HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME DEUXIÈME

 

CHAPITRE XXX. — La guerre contre l’Espagne (Septembre - Décembre 1718).

 

 

Organisation nouvelle. — Répartition. — Compensations. — Joie de Dubois. — Fourberie de la Cour d’Autriche. — Sa complaisance pour le roi d’Angleterre. — Soumission du roi de Sardaigne. — Accession de la Hollande. — Lettre du Régent sur l’Espagne. — Mesures furieuses d’Alberoni. — Calculs de l’Angleterre. — Réserve du Régent et de Dubois. — Effort tenté pour entraîner Philippe V. — Décision de Philippe V. — Départ de Nancré. — Déclaration aux négociants français. — Discours du trône de Georges Ier — Insistance de lord Stair. — L’opinion en France. — Atermoiements de Dubois — Dépit de Stair. — Raisons de Dubois. — Violente conduite de Philippe V. — La guerre prochaine et inévitable.

 

Organisation nouvelle

La suppression des Conseils laissait subsister le conseil de Régence composé de vingt-quatre Membres et réduit à des fonctions de parade. Trois conseils particuliers étaient maintenus : celui des finances, celui du commerce et celui de la marine. Au conseil des finances le Régent conserva la signature de toutes les ordonnances concernant les dépenses comptables et les comptants ainsi que le trésor et les parties casuelles ; sous ses ordres, un commis tenait les registres du Roi, lui rendait compte directement des placets en sollicitation de paiements et expédiait les états de distribution et tous ordres à ce nécessaires. Le garde des sceaux eut la direction et administration principale. Le conseil du commerce ne souffrit que quelques changements dans le personnel et reçut parmi ses attributions les projets de canaux pour la mise en communication et la navigation de rivières. Le conseil de marine demeura tel qu’il était et prolongea son existence jusqu’au mois de mars 1723.

L’arrêt du 24 septembre 1718 rendait donc aux secrétaires d’État les affaires ressortissant aux conseils de la Guerre, du dedans, des affaires étrangères et de conscience, mais avec des restrictions nombreuses. A La Vrillière, à Maurepas — âgé de moins de dix-huit ans et à-Fleuriau d’Armenonville, le Régent associa deux nouveaux secrétaires d’État ; l’abbé Dubois pour les affaires étrangères et Le Blanc pour la guerre. Ceux-ci toutefois n’exercèrent qu'en vertu d’une commission. Dans celle qui fut délivrée à Dubois on lisait ces mots : « Par notre édit du mois de janvier 1716 », disait Louis XV, nous aurions fixé le nombre de nos conseillers en tous nos conseils, secrétaires d’État et de nos commandements et finances au nombre de trois, persuadé que par les arrangements que nous avions établis, ils suffiraient pour remplir les fonctions dont nous les avions chargés ; mais comme par les dispositions nouvelles que nous avons été obligé de faire, ce nombre ne suffit pas pour la multiplicité et les différentes espèces des affaires du royaume, dont les expéditions se trouvant confondues dans les mêmes bureaux ne sont pas dans l’arrangement qui convient au bien de notre service et à l’usage que sont obligés d’en faire, en plusieurs occasions, ceux qui sont chargés de l’exécution de nos ordres. Nous avons jugé à propos de vous commettre pour exercer les mêmes fonctions que celles qui sont attachées aux trois des secrétaires d’État conservés[1]. » Semblable commission fut expédiée pour Le Blanc qui fut en même temps appelé à siéger au conseil d’État « comme étant une chose ordinaire et convenable aux fonctions de sociétaire d’État[2] ». En conséquence, le jour même, Dubois et Le Blanc allèrent l’après-dînée, à deux heures, prêter serment au Roi[3].

 

Répartition

Les cinq départements furent ainsi, répartis[4].

Le marquis de la Vrillière : les affaires générales des protestants, l’expédition de la feuille des bénéfices, les dons et brevets autres que des officiers de guerre ou des étrangers pour les pays d’État et la plus grande partie des pays d’élection[5].

Le comte de Maurepas : la maison du Roi, le clergé, les dons et brevets autres que ceux des officiers de guerre ou des étrangers dans les provinces dépendant de son département[6].

M. d'Armenonville : la marine, les galères, le commerce colonial, mais seulement pour la signature des expéditions, signées par le Roi et contresignées par un secrétaire d’État ; les dons et brevets à l’instar de ses collègues dans son département[7].

M. Le Blanc : la guerre, le taillon, l’artillerie, les pensions des gens de guerre, tous les états-majors, à l’exception des gouverneurs, lieutenants généraux et lieutenants du Roi des provinces.

M. l’abbé Dubois : les affaires étrangères, avec toutes les pensions et expéditions qui en dépendaient.

 

Compensations

« Semblables à des gens qui, en sortant d’une maison, en emportent les meubles8 », les membres des conseils supprimés arrachèrent à la faiblesse du Régent non seulement la continuation de leurs appointements, mais encore la direction presque indépendante de divers services. A l’égard du conseil du Dedans, Beringhem gardait les ponts-et-chaussées et Brancas les haras ; du conseil de Conscience l’archevêque de Bordeaux recueillit la régie des économats et l’évêque de Troyes la feuille des bénéfices ; du conseil de la Guerre, le comte d’Evreux et le marquis de Coigny tirèrent à eux l’un la cavalerie, l’autre les dragons ; Biron se fit attribuer l’infanterie française et étrangère, hormis les Suisses ; d’Asfeld emporta les fortifications ; Saint-Hilaire eut l’artillerie, Puységur avait une promesse, on ne savait laquelle. Tous rendraient compte directement au duc d’Orléans[8]. De plus, il fut résolu de faire de temps en temps des assemblées pour ce qui concernait la guerre, où M. le duc de Bourbon se trouverait quand il lui plairait[9].

 

Joie de Dubois

Cette curée satisfaisait la suffisance et la rapacité de gens qui croyaient déroger à leur naissance en s’intéressant à autre chose qu’aux affaires, militaires. Dubois, confiné dans sa partie, n’avait rien à craindre, pour le moment, de l’avidité de ces naufrageurs.

La vieille Madame lui décochait ce trait : Dubois semble être un renard accroupi qui guette une poule[10] ; la duchesse d’Orléans s’en remettait à son mari sur des talents quelle ne découvrait pas[11], les habitants de Brive-la-Gaillarde gambadaient, dansaient, tiraient des « boîtes[12] », l’abbé débordait de joie et lord Stair annonçait à Londres le grand événement qu’il regardait « comme le gage le plus assuré des bonnes intentions de Son Altesse Royale[13] ». Dès que Georges Ier en fut instruit il fit écrire à Dubois que c’était « la meilleure nouvelle qu’il eût reçue depuis longtemps. C’est à présent, disait-il, qu’il n’y aura personne pour interrompre l’amitié et la cordialité de cœur avec lesquelles il souhaite vivre avec Mgr le Régent ; c’est a présent que je vois que S.A.R. va triompher de tous ses ennemis. C’est pour le coup que je m’attends à voir cultiver un même intérêt dans les deux royaumes, et que ce ne sera plus qu’un même ministère. Il pourra y avoir bien du bruit ; mais nous l’écouterons comme les vaisseaux qui sont dans un bon port entendent le bruit des vents contre les rochers qui les assurent. Pour ma joie particulière, mon cher abbé, je ne vous en dirai rien ; car il m’est impossible de la décrire comme je la sens. »

Avant d’avoir lu cette lettre, l’abbé écrivait à Craggs ces lignes voisines de la trahison[14] : « Si je ne suivais que les mouvements de ma reconnaissance, et que je ne fusse retenu par le respect, je prendrais la liberté d’écrire à Sa Majesté Britannique pour la remercier de la place dont Monseigneur le Régent m’a gratifié, puisque je ne la dois qu’à l’envie qu’il a eue de n’employer personne aux affaires communes à la France et à l'Angleterre, qui ne fût agréable au roi de la Grande-Bretagne. Ce motif m’est si glorieux, qu’il ne me laisse rien à désirer que les moyens de marquer au Roi combien je suis touché de la confiance dont il m’honore. Je supplie Votre Excellence de m’aider et lui faire connaître mes respectueux sentiments sur ce sujet, et mon zèle pour tout ce qui pourra contribuer à l’affermissement de la bonne intelligence[15]. » Et afin qu’on n’en pût douter et que sa dégradation fut complète, Dubois écrivait encore à lord Stanhope : « Je vous dois jusqu’à la place que j’occupe, dont je souhaite avec passion de faire usage selon votre cœur, c’est-à-dire, pour le service de Sa Majesté Britannique, dont les intérêts me seront toujours sacrés[16]. »

 

Fourberie de la cour d’Autriche

A peine entré au ministère, Dubois reçut du cabinet de Vienne une pénible leçon. L’impatience des ministres anglais à faire signer la Quadruple-Alliance avait fait commettre une grave imprudence avec une Cour dont la fourberie était proverbiale. Craggs et L. Sunderland étaient venus à bout de décider Dubois à signer le traité sans attendre le retour du courrier porteur de l’acte de renonciation de l’Empereur au trône d’Espagne. Pour le convaincre ils lui disaient que le roi Georges n’enverrait à sa flotte l’ordre d’agir qu’après la signature ; Dubois, impatient de rentrer àParis, signa. Or, quand la renonciation, datée du 14 septembre, arriva à Paris, Dubois lut de ses yeux que l’Empereur conservait la qualification de roi d’Espagne, de plus il excluait les branches de Condé et de Conti de la succession de Philippe V. Enfin des germanismes corrompaient la belle latinité dont l’humaniste précepteur du duc d’Orléans s’était piqué de donner un modèle dans cette pièce diplomatique. A cette lecture, la fureur de Dubois fut sans mesure, il comprit la faute commise et se sentit branler dans le poste qu’il occupait, car il lui serait impossible de tenir tête à la colère des princes. « Si l’on voyait en France cet acte en l’état qu’il est, écrivit-il à Stanhope, il me serait impossible de me soutenir dans la place que j’occupe, ni même dans l’estime des plus indulgents[17]. » « Si cette renonciation demeurait dans l’état où elle est, Mgr le duc d’Orléans gérait discrédité entièrement. Pour moi, qui serai réputé l’auteur de cette tolérance, je serais regardé non seulement comme un imprudent et un imbécile, mais comme un traître[18]. » Par l’ordre du roi Georges, l'ambassadeur Saint-Saphorin intervint avec tant de vigueur que l’Empereur céda et le texte primitif de l’acte de renonciation fut rétabli.

L’escarmouche avait été vive et Dubois l’avait maintenue sur son véritable terrain en remettant la solution au roi d’Angleterre qui, en garantie de la signature anticipée de la France, avait fait son affaire personnelle de l’acquiescement de l’Empereur au texte de la renonciation établi dans une forme identique à celle dont le roi d’Espagne et les princes français se tenaient pour satisfaits. Par un raffinement de confiance qui fut senti, le Régent envoya au roi d’Angleterre les ratifications du traite au jour fixé, 2 octobre, avant que le Cabinet britannique eut amène l’Empereur à résipiscence. Le calcul se trouva bon parce que, à la suite de la bataille de Passaro, l’Angleterre ne pouvait se passer en Espagne de l’appui de la France. Dubois le savait et se montrait pressant ; il envoyait à Londres le chevalier Destouches réclamer, avant l’échange des ratifications une déclaration du roi Georges qu’il obtiendrait de l’Empereur : 1° l’omission de la clause excluant du trône d’Espagne les princes du sang de France ; 2° une déclaration qu’en aucun temps, aucun prince qui posséderait les États de la maison d’Autriche, ne pourrait posséder la monarchie d’Espagne. Cette exigence était trop légitime pour être contestée ; Stanhope et Craggs imaginèrent un expédient. Ils prirent l’engagement écrit de procurer sous deux mois la renonciation impériale conforme à ce que réclamait la France ; dès lors, celle-ci n’avait, plus d’inquiétudes et les ratifications furent échangées le 25 octobre.

 

Sa complaisance pour le roi d’Angleterre

Ce jour-là l’Angleterre apprenait qu’il n’était presque rien qu’elle ne put obtenir de l’Empereur son allié. Non content pour le roi d’avoir vaincu et chassé d’Ecosse Jacques Stuart, de l’avoir poursuivi en France et jusqu’en Avignon, de l’avoir finalement contraint à se réfugier au-delà des Alpes, dans les États pontificaux, le roi Georges Ier prétendait imposer à son adversaire le célibat afin de mettre un terme aux espérances du parti jacobite. Jacques songeait à continuer sa race, seul service qu’il fut capable de rendre à son parti, et il recherchait la princesse Marie-Clémentine Sobieska, fille du roi de Pologne Jacques Sobieski[19]. Cette alliance lui vaudrait, disait-on, six cent mille livres en dot, une pension de quatre-vingt mille et des meubles[20], de plus elle le ferait proche parent de l’Empereur. Lorsqu’au mois de septembre 1718, Jacques III demanda la main de la jeune princesse, tous les diplomates anglais furent sur les dents. A Vienne, Saint-Saphorin éventa une correspondance assidue entre le Prétendant et la ville d’Ohlau, en Silésie, résidence de Clémentine Sobieska[21], et peu de temps après Charles VI reçut une lettre pressante du roi Georges, son allié, qui l’invitait à empêcher le mariage projeté. L’Empereur acquiesça et fit savoir à Ohlau de renoncer à l’alliance ; aussitôt la jeune princesse accompagnée de sa mère et de deux suivantes, monta en voiture sous la conduite de deux gentilshommes et quitta Ohlau dans la direction de la Saxe, d’où, par la Bavière on gagnerait Augsbourg et la route du Tyrol et de l’Italie. Un semblable itinéraire donnait aux espions anglais plus de temps qu’il ne leur en fallait, ils jugèrent sage d'aller prendre des ordres à Londres. De là, revenant à Vienne, l’émissaire de Georges eut le loisir de voir l’Empereur déterminé à tout accorder au prince qui venait de le débarrasser de la flotte d’Espagne. Un courrier arriva à Innsbruck avant que la fiancée fugitive n’y fut entrée. Là, il fut décidé de couper la retraite à la princesse dès qu’elle aurait pénétré dans le Tyrol, en sorte que, le 3 octobre, Clémentine et sa mène arrivant à Innsbruck descendirent à l'hôtellerie de la « Rose d’Or[22] ». Un instant après on pénètre dans leur appartement, d’ordre de l’Empereur, et les princesses sont invitées à n’aller pas plus loin. Vingt jours plus tard elles furent transférées de l’hôtellerie dans la maison pittoresque du conseiller Reiffen[23]. La captivité se prolongeant, les fiancés s’écrivirent et leur correspondance interceptée fut copiée et envoyée à l’Empereur.

Charles VI espérait venir à bout de Jacques Sobieski plus aisément que de sa fille et ne négligea rien pour réussir, mais ce prince, au moins aussi rusé que disert souleva une difficulté grave : le mariage célébré, dit-il, par procureur était indissoluble, cependant il consentait à en référer au pape. Cette révélation embarrassa la Cour de Vienne jusqu’au moment ou elle pensa que, peut-être, le mariage célébré par procuration était imaginaire. Le chancelier autrichien écrivit à Pendtenriedter, le 26 octobre, pour excuser sa Cour qui, mise en présence d’un mariage conclu (ratum), ne pouvait plus qu’aviser aux moyens de se tirer d’embarras sans manquer a la morale. Saint-Saphorin gémissait : « Tout cela est venu du même lieu : c’est l’Espagne et Alberoni qui y ont donné le premier mouvement, et la Cour de Rome, toujours prête à servir aux vues de celle de Madrid s’y est employée de tout son cœur[24]. » Et, tandis qu’il se désespérait de cette noire intrigue, Jacques Sobieski, fatigué du rôle qu’il avait choisi, jetait le masque et déclarait tout net qu’il n’y avait eu ni mariage ni procuration. A cette nouvelle, dit-on, l’Empereur éclata de rire et le ministère autrichien se trouva mieux que jamais disposé à complaire à ses alliés et admit définitivement, le 23 novembre, toutes les modifications exigées par le Régent[25]. La chicane au sujet de la renonciation n’avait entraîné qu’un seul résultat. Le 20 novembre, Dubois et Stanhope avaient signé une convention secrète dans le but d’empêcher que, par la suite, l’Empereur ne franchît les bornes du traité[26].

 

Soumission du roi de Sardaigne

Victor-Amédée II dut, comme Charles VI, se soumettre à la volonté de la France et de l’Angleterre. Chacun, en Europe, ressentait une vive satisfaction à la vue de ce maître fourbe qu’une vie entière de mensonges et de trahisons conduisait à cette suprême disgrâce d’échanger la Sicile contre la Sardaigne et d’accoler son titre royal de fraîche date à celui de cette île misérable. Ses négociations matrimoniales avaient abouti à de piteux échecs et, au terme de tant d’efforts, le meilleur parti à prendre se trouva être de déclarer son accession pure et simple aux décisions des alliés[27].

 

Accession de la Hollande

La Hollande apporta sa coutumière lenteur et ces délais qu’elle nomme circonscription et qu’ailleurs on appelle irrésolution. Pour la stimuler, Dubois avait compté sur le zèle du nouvel ambassadeur, M. de Morville, désigné pour remplacer Châteauneuf depuis le mois de janvier 1718 ; mais le maréchal d’Huxelles avait mis toute son influence et toute son habileté à retarder le départ de Morville, sachant que Châteauneuf ne négligeait rien pour détourner les États-Généraux de l’accession à la Quadruple-Alliance. Mais aussi longtemps que Dubois fut retenu à Londres, ses instances, ses avertissements furent dédaignés ; à la lecture de ses lettres, le Régent se contentait de sourire : « Il était de fort mauvaise humeur et bien fâché quand il écrivait cela » se bornait-il à dire[28]. Châteauneuf était doublé par son neveu, le P. Castagnère de Châteauneuf, jésuite[29], par l’intermédiaire duquel les indiscrétions pouvaient faire beaucoup de chemin. Aussi, en apprenant qu’on avait communiqué à Châteauneuf les clauses secrètes du traité[30], Dubois éclata et, suivant sa coutume, mit en branle les Anglais qui lui en Firent, dit-il, des reproches amers[31]. Il demanda son rappel[32] et ne retrouva le calme qu’en apprenant que lord Stair, le grand pensionnaire Heinsius et le conseiller Fagel pressaient l’envoi de Morville[33], qui, d’ailleurs, tarda encore. Les États-Généraux recouraient à tous les moyens pour calmer l’impatience soulevée par leurs tergiversations : compliments, louanges, flagorneries représentaient autant de lenteurs ajoutées à d’autres lenteurs. Dubois s’affligeait et s’indignait de ces atermoiements. Il fallut cinq mois pour décider les États à accéder à l’Alliance (5 janvier 1719)[34] tant était grande leur crainte d’une rupture entre la Hollande et l’Espagne.

 

Lettre du Régent sur l’Espagne

Cette répugnance de la Haye n’était pas payée de retour a Madrid. Alberoni avait su affecter le plus grand sang-froid lorsque Nancré lui avait appris le désastre de son Armada, mais il était trop intelligent et trop instruit des ressources de l’Espagne pour n’avoir pas tremblé en apprenant la catastrophe de Passaro. Le vent de la disgrâce «pouvait suivre de près le vent de la défaite ; cependant son influence restait prépondérante et Philippe V n’était pas en mesure de se passer de lui. Byng avait si complètement nettoyé le champ de bataille qu’un mois s’écoula avant que la nouvelle parvint à Madrid. Ce fut le 6 septembre que Nancré annonça le désastre en suppliant le cardinal de ne plus refuser la paix. « La défaite de la flotte d’Espagne, écrivait le Régent, ou plutôt du cardinal Alberoni, qui, par des vues particulières et personnelles, a voulu rallumer la guerre en Europe en attaquant des princes quine pensaient point à troubler le Roi son maître dans la possession de ses États, doit ouvrir les yeux aux Espagnols les plus aveugles et les plus prévenus, et je n’ai pas besoin auprès d’eux d’une autre justification. Ils doivent bien voir que je n’ai eu d’un côté aucune part aux projets chimériques d’Alberoni et que de l’autre j’ai eu grande raison de penser à la Quadruple Alliance pour assurer la tranquillité de l’Europe en donnant de justes bornes à la maison d’Autriche, au-delà desquelles elle ne pût point passer, ce qui a toujours été mon unique vue, bien loin de travailler à son agrandissement contre l’intérêt de la France et de l’Espagne. En effet, si l’Empereur n’était point arrêté par un traite, à présent que sa paix est faite avec le Turc et que la flotte d’Espagne vient d’être battue, ne serait-il pas en droit et en état non seulement de reconquérir ce qu’on lui a ôté, mais encore de mettre aux fers l’Italie, puisque le cardinal Alberoni lui a fourni le prétexte d’y faire passer toutes ses forces en l'attaquant injustement. Heureusement, le traité y a pourvu en liant les mains de ce prince, et je me suis donné autant de peine pour assurer les États d’Italie aux enfants de la reine d’Espagne qu’Alberoni a fait d’efforts pour leur faire perdre et livrer toute cette partie de l’Europe à l'Empereur. S’il lui avait plu même de permettre à l’Espagne d’entrer dans un traité si avantageux pour cette monarchie, aussitôt la France, l’Angleterre et la Hollande, en aurions fait un nouveau avec elle pour assurer par la force la foi du traité fait avec l'Empereur, en cas que son ambition le tentât jamais de franchir les limites qui lui ont été marquées ; et il est facile de voir par le traité même de la Quadruple Alliance que nous n’avons jamais eu d’autre intention, et si le roi d’Espagne entre dans le traité, il en est encore temps[35]. »

 

Mesures furieuses d’Alberoni

« Entrer dans le traité !» Philippe V en était plus éloigné qu‘à aucun moment. Par égard pour sa débilité physique et intellectuelle, la reine et le cardinal avaient tardé plusieurs jours à lui faire part du désastre. Dès qu’il en connut l’étendue il parut retrouver des forces afin de marquer sa rage[36]. Alberoni s’éleva au même diapason, prononça qu’« infamie plus noire ne se pouvait voir que celles des Anglais[37] » et il songea à relever le défi d’une puissance navale avec le fantôme d’une flotte coulée et d’une force anéantie. A Paris, Cellamare insinuait que le rejet du traité exposait l’Espagne aux plus grands périls[38] ; à Londres, Montéléon voyait dans l’accession à l’alliance une pénible mais inévitable nécessité[39] ; ces conseils discrets étaient mal accueillis. Plus violent que jamais, le cardinal ordonna de chasser les consuls anglais et de saisir les personnes, les propriétés et les navires de cette nation qui se trouvaient sur le sol et dans les eaux de l’Espagne et comme s’il eut fallu que le pitre de la foire reparût encore sous la pourpre du cardinal, Alberoni imagina de faire promener dans les rues de Madrid un tambour qui entre deux roulements de sa caisse interdisait aux habitants de parler des événements de Sicile[40].

 

Calculs de l’Angleterre

Ces violences jointes à ces puérilités pouvaient produire en Espagne une salutaire frayeur, en Angleterre elles soulevaient d’autres sentiments. Non contents d’imputer à une bordée malencontreuse des Espagnols l’entrée en ligne de la flotte anglaise, les commerçants de la Cité se plaignaient des mauvais traitements infligés à leurs nationaux malgré les dispositions du traité d’Utrecht, qui, en cas de rupture, accordait aux marchands un délai de six mois pour se retirer. Enfin, lord Stanhope à son retour d’Espagne, avait laissé comprendre qu’il eut souhaité, en vertu de la garantie du traité d’Utrecht[41], entraîner la France dans quelque manifestation hostile à l’Espagne. Le Régent et Dubois répugnaient et les collègues de Dubois encore plus. Ils sentaient, et s’enhardissaient jusqu’à dire, que l’anéantissement de la flotte espagnole rendait le despotisme maritime des Anglais inévitable et, prochainement sans doute, intolérable. En outre, le Régent ne se sentait pas soutenu par la nation et avait à craindre d’en être abandonné s’il lui proposait d’entrer en guerre contre un fils de France, Dubois comprenait peut-être qu’il faudrait en venir à cette extrémité, mais que l’esprit public et celui du Régent lui-même devaient y être préparés. De là des résistances dont s’irritaient les Anglais qui ne voyant que l’intérêt absolu de leur politique, entreprenaient de contraindre leur allié à s’y associer, dût-il s’y compromettre. Le Régent ne voulait pas esquiver les obligations résultant du traité du 2 août, mais il ne souhaitait pas voir surgir l’occasion qui l’obligerait à s’y soumettre[42]. Dubois hésitait, ergotait trouvait lord Stair pour lui répondre. « On a fait peur à notre ami l’abbé », écrivait Stair à Stanhope ; il répugne à prendre des mesures rigoureuses contre l’Espagne ; il adoucit dans une lettre à Saint-Aignan le langage du Régent, il écoute Pecquet, un opposant, et le maréchal de Villeroy qui lui prédit un ministère de moins de six mois. « Notre ami l’abbé, continue Stair, avec les meilleures intentions du monde est susceptible de peur[43]. » La veille du jour où Stair donnait ces indications à Stanhope, Dubois l’informait cependant, que notre ambassadeur à Madrid avait l’ordre de déclarer à Philippe V que le traitement infligé aux négociants anglais en Espagne rentrait dans un des cas prévus par les traités du 2 août et que le roi de France ne pourrait se dérober aux engagements qu’il avait pris si le roi d’Espagne n’avait pas d’égard à ses instances[44]. Il était entendu que Saint-Aignan, Nancré et le colonel Stanhope quitteraient Madrid si l’Espagne n’avait pas accédé au traité le 2 novembre. Cette satisfaction pouvant paraître trop platonique aux commerçants de la Cité, le ministère anglais ne négligeait rien pour leur faire entrevoir, sous prétexte de réparations à obtenir, des avantages commerciaux dans I*Amérique du Sud : une extension du privilège de la traite des nègres, un accès commercial dans les colonies espagnoles. Notre chargé d’affaires à Londres dénonçait ce calcul : « On songe, écrivait-il, à exécuter le projet d’attaquer les Indes espagnoles. Les Anglais ne manqueront pas d’y faire des établissements qui les mettent en état d’y commercer autrement que sous le bon plaisir de l’Espagne[45]. »

 

Réserve du Régent et de Dubois

Loin de concourir à cette politique, le Régent et Dubois travaillaient de bonne foi à faire prévaloir une solution pacifique. Ils s’y sentaient encouragés en apprenant le brusque revirement qui détournait alors le tzar Pierre Ier de la Cour d’Espagne pour renouer des relations avec les Cours de Vienne et de Hanovre[46]. Ce nouveau mécompte laissait d’ailleurs Philippe V inébranlable, mais commençait à dissiper les illusions d’Alberoni. Philippe V était trop irrité contre tout ce qui touchait de près ou de loin au Régent pour s’ouvrir à notre ambassadeur Saint-Aignan ; mais le marquis de Nancré, agent officieux qu’ils se flattaient d’avoir conquis à leur cause était bien vu du Roi et du Cardinal. Quoiqu’il eût trahi la confiance de Dubois, Nancré pouvait rendre d’utiles services et cette raison suffit à le faire maintenir dans un poste où, seul, il pouvait procurer l’accession du roi d’Espagne au traité[47]. Nancré ne pouvait accomplir un tel prodige, mais il avait espoir d’influencer Alberoni qui commençait à sentir la terre se dérober sous ses pieds. « Si, comme il paraît, disait-il, le Roi et le Tsar, la Suède et la Prusse ne forment pas une, ligue contre l’Archiduc [lisez l’Empereur], nous serons obligés d’accepter l’infâme projet[48] » et le même jour, 10 octobre, il confiait à son ami Rocca : « Croire que l’Espagne peut continuer la guerre en Italie, dans un pays si éloigné, avec une telle dépense, c’est pure folie même de le penser : il va falloir que le roi d’Espagne se résolve à un accommodement qui remettra les Italiens dans une servitude cruelle, éternelle[49]. » Avant de pousser ce cri de détresse Alberoni avait tenté de poser ses conditions et laissé entendre qu’il céderait au prix de la Sardaigne[50]. Aussitôt, Dubois s’était emparé de cette offre dans l’espoir de la faire accepter des Anglais, « Si, avant que le roi de Sicile ait accédé, écrivait-il à Stanhope, le Roi Catholique prenait la résolution d’accepter le traité à condition qu’on ajoutât aux autres avantages qu’on lui a proposés, la Sardaigne pour lui, ou pour la Reine, ou pour le prince à qui les États de Parme et de Toscane sont destinés ; il serait essentiel que M. de Nancré fût en état de savoir sur cela les intentions de Sa Majesté Britannique et de l’Empereur. » En même temps, le comte de Koenigsegg, ambassadeur de Charles VI en France était prié de pressentir les dispositions de son maître de qui l’hésitation semblait impossible dès l’instant qu’il comparait « cette cession peu importante avec la difficulté et la dépense de la conquête de la Sicile, et avec les embarras que pouvait causer une ligue dans le Nord, dont l’accession du roi catholique ferait échouer tous les projets[51] ».

 

Effort tenté pour entraîner Philippe V

Stanhope admit la suggestion, en faisant remarquer qu.il faudrait que le roi Victor-Amédée laissât écouler le terme de trois mois sans accéder au traité et que l’Empereur ne ferait rien pour faciliter l’accession du roi d’Espagne. Mais ce dernier se chargeait à lui seul de déconcerter tous les calculs. Alberoni, lui-même, ne pouvait triompher de la seule puissance capable d’enchaîner son maître. Le cardinal, le marquis de Nancré et le jésuite Daubenton confesseur du Roi examinèrent plusieurs jours de suite pendant des entretiens qui ne duraient pas moins de cinq heures, les moyens de fléchir le ressentiment opiniâtre de Philippe V et tous trois sentaient alors les limites de leur pouvoir. « Il ne faut pas se leurrer, écrivait Nancré au Régent, le cardinal ne tourne pas le Roi comme il veut[52]. » Et les trois compères entassaient séductions sur séductions : la Sardaigne, d’abord ; ensuite, Gibraltar ; enfin, des avantages pour la Reine, à Paris, on était d’humeur à tout accorder, à influencer Londres il Vienne, Dubois plaidait, Stair approuvait, Koenigsegg transmettait[53]. Stanhope écoutait avec bienveillance et arrachait des concessions à Georges Ier. Il était difficile de tenir tête à Stanhope et bientôt il fut certain que « M. de Nancré pouvait promettre bien positivement à son Éminence la cession de Gibraltar sans crainte d’être désavoué ». En ce qui concernait la Sardaigne, le consentement de l’Autriche était nécessaire, on s’emploierait à l’obtenir et, en brûlant les étapes, peut-être parviendrait-on à tout conclure avant que Victor-Amédée eut donné réponse en ce qui le regardait. Dubois n’était pas moins empressé à arracher le consentement du roi d’Espagne au traité. La date fatale du 2 novembre était prochaine et si Philippe n’avait accédé à l’Alliance, la France était tenue par ses engagements à lui déclarer la guerre. Sans attendre les réponses de Londres et de Vienne, il prescrivit à Nancré de traiter avec Alberoni et d’accorder Gibraltar ; il n’osait pas s’engager ainsi pour la Sardaigne, mais faisait la part belle à la Reine en lui donnant Parme et la Toscane (19 octobre)[54].

 

Décision de Philippe V

Pendant cette fiévreuse négociation tout s’était décidé. Le 17 octobre, le Père Daubenton appela le marquis de Nancré à l’Escurial où le Roi venait d’arriver dans un état d’esprit qui autorisait quelque espoir de l’ébranler. Alberoni et le confesseur s’en flattaient, Nancré se l’entendit répéter par le cardinal pendant un entretien qui dura sept heures, après quoi il n’en douta plus ; la journée entière du 18 y passa. Le 19, tandis que Dubois minutait sa dépêche, Philippe V, respectueusement circonvenu par les deux prêtres qui gouvernaient sa conscience et son royaume, se laissa impressionner par leurs arguments et Daubenton envoya un billet à Nancré pour l’avertir du succès. Le Roi acceptait tout. Le lendemain matin, 20 octobre, le Roi repoussait toutes les offres et, à peine levé, partait pour la chasse. Il avait couché avec la Reine et le P. Daubenton ajoutait avec dépit : « Le prie-Dieu, cette fois, n’a pas été de force avec l’alcôve. »

 

Départ de Nancré

Au moment de monter dans son carrosse, Philippe aperçut Nancré qui fit quelques pas vers lui. Le Roi et la Reine étaient en habits de chasse, « le Roi avec le visage d’un homme qui avait peine à se modérer, et la Reine avec celui d’une personne qui s’applaudissait de ce qui allait se passer. » Lorsque Nancré eut terminé son compliment, — c était une audience de congé , il s’entendit dire ces mots : « Il est bien étonnant qu’après ce que la France a fait pour me maintenir sur le trône d’Espagne en s’épuisant d’hommes et d’argent, M. le duc d’Orléans soit entré dans des mesures capables de causer la ruine des deux couronnes. Lorsqu’il me presse de concourir au projet de pacification élaboré par les puissances, il ne réfléchit pas apparemment qu’il contient des conditions que je ne puis admettre[55]. » Le ton sur lequel ces paroles furent prononcées était aigre et dur, le Roi répétait une leçon apprise et pendant ce temps, Nancré observa sur les lèvres de la Reine un sourire « que je qualifierais de malin, dit-il, si le respect me le permettait ». Nancré quitta Madrid le 2 novembre, le colonel Stanhope le 17, Lascaris suivit : Au même moment le roi d’Espagne retirait ses ambassadeurs Villamayor, de Turin, et Montéleon, de Londres. L’accession du roi de Sardaigne au traite enlevait au roi d’Espagne toute espérance de posséder cette île. De toutes parts on voyait la guerre s’approcher inévitable. L’Angleterre allait débattre la question dans son Parlement, l’Empereur pressait le Régent de se déclarer et l’embarrassait fort, l’attitude de l’Espagne dissiperait ses dernières répugnances.

 

Déclaration aux négociants français établis en Espagne

Le 8 novembre, Alberoni écrivant à Cellamare lui annonçait que le roi d’Espagne préférait la mort au déshonneur et saurait résister au ministère de Londres qui, composé de quatre coquins, énonçait la prétention de tailler le monde par pièces et morceaux et de le répartir à sa fantaisie[56]. Le 9, Philippe publiait une Déclaration aux négociants français établis en Espagne. « Des personnes mal intentionnées avoient, disait-il, affecté depuis quelques jours d’insinuer à ces négociants qu’ils devaient penser à mettre au plus tôt leurs effets en sûreté, voulant leur faire entendre qu’il y aurait dans peu de temps une rupture entre la France et l’Espagne. Ceux qui répandaient ces appréhensions avaient pour but de troubler la paix et de rompre l’étroite union que la divine Providence avait ménagée entre ces deux nations, non seulement pour leur félicité mutuelle, mais aussi pour la tranquillité de l’Europe ; souhaitant de faire connaître publiquement la sincérité de ses intentions et de rassurer les négociants français contre ces fausses alarmes, Sa Majesté Catholique voulait bien leur déclarer qu’on ne confisquerait leurs biens en quelque lieu de la monarchie qu’ils pussent être ; si, contre l’attente de S. M. C., il arrivait dans la suite qu’on la forçât à prendre ce parti, Elle leur donnait sa parole royale qu’Elle leur accorderait auparavant une année entière pour assembler et transporter leurs effets où bon leur semblerait, de quelque nature qu’ils fussent ! si, ce terme étant expiré, quelques uns d’entre eux voulaient rester dans les royaumes de S. M. C. Elle leur promet tait de les y laisser vivre avec toute la tranquillité et toute la sûreté qu’ils pourraient désirer, et de contribuer même autant qu’il serait possible à leurs avantages ; Elle avait d’autant plus de raison de les traiter avec bonté qu’Elle était persuadée que quand même on se porterait à lui déclarer la guerre, on ne pourrait jamais imputer un événement si peu attendu et ses funestes conséquences à une nation à qui S. M. G. était si chère et qu’elle devait chérir par tant de titres, n’étant pas possible que Sa dite Majesté oubliât qu'Elle était née dans le sein de la France, qu’elle devait aux Français son éducation, et que, conjointement avec ses fidèles sujets, la nation française avait prodigué son sang et ses biens pour maintenir Sa Majesté Catholique sur le trône d’Espagne[57]. »

 

Discours du trône de Georges

Cette fois Alberoni avait trouvé l’endroit sensible : la guerre ! Toute guerre n’étant pour le peuple anglais qu’un placement commercial. Avertir les négociants français qu’ils allaient pouvoir supplanter leurs rivaux d’Angleterre était hardi et pouvait devenir funeste. Quelques banqueroutes retentissantes avaient alarmé la Cité, mais Stanhope manœuvrait l’opinion publique et achetait les députés en vue de la prochaine session[58]. La Compagnie des mers du Sud l’y aidait efficacement en faisant miroiter de riches compensations mises à portée du commerce anglais[59]. La session s’ouvrit à Westminster le 11 (22) novembre 1718. Georges Ier exposa dans le discours du trône les grands travaux diplomatiques de son gouvernement. Il avait conclu des alliances avec les grandes puissances de l’Europe de manière à rendre inutiles les entreprises des ennemis de la paix. « Pendant tout le cours des négociations on avait eu des égards particuliers pour les intérêts de l’Espagne et on avait stipulé en faveur du Roi Catholique des conditions plus favorables que celles sur lesquelles il avait insisté lors de la négociation d’Utrecht ; mais ce prince ayant voulu profiter de la guerre de Hongrie pour attaquer l’Empereur, et ayant espéré depuis pouvoir causer en France et en Angleterre tant de troubles que ces deux puissances ne seraient pas en état de soutenir les dispositions les plus essentielles des traités d’Utrecht, qui avaient pourvu à ce que les grandes monarchies de l’Europe ne fussent jamais réunies sous un seul souverain, il avait persisté dans cette violation manifeste de la paix, et avait rejeté toutes les propositions amiables que le roi de la Grande-Bretagne lui avait faites. » Après avoir fait l’énumération de ses griefs contre l'Espagne, Georges Ier terminait en disant « que le Régent de France concourrait et entrerait avec l’Angleterre dans les mesures les plus vigoureuses[60]. » — « Je jouerai, avait-il dit, bon jeu bon argent. Quand le Roy trouvera à propos de déclarer la guerre, je la déclarerai aussi, nous sommes trop avances dans cette affaire ici pour songer à reculer[61]. » Ce discours du tronc, ouvrage de Stanhope, montrait à l’Angleterre une entreprise a gros bénéfices avec la collaboration de la France, celle-ci prenant pour elle les risques et dépenses. Depuis qu’un ministre entreprenant avait galvanisé l’énergie d’un peuple capable jadis de grandes actions sur les mers et dans les colonies, l’Angleterre cessant de dédaigner un rival dont les circonstances levaient faire un adversaire, se décidait à le combattre afin de l’abattre. Elle sentait trop bien son propre intérêt en jeu pour reprocher à son Roi des préoccupations hanovriennes. Sur ce terrain, l’opposition était battue sans combat et dut réduire ses griefs a des réclamations ; elle se plaignit du retard apporte a la communication du traité de la Quadruple Alliance au Parlement ce qui avait permis de livrer la bataille de Passaro avant approbation du traité en vertu duquel cette opération avait été tentée[62]. Stanhope et Craggs donnèrent lecture du traité l’un devant ses Pairs, l’autre aux Communes ; aux premiers mots du texte latin, les opposants réclamèrent une traduction, mais Craggs les malmena et ils n’insistèrent point. Walpole attaqua Stanhope ; on ne l’é couta point[63]. Le cabinet remporta un éclatant triomphe et l’adresse remercia le Roi « de son tendre soin pour le commerce »» et lui promit le soutien le plus efficace « par rapport a toutes les mesures que sa grande sagesse jugerait nécessaire pour arrêter l’accroissement de cette puissance navale qui pourrait autrement avoir des suites dangereuses pour le commerce de ce royaume[64].

 

Insistance de lord Stair

Cette adresse ressemblait tellement une déclaration de guerre, que Craggs se crut autorisé à écrire à Dubois : « A présent, j’ose hardiment vous demander le jour et l’heure que S. A. R. souhaite que le Roi déclare la guerre à l’Espagne. Milord Stair lui aura déjà fait la proposition, et S. M., qui ne veut lui disputer que des marques d’amitié et de déférence, lui en laisse le choix. Je regarde cette déclaration de guerre comme le seul moyen d’obtenir, non seulement la paix, mais cette réputation qu’il faut que les grands princes conservent dans le monde d’hommes fermes et d’observateurs religieux de leurs paroles et de leurs traités[65]. » En effet, lord Stair pressait le gouvernement français il y apportait cette rudesse, cette âpreté, cette insistance qui ne savaient ni lâcher prise ni donner relâche, allant toujours devant lui, ne voyant que son but britannique, soupçonneux, indifférent aux embarras des autres, n’y croyant même pas[66]. Dubois avait tout promis et maintenant temporisait, découvrait des difficultés qui se chiffraient par autant de retards, invoquait la nécessité de prendre « des mesures si justes » avec ceux qui composaient le Conseil de Régence que la proposition ne rencontrât aucun obstacle[67]. Stair affectait des soupçons que peut-être il éprouvait, tant était vive sa susceptibilité du moment où il voyait en jeu les intérêts de l’Angleterre.

 

L’opinion en France

Dubois ne manquait pas de motifs d’atermoiement. L’opinion, en France, était très loin de partager la passion soudaine qui soulevait contre l’Espagne l’esprit public en Angleterre. Ce qu’elle apercevait clairement c’était le caractère commercial d’un conflit qui ne mettait pas son commerce à elle et ses intérêts en péril si l’Espagne triomphait dans la lutte, parce qu’alors même elle ne pourrait lui porter ombrage, tandis que le triomphe de l’Angleterre pouvait avoir pour résultat l’asservissement de tous les états de terre ferme à l’Angleterre. Il ne manquait pas, en France, d’esprits solides pour entrevoir ce qui pouvait sortir de la politique des alliances qui, après avoir détaché le royaume de l’Espagne-pour l’amener au parti de l’Angleterre et de l’Empereur, se trouvait au moment de jeter la France contre l’Espagne pour le seul avantage de l’Empereur et de l'Angleterre. L’avènement de Dubois et le triomphe du Régent étaient de dates trop récentes pour que l’enivrement du succès eut produit cet endurcissement qui est l’œuvre du temps. La monarchie absolue tempérée par des chansons ou par des épigrammes était obligée, quoiqu’elle en eût, de compter avec une opposition encore informe mais réelle. Déjà, vers la fin du règne précédent, Torcy connaissait « la nécessité de convaincre les peuples qu'on ne vient à l’extrémité de la guerre qu’après avoir employé tous les autres moyens[68] » ; Dubois et le Régent ne se sentaient pas de taille, plus que Louis XIV finissant, à braver l’opinion et Dubois s’essayait à découvrir les formules qui pouvaient la séduire et l’entraîner, puisqu’il fallait renoncer à la contraindre. On peut croire qu’il n’épargna pas à Stair, dans leurs entretiens, des considérations dans le genre de celle-ci que le Régent transcrivit de sa main : « Quoique l’autorité que la Providence à confiée aux Rois, les dispense de la nécessité imposée aux autres hommes de rendre compte des motifs de leur résolution, il est des circonstances qui ne permettent pas aux souverains de se séparer de la loi commune. Il ne suffit pas que leurs actions soient au-dessus du jugement de la multitude, il faut encore que la justice en soit universellement reconnue[69]. »

 

Atermoiements de Dubois

Mais Stair n’écoutait rien, déclarait que tout retard était dangereux et voulait que le Régent choisit le même jour que le roi de la Grande-Bretagne, — 19 décembre[70] — pour déclarer la guerre à Philippe V. Après beaucoup de paroles, le Régent gagnait un répit de huit jours[71]. Dubois répugnait un peu plus chaque jour à cette guerre qu’il eut voulu maintenant éviter. A l’école du pouvoir ses idées se modifiaient. Plus il se passionnait pour l’autorité souveraine, plus il appréhendait l’événement chétif let imprévu qui pourrait l’en précipiter. Une seule garantie s’offrait à lui qui l’eut rendu intangible, capable d’affronter les cabales, les intrigues, les calomnies, les ambitions intéressées à sa chute : le cardinalat. L’amitié de l’Espagne pouvait l’y conduire, dès lors il appréhendait les longs ressentiments qu’une guerre laisserait après elle. De Londres, Montéleon lui indiquait les moyens de ne pas s’aliéner le Roi Catholique et d’amener un fructueux rapprochement[72] ; mais trop tard, « l’abbé était lié[73] » et Stair le tenait de court.

 

Dépit de Stair

Pour préparer l’opinion et endoctriner le Conseil, Dubois demandait deux mois ;, il rabattit son exigence à un mois, Stair bondissait, s’emportait ; mais, surtout, en apprenant que le Régent ne se contentait plus du répit de huit jours, il perdait toute mesure, écrivait à Dubois : « Je veux bien croire que vos raisons qui ont porté S. A. R. à changer de sentiment depuis que j’ai eu l’honneur de la voir à midi, sont fortes. Comme je ne les sais pas, je continue à être persuadé que ce délai de déclarer la guerre à l’Espagne peut avoir plusieurs mauvaises conséquences de plus d’une espèce ; et je suis trop bon serviteur de M. le duc d’Orléans pour ne pas le dire comme je le pense. Après cela, vous ferez telle réponse à ma lettre que vous jugerez à propos, je l’enverrai en Angleterre, comme n’y ayant nulle part, et je me lave les mains des mauvaises conséquences que cela pourrait avoir[74]. »

Cela fait, Stair écrivit à Stanhope : « Milord, le chapeau de cardinal a tout à fait tourné la tête à notre pauvre ami l’abbé. Il paraît entièrement livré aux gens qu’il croit en état de le lui faire avoir le plus promptement, au point qu’il paraît n’agir que selon leurs vues ; et comme ces gens sont ennemis jurez de notre traité et de notre système, je le trouve depuis quelque temps obstinément et avec passion contraire à tous les points qui peuvent faciliter l’exécution de notre traité. Vous avez su qu’il a soutenu hautement à moi en face que le Régent n’était du tout obligé par le traité à déclarer la guerre contre l’Espagne.

« Il a fait tout ce qu’il a dépendu de lui pour faire échouer la convention avec les Hollandais.

« En dernier lieu, il avait persuadé à S. A. R. de ne point fixer de terme pour la déclaration de guerre contre l’Espagne ; et quand j’avais porté le Régent à fixer un terme, il est tombé dans tous les emportements imaginables. En suite il a fait tout son possible pour reculer ce terme. Je l’ai fixé aujourd’hui avec S. A. R., à deux heures après-midi, à trois semaines pour la déclaration de la [guerre]. Il vient encore de faire changer S. A. R. cet après-midi ; et il remet le terme à un mois.

« Je vous avoue que depuis quelques temps je ne saurais croire sa conduite par rapport aux affaires du Nord, plus nette. Il évite tant qu’il peut de m’en parler, je ne suis point du tout édifié de ce qu’il me dit.

« Si vous me demandez ce qui aura pu produire un changement si extraordinaire, je vous avoue que je ne sais rien hors de son tempérament peureux et le désir démesuré qu’il a d’être cardinal[75]. »

 

Raisons de Dubois

Dubois était trop coutumier des méthodes de lord Stair pour s’en laisser émouvoir ; il voulait un mois de répit et n’accordait rien à l’ambassadeur[76]. A Craggs, il exposait les motifs de cette exigence, c’étaient la composition du Conseil de Régence, la nécessité d’attendre la sortie d’Espagne du duc de Saint-Aignan et le renvoi du prince de Cellamare, le besoin d’obtenir une déclaration favorable des États de Hollande et le délai indispensable à la rédaction des manifestes et mémoires destinés à former l’opinion publique[77]. Ces raisons, qui passaient par les mains de Stair, n’ayant pas le don de le satisfaire, il alla « jusqu’à s’emporter à des injures », et Dubois, perdant patience, demanda à Stanhope le rappel de ce goujat[78] dont les suspicions étaient d’autant plus déplacées que ni le Régent ni son ministre ne cherchaient à éluder les conséquences des engagements pris. Plus en confiance avec Stanhope, Dubois lui livrait le fond de sa pensée : « Il est à souhaiter qu’on laisse une porte ouverte à l’accession de l’Espagne, et que nous ne favorisions pas l’envie que l’Empereur aurait de disposer au pied de la lettre incessamment des États de Parme et de Toscane, ce qui véritablement serait de son intérêt, mais serait fort contraire à celui des autres alliés et à la paix qui est l’objet principal du traité. Si les États-Généraux accèdent, nous pourrons nous servir du tour qu’on peut donner à la demande qu’ils seront en droit de faire qu’on accorde encore trois mois à l’Espagne[79]. »

 

Violente conduite de Philippe V

Pendant que le gouvernement français cherchait tous les moyens de sauvegarder les intérêts du roi d’Espagne, il ne se trouvait guère payé de retour. Notre ambassadeur à Madrid retardait de jour en jour son départ dont la signification équivaudrait à une rupture. Philippe V fit signifier le samedi 10 décembre à M. de Saint-Aignan de quitter Madrid dans les quarante-huit heures et l’Espagne dans un délai de douze jours ; il lui interdisait en outre de s’arrêter pendant son voyage sous aucun prétexte, y compris celui de maladie[80]. Le jésuite français Daubenton se chargea de transmettre ces ordres à l’ambassadeur de son pays et ne sut que répondre lorsque Saint-Aignan réclama un ordre écrit. Il fallut céder et Alberoni donna ordre à un exempt des gardes du corps « de prendre un détachement nombreux pour se saisir de la personne de notre envoyé et de le faire sortir de Madrid de gré on de force[81]. » En conséquence, le 12 décembre, sur les sept heures du matin, l’hôtel de l’ambassade de France fut investi, l'appartement de l’ambassadeur cerné ne s’ouvrit que devant un exempt qui força l’ambassadeur et sa femme à s’habiller et à décamper en toute hâte[82].

 

La guerre prochaine et inévitable

Un tel procédé eut suffi à justifier la rupture de la part de la France qui avait à se plaindre gravement des intrigues entretenues par le prince de Cellamare. L’abbé Dubois n’avait eu aucun besoin d’apprendre en Angleterre l’art de faire paraître une conspiration prête à éclater pour obtenir de gros subsides du Parlement, et de transporter cette méthode à Paris, son étoile lui procurait à l’instant décisif « la découverte de la trame et des intrigues de l’ambassadeur d’Espagne après laquelle on oserait point s’opposer à la guerre[83]. » Mais déjà les esprits se familiarisaient avec la pensée d’une guerre contre l’Espagne. Le 6 novembre, Dangeau note dans son Journal les fréquentes audiences que donne le Régent au duc de Berwick, « et on croit, ajoute-t-il, que ce sera lui qui commandera le corps de troupes qu’on veut faire avancer sur nos frontières du côté de l’Espagne, On croit que M. le Duc demandera à être généralissime de cette armée, si on la fait entrer en action », ... et deux jours après : « On parle toujours fort de faire marcher une armée vers les Pyrénées, et à nommer l’intendant, le commandant d’artillerie et tout l’état-major[84]. » Déjà les officiers sollicitent de faire partie de cette armée, les courtisans les plus favorables à l’Espagne, Villeroy, Rohan, demandent que leurs fils y soient employés[85]. Sur ces entrefaites on assistait avec surprise à une sorte de levée de fraudeurs armés, contrebandiers qui, sous le nom de faux-sauniers, transportaient le sel et le vendaient à vil prix.

« Ces faux-sauniers, dit Saint-Simon, grossissaient sans cesse, et le gouvernement commençait à bien sentir que le faux-saunage, quoique effectif n’était que le prétexte d’autres desseins[86]. » L’avocat Barbier ne doutera plus bientôt que ce « sont des officiers qui ont servi pendant quinze ans, troupes envoyées par le cardinal Alberoni pour faire quelque coup[87]. » En Champagne, en Picardie, on en signale plus de cinq mille[88], si bien que « l’affaire devient sérieuse[89] et on envoie d’assez gros effectifs contre eux[90]. »

Ainsi, tous les symptômes se réunissaient pour montrer la guerre inévitable et imminente ; il fallait, dès lors, y pourvoir et créer des ressources et cependant la dépense excédait les recettes de vingt-cinq millions. Quel remède au mal ? On n’en apercevait qu’un seul : remettre aux mains du financier Law la fortune de l’État. Le 14 décembre 1718, la banque Law devint banque royale. Le trésor de guerre était créé, l’argent afflua.

 

 

 



[1] Bibl. nat., Fonds Clairambault, t. 664, fol. 663.

[2] Ibid., t. 664, fol. 671 et 675.

[3] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 393 ; 24 septembre 1718.

[4] Fonds Clairambault, t. 664, fol. 661.

[5] Pays d’États : Languedoc, haut et bas ; Provence ; Bourgogne, Bresse, Bugey et Valromey ; Bretagne ; Navarre, Béarn, Bigorre et Nebouzan ; comte de Foix et Roussillon ; Flandre et Hainaut divisés en deux intendances, quoique compris dans la généralité de Lille. Provinces et généralités de Picardie ;Artois et Boulonnais ; Guyenne, haute et basse, jusqu’à Fontarabie, ce qui comprenait les intendances de Bordeaux, Montauban et Auch ; Moulins, qui comprenait le Bourbonnais, le Nivernais et la haute Marche ; Touraine, Maine, Anjou et le comté de Laval, qui composaient la généralité de Tours ; Auvergne, généralité de Riom ; Normandie, qui comprenait les généralités de Rouen, Caen et Alençon, avec la partie du pays de Perche qui dépendait de cette dernière généralité.

[6] C’est-à-dire les provinces et généralités de Paris (Ile-de-France et partie de la Brie), Soissons, Orléans, avec la partie du pays du Perche qui en dépendait, Berry, Poitou, Limoges, qui comprenait l’Angoumois et la basse Marche, la Rochelle, qui comprenait la Saintonge, les pays d’Aunis, Brouage, les îles de Ré et d’Oléron.

[7] C'est-à-dire les provinces et généralités de Metz, Toul et Verdun, la Lorraine et le Barrois, l’Alsace y compris Strasbourg, la Franche-Comté, le Dauphiné, la Champagne et la partie de la Brie dépendant de la généralité de Châlons, la ville et généralité de Lyon et la souveraineté de Sedan.

[8] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 393-394 ; 390 ; 25 septembre, 6 octobre 1718 ; J. Buvat, Journal de la Régence, t. I, p. 331-332.

[9] J. Buvat, Journal, t. I, p. 332 ; Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 399 : « Tous en tirèrent pied ou aile, chacun à sa façon. »

[10] Madame à la raugrave Louise, 27 septembre 1718, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 4

[11] Bibl. Mazarine, ms. 2354, Vie de Dubois [par Le Dran], fol. 102, P. Bliard, Dubois, cardinal et premier ministre, t. I, p. 383.

[12] Relation des réjouissances faites dans la ville de Brive... au sujet de l’élévation de Mgr. l’abbé Dubois à la charge de secrétaire d'Etat pour les affaires étrangères, dans De Seilhac, L'abbé Dubois, t. II, p. 227.

[13] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair et lord Stanhope à Craggs, 25 septembre 1718.

[14] Lémontey, Histoire de la Régence, 1832, t. I, p. 154.

[15] Sévelinges, Mémoires secrets du cardinal Dubois, in-8°, Paris, 1815, t. I, p. 243, suivantes, lettre datée du 1er octobre 1718.

[16] Dubois à Stanhope, 14 octobre 1718 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 247 ; Lémontey, op. cit., t. I, p. 154.

[17] Bibl. de l'Ecole Sainte Geneviève ; Anecdotes sur l’élévation de Dubois, III, fol. 10.

[18] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 310, fol. 43, suivants. Dubois à Craggs, 14 octobre 1718.

[19] J. Du Hamel de Breuil, Le mariage du Prétendant, 1719, dans Revue d’histoire diplomatique, 1895, t. IX, p. 53-96.

[20] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XVI, p. 107.

[21] D. Von Schonherr, Die Heirat Jakobs III von England und die Entfuhrung seiner Braut aus Innsbruck, in-8°, Innsbruck, p. 4, 5.

[22] Encore visible dans le vieil Innsbruck.

[23] Von Schonherr, Die Heirat Jakobs III, p. 8.

[24] Arch. de Vienne, Pro Memoria de l’Ambassadeur d’Angleterre, Vienne, 9 décembre 1718.

[25] Weber, Die Quadrupel Allianz vom Jahre 1718, p. 85, 86.

[26] Lémontey, op. cit., t. I, p. 144.

[27] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair à Craggs, Paris, 29septembre 1718 ; Arch. des Aff. Etrang., Turin, t. 133, fol. 202 : De Vrye à Louis XV, 29 octobre 1718, Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. XIII. A : lord Stair à Craggs, Paris 24 octobre ; lord Stair à Stanhope, 24 octobre ; lord Stair à Craggs, 18 novembre 1718.

[28] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 219 : Dubois (neveu) à l’abbé Dubois, 28 avril 1718.

[29] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 198 : Dubois à Nocé, 30 mai 1718.

[30] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 138 : Dubois (neveu) à l’abbé Dubois, 22 avril 1718.

[31] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 238 : Dubois à Nocé, 20 avril 1718.

[32] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 179 : Dubois à Nocé, juillet 1718.

[33] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 129 : lord Stair à Dubois, 19 mai 1718 : ibid., t. 320, fol. 179 : Dubois à Nocé, 13 juillet 1718.

[34] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 335, (non folioté) : Morville à Louis XV, 6 janvier 1719.

[35] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 272, fol. 358 : Le Régent à Saint-Aignan, 4 septembre 1718.

[36] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 273, fol. 118 : Nancré à d’Huxelles, 26 septembre 1718.

[37] Alberoni à Rocca, 12 septembre 1718, dans Lettres intimes, édit. E. Bourgeois, p. 602-603.

[38] Bibl. nat., ms. franç. 10670-10672, Mémoires inédits de Torcy, t. III, p. 419.

[39] Bibl. nat., ms. franç. 10670-10672, Mémoires inédits de Torcy, t. III, p. 285.

[40] Lettre du duc de Saint-Aignan, 17 septembre 1718, dans Lémontey, op. cit., t. I, p. 151.

[41] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 142, octobre 1718 ; Arch. de Vienne, Rapport de Koenigsegg, Paris, 17 septembre 1718, Weber, op. cit., p. 84.

[42] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair à Craggs, Paris, 5 octobre 1718.

[43] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair à lord Stanhope, Paris, 5 octobre 1718.

[44] Public Record Office, France, vol. 352 : Dubois à lord Stair, Paris, 5 octobre 1718.

[45] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 310, fol. 73, Chammorel à Dubois, Londres, 10 octobre 1718.

[46] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair au colonel W. Stanhope, Paris 18 octobre 1718.

[47] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 373, fol. 162, 172, 187 : Nancré à Dubois, Nancré au Régent, le Régent à Nancré, 10, 15 et 19 octobre 1718.

[48] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 10 octobre 1718.

[49] Alberoni à Rocca, 10 octobre 1718, dans Lettres intimes, édit. E. Bourgeois, p. 607.

[50] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 273 : Nancré au Régent, 5 octobre 1718.

[51] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 142, fol. 6 : Dubois à Stanhope, 14 octobre 1718.

[52] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 273 : fol. 262 : Nancré au Régent, 24 octobre 1718.

[53] Public Record Office, France, vol. 352 : Stair au col. Stanhope, 26 octobre 1718 ; Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 310, fol. 31, 33 ; Dubois à Stanhope et Dubois à Destouches, 4 octobre ; Arch. de Vienne, Dépêche de Koenigsegg à sa Cour, 19 octobre 1718.

[54] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 273, fol. 172 : Dubois à Nancré, 19 octobre 1718.

[55] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 273, fol. 268 : Nancré au Régent, 24 octobre 1718.

[56] Weber, Die Quadrupel Allianz vom Jahre 1718, p. 89.

[57] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 142.

[58] Brit. Mus. ms. add. 20295 : le cardinal Gualterio à Jacques III, 20 décembre 1718 : les ministres anglais avaient, dit-il, payé à leurs partisans six mois d’avance des pensions qu’ils leur allouaient, avec promesse de leur payer le reste à la fin de la session.

[59] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 310, fol. 144 : Chammorel à Dubois, 21 octobre 1718.

[60] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 142, fol. 31 ; Arch. des Aff. Etrang., t. 311, fol. 56 : Destouches à Dubois, 23 novembre 1718.

[61] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair à Craggs, Paris, 8 novembre 1718.

[62] Conduite des cours d’Espagne, de la Grande-Bretagne, publié par Brunet, in-8°, Amsterdam, 1720, p. 249-254.

[63] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre t. 311, fol. 57-58 : Destouches à Dubois, 23 novembre 1718 ; W. Coxe, Memoirs of Robert Walpole, t. I, p. 115.

[64] Conduite des cours d’Espagne et de la Grande-Bretagne, p. 257-259.

[65] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 142, fol. 35 : Craggs à Dubois, 28 novembre 1718.

[66] L. Wiesener, Le Régent, l’abbé Dubois et les Anglais, in-8°, Paris, 1893, t. II, p. 287.

[67] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 142, fol. 35, Dubois à Craggs, 29 novembre 1718 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 260.

[68] A. Baschet, Histoire du dépôt des Archives des Affaires étrangères, in-8°, Paris, 1875.

[69] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 273, fol. 313-344 : Projet de manifeste sur les sujets de rupture entre la France et l’Espagne.

[70] Vieux style ; 30 décembre, nouveau style.

[71] Public Record Office, France, t. 352 : lord Stair à Dubois, 19 (= 30) décembre 1718.

[72] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 310, fol. 59 : Destouches à Dubois, 16 octobre 1718.

[73] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 457, fol. 19-20 ; Chavigny, Mémoires inédits sur les Négociations.

[74] Public Record Office, France, vol. 352 : Stair à Dubois, Paris 4 décembre 1718.

[75] Public Record Office, France, vol. 352 : Stair à Stanhope, Paris, 4 décembre 1718.

[76] Public Record Office, France, vol. 352 : Dubois à lord Stair, 5 décembre 1718.

[77] Sévelinges, Mémoires et correspondance, t. I, p. 262.

[78] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 311, fol. 82, 89, 96 : Dubois à Stair, à Craggs, à Stanhope, 5, 7 et 7 décembre 1718.

[79] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 142, fol. 40 : Dubois à Stanhope, 7 décembre 1718.

[80] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 275, fol. 48 : Saint-Aignan à Dubois, 13 décembre 1718.

[81] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 275, fol. 48 : Saint-Aignan à Dubois, 13 décembre 1718.

[82] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 275, fol. 140 : Saint-Aignan à Dubois, 22 décembre 1718.

[83] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 311, fol. 140 : Dubois à Destouches, 14 décembre 1718.

[84] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 414 ; 6 et 8 novembre 1718.

[85] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair à Craggs, Paris, 8 novembre 1718.

[86] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 411.

[87] Barbier, Journal, t. I, p. 20-21.

[88] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 410, 29 octobre.

[89] Gazette de la Régence, p. 290.

[90] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 410, 412, 424, 439 : Gazette de la Régence, p. 291.