci savaient qu'« il faut aller où il y a de la guerre, si l’on veut cheminer[19] », mais que pensait le public et que disait-il ? Saint-Simon, qui écrit plus de vingt ans après l’événement avance que les manifestes de Dubois ne firent aucun effet sur le public ; et il n’en sait guère, s’il en avait su quelque chose il l’avait oublié et c’est pour lui une occasion de dénigrer Dubois, Marais et Barbier nous font défaut pour cette période par suite de lacunes, Buvat et le Gazetier parlent d’autre chose, nous ne savons pas ce qu’ont dit les Français de ce temps, mais nous voyons qu’on a pris grand soin de les convaincre à coups de manifestes.

 

Déclaration de Philippe V

Le 25 décembre 1718, Philippe V avait publié une déclaration solennelle, où il marquait que les avis, par lui reçus de toutes parts, qu’on préparait depuis quelque temps de gros magasins sur les frontières de France, et qu’on avait déjà nommé les chefs qui devaient commander une armée, plusieurs autres dispositions militaires, l’attentat enfin qu’on venait de commettre contre le droit des gens à l’égard de son ambassadeur, l’obligeaient à juger que, contre toute raison, l’on pensait à faire une irruption en Espagne. Ce détestable projet ne pouvait être attribué au Roi, incapable par son âge de le former, ni à la nation française qui avait tout sacrifie pour maintenir S.M.C. sur le trône d’Espagne ; il ne pouvait donc être que l’ouvrage d’un particulier, dont les desseins prémédités depuis longtemps n’étaient que trop connus dans le monde ; la postérité aurait peine à croireque ce personnage se fût tellement dépouillé de tout sentiment de religion et d’humanité que, pour arriver à ses fins, il eût foulé aux pieds les droits les plus sacrés, et qu’il eût rompu une union qui avait coûté la vie d’un million d’hommes et pour laquelle le roi Louis XIV avait tout hasardé, jusqu’à son propre état, persuadé que la conservation et la félicité des deux couronnes étaient attachées à cette union, et que, pair là, il mettrait fin à des guerres éternelles entre deux rois voisins dont la concorde était également importante au repos de l’Europe.

Les fidèles sujets du Roi Très Chrétien, ajoutait Philippe V, seraient indubitablement effrayés et scandalisés d’une nouveauté si monstrueuse, sachant surtout que pendant la minorité du Roi, l’on ne pouvait, sans le consentement des États-Généraux, ni déclarer la guerre, ni entreprendre aucune chose dont les suites pussent être funestes à la nation, parce que les États étaient seuls dépositaires de l’autorité d’un roi pupille et seuls chargés de la défense du royaume. S.M. C. était persuadée que tous les bons Français touchés de ces justes raisons auraient horreur de prendre les armes ; s’ils les prenaient, S.M.C. se promettait de leur bon cœur que ce ne serait que pour défendre sa couronne qu’ils avaient soutenue si longtemps avec l’amour qu’ils avaient naturellement pour leurs princes. S’ils se présentaient dans cet esprit sur les frontières d’Espagne, S.M.C. protestait quelle les recevrait à bras ouverts comme ses bons amis et ses alliés ; qu’elle donnerait aux officiers des emplois proportionnés à leur rang ; qu’elle incorporerait les soldats dans ses troupes, et qu’elle se ferait un plaisir d’épuiser, s’il était nécessaire, ses finances en leur faveur, afin que tous ensemble, Espagnols et Français, pussent combattre unanimement les ennemis communs des deux nations. S’il arrivait en revanche que quelque particulier oubliât son devoir au point d’exercer des hostilités en Espagne, il devait s’attendre à être regardé comme un sujet rebelle au Roi Très Chrétien et traître à sa patrie.

Cette Déclaration fut suivie après quelques jours de quatre autres écrits du même genre et aussi maladroits. Ils reçurent peu d’accueil. Le Parlement ne put moins faire que d’en ordonner la suppression[20]. Philippe V mettait en cause les Paiements, s’adressait à eux, les cajolait et n’en pouvait retirer qu’indignation sincère ou feinte. Mais il s’exprimait avec une franchise trop blessante, accusant le Régent de « sacrifier tous les intérêts du Roi et de l’État à la passion démesurée de régner » et après avoir rappelé la démolition de Mardyck ; le renvoi du Prétendant, il affirmait que « toute la France voit et sent que les promesses secrètes des Anglais faites au Régent pour ses intérêts particuliers, l’ont entraîné et l’ont fait passer par-dessus le préjudice qu’il faisait à l’État ». Les peuples souffraient, les nobles se ruinaient, les premiers succombaient sous le poids des impôts, les seconds périssaient faute de pensions et l’argent s’en allait aux favoris et aux maîtresses du Régent, aux étrangers qui, à ce prix, signaient des traités ruineux pour la France. Il n’était pas jusqu’au duc du Maine qui n’obtint un mot d’éloge et de regret, et jusqu’au Parlement qui connaissait lu prison et l’exil en réponse aux remontrances dont on lui avait restitué le droit illusoire[21].

 

Elle manque son but

La violence dépassait le but. « Le manifeste du roi d’Espagne a servi mon fils au lieu de lui nuire, nous dit Madame. Il faut qu’Alberoni soit un violent meneur d’ours. Comment un garçon jardinier pourrait-il savoir le langage que doivent tenir des personnes royales ? On a envoyé à Paris un millier d’exemplaires imprimés de ce document, on en a adressé à tous les gens de la Cour, à tous les évêques, à tous les membres du Parlement... On l’a fait à dessein et pour connaître les partis, car on avait à la poste note des noms de ceux qui avaient reçu les paquets. Les gens de bien rapportent eux-mêmes les paquets qui leur ont été envoyés, les autres les gardent et ils sont couchés par écrit a la poste, sans que le public ait connaissance de tout cela[22]. » Ces pièces firent du bruit[23] et Dubois ne laissa pas que d’en être contrarié, il savait qu'une grande partie du public donnait raison à Philippe V.

 

Lettre de Dubois à Stanhope

« Nous reconnaissons, écrivait-il, à lord Stanhope, par les découvertes que nous avons faites, et vous en verrez des preuves indubitables ; que l’Espagne et la moitié de la France ne se sont élevés contre S. A. R. qu’en haine du traité et de sa liaison avec le roi de la Grande-Bretagne, et la guerre que nous entreprenons contre l’Espagne va être à proprement parler une guerre civile, dans laquelle personne ne peut juger qui sera pour S. A. R. qui aura contre elle non seulement tous ceux qui sont engagés et prévenus pour l’Espagne, mais tous les Jacobites qui sont plus nombreux et plus considérables ici qu’en Angleterre même et qui, sans mentir, font les deux tiers du royaume. Il faut nécessairement agir en Angleterre et ici avec un concert parfait et que rien sans exception ne puisse déranger et préférer cet intérêt à tout autre... On peut négliger et perdre tout autre avantage, mais on ne peut donner la moindre atteinte à celui-ci sans porter à l’un et à l’autre gouvernement un coup mortel. Voilà la maxime sur laquelle je suis persuadé que nous devons préférer l’Angleterre à toute autre-puissance, et que l’Angleterre doit préférer la France à toute autre liaison, et qu’il ne faut pas vivre ensemble avec fidélité seulement pour les engagements pris et avec de simples égards les uns pour les autres, mais en intime liaison et en amitié et de la même manière que si les deux États appartenaient au même maître, faisant attention de part et d’autre aux préventions populaires pour n’effaroucher personne et parvenir à notre but qui doit être de porter l’union jusqu’à une union nationale...

 

Nécessité de renouer l'alliance

« Par tout ce qui nous a passé dans les mains depuis quelque temps, nous ne pouvons plus douter que le cardinal Alberoni n’ait juré la perte du roi de la Grande-Bretagne et de S.A.R., qu’il n’ait pour but d’enlever la couronne de France à S.A.R. si elle venait à vaquer et de la procurer au Roi Catholique, et de conserver l’Espagne pour un de ses seconds fils ; et pour venir à bout de ses mauvaises intentions contre votre gouvernement et contre S.A.R. de nous séparer. Il n’y a aucune avance qu’il ne nous ait faite pour nous détacher de vous. Il n’y en aura aucune qu’il ne fasse auprès de vous, pour vous séparer de nous... Mais comme il voudrait nous détruire par la force et far la ruse, il faut employer ces deux mêmes moyens pour le combattre : la force, en faisant bien la guerre, et en déclarant et montrant dans toutes les occasions que ce n’est pas au roi Catholique ni à la nation espagnole qu’on la fait, mais a ce ministre turbulent, et lui faire personnellement tout le mal que l’on pourra... Ces vues n’empêchent pas qu’en même temps qu’on agira le plus vivement par la guerre contre l’Espagne et par les menaces au Pape contre le cardinal Alberoni, on ne se serve aussi de la même dissimulation qu’il veut employer lui-même et qu’on ne doive témoigner en toute occasion qu’on est disposé à la paix et qu’on ne laisse aussi longtemps que Ion pourra une porte ouverte... Cette paix achèverait de confirmer les Renonciations, détruirait les mesures qu’il a prises et les actes même qu’il peut avoir faits pour les révoquer, nous donnerait le temps de rétablir nos forces, et nous mettrait en état de prendre de solides précautions contre ses mauvais desseins, sur lesquels il ne faut jamais s’endormir. Dans cette pensée, je crois qu’il faut appuyer fortement le délai de trois mois que les États-Généraux demanderont, ne pas consentir qu’il soit disposé des expectations que l’on a offertes pour le fils de la reine d’Espagne, et apporter toutes les autres facilités qui pourront déterminer le roi d’Espagne à accéder au traité[24]. »

 

Echecs diplomatiques d’Alberoni

Alberoni ne s’alarmait pas outre mesure et à défaut de grands moyens il entassait de grands projets. La France demeurait a ses yeux, une proie facile grâce au prestige persistant de Philippe V ; l’Angleterre n’était pas moins vulnérable et une expédition conduite par le Prétendant aurait raison du trône hanovrien ; la Suède manquait à l’instant où on allait lui adresser un appel mais Pierre Ier pourrait bien revendiquer le rôle auquel allait manquer Charles XII. Le roi de Prusse réclamerait peut-être l’honneur de s’y associer en haine de l’Autriche et de l’Angleterre. Ainsi l’aventurier n’avait pas renoncé à remettre sur pied la ligue du Nord et le roi d’Angleterre toujours préoccupé de son électorat allemand était bien loin de se sentir rassure, contre les chances adverses que pouvaient lui ménager ces régions et ces potentats mystérieux et redoutables. Cependant la disparition de Charles XII entraînait, à bref délai, celle de son conseiller Gœrtz qui perdit la tête sur un échafaud[25] et tous leurs plans s’étaient évanouis et la ligue était définitivement disloquée. Alberoni avait fondé sur elle trop d’espoirs pour ne pas tenter de la faire revivre et envoyait dans le Nord deux émissaires le baron de Schlieben et le comte Marini, l’un Allemand, l’autre Italien. Dubois les fit arrêter au passage, comme ils traversaient la France, et loger à la Bastille ; le premier s’y attarda, le deuxième, plus subtil, offrit ses services, espionnage, trahison, tout ce qu’un forban peut offrir, fut agréé et retourna en Espagne. Tandis qui ? le Nord lui échappait, Alberoni s’efforçait en Hollande de désagréger la Quadruple-Alliance en détachant d’elle les Provinces-Unies. Un moment, il put se flatter d’y réussir. La Hollande avait trop perdu et trop peu gagné à la guerre de Succession pour n’être pas devenue aussi pacifique qu’elle avait été belliqueuse et elle comprenait à merveille que la Quadruple-Alliance devait amener la guerre avec l’Espagne, par conséquence l’interruption de son commerce avec ce pays. Une prudente et lucrative neutralité l’en eût préservée, mais l’Angleterre et la France la lui interdisaient et l’entraînaient avec elles malgré elle. L’ambassadeur d’Espagne, Beretti-Landi soutenait la résistance, suggérait des subterfuges, encourageait les ajournements à l’aide desquels les Hollandais se dérobaient à l’adhésion formelle réclamée d’eux ; mais plus avantageux que clairvoyant, résolu à se faire valoir, il entretenait sa Cour d’un vain espoir de la dissolution imminente de la Quadruple-Alliance par la sécession de la Hollande.

« Philippe V avait un intérêt majeur à prolonger indéfiniment la temporisation des Hollandais, et ceux-ci l’eussent volontiers portée à l’extrême limite. Sollicités, assiégés pour ainsi dire par les deux parties, ils se défendaient savamment, profitaient des deux mains, vendant du matériel naval aux Espagnols, obligeant l’Empereur à régler à leur avantage le traité de la Barrière, recevant sans émotion les vifs assauts de l’abbé Dubois. Cependant comme après tout, il ne leur était pas possible de faire bande à part, enserrés qu’ils étaient entre les grandes puissances, ils acceptèrent le principe de la Quadruple-Alliance, en février 1719[26]. » Ils y mirent cette condition que le délai de trois mois imparti à l’Espagne pour adhérer au traité, sous peine de déchéance des duchés italiens, fut prorogé d’autant. Dubois appuyait sur cette demande[27] et, nonobstant les protestations de Pendtenriedter à Londres et de Koenigsegg à Paris, il fallut céder, et Parme ainsi que la Toscane restèrent promis au roi d’Espagne pendant un nouveau et dernier délai de trois mois. Cependant les Provinces-Unies ne se résignaient encore qu’à figurer de nom dans la Quadruple-Alliance. Il semble qu’Alberoni eut dû encourager une disposition si favorable à sa politique ; il choisit le rôle opposé, malmena le délégué hollandais Colster, chargé de lui porter des conseils pacifiques à Madrid, et lui signifia l’inutilité d’une négociation dans ce sens.

 

Préparatifs militaires.

Aux échecs diplomatiques, Alberoni allait joindre les catastrophes militaires. A cet incorrigible brouillon la journée de Passaro n’avait rien appris, il courait vers d’autres désastres avec une imperturbable sérénité. « Monsieur le Régent, écrivait-il, peut, quand il le voudra, envoyer une armée de Français. Assurez publiquement qu’il n’y aura pas un coup de fusil de tiré et que le Roi notre maître tiendra des vivres prêts pour les recevoir[28]. » Ce hâbleur se complaisait en des prévoyances futiles ; il fit peindre sur les drapeaux espagnols des fleurs de lis dont la vue devait émouvoir nos régiments, mais ceux-ci ne purent les apercevoir, vu la distance d’où les matamores d’Espagne se tinrent des Français. D’autres soins l’occupaient. Par ses ordres, on releva quelques pans de murs et on replâtra tant bien que mal quelques bicoques du côté de Girone, on empila des tonneaux de poudre, on roula des tonneaux de riz et de garbanzos, on empierra des routes que, depuis l’époque de l’occupation romaine, les ornières, en se rejoignant, avaient transformées en marécages, enfin on recruta dans les îles Canaries non des serins mais des soldats[29] dont on forma deux régiments. Quant à la marine, elle se composait de quelques vieilles coques qu’on s’occupa à calfater, à mater et à peindre, on leur adjoignit des navires de commerce français saisis dans les ports et on contraignit les équipages français à monter ces bâtiments et à servir une puissance en guerre avec leur patrie[30]. Tout ceci n’était que dérisoire et notre consul à Barcelone mandait à Paris que l’Espagne ne pourrait soutenir la lutte, elle avait peu de soldats et presque point de ressources[31] ».

Alberoni pressent le désastre

Dans cette course vers l’abîme, Alberoni eut des lueurs, car il était trop intelligent pour s’aveugler et trop intéressé pour se perdre sans ressource. Il esquissait le geste qui ferait retomber sur un roi presque dément la responsabilité de cette guerre par laquelle l’Espagne pourrait périr, et cherchait à s’attirer la bienveillance du duc d’Orléans. « Je crois, écrivait-il à Nancré, que S. A. R. est plus que jamais persuadée que je suis l’auteur de cette guerre et qu’elle m’impute le refus de S. M. C. de n’avoir pas voulu accepter le projet. Une telle pensée ne va pas d’accord avec l’estime que S.A. R. dit avoir de ma personne, quand elle me croit un boutefeu capable d’embraser toute l’Europe. Cependant S.A.R. croira tout ce qu’elle voudra et je laisserai au temps qu’il la détrompe sur mon sujet. Il faut bien avoir l’honneur de pratiquer le roi d’Espagne pour connaître son caractère... Il est persuadé que c’est contre son honneur d’accepter ledit projet, et S. A. R. peut compter qu’il laissera mettre le feu aux quatre coins de l’Espagne, à moins qu’on ne trouve quelque expédient à lui proposer pour le persuader que son honneur est à couvert. C’est à S. A. R. de m’en fournir quelqu’un, et elle verra comment j’agirai[32]. » Et deux jours plus tard, à ses maîtres, les Farnèse : « Je suis d’avis qu’il faudrait se rapprocher du duc d’Orléans, la ligue qui s'est formée va bientôt englober toute l’Europe, la Hollande et peut-être le Portugal. Mais puisque, malgré tout, le Roi ne voudra pas accepter le projet, il faudra bien jouer nos cartes et cette partie désespérée[33]. »

 

Dubois subit la guerre et l’exploite

Le Régent et Dubois, avec plus de sincérité peut-être, ne se montrent guère plus empressés qu’Alberoni à recourir aux armes. « Ce que V.E. me marque de la manière de penser du roi son maître laisse bien peu d’espérance, écrit le duc d’Orléans, et je m’afflige très sincèrement avec elle de voir perdre des moments aussi précieux que ceux qui restent encore avant celui des premières hostilités[34] » et Dubois, s’ouvrant a un ami nous donne le motif de cette ferveur pacifique. « Je me trouve, écrit-il à Robethon, dans la situation et pour ainsi dire dans le point de vue d’où l’on peut juger assez sûrement du bon ou du mauvais effet des démarches publiques, et je vous avoue avec la dernière sincérité qu’il n’v aucune circonstance qui ait fait perdre plus de terrain à S. A. R.[35]. » Mais la lettre de Dubois à Stanhope, datée du 19 janvier, prouvait assez que l'alliance, loin d'être ébranlée s'en trouvait affermie, lord Stair en rendait bon témoignage : « l’abbé et moi, écrivait-il, nous sommes à présent les meilleurs amis du monde et l'abbé lui-même écrivait : « L'attachement de S.A.R. pour le roi de la Grande-Bretagne est une passion déclarée à toute la France et à toute l'Europe, à laquelle S.A.R. a soumis publiquement toutes ses autres liaisons et tous ses intérêts[36]. » En effet, au point où on l'avait menée, l'alliance anglaise devait être maintenue à tout prix et prônée de toute façon, aussi bien pour l’Angleterre que pour la France mais cette alliance conduisait à la guerre contre l’Espagne, il n'était plus temps de s'y dérober. Il était temps encore de la limiter, de la réduire, d’en faire une guerre qui ne le sera que de nom, suivant le mot de Stanhope, qui soit aussi courte qu'on le voudra, suivant la promesse de Craggs[37], qui achèvera de confirmer les Renonciations, détruira les mesures prises par Philippe V et les actes qu’il peut avoir faits pour les révoquer suivant le désir de Dubois.

Pour avoir sa guerre, la Grande-Bretagne poussera l'esprit de conciliation à un degré inconnu, inouï, presque scandaleux un point de vue des pontifes intraitables par qui se transmet la tradition d'orgueil du cabinet de Saint-James. Quatre années de séjour ont rendu lord Stair intolérable, et lord Stair sera sacrifié. Avant d’écraser Alberoni, Dubois veut qu'on lui immole le diplomate malotru qu'il subit depuis trop longtemps. Après un long silence calculé pour inspirer de l'inquiétude[38]. Dubois réclame, coup sur coup, le 16 et le 21 janvier, le renvoi de l'Écossais.

 

Vanité de lord Stair

Craggs s'empresse de répondre : « Pour conclure cet article, je vous ferai seulement ressouvenir de ce que Milord Stanhope vous avons offert au nom du Roi, au pis aller il ne s'agira que de rappeler Milord Stair, et quelques difficultés qu'il nous en pût survenir, nous les préférerons à celles de conserver en France une personne qui vous est désagréable[39]. » Et voici qu'au moment où on traitait de son départ, lord Stair allait donner la comédie de son entrée à Paris comme ambassadeur. Elle fut « bien belle » dit le chevalier de Girardin[40], si superbe » au dire de Dangeau[41], « magnifique » au dire du Gazetier[42] et toute pleine de cette excentricité dont un pareil homme assaisonnait toutes ses actions. L'usage, nous dit-on, est que le Roi fournit à un ambassadeur extraordinaire tant de pièces par jour, tant de volailles, de gibier, de vin, de fruits, compotes et confitures etc., et tout cela se fait cuire et s'apprête par les officiers de l'Excellence en telle sorte que la quantité passant de beaucoup ce qui se consomme, il en reste un très grand nombre de pièces au profil des officiers. Milord Stair n'a pas voulu suivre cette méthode et se faisant délivrer tout ce qui doit l'être suivant l'usage, il entendit que tout fut apprêté par les officiers du Roi, afin que rien ne fût de reste et que cela se délivre tout cuit à eux, à ses officiers, ensuite aux pauvres[43] ». Son carrosse attelé de huit chevaux fut amené à l'entrée du Louvre par le maître des cérémonies qui fit dételer six chevaux. Stair protesta, disputa et, finalement, céda[44]. Admis devant le roi de France, l'ambassadeur débita son compliment en anglais ; il fallut le traduire en français en transmettant le texte au roi d'Angleterre[45]. Les jours suivants, Stair fit ses visites avec la dernière magnificence, se rendit chez tous les princes et chez les princesses « la tête au vent regardant de côté et d’autre avec fierté[46]. » ne consentit pas à l'aller recevoir au bas de son escalier ; ce que voyant, le prince attendit un moment, fit tourner son carrosse et alla se plaindre au Palais-Royal, où le Régent lui donna raison. Cet incident suspendit les visites et souleva d'infinies discussions qui se prolongèrent deux mois et qui finirent par l'obligation pour l'ambassadeur d'accorder ce qu'il avait refusé. Le gouvernement anglais ne lui sut aucun gré de cet esclandre et Dubois saisit l'occasion qui s'offrait d'accabler son adversaire. « Jamais contestation, écrivait-il à Craggs, ne s'est élevée plus à contretemps, car elle pouvait nous bouleverser totalement. Dieu veuille qu’il n’arrive plus de ces bagatelles plus pernicieuses que des choses capitales, et contraires diamétralement à l’application qu’il faut avoir à faire goûter et à augmenter la bonne intelligence entre les deux nations[47]. »

 

Affaire de la ligue du Nord

Il semblait que cette « bonne intelligence » ne se réaliserait jamais. Georges Ier, toujours anxieux pour son électorat de Hanovre, redoutait encore la versatilité du Régent et son influence sur les puissances du Nord. Cette anxiété lui suggéra une démarche faite en cachette de la France. Le 5 janvier 1719, un traité d’alliance défensive fut signé à Vienne entre l’Empereur, comme souverain des pays héréditaires, et les rois de Grande-Bretagne et de Pologne comme électeurs de Hanovre et de Saxe[48]. Ils se garantissaient réciproquement les Etats qu’us possédaient dans l’Empire, et, de plus, le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie contre toute agression venant du dehors et toute machination factieuse à l’instigation des puissances étrangères. Cet engagement devait subsister jusqu’à l’entière pacification du Nord. On inviterait les autres puissances, surtout les Princes et États de l’Empire et les États-Généraux, a entrer dans l’alliance que l’on qualifiait de purement défensive Le Régent avait eu connaissance de cet accord par Vienne et se plaignait hautement de la défiance de Georges Ier à son égard Dubois renchérit et montra son maître touche et attriste par cette conduite qui atteignait gravement son prestige en France et Stanhope se trouva repris d’inquiétudes et comprit ou crut comprendre que « des reproches si peu naturels ne pouvaient être qu’un prélude à quelque chose de plus fâcheux[49].

 

Suède

La guerre était déclarée, les jours s’écoulaient et il devenait urgent de mettre fin aux complications qui pouvaient surgir dans le Nord. Il faut, écrivait Dubois à Stanhope, saisir cette occasion que la Providence nous offre pour achever de donner la paix à l’Europe, une paix très équitable. Le seul moyen de faire tomber l’Espagne tout d’un coup sans lui laisser aucune ressource, est de former le projet d’une paix générale dans, le Nord[50]. » La disparition de Charles XII offrait une chance unique à saisir, il fallait créer des faits accomplis qui empêchassent désormais le Régent d’hésiter entre Torcy et Dubois presque également ministres de sa politique extérieure ; les Anglais, pour leur part, sentaient qu’il n’y avait plus une heure à perdre et allaient s’occuper particulièrement du sort de la couronne de Suède[51]. Les alliés de Londres avaient à choisir entre deux candidats à la succession de Charles XII, son beau-frère le prince Frédéric de Hesse, et son neveu Charles-Frédéric duc de Holstein Gottorp ; l’occasion était belle d’obtenir du roi élu et de ses électeurs l’engagement de souscrire à la paix qu’on imposerait aux puissances du Nord.

 

Russie

En même temps, Dubois voulait qu’on fît des avances à la Russie pour la détourner de l’idée d’exciter des troubles en Suède et de fournir à Alberoni l’occasion de les aggraver ou du moins de les entretenir. On ferait miroiter aux regards de Pierre Ier des avantages solides et lorsque la Russie, la Suède et le Hanovre seraient nantis, il deviendrait facile d’amener le Danemark et la Prusse isolés à se soumettre à ce qu’on exigerait d’eux.

 

Menace de conflit dans le Nord

Mais, déjà, le traité du 5 janvier portait ses fruits. Dès le mois de février, une armée hanovrienne de douze mille hommes le Nord entrait en Mecklembourg, au nom des trois signataires, se saisissait des domaines du duc, y installait des Commissaires hanovriens[52]. Pour calmer les inquiétudes que la Prusse pouvait concevoir touchant l’extension du Hanovre, on «lui offrait Stettin, on tournait ses ambitions vers l’Est, lui suggérant d’expulser les Russes de Pologne et, si le Tsar ne se contentait pas de Pétersbourg et Narva, à lui reprendre Smolensk et Kief. Pendant que Prusse, Pologne et Russie en viendraient aux mains, le Hanovre ferait son chemin. Maintenant que la mort de Charles XII entraînait la quasi-disparition de la Suède, les princes allemands s’apercevaient enfin de l’erreur qu’ils avaient commise en fondant la grandeur de la Prusse et de la Russie aux dépens de la Suède, mais combatifs comme ils l’étaient, ils prétendaient corriger cette erreur, remettre à leur place le Tsar et le roi de Prusse, une place aussi exiguë que possible, et pour cela recourir à la force des armes. Cette perspective bouleversait le plan de Dubois qui tendait à ménager le Tsar, entraîner la Prusse dans la Triple-Alliance, empêcher toute guerre dans le Nord et interdire à Alberoni l’espoir de la faire renaître.

 

Embarras des ministres anglais

Le mécontentement du Régent et de Dubois était fonde et celui-ci ne se privait pas de relever avec l’incorrection du procédé de l’Angleterre à notre égard les inconvénients auxquels le traité du 5 janvier pouvait entraîner la dynastie hanovrienne. L’imprévoyance traditionnelle des diplomates anglais ne leur laissait pas apercevoir l’orage que la main infatigable d’Alberoni amoncelait contre leur pays, à l’heure même où le duc d’Ormond s’employait à soulever l’Irlande et à envahir l’Ecosse avec l’appui de la Suède et de la Russie[53]. Devant ces faits, les ministres anglais, si incapables qu’ils fussent par tempérament d’entrer dans les sentiments d'autrui, se sentirent humilies et embarrassés. Ils avouèrent que l’influence du hanovrien Bernstorff !es tenait tous en échec et qu’il ne se faisait plus rien sans lui de grand ni de considérable en Angleterre[54] ». Ni le secrétaire du roi, Robethon, tenu à l’écart[55], ni les ministres anglais eux-mêmes n’avaient été instruits de ces négociations allemandes, il leur coûtait d’en faire l’aveu mais il le fallait pour leur excuse[56]. D’ailleurs les intérêts du roi d’Angleterre étant lies a ceux de l’électeur de Hanovre, force leur était d’en tenir grand compte car le Roi n’ignorait pas son propre intérêt et savait le poursuivre et le faire prévaloir. Trouverait-il son avantage dans une paix générale telle que Dubois la proposait ? « Nous tombons d’accord, disait Stanhope qu’il faut la faire générale, mais nous appréhendons qu’il ne soit pas possible de combiner, en même temps et avec une satisfaction égale des parties, tant d’intérêts divers[57]. »

 

Dubois leur sacrifie la Suède

Le projet de Stanhope faisait une large part aux princes allemands — au Hanovre surtout — dans les dépouilles de la Suède qui n’était pas éloignée elle-même de « regarder ses provinces d’Allemagne comme la source de leur misère[58]. » Une paix bienveillante donnerait satisfaction aux deux parties, leur permettrait de faire moins large la part du Tsar et refoulerait celui-ci tout au fond de la Baltique dans une position qu’on essaierait de rendre bien incommode et même précaire[59]. On était ainsi bien loin du traité de commerce du 15 août 1717 et des projets d’alliance franco-russe. Une première fois l’alliance anglaise avait détourné la France de la Russie, une fois encore, pour protéger leur commerce exclusif dans les parages de la Baltique ils invitaient le Régent à s’en détourner. Une intrigue parlementaire supérieurement conduite avait détaché Georges Ier de ses ministres hanovriens l’avait ramené à ses ministres anglais, à qui il abandonnait le traité du 5 janvier et la décision des affaires du Nord. Du moment que la question restait à débattre entre Stanhope et Dubois, elle était presque résolue et la Russie serait sacrifiée à l’Angleterre. Dubois en faisait l’aveu : « Une paix générale dans le Nord, écrivait-il, était à désirer par préférence à toute paix particulière. Mais les moyens qui se sont présentés à première vue, bien loin d’être infaillibles n’ont pu qu’être fort douteux. Il y a apparence que les conditions que le Tsar demanderait pour la paix générale seraient contraires aux intérêts de la Suède, et à la liberté du commerce des autres nations. On ne peut se flatter de trouver facilement le moyen d’ajuster les intérêts de toutes les puissances impliquées dans la guerre du Nord. Mais si l’on ne peut pas entreprendre un arrangement aussi vaste, S. A. R. ne s’écartera pas de la prédilection qu’elle a pour l’Angleterre, et préférera la paix du roi de la Grande-Bretagne à toute autre. Ainsi, la paix du roi de la Grande-Bretagne avec la Suède est le premier point du plan dans lequel nous pouvons entrer ou, pour mieux dire, que nous suivons depuis la Triple-Alliance[60]. »

Ainsi Dubois marchait à son but : Terminer la guerre dans le Nord et la limiter dans le Sud. La première partie du plan livrait la Suède à l’Angleterre et privait l’Espagne de l’alliée sur laquelle elle comptait s’appuyer ; au prix de cette désertion du rôle tenu par la France dans le Nord depuis des siècles, l’Espagne demeurait isolée, exposée aux coups et aux convoitises du rapprochement avec le Parlement de la France, de l'Empereur et de l'Angleterre, c’est-à-dire à la défaite et à l’obligation d’accepter la paix aussi onéreuse et aussi humiliante qu’il plairait à ses vainqueurs de lui imposer, mais d’ce prix Philippe d’Orléans dressait une nouvelle, barrière entre le roi d’Espagne et le trône de France, tandis que Guillaume Dubois aplanissait encore un obstacle sur le chemin du cardinalat.

 

Rapprochement avec le Parlement

Ces manœuvres ne leur faisaient pas oublier, elles leur eussent plutôt rappelé leur impopularité à tous les deux et l’hostilité soulevée dans le royaume par la guerre contre l’Espagne. A mesure que le moment d’entrer en campagne approchait, le Régent et son ministre songeaient à influencer le grand courant d’opinion représenté par le jansénisme. Dubois, à qui promesses et protestations ne coûtaient guère, faisait quelques avances au cardinal de Noailles, prodiguait les bonnes paroles au maréchal d'Estrées qu’on savait hostile, aux Jésuites, recherchait le suffrage des Pères de l’Oratoire, adversaires des Jésuites et promettait a lord Stair que, sous trois mois, il montrerait par des actes qu’il avait fait et ferait plus de mal à la Constitution que qui que ce fût. Ce n’était certes pas prendre le chemin du cardinalat que d’agir de la sorte, mais c’était « travailler à regagner les Parlements[61] » ; ce qui était non seulement nécessaire mais urgent.

Le lit de justice du 26 août et les emprisonnements de magistrats qui avaient suivi avaient été profondément ressentis par les Compagnies, mais le temps commençait à faire son œuvre et le Parlement de Paris avait condamné la déclaration de Philippe V contre le Régent, datée du 25 décembre. A ce premier geste bienveillant succéda un geste moins vague. Par arrêt du 4 février, le même Parlement ordonnait suppression de quatre pièces subversives datées des 3, 4 et 6 septembre 1718[62], faisant défense à tous imprimeurs, libraires, colporteurs et tous autres d’imprimer, vendre, débiter ou autrement distribuer sous peine de poursuites comme perturbateurs du repos public et criminels de lèse-majesté. Ainsi s’ébauchait la réconciliation du Régent avec les magistrats. « Il y a apparence écrivait, lord Stair, que le Régent regagnera le Parlement ; alors le parti espagnol fera pauvre figure en France[63]. »

 

Alberoni conduit l’Espagne au désastre

Il ne faisait guère meilleure figure en Espagne. Comme la flotte était ensevelie au cap Passaro et l’armée emprisonnée dans sa conquête de Sicile, Philippe V, sa femme et son ministre devraient frapper le sol du pied pour en faire sortir des régiments et des havres. Si l’imagination d’Alberoni se repaissait de féerie, celle d’Elisabeth Farnèse ne rêvait que vengeance et chez Philippe V imagination et raisonnement avaient sombré dans l’animalité. Le cardinal imaginait projet après projet, tous grandioses, tous véreux et condamnés à la catastrophe ou à l’avortement, parce qu’aucun n’était proportionné aux moyens d’exécution. « Des projets que j’avais formés, dira-t-il, un seul, en réussissant, eût fait échouer les desseins de l’ennemi : la Providence les a tous traversés[64]. » La Providence n’a pas eu à prendre ce soin, il lui a suffi de laisser à elles-mêmes ces conceptions ridicules à force d’être inexécutables ; jusque sous la pourpre on voit pointer la bosse de polichinelle. Que lui importe, au reste, cette Espagne qu’il conduit au désastre ; il n’est pas Espagnol il est Parmesan, ce n’est ni son sang qu’on va répandre, ni son drapeau qu’on va insulter, il n’a même plus l’excuse si c en était une — d’aspirer au cardinalat.

 

Derniers et louches projets d'accommodement

Pendant qu’il protestait de son désir sincère de paix, Alberoni multipliait les manifestations belliqueuses et les louches tentatives. Bien instruit des intrigues des cabinets, il essayait, tardivement parfois, de les déjouer. C’est ainsi qu’il dépêchait au roi de Prusse l’aventurier Marini, qui retourna sa casaque et passa au service du duc d’Orléans. Celui-ci se fit amener l’Italien et lui fit écrire à Alberoni combien le prince déplorait la guerre imminente, souhaitait gagner l’amitié du Roi Catholique et serait reconnaissant au cardinal de détourner les souverains de cette aventure où ils auraient toutes les chances contre eux. En ce qui regardait Alberoni personnellement, les suites de la guerre pouvaient lui devenir funestes : le duc d’Orléans faisait dresser un manifeste où toute la faute lui serait imputée, ce qui, en cas d’échec, pourrait décider le roi Catholique à l’abandonner. Il serait plus digne de la prévoyance du cardinal d’attirer le Roi Catholique à l’acceptation du traité ; par là, il assurerait son état contre tout événement, s’attirerait la reconnaissance du Régent qui s’emploierait auprès du Pape pour lui obtenir ses bulles de l’archevêché de Séville. Enfin, si le roi d’Espagne proposait encore quelques avantages en sa faveur qui ne fussent pas directement contraires au traité, il tâcherait de les faire agréer par les autres alliés[65].

Presque au même moment où, à Paris, on amorçait cette négociation, le consul de France à Barcelone, pourvu d’une charge dans la maison d’Orléans, suggérait une solution imprévue au cardinal Alberoni. Mariage du prince des Asturies avec Mlle de Montpensier, fille du Régent, cession au duc de Chartres par Philippe V de la souveraineté de la Flandre, à charge pour le duc d’Orléans d'en faire la conquête sans le concours du Roi Catholique et de fournir à ce prince douze vaisseaux de ligne pendant deux ans, la France se séparant des alliés, etc., etc.[66]

Alberoni pensa voir dans ces deux facturas la pensée secrète du duc d’Orléans et il s’empressa d’écrire à Nancré, que le duc d’Orléans avait tort de lui imputer la responsabilité de cette guerre pour laquelle il ne faisait qu’obéir aveuglément à Philippe V. « Quant au manifeste que S. A. veut faire imprimer en espagnol contre moi, je voudrais bien qu’il produisit l’effet qu’elle s’imagine, car il me mettrait dans un état à donner bien des grâces à celui qui en aurait été la cause, mais je vois bien que S. A. est mal informée de ce pays ici. Le temps le dira[67]. » Nancré répondit de la part du Régent que la lettre de Marini pas plus que celle de Barcelone ne méritaient de crédit, mais que les dispositions du Régent n’avaient pas varié, en faveur d’un raccommodement que suivrait une parfaite union[68]. Alberoni n’en voulait pas et se lavait les mains sur ce qui adviendrait. « C’est au bon Dieu, disait-il, d’y porter remède[69]. » Et le bon Dieu semblait y avoir renoncé.

 

 

 



[1] Annals of Stair, t. II, p. 359 : lord Stair à M. de Saint-Saphorin, Paris, 30 octobre 1718.

[2] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 286, fol. 60 : Berwick à Dubois, 26 novembre 1718.

[3] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 275, fol. 10 : Dubois à Berwick, 3 décembre 1718.

[4] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 275, fol. 87 : Mémoire de Torcy, décembre 1718.

[5] Oxenfoord Castle, Stair Papers, t. III, B : lord Stair à Dubois, 1er janvier 1719.

[6] Oxenfoord Castle, Stair Papers, t. XIX A : Annals of Stair, t. II, p. 385.

[7] Saint-Simon, Mémoires (1905), t. XI, p. 74 ; le même, Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 450-454 ; Madame à la raugrave Louise, 17 janvier 1719, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 53, croit que le manifeste est de Dubois et corrigé par le Régent.

[8] Public Record Office, France, vol. 353 : lord Stair à Craggs, Paris, 3 janvier 1719.

[9] Lémontey, op. cit., t. I, p. 227 ; la lettre de Villeroy au Régent est du 8 janvier 1719.

[10] Saint-Simon, Mémoires, t. XI, p. 74.

[11] Dumont, Corps universel diplomatique, in-fol., La Haye 1726-1731, t. VIII, 2e partie.

[12] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 456 ; 9 janvier ; Gazette de la Régence, p. 309 ; 6 janvier 1719.

[13] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 286, fol. 241 suivants ; Bibl. de Lille, F. Godefroy, IV, pièce G : Dubois à Godefroy, 31 décembre 1718, Madame à la raugrave Louise, 17 janvier 1719, dans Correspondance, t. II, p. 53.

[14] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 456 ; 9 janvier 1719.

[15] Gazette de la Régence, p. 310 ; 16 janvier 1719.

[16] Barbier, Journal, t. I, p. 29.

[17] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 459-460 ; Mémoires (1905), t. XI, p. 77.

[18] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 457 ; 10 janvier 1719.

[19] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 19 février 1719, dans Les Correspondants, t. II, p. 25.

[20] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 461 ; 16 janvier 1719 ; L’arrêt a été publié par J. Vatout, La conspiration de Cellamare, 2e édit. 1832, t. II, p. 323-326.

[21] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 286, fol. 192-205.

[22] Madame à la raugrave Louise, 27 janvier 1719, dans op. cit., édit. G. Brunet, t. II, p. 56.

[23] Saint-Simon, Mémoires (1905), t. XI, p. 83-87.

[24] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 142 : Dubois à Stanhope, 16 janvier 1719.

[25] Madame à la raugrave Louise, 9 décembre 1718, op. cit., t. II, p. 38-39 : « il a une physionomie qui ne prévient pas en sa faveur ; je ne crois pas qu’il meure d’une belle fin ».

[26] L. Wiesener, Le Régent, l’abbé Dubois et les Anglais, t. III, p. 8-9.

[27] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 142, fol. 65 : Dubois à Pendtenriedter, 28 février 1719.

[28] Alberoni à Cellamare, 21 novembre 1718, dans Lémontey, op. cit., t. I, p. 264.

[29] Arch. de la Marine, B7 36, fol. 275 : lettre de M. Demoy, consul à Barcelone. 3 décembre 1718 ; B7 38, fol. 60 : lettre de Ténériffe, 17 avril 1719.

[30] Arch. de la Marine, B7 38, fol. 19 ; B7 36, fol. 107.

[31] Arch. de la Marine, B7 36, fol. 270.

[32] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 142 : Alberoni à Nancré, 28 janvier 1719.

[33] Ibid., fol. 65 : Dubois à Pendtenriedter, 28 février 1719.

[34] Ibid., fol. 68 : Nancré à Alberoni (de la part du Régent), 19 février 1719.

[35] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 242 : Dubois à Robethon, 25 février 1719.

[36] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 242 : Dubois à Robethon, 25 février 1719.

[37] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 1 et 2 ; Destouches à Dubois, 2 janvier 1719.

[38] Public Record Office, France, vol. 358. Craggs à Dubois, 12 (= 23) et 20 (= 31) janvier 1719.

[39] Public Record Office, France, vol. 358 : Craggs à Dubois, 20 (= 31) janvier 1719.

[40] M. de Girardin à Mme de Balleroy, 11 février 1719. Dans op. cit., t. II, p. 18.

[41] Dangeau, Journal, t. I, XVII, p. 473 ; 5 février 1719.

[42] Gazette de la Régence, p. 316 ; février 1719.

[43] Gazette de la Régence, p. 316-317 ; 6 février 1719.

[44] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 475 ; 10 février 1719.

[45] Public Record Office, France, vol. 353, Lord Stair à Craggs, Paris, 11 février 1719.

[46] Gazette de la Régence, p. 318 ; 17 février 1719.

[47] Public Record Office, France vol. 558 : Dubois à Craggs, Paris, 5 mai, 1719 ; Saint-Simon, Mémoires (1905), t. XI, p. 88 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 484 ; 26 février 1719.

[48] Rousset, Actes et négociations, t. II, p. 450 ; Dumont, Corps universel diplomatique, t. VIII, 2e partie, p. 1-3.

[49] Public Record Office, Germany, vol. 211 : Stanhope à Saint-Saphorin, Londres 4 (= 15 février) 1719.

[50] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 60 : Dubois à Stanhope, 16 janvier 1719.

[51] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 106 ; 134 : Destouches à Dubois, 10 janvier : Chammorel à Dubois. 26 janvier 1719.

[52] Arch. des Aff. Etrang., Prusse, t. 60, fol. 223 : Rottembourg au Régent, 11 février 1710 ; J.-G. Droysen, Geschichte der preussischen Politik, in-8°, Berlin, 1855-1886, t. IV, 2e partie, p. 253.

[53] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 88, 257 : Dubois à Craggs ; 21 janvier et 8 mars 1719 ; Ibid., t. 322, fol. 263 : Dubois à Destouches, 8 mars 1719.

[54] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 323, fol. 37 : Destouches à Dubois, 16 janvier et 9 mars 1719.

[55] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 154, 161 : Destouches à Dubois.

[56] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322 fol. 162,169 : Craggs à Dubois.

[57] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 190 : Stanhope à Dubois, 31 janvier 1719.

[58] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 190 : Stanhope à Dubois, 31 janvier 1719.

[59] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 190 : Stanhope à Dubois, 31 janvier 1719.

[60] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 322, fol. 260 : Dubois à Stanhope, 8 mars 1719.

[61] Public Record Office, France, vol. 353 : lord Stair à Craggs, Paris, 13 mars 1719.

[62] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 472 ; 4 février 1710 ; J. Vatout, op. cit., t. II, p. 315-320.

[63] Public Record Office, France, vol. 353 : lord Stair à Craggs, Paris, 30 janvier 1719.

[64] Alberoni à Rocca, 26 avril 1719, dans Lettres intimes, p. 629.

[65] Public Record Office, France, vol. 353 : lord Stair à Craggs, Paris, 23 janvier 1719.

[66] Public Record Office, France, vol. 353 : lord Stair à Craggs, Paris, 25 janvier 1719.

[67] Public Record Office, France, vol. 353 : Alberoni à Nancré, 28 janvier 1719.

[68] Public Record Office, France, vol. 353 : Nancré à Alberoni, 9 février 1719.

[69] Public Record Office, France, vol. 353 : Alberoni à Nancré, Madrid, 6 mars 1719.