HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME PREMIER

 

CHAPITRE XX. — Fluctuations du Régent (31 décembre 1717 - 18 juin 1718).

 

 

Conseil privé à Vienne. — Dispositions du Régent. — Restitution de Gibraltar — Réflexions d’Alberoni. — Le projet définitif de Stanhope. — Mission de Schaub à Paris. — Discussions. — Accord sur tous les points. — Schaub part pour Vienne. — Le prince Eugène. — Victor-Amédée. — Acquiescement de l’Empereur. — Mission de Nancré en Espagne. — Il se lie à Alberoni et trompe Dubois. — Les signataires de la Quadruple Alliance remplis de satisfaction et de confiance. — Le mécontentement italien. — Les démarches tentées. — La volonté de faire la guerre. — Alberoni et l'Angleterre. — Sa confiance dans les jacobites. — Retour offensif de la vieille Cour. — Désaveu de la diplomatie secrète. — Découragement de Dubois. — Ses projets d’avenir. — Retour à Paris de Schaub. — Triomphe de la vieille Cour.

 

Conseil privé à Vienne

A l’heure même où l'abbé Dubois rentrait à Londres, l’Empereur réunissait à Vienne le Conseil privé afin d’examiner la situation telle qu’elle résultait du rapport de Pendtenriedter et des dépêches de Kœnigsegg. Elle était peu satisfaisante. L’Angleterre s’était dérobée à une alliance offensive contre l’Espagne et s'était abstenue de toute intervention lors de l’attaque de la Sardaigne. La Hollande se montrait, s’il était possible, plus réservée encore. La France était hésitante et ses accointances avec l’Espagne étaient connues. Les pays du Nord n'offraient pas plus de satisfaction ; un accord entre la Russie et la Suède paraissait imminent, enfin la guerre avec les Turcs pouvait se prolonger longtemps encore. Dès lors, il n’y avait pas lieu de se montrer trop strict ni trop condescendant. Si Philippe V consentait à reconnaître, le premier, le titré d'empereur de Charles VI, celui-ci accorderait sa renonciation à l'Espagne, mais jamais il ne livrerait la Toscane à un prince de la maison de Bourbon[1].

 

Dispositions du Régent

Ces concessions n'étaient pas suffisantes pour permettre une marche active des négociations. Dubois l’eût souhaité, car le climat et la cuisine de Londres lui étaient funestes. Stanhope, non moins impatient de conclure, mais pour d’autres motifs, sentait la nécessité d’admettre les conditions du Régent dont il ne se départirait à aucun prix, il imaginait donc une solution à l’insoluble problème de la Toscane par le démembrement du grand-duché dont Florence demeurerait la capitale et duquel on détacherait Pise et Livourne[2]. Mais le duc d’Orléans se faisait, de bonne foi, le défenseur de son cousin. « On commence, écrivait-il, à prendre de force à l'Espagne la Sardaigne, et elle pourra dire qu’on ne lui offre rien que ce qu’elle a naturellement par le traité d’Utrecht. Quelle apparence que le cardinal Alberoni, du caractère dont on sait qu’il est, qu’il n’a songé qu’à troubler l’Europe par la guerre, veuille confirmer les Renonciations, sans en tirer aucun avantage que d’avoir eu l’affront de voir échouer sa levée de boucliers ? Faudra-t-il faire des hostilités contre le roi d’Espagne pour lui rendre la Sardaigne[3] ? » Et à propos de la partialité de l’Angleterre pour l’Empereur, il disait : Toute difficulté serait levée s’il paraissait plus d’égalité. Je sais bien que mon intérêt personnel ne s’oppose point à cette inégalité, et que c’est une espèce de pierre de touche pour connaître mes amis tant au dedans qu’au dehors. Mais je suis Régent de France, et je dois me conduire de façon qu’on ne puisse pas me reprocher de n’avoir songé qu’à moi.

 

Restitution de Gibraltar

« Je dois aussi des ménagements aux Espagnols que je révolterais entièrement par un traitement inégal avec l’Empereur, auquel leur gloire et l'honneur de leur monarchie les rendraient très sensibles. Par là, je les réunirais à Alberoni, au lieu que s’il fallait une guerre pour l’amener à notre point, il faudrait qu’on pût dire ce que le comte de Gramont disait au Roi : « Dans le temps que nous servions Votre Majesté contre le cardinal Mazarin. » Alors les Espagnols même nous aideraient[4]. » Une autre marque d’intérêt donnée à l’Espagne avait été soulevée à Londres, par Dubois, dès le mois de novembre 1717 et ne tendait à rien moins qu'à la restitution de Gibraltar à l’Espagne. Stanhope avait répondu « que si cela pouvait terminer cette affaire [de l’alliance], quoiqu’en faisant faire cette cession il risquât sa tête, il la tenterait et ne doutait pas de réussir[5]. » Toutefois il demandait le secret, même à l’égard du Régent, pour qui Dubois s’empressa de le violer. On ne peut douter que Gibraltar ne fut abordé au cours des entretiens pendant le voyage à Paris et, dès son retour à Londres, l’abbé ne renonça pas à jeter cette idée dans le chaos des négociations : « Si M. de Nancré va à Madrid, écrivait-il au Régent, il pourra parler de Gibraltar au cardinal[6]. » Il semble toutefois que, dans la pensée de Dubois, c’était là pure amusette, car lorsque Nancré lui demanda des instructions plus positives, Dubois répondit : « Vous ne devez point être en peine de l’article de Gibraltar, ni souhaiter pour cela aucune lettre du roi d’Angleterre qu’on n’a jamais eu l’intention de vous donner, ni aucune lettre de mylord Stanhope. Il suffira de dire au cardinal que Son Altesse Royale ne peut pas l’obtenir ou par échange ou par argent ou autrement. Elle ne le pressera pas d’accéder et l’en dispensera[7]. »

 

Réflexions d‘Alberoni

D'ailleurs Alberoni ne lâchait pas la proie pour l’ombre, et les Farnèse de Parme, ses maîtres, ne l’eussent pas permis. Tandis que Dubois jetait dans le débat le nom de Gibraltar, ceux-ci estimaient nécessaire de conquérir à la fois Naples, Livourne et Gênes et d’acheter Victor-Amédée sans lequel on ne pouvait rien entreprendre en Lombardie. Stimulé de la sorte, Alberoni déclarait dès le mois de décembre que l’Espagne disposerait au printemps d’une escadre de trente bons vaisseaux et d’un corps expéditionnaire de 20.000 hommes traînant à leur suite cent cinquante canons. Et le 31 janvier 1718, le cardinal écrivait, triomphant :

« Votre Altesse me presse d’entrer en campagne de bonne heure. Elle sera contente de moi, et l’Empereur obligé, au risque de perdre la péninsule, de faire passer des armées en Italie[8]. » Déjà cependant, certains symptômes l’avertissaient que la partie était compromise. Le Régent s’était tourné vers l’Angleterre et l’Empereur ; Victor-Amédée, trop circonspect pour s’allier à un gouvernement isolé, n’accorderait aucun concours à l’Espagne, la flotte anglaise avait quitté la Baltique pour rallier ses ports d’attache et y faire des préparatifs. Ces indices étaient assez peu rassurants pour qu’Alberoni donnât ce suprême avertissement à la Cour de Parme : « Pour votre gouverne, sachez que l’Espagne entrera seule en danse : car il est sûr que l’Empereur sera appuyé d’une flotte anglaise dans la Méditerranée[9]. »

 

Le projet définitif de Stanhope

L’Empereur s’était résigné à accepter les lignes principales du plan de Stanhope, modifié suivant les exigences du Régent.

De ceci il résultait que Charles VI renonçait définitivement à l'Espagne au profit des Bourbons et, après eux, de la maison de Savoie ; en retour, Philippe d’Orléans et Georges Ier s’engageaient par un article secret à le mettre en possession de la Sicile, que l’Espagne y consentît ou non. De son côté, l’Empereur promettait a un fils d’Élisabeth Farnèse l’expectative de la Toscane ; on lui accordait en échange, la séparation de Pise et Livourne formant une république vassale de l’Empire, tandis que la Toscane et Parme seraient déclarés fiefs impériaux[10]. Cette troisième et dernière rédaction de Stanhope, fut confié à un jeune Bâlois, nommé Schaub, ministre d’Angleterre à Vienne polir arracher l’adhésion de l’Empereur. On avait supprimé l’article prévoyant le retour, dans certaines éventualités, du duché de Parme au duc de Savoie, par contre, Pendtenriedter avait inutilement sollicité une alliance offensive contre l’Espagne et l’envoi d’une flotte anglaise dans la Méditerranée.

 

Mission de Schaub à Paris

Schaub arriva à Paris le 8 février, porteur du plan et d’une lettre de Stanhope à Stair, dans laquelle on lisait que le Régent verrait le soin apporté, relativement aux renonciations, « à donner toute la force possible à ses titres », et relativement à la Toscane à tenir compte de ses vues. « Je souhaite que nous ne soyons pas allés trop loin et qu’il soit possible d’obtenir de la Cour de Vienne de régler cet article, tel qu’il est proposé. Jusqu’ici nous n’avons-pas d’indication contraire. Ceci, j’en suis sûr, devra être pour le Régent une raison invincible d’apporter dans le reste du traité toutes les facilités qu’il pourra ; et si j’osais lui donner un conseil, il ferait bien de ne pas chercher à changer le texte, concernant Pise et Livourne[11]. » Stanhope faisait ensuite allusion à la disgrâce récente du chancelier Daguesseau et du duc de Noailles (28 janvier) qui avait transporté Dubois dans une sorte de joie frénétique[12]. Leur retraite ne laissait plus aux affaires qu’un seul membre du premier triumvirat de la Régence, le maréchal d’Huxelles, dont Stanhope souhaitait de même la disparition. Espérant, disait-il, que « S. A. R. continuerait à suivre son véritable intérêt et à témoigner moins d’égards et de ménagements à ceux qui, sous le spécieux prétexte de mettre ce traité plus au goût de l’Espagne, travaillent à établir les droits du roi par là sur la France et à priver le Régent de tout appui Etranger par la rupture de la présente négociation[13] ».

Du 8 au 18 février la lutte fut chaude entre d’Huxelles et Torcy d’une part, Schaub et Stair d’autre part. Schaub « batailla comme un grenadier » pour les intérêts de la Cour de Vienne[14] et rédigea une relation circonstanciée des discussions[15]. Le Régent y avait assisté et, parfois s’y était mêlé. Rien ne put le détourner de sa demande de la Toscane tout entière, outre Parme, pour les enfants d’Élisabeth Farnèse. Sans se laisser émouvoir par Schaub et par Stair qui déclarent tout perdu, le Régent leur répond que son intérêt lui conseille d’affaiblir la branche aînée des Bourbons, mais la nation française est hostile au traité projeté à moins d’avantages stipulés pour l’Espagne, à défaut de ces stipulations on dira qu’il sacrifie la branche aînée et le royaume à son propre intérêt. Si l’Espagne refuse la restitution de la Sardaigne et, pour cette raison, s’attire une guerre, il veut que sa conduite à lui soit approuvée des honnêtes gens. S’il traitait avec l’Empereur, il serait très fort, et en grand péril, au contraire, s’il ne traitait pas ; néanmoins il lui vaudrait mieux de manquer cette alliance que de perdre la confiance du royaume, que la plus solide alliance ne compenserait pas[16].

Un autre document rédigé par Schaub met le maréchal d’Huxelles et lord Stair en présence. Sans se lasser Stair et son collègue soutenaient que le Régent ne pouvant compter sur l’Espagne devait s’appuyer sur l’Empereur qui avait le même intérêt que Philippe d’Orléans et Georges Ier à la séparation des couronnes de France et d’Espagne. En conséquence, il fallait rédiger le traité de telle façon qu’il obtint l’agrément de Charles VI.

« Je vous entends, répliqua le maréchal, vous ne voulez vous mettre en peine que des avantages de l’Empereur, sous prétexte de sauver le Régent ; mais savez-vous bien que de faire un traité qui contraigne le Roy d’Espagne, c’est couper la gorge à S. A. R. Car si vous trouvez le moyen de mettre le roi Philippe mal à l'aise en Espagne, comme il n’a renoncé à la France que sous la condition de séparation des deux monarchies, rien n’empêche qu’il puisse revenir en ce royaume dès qu’il veut quitter l’Espagne ; et il faudra que le Régent lui fasse place comme au premier prince du sang.

« Sur quoi, Milord Stair prit la parole et dit au Régent : Je savais bien, Monseigneur, que de pareils discours se tenaient ici ; mais je ne savais pas qu’il y eût des gens assez hardis ou assez bons (sic), pour les tenir à V. A. R. en face. La séparation des deux monarchies était bien le motif des renonciations du roi Philippe sur la France, mais ce n’en est nullement la condition, elles ne sont conditionnées qu’à celles de l’Empereur. Du reste le roi d’Espagne a opté purement et simplement ; il a préféré le royaume d’Espagne à ses droits sur la France, et il faut qu’il s’y tienne. S’il y a des Français qui voulussent l’aider à revenir de son choix, nous sommes bien déterminés à y mettre jusqu’au dernier homme pour l’empêcher. Et il faudra qu’il nous détruise avant de débusquer V. A. R. Si ce que M. le maréchal a eu la bonté d’avancer était vrai, le roi d’Espagne n’aurait qu’à changer de royaume quand bon lui semblerait ; ou bien, comme il a plusieurs fils, il n’aurait qu’à envoyer l’un en France et laisser l’autre en Espagne. S’il n’y avait d’autre motif de faire le traité, cette doctrine seule devrait suffire pour le faire signer sur le champ à V. A. R. Et je pense qu’il n’y a plus qu’à passer à sa lecture[17]. »

 

Accord sur tous les points

Le maréchal se jeta dans des explications, pataugea et fit si bien qu’à la conférence du lendemain, 13 février, on omit de le convoquer. Il s’agissait de régler les articles secrets du traité ; le Régent hésitait encore lorsque Dubois lui manda que le cabinet de Londres n’imposait pas ses conditions de manière absolue. Aussitôt son parti fut pris, on raya l’article qui démembrait la Toscane ; on stipula le retour de la Sardaigne à l’Espagne après l’extinction de la maison de Savoie, enfin on supprima dans la renonciation de l’Empereur à l’Espagne les mots in perpetuum. En même temps, le Régent désireux de plaire à Georges Ier admit l’insertion d’une amnistie en faveur des Espagnols rebelles à Philippe V et le droit de la branche de Soissons, représentée par le prince Eugène, à succéder à la maison de Savoie.

On était d’accord sur tous les points, le Régent envoya à Dubois l’ordre de signer le traité à Londres, et donna, le soir même, audience à Schaub qui le pria, au nom du roi d’Angleterre, de renvoyer le maréchal d’Huxelles, trop attaché à l’Espagne[18]. Ils se séparèrent enchantés l’un de l’autre. Dubois avait averti le Régent que Schaub était « très désintéressé » ; néanmoins il accepterait en souvenir du prince « un petit diamant d’environ deux mille écus[19] ». Schaub ne cachait pas sa satisfaction « de la candeur et de la droiture de S. A. R. » et Dubois, radieux, s’écriait : Credidisti, Thoma, quia vidisti[20], souhaitant bon voyage et bon succès au négociateur qui partait, le 18 février, pour Vienne :

« Il n’y a qu’à prier Dieu qu’il bénisse votre mission ; car je ne crois pas que jamais apôtre, si catholique et si protestant qu’il soit, pourvu qu’il ne soit pas Romain, puisse faire un ouvrage plus agréable au Ciel que celui dont vous êtes chargé[21]. » Schaub avait apporté un si bel entrain à défendre la rédaction britannique favorable à l’Autriche, que certains appréhendèrent l’attitude qu’il aurait à Vienne, Dubois leur répondait « que la chaleur qu’il avait montrée pour l’Empereur ne tendait qu’à mettre les choses en état qu’il pût accepter le projet et que s’il avait paru impérialiste à Paris, il paraîtrait encore plus français à Vienne[22] » ; et, sur ce point, Dubois paraît avoir eu raison :

 

Projets personnels de Dubois

Entre le moment où l’accord s’était fait entre la France et l’Angleterre sur le troisième projet de Stanhope et celui où l’Empereur y avait donné son consentement, Dubois avait arrêté le programme de son ambition et préparé les moyens de le remplir. De Paris, Chavigny lui écrivait : « Hier j’ai eu audience de M. le Régent.

— « Oh ! m’a-t-il dit, l’abbé a bien de l’esprit et me sert bien ! »

Et comme, en parlant de vos envieux et de leurs intrigues, j’ajoutais que c’est sans doute votre esprit et votre zèle qui les offusquent, Son Altesse Royale a répondu :

— « Vous l’avez dit.

« Là dessus, M. de Nocé m’a appuyé et a fait merveille. Je suis persuadé, Monsieur, qu’à votre retour vous serez le maître absolu de cette Cour. J'ai causé aussi avec M. d’Argenson, qui m’a assuré de son dévouement pour vous, et qui m’a dit :

— « Oh ! M. l’abbé est bien avec le maître, ce qui s’appelle bien. Il peut avoir toutes les vues qu’il voudra[23]. »

Il n’en eut qu’une seule, dès lors, mais qui les réunissait toutes : être premier ministre. Les chicanes des bureaux, les manques d’égards de d’Huxelles le mettaient souvent dans une posture embarrassante et dans une ignorance périlleuse, Dubois comprit que sous peine d’être arrêté, retardé, entravé dans sa marche il devait se constituer son personnel à lui, en mesure et en état de rivaliser avec le ministère d’État. Il fit le siège de Torcy et le conquit par des prévenances et d’adroites flatteries, peut-être y ajouta-t-il des promesses à l’ancien secrétaire d’État qui rêvait de reprendre la direction des Affaires Etrangères. Il le consultait sur ses démarches et ses projets, lui soumettait ses brouillons, le priait de faire connaître les mots à employer[24] et obtenait en retour explications, dissertations, mémoires[25].

Torcy, par sa situation et son expérience, était à la fois un appui et un guide, l’homme « qui en savait plus que les autres[26] » ; loin derrière lui, mais encore en un bon rang, venaient nos représentants diplomatiques à l’Etranger. Afin de mettre la main sur les Affaires Etrangères, il importait à Dubois de changer le personnel attaché à la personne de d’Huxelles et disposé à suivre ses vues. La négociation de Londres lui avait fourni l’occasion de s’y substituer à M. d’Iberville, d’autres ambassadeurs seraient de même évincés. — À la Haye, M. de Châteauneuf paraissait faire cause commune avec les envoyés d’Alberoni, mais certainement il gardait rancune à l’abbé de la façon dont celui-ci l’avait dépossédé de la négociation de 1717. Dubois pouvait lui substituer un agent secret éprouvé, le fidèle Basnage, homme d’une complaisance infinie et d’une discrétion irréprochable, homme de bon conseil aussi sur ce qui faisait l’objet de ses observations[27], assez influent parmi le haut personnel politique des Provinces-Unies pour que ses instances, jointes à celles de l’envoyé anglais Withworth fissent rappeler de Madrid l’ambassadeur hollandais Riperda. Non content de ce succès, Dubois faisait rappeler Châteauneuf à Paris et lui faisait donner pour successeur M. de Morville « garçon plein de douceur et de sagesse[28] » qu'il appela près de lui à Londres afin de lui « apprendre à ne pas débuter mal ». — A Stockholm, La Marck s’amendait depuis un ou deux mois, « écoutant moins les avis de d’Huxelles », prenant avec une chaleur marquée les intérêts de l’Angleterre et méritant ainsi d’être épargné. — A Berlin, Rottembourg s’opiniâtrait à servir les intérêts de la France, à pratiquer les maximes traditionnelles de sa diplomatie, à préparer l’alliance du Tsar et de la Prusse contre l'Angleterre[29]. Dubois lui mettait le marché à la main et Rottembourg dut abandonner un poste qui l’aidait à vivre et qu’on livra à un Irlandais. — A Vienne, Dubois eût voulu remplacer « un nommé Du Bourg » par Chavigny, son âme damnée ; mais le passé de celui-ci était trop récent, il fallut faire un autre choix, dont le Bâlois Schaub fut favorisé.

Le petit diamant de deux mille écus, des avantages pour la ville de Bâle, la promesse « d’une protection et une ressource assurées, supposé qu’il en eût jamais besoin[30] » l’engagèrent dans les intérêts de Dubois. — A Madrid, Saint-Aignan n’était plus utile à quoi que ce pût être, mais le choix de Nancré ne remplit pas, on l’a dit, les prévisions de Dubois.

Pendant ces mois de janvier et de février 1718, Dubois prépare les futurs instruments de son ministère, écrit lettres sur lettres, dicte des mémoires et trouve même les loisirs nécessaires à sa santé délabrée que le repos tout seul pourrait rétablir. Par ses ordres, Chavigny allait visiter Saint-Simon, Torcy, Villeroy, tous plus ou moins déclarés contre d’Huxelles qu’il s’agit de miner, de démanteler de tout ce qui fait sa force, afin que, l’instant venu, une chiquenaude le jettent terre. En attendant cet instant prévu et prochain, Dubois paraissait destiné à tout. « On parlait ces jours-ci, écrit le Gazetier, de donner les sceaux à l’abbé Dubois. Je vous assure qu’il y a apparence que cet heureux ministre en sera honoré au retour de ses négociations[31]. »

 

Schaub part pour Vienne

Schaub arriva à Vienne le 4 mars et eut fort à faire. Une copie envoyée par Stanhope à Saint-Saphorin et arrivée pendant la nuit avait été lue sur le champ par cet ambassadeur aux ministres impériaux dont la stupéfaction, la colère furent sans mesure en allant de la renonciation à l’Espagne à l’attribution de la Toscane et au retour éventuel de la Sardaigne à Philippe V. C’était, à les entendre un déni de justice et l’abdication de l’Empire et de l’Angleterre devant la France[32]. Saint-Saphorin et Schaub rétorquèrent et montrèrent les solides avantages qu’on tirerait d’une acceptation rapide et complète. Un des plus malaisés à convaincre était le prince Eugène. Lord Stair lui avait écrit pour lui exposer les embarras de Georges Ier ; Saint-Saphorin l’avait pris à parti, essayant de lui montrer la Hollande, rivale commerciale de l’Angleterre, la France alliée aux puissances du Nord, impatientes d’assaillir la Grande-Bretagne. Avec de pareils sujets d’appréhension, il ne pouvait s’aventurer à envoyer une flotte dans la Méditerranée au service de l'Empereur qui avait toujours, et pour longtemps encore, les Turcs sur les bras. Au contraire, l'alliance avec le Régent permettait de retrouver la sécurité. En même temps la séparation des couronnes de France et d'Espagne rétablissait l’équilibre en Europe, satisfaisait le roi d'Angleterre et l'Empereur de qui les renonciations conditionnaient la situation générale[33].

 

Le prince Eugène

Le prince Eugène, à qui s’adressaient ces considérations, tenait un rôle considérable, encore que mal défini, dans les conseils de l’Empereur. Homme de guerre, il devait le plus solide de sa gloire et de son importance à ses actions militaires dont les autres ministres impériaux étaient empressés à marquer le terme en procurant une paix qui le rendrait inutile. On négociait activement une paix avec la Turquie et on aboutit le 21 juillet 1718 à une trêve de vingt-cinq ans qui, pour le prince Eugène, équivalait à ce qu’on appelait alors « prendre ses Invalides ».

 

Victor-Amédée

En même temps Saint-Saphorin et Schaub s'évertuaient à convaincre le ministère autrichien de la nécessité de l’alliance, leurs efforts étaient traversés par les intrigues du duc de Savoie. Victor-Amédée, condamné à perdre la Sicile, reprenait son vieux métier de duperie et de mensonge, cherchait à tromper, en les exploitant, Vienne et Madrid. A Vienne, il suggérait l’abandon volontaire de la Sicile moyennant des expectatives sur la Toscane, promettait d’obtenir le consentement du roi d’Espagne pourvu que l’Empereur s’engageât à procurer à ce prince le royaume de France, en cas de mort de Louis XV. En ce cas, Victor-Amédée aurait l’Espagne et remettrait à l'Empereur tout ce qu’il possédait en Italie[34] ; le troc lui plaisait tant qu’il offrit vingt mille écus à Saint-Saphorin qui refusa[35]. Mais cette négociation avait contre elle le prince Eugène, qui y perdait ses droits éventuels à la succession de Savoie ; elle fut bientôt éventée par Dubois et condamnée par Stanhope qui déclara que « de telles propositions ne pouvaient émaner que de têtes à projets ; elles ne sauraient offrir une base sérieuse de négociations[36] ».

 

Acquiescement de l’Empereur

Tout le mois de mars se consuma en délibérations. Stanhope devenu premier ministre le 1eravril 1718 — insistait sans cesse et réussissait, avec l’aide de Saint-Saphorin et de Schaub, à persuader au Conseil privé que l’obstination traditionnelle de l’Autriche sur ses prétendus droits avait maintes fois été chèrement payée ; que le rétablissement de l’empire de Charlemagne était une chimère ; l’acquisition de la Sicile un avantage certain et immédiat tandis que l’Espagne ne recevait que des promesses d’un lointain effet ; enfin le troisième projet de Stanhope était une manière d'ultimatum duquel dépendait l’amitié de la France et des puissances maritimes et qu’il fallait accepter le « cœur serré[37] ». Charles VI exigea néanmoins que du vivant des princes régnants, aucune garnison espagnole ou française ne pût être introduite en Toscane et à Parme. De plus, il fallut insérer que les couronnes de France et d’Espagne ne pourraient être réunies sur la même tête, « ni dans la même ligne » ; enfin, le roi de France dut passer une renonciation à toute prétention sur l’Espagne[38]. Moyennant ces concessions ; les ministres impériaux souscrivirent un traité qui, au dire des Anglais, leur assurait ce qu’une guerre heureuse n’aurait pas pu leur procurer en plusieurs campagnes[39].

Le 4 avril 1718, le comte de Sinzendorff communiqua officiellement à l’ambassadeur anglais l’acceptation de son maître ou projet anglais. Pendtenriedter et Kœnigsegg en furent avertis sur le champ. L'essentiel était acquis, mais de nombreuses difficultés de détail surgiraient encore[40].

Qu’allait faire le roi d’Espagne ?

 

Mission de Nancré en Espagne

Pendant les trois premiers mois de cette1718, Stanhope et Dubois n’étaient pas moins préoccupés de Madrid que de Vienne. Stanhope écrivait confidentiellement à Stair : « Il est de grande conséquence... que l'Espagne soit amenée à notre plan sans l’emploi de la force[41] » ; en même temps, Dubois profitait de son voyage à Paris pour arranger une mission du marquis de Nancré en Espagne. Après la lettre du 8 décembre à Stanhope, les dispositions du Régent n’avaient plus varié et, reconnaissant l’inutilité de ses efforts pour attirer l'Espagne vers lui et la faire traiter avec L’Empereur, il négocia sincèrement la Quadruple Alliance dont il ne songeait plus qu’à imposer les clauses à Philippe V. Cellamare, ne songea qu’à le faire entendre à son maître[42] et la mission de Nancré n’eut pas d’autre origine[43].

Dès la mi-janvier, Nancré faisait ses préparatifs de départ, nonobstant les obstacles que soulevait d’Huxelles. L'abbé, au contraire, lui recommandait de se tenir prêt à partir au moment où Schaub quitterait Paris pour Vienne ; mais la mission était si délicate que Nancré, désireux de s’éclairer à loisir, retarda son départ jusqu’au mois de mars. Ses instructions avaient été dressées par Dubois en double rédaction ; la première fort placide destinée à l’envoyé[44] ; la deuxième plus vive et plus énergique destinée à « être communiquée aux ministres d’Angleterre dans la supposition que c’était la véritable instruction dont il demandait une copie avec de grandes instances[45] ? Elles rappelaient les efforts du Régent depuis 1715 pour maintenir et affermir la paix en Europe. Ce faisant, il s’était conformé aux vues du feu Roi désireux d’amener la paix entre l’Espagne et l’Empire. Il eut souhaité que cette paix fût négociée par le roi d’Angleterre afin que la France ne parût exercer aucune contrainte sur le roi d’Espagne et que lui. Régent, ne semblât avoir aucune part au renouvellement des renonciations ; mais Philippe V avait rejeté toutes les propositions faites par cette voie ; il ne restait plus qu'un remède à la dangereuse situation de l'Europe : un traité de la France et de l'Angleterre avec l'Empereur. Nancré avait mission de le faire savoir au roi d’Espagne en lui précisant que la France était obligée de faire cause-commune avec les puissances. Nancré promettait à Philippe V les bons services de la France dans l’affaire des duchés italiens et de la rétrocession de Gibraltar ; dans le cas où Philippe V viendrait à mourir, le Régent favoriserait à Madrid une régence d'Elisabeth Farnèse et d’Alberoni. Tels étaient les expédients dont se berçait Dubois et qui faisaient dire à Cellamare « que quand même Nancré aurait l’éloquence persuasive de Cicéron ou de Démosthène il ne trouverait pas le grand secret de contenter la Cour de Madrid avec les avantages peu solides du projet formé par les médiateurs[46]. »

 

Il se lie à Alberoni

Arrivé à Madrid le 23 mars, Nancré fut reçu le 25 par Alberoni et merveilleusement insulté par le faquin parmesan, qui a, disait-il, « des emportements jusqu’à la fureur qui ne se peuvent dépeindre[47] ». Alberoni connaissait jusqu’aux moindres détails le projet français et savait qu’il avait été examiné à Vienne ; il bafoua Nancré, le plaignit de s’être chargé d'une pareille commission[48], déblatéra sur les traités d’Utrecht — c’était son thème favori — et quand il eut parlé, tonné, vociféré à sa suffisance, la conversation commença ; elle dura dix heures, aussi longtemps le lendemain et autant le surlendemain. Quand tout eut été dit, Alberoni conclut que les propositions de Nancré étaient illusoires et insultantes pour Elisabeth Farnèse[49]. Nancré répliqua que Gibraltar rendu au Roi et la régence assurée à la Reine n’étaient pas si fort à dédaigner[50]. Ce disant Nancré savait que ses paroles seraient relevées et il apportait tant de bonne grâce à soutenir que Français et Anglais étaient désormais inséparables, tant d’aménité à se faire l'interprète des griefs et des désirs de Philippe V que celui-ci prenait à gré un diplomate si bienveillant que Dubois ne tarda pas à l’accuser de s’être « barbouillé dans des patricotages[51] » et le prit en défiance. Sait qu’il eut été circonvenu par d’Huxelles avant son départ de Paris, soit que l’ambition de se tailler un rôle ait amené Nancré à reprendre le projet d’entente entre Bourbons de France et d’Espagne, Nancré découvrit un Alberoni pacifique qu'on ne connaissait guère[52] et que dément sa correspondance secrète avec le duc de Parme, pour le profit duquel il exploitait l’Espagne. Celle-ci, il la sacrifiait de gaieté de cœur et il prévoyait pour elle les pires aventures, sans doute la raison eût proscrit d’admettre un accommodement, n’importe lequel, « mais leurs Majestés encouragées par nos vastes préparatifs, par les dispositions favorables des peuples et leurs adresses venues de toutes parts considéraient comme un acte de lâcheté ou de faiblesse l’abandon d’une entreprise si notoire, de sorte que mes réflexions n’ont pas trouvé jusqu’ici la moindre approbation[53]. » On courait donc au désastre et le cardinal criait bien haut que « quoiqu’il pût arriver, le roi d’Espagne ne changerait pas de sentiment ; qu’avec la fermeté qu’il avait marquée dans les temps les plus malheureux, il ne recevrait pas des lois honteuses avec quatre-vingt mille hommes bien lestes et bien complets, des forces de mer au-delà de ce que l’Espagne en avait jamais eu, des finances réglées comme une horloge et le commerce des Indes bien disposé ; qu’il mourrait l’épée à la main s’il le fallait plutôt que de laisser les Anglais distribuer et changer les États à leur gré en maîtres du monde[54]. »

Ces rodomontades ne trompaient personne, mais elles achevaient d’aveugler l’Espagne courant sur la pente qui ne pouvait la conduire qu’à une catastrophe, dont Alberoni prendrait son parti allègrement dès l’instant où le duc de Parme lui ferait savoir s’il daignerait s’exposer dans sa principauté à la vengeance impériale, dont il se préserverait difficilement[55]. Pour mieux berner le marquis de Nancré, Alberoni laissait entendre que Philippe V consentirait à entrer en négociations si on lui assurait au préalable le droit de garnison à Parme, à Plaisance et en Toscane ainsi que la possession incontestée de la Sardaigne. La France et l’Angleterre promettaient de tout mettre en œuvre pour lui obtenir au moins la Sardaigne et, à ce moment même, il continuait ses pourparlers avec la Savoie et ses préparatifs de guerre[56].

La mission de Nancré, imaginée et organisée par Dubois, aboutissait à une trahison que Chavigny et Nocé dénonçaient à Londres et l’abbé était obligé de convenir qu’« il y a des traits dans les lettres de Nancré qui me font craindre que je n’aie lieu de me repentir de lui avoir fait donner cette commission[57] ». C’était la revanche de Peterborough et de d’Huxelles ; Alberoni, sans doute averti, eut peu d’efforts à faire pour gagner cet envoyé dont toutes les dépêches allaient critiquer et combattre la politique de Dubois, réduit à se dire, penaud : « Tu l’as voulu, George Dandin[58] ».

 

Les signataires de la Quadruple Alliance remplis de satisfaction et de confiance

Cette déconvenue une fois admise, et tournée même en plaisanterie, la question se posait plus instante encore : Qu’allait faire le roi d’Espagne ? L’intimidation exercée par Stanhope sur Pendtenriedter avait contribué à faire réfléchir l’Empereur et arraché la signature du 4 avril. Faudrait-il recourir aux mêmes moyens pour persuader et entraîner l’Espagne ? Faudrait-il que le roi de France « fit claquer son fouet ?[59] » — Dès la fin du mois de mars, le Parlement anglais avait décidé l’envoi d’une flotte dans la Méditerranée[60] et le Régent, Dubois, Stanhope et Stair affectaient de croire cet avertissement décisif[61]. Dubois et Stair, ces antagonistes farouches des heures difficiles, se congratulaient, s’attendrissaient. « Je vous restitue le compliment que vous m’avez fait sur l’acceptation de l’Empereur, écrivait Dubois. S’il appartient à quelqu’un d’être remercié et applaudi, c’est à Votre Excellence, sans laquelle la négociation serait tombée et aurait cédé aux contradictions qu’elle a trouvées en France, et aux difficultés que l’on faisait à Vienne, en quoi vous avez fait du bien à toute l’Europe et fait jouer au Roi, votre maître, le plus grand rôle qu'aucun prince puisse faire... Notre joye sera parfaite, si l’Espagne est raisonnable. J’espère que le parti que l’Empereur a pris sera un puissant motif, et que suivant la prédiction que vous m’avez souvent faite, le Roi catholique ne voudra pas perdre les avantages qu’on lui a ménagés[62]. » Aussi croyait-on pouvoir ne le pas trop ménager et les instructions envoyées à Madrid, à M. de Nancré, lui enjoignaient de faire savoir à Philippe V « que le Régent demeurerait inséparablement uni au roi d'Angleterre et que le roi d’Espagne, en ne l’écoutant pas, s’exposait à perdre à la fois la paix et les successions de Parme et de Toscane[63]. » Ce qui ressemblait assez à un ultimatum ; mais on ne doutait pas à Paris et à Londres que ce ton ne fût habile et dût intimider Philippe V, l’homme le moins intimidable qui fût au monde puisque reclus, ahuri, farouche, il vivait dans ce monde sans lui appartenir et sans compter avec lui. L’idée seule d’une contrainte à user envers lui eut suffi pour l’y soustraire, tant son opiniâtreté morbide procédait également de la conception mystique de son prétendu droit divin et de l’égarement réel de son cerveau dégénéré. « On a déjà su vaincre les plus grandes difficultés, écrivait lord Stair ; il ne faut qu’un peu de fermeté pour surmonter celles qui restent... Ce traité signé, j’oserais répondre de l’exécution sans qu’il y ait une goutte de sang répandit[64]. » De son côté, Saint-Saphorin n’attendait que cette signature pour voir le temple de Janus fermé pour longtemps et le retour du siècle d’or[65].

 

Le mécontentement italien

Alberoni se chargeait de dissiper ces illusions à bref délai.

Farnèse, Médicis, Savoyards, tous plus ou moins déguenillés, tous également immoraux et avides, maudissaient une paix conclue à leurs dépens, dût-elle procurer à l’Europe une longue prospérité, et Alberoni, dans son langage de bateleur, ne trouvait qu’un terme pour qualifier cette paix, il la nommait « un emplâtre[66] ». Ce fut un concert de lamentations suraiguës auxquelles on daigna faire à peine attention[67]. Ces rapaces n’avaient que la taille et les appétits des parasites, on les dédaignait. « Ah ! si l’État de Parme pouvait entretenir 30.000 hommes de troupes », gémissait Alberoni plus que jamais déterminé à tenter « une nouvelle expédition en Italie, je travaille sans relâche, écrivait-il, à disposer la flotte de manière qu’elle mette à la voile de bonne heure. Il faudra bien que l’Empereur envoie de nombreuses troupes en Italie[68]. » Pendant le mois de février 1718, il pressa les préparatifs, envoya 25.000 ducats au duc de Parme pour lui permettre d’armer ses forteresses et d’équiper sa petite armée[69]. Les principicules auraient leur guerre et, si elle n’était pas leur revanche, du moins troublerait-elle assez l’Europe pour qu’à la faveur des changements qu’elle entraînerait, ils pussent espérer quelque profit. Alberoni, leur agent ou leur interprète, ne négligerait rien pour que leur politique secrète fît échec à la politique secrète de Stanhope et de Dubois.

 

Les démarches tentées

La maison de Savoie qu’on dépouillait de la plantureuse Sicile et à qui on offrait comme compensation l’indigente Sardaigne, trouvait à Vienne un avocat audacieux et retors, le prince Eugène, qu’on flattai» de l’illusion qu’il défendait les intérêts de sa famille. Eugène prit fait et cause et retarda notablement la négociation qui se poursuivait à Vienne (mars-mai 1718)[70]. Médicis mettait en œuvre des concours plus modestes mais tout aussi efficaces et leur influence balança pendant tout le mois de mars celle qui, finalement, emporta «le consentement impérial du 4 avril. Ce tenace effort avait d’ailleurs servi à épargner les garnisons espagnoles dans les places toscanes destinées à l’infant fils de Philippe V. Le Farnèse avait préféré garnir ses poches de bons ducats[71]. Tous jetaient les hauts cris, s’attendrissaient à la pensée de ce qu’on allait leur prendre, s’indignaient à l’idée de ce qu’ils allaient perdre de par la volonté de ceux dont la force écrasante et l’accord intéressé faisaient tout le droit de retirer aux uns et d’attribuer aux autres[72].

 

La volonté de faire la guerre

Toujours trivial, Alberoni se plaignait de ces Cabinets de l’Europe qui « coupent et rognent des États et des royaumes comme s’ils étaient des fromages de Hollande[73]. » Leur excuse se trouve dans le fait que si les princes italiens avaient ténu le couteau, ils eussent entaillé avec plus de fantaisie et moins de désintéressement. Lorsque l’Empereur eut définitivement rejeté les offres des Toscans et des Savoyards, les Parmesans ne renoncèrent pas à la lutte. Qu’un si mince personnage qu’était alors un prince Farnèse réussit à tenir en échec à Madrid les représentants des plus grandes puissances, qu’il ait voulu la guerre et l’ait, finalement, décidée ; la disproportion semble trop énorme pour être possible, elle est cependant-conforme à la réalité. Par sa nièce, dont il avait fait une reine, et par son envoyé, dont il avait fait un premier ministre, le duc de Parme régnait à Madrid et réduisait l’Espagne au service de ses ambitions. Élisabeth voulait la guerre parce que son oncle l'exigeait ; dès lors Philippe V énonça des conditions d’où la guerre devait nécessairement sortir. Il réclama la Sardaigne, refusa l’échange de Parme et la Toscane garanti par des garnisons espagnoles, il offrit la Sicile à l’Empereur. Dès le 20 avril, ces décisions étaient arrêtées à Madrid : l’Italie redevenait l’enjeu des rivalités européennes, que le traité d’Utrecht avait su mettre à l’abri. « Par déférence pour le Roi mon grand-père et pour le bien de la paix et le repos général de l'Europe, j’ai acquiescé, disait Philippe V, au traité d’Utrecht, où quelques particuliers ont fait la loi. Je ne veux pas la recevoir d’eux une seconde fois, puisque Dieu m’a mis dans un état d’indépendance et de force à ne pas subir le joug de mes ennemis avec honte et scandale et à la dernière indignation de mes sujets[74]. »

 

Alberoni et l’Angleterre

Cette réponse avait l'allure d’un défi et Nancré, chargé de la l'Angleterre transmettre au Régent, le conjurait de tenter un suprême effort pour obtenir à l’Espagne la Sardaigne dont « la conservation, disait-il, est regardée ici comme une affaire de punto[75] ». D’Huxelles lui répondait, le 16 mai ; « Pourvu que Sa Majesté de la Grande-Bretagne y consente, ce que je n’ose espérer[76]. » La veille même, Georges Ier avait refusé formellement cette concession.

A dire vrai, Alberoni n’avait à s’en prendre qu’à lui-même. L’Angleterre était devenue pour lui un objet d’exécrations. Après avoir traité le ministre Bubb et le colonel Stanhope avec une insolence et des invectives de la plus basse canaille italienne, le cardinal avait récidivé et choisi Bubb, son favori d’autrefois, comme souffre-douleurs. Dans une lettre datée du 5 mai, il lui disait que le ministère Stanhope « n’est plus anglais mais allemand et qu’il est vendu lâchement à la Cour de Vienne, et que par les brigues inconnues dans votre pays on tâche de faire donner dans le panneau la nation aussi. » Le subside servi en grand mystère par Georges Ier à Charles VI était dénoncé, ainsi il ne suffisait pas que l’Angleterre se fut « épuisée d’hommes et d’argent pour acquérir à l’Archiduc des États et des royaumes », son roi faisait plus encore, ii payait le concours impérial à prix d’argent[77]. Cette lettre envoyée par la poste en Angleterre ne pouvait, par cette voie, échapper à Georges Ier. Mais pour l’irriter Alberoni avait fait choix d’un procédé plus efficace encore ; dès le début de l'année 1718, il avait lié parti avec les Jacobites.

 

Sa confiance dans les Jacobites

Un mémoire, en date du 5 février 1718, avait exposé à Philippe V, les vues, les espérances et laissé entrevoir les besoins du les Jacobites parti jacobite. L’état troublé de l’Angleterre, l’ardente rivalité des partis autorisaient l’espoir fondé sur les tories à la première ouverture qui serait faite en faveur du roi légitime. Les partisans de Jacques Stuart cachés en Angleterre souhaitaient d’engager leur gouvernement dans quelque guerre étrangère, unique moyen de provoquer la puissance attaquée à venir à leur aide.

« L’union donc qui se trouve entre les intérêts de leurs Majestés Britannique et Catholique est, disaient-ils, claire et manifeste ; ils ont les mêmes ennemis à craindre et le rétablissement de l’un peut seul assurer la possession de l’autre en lui ôtant la seule puissance qui la peut troubler efficacement en prêtant la main à leurs ennemis[78]. » Sous la promesse d’un inviolable secret, on confiait à Philippe V les raisons que celui qui se disait Jacques III, croyait avoir de compter sur le concours de Charles XII de Suède et du Tsar Pierre Ier qu’une paix prochaine allait mettre en état d’agir de concert contre l’Électeur de Hanovre qui se dit Roi d’Angleterre. Il ne manque à la réussite de l’entreprise qu’une somme de cent mille livres sterling (2.500.000 francs) que le roi d’Espagne est prié de tenir prête.

Rien ne pouvait être plus sensible à Georges Ier que cette menace, ou la simple possibilité de cette menace d’une alliance du Nord contre son électorat bien-aimé et la simple idée d’un retour offensif du Prétendant. Il est bien difficile de penser que soit maladresse, soit vantardise, Alberoni n’ait pas Songé à tourner les inquiétudes de Georges de ce côté[79] sensible, car à cette époque, il croyait n'en avoir rien à redouter. La suggestion du mémoire jacobite au sujet d'une entente avec les puissances du Nord s’était déjà présentée à lui, les embarras du gouvernement anglais tiraillé entre des partis d’une violence extrême, les hésitations du Régent de France toujours accessible aux séductions du parti de la vieille Cour, le confirmaient dans les vastes et fragiles desseins d’une imagination désordonnée.

Jusqu’à l’instant où il serait prêt à donner à la flotte espagnole l’ordre de mettre à la voile, Alberoni entretenait adroitement les illusions pacifiques qui servaient son dessein en amusant ses ennemis pendant qu’il poussait ses préparatifs. L’Autriche ne s’y trompait pas, elle dénonçait à Londres les armements espagnols et Pendtenriedter réclamait l’intervention d’une flotte britannique pour le maintien de la neutralité de l’Italie dont l’Angleterre était garante. De Vienne, Saint-Saphorin réclamait des mesures énergiques et un vote de fonds par le Parlement couvrit les dépenses des armements commencés à Portsmouth. Le Régent tergiversait, cédant une fois de plus à la vieille Cour.

 

Retour offensif de la-vieille Cour

Un nouvel assaut lui était livré afin d’arracher à sa faiblesse la disgrâce de Dubois. Celui-ci était tenu au secret, son nom était tu, ses correspondances dédaignées, d’Huxelles ne lui écrivait plus depuis trois mois[80], ne lisait plus ses dépêches au Conseil de Régence[81]. L’abbé ne s’en était d’abord pas trop inquiété : « Je suis un pestiféré avec qui ils ne veulent pas avoir de commerce[82] », et il mettait ses agents en campagne, Nocé, Chavigny, son neveu ; leur dictant leur conduite[83]. Stair se montrait des plus animés et n’ayant jamais pratiqué la modération ne s’y essayait pas à la vue « des intrigues de ceux qui ont toujours souhaité de faire échouer le plan[84] ». Le hargneux Écossais admettait, sans y prétendre pour lui-même, la mansuétude avec laquelle le Régent écoutait tranquillement et sans humeur les choses déplaisantes. « Véritablement, disait-il, c’est un grand talent en un prince[85] » ; c’était surtout une grande faiblesse, car Philippe d’Orléans se laissait fatalement circonvenir par ces donneurs d’avis et, une fois de plus, on en avait la preuve. D’Huxelles avait eu l’art de regrouper les partisans de sa politique : Nancré, Villeroy, Torcy[86], Pecquet[87], tous ceux que Dubois appelle des « pédants renchéris[88] » mais qui sont enfin au moment de triompher de lui et de faire donner un éclatant démenti à sa politique. Ce il est pas que le Régent méconnaisse le dévouement passionné de son serviteur et qu’il se détache des ambitions qui lui ont fait adopter la politique de la Triple et de Quadruple Alliance en vue de ses droits éventuels à la couronne, mais les années d’exercice du pouvoir lui ont appris qu’on peut à peu près tout ce que l’on veut du moment qu’on méprise le droit, qu’on dédaigne la contradiction et qu’on impose par la force ce qu’on ne pourrait obtenir d’autre façon. Stair s’obstine à vouloir l’éclairer ; il lui expose les sentiments du royaume et l’état de l’opinion touchant son droit à la succession royale. On l’admettrait sous réserve du consentement de la nation donné dans les États-Généraux ; à défaut de ce consentement, toutes stipulations, traités et renonciations ne seraient comptés pour rien. Philippe d’Orléans était bien revenu de ses anciennes idées en matière d’Étals-Généraux dont il ne voulait plus entendre parler et il dit étourdiment à Stair : « Mais, au bout du compte, qu'est-ce que la nation ? — Ce n’est pas grand chose, répliqua Stair, tant qu’il n’y a pas un étendard levé ; mais si le roi d’Espagne levait son étendard et réclamait son droit, cela pourrait être quelque chose de très dangereux, et cette considération doit montrer à V. A. R. combien il lui est important que notre traité se fasse, et combien il est important pour le roi d’Espagne qu’il ne se fasse pas[89]. » A cela le Régent ne trouvait rien à répondre et s’évadait dans des discours[90], mais Stair revenait à la charge, ne mâchait pas les mots : « Si notre traité vient à manquer, il aura beaucoup de peine à soutenir son autorité comme Régent, et il lui est impossible de parvenir à la succession de la couronne[91]. »

 

Désaveu de la diplomatie secrète

Quoiqu’il pût dire, un moment vint où le Conseil de Régence toucha au triomphe, lorsque S. A. R. « crut nécessaire de remettre dans le cours ordinaire de la diplomatie officielle la négociation de Madrid, de la mettre à découvert[92] ». C’était le désaveu brutal, la condamnation de la diplomatie secrète, de l’œuvre conduite parmi tant de contradictions non seulement à Madrid, mais encore à Hanovre, à la Haye, à Londres. Il y eut plus qu’un désaveu, il y eut abandon consommé. Le 17 mai, le Régent enjoignit à Saint-Aignan, en cas de mort de Philippe V, d’abandonner le parti espagnol et de s’attacher à la fortune d’Elisabeth Farnèse et d’Alberoni. « Vos démarches, lui disait-il, doivent donc dépendre de l’état de la négociation de Nancré[93]. » Ainsi la mission secrète de Nancré s’était changée en mission officielle et tout l’art de Nancré n’y eut pas suffi s’il n’avait été dirigé par son maître Torcy que ses bons offices auprès de Dubois n’empêchaient pas de convoiter, pour lui-même, le ministère où il rétablirait les méthodes et renouerait les traditions et les alliances du feu Roi.

 

Découragement de Dubois

Cette fois l’enjeu était digne des compétiteurs. Dubois connut cette heure de découragement, à laquelle les plus fortement trempés n’échappent pas toujours. La goutte — qu’il traitait par le vin de Tokay — une rétention d’urine, que maltraitaient les médicastres anglais, une existence brûlante de conférences et  correspondances assaisonnées d’inquiétudes le poussèrent à bout. Je suis outré de douleur, disait-il à Chavigny, et je ne vous dis pas la centième partie de ce que j’ai sujet de penser. Il y a longtemps que je me suis familiarisé avec les sujets d’affliction, mais aucun ne m’a tant touché que ce qui se passe en ce moment[94]. » Et il parlait de démission ![95]

Un sursaut de colère lui rendit santé et ardeur ; il pesta « contre les gens, qui, travaillant tous les jours avec le Régent, un prince qui a cent fois plus d’esprit qu’eux, mais nulle malice, font glisser en lui tout le venin qu’ils veulent, et le persuadent[96]. » Même absent, Dubois pouvait porter des coups funestes à d’Huxelles, mais Torcy réclamait plus de ménagements. « Il faut, écrivait Chavigny à l’abbé, ménager pour le moment Nancré qui a beaucoup d’approbation et Torcy surtout qui augmente tous les jours en crédit, quitte à se venger plus tard[97]. » Il ménagerait donc Torcy, mais n’avait-il pas d’autres indulgences ? On s’y perdait !

 

Ses projets d'avenir

Au moment où le Récent proposait la cession de la Sardaigne à l’Espagne et s’attirait de la part de lord Stair un refus catégorique[98] qui éclaircissait l’horizon à Paris[99], les nuages s’accumulaient à Londres grâce à Dubois qui entrelaçait ses vues personnelles avec la politique, de son maître. Déjà mordu de l’ambition du cardinalat, l’abbé voulait acquérir des titres à la faveur pontificale et s’assurer des bonnes grâces de Clément XI. Pour cette raison il s’était mis en tête de restituer au pape la suzeraineté sur les duchés de Parme et de Plaisance revendiquée par l’Empereur à qui le traité les transférait à titre de fiefs masculins. Six mois de contestations inutiles, cinq ou six expédients repoussés n’avaient pu le faire déprendre d’une cause à laquelle il attachait un intérêt personnel et où son obstination semblait d’autant plus inexplicable qu'elle avait mis plusieurs fois le traité « en danger d’avortement[100] ». Stair ne découvrait dans cette conduite que « frivole finesse et manque de courage », et, fonçant droit sur l’obstacle, menaçait le Régent de la perte de ses droits à la couronne que « ni l'Espagne ni la nation française n’étaient disposées à reconnaître », s’il ne pouvait faire appel pour les soutenir aux puissances Etrangères. Le temps était venu de choisir entre l’alliance anglaise et le parti espagnol ![101] À toute sommation nettement articulée, le Régent se ressaisissait ; une fois de plus il revint à l’alliance anglaise et fit savoir à Nancré qu’il se refusait à réclamer la Sardaigne Dubois triomphait, mais ses adversaires ne lâchaient pas prise.

 

Retour à Paris de Schaub

Le 18 juin, Schaub rapporta de Vienne à Paris le projet de traité retouché par les ministres impériaux. Ainsi, jour après jour, semaine après semaine, les mois s’ajoutaient aux mois qui s’écoulaient en conversations, en allées et venues. Comme le Régent et comme Dubois, l’Empereur avait ses calculs que servaient des retards multipliés. Il discutait à Passarowitz avec les Turcs, écoutait les propositions du duc de Savoie, finalement il avait dû céder aux instances de Schaub et de Saint-Saphorin, mais non sans avoir imposé une grave modification au texte accepté, à savoir, la prétention de mettre des garnisons impériales dans les duchés de Parme et de Plaisance et de n’y souffrir aucunes troupes françaises ni espagnoles. Qu’en penserait le roi d’Espagne et qu’en dirait-il ? Au point où les esprits étaient montés, on n’hésitait plus à croire que de cet article sortirait la guerre. Dubois y était très résigné : « Avec l’Espagne, il n’y a rien de bon à faire, disait-il, que ce qui peut l’affaiblir[102]. » L’opinion publique, par contre, se révoltait à la pensée de s’armer contre le petit-fils de Louis XIV et le parti de la vieille Cour ne pouvait manquer d’exploiter ce sentiment. Le Conseil de Régence prit feu et flamme. D’Huxelles et Villeroy clabaudaient, échauffaient les esprits à la Cour, à la ville[103] ; Torcy plus circonspect, tenait cependant le même langage, Nancré qualifiait le traité de « chaos, monstre, boîte de Pandore[104] ». Nocé, bien placé pour être instruit des dispositions du maître, écrivait le jour même du retour de Schaub à Paris : « Le Régent a eu plusieurs conférences avec MM. de Torcy et d'Huxelles. Il me paraît avoir changé de système, et vous ne pouvez pas douter que tous les gens opposés à ce traité ne se servent des changements que l’Empereur y a faits pour le faire échouer[105]. » Chavigny envoyait le même avertissement : « Tous les changements ont été débattus. La négociation a été renvoyée à Londres. S. A. R. vous envoie son ultimatum, c’est-à-dire les réflexions de M. le maréchal d’Huxelles : S. A. R. ne peut aller plus « loin[106]. »

 

Triomphe de la vieille Cour

C’était à cet état d’esprit que Schaub allait donc se heurter. Le Régent traversait des journées brûlantes d’émotions : la querelle religieuse, la crise financière, l’opposition parlementaire avaient soulevé contre sa personne et son gouvernement cette nation dont il dédaignait la clairvoyance. A cette heure, il se prenait à douter qu’il lui fut possible d’imposer à une opinion publique si troublée la plus impopulaire des alliances et une guerre sacrilège. Circonvenu par ses conseillers officiels, il adoptait les vues de d’Huxelles et chargeait Dubois de présenter à l’Empereur, en guise d’ultimatum la garantie de la succession des duchés à l’Espagne[107]. La cabale triomphait.

 

FIN DU PREMIER VOLUME

 

 

 



[1] Weber, Die Quadrupel Allianz vom Jahre 1718, p. 55-57.

[2] Weber, op. cit., p. 56-57.

[3] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 314, fol. 88 : le Régent à Dubois, 17 janvier 1718.

[4] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 314, fol. 181 : le Régent à Dubois, 24 janvier 1718 ; dans Lémontey, op. cit., t. I, p. 138.

[5] Dubois au Régent, 11 novembre 1717, dans Lémontey, op. cit., t. II, p. 395.

[6] Dubois au Régent, 31 janvier 1718, ibid., t. II, p. 395.

[7] Dubois à Nancré, 17 février 1718, ibid., t. II, p. 395.

[8] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 31 janvier 1718.

[9] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 22 mars 1718.

[10] Bothmar, Memoiren über die Quadrupel Allianz, dans Forschungen zur deutsche Geschichte, Göttingen, 1886, t. XXVI, p. 229.

[11] Stanhope à Stair, Londres, 23 janvier (= 3 février) 1718, dans L. Mahon, Histoire d'Angleterre, t. II, p. 355.

[12] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 315, fol. 26 : Dubois à Nancré, 2 février 1718.

[13] Stanhope à Stair, lettre citée.

[14] Dubois à Schaub, Londres, 1er mars 1718, dans L. Mahon, op. cit., t. II, p. 358.

[15] Public Record Office, Germany, vol. 210 : Pro Memoria, Vienne 14 mars 1718, remis au prince Eugène, signé de Schaub et de Saint-Saphorin, ambassadeur de Georges Ier à Vienne.

[16] Ibid., voir L. Wiesener, Le Régent, l’abbé Dubois et les Anglais, t. II, p. 129-130.

[17] Public Record Office, Germany, vol. 210 : Relation [en français] de ce qui s’est passé dans les conférences que milord Stair et moi [Schaub] avons eues avec le Régent de France sur le traité à faire entre l’Empereur, le roi mon maître, le roi très chrétien et les États Généraux, Vienne, 14 mars 1718. (21 pp.).

[18] Bothmar, Memoiren über die Quadrupel-Allianz, dans Forschungen zur deutsche Geschichte, Göttingen, 1886, t. XXVI, p. 237.

[19] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 114, fol. 197 : Dubois au Régent, 19 janvier 1718.

[20] Dubois à Schaub, Londres, 1ermars 1718, dans L. Mahon, op. cit., t. II, p. 358.

[21] Dubois à Schaub, Londres 1er mars 1718, ibid.

[22] Dubois à Schaub, Londres, 5 mars 1718.

[23] Aubertin, L'esprit public en France au XVIIIe siècle, p. 113.

[24] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 314, fol. 8, fol. 27, fol. 83 : Dubois à Nancré, 3, 6 et 10 janvier 1718.

[25] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 314, fol. 27 : Dubois à Saint-Brice (Nancré), 6 janvier 1718.

[26] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 314, fol. 231 : Dubois à Nancré, 20 janvier 1718.

[27] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 315, fol. 106 : Dubois à Basnage, 11 février 1718.

[28] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 314, fol. 329 : Dubois à Basnage, 20 janvier 1718.

[29] Arch. des Aff. Etrang., Prusse, t. 60, fol. 87, De Huxelles à Rottembourg, 25 mars 1718.

[30] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 315, fol. 155, 158 : Saint-Brice (Nancré) à Dubois, 18 février 1718.

[31] Gazette de la Régence, p. 253 ; 13 mai 1718.

[32] Weber, Die Quadrupel-Allianz von dem Jahre 1718, p. 59-61.

[33] Public Record Office, Germany, vol. 210 : Saint-Saphorin à lord Stanhope, 23 mars, Pro Memoria, 14 mars 1718.

[34] A. Baraudon, La maison de Savoie et la Triple-Alliance 1713-1722, in-8°, Paris, 1896.

[35] Public Record Office, Germany, vol. 210 : Saint-Saphorin à Robethon, Vienne, 26 mars 1718.

[36] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol XIII, A : Lord Stanhope à lord Stair, Whitehall, 31 mars (= 11 avril) 1718.

[37] Weber, Die Quadrupel Allianz vorn Jahre 1718, p. 59-63.

[38] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et documents, t. 141, fol. 158.

[39] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. XIII B : Craggs à Stair, Londres 27 mars (= 7 avril) 1718.

[40] Weber, op. cit., p. 63.

[41] Lord Stanhope à lord Stair, Cockpit, 17 (28) février 1718, dans L. Mahon, op. cit., t. II, p. 357-358.

[42] Bibl. nat., ms. franc., n. 10670-672, Mémoires, t. III, p. 170.

[43] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 263 à 272 inclus.

[44] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 263, fol. 23 : Mémoire pour le marquis de Nancré allant à Madrid, février 1718.

[45] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 268, fol. 9, 23-71, 95 : Mémoire pour servir d’instruction au marquis de Nancré allant auprès du roi d’Espagne.

[46] Bibl. nat., ms. franc. 10670-10672, Mémoires inédits de Torcy, t. III, p. 289.

[47] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 268, fol. 203 : Nancré au Régent, 28 mars 1718.

[48] Bibl. nat., ms. franc. 10670-10672, Mémoires de Torcy, t. III, p. 328.

[49] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 28 mars 1718.

[50] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 268, fol. 203 : Nancré au Régent, 28 mars 1718.

[51] Ch. Aubertin, L'Esprit public au XVIIIe siècle, p. 110 ; Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, I. 318, fol. 81 : Dubois à Nocé, 12 mars 1718.

[52] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 269, fol. 117-135 : Nancré au Régent, 18 avril 1718.

[53] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 5 avril 1718.

[54] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 269, fol. 177 : Nancré au Régent, 26 avril 1718 ; ibid., t. 270 : le même au même, mai ; Mémoires de Torcy, t. III, p. 386.

[55] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 5 avril 1718.

[56] Carutti, Storia della diplomazia, t. III, p. 503-521 ; Weber, op. cit., p. 67-70.

[57] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 81 : Dubois à Nocé, 12 mai 1718.

[58] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 81 : Dubois à Nocé, 12 mai 1718.

[59] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 113 : Dubois à Saint-Saphorin, 12 avril 1718.

[60] Message de Georges Ier, 27 mars 1718 ; Th. Lediard, Histoire navale de l’Angleterre, trad. franç., t. III, p. 587, note 2.

[61] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 269, fol. 153 : D’Huxelles à Nancré, 3 mai 1718 ; ibid., t. 317, p. 99 : le Régent à Dubois, 18 avril 1718 ; fol. 236 ; lord Stair à lord Stanhope, 30 avril 1718.

[62] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. XVI : Dubois à lord Stair, 20 avril (= 1er mai) 1718, dans The Stair Annals, t. II, p. 356.

[63] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 268, fol. 232 : D’Huxelles à Nancré, 14 avril 1718 ; ibid., t. 269, fol. 177 : Nancré au Régent, 26 avril 1718.

[64] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. XIII, A : lord Stair à Dubois, 19 mai 1718.

[65] Public Record Office, Germany, vol. 210 : Saint-Saphorin à Dubois, Vienne, 22 mai 1718.

[66] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 316, fol. 102-103 : Note de Torcy pour Dubois, 22 mars 1718.

[67] E. Bourgeois, Le secret des Farnèse, p. 298.

[68] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, Madrid, 8 et 24 janvier 1718.

[69] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, Madrid, 7 mars 1718.

[70] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 316, fol. 142, 168 : Dubois à Nancré, 23 mars, et à du Bourg, 25 mars 1718 : Carutti, Storia della diplomazia della Corte di Savoia, t. III, p. 520.

[71] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : le duc de Parme à Alberoni, 3 et 8 avril 1718.

[72] Ch. de Mazade, Le cardinal Alberoni, dans Revue des Deux-Mondes, 1er novembre 1860, t. XXX, p. 183-201.

[73] Alberoni à Bubb, 16 mars, dans Weber, op. cit., p. 65-66.

[74] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 270, fol. 36 : Nancré au Régent, 16 mai 1718.

[75] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 269, fol. 177 : Nancré au Régent, 26 avril 1718.

[76] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 269, fol. 200 : De Huxelles à Nancré, 16 mai 1718.

[77] Alberoni à Bubb (5 avril 1718) dans Steward’s anecdotes, London, 1798, t. III, p. 271.

[78] Brit. Mus., Addit. ms. suppl., n° 20.292, Gualterio Papers ; la date est donnée par une lettre de Gualterio à Jacques III.

[79] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. XV : colonel Stanhope à lord Stanhope, Madrid, 27 avril 1718, connaît l’existence des jacobites à Madrid.

[80] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 316, loi. 137 : Dubois (neveu) à l’abbé Dubois, 1er avril 1718.

[81] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 17 : Chavigny à Dubois, 11 mai 1718.

[82] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 168 : Dubois au Régent, 19 avril 1718.

[83] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 81 : Dubois à Chavigny, 11 avril 1718.

[84] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol 129 : lord Stair à Dubois, 29 mai 1718.

[85] Public Record Office, France, vol. 349 : lord Stair à Craggs, Paris 30 avril 1718.

[86] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 319, fol. 32 : Chavigny à Dubois, 5 juin ; ibid., t. 319, fol. 60 : Chavigny à Dubois, 13 juin 1718.

[87] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 175 : Dubois (neveu) à l’abbé Dubois, 27 mai 1718.

[88] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 168 : Dubois au Régent, 18 avril 1718.

[89] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 135 : lord Stair à lord Stanhope, 21 mai 1718.

[90] Public Record Office, France, vol. 349 : lord Stair à lord Stanhope, mai 1718.

[91] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 2 : lord Stair à lord Stanhope, 31 mai 1718.

[92] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 185 : Chavigny à Dubois, 31 mai 1718.

[93] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 270, fol. 25 : le Régent au duc de Saint-Aignan, 17 mai 1718.

[94] Ch. Aubertin, L'Esprit public au XVIIIe siècle, p. 117.

[95] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 32 : Dubois à Chavigny, 2 mai 1718 : « Je suis une dupe que les Anglais ont trompe comme un imbécile. Voilà assez de défauts corporels et spirituels pour obtenir mon congé et n’être pas regretté. Je le demanderai plutôt qu’on ne pense : démêlera les fusées qui voudra ».

[96] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 319, fol. 16 : Dubois à son neveu, 3 juin 1718.

[97] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 204 : Chavigny à Dubois, 4 juin 1718.

[98] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 270, fol. 61 : D’Huxelles à Nancré, 15 mai 1718 ; Bothmar, Memoiren, p. 252.

[99] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 270, fol. 140 ; D'Huxelles à Nancré, 31 mai 1718.

[100] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair à Craggs, 16 juillet 1718.

[101] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 2 : lord Stair à lord Stanhope, 31 mai 1718.

[102] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 270, fol. 222 : Dubois à Nancré, 14 juin 1718.

[103] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 319, fol. 172 : Chavigny à Dubois, 18 juin 1718.

[104] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 271, fol. 138 : Nancré à d'Huxelles, 27 juin 1718.

[105] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 319, fol. 110 : Nocé à Dubois, 18 juin 1718.

[106] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 319, fol. 172 : Chavigny à Dubois, 18 juin 1718.

[107] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 319, fol. 110 : Nocé à Dubois, 18 juin 1718 ; A. Delacour, La conspiration antibritannique de 1717-1719, dans Revue hebdomadaire, 1900, 2e série, 4e année, t. V, p. 252-261.