Diplomatie personnelle. — Hostilité au projet d’alliance. — Résistance de H. Walpole et de lord Cadogan. —Intervention de d’Huxelles. — Lettres de Dubois le 26 octobre à d’Huxelles, à Noce, au Régent, à Saint-Simon. — L'abbé sollicite un délai. — Stanhope de même. — Ouverture des conférences entre Français et Hollandais. — Insuffisance des pleins pouvoirs. — Mécontentement de Georges Ier. — Justification de lord Townshend. — Suite des conférences avec les Hollandais. — Pouvoirs définitifs de lord Cadogan. — Signatures. — La démolition de Mardyck. — Le protocole du traité. — Le titre de « Roi de France ». — Négociations on Hollande. — Dubois prêt aux concessions. — Il pense berner les Hollandais et se fait jouer par eux. — Ultimatum de d’Huxelles. — Inquiétude et soumission des Etats. — Joie triomphante de Dubois. — Opinion publique en France, en Angleterre, en Hollande. — Le traité de la Triple Alliance. — Article 1er, art. 2e, 3e, 4e, 5e, 6e, 7e, 8e. Dubois fait ses adieux au roi Georges. — Prend congé des États. — Ratifications. — Artisans et bénéficiaires du traité. — Dubois récompensé.Diplomatie personnellePlusieurs ont avancé que l’état monarchique associe l’intérêt du monarque à celui du peuple, au point de les rendre non seulement inséparables mais encore identiques. Le coup d’essai de l’abbé Dubois et du Régent montre comment le chef de la nation entendait servir son intérêt personnel aux dépens de l’intérêt de l’État. L’exemple ainsi donné fut suivi par Louis XV et l’opération, remarquable à tant d’égards, de Dubois devint funeste à la royauté qu’elle prétendait servir ;elle inaugura la diplomatie personnelle opposée, sinon hostile, à la diplomatie officielle. Cette innovation était une des multiples conséquences de l’esprit politique nouveau créé par la révolution de 1688. Dubois s’en était pénétré en Angleterre, il allait avoir l’occasion de l’étudier à sa source même : en Hollande. Hostilité au projet d'allianceParti de Hanovre le 11 octobre, l’abbé arriva à la Haye dans la nuit du 16 au 17[1], courut droit chez Châteauneuf ; à minuit il se présentait chez Horace Walpole. Celui-ci n’était pas rentré ; Dubois se campa dans un fauteuil et attendit. « Avant que j’aie dans ma poche une signature qui mette en sûreté ce que nous avons fait, disait-il, je ne puis avoir aucun repos[2]. » Ses appréhensions étaient justifiées. Les lettres de lord Stanhope à lord Townshend et à M. Methuen, le 25 septembre, avaient inquiété le cabinet anglais et provoqué de sa part une véhémente opposition. Les projets du roi Georges d’engager la lutte armée contre le Tsar semblaient pure aberration. « Cette guerre du Nord, disait-il, a été menée de si sotte façon (so stupidly) qu’elle sera votre ruine[3]. » Le péril moscovite laissait les Anglais très sereins et exclusivement soucieux des maladresses et des erreurs auxquelles les intérêts du Hanovre pouvaient entraîner les souverains de l’Angleterre dont une clique Etrangère dirigeait les conseils au détriment de la sécurité du royaume[4]. Stanhope n’ignorait pas ces contradictions et le jour même où l’abbé quittait Hanovre — probablement aussi par son intermédiaire — il envoyait plusieurs dépêches explicatives que H. Walpole était chargé de transmettre. Il devait tenter tout ce qui dépendrait de lui pour décider et presser les Hollandais à signer le traité sans perdre de temps et, d’autre part, persuader le représentant de l’Empereur à la Haye que la substance du traité avec la France était à l’avantage de l’Empereur[5]. Les Hollandais n’avaient pas moins lieu d’approuver, le Pensionnaire n’ayant pas caché ses appréhensions au sujet des affaires du Nord[6]. Mais ni l’Empereur ni les Hollandais n’étaient faciles à persuader et Horace Walpole ne semblait pas devoir être l’homme qui entraînerait leurs convictions récalcitrantes. A la première nouvelle du voyage de Dubois à Hanovre, le Grand-Pensionnaire prit l’alarme, vint questionner Walpole qui répondit que les signatures échangées n’avaient d’autre but que de prévenir tout malentendu sur les points convenus entre les deux négociateurs. Croyant se voir exclus tout ensemble de l'alliance avec la France et de l’alliance avec l’Empereur, les Hollandais chargeaient Walpole de plaider leur cause. Eux qui s’étaient opposés à ce qu’on traitât avec la France sans l’Angleterre ne seraient-ils pas payés de retour ? Le déboire que leur avait été le traité de Westminster, conclu sans eux, se renouvellerait-il ? Auquel cas les Français ne manqueraient pas de recourir à tous les artifices pour exploiter leur mécontentement, les attirer à eux et leur assurer la garantie de la Barrière. De Londres, Walpole se faisait autoriser à communiquer officiellement les articles signés à Hanovre aux députés aux États-Généraux et, en vue d’une négociation le cabinet anglais lui associait lord Cadogan, créature de Marlborough. Les envoyés de l’Empereur, MM. de Prié et de Heems, ne montraient pas moins d’aversion pour l’alliance française et pensaient convaincre aisément les Hollandais ; mais à leur première ouverture, le Grand-Pensionnaire répondit qu'on ne pouvait éviter l’alliance française, qu’on ne pouvait la retarder sans indisposer la France qui s’en vengerait en faisant agir le Prétendant, dont les intrigues seraient préjudiciables, même à l’Empereur[7]. L’Empereur et ses ministres n’en croyaient rien ; ils avaient donné comme instructions à leurs diplomates d’encourager la résistance des whigs à l’alliance franco-anglaise[8] et MM. de Prié et de Heems ne se conduisaient pas autrement à la Haye que M. de Wolkra à Londres et M. de Hohendorf à Paris[9]. C’était un mot d’ordre. A la Haye les envoyés impériaux se refusaient à une démarche quelconque en vue d’une alliance avec les Provinces-Unies si celles-ci ne renonçaient pas à en conclure une avec la France[10]. Fort empêtrés par cette intransigeance, Horace Walpole et lord Cadogan obtinrent de Georges Ier l’autorisation de leur communiquer les articles signés à Hanovre, mais ils n’y gagnèrent rien et le « premier » anglais s’en plaignit humblement, laissant échapper cet aveu : « la démolition des écluses de Mardyck à elle seule suffirait à justifier notre alliance, d’autant que si nous n’avions pas pu nous retirer du flanc cette épine nous aurions été tellement bridés et tenus en respect que nous nous serions trouvés dépourvus de toute sécurité chez nous et continuellement exposés à de dangereuses entreprises sur nos côtes[11]. » C’est de ce souci que le Régent et Dubois les avaient délivrés. Enfin, parmi les adversaires les moins importants mais non les moins remuants de l’alliance, il faut nommer le ministre d’Espagne à la Haye, marquis de Beretti Landi[12] et Gœrtz, ministre de Suède. Résistance de H. Walpole et de lord CadoganC’est à eux tous à la fois que Dubois allait tenir tête. Les plus redoutables étaient Walpole et Cadogan, whigs convaincus et très disposés à croire que Stanhope avait abandonné sinon trahi leur cause et leur parti. La simple idée de concourir personnellement à une alliance entre l’Angleterre et la France apparaissait a Walpole comme un démenti infligé au bon sens britannique, l'exclusion des Provinces-Unies de cette alliance où leur place était, avait-il dit tant de fois, marquée, devenait à ses yeux un manquement à l’honneur auquel il préférait sacrifier sa carrière. Quant à lord Cadogan, moins tragique, il se bornait à répondre que ses pouvoirs ne l’autorisaient pas à signer avec l’abbé Dubois. Puis il se ravisait, se déclarant prêt, par crainte du Roi, à tout terminer. Alors Walpole eut recours aux finasseries du métier : « Est-il donc impossible que les vents contraires, les délais d’usage lorsqu’il s’agit de passer des pouvoirs au grand sceau, nous empêchent de signer avec l’abbé avant que les États soient prêts[13] ? » Deux jours se passent et les compères tombent d’accord pour avertir lord Townshend qu’ils ont reçu l’ordre du Roi de signer l’alliance défensive aussitôt l’arrivée de l’abbé, en cas qu’ils aient des pouvoirs suffisants. Alors ils répètent que lord Cadogan n’a pas de pouvoirs du tout ; et que ceux de Walpole ayant été calculés pour un traité entre l’Angleterre, la France et la Hollande simultanément, ils ne peuvent rien signer avec l’abbé sans les États, jusqu’à ce qu’ils aient reçu de nouveaux pouvoirs[14]. Stanhope avait eu le temps d’instruire Dubois avant son départ de Hanovre de cette situation, en sorte que l’abbé ne fut pas surpris ; même il trouva bon que Walpole et Cadogan eussent donné connaissance aux États des stipulations de Hanovre, lui aussi voulut se montrer ouvert et leur communiqua la copie française. Le Grand-Pensionnaire se déclara touché de ces attentions et disposé a abréger ou à omettre quelques-unes des formalités interminables prescrites dans le gouvernement des États-Généraux[15]. Bonnes paroles qui n’engageaient à rien et qui ne compensaient pas du tout le refus opposé par les représentants de l'Angleterre à toute signature sans la participation des Hollandais[16]. Aux lenteurs protocolaires de la Haye venaient s’ajouter les lenteurs, insidieuses de Londres en sorte que toute l’impétuosité de Georges Ier et de Stanhope se brisait sur ce double obstacle. Georges Ier s’en désespérait. « Si, disait-il, étant allé si loin après mûre délibération, il arrivait qu’on fît avorter ce dont il était convenu, nul prince en Europe ne voudrait plus jamais tenir compte d’aucun accord fait avec lui[17]. » Les ordres partaient de Hanovre et rencontraient de la résistance. Walpole, au lieu d’obéir, discutait. « Ce matin (21 octobre), écrit-il à Poyntz, un messager nous est arrivé de Hanovre, porteur d’ordres réitérés de signer avec l’abbé ; et la seule raison que j’y trouve, c’est la crainte que le Tsar ne se rende maître de la noblesse du Mecklembourg. Sur ma vie, je ne vois pas le rapport qu’il y a entre la signature immédiate ici et cette affaire-là, ni pourquoi tout le système de l’Europe, spécialement en ce qui regarde l’intérêt de l’Angleterre, doit-être entièrement bouleversé à propos du Mecklembourg[18]. » A Londres on voulait gagner du temps, ménager le Roi, endoctriner les États de Hollande et, par-dessus tout, éviter l’esclandre d’une démission ; mais Georges Ier se faisait si impérieux qu’on ne pouvait plus se dérober. : « Je suis de votre avis touchant les inconvénients de l’alliance séparée, écrit Poyntz à H. Walpole, mais nous ne pouvons décliner les ordres formels du Roi, et d’ici nous ne pouvons espérer de les faire changer[19]. » Intervention de d’HuxellesA Londres, le cabinet se soumettait finalement à la volonté omnipotente du Roi et Stanhope rassurait Dubois sur la durée et l’efficacité de ces résistances[20]. A Paris, la lutte n’était guère moins vive, mais d’allure tout-à-fait différente. Le maréchal d’Huxelles ne renonçait pas à son dessein d’entraver et de faire échouer la négociation ; voyant quitter Hanovre pour la Haye, et comprenant que l’abbé touchait à l’heure des résultats il ne songea qu’à l’empêcher de les recueillir. Jadis plénipotentiaire de la France aux négociations préparatoires du traité d’Utrecht, le maréchal y avait eu l’occasion d’observer la complication infinie de l’administration politique en Hollande et il comptait sur les délais qu’elle impose pour ruiner l’accord signé contre son gré. En conséquence, il ordonna à Dubois et à Châteauneuf de ne rien signer avec les Anglais qu’à la condition d’obtenir l’adhésion formelle des États de Hollande[21]. Huxelles ne manquait pas de faire valoir d’excellentes raisons, comme le mécontentement des Hollandais qui se croiraient méprisés, la duplicité des Anglais qui se débarrasseraient plus aisément d’un traité avec une seule puissance que d’une triple alliance, mais le maréchal comptait sans la volonté tenace de l’abbé. Lettres de Dubois le 26 octobre à d’HuxellesCelui-ci, à l’en croire, « passa les plus cruelles nuits qu’il eut passées de sa vie[22]. » Ces Hollandais, dont le maréchal faisait si grand état, il montra qu’à les attendre on risquait de perdre les Anglais. Faisant trop peu de cas de d’Huxelles pour entreprendre de le persuader il se contente de le flagorner avec impertinence : « ...Comme je suis persuadé qu’un ange pourrait se tromper s’il raisonnait sur des faits faux ou s’il ignorait les faits dont il est question, je suis aussi convaincu que lorsque vous serez informé de la véritable situation, vous découvrirez dans un moment le chemin le plus sûr... J’ai au moins le sens d’avoir bientôt reconnu la supériorité de vos lumières et de n’avoir pas voulu partir de Paris pour Hanovre sans vos instructions ;... j’estime que nous sommes bien heureux d’être à portée de les recevoir souvent. » Ce ton, à lui seul, suffit à faire voir pour combien peu de chose comptait le Chef du Conseil des Affaires Etrangères. Dubois se permet, de lui faire la leçon : « Quand nous aurons, lui dit-il, cette sûreté que je désire depuis si longtemps et que nous serons à couvert des dangers qui m’intimident, je sens bien que nous pourrons être tranquilles et nous exécuterons vos ordres avec tout le flegme que vous pourrez désirer... Rien ne me coûterait moins à avouer que les fautes, les inadvertances et les galimatias dont mes lettres peuvent être remplies parce que je n’ai pensé qu’à employer le peu de temps dont je pouvais disposer, à vous rendre compte précipitamment derrière un paravent de tous les faits qui viennent à ma connaissance, afin de vous mettre en état de m’aider de vos excellents conseils[23]. » A NocéA Pecquet, il écrivait le même jour avec cette outrance d’expression qui lui est familière : « Je suis dans cette inquiétude comme un amant désespéré[24] ». Ensuite il s’adresse au roué Nocé, qui fera tenir la lettre au Régent[25] : « Dans le tems, monsieur, que tout ce que l’on a pu désirer tourne entre mes mains au-delà de toute espérance, on m’écrit des lettres très désobligeantes, où Ion me reproche sans rime ni raison, des variations, et sans savoir l’état présent des choses, sur d’anciennes idées et de vieux lieux communs, on m’envoie des ordres qui dérangent tout mon système et qui me font enrager. Et Son Altesse Royale a la facilité de souscrire à tout cela ! ce qui m’oblige de lui écrire pour la supplier de révoquer ses ordres, ou de me révoquer moi-même... Il ne faut pas vouloir raisonner de si loin, et je vous assure qu’ils n’ont pas d’idée de ce pays-ci. Mitte sapientem et nihil dicas. On a plus de peine à les désabuser qu’à faire l’affaire principale, et on emploie à leur faire des dissertations le tems dont on aurait besoin pour le service. Dorénavant je tiendrai pour un miracle au-dessus de tous ceux de saint Antoine de Padoue quand une affaire étrangère réussira. J’ai des choses très importantes à communiquer [au Régent] que je n’ose lui écrire, de peur qu’elles ne tombent entre les mains de gens qui ne peuvent souffrir ceux qui sont attachés à lui personnellement, et qui cheminent droit. Ce qui m’afflige, car il y a des moyens pour lui faire faire le plus grand personnage de l’Europe. » Au RégentDans sa lettre au Régent, Dubois lui dit : « Je me flatte que Votre Altesse Royale n’aura pas assez mauvaise opinion de moi pour croire qu’une sotte vanité ou quelque chose de personnel ait part au chagrin que j’ai. J’ose me vanter d’être de cent piques au-dessus de telles faiblesses ; mais je ne puis pas dissimuler que les dangers que je connais m’intimident et m’abattent au point de me rendre presque inutile. » Et il conclut : « Si ce que je prends la liberté de vous représenter vous paraît entêtement plutôt que raison, sans vous fatiguer davantage, je vous supplie de me permettre de retourner à Paris pour avoir soin de ma santé[26]. » Dans cette même lettre, Dubois, toujours mené par l’imagination, montrait le marquis de Prié allant « de porte en porte » déclamer contre notre alliance, conférant tous les jours avec lord Cadogan qui n’oublie rien pour détacher H. Walpole de nos intérêts, pendant qu’il rappelle que Stanhope lui a fait l’aveu que le Parlement d’Angleterre n’acceptera pas l’alliance si elle n’est conclue avant sa convocation et qu’il laisse entrevoir comme possible la mort du Prétendant et le changement que cet événement ferait dans l’esprit du roi d’Angleterre. à Saint-SimonEnfin, le même jour encore, Dubois écrivait au duc de Saint-Simon, autant pour l’apprivoiser par un acte de déférence auquel la vanité du duc et pair n’était jamais insensible, que pour influencer par lui le duc d’Orléans. « Je vous supplie d’exhorter ce prince, que Dieu semble destiner à de grandes choses, à être ferme dans ses opinions et sa confiance[27]. » A son très vif regret, Saint-Simon se rendait compte de l’inutilité de son opposition et, pour conserver la faveur du prince, il lui fallait se résoudre à aider ce qu’il désapprouvait, « mais, je ne puis, protestait-il, vous dissimuler la peine où je suis de voir signer un traité sans l’autre. » Et, faisant allusion à une lettre dans laquelle Dubois écrivait : « Quand on se moque du danger, on appelle cela tenter Dieu[28] », Saint-Simon ajoutait à propos de ces traités signés séparément : « C’est cela que j’appelle tenter Dieu[29] ! » Mais son opinion ne comptait guère alors, et, le 30 octobre, le Régent écrivait à Dubois de sa propre main, qu’il l’autorisait à signer, avec les seuls Anglais, les articles convenus, si les lenteurs coutumières aux Hollandais lui donnaient lieu de craindre que la négociation ne fut L’abbé sollicite un délai compromise ou ruinée[30]. L’abbé sollicite un délaiL’abbé pensait toucher enfin le but, mais d’Huxelles tenta une dernière manœuvre. Le chevalier de Saint-Georges était souffrant, on ne pouvait sans barbarie l’obliger au départ ; l’opinion publique en France serait révoltée, et on comptait sur Dubois pour obtenir un délai de la condescendance de lord Stanhope qui ne se fit pas trop prier pour l’accorder[31]. Il hésita au sujet d’une autre concession sollicitée par Dubois comme un service personnel, à savoir que les articles signés entre la France et l’Angleterre ne seraient pas publiés ni exécutoires avant leur signature publique par les États-Généraux[32]. Cette demande, écrit Stanhope, causa au roi Georges « une certaine inquiétude comme ayant l’air de préluder dans cette affaire au manque de sincérité que nous devons toujours appréhender dans nos relations avec la France[33] » ; néanmoins le ministre répondit qu’il accordait un mois pour tout délai[34]. Dubois se déclara ravi ; cette nouvelle, disait-il, lui avait rafraîchi le sang en comblant de joie M. de Châteauneuf[35]. Stanhope de mêmeDès lors il aurait eu mauvaise grâce à ne pas user de réciprocité. Georges Ier n’accordait rien de ce qui dépendait de lui sans une arrière-pensée. Stanhope avait fixé le terme d’un mois « qui sera plus que suffisant, disait-il, pour donner le tems qu’il faut aux Hollandais à [signer] » ; en effet, le roi d’Angleterre souhaitait maintenant obtenir que la République signât simultanément l'alliance avec l’Empereur et l’alliance avec la France. Pour l’y décider il était nécessaire d’avoir quelques jours devant soi et l’attente des pleins pouvoirs envoyés de Londres à lord Cadogan et à Horace Walpole aiderait à faire prendre patience. Stanhope, à son tour, sollicitait ce délai comme un « sensible plaisir » et un « service très réel » et tandis qu’il réitérait à lord Cadogan l’ordre de signer, dès que le plein pouvoir serait venu de Londres et qu’il en serait requis par l’abbé, il disait à ce dernier : « Si les choses sont au point que l’on me fait espérer, vous me rendriez assurément un service très considérable, si vous nous accordiez un délai de huit ou dix jours. Je crois même qu’un pareil délai sera le plus sûr, et même le plus prompt acheminement pour finir tout à fait[36]. » Au moment où Cadogan et Walpole recevaient notification de cette demande, leur arrivait de Londres le plein pouvoir ; aussitôt, ils le firent savoir à Dubois, ajoutant que les États-Généraux ne devant pas être prêts à signer à la date prévue, la demande de délai de dix jours était sans objet et qu’ils signeraient à l’instant si l’abbé le désirait. Celui-ci ayant transmis au Régent la demande de Stanhope devait attendre la décision du prince et toutes les instances de Cadogan ne l’ébranlèrent pas[37]. Walpole, voyant tout arrêté, partit pour Londres à petit bruit, laissant l’affaire épineuse à son compatriote. Ouverture des conférences entre Français et HollandaisAu cours cette espèce de trêve, des conférences officielles s’ouvrirent entre la France et les Provinces-Unies. Les Hollandais formulaient quatre demandes : 1° adoption d’un cérémonial Hollandais unique pour réception des ambassadeurs vénitiens ou hollandais à la Cour de France ; 2° concession à eux faite du titre de Hautes Puissances ; 3° règlement des réclamations françaises contre les Zélandais auteurs de prises faites indûment après la paix d’Utrecht ; 4° rétablissement du tarif de commerce de 1664. A Cadogan, porteur de ces réclamations, l’abbé répondit que les deux premières n'étaient pas de nature à soulever beaucoup de difficultés ; la troisième relevait surtout des tribunaux ou du droit administratif ; quant à la quatrième, la France n’y consentirait jamais[38]. Cette fin de non recevoir déconcerta Leyde et Rotterdam, la province de Hollande borna ses demandes à la révocation des placards-émanés de France depuis cinquante ans au préjudice du commerce de la République ; les six autres provinces s’en désintéresseraient, mais surtout Amsterdam blâmait une réclamation qui retardait l’alliance[39]. Insuffisance des pleins pouvoirsLe mercredi 4 novembre, dans la mâtinée, l’abbé fit avertir lord Cadogan que la réponse du duc d’Orléans lui permettait de traiter à part avec les Anglais et qu’il était, en conséquence, prêt à signer. Cadogan lui envoya son pouvoir. Dubois l’examina et le trouva insuffisant. La pièce était conçue en termes si généraux que le nom même de la France n’y figurait pas. Dans un cas particulier, il fallait des attributions précises et la signature de lord Cadogan n’engagerait que lui-même. Cadogan répliqua qu’un pouvoir général comprenait tous les cas particuliers. Il offrit de certifier sous sa responsabilité que la signature du traité ne serait valable qu’autant qu’il produirait un nouveau pouvoir dans la forme réclamée par l’abbé. Dubois fut inflexible et en référa au maréchal d’Huxelles[40]. Cadogan paya d’audace et affecta de soutenir que le minutieux examen auquel l’abbé avait soumis le « pouvoir » pendant vingt-quatre heures montrait jusqu’à l’évidence « qu’il n’avait pas envie de finir[41] ». Mais Dubois avait réponse à tout, si bien que Cadogan, subit l’ascendant du petit homme et le pria de rédiger lui-même la forme qu’il consentirait à signer. L’abbé ne souhaitait rien autant que cela, mais il manda aussitôt, au Régent et à Stanhope, le nouvel obstacle dressé devant eux. Mécontentement de Georges IerA Gœhre, où il chassait, Georges Ier apprit avec indignation ce contretemps. C’était au moment où le Tsar, après l’évacuation du Danemark, se repliait sur le Mecklembourg et menaçait le Hanovre, que le ministère anglais se livrait à ces subtilités. Le roi d’Angleterre y voyait une manière de trahison préméditée, et chargeait Stanhope de le faire entendre à lord Townshend : « La forme nouvelle du plein pouvoir que l’on a envoyé à my Lord Cadogan, me fait croire que ce n’est pas sans dessein que l’on s’est écarté de la routé commune, et des formes constamment usitées en dressant des pleins pouvoirs pour les traités particuliers que l’on a en vue. » Après avoir énuméré tout ce qui semblait répréhensible dans cette mauvaise chicane, Stanhope apprenait à Townshend que, des deux rivaux, ce n’était pas lui qui céderait la place à l’autre. Il avait supplie « très humblement et très instamment » le Roi de lui permettre de désigner sa charge, mais « Sa Majesté n’a pas jugé qu’il fut de son service de m’accorder pour le présent la grâce que je lui avais demandée avec instance[42] ». Georges Ier, afin qu’on ne pût douter qu’il conduisait toute l’affaire[43], faisait savoir au premier ministre de s’expliquer en langue française afin qu’on la pût mettre sous les yeux du Roi. Mais ce n’était pas encore assez, Lord Sunderland fut chargé de faire pressentir au « premier » que les jours de son gouvernement étaient comptés. « Je dois vous dire franchement, lui écrivait-il, que je n’ai jamais vu le Roi aussi irrité que dans cette affaire où il regarde que ce n’est pas seulement à M. le secrétaire Stanhope, mais à lui-même qu’on a manqué ; et, en vérité, la chose a besoin d'explication[44]. » Justification de lord TownshendTownshend, sentant échapper le pouvoir, fut atterré ; il se justifia comme il put auprès du Roi. A l’entendre, depuis le premier voyage de l’abbé Dubois à la Haye, il avait été des plus zélés à pousser et à avancer le traité, plus zélé que le Roi lui-même qui hésitait alors. Cette apologie maladroite se trouvait contredite par Townshend écrivant à Slingenlandt : « Ma véritable raison de signer les pouvoirs en termes généraux était de leur laisser leur véritable forme pour le jour où les États de Hollande accéderaient[45]. » Townshend n’en défendait pas moins la formule rejetée, à bon droit, par Dubois ; rappelait que la convention de Methuen, qui consacra l’asservissement du Portugal à l'Angleterre, en 1701, avait été conclue de cette manière ; bien plus, il invoquait l’opinion de M. d’Iberville qui, enchanté d’être désagréable à l’abbé, déclarait que Dubois « n’était qu’un novice dans ces affaires et que son objection n’avait pas la moindre force ». Néanmoins il avait poussé la déférence jusqu’à faire rédiger de nouveaux pouvoirs selon la formule prescrite par l’abbé et fait toute la diligence possible. Enfin Townshend avait déconseillé à Walpole un brusque départ qui eut manifesté de façon éclatante sa désapprobation des ordres du Roi[46]. Lorsque lord Cadogan reçut le plein pouvoir rédigé d’après le libellé fourni par Dubois, celui-ci soumit la pièce à examen attentif et y découvrit de nouveaux vices de forme. On ne voyait pas que les mots Georgius, P[rinceps] C[histos] R[egni], écrits au début de l’acte, fussent de la main du Prince de Galles, en outre cette signature ne se lisait pas au bas de la pièce ; enfin, ces anomalies ne se voyaient pas dans le plein pouvoir déjà refusé. On pouvait craindre d’être entré dans une voie sans issue si ces chicanes continuaient ; d’Iberville[47] et Stanhope[48] écrivirent à Dubois et firent taire ses scrupules qui portaient plus encore sur l’absence de contreseing d’un secrétaire d’État. Incontestablement, ce fait était plus grave. Le ministre britannique à la Haye montra ses archives où les actes de Ryswick et d’Utrecht n’étaient pas non plus contresignés ; Townshend invoqua les registres de la secrétairerie d’après lesquels le contreseing des secrétaires d’État n’était pas requis sur les pleins pouvoirs, mais toutes ses excuses ne corrigeaient plus l’impression fâcheuse attachée à son nom dans l’esprit du roi Georges. En réalité, Townshend avait partie liée avec les whigs sur le concours desquels il croyait pouvoir obtenir, dès l’ouverture prochaine du Parlement, un vote de blâme et peut-être le rejet de l’alliance avec la France. Dès lors il se réservait, comme un coup de maître, le désaveu du traité signé précipitamment par le négociateur français ; mais Dubois avait déjoué cette manœuvre. Quant au roi Georges il lui eut suffit de deviner que son fils le prince de Galles, qu’il haïssait, favorisait cette timide opposition, pour ne lui pardonner jamais, et Stanhope savait que ces escarmouches préludaient à une lutte plus décisive. Dubois l’y animait et ne ménageait pas les whigs qui lui donnaient tant d’inquiétudes et tant d’impatiences[49]. Suite des conférences avec les HollandaisSon amertume ne le détournait pas de la poursuite d’autres intérêts. Les conférences se poursuivaient avec les Hollandais. Leyde et Rotterdam maintenaient leurs prétentions commerciales dont Amsterdam se désintéressait sous prétexte qu’on ne devait pas retarder la conclusion du traité afin de soutenir des demandes sans espoir[50]. Le Grand-Pensionnaire tenait le même langage. La réponse française arriva à la Haye le 20 novembre. L’abbé et Châteauneuf refusèrent de la communiquer aux députés pour les affaires Etrangères avant que ceux-ci fussent suffisamment autorisés à adopter une conclusion sur laquelle on pourrait tomber d’accord après discussion. C’était une tactique pour amener la République à se prononcer sur le fonds même des arrangements, et conséquemment à revenir sur sa résolution antérieure de faire les deux alliances avec l’Empereur et avec la France, simultanément[51] ; elle réussit. Les mandataires de l’Autriche à la Haye et à Londres ne voulaient entendre à rien, Dubois et Châteauneuf faisaient assaut d’intransigeance et le Grand-Pensionnaire s’employait à ménager la France. Le 24 novembre, les Etats de la province de Hollande autorisèrent leurs députés à s’aboucher avec les diplomates français ; l’exemple donné devait entraîner les autres provinces. Dubois avait gagné la partie sur les impériaux, il présenta ses lettres de créance comme « ambassadeur à l’État[52] ». Pouvoirs définitifs de lord CadoganLe 26 novembre, lord Cadogan reçut la déclaration de lord Townshend au sujet des pouvoirs non contresignés. La signature fut fixée au lendemain, à la condition d’en garder le secret pendant un mois, ou moins si les États-Généraux consentaient avant ce terme à signer. SignaturesLe 27, le ministre de France fit connaître aux députés aux Affaires Etrangères les réponses du Régent à leurs demandes. Les distinctions honorifiques étaient accordées, les litiges sur les prises renvoyés aux tribunaux, les concessions commerciales réduites à tout ce qui ne préjudicierait pas au commerce français. Dèsà présent, le Régent supprimait les quatre sous par livre établis en 1699 sur les marchandises importées en Hollande, et il étendait à tous les ports de France l’entrée des étoffes de laine et autres marchandises, limitée jusque-là aux ports de Calais et de Saint-Valery. Un règlement définitif ferait l’objet d’une convention particulière. Le Pensionnaire porta aussitôt cette réponse aux États de la province de Hollande. Tous, sauf Leyde et Rotterdam, étaient satisfaits ; mais, écrivait le ministre anglais si [ces villes] voient quelles n’obtiennent rien, elles se rangeront avec les autres[53]. Enfin, le 28 novembre, Dubois et Cadogan échangèrent leurs pleins pouvoirs et signèrent le traité d’alliance défensive entre la France et l’Angleterre, littéralement identique à la convention de Hanovre. La démolition de MardyckCadogan le fit savoir aussitôt à Stanhope et lui rendit compte qu’il avait introduit à propos de la démolition de Mardyck les paroles suivantes : « Quand ce traité sera ratifié, le roi de la Grande-Bretagne et les seigneurs les États-Généraux des Provinces-Unies pourront envoyer des commissaires sur les lieux pour être témoins oculaires de l’exécution de cet article. » Dubois ne trouva rien à objecter, mais se retrancha derrière la défense à lui faite de rien signer qui ne se trouvât dans le texte arrêté à Hanovre, tout en consentant à ce que ces paroles fissent partie du traité à signer avec les Hollandais. Dès le jour même il écrivait à Cadogan : « ... je suis persuadé que Mgr le duc d’Orléans sera très content qu’il y ait quelqu’un à Mardyck de la part du roi de la Grande-Bretagne, qui soit témoin de la fidélité et de la diligence avec laquelle on exécutera ce qui a été promis[54]. » Le protocole du traitéA force de concessions et de bassesses l’abbé Dubois se flattait de fléchir l’insultante prétention du protocole anglais. A Londres on prétendait n’admettre que la rédaction en langue latine, qui donnait au souverain de ce pays les titres de roi de Grande-Bretagne, de France et d’Irlande, avec la préséance sur le roi de France. Dubois réclama la rédaction d’un texte français, ayant même valeur que le texte latin, et réservant à Louis XV le titre de roi de France et de Navarre. Cadogan invoquait le traité d’Utrecht où Louis XIV laissait donner à la reine Anne le titre (en latin) : de reine de France. Il ne manquait pas d’esprits sensés en Angleterre qui tenaient cette revendication pour dénuée de fondement, mais il ne se rencontrait pas un homme d’État qui consentît à risquer sa tête si le Parlement recherchait l’auteur d’une si criminelle omission[55]. Cette crainte pouvait paraître frivole, fait observer Torcy, à qui n’aurait pas connu la Constitution de l’Angleterre et le danger continuel où étaient exposés ceux qui avaient en main l’administration des principales affaires de l’État[56]. Le titre de « Roi de France »Jusqu’à cette époque, les traités conclus entre Louis XIV et l’Angleterre comportaient toujours un texte français pour le roi de France, un texte latin pour son collègue et le préambule de ce dernier portait invariablement, pour désigner Louis XIV, le titre Rex Christianissimus et Magnæ Britanniæ, Franciæ et Hiberniæ Rex (ou Regina) pour désigner Charles II, Guillaume III, ou la reine Anne. Au contraire, sur l’exemplaire français on lisait toujours : Louis XIV, par la grâce de Dieu, Roi Très-Chrétien de France et de Navarre, et le souverain anglais devenait roi de la Grande-Bretagne ; dans le détail des articles on abrège sous la forme ; Roi Très-Chrétien. Le traité d’Utrecht rédigé en français et en latin, et le traité de commerce annexé au traité de paix font usage des mêmes appellations pour Louis XIV, tandis que dans le texte latin la reine Anne est qualifiée comme ci-dessus, de même encore, en 1697, le traité de Ryswick donne à Guillaume III les titres de Magnæ Britanniæ, Franciæ et Hiberniæ Rex ; enfin la paix de Bréda conclue, en 1667, entre Louis XIV et Charles II, considérée comme l’acte régulateur, la forme modèle, était représentée, à défaut des instruments originaux par deux exemplaires imprimés à l’époque même : l’un en latin, l’autre en français, tous deux offrant la garantie de publications officielles. Dans le titre de l’exemplaire latin — qui ne contient pas de préambule —, Charles II énumère ses trois royaumes, Grande-Bretagne, France et Irlande, il se borne à prendre au cours des articles, le titre de roi de la Grande-Bretagne et accorde à Louis XIV celui de roi Très-Chrétien. Dans l’exemplaire français, le préambule nomme Louis XIV, roi de France et de Navarre et Charles II, roi de la Grande-Bretagne. Dans les articles, Louis XIV devient le roi Très-Chrétien. Telle était la tradition constante que Dubois n’a fait qu’accepter. Dans les transactions avec l’Angleterre, on tolérait au roi de cette contrée la fantaisie de se parer d’un titre sans réalité et de commettre un manque de tact et une impertinence, à condition qu’il le fît dans cette langue latine qui ne brave pas que l’honnêteté, mais se dérobe parfois à la politesse. En français, on ne badinait plus et le roi de France portait son titre historique. Tel avait été l’usage sous Louis XIV qui, dans le corps des traités, acceptait le titre de roi Très Chrétien comme une désignation suffisamment claire. Tel avait été déjà l’usage sous Louis XIII[57]. Négociations en HollandeDubois avait maladroitement soulevé cette question, mais elle n’avait pas absorbé son attention. Il sentait son œuvre incomplète et, à l’occasion, le Régent abondait dans ce sens : « Vous vous souviendrez, écrivait-il à son plénipotentiaire, que je n’ai jamais regardé cette grande affaire comme couronnée et qu’on ne peut la regarder comme telle que par la signature de la Triple-Alliance[58]. » Mais ce résultat ne pouvait être atteint qu’après beaucoup d’efforts car un député fort influent aux États n’avait pas dissimulé à l’abbé « que si bonne mine que fissent alors les principaux de la République, nous devions compter qu’il y avait dans le plus grand nombre un fonds de préjugés contre la France, et un attachement à ses ennemis dont on verrait des effets et des marques sitôt qu’ils pourraient impunément ne pas se contraindre[59]. » Le parti, français avait pour chef Duywenworden, ancien ambassadeur de Hollande à Londres, et son frère l’amiral, qui poussait vers un rapprochement intime avec la France. Le parti opposé guidé par Heinsius, Fagel, Vanderdussen, Slingenlandt et Hop n’avait d’égards que pour les whigs et pour l’Empereur, Duywenworden avait pris ombrage du traité de Westminster et redouté qu’il ne rendît l’alliance franco-anglo-hollandaise impossible ; aussi fit-il le meilleur accueil à Dubois dont les manœuvres semblaient « l’avoir ressuscitée[60] ». Il lui promit son concours et lui déclara « qu’il n’y avait pas un sujet en Hollande qui ne mît jusqu’à sa chemise pour soutenir la garantie de la succession de la France, réglée par les traités d’Utrecht. » Le parti adverse marquait plus de froideur, affectait une crainte extrême de se brouiller avec l’Empereur[61]. Il avait obtenu des États-Généraux une résolution ferme de ne pas conclure d’alliance avec la France avant la conclusion de l’alliance avec l’Empereur, demeurée en suspens depuis le mois de juin. Dubois prêt aux concessionsDubois voulut d’abord visiter tous les chefs de ce parti et se persuada qu’ils formulaient des objections identiques à celles des Anglais quelques mois auparavant, d’un côté comme de l’autre les intrigues de la Cour impériale n’y étaient pas étrangères[62]. Tout d’abord l’abbé, on l’a vu, avait laissé entendre que les concessions touchant le cérémonial étaient possibles, celles relatives aux prises réservées, celles concernant le tarif de Commerce repoussées. Le retour au tarif de 1664 avait été consenti par Louis XIV au cours de l’année 1709 lorsque la France paraissait perdue, mais en 1716 une telle concession semblait inouïe et, pour ainsi dire, provocatrice. D’Huxelles l’avait fait comprendre à Châteauneuf et à Dubois[63], mais ce dernier revint à la charge, allégua qu’autorisé par d’Huxelles, Châteauneuf avait fait avant lui quelque promesse aux Hollandais[64]. Le 9 novembre, le maréchal fit espérer la suppression possible, dans un an, du droit de quatre sols par livre établi en 1699 sur les marchandises du Nord[65]. Il pense berner les HollandaisL’abbé faisait aussi bon marché de la dignité que de l’intérêt du royaume pourvu que sa carrière diplomatique ne connût que des succès. Selon lui, « la Triple Alliance étant essentielle au repos du royaume, il serait fort sage de sacrifier quelque chose plutôt que de s’exposer à la perdre. » Et cette fois comme pour la question de Mardyck il réclamait le sacrifice, ajoutant : « Nous n’avons pas le temps de marchander[66]. La précipitation avait fait conclure à Hanovre des stipulations onéreuses, invoquée une fois de plus elle allait faire signer à la Haye un traité utile mais prématuré une fois de plus l’intérêt de la France était sacrifié à l’avantage du Régent. Dubois écrivait à ce prince « de ne pas croire que tout ce qu’il veut faire soit contenu dans les lettres au Roi et à monsieur le Maréchal que M. de Châteauneuf écrira et que l’abbé signera avec lui... Notre situation devient gaillarde, mais j’y perdrai mon latin et vous n’en aurez pas le démenti. J’ai formé un projet assez effronté ; j’entreprends de faire solliciter notre alliance par les députés qui nous étaient les plus opposés. Le détail de ce plan serait plus ample que celui de M. de Louvois pour le siège de Gand[67]. » Il ne s’agissait que de séparer les Hollandais des Impériaux par l’offre de « quelque douceur sur le commerce[68] » ; ce qui ferait « bien enrager » le marquis de Prié. C’était un marché raisonné que Dubois proposait et, une fois de plus, le prix en était payé par la France et les bénéfices allaient à la Hollande et au Régent. Pour appâter ce dernier, son compère se faisait trivial, lui recommandait de ne pas lésiner « chiquète à chiquète[69] » et pressentant une résistance, Dubois écrivait à Nocé avec une jolie désinvolture : « Examinez si l’article de commerce causerait un préjudice au royaume. Si cela n’est pas important, exhortez-le à m’en laisser le maître[70]. » Le Régent hésitait, redoutait, malgré ses conseillers, de faire passer son profit avant celui du pays, Dubois le harcelait : « Cette affaire est telle, lui écrivait-il, que la France et les autres États ne pourraient plus, si elle réussissait, se passer de l’influence de Son Altesse et que lorsque la Régence serait finie, le Roy ne pourrait gouverner sans son assistance[71]. » C’était le programme que l’avenir devait réaliser. Dans cet avenir Dubois avait déjà fixé son rang, à côté et même au-dessus du duc d’Orléans. Nul ne le soupçonnait encore d’une si haute ambition à le voir tourbillonner, argumenter avec les uns, ergoter avec les autres, parler, écrire sans trêve et sans merci : « Vos lettres, écrit-il au Régent, me font de la force. Le seul miracle qu’elles ne font pas, c’est de m’engraisser. Je n’ai que la peau sur les os. Je suis accablé de travail. Je ne dors que trois heures par nuit ; » en sorte que « l’envie, qui gémissait de sa fortune, se fut consolée, a-t-on dit, si elle eût connu ses travaux[72] ». Vers la fin du mois de novembre, Dubois présentait ses lettres de créance comme ambassadeur. Le 1erdécembre, les villes de Hollande faisaient connaître leurs résolutions. Amsterdam se déclarait pour la France, le 4, Leyde se ralliait à la promesse de l’abolition du droit de 4 sols par livre ; le 8, la presque unanimité du pays, sauf Rotterdam, était acquise à l’alliance française et abandonnait l’Empereur[73]. Le 11, l’abbé en donnait avis au Régent : « Votre alliance avec les États-Généraux est conclue et sera signée sous peu, après que les députés aux États, qui avaient pouvoir de la faire et de la conclure, et qui l’ont arrêtée, en auront donné connaissance à leurs maîtres et auront eu leur approbation, ce qui est une formalité inévitable[74]. » Et se fait jouer par euxIl fallait s’attendre à de nouveaux retards. « J'ai vu entre les mains de Cadogan une lettre du marquis de Prié, disait encore Dubois ; il assure qu’on fera reculer la signature des Hollandais si longtemps qu’on n’en verra pas la fin[75]. Mais, ajoute-t-il, les États-Généraux qui veulent mettre l’Empereur dans son tort s’il se fâche de ce qu’ils font avec nous, ont résolu d’abord que l’alliance avec la France sera signée, de lui offrir d’entrer dans celle qu’il a faite l’an dernier avec le roi d’Angleterre, quand il lui plaira. » C’était une petite trahison, mais réparable, où Dubois et Châteauneuf avaient été bernés comme des débutants[76]. L’abbé, mortifié au fond de lame, joua la modestie, parla de ses peines intérieures et de son désir de garder le silence sur ces événements, désir aussi ardent que celui d’un religieux de la Trappe vers le paradis[77]. Cette déconvenue décida un changement de tactique. Sachant que la confidence est le mode le plus efficace de la publicité, Dubois confie à demi-mots à Duywerworden l’impatience du Régent, le mécontentement du Conseil et la possibilité de son rappel à raison de ces délais et défaites des États[78]. Duywenworden en fait part à Heinsius qui se laisse voir très ému et que va troubler l’ultimatum du maréchal d’Huxelles. Ultimatum de d’HuxellesIl était ainsi conçu[79] : « Je veux désormais éviter s’il m’est possible que l’on me puisse reprocher d’avoir prostitué la dignité du Roi comme elle le serait en effet si Sa Majesté continuait de faire plus longtemps des démarches qui ont été faites de sa part depuis quelques mois. Ainsi si la République ne se détermine pas à fixer un terme pour ta signature de l’alliance, je vous supplie, monsieur, de vouloir bien m’en informer par un courrier exprès afin que sur le compte que j'aurais l’honneur de rendre à Son Altesse Royale elle puisse prendre les résolutions qu’elle jugera le plus à propos sans s’arrêter plus longtemps à de vaines assurances et de bonnes intentions dont on ne voit jusqu’à présent nul effet. » Inquiétude et soumission des EtatsLe 26 décembre Dubois, flanqué de Châteauneuf, se présenta à l’audience du Grand-Pensionnaire, parla d’un ton sec des procédés des États, du mécontentement du Régent et de la nécessité d’en finir sur-le-champ. Heinsius prit peur, céda, conseilla de se soumettre. Les députés sollicitèrent un répit de quatre jours. Les États, assemblés le 27, annoncèrent qu’ils signeraient l’alliance le 31 décembre ou, si le Régent y consentait, le 4 janvier 1717[80]. Les Hollandais comprirent que leurs coutumières lenteurs, bien loin de les servir, pourraient leur porter préjudice ; ils abrégèrent donc, simplifièrent, suspendirent la règle de l’unanimité et tinrent l’acquiescement de deux membres dans chaque ville ou province pour suffisant et valable, nonobstant le désaccord de leur collègue[81]. Les précédents d’ailleurs ne manquaient pas. En 1648, en 1701 on n’avait pas attendu la réponse de la province de Zélande ; en 1701, tout avait été discuté, voté, conclu et signé, c’est-à-dire bâclé, en vingt-quatre heures, « terme trop court pour consulter les provinces et les villes et pour en obtenir le consentement[82] ». Pendant que les États se soumettaient à une certaine hâte, les commis ne négligeaient rien pour maintenir les traditions de lenteur. Comme le texte des articles échappait à leurs atteintes, ils prenaient leur revanche sur le protocole ; quant aux scribes ils alignaient leurs plus grosses bévues et leurs malices les plus délicates, comme de substituer Galliarum Rex à Rex Christianissimus ; enfin ils prodiguaient les fautes d’orthographe au point d’imposer une transcription nouvelle, — et cela aussi faisait gagner du temps. Pour l’article relatif à Mardyck, le ministère anglais avait rédigé un texte déplaisant pour le roi de France qui était censé vouloir manifester son éloignement de se soustraire aux conventions antérieures. Georges Ier modifia, de sa main, cette rédaction pour faire dire au roi de France qu’il désirait exécuter ce qui avait été convenu. La nuance était subtile, le ministère anglais s’en offensa et maintint dans le traité la forme non corrigée. Joie triomphante de DuboisEnfin, le 4 janvier, le traité de la Triple-Alliance fut signé à la Haye, entre la France, l’Angleterre et la Hollande. Dubois triomphait. Le jour même il écrivit au Régent ce billet fameux : « J’ai signé à minuit. Vous voilà hors de page, et moi hors de mes frayeurs, que Votre Altesse Royale canonisera, lorsque j’aurai eu l’honneur de lui rendre compte de tout. Je m’estime très heureux d’avoir été honoré de vos ordres dans une affaire si essentielle à votre bonheur, et je vous suis plus redevable de m’avoir donné cette marque de l’honneur de votre confiance que si vous m’aviez fait cardinal[83]. » Opinion publique en FranceLe mot était lâché ! Dubois entendait bien ne pas être récompensé par « de la guenille[84] ». Il était en droit d’attendre beaucoup de la reconnaissance de celui qu’en toute occasion il appelait « Son maître ». Le Régent était radieux. Au moment où il venait de recevoir le courrier de Dubois lui annonçant la signature, Madame se présenta chez lui et il dit : « Ma mère, permettez-moi de vous embrasser pour la joie que me cause la nouvelle que je viens d’apprendre de la triple alliance[85]. On embrassa le traité et on le fit embrasser au maréchal d’Huxelles, qui s’en fût bien passé ; mais on manifestait une extrême satisfaction, plus bruyante que sincère peut-être. Le Régent ne pouvait se retenir de dire à lord Stair : « Nous verrons bien des visages allongés[86] » ; il disait vrai et on sait le cas qu’il faut faire des éloges de d’Huxelles[87] et des louanges de Pecquet[88]. Ceux de Saint-Aignan faisaient ressouvenir de la fable du pavé de l’ours. « La voilà donc conclue, disait-il, cette triple alliance contre laquelle on a crié si fort de son tems. On s’est élevé de même contre tous les traités avec l'Angleterre depuis celui de Brétigny. Pourtant la paix avec les Anglais nous a presque toujours plus profité que la guerre, en dépit de nos victoires. Aujourd’hui moins que jamais, il ne doit exister d’inimitié entre eux et nous. Il faut que les préjugés du temps cèdent à l’évidence et qu’on ne dise plus quand Dieu tonne ou que la terre tremble : C’est l’Anglais ![89] » En Angleterre et en HollandeEn Angleterre, la nouvelle de la démolition de Mardyck déchaîna l’enthousiasme. « Nous voyions avec admiration, disait l’adresse de la Chambre des Communes, les conditions désavantageuses imposées dans le traité d’Utrecht à [notre] Nation, lorsqu’elle était à la tête d’une confédération puissante et victorieuse, redressées par Votre Majesté, au milieu même des dangers et des troubles intestins... Nous ne saurions dire si d’avoir souffert que la démolition du port de Dunkerque ait été indignement éludée fera dans l’avenir plus de déshonneur à la nation britannique, qu’elle ne recevra d’honneur d’avoir procuré la destruction des écluses de Mardyck. » Mais la question de Mardyck couvrait adroitement la question hanovrienne qui retirait le principal bénéfice. Les tories, certains whigs et les jacobites fidèles ne s’y trompèrent pas un seul instant. En Hollande on aimait assez un traité qui ne coûtait rien et qui affermissait la paix, ouvrant au commerce des perspectives avantageuses. Le traité de la Triple AllianceLe traité exprimait d’abord l’intention des contractants d’affermir de plus en plus la paix entre leurs royaumes et États respectivement, d’éloigner entièrement de part et d’autre tout sujet de soupçon qui pourrait en quelque manière que ce fût troubler la tranquillité de leurs États et de resserrer plus fortement encore par de nouveaux nœuds l’amitié qui était entre eux. Il comprenait huit articles[90] : Articles Ier et IIL’article Ier stipulait une alliance et une union étroite, tant au dedans qu’au dehors de l’Europe, avec promesse des Parties de se procurer réciproquement et fidèlement leur utilité et leurs avantages, de détourner et empêcher par les moyens les plus convenables les pertes et dommages qui pourraient leur arriver. L’article II concernait celui qui avait pris le titre de prince de Galles, pendant la vie du feu roi Jacques II, et après la mort dudit roi, celui de roi de la Grande-Bretagne. Comme l’expérience avait fait connaître que la proximité de son séjour pouvait exciter des troubles dans la Grande-Bretagne, le roi Très-Chrétien s’obligeait d’engager ladite personne de sortir du comtat d’Avignon et d’aller faire son séjour au-delà des Alpes, immédiatement après la signature du traité et avant l’échange des ratifications ; et pour témoigner encore davantage de son désir sincère d’observer religieusement tous les engagements que la couronne de France avait pris ci-devant touchant ladite personne, le roi Très-Chrétien s’engageait à ne lui donner, en quelque temps que ce fût, directement ou indirectement, aucun conseil, secours ou assistance, etc. Il ne lui permettrait pas de revenir en Avignon ou en Lorraine, ni en aucun lieu de sa domination, encore moins en Hollande d’y demeurer, sous quelque nom et sous quelque apparence que ce fût. Articles III et IVL’article III promettait au nom des contractants le refus de toute sorte d’asile et de retraite aux sujets de l’un d’entre eux qui auraient été ou qui pourraient être déclarés rebelles, et l’on réglait la procédure de l’expulsion. L’article IV prescrivait la démolition de Dunkerque et de l’écluse de Mardyck. Il avait été rédigé en français à cause de l’impossibilité d’exprimer en latin le détail technique des ingénieurs. Mais l’esprit de cet article était résumé préalablement en quelques lignes, latines dans l’un des instruments, françaises dans l’autre, avec cette singularité que la rédaction latine conservait la forme peu aimable qu’avait adoptée et maintenue le ministère, de Londres, malgré l’adoucissement suggéré par le Roi, tandis que la rédaction française n’était pas autre chose que la traduction mot par mot du texte plus gracieux de Georges Ier. On continuait en posant en principe que le nouveau port ou canal de Mardyck ne devait servir qu’à l’écoulement des eaux qui sans cela inonderaient le pays, et au commerce nécessaire pour la subsistance des peuples, lequel se ferait par des bâtiments qui ne pourraient pas avoir plus de seize pieds de largeur. Venait ensuite le menu détail de la destruction tel que l’avaient arrêté, en français, à Londres, lord Townshend, M. Methuen et M. d’Iberville : la grande écluse de Mardyck détruite ; la petite, réduite de vingt-six pieds à seize ; les jetées et fascinages rasés au niveau de l’estran, tant à Dunkerque qu’à Mardyck. Les matériaux provenant des démolitions pourraient être employés ailleurs, à tels usages que Sa Majesté Très-Chrétienne jugerait à propos, pourvu que ce fût à deux lieues de distance de l’une et de l’autre place. Après la ratification du traité, le roi d’Angleterre et les Etats pourraient « envoyer des commissaires sur les lieux pour être témoins oculaires de l’exécution de cet article ». Article VL’article V contenait, avec l’alliance défensive, la sanction partielle du traité d’Utrecht, qui lui servait de base et que Stanhope avait d’abord rejetée si loin dans ses conférences avec Dubois. Il y était dit que le véritable but de cette alliance étant de conserver la paix établie par les traités d’Utrecht entre le roi Très-Chrétien, la. reine de la Grande-Bretagne et les Hauts et Puissants Seigneurs les États-Généraux des Provinces-Unies, on était convenu et demeuré d’accord que tous et chacun des articles de ces traités de paix, en tant qu’ils regardaient les intérêts dès trois puissances respectivement et de chacune d’elles en particulier, et ensemble les successions à la couronne de la Grande-Bretagne dans la ligne protestante et à la couronne de France suivant ces traités, demeureraient dans toute leur force et vigueur. Les contractants promettaient leur garantie réciproque pour l’exécution de toutes les conventions contenues dans ces articles, concernant les successions, les intérêts des deux royaumes et des États, le maintien et la défense des royaumes, provinces4, états, droits, immunités et avantages que chacun des alliés posséderait réellement au temps de la signature de cette alliance. Et à cette fin, ils étaient convenus que si l’un d’eux était attaqué par les armes par quelque prince ou État que ce fût, les autres alliés interposeraient leurs offices auprès de l’agresseur, pour procurer satisfaction à la partie lésée et engager l’agresseur à s’abstenir de toute hostilité. Articles VI à VIIIL’article VI déterminait le contingent en troupes de terre, vaisseaux ou argent, qu’ils auraient à fournir si, dans le délai de deux mois, ils n’avaient pas obtenu satisfaction. L’article VII étendait cette garantie au cas des discussions intestines ou des rebellions au sujet des successions ou sous quelque autre prétexte que ce fût ; il prévoyait l’éventualité d’une déclaration de guerre des alliés aux agresseurs, avec l’obligation de s’assister réciproquement de toutes leurs forces. L’article VIII et dernier stipulait l’échange des ratifications dans un délai de quatre semaines, ou plus tôt si faire se pouvait. Un article séparé entre la France et la Hollande spécifiait que la garantie réciproque et les secours stipulés par les articles V et VI n’auraient lieu que pour leurs États et possessions en Europe. Il en fut de même avec l’Angleterre. Dubois fait ses adieux au roi GeorgesAvant de regagner Paris, Dubois vit arriver à la Haye, le 15 janvier, lord Stanhope avec qui il brûla la convention secrète au roi de Hanovre signée par Cadogan et l’abbé le 28 novembre et qui perdait sa raison d’être ; le texte du 4 janvier laissait entrevoir moins clairement les intérêts particuliers qui avaient abouti au traité. Georges Ier vit Dubois à Utrecht, le 22 janvier. « Il me pria, raconte celui-ci, de le suivre dans son yacht, ce qui me permit d’être auprès de lui pendant sept ou huit heures et de l’entretenir en toute liberté de choses publiques et particulières. J’ai eu l’honneur de le voir tous les jours jusqu’à hier et d’être à portée, sans demander audience, d’en avoir autant et de si longues que j’ai pu souhaiter[91]. » On se quitta avec mille démonstrations d’amitié et Dubois dit à Stanhope en se séparant de lui : « Je m’en retourne très disposé à ne rien négliger de ce qui peut entretenir et fortifier l’amitié entre le Roi et Mgr. le Régent[92]. » Prend congé des EtatsLe 28 janvier, le plénipotentiaire prit congé des États en les assurant que Louis XV et le Régent « voient avec une complaisance infinie le renouvellement de cette liaison, déjà accompagnée de leur part d’une amitié aussi attentive aux intérêts de la République qu’à ceux mêmes de la France, et qui commence à faire revivre les temps où la couronne de France reconnaissait ses amis et ses ennemis à la conduite qu’ils tenaient à l’égard des Provinces-Unies. » Ce n’était que compliments, remerciements, applaudissements[93]. Dubois, bien pourvu de contrebande pour les princesses de la famille d’Orléans[94], s’embarqua le 3 février dans le yacht des États parmi les salves, les fanfares[95], les beuveries[96]. Ayant toute honte bue, il débarqua à Mardyck ! « Je ferme mon portefeuille, écrivait-il, avec la satisfaction, de ne pouvoir pas me reprocher d’avoir écouté une pensée ou dit une parole qui n’eût pas pour but le service de Son Altesse Royale[97]. » — A la France il n’avait pas songé. RatificationsA Londres, où Georges Ier arriva à la fin du mois de janvier, le cabinet Townshend allait être renvoyé et devenir la victime de la politique du Roi et de Stanhope[98]. A Paris, le Conseil de Régence se soumit au fait accompli et ordonna le renvoi du Prétendant qui sortit d’Avignon le 6 février se rendant à Rome, laissant des dettes nombreuses et emportant quarante-cinq pièces d’excellent vin de Bourgogne[99]. Rien ne retardait plus les ratifications qui s’échangèrent dans l’hôtel de l’ambassadeur de France à la Haye, le 25 février 1717, par les soins de MM. de Châteauneuf, Fagel et Leathes représentant la France, la Hollande et l’Angleterre[100]. Artisans et bénéficiaires du traité« Votre voyage à la Haye, avait dit Stanhope à Dubois, a sauvé bien du sang humain et il y a bien des peuples qui vous auront obligation de leur tranquillité sans s’en douter[101]. » C’était ce qu’on pouvait dire de plus juste à la décharge de l’inventeur de cette alliance qui affermissait les chances de paix générale. Cette paix, qui était pour la France une nécessité absolue, on n’avait pu y travailler d’accord avec le roi d’Espagne déterminé à n’aider en rien le Régent et à le contrarier en tout. Plus efficacement que Dubois et par des moyens toujours avouables, Châteauneuf avait préparé les voies à un effort diplomatique original qui constituait un parti français au cœur de la Hollande, parti assez fort pour y tenir en échec nos adversaires, obliger le roi Georges à compter avec lui, éliminer l’influence de l’empereur Charles et mettre la France à même d’épier et de saisir une conjoncture favorable. Celle-ci s’était offerte sous la forme d’une menace dans le Nord de l’Europe lorsque le Tsar parut menacer les États allemands de Georges ; l’avis que le Tsar envoyait secrètement un ministre en France[102], quoique ignoré de Dubois, décida du succès de la mission de celui-ci par le coup de théâtre de Hanovre. Georges Ier restait le principal bénéficiaire du traité de la triple alliance qui l’assurait de la couronne d’Angleterre et lui ouvrait de vastes ambitions en Allemagne. Les whigs auraient à se satisfaire avec Mardyck et l’expulsion du Prétendant. Stanhope recueillit la succession de Townshend et les bénéfices de la victoire que son parti avait remporté à la Haye et qui grandissait beaucoup le prestige de son maître. Heinsius et les Hollandais s’estimaient pleinement satisfaits à la lecture d’un traité qui ne leur coûtait rien et leur ouvrait la perspective de fructueuses opérations commerciales. Le Régent faisait sonner haut le gage de paix générale à l’abri duquel il avait poursuivi son intérêt particulier : la succession au trône de France. Tous les autres points litigieux en Italie, en Allemagne, dans le Nord demeurèrent en suspens de sorte, qu’en France, la Triple Alliance de la Haye n’avança les affaires que du seul duc d’Orléans. Il y avait mis le prix en livrant Mardyck. Que la création de ce port fut contraire à l’esprit du traité d’Utrecht on peut le soutenir, mais que son maintien dut déchaîner une nouvelle guerre on est en droit de le nier. L’admission de commissaires assistant à la démolition était une lâcheté sans excuse, quant au renvoi du Prétendant et à la proscription des Jacobites on ne pouvait songer sérieusement à faire un reproche. Dubois récompenséToute la carrière politique de Dubois sortit du traité de la Haye comme un fruit vénéneux éclot sur une souche empoisonnée.« Le traité de la Haye, disait-il lui-même, ne se serait jamais fait par le train ordinaire. Il n’avait pas eu besoin d’être sorcier pour y réussir », il lui avait suffi d’être « le dépositaire du secret du prince et tout ce qu’il avait dit avait la valeur de ce qu’aurait dit le prince lui-même ». C’est, en quelques mots, l’histoire de cette nouveauté funeste qu’est la diplomatie secrète. Après le succès obtenu nul n’était plus en mesure de faire la part à cette puissance occulte, Dubois pouvait tout entreprendre, tout espérer. Il reçut l’abbaye du Saint-Riquier, au diocèse d’Amiens, valant vingt-cinq mille livres de rentes[103] ; quelques semaines plus lard il était désigné pour la charge de secrétaire du cabinet du Roi « avec la distinction d’avoir seul droit de tenir la plume du Roi à l’exclusion des trois autres secrétaires[104] ». Enfin, le 26 mars, il était nommé au Conseil de Affaires Etrangères en raison de sa « capacité et expérience ». Dès lors, Dubois tenait dans sa main tous les fils, ceux de la diplomatie officielle comme ceux de la diplomatie secrète. Le secret de son succès ne se trouvait pas dans un mérite hors ligne, une habileté ou une expérience sans rivales, mais dans l’avantage d’avoir un plan, de le suivre et de l’imposer autour de lui. « Le Régent qui suit presque toujours les idées qui lui viennent, sans s’arrêter à aucune est ordinairement arrêté et fixé par celles de l’abbé Dubois, disait un contemporain. Si celles-ci ne sont pas accompagnées d’autant de lumières que celles du Régent, elles sont au moins soutenues par quelque chose de plus solide et par un plan fixe et suivi dont le Régent est incapable[105]. » Tel était le secret du succès de Dubois. Il avait trouvé et fourni au duc d’Orléans le triple moyen de gouverner la France pendant la minorité, après la majorité et, peut-être, après la disparition, toujours prévue, de Louis XV[106]. Pour lui-même, il était sans inquiétude comme sans ambition, installé au cœur de la place, pouvant choisir et prendre à son gré, à portée de tout, capable de tout, mais sans hâte et sans bruit. On venait de le voir « se fourrer » dans le Conseil des Affaires étrangères, « comme ces plantes qui s'introduisent dans les murailles et qui enfin les renversent[107] ». |
[1] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 84, Châteauneuf au Roi, 20 octobre 1716.
[2] Arch. Aff. Etrang., Hollande, f. 310, fol. 153 : Dubois à Pecquet, 26 octobre 1716.
[3] W Coxe, Memoirs of H. Walpole,
t. II, p. 86 : lord Townshend à lord Stanhope, 23 septembre (= 4
octobre) 1716.
[4] W. Coxe, Memoirs of H. Walpole, t. III, p. 91-92 : Steph. Poyntz à Stanhope, Hampton-Court, 25 septembre (= 6 octobre) 1716.
[5] W. Coxe, Memoirs of Walpole, t. II, p. 98 : lord Stanhope à Horace Walpole, Hanovre, 6 octobre 1716.
[6] W. Coxe, Memoirs of Walpole, t. II, p. 101 : lord Stanhope à lord Townshend, Hanovre, 9 octobre 1716.
[7] Public Record Office, Holland, vol. 375 : Hor. Walpole à Stanhope, la Haye, 6 octobre 1716.
[8] Bibl. nat., ms. fr. 10670, fol. 818 : Torcy, Mémoires diplomatiques ; Weber, Die Quadrupel Allianz vom Jahre 1718, 1887, p. 23.
[9] G. de Lamberty, Mémoires pour servir à l’histoire du XVIII siècle, t. IX, p. 558.
[10] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. VI : H. Walpole à lord Stair, la Haye, 13 octobre 1716.
[11] Public Record Office, Germany, vol. 202 : lord Townshend à Schaub, Hampton-Court
5 (= 16) octobre 1716.
[12] Bibl. nat. ms. fr. 10670, fol. 821, Torcy, Mémoires diplomatiques.
[13] W. Coxe, Memoirs of H. Walpole, t. II, p. 103-106 : H. Walpole à lord Townshend, la Haye, 14-16 octobre 1716.
[14] W. Coxe, Memoirs of H. Walpole,
t. II, p. 103-106 : H. Walpole à lord Townshend, la Haye, 14-16 octobre
1716.
[15] Public Record Office, Holland, vol. 375 : lord Cadogan et H. Walpole à lord Stanhope, la Haye, 20 octobre 1716.
[16] W. Coxe, Memoirs of H. Walpole, t. II, p. 112 : Steph. Poyntz à H. Walpole, 20 octobre 1716.
[17] Public Record Office, Holland, vol. 375 : lord Stanhope à lord Cadogan et à H. Walpole, Gœhre, 21 octobre 1716.
[18] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 212 : H. Walpole à Poyntz, la Haye, 21 octobre.
[19] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 212 : Steph. Poyntz à Walpole, Hampton-Court.
[20] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 156 : lord Stanhope à Dubois, octobre 1716.
[21] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 63 : Huxelles à Châteauneuf et à Dubois, 17 octobre 1716.
[22] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 300, fol. 243 : Dubois à Pecquet, 26 octobre 1716.
[23] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 300, fol. 218 : Dubois à d’Huxelles, 26 octobre 1716.
[24] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 153 : Dubois à Pecquet, 26 octobre 1716.
[25] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol.151 : Dubois à Nocé, 26 octobre 1716 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 225.
[26] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 131-138 : Dubois au Régent, 26 octobre 1716 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 223.
[27] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 131-138 : Dubois au Régent, 26 octobre 1716 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 223.
[28] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 123 : Dubois au Régent, 18 septembre 1716.
[29] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel et Régnier, 1881, t. XXI, 395 ; Saint-Simon à Dubois, 11 novembre 1716.
[30] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 172 : le Régent à Dubois, 30 octobre 1716, Sévelinges, op. cit., t. I, p. 227.
[31] Arch.des Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 108 : Dubois à Stanhope, 21 octobre 1716, Post scriptum, fol. 110.
[32] Public Record Office, Regencies, vol. 8 : Dubois à Stanhope, la Haye, 20 octobre 1716.
[33] Public Record Office, Regencies, vol. 8 : lord Stanhope à lord Townshend, Gœhre, 26 octobre 1716.
[34] Public Record Office, Regencies, vol. 8 : lord Stanhope à Dubois, Gœhre, 25 octobre 1716.
[35] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 301, fol. 56 : Dubois au Régent, 30 octobre 1716.
[36] Public Record Office, Holland, vol. 375 : lord Stanhope à lord Cadogan et à H. Walpole, Gœhre, 24 octobre 1716 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 227.
[37] Public Record Office, Holland, vol. 375 : lord Cadogan et Hor. Walpole à lord Townshend, la Haye, 30 octobre 1716.
[38] Public Record Office, Holland, vol. 375 : lord Cadogan à lord Stanhope, 3 novembre 1617.
[39] Public Record Office, Holland, vol. 379 : lord Cadogan à lord Stanhope, 10 novembre 1716.
[40] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 301, fol. 56 : Dubois au Régent, 30 octobre 1716.
[41] Public Record Office, Holland, vol. 379 : lord Cadogan à lord Stanhope, la Haye, 5 novembre 1716.
[42] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 126 : lord Stanhope à lord Townshend, Gœhre, 11 novembre 1716.
[43] La lettre du roi Georges à lord Townshend ne s’est pas retrouvée.
[44] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 137, 128 : lord Sunderland à lord Townshend, Gœhre, 11 novembre 1716.
[45] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 158-159 : lord Townshend à Slingenlandt, 1er (= 12) janvier 1717.
[46] W. Coxe, op. cit., t. II, p.
129-134 : lord Townshend à Georges Ier, Whitehall, 11 (= 22) novembre
1716.
[47] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 283, fol. 271-272 : d’Iberville à Dubois,
23 novembre 1716.
[48] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 302, fol. 196 : lord Stanhope à Dubois, 23 novembre 1716.
[49] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 231 : Dubois à Stanhope, 18 novembre 1716 ; fol. 218 : Dubois à d'Huxelles, 17 novembre ; fol. 53 : Dubois au Régent, 6 novembre ; fol. 18 : Dubois au duc d’Orléans, 1er novembre.
[50] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. VI : lord Cadogan à lord Stair, la Haye, 24 novembre ; Public Record Office, Holland, vol. 379 : lord Cadogan à lord Townshend, la Haye, 20 novembre 1716.
[51] Id., ibid.
[52] Public Record Office, Holland, vol. 379 : lord Cadogan à lord Townshend, la Haye, 24 novembre ; le même à lord Stanhope, même date.
[53] Id., ibid., vol. 377 et 378 : lord Cadogan à lord Townshend, la Haye, 20, 27 novembre 1716 ; Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. VI : Cadogan à Stair, 3, 4 décembre 1716.
[54] Public Record Office, Holland, vol. 379 : Dubois à lord Cadogan, 28 novembre 1716 ; Sévelinges, op. cit., t. I. p, 233 et la note.
[55] Sévelinges, op. cit., t. I, p. 231-232 ; Ch. Aubertin, op. cit., p. 78.
[56] Torcy, Mémoires, collect. Michaud et Poujoulat, p. 680.
[57] Sévelinges, op. cit., t. I,
p. 231-232 ; L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 406-421.
[58] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 300, fol. 165 : le Régent à Dubois, 30 octobre 1716.
[59] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 301, fol. 32 : Châteauneuf et Dubois au Roi, 30 octobre 1716.
[60] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 13 : Dubois à d’Huxelles, 31 octobre 1716.
[61] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 84 : Châteauneuf au Roi, 20 octobre 1716 (conférence avec Slingenlandt, le 19 octobre).
[62] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 96 : Dubois au Régent, 20 octobre ; ibid., Hollande, t. 311, fol. 260 ; Dubois à Nocé, 21 novembre 1716.
[63] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 209-212 : Louis XV à Châteauneuf et à Dubois, 4 novembre 1716.
[64] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 25 : Dubois à d'Huxelles, 5 novembre 1716.
[65] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 29, 30 : D'Huxelles à Châteauneuf et à Dubois, 9 novembre 1716.
[66] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 137-142 ; t. 311, fol. 174 : Dubois à d'Huxelles, 10 et 14 novembre 1716.
[67] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 146 : Dubois au Régent, 10 novembre 1716.
[68] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 150 : Dubois au Régent, 10 novembre 1716.
[69] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 163 : Dubois au Régent, 14 novembre 1716.
[70] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 161 : Dubois à Nocé, 14 novembre 1716.
[71] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 260, 263 : Dubois à Nocé, 21 novembre 1716.
[72] Lémontey, Histoire de la Régence, 1882, t. I, p. 109.
[73] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 312, fol. 83 : Dubois et Châteauneuf au Roi, 5 décembre 1716.
[74] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 312, fol. 154 : Dubois au Régent, 11 décembre 1716 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 233-234.
[75] Arch. nat., ms. franç. 10670, Mémoires inédits de Torcy, t. I, p. 848.
[76] Sévelinges, op. cit., t. I,
p. 235.
[77] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 303, fol. 158 : Dubois à Pecquet, 15 décembre 1716.
[78] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 312, fol. 240 : Dubois à d’Huxelles, 25 décembre 1716.
[79] Sévelinges, op. cit., t. I,
p. 236-237.
[80] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 312, fol. 252 : Dubois au Régent, 29 décembre 1716 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 237-240 ; Public Record Office, Holland, vol. 379 : lord Cadogan à lord Townshend, la Haye, 25 décembre ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 240.
[81] Public Record Office, Holland, vol. 379 : lord Cadogan à lord Townshend, la Haye, 25 mai, 1716.
[82] Torcy, Mémoires, édit. Michaud et Poujoulat, p. 722.
[83]
Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 313, fol. 42 : Dubois au Régent,
4 janvier 1717 ; Ch. Aubertin,
op. cit., p. 89 ; Wiesener, op. cit., t. I, p. 477 ; Bourgeois, op.
cit., t. I, p. 167, note 4 ; Lémontey, op. cit., t. I, p. 105.
[84] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol. 130 : Dubois à Nocé, 26 octobre 1716. Peut-être fût-ce sous une forme analogue que Dubois insinua la même pensée à Louis XIV, voir D’Argenson, Mémoires, 1857, t. I, p. 190 ; Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XII, p. 105.
[85] J. Buvat, Journal de la Régence, t. I, p. 243.
[86] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. IX : lord Stair à M. Methuen, Paris, 13 janvier 1717.
[87] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 313, fol. 55 : D'Huxelles à Dubois, 13 janvier 1717.
[88] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 323, fol. 34, Pecquet à Dubois, 13 janvier 1717.
[89] Saint-Aignan à Louville, 1er février 1717, dans Mémoires secrets de Louville, t. II, p. 233.
[90] Nous donnons le résumé très exact de L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 450-453.
[91] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 313, fol. 199 : Dubois à d’Huxelles, 26 janvier 1717.
[92] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 323, fol. 127 : Dubois à Stanhope, 26 janvier 1717.
[93] G. de Lamberty, Mémoires pour servir à l’histoire du XVIIIe siècle, t. X, p. 14-16.
[94] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 312, fol. 294 : Dubois au Régent, 29 décembre 1716.
[95] V. de Seilhac, L’abbé Dubois, premier ministre de Louis XV, t. II, p. 8.
[96] P. Bliard, Dubois, cardinal et premier ministre, t. I, p. 226.
[97] Ch. Aubertin, L’Esprit public en France au XVIIIe siècle, p. 93.
[98] L. Wiesener, Le Régent, l’abbé Dubois et les Anglais, t. I, p. 422-439.
[99] Public Record Office, France, vol. 348 : Avis de Marseille, 11 mars 1717.
[100] Sévelinges, op. cit., t. I, p. 242-243 ; V. de Seilhac, op. cit., t. II, p. 8.
[101] Ch. Aubertin, op. cit.,
p. 93.
[102] W. Coxe, Memoirs of H. Walpole, t. II, p. 101 : lord Stanhope à lord Townshend, Hanovre, 9 octobre 1716.
[103] J. Buvat, Journal de la Régence, t. I, p. 253.
[104] Le 11 avril 1717, c’était un revenu de 60.000 livres. Il succéda à Callières, M. de Breteuil à Mme de Balleroy, 23 mars 1717, dans Les Correspondants, t. I, p. 129.
[105] Pichon, Vie de Charles-Henry, comte de Hoym, 1694-1736, in-8°, Paris, 1880, t. I, p. 35.
[106] E. Bourgeois, Le secret du Régent, t. I, p. 177.
[107] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIV, p. 196.