HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME PREMIER

 

CHAPITRE XV. — L’abbé Dubois à Hanovre (10 août - 11 octobre 1716).

 

 

Dispositions des Anglais. — Soucis de l’électeur de Hanovre. — La question de Mardyck. — Intransigeance de Stanhope et souplesse de Dubois. — Dépêche de Stanhope à Methuen. — Fatigue de Dubois. — Georges Ier accorde la mention du traité d’Utrecht. — Lettre de Dubois au Régent. — 23 août. — Signature de la Convention. — Tentative pour évincer la France de la Hollande. — Légers remords de Dubois. — Stratagème de Dubois pour faire parler Stanhope. — Impatience de Dubois. — Il tente Stanhope par un pot-de-vin. — Pression du cabinet anglais. — Revanche de d’Huxelles. — Instructions à M. d’Iberville. — Oppositions qu’il rencontre. — Tactique de M. d’Iberville. — Impatience de Dubois. — Oppositions qu’il rencontre, chez Châteauneuf, au Palais-Royal, de la part de d’Huxelles et du duc de Noailles. — Association avec Canillac. — Capitulation de M. d’Iberville. — Triomphe du cabinet anglais. — Soucis persistants de Georges Ier. — Il semble prêt à recourir aux armes. — Infâmes calomnies de Dubois contre M. d’Iberville. — Signature de la convention. — Son but.

 

Dispositions des Anglais

« J’espère bien, disait Stanhope, faire perdre aux Anglais l’habitude de regarder les Français comme leurs ennemis naturels[1] » ; et, pour y réussir, il aurait assurément fort à faire. La victoire des Impériaux à Peterwardein avait soulevé de grands espoirs en Angleterre. « Si l’on en sait tirer parti convenablement, disait-on, l’Empereur sera en mesure d’exécuter ses vues sur l’Italie, de manière que lui et le Roi y trouveront leur compte[2]. » Quant aux Français on ne songeait qu’à les amuser pour s’en amuser[3]. Lord Townshend poussait Stanhope à hausser ses exigences dans l’espoir de faire échouer la négociation[4]. A peine installé, ou pour mieux dire : chambré à Hanovre, Dubois s’apercevait d’un changement  de ton dans les entretiens du ministre anglais et pouvait concevoir des inquiétudes sur l’opportunité et sur l’issue de son voyage. Tandis qu’il négociait avec le roi d’Angleterre, c’était l'intérêt de l’électeur de Hanovre qui dominait la négociation.

 

Soucis de l'électeur de Hanovre

L’électeur avait acheté au roi de Danemark les duchés de Brème et de Verden ; le roi de Prusse et le roi de Pologne avaient absorbé le reste des anciennes possessions suédoises en Allemagne, de sorte que le tsar de Russie, principal artisan de la chute de l’empire de Charles XII, n’eut pas même un lopin de terre ni un port de mer pour assouvir ses convoitises. Le port de Wismar, sur la Baltique, lui fut fermé. Entre ces quatre larrons également avides et déloyaux, la partie n’était pas égale ; le Moscovite possédait une flotte imposante, une armée nombreuse et aguerrie et de vastes états à l’abri d’une invasion tandis que ses troupes campaient dans le Mecklembourg, séparés par l’Elbe seulement du Hanovre. L’électeur en était d’autant plus justement préoccupé qu’une haine tenace et ancienne rendait tout accommodement impossible entre le Tsar et lui[5]. En outre, le baron de Bernsdorff, conseiller intime de l’électeur s’inspirant de ses intérêts personnels, avait poussé Georges Ier à une démarche offensante, presque hostile envers le Tsar. Lorsque l’électeur et le baron y réfléchirent, ils aperçurent le Tsar tirant vengeance du maître et du serviteur, s’alliant à la France et mettant à mal le Hanovre. Aussitôt Georges devint aussi désireux de l’amitié de la France qu’il avait affecté jusque là de la dédaigner. Ces circonstances devaient dominer la négociation, mais Dubois en ignorait tout et Stanhope, à force d’arrogance et d’exigences, comptait lui donner le change.

 

La question de Mardyck

A peine reposé du voyage, Dubois s’aboucha avec Stanhope qu’il trouva instruit de l’échec de la mission de Louville à Madrid[6] et d’autant plus disposé à mener la conversation « bride en main »[7], ce qui amena l’abbé à cette réflexion « qu’il ne faut pas se flatter de trouver des ministres publics qui se piquent ni d’une générosité, ni d'une fidélité scrupuleuse à ce qu’ils ont fait espérer ». Dubois exposa le projet français pour Mardyck, mais Stanhope s’écria et répéta plusieurs fois : « Nous sommes loin de compte ![8] » En effet, écrit-il au cabinet de Londres « les écluses sont à peine modifiées, la profondeur de l’eau est la même. Il est seulement question d’obstruer la grande écluse et non pas de la détruire, comme dans notre projet[9] ». La discussion n’ébranla aucun des deux interlocuteurs et Stanhope assura que, commencée de cette façon, elle ne pourrait aboutir. « Rappelez-vous, dit-il avec hauteur, que lorsque les Français eurent pris Dunkerque, en 1658, le cardinal Mazarin donna cette place toute fortifiée à Cromwell pour obtenir son amitié. Dans un temps où votre Régent a besoin de nous, souffrez que je vous dise qu’il fait trop de façons pour un simple canal[10]. »

 

Intransigeance de Stanhope et souplesse de Dubois

Dubois laissait dire et déliait une grosse liasse de tracés et autres pièces, mais Stanhope coupa court et lui dit que c’était en pure perte. « J’en ai, ajouta-t-il, d’autant plus de chagrin que c’est sur mon rapport de nos premières conférences, et sur le désir ardent exprimé par l’abbé, au nom du Régent, d’obtenir l'amitié du Roi, désir que j’avais représenté comme très sincère, que Sa Majesté a, en grande partie, surmonté sa répugnance de se rendre garante de la succession en France, question d’un si grand intérêt pour Son Altesse Royale. Bref, c’est là une matière sur laquelle Sa Majesté est si loin de pouvoir rien concéder que je suis sûr qu’elle ne me permettrait même pas d’en parler avec elle, la demande faite par elle étant le résultat de plusieurs conférences en conseil privé, en sa présence, après mûre délibération, et après avoir interrogé à fond les ingénieurs, les marins, etc.[11]... » Stanhope brodait sur ce thème tout ce que lui suggérait une riche imagination. A l’entendre, il avait eu beaucoup d’efforts à fournir pour changer les sentiments à notre égard et depuis quelques heures à peine « il avait reçu d’Angleterre les dernières résolutions favorables à cette alliance, sans lesquelles le Roi n’y pouvait consentir[12] ». Si vous saviez « tout ce qui a traversé et traverse encore cette affaire, le nombre infini de personnes qui s’y opposent, vous seriez surpris qu’elle soit encore sur le pied où elle est » et il poursuivait, comme se parlant à lui-même, « que dans huit jours il y aurait vingt projets et vingt propositions de la part de l’Empereur[13] ». Sait qu’il fut dupe, ce qui est douteux, soit qu’il voulut inspirer à Paris une salutaire inquiétude et y faire valoir ses futurs succès, l’abbé écrivait au Régent : « J’ai tout lieu de craindre que tous les jours la cause de Son Altesse Royale, qui est celle de tout le royaume, ne devienne plus mauvaise[14]... Chaque heure a son danger, et milord Stanhope ne revient pas une seule fois de la Cour sans m’apporter quelques difficultés et quelques traverses dont il paraît lui-même très embarrassé[15]... ; Je supplie V.A.R. de n’avoir aucun soupçon que milord Stanhope veuille m’amuser : il travaille avec sincérité[16]. » Même aux prétentions excessives, Dubois découvrait des excuses. « S’il m’a tenu rigueur et s’il a exigé des conditions qui m’ont paru dures, écrit-il, c’est qu’il a eu besoin et a besoin encore de grandes avances pour faire revenir les acteurs principaux de leurs préventions et leur faire voir qu’il fait une bonne affaire pour le Roy et pour la Nation[17]. » Avec un antagoniste ainsi disposé, la raideur de Stanhope se trouvait mise en défaut. Le ministre pensait avoir découragé l’abbé sur le projet de Mardyck, l’abbé suggéra l’envoi de M. d’Iberville[18], accompagné d’un ingénieur muni de plans, et Georges Ier répondit qu’on écouterait ce que l’ingénieur aurait à dire mais qu’on ne se relâcherait pas sur les demandes. Dubois ne s’était jamais montré « plus gai, plus haut, plus gascon » sans parvenir toutefois à « donner le change à un homme qui avait l’esprit bien présent[19] ». Comme il venait de marquer un petit succès sur l’affaire de Mardyck, il s’enhardit, entama la question du Prétendant et celle de la succession de la couronne de France. Stanhope, toujours en garde, déclara que tout ce qu’il dirait sur ces deux points serait subordonné à une rédaction acceptable de l’article touchant Mardyck.

 

Dépêche de Stanhope à Methuen

« Quant à la succession de la couronne de France, je lui offris, dit Stanhope, de dresser un article exprimant la garantie du Roi en faveur du duc d’Orléans, en termes aussi forts qu’il pourrait lui suggérer ; mais, quand il en vint au fait, je trouvai que, quoique la garantie de cette succession fût le seul vrai et réel motif qui porte le Régent à rechercher l’amitié de Sa Majesté, l’abbé avait néanmoins pour instructions de l’introduire comme accessoire au traité, au lieu d’en faire un article conçu de manière à rendre évident que c’était là son unique but et objet. Il insista donc très fortement pendant trois jours pour que Sa Majesté garantît le traité d’Utrecht, dont le sixième article contient tout ce qui concerne, la succession à la couronne de France. Je lui dis que, selon moi, l’intention de la France, de la Grande-Bretagne. et de la Hollande dans cette, négociation n’avait pas été autre que d’établir une paix durable entre elles respectivement ; qu’il savait bien que le traité d’Utrecht ayant été fait après une longue guerre, dans laquelle toute l’Europe avait été engagée, il avait fallu régler les intérêts de beaucoup d’États fort étrangers à l’affaire en préparation actuellement : que tout État ou prince qui aurait à réclamer la garantie de quelque intérêt ou d’un avantage résultant pour lui des stipulations d’Utrecht, serait libre de s’adresser directement ou à notre Roi, ou au roi de France, ou aux États, lesquels, sur sa réquisition, pourraient entrer en telles conventions ou engagements qu’ils jugeraient convenables ; mais que, selon moi, notre affaire, quant à présent, consistait uniquement à régler ce qui concernait immédiatement les deux parties contractantes. Comme il continuait à me presser sur ce point, j’eus commandement du Roi de lui dire nettement qu’on ne s’y prêterait jamais : que ceci devant aboutir à une triple alliance, l’insertion d’un article général portant garantie du traité d’Utrecht aurait pour conséquence d’obliger l’Angleterre à devenir garante de toutes les conditions quelconques stipulées à Utrecht entre la France et la Hollande, et vice versa ; qu’on savait de reste que jamais les Hollandais n’avaient reconnu le duc de Savoie comme roi de Sicile ; et qu’ils avaient refusé d’être parties, en quoi que ce fût, à toute transaction relative à ce prince et au traité d’Utrecht ; que d’insérer une telle clause, ce serait les forcer au moment où nous prétendons rechercher leur amitié, à une mesure qu’ils n’avaleraient pas, maigre les grandes difficultés où ils sont, que d’ailleurs, elle serait ressentie très fortement par l’Empereur, avec qui Sa Majesté à conclu si récemment une alliance, et a résolu de vivre en bons termes. »

 

Fatigue de Dubois

Les deux antagonistes étaient aux prises. « La chandelle brûle, écrit Dubois au Régent, nous sommes dans un moment critique[20] » et Stanhope, plus maître de soi, ajoute que « l’abbé, le trouvant si péremptoire, parla de s’en aller immédiatement, menace que je pris très patiemment ; mais, se ravisant, il dit qu’il se contenterait de l’insertion d’un article qui garantirait les 4e, 5e et 6e articles du traité d’Utrecht entre la France et l’Angleterre, et le 31e entre la France et la Hollande, desquels les deux premiers ont trait seulement à la succession d’Angleterre ; et les deux derniers contiennent tout ce qui regarde celle de France, avec les renonciations qui lui servent de base[21] ». Stanhope entrevit de ce côté une solution qui assurât les successions de France et d’Angleterre, garantît l’intérêt du Régent et de Georges Ier « sans offenser mal à propos la maison d’Autriche[22]. » Dubois souffla un instant ; il se battait sans répit, « comme un prévôt de salle, disait-il ; mais j’ai reçu de terribles estocades et j’aurais eu grand besoin d’un aussi bon revencher que vous — s’adressant à Pecquet — et s’il me prend fantaisie de faire la relation des combats en champ clos que j’ai essuyés chez M. Stanhope... vous aurez pitié de moi[23] ». De fait, il était malade[24].

 

Georges Ier accorde la mention du traité d’Utrecht

Quant à Stanhope, il travaillait avec plus de calme et plus de suite. Il avait préparé un article aux termes duquel les trois puissances se garantissaient réciproquement les articles du traité d’Utrecht concernant les intérêts de chacune d’elles et la succession aux deux couronnes de France et d’Angleterre. Georges Ier approuva et enjoignit à son ministre de faire tout ce qu’il dépendrait de lui pour amener l’abbé à y consentir, « ce qui me coûta, dit Stanhope, trois jours de discussion ». Georges Ier mollissait. Sur l’affaire du Prétendant il consentait à adopter un expédient aussitôt qu’il aurait satisfaction sur l'affaire de Mardyck. Sur la question de la garantie réciproque des couronnes, Georges pensa qu’une stipulation de cette nature ne pourrait longtemps rester secrète et que la reconnaissance de la renonciation de Philippe V causerait de la peine à l’Empereur qu’on ménageait fort depuis sa victoire à Peterwardein[25]. Tenu au courant par Stanhope des moindres incidents de la discussion, Georges Ier avait pris de l’inquiétude en apprenant que Dubois menaçait de se retirer. Georges voulait une prompte conclusion et, pour y parvenir il pensa qu’en mentionnant dans le traité les articles du traité d’Utrecht relatifs à la succession des deux couronnes, il donnerait satisfaction à la France sans blesser l’Autriche.

 

Lettre de Dubois au Régent, 23 août

Dans l’après-midi du 22 août, au moment où Dubois, « fourbu », renonçait à convaincre Stanhope[26], Georges Ier prenait un parti dont l’abbé fut instruit le lendemain, et il écrivit aussitôt au Régent : « Il arriva hier après-dîner une crise qui a changé, selon mon petit sens, notre condition en mieux. Dieu veuille que cela se soutienne jusqu’au teins où l’on pourra signer. Par ma lettre d’hier, je demandais différentes choses à Votre Altesse Royale, et la situation où nous étions hier matin l’exigeait ; aujourd’hui, je me réduis à lui demander beaucoup de secret, jusqu’à ce que l’affaire soit bâclée, et une diligence extraordinaire pour envoyer M. d’Iberville et un ingénieur au fait sur l’affaire de Mardyck en Angleterre, avec ordre de ne point barguigner et de céder promptement ce qu’on ne peut pas conserver. Je supplie Votre Altesse Royale de se souvenir qu’un jour de retardement peut lui faire perdre le seul moyen assuré qu’elle puisse avoir pour conserver la paix au dedans et au dehors du royaume. J’attendrai ici le retour du courrier que je lui dépêche aujourd’hui, et je tremblerai jusqu’à la signature du traité : véritablement jusqu’à ce temps-là, il n’y aura pas un moment qui n’ait son danger. Ayez la bonté, monseigneur, je vous en conjure, de faire partir en poste M. d’Iberville, de lui parler et à celui qui devra l’accompagner, et de leur prescrire de trancher et de ne perdra pas un moment, et de leur dire positivement que le succès et le mérite de leur commission consistera, non pas à vous ménager avec le tems certains avantages, mais à vous envoyer en peu de de jours un acquiescement et une convention des Anglais sur le point qui se doit changer à Mardyck. Je voudrais pouvoir racheter d’une partie de mon sang le tems que cela fera perdre.

« Je vous avoue, Monseigneur, que j’ai une impatience incroyable que M. le maréchal d’Huxelles vous porte le traité signé. Pour lors vous pourrez écouter avec plus de tranquillité les balivernes qui se peuvent dire sur ce que dans le traité il sera fait mention de la succession à la couronne. Que pouvez-vous faire de plus important pour le Roi que d’assurer la paix dans son royaume, et de le lui rendre tranquille et muni de bonnes alliances ? Si on vous impose la condition de garantir la succession d’Angleterre, et que cela attire nécessairement de faire mention de celle de France ; il faut vous remercier de faire cette alliance à si bon compte et votre intérêt n’a aucune part à cette disposition. Mais si ce traité vient à bonne fin, il me paraît par tout ce que j’apprends ici que le bruit qu’il fera dans l’Europe fera taire celui des bourgeois de Paris, parmi lesquels je compte nos plus merveilleux seigneurs. Je soutiens qu’il est plus honnête et plus utile que la clause qui regarde la succession soit dans le traité que si on cherchait à la cacher dans un article secret, qui ne peut pas même l’être ni en Hollande où, pour quatre pistoles, on voit tout ce qu’on veut, ni en Angleterre, où le Parlement fait porter sur le bureau, quand il lui plaît, les papiers les plus secrets[27]. »

 

Signature de la convention

Aussitôt que Dubois eut compris l’inconcevable revirement qui sacrifiait les intérêts de l’Angleterre à ceux du Hanovre, il pressa la conclusion craignant une nouvelle saute de vent. « L’abbé Dubois, écrivait Stanhope, (que je ne savais pas être conseiller d’État de France), a des pleins pouvoirs en forme et m’a proposé de signer le traité ici même ; mais sur ma réponse que cela ne se pouvait pas, parce que le ministre de Sa Majesté à la Haye avait les pleins pouvoirs, il écrit en France pour qu’on lui donne un ordre d’aller à la Haye ; il le recevra probablement par le retour de son courrier[28]. » Mais la fièvre qui agitait Dubois ne lui permettait pas d’attendre le retour de ce courrier, il proposa à Stanhope de signer sur le champ ce dont ils étaient convenus et, le 24 août, tous deux signèrent un projet de convention. Le préambule et le 1erarticle du traité d’Utrecht ne recevaient aucun changement. Le 2e article recevait en apostille que le roi Georges accepterait un des trois expédients proposés relativement au chevalier de Saint-Georges[29]. Le 3e article comportant refus d’asile en France et en Angleterre aux rebelles de ces deux nations n’était pas modifié. Le 4e article relatif au canal de Mardyck portait qu’il serait rendu conforme à ce qui serait décidé en Angleterre[30].

 

Tentative pour évincer la France de la Hollande

La France faisait les frais de raccord. Georges Ier et son ministre, mis en goût par le succès, imaginèrent mieux encore. M. de Châteauneuf, dans ses pourparlers avec les États-Généraux, avait obtenu que, dans le futur traité, on reconnût la France garante de la Barrière hollandaise. Le roi d’Angleterre affectait de s’en inquiéter. La France, disait-il, prendrait de là « occasion ; ; son plaisir de faire naître et de fomenter des disputes entre les Hollandais et les Flamands, disputes qui pourraient très aisément être amenées non seulement à créer une rupture entre l’Empereur et la Hollande, mais même à mettre l’Angleterre dans la nécessité de désobliger l’une ou l’autre de ces puissances, chaque fois que la France épouserait dans ces démêlés le côté de la question qui serait connu pour être désagréable à l’Angleterre. Nous avons, ajoutait Stanhope, quelque chose de pareil à craindre même dans la présente négociation. Car si nous paraissons peu disposés à mentionner leur Barrière dans ce traité, la France ne manquera pas de s’en servir à notre préjudice en Hollande. Aussi le Roi croît-il qu’il vaut la peine d’examiner s’il ne serait pas plutôt de l’intérêt de l’Angleterre et de la Hollande elle-même que celle-ci ne fût point partie à ce traité... L’influence de l’Angleterre ne sera-t-elle pas d’autant plus forte en Hollande, qu’il y aura moins de liens avec la France[31]. » Le Grand-Pensionnaire et l’administration politique des Provinces-Unies étaient si lents à se mettre en branle qu’on aurait le loisir de tout achever avant qu’ils fussent prêts à répondre, or c’était tout le contraire du côté de la France. Là, le Régent était si impatient de finir, qu’aussitôt l’article de Mardyck réglé, l’abbé Dubois presserait Walpole de signer au nom de l’Angleterre sans soupçonner l’intention des Anglais en se prêtant à son désir.

Le cabinet anglais abonda dans ce sens, écrivit à H. Walpole pour qu’il dissuadât le Pensionnaire et son entourage d’accepter la France comme garante de la Barrière, et les impressionna dans ce sens ; mais il n’admit pas l’idée de tenir les Provinces-Unies en dehors du traité avec la France, car « les Hollandais ne seraient pas satisfaits d’être engagés avec l’Angleterre seule, ils se regarderaient comme abandonnés du Roi ; si l’alliance avec la France se faisait sans eux ; et alors, probablement dans cette humeur, les artifices et la faction des Français en Hollande les séduiraient bientôt et les pousseraient à se jeter entièrement dans les bras de la France[32]. » Le projet fut abandonné[33].

 

Légers remords de Dubois

Depuis sa lettre du 23 au Régent, l’abbé Dubois rongeait son frein, calculait les distances, expédiait des courriers à Paris. Ce qu’il pouvait avoir gardé de conscience s’éveillait au sein de ce désœuvrement, lui reprochait, faiblement, sa trahison envers la France. Mais le petit homme criait plus haut que cette importune. « Que ne faut-il point dévorer pour parvenir à un bien capital ? Si nous étions à bille égaie avec les Anglais, nous aurions ménagé avec plus de dignité et de hauteur quelques avantages. Mais au fond l’essentiel de tout ce qui nous est nécessaire s’y trouve en termes précis et substantiels et vous met en état de jouir de la paix et d’être libre dans votre taille de tout côté[34]. » Sentant ce qu’il lui manquait, l’abbé se couvrait de la parole d’un évêque : « Dans les grandes affaires, avait dit Fléchier, quand on a à peu près ce qui compte, il ne faut regretter les petites choses que l’on perd. » La petite chose c’était Mardyck !

Dans l’attente de la réponse du Régent. Dubois restait claquemuré et Stanhope, Robethon, faisaient bonne garde. « Combien de temps sa présence restera-t-elle secrète, on ne sait ; mais moins on en parlera, mieux cela vaudra[35]. Dès le matin, Stanhope « en robe de chambre et en bonnet de nuit » traversait le salon qui séparait les deux appartements, s’installait chez l’abbé qui le recevait en pareil équipage et quelquefois la journée entière s’écoulait en discussions, chacun observant, écoutant, rusant avec délices. Un soir, le 4 septembre, l’abbé raconte au Régent un tour de sa façon qu’il vient de jouer à Stanhope.

 

Stratagème de Dubois pour faire parler Stanhope

« J’ai dressé une embuscade qui a eu tout le succès que je pouvais espérer. Le premier étage de la maison qu’occupe milord Stanhope est composé d’un grand salon peint qui a à chaque bout un grand appartement ; je suis logé dans l’un et il habite l’autre, de sorte que, comme il n’y a que le salon entre nos deux logements, cela fait une communication continuelle de lui chez moi et nulle de moi chez lui pour ne le pas interrompre dans les occupations de s‘a charge et ne pas m’exposer tous les jours à trouver en face ceux dont il est important que je ne sois pas vu. M. Stanhope devait donner à dîner mardi à l’envoyé de l’Empereur. Il invita le général des troupes, le ministre d’Hanovre et les principaux de l’État au nombre de quatorze à ce dîner, qui se fit dans le salon qui est entre nos deux appartements, et pendant lequel le mien fut fermé. Comme ce festin allemand devait être beaucoup arrosé, il me vint en pensée que, si le vin du secrétaire d’État était, comme je l’avais vu autrefois, gai et parleur, je pourrais peut-être, après le dîner, profiter de quelques-unes des vérités que le vin se vante de tirer des plus taciturnes ; et, lorsque les derniers convives furent accompagnés, je laissai ma porte ouverte, ce qui invita Stanhope d’y entrer en remontant comme je l’avais espéré.

« En se jetant dans un fauteuil, il me dit : « Mon cher prisonnier, j’ai bien des excuses à vous faire de l’incommodité que vous avez eue d’être enfermé tout l’après-dînée ; vous voyez un homme qui s’est enivré en faisant les honneurs sa table ! » En effet, il s’était distingué parmi treize Allemands qui avaient bu soixante-dix bouteilles de vin et cinq ou six bouteilles des liqueurs les plus violentes, qu’ils avaient avalé comme de l’orgeat. L’ayant trouvé à peu près comme je le désirais, je lui conseillai de prendre du thé pour abattre les fumées du vin, et après qu’on eut établi devant nous un cabaret propre à une longue conversation, je lui montrai en confidence une lettre tout en chiffre de M. de Châteauneuf. Je n’eus besoin que de cette confidence pour le mettre en mouvement, et il commença à me parler avec une rapidité qui ne s’arrêta depuis neuf heures jusqu’à une heure après minuit, et qui m’instruisit de la plupart des choses que je voulais savoir, sans qu’il m’en coûtât que le soin de lui faire quelques petites objections pour le faire passer d’une matière à une autre. « Mais, mon Dieu, mon cher petit ami, me dit-il à la fin et un peu tard, je crois que tu m’as ensorcelé, oui, mordieu, je le crois, car sans prudence je me laissai ébranler par tout ce que vous me dites[36]. »

Impatience de Dubois

Le succès de cette ruse ne fut pour Dubois que le divertissement d’une soirée. Il voyait, il comptait les jours qui s’écoulaient sans que reparût son courrier envoyé à Paris. A tout instant il se jetait sur sa plume, griffonnait Un appel véhément adressé à l'indolence de son ancien élève : « Ces longueurs nous coupent la gorge... Les minutes me paraissent plus longues que des heures... Souvenez-vous, Monseigneur, que la chandelle brûle et les pieds me grillent... Ces lenteurs m’ont coûté plus de larmes qu’il n’en tiendrait dans un seau. Je vois les difficultés grossir à tous moments, comme les boules de neige qui tombent des Alpes, qui n’auraient pas d’abord couvert un oiseau, et qui, à la fin, accablent des caravanes tout entières... Je crois pouvoir assurer Votre Altesse Royale que les concessions qu’elle fait seront rejetées si on les fait défiler chiquette par chiquette, et qu’au contraire il faut former de ces petites grâces un plat en pyramide qui ait une belle apparence, parce que cette même dragée présentée grain à grain ne paraîtrait rien[37]. » La dépêche du 4 septembre est sur ce ton.

 

Il tente Stanhope par un pot-de-vin

Cette pétulance et ce jargon ne parvenaient pas à stimuler ceux qui, à Paris, plaisantaient un négociateur si fort « échauffé dans le harnois ». Le maréchal d’Huxelles le félicitait sans conviction[38] le Régent écrivait : « Je suis content de vous et de votre négociation[39] » ; le Roi lui-même faisait expédier un témoignage de satisfaction[40]. Dubois, hors de lui, obéissant à ses nerfs, se lançait dans d’aventureuses démarches et, tout d’un coup, offrait à Stanhope, de la part du Régent, un pot-de-vin de 600.000 livres, « ce qu’il écouta gracieusement et sans se gendarmer ». L’Anglais répondit qu’il n’y avait pas à rougir de recevoir les grâces d’un si grand prince, mais qu’il voulait avoir gagné cet argent. Sept ou huit fois depuis cet entretien, Dubois revint à l’affaire, tantôt s’excusant de ne pas se connaître en diamants et priant Stanhope de choisir lui-même, tantôt lui demandant s’il devait prendre des lettres de change sur Londres ou sur Amsterdam ou sur Hambourg, tantôt enfin offrant trente mille louis d’or neufs comptés et préparés[41].

 

Pression du cabinet anglais

Stanhope ne montrait pas moins de hâte que Dubois lui-même d’en finir, il trouvait que la négociation avait été mise sur un très bon pied ; restait la question de Mardyck sur laquelle il ne fallait attendre aucune concession[42]. Lord Stair recevait l’avis d’insister auprès du Régent obligé de compter avec d’Huxelles qui n’avait pas perdu l’espoir de faire échouer les plans de Dubois. L’envoi en Angleterre d’un négociateur pour l’affaire de Mardyck offrait l’occasion de transporter la négociation de Hanovre à Londres, Stanhope avait suggéré le nom de M. d’Iberville, notre ambassadeur, contre lequel Dubois ne trouvait aucune objection à soulever[43] ; or d’Iberville avait été formé à l’école de Torcy et n’était pas suspect de complaisances aux dépens de la France pour le plus grand profit de l’Angleterre. Le cabinet de Londres redoutait un tel choix. « Si M. d’Iberville devait être la personne désignée, écrivait lord Townshend, ce ne serait pas une agréable perspective pour le succès de la négociation. Ce personnage est si mal disposé envers Sa Majesté et la famille royale ; il est dans une intimité si bien établie avec le parti jacobite d’ici..., qu’il trahira infailliblement auprès de ces gens tout ce qui se passera dans ces conférences et qu’il fera son possible pour gâter l’affaire... Si le Régent n’a pas réellement l’intention d’amener le traité à bonne fin, il ne peut pas le mettre en meilleures mains que celles de M. d’Iberville, pour le ruiner. Mais s’il a à cœur de finir l’affaire à notre satisfaction, il faut qu’un autre ministre en ait la conduite, et... nul ne conviendrait mieux pour nous être envoyé que l’abbé Dubois lui-même[44]. »

 

Revanche de d’Huxelles

Cette pression à peine déguisée rencontrait à Paris des diplomates peu disposés à se laisser intimider. La signature des préliminaires de Hanovre, le 24 août, retirait l’affaire à la diplomatie secrète et la restituait à la diplomatie officielle, c’est-à-dire à d’Iberville et à Châteauneuf qui prenaient leurs ordres auprès du maréchal d’Huxelles. Celui-ci pouvait à son gré exclure un agent d’ordre inférieur tel que Dubois et se plaisait à le lui faire sentir. C’était sa revanche et Dubois se débattait contre ce silence qui l’enveloppait et paraissait devoir l’étouffer, il jetait des cris de désespoir : « Voilà vingt-deux jours que mon premier courrier est arrivé à Paris sans que j’aie aucune nouvelle de M. d’Iberville[45]. » Et trois jours plus tard : « J’ai crié, j’ai pressé, écrit seize dépêches et lettres, envoyé deux courriers sans avoir eu un mot de réponse[46]. » Le maréchal n’était pas homme à s’émouvoir outre mesure des réclamations de l’abbé qu’il trouvait si bien à sa place à Hanovre qu’il l’y eût volontiers oublié. Ce qui s’était fait là-bas sans son aveu allait subir l’épreuve de l’hostilité des whigs aussi hostiles à l’alliance française que M. d’Iberville l’était à la dynastie hanovrienne.

 

Instructions à M. d’Iberville

Celui-ci reçut l’ordre de rejoindre son poste et quitta Paris dans la soirée du 2 septembre avec des instructions lui proscrivant « de ne pas perdre un seul instant à régler le point qui est remis à vos soins, et qu’il est de l’intérêt essentiel de finir sans aucun retardement... Il ne doit point être question de ménager aujourd’hui ni les légères considérations ni même la dépense qu’il faudra faire pour l’exécution de ce que les Anglais peuvent désirer, et vous devez, sans attendre aucun nouvel ordre, épuiser toute l’étendue des pouvoirs que S. A. R. vous a donnés, qui sont conformes aux demandes des Anglais... Ni la raison d’économie ni l’espérance de ce que vous pourriez obtenir après de longs délais ne peuvent entrer en aucune manière en comparaison avec le risque qu’il y aurait de faire échouer une affaire aussi capitale ; ainsi ne discutez sur rien de ce que demandent les Anglais qu'autant que l’exécution en serait absolument impossible, et finissez sans aucun retardement[47]. »

Des instructions si bien faites pour surprendre celui auquel elles étaient remises pouvaient être l’œuvre du Régent. Lord Stair, qui l’approchait souvent, ne doutait plus de ses excellentes dispositions et de son désir de favoriser les intérêts anglais[48]. » Il désire passionnément la conclusion de l’alliance défensive. Il la regarde comme absolument nécessaire au maintien de ses intérêts et de son crédit, au dedans comme au dehors ; et il ne reculera devant aucune difficulté qui viendrait à la traverse de la conclusion[49] ». Bien plus « pour Mardyck, le Régent allait de bonne grâce au devant de ce que nous pouvions souhaiter[50], » ajoute Stair, jadis si défiant et qui n’hésitait plus à se porter garant, auprès du cabinet de Londres, de son absolue sincérité.

 

Opposition qu’il rencontre

Nonobstant ses instructions et son entrevue avec le prince qui les lui imposait, d’Iberville, fidèle à son passé et aux intérêts français s’apprêtait à interpréter plutôt qu’à suivre à la lettre ces avis. Il savait de longue date le terrain sur lequel il allait manœuvrer et les chances qu’il avait d’aboutir à un échec que son patriotisme souhaitait. Le vieux ministère whig n’était pas moins hostile à un rapprochement français que le parti « vieille Cour » de France à une alliance anglaise. Georges Ier conduit par la hantise d’une ligue du Tsar du Régent et du Prétendant pouvait souhaiter ce rapprochement. Stanhope pouvait s’y employer par suite d’une étendue d’esprit qui le mettait au-dessus de la plupart de ses compatriotes, mais ceux-ci se cramponnaient à la politique de Guillaume III et au dogme d’un antagoniste éternel. Lord Townshend et M. Methuen croyaient que le Régent n’accepterait jamais la démolition de Mardyck, ce qui arrêterait tout, ainsi se trouvaient-ils rassurés contre l’événement. Dès lors ils trouvaient bon que la négociation eût amoindri le rôle de la Hollande, grandi celui du roi d’Angleterre, diminue le Régent et déconcerté les jacobites. Avec des hommes de son parti qu’il sentait à ce point irréconciliables à toute idée d’alliance, Stanhope faisait des concessions, flattait les passions. « Je crois, leur écrivait-il, que ce que le Roi aimerait le mieux, ce serait que le Régent n’acceptât pas notre article de Mardyck ; mais comptez qu’il sera bien aise si, par son acceptation, la France achève le traité[51]. »

 

Tactique de M. d’Iberville

M. d’Iberville loin de se hâter de conclure, contesta, disputa, ergota, se fit un point d’honneur d’arracher des concessions, batailla sur la largeur et, la profondeur des écluses et du canal, sous prétexte de faciliter l’écoulement des eaux. Une expérience déjà longue lui avait appris que le véritable moyen de rendre les Anglais intraitables est de leur faire des avances trop marquées[52], mais la tactique contraire paraissait donner raison à ceux qui prétendaient n’apercevoir dans ce projet d’alliance qu’une mystification. Les Anglais voulaient rendre le canal impraticable aux vaisseaux de guerre et aux corsaires. L’Amirauté accepta une modification apparente qui entraînait une aggravation réelle de la ruine du port. Si le Régent la repousse, disaient-ils, les obstinés seront convaincus, en Angleterre et en Hollande, de la mauvaise foi des Français, en sorte que le roi Georges sera justifié devant le monde entier d’une rupture sur ce point tandis qu’en Hollande on pourra brider l'empressement de trop de gens désireux de négocier avec la France[53]. La discussion s’éternisait ; d’Iberville présentait toutes ses remarques par écrit, exigeait des réponses et demandait chaque fois des ordres. On piétinait : d’Huxelles était servi à son gré : l'affaire se cristallisait.

 

Impatience de Dubois

Seulement Dubois était là, à Hanovre, trépignant, écrivant, relançant les uns et les autres, le Régent, Canillac[54], Châteauneuf[55], d’Huxelles[56], Pecquet[57], etc., pressant celui-ci, adjurant celui-là. Un jour il apprend l’arrivée du sieur Metsch, second plénipotentiaire de l’empereur pour la paix du Nord, et le suppose venu tout exprès pour empêcher l’alliance[58], et Stanhope se joue de ses frayeurs, simule une vive appréhension de l’échec final[59], lui annonce l’arrivée à la Haye, en qualité d’ambassadeur extraordinaire, de milord Cadogan, « brutalement » hostile à l’alliance[60], et, qui pis est, de milord Sunderland, autre adversaire déclaré que, malheureusement, le Roi écoute volontiers[61]. Sous ces coups répétés, l’abbé prend le meilleur parti à suivre, il se dit malade : fiel, bile, dysenterie, tout ce qu’il plaira. Georges Ier, qui s’est pris de sympathie pour cet étranger qui le sert plus utilement que ses sujets les meilleurs, et à qui Dubois a fait de vives protestation d’intérêt dynastique, lui envoie son médecin qui guérit le malade, ce qui montre assez que celui-ci n’avait rien[62]. Ce qui vaut mieux c’est un panier de vin de Tokay dont Georges « était fort curieux ». Mais ce petit abbé ne le rassure qu’à demi, il préfère l’avoir sous la main, c’est-à-dire sous les yeux et sous la clef de Stanhope et fait répondre à lord Townshend que « jusqu’à ce qu’une nécessité manifeste résulte des dépêches qu’il recevra de M. d’Iberville, l’humanité ne permet pas de lui proposer de passer la mer[63] ». Ce n’était pas à Londres que Dubois pouvait être le plus utile, mais « à Paris et en s’y efforçant d’y obtenir du Régent les ordres convenables[64] ».

Cette pétulance mise en regard de la gravité sereine de d’Huxelles ou de la lenteur savante de d’Iberville prenait des apparences de comédie et le langage de Dubois offrait souvent les trivialités de la comédie de la foire. La méthode de M. d’Iberville n’est qu’« un ménage de bouts de chandelle[65] » ; le Régent reçoit sa part d’avertissements aigre-doux : « Quand on se moque du danger, on appelle cela tenter Dieu[66] » ; Châteauneuf a les confidences : « Jusqu’à ce que cela soit bâclé, les pieds me grilleront[67] » ; d’Iberville a les avertissements : « Vous ne pouvez rien perdre, pourvu que vous ne perdiez pas de temps[68]. »

 

Opposition qu’il rencontre

Ces inquiétudes étaient justifiées. A mesure que le temps s’écoulait, la rumeur d’un projet d’alliance s’ébruitait et ses nombreux adversaires s’employaient à circonvenir le roi d’Angleterre et ne ménageaient pas la réputation du Régent ; le hanovrien Bernstorff, « homme très vertueux[69] », ne s’y épargnait pas et l’abbé leur donnait raison. « Ces gens avaient leurs préventions et leurs intérêts : ils espéraient de l’empereur des titres qu’ils ménageaient  depuis longtemps[70]. » Sunderland, Cadogan, Marlborough lui-même ne négligeaient rien pour faire avorter la négociation[71], s’abouchaient avec le marquis de Prié[72], Dubois épiait toutes leurs démarches, et à plus forte raison celles de Stanhope[73].

Il avait raison de s’attendre à quelque perfidie de la part du cabinet de Vienne, et cependant il ignorait alors que l’envoyé impérial à Paris, Holendorf, irritait la défiance de lord Stair, espérant quelque esclandre de la violence de ce diplomate. « Nous sommes traversés par tout le monde, c’est-à-dire par les Impériaux et leurs adhérents, par la Cour d’Espagne et par toute l’Angleterre, excepté milord Stanhope et le frère de M. Walpole, de Sorte que le plus grand bonheur que nous ayons eu est que milord Stanhope se soit trouvé ici seul et que mon séjour en ce pays-ci ait été caché[74]. »

 

Chez Châteauneuf

Et c’est bien en agent secret et non avoué que le traitait d’Huxelles, chargé de suivre une négociation qu’il désapprouvait. Dubois se trouvait desservi par son chef et Châteauneuf, à la Haye, servait l’animosité du maréchal. Jaloux de la personnalité envahissante qui l’avait privé de l’avantage de recueillir les fruits de son habile conduite en Hollande, Châteauneuf, fatigué d’un poste où il s’était ruiné sans dédommagement et avait vieilli sans gloire, tourmenté par sa goutte et par ses créanciers, se prêta volontiers à un espionnage qui satisfaisait ses rancunes et flattait celles du ministre. Tout en protestant, dans les dépêches officielles, de l’étroit accord qui régnait entre lui et son collègue, il accusait en secret les emportements de l’abbé, son orgueil ambitieux, ses discours inconsidérés, ses imprudentes démarches, les extravagances de cet ambassadeur vraiment extraordinaire, qu’il dépeignait comme un brouillon et un fou. Huxelles, entrant dans ses chagrins, lui recommandait une patience habile et amassait en silence ces griefs vrais ou prétendus pour en accabler Dubois le jour où éclaterait l’échec définitif qu’il n’avait pas cessé d’espérer.

 

Au Palais-Royal

L’abbé, dont l’œil profond perçait les intrigues des Cours de Vienne et de Madrid, n’avait garde d’ignorer ce qui se tramait au Palais-Royal. Opposant à la cabale d’Huxelles le crédit des amis particuliers du Régent, les fortes têtes du tripot des roués, il écrivait à Nancré, à Nocé, leur dénonçait les menées du maréchal, ses lenteurs calculées, ses indiscrétions perfides. « N’est-il pas étonnant qu’au moment où je suis venu à bout de la seule chose qui puisse assurer la paix au royaume et mettre M. le duc d’Orléans hors d’atteinte, et lorsque j’ai l’Europe à mes trousses pour nous enlever ce bonheur inespéré, les obstacles viennent de France et de certains serviteurs du prince. » A celui-ci il écrit : « Je vous supplie de ne communiquer mes lettres à personne et de ne pas les laisser tomber entre les mains des canailles qui touchent à vos papiers, car nous avons besoin du secret. J’espère aussi qu’on prendra des moyens pour faire taire le carillon du Palais-Royal, de peur qu’à force de sonner les cloches on n’attire le tonnerre. »

 

De la part de d’Huxelles

Dans sa guerre contre d’Huxelles, Dubois garde facilement de la part l'avantage : scrupuleux observateur des formes, il reçoit avec d’Huxelles déférence les ordres du ministre, fait appel « à la supériorité de ses lumières et l’invoque comme un dévot son saint patron » ; il prie le commis Pecquet de lui montrer le droit chemin du cœur et de l’estime « de ce grand homme »,affirmant qu’un seul mot d’éloge accordé par un tel connaisseur « est un opium souverain pour tous les maux ». En même temps il se tient ferme sur cette habile défensive, ne cédant rien d’essentiel, attentif à réprimer les empiètements de l’adversaire et à relever ses torts. Huxelles, un jour, ayant eu l’air de lui faire la leçon sur d’apparentes variations, Dubois lui répond finement que varier à propos est l’art du diplomate, comme louvoyer est celui du marin ; le maréchal, piqué au jeu, marque son dépit par une inconvenance, Dubois, se souvenant qu’il est conseiller d’État, s’informe a Paris des égards dus aux conseillers et les impose à la mauvaise humeur du maréchal. De là ce billet adressé à Fontenelle : « Mon illustre, faites-moi l’amitié, lorsque vous rencontrerez M. l’abbé Bignon, de lui demander, par manière de conversation et sans qu’il puisse deviner que cela vienne de moi, comment les maréchaux de France finissent leurs lettres en écrivant aux conseillers d’État[75]. » D’Huxelles eut un autre dégoût : il fut obligé de faire adresser ! Dubois une pancarte de ministre extraordinaire. A cette vue Dubois pense que la tête va lui tourner[76], et il remercie Pecquet, le premier commis, à qui il doit ce service : « Je prie le Seigneur, lui dit-il, ...j’offre un holocauste d’un couple de cardinaux, du double de présidents à mortier et d’une douzaine de ducs pourvu qu’il vous conserve... Vous deviez bien, en m’envoyant la pancarte de plénipotentiaire m’instruire du personnage que cela m’oblige à faire, car il faut que je prenne garde à Jodelet prince[77]. »

 

et du duc de Noailles

Dubois avait encore un concurrent à écarter. Depuis l’échec piteux de la mission de Louville en Espagne, le duc de Noailles entretenait à Madrid une correspondance secrète avec le duc de Saint-Aignan, notre ambassadeur. Lord Stair ne put l’ignorer longtemps et espéra en tirer avantage. Il s’en ouvrit à Stanhope, mais Dubois était tenu au courant de cette intrigue par Canillac[78] et, au premier mot de Stanhope, le pria de contenir Stair dans le droit chemin[79] pendant que Dubois chargeait Canillac de surveiller « cette diablerie imprévue » et avertissait le Régent[80]. Noailles protesta ne vouloir ni de près ni de loin se mêler d’Affaires Etrangères et l’alerte, pour le moment, n’eut pas de suites.

 

Association avec Canillac

Canillac portait au succès de Dubois un vif intérêt dont la nature était honteuse. Ce roué s’était fait concéder l’étang de Moër, proche de Mardyck et comptait sur le négociateur pour obtenir l’autorisation de le dessécher[81]. Dubois le soutenait dans son cupide espoir et faisait valoir ses combats entre l’intérêt public et celui du roué[82]. Canillac était donc pis qu’un ami, c’était un associé et bien déterminé à emporter l’affaire. Tandis que d’Iberville bataillait et retardait l’accord, Canillac se rendait te 13 septembre dans l’après-midi chez le Régent, arrachait de lui des ordres péremptoires qui, expédiés le lendemain matin, mettaient fin aux contestations[83]. Celles-ci menaçaient d’amener une rupture. Le 18 septembre, lord Townshend signifia par écrit à M. d’Iberville que s’il ne pouvait accepter les modifications admises par l’Amirauté anglaise, la constitution des conférences deviendrait sans objet[84]. Le lendemain, à Hanovre, Dubois autorisait Stanhope à proposer en son nom « que le conseil d’Angleterre, quand il aura épuisé la discussion avec M. d’Iberville, et, naturellement, examiné les points en question, pose un ultimatum qui sera transmis ici et à Paris[85]. »

 

Capitulation de M. d’Iberville. Triomphe du Cabinet anglais

L’avertissement de lord Townshend fut décisif. Le 21 septembre, notre ambassadeur vint trouver le premier ministre et déclara consentir au rasement des jetées du canal de Mardyck et à la réduction de l’écluse à seize pieds de largeur[86]. Il prit soin de dire que ce n’était pas dans ses instructions, mais connaissant « l’ardeur du désir qu’a Mgr. le duc d’Orléans d’affermir le repos des deux royaumes, je me flatte que S.A.R. me pardonnera de n’avoir pas suivi ponctuellement ses ordres, quand elle verra par la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire qu’il fallait renoncer à l’alliance ou passer cet article[87]. » Cette capitulation enthousiasma le cabinet anglais qui s’empressa de féliciter Georges Ier d’avoir su « montrer au monde que la réputation de son gouvernement est telle, que même au milieu des difficultés qu’il a eu à combattre au-dedans depuis son avènement au trône, elle l’a mis en état d’arracher à la France l’engagement solennel de détruire cet ouvrage... qui, cela est évident d’après l’énormité de la dépense pour le plan que le feu roi de France se proposait, était destiné à se dresser dans les âges à venir comme un perpétuel échec à notre île et un monument durable de la supériorité de sa politique et de sa gloire.

« Que le Régent ait conclu ce traité et se soit soumis à l’acheter au prix de cette démolition, cela le mettra si irréparablement mal avec le vieux ministère et la faction espagnole en France, qu’il doit, dès ce moment, avoir pris la résolution de se jeter dans les bras du Roi comme son support. » Le parti jacobite en sera la première victime. « Et quant aux affaires Etrangères, le prestige d’un traité avec la France à des conditions si avantageuses, joint au bons effets qu’il produira immédiatement chez nous, mettra Sa Majesté en état de faire sur le continent la figure que les rois d’Angleterre devraient toujours faire, en lui assurant la balance et l’arbitrage des affaires de l’Europe. Cela peut non seulement incliner le roi de Suède à se soumettre à un accommodement aux conditions mêmes de Sa Majesté, mais encore fournir une occasion au Tsar de demander jusqu’à quel point il lui est loisible de procéder avec sûreté à de certaines mesures, à présent que Sa Majesté va avoir les mains plus libres pour en marquer son ressentiment. » L'Empereur et le roi d'Espagne n’avaient ni raison ni prétexte de s’offenser et le cabinet ne ménageait pas ses congratulations à Stanhope, artisan de ce traité « non moins glorieux en lui-même qu’avantageux dans ses conséquences[88]. »

 

Soucis persistants de Georges Ier

Cet enthousiasme ne détournait pas Georges Ier de ses préoccupations. « On prétend, écrivait Châteauneuf, que le roi d’Angleterre est fort animé contre le Tsar[89] ». Châteauneuf était bien instruit car Stanhope écrivait le 25 septembre que « le Tsar a envoyé ordre jusque dans ses ports de la Baltique les plus éloignés, de rassembler en toute hâte tous les vaisseaux disponibles, lesquels devront le rejoindre dans le Sund. On ne fait pas de doute qu'il compte cantonner ses troupes, montant à 40.000 hommes, sur les territoires de Danemark, de Holstein et de Mecklembourg. Il y aura probablement de l'opposition, de sorte que je crains qu'on n'en vienne sous peu aux extrémités. Cette situation ne cause pas un médiocre souci au Roi[90]. »

 

Il semble prêt à recourir aux armes

Georges Ier en était arrivé à rouler dans son esprit les projets les plus violents. Bernstorff, inquiet pour ses domaines du Mecklembourg, l’y poussait et comme le roi de Danemark sollicitait l’intervention de la flotte anglaise commandée par sir John Norris, Bernstorff proposait une attaque soudaine contre la flotte moscovite qu'on détruirait tandis qu'on s’assurerait de la per sonne du Tsar, alors à Copenhague[91]. Le roi d'Angleterre demanda à Stanhope s’il prendrait sur lui de donner des ordres en conséquence à Norris. Stanhope répondit qu’il était prêt à associer ses réclamations à celles du roi de Danemark et à en écrire à Norris. Le 25 septembre, il écrivait au cabinet de Londres deux lettres fort importantes. On voit par celle adressée à Methuen que, la peur aidant, Georges Ier était prêt à réduire ses exigences à « ce que le conseil d’Angleterre jugerait suffisant pour empêcher Mardyck de servir de retraite aux vaisseaux de guerre et aux corsaires », et « considérant le danger immédiat où il semble que nous mettent les troubles du Nord, on doit s’assurer, s'il se peut, l’amitié du Régent. » Il recommandait de donner à la négociation avec M. d’Iberville « un tour capable de l'amener à une issue » et d’exploiter la vénalité de Canillac[92]. La lettre de Stanhope à lord Townshend était plus imprévue encore : « Je crois fort, lui disait-il, que les choses en viendront à un éclat, peut-être avant que j'aie pu recevoir votre réponse. En cette occasion, je briderai ma nature qui a toujours été portée aux coups hardis, jusqu'à ce que je reçoive votre réponse. Mais vous imaginerez aisément si je serai pressé chaque jour d’envoyer des ordres à sir John Norris. » Stanhope ne voyait pas où pouvait conduire toute cette politique des puissances du Nord et n'apercevait rien de plus désirable que l’alliance. « Le Roi désire ardemment, et votre humble serviteur avec lui, que nous nous assurions de la France. L'abbé parle à souhait ; il me montra ce matin une partie d'une dépêche du maréchal d’Huxelles portant la promesse qu’aussitôt le traité signé, ils nous révéleront franchement tout ce qu’ils savent des projets des jacobites depuis le commencement. J’étais, vous le savez, très opposé d'abord à ce traité ; mais je pense véritablement que, dans l’état actuel des choses, nous devons le finir sans perdre une minute. » Ignorant encore la capitulation de M. d'Iberville, Stanhope proposait de lui soustraire la négociation et de tout terminer à Hanovre où « je ne désespère pas de gagner sur notre homme qui a reçu une nouvelle commission et des pleins pouvoirs. » Et poursuivi par la hantise du Tsar, il termine ainsi : « Peut-être m'alarmé-je trop aisément. Mais j’avoue que, selon moi, ce serait une chose de fatale conséquence que la négociation vînt à avorter ; ce qui aurait lieu certainement, si cet éclat dans le Nord nous surprenait avant que nous eussions fini[93] ».

 

 

Infâme calomnie de Dubois contre d’Iberville

Maintenant la négociation devait être avouée pour la rendre plus assurée et le négociateur ne devait plus être caché. Dubois n’était pas sorti de sa chambre depuis six semaines, sauf peut-être à la nuit tombante, sa réclusion allait prendre fin ; le 26 septembre il fut présenté au roi d’Angleterre[94] qui prit la peine de le flatter, de le cajoler, l’assura que personne ne pouvait faire mieux ni tant qu’il avait fait, puis ajouta, avec une grâce teutonne, que désormais il croirait en lui jusqu’à ce qu’il le trompât[95]. Dubois fut transporté, se crut un prodige, s’attribua le mérite du succès de la négociation. « J’ai tenu, disait-il, depuis quelque temps, un langage et une conduite qui ont mis le roi d’Angleterre dans la résolution et même dans l’impatience de finir[96]. » Stanhope l’entretenait, le tâtait, cherchant toujours à prendre avantage, à captiver son homme, redoutant que ce traité si avantageux ne lui échappât. Tout lui devenait matière à appréhensions ; l’arrivée imminente à la Haye de Beretti Landi, ambassadeur d’Espagne, faisait craindre des complications[97] ; les lenteurs tracassières d’Iberville lui semblaient encore redoutables et Dubois avait l’infamie de vouloir tirer vengeance des obstacles qu’avait opposé à son impatience le patriotisme vigilant de ce bon Français. Il osa accuser d’Iberville d’avoir, pour obtenir le dessèchement de l’étang de Moër au profit de Canillac, accepté la destruction des jetées du canal de Mardyck et sacrifié le commerce de cette ville s’élevant à un demi-million par an[98]. L’abbé fut assez vil pour réitérer cette accusation d’une friponnerie dont lui seul était coupable[99], jusqu’à ce que le maréchal d’Huxelles et le commis Pecquet l’obligeassent à préciser son affirmation. Alors le misérable se déroba par le billet suivant : « A mon retour, je vous exposerai les faits qui m’ont frappé, et je souhaiterais de tout mon cœur m’être trompé en mon jugement. J’étais pour lors dans l’obligation d’ouvrir les veux ; je puis présentement les fermer sur tout le passé et me taire, et je demeurerai dans cette situation tant qu’il me sera possible.

Les jours s’écoulaient en causeries sans fin et sans résultats. Le 30 septembre, Georges Ier apprit que l’accord sur Mardyck était conclu à Londres, mais Stanhope souleva ce jour-là, un dernier scrupule. Pour bien préciser la nature spéciale du traité, ne fallait-il pas y désigner formellement la maison d’Orléans. Dubois transmit la proposition que le Régent repoussa[100].

 

Signature de la Convention

On arrivait au terme. Le 6 octobre, Dubois fut présenté à la Cour de Hanovre par Stanhope[101] qui n’eut de loisir que pour adresser quelques lignes à Horace Walpole : « Le Roi n’est pas dans une mince inquiétude relativement aux affaires du Nord. Il craint une rupture entre les Danois et les Moscovites. Pour cette raison, il désire mettre la dernière main au traité avec la France, le plus tôt possible ; ce traité même serait-il moins avantageux qu’il l’est réellement à mes yeux, la situation des affaires du Nord nous met dans une absolue nécessité de conclure[102]. » A Londres comme à la Haye on était un peu surpris de cette impatience dévorante ; mais la volonté du Régent était d’accord avec celle du roi d’Angleterre, celle de Dubois avec celle de Stanhope et après que ceux-ci eurent mis le traité par écrit, les deux négociateurs signèrent la convention spéciale, le vendredi 9 octobre.

A cette date, Dangeau était à Paris : « On parle fort d’un traité de ligue défensive entre la France et l’Angleterre ; on dit même qu’il a été signé à Londres. On n’en sait point les conditions ; elles se content différemment[103]. » Tous les articles du traité y étaient relatés dans leur entière teneur[104] : une clause finale portait que le traité serait signé à la Haye dès l’arrivée dans cette ville de l’abbé Dubois, ambassadeur et plénipotentiaire de Sa Majesté Très Chrétienne. Les Etats-Généraux des Provinces-Unies seraient invités à y accéder ; en cas de refus de leur part, l’alliance ne serait pas moins obligatoire dans tous ses points entre les deux parties contractantes[105].

 

Son but

On a dit la satisfaction avec laquelle le cabinet anglais accueillit non l’alliance, ni le traité, mais l’éclatante humiliation de la France. Les whigs pensaient souffleter Louis XIV dans sa tombe en détruisant Mardyck. Ils avaient garrotté l’Espagne le 15 février, joué l’Empereur le 5 juin, humilié la France le 9 octobre ; l’année 1716 pouvait être, par eux, marquée d’un caillou blanc. Au duc d’Orléans, ils imposaient la ruine des ports français de la mer du Nord, le sacrifice de l’alliance franco-hollandaise éprouvée par une longue série de services et de succès, l’abandon de nos alliés riverains de la Baltique. L’Angleterre n’avait plus rien à redouter du continent dont elle devenait l’arbitre. De tout ceci Dubois ni le Régent n’avaient cure. Cette alliance anglaise, disait Dubois, « assurera si fort les droits de Son Altesse Royale qu’il ne sera plus possible d’y donner atteinte et qu’elle produira la paix entre l’Empereur et le roi d’Espagne, par laquelle l’Empereur renoncera aux États qui composent la monarchie d’Espagne et le roi d’Espagne confirmera sa renonciation au royaume de France. Cette alliance me paraît sans prix : si j’étais maître de la France, j’aimerais mieux donner trente millions que de la manquer ».

Ayant lu ceci, le Régent prit une plume et écrivit dans la marge : « Je pense comme vous sur tout cela : Il n’y a nulle dépense qui puisse contrebalancer l’importance de l’alliance » ; et il signa : « Philippe d’Orléans[106] ».

En 1709, Stanhope avait fait espérer à Philippe la couronne d’Espagne ; en 1716, le tentateur lui montrait la couronne de France. Telle était l’unique stipulation à retenir d’un accord qu’on représentait comme utile au royaume et qui garantissait les traités d’Utrecht, mais seulement dans leurs clauses relatives à l’ordre successoral en France, en Angleterre et en Espagne. L’omission d’un nom de famille ne trompait que ceux qui voulaient être trompés et laissait le champ libre, à Stanhope pour offrir « tout ce qu’on peut stipuler de plus sûr et de meilleur pour ce prince » qui, disait un diplomate, « sachant à quel fil débile tenaient ses droits à la couronne de France, voulut sur les conseils de Dubois les assurer, et, pour recouvrir ses desseins privés, il inventa les prétextes spécieux du repos général et du bien public dans l’espoir de cacher ses vrais desseins qui n’échappaient pas à la sagacité des politiques[107] ». Ce que poursuivaient Philippe et l’abbé c’était la promulgation des droits au trône de la branche cadette ; ils la payaient d’un port de guerre et de nos anciennes alliances. Le marché était avéré et Philippe estimait la dépense sans proportion avec le bénéfice ; c’est que le sacrifice était pour la France et le profit pour lui[108].

 

 

 



[1] Ch. Aubertin, L’Esprit public au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1873, p. 73.

[2] W. Coxe, Memoirs of H. Walpole, t. II, p. 67 : M. Poyntz à lord Stanhope, Hampton-Court, 10 (=21 août) 1716.

[3] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 237 : Dubois au Régent, Hanovre, 22 août 1716.

[4] W. Coxe, Memoirs of H. Walpole, t, III, p. 57-58 : Poyntz à Stanhope, 31 juillet (= 10 août) 1716,

[5] Lord Mahon, History of England, in-8°, Leipzig, 1863, t. I, p. 287 ; L. Wiesener, Le Régent, l'abbé Dubois et les Anglais, 1891, t. I, p. 304.

[6] A. Baudrillart, Philippe II et la Cour de France, t. II, p. 228-233.

[7] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol, 231 : Dubois au Régent, 22 août 1716.

[8] L. de Sévelinges, Mémoires secrets et correspondance inédite du cardinal Dubois, t. I, p. 214.

[9] W. Coxe, Memoirs of R. Walpole, t. II, p. 68-72 : lord Stanhope à M. Methuen, Hanovre 24 août 1716.

[10] Dubois au Régent, Hanovre, 22 août 1716.

[11] W. Coxe, Memoirs of H. Walpole, t. II, p. 68-73 : lord Stanhope à M. Methuen, Hanovre, 24 août 1716.

[12] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t, 277, fol. 230 ; Dubois au Régent, Hanovre, 22 août 1716.

[13] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 231 : Dubois au Régent, 22 août 1716.

[14] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 231 : le même au même, 22 août 1716.

[15] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 239 : le même au même, 23 août 1716.

[16] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 237 : le même au même, 22 août 1716.

[17] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 23 : le même au même, 4 septembre 1716.

[18] M. d’Iberville, notre ambassadeur à Londres, était alors à Paris pour affaires personnelles.

[19] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 247 : Dubois à d'Huxelles, 22 août 1716.

[20] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 235 : Dubois au Régent, 22 août 1716.

[21] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 68-72 : lord Stanhope à M. Methuen, 24 août 1716.

[22] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 66-72 : lord Stanhope à M. Methuen, 24 août 1716.

[23] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 250 : Dubois à Pecquet, 22 août 1716.

[24] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. VII : Robethon, secrétaire de Georges Ier, à lord Stair, Hanovre, 25 août 1716.

[25] L. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 216.

[26] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 209, fol. 102 : Dubois à d'Huxelles, 22 août 1716.

[27] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 251 : Dubois au Régent, 23 août 1716 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 216-217.

[28] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 68-72 : lord Stanhope à M. Methuen, 24 août 1716.

[29] Sévelinges, op. cit., t. I, p. 219 ; L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 314.

[30] Sévelinges, op. cit., t. I, p. 219 ; L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 811 ; Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. V, M. Methuen à lord Stair, Whitehall,27 août (=7 septembre) 1716.

[31] Public Record Office, Regencies vol. 8 : lord Stanhope à lord Townshend (Hanovre), 29 août 1716.

[32] Public Record Office, Domestic Various, n° 24 : lord Townshend à lord Stanhope, Hampton Court, 25 août (= 5 septembre) 1716.

[33] Public Record Office, Regencies, vol. 8 : lord Stanhope à lord Townshend, Hanovre, 15 septembre 1716.

[34] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 278-279 : Dubois au Régent, 31 août 1716.

[35] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 68-72 : lord Stanhope à M. Methuen, Hanovre, 24 août 1716 ; Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. VII : Robethon à lord Stair, Hanovre, 25 août 1716, L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 315, note 2.

[36] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 14 : t. 290, fol. 181-186 : Dubois au Régent, 4 septembre 1716.

[37] Ch. Aubertin, L'Esprit public au XVIIIe siècle, p. 81, 82.

[38] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 290, fol. 147 : Huxelles à Dubois, 29 août 1716.

[39] Le Régent à Dubois, 30 août 1716, dans E. Charavay, Inventaire des autographes et documents historiques réunis par M. Benjamin Fillon, in-4°, Paris, 1878, t. I, n. 150.

[40] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 290, Le Roi à Dubois, 30 août 1716.

[41] Dubois au Régent, 30 octobre, dans Ch. Aubertin, op. cit., p. 74-75.

[42] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. VI : lord Stanhope à lord Stair, Hanovre, 7 septembre 1716.

[43] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 287 : Dubois au Régent, 22 août 1716.

[44] Public Record Office, Domestic various, n° 24 : lord Townshend à lord Stanhope, Hampton Court, 25 août (= 5 septembre) ; d’après Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 290, fol. 89 : Dubois au Régent, 22 août, ou Dubois s’offre « à passer en Angleterre pour aider M. d’Iberville », il est permis de croire que le cabinet anglais avait su quelque chose de cette proposition.

[45] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 123 : Dubois au Régent, 18 septembre 1716.

[46] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 149 : Dubois à Nocé, 21 septembre 1716.

[47] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 282, fol. 161-163 : Instructions à M. d’Iberville.

[48] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. III B : lord Stair à M. Methuen, Paris, 26 août 1716.

[49] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. III B : lord Stair à M. Methuen, Paris, 9 et 12 septembre 1716.

[50] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. V : lord Stair à M. Methuen, Paris, 14-15 septembre 1716.

[51] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 79 : lord Stanhope à Stephen Poyntz, Hanovre, 8 septembre 1716.

[52] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 283, fol. 79 : d’Iberville à Dubois, 21 septembre 1716.

[53] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 80 : Steph. Poyntz à lord Stanhope, Hampton Court, 8 (= 19) septembre 1716.

[54] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 55 : Dubois à Canillac, 8 septembre 1716.

[55] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 2 : Dubois à Châteauneuf, 1er septembre 1716.

[56] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 34 : Dubois à d'Huxelles, 7 septembre 1716.

[57] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 90-91 : Dubois à Pecquet, 11 septembre 1716.

[58] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 274 ; t. 290, fol. 162.

[59] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 274 : Dubois au ministre, 28 août 1716.

[60] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 278 : Dubois au Régent, 28 août 1716.

[61] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 279 : Dubois au Régent, 28 août 1716.

[62] Public Record Office, Regencies, vol. VIII, lord Stanhope à lord Townshend, Hanovre, 15 septembre 1710.

[63] Public Record Office, Regencies, vol. VIII, lord Stanhope à lord Townshend, 15 septembre 1716.

[64] Public Record Office, Regencies, vol. VIII, lord Stanhope à lord Townshend, 15 septembre 1716.

[65] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 46 : Dubois au Régent, 7 septembre 1716.

[66] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 123 : Dubois au Régent, 18 septembre 1716.

[67] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 115 : Dubois à Châteauneuf, 15 septembre 1716.

[68] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 87 et 128 : Dubois à d'Iberville, 11 et 19 septembre 1716.

[69] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 121 : Dubois au Régent, 18 septembre 1716.

[70] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 130 : Dubois au Régent, 18 septembre 1716.

[71] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 286,fol. 48 : Dubois à Châteauneuf, 22 septembre 1716.

[72] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 230 : Châteauneuf à Dubois, 26 septembre 1716.

[73] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 290, fol. 169 : Dubois au Régent, 4 septembre 1716.

[74] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 286, fol. 8 : Dubois à d'Huxelles, 1er septembre 1716.

[75] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 186 : Dubois à Pecquet, 11 septembre 1716, Ch. Aubertin, op. cit., p. 86-88.

[76] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 186 : Dubois à Pecquet, 25 décembre 1716.

[77] Ch. Aubertin, op. cit., p. 83.

[78] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 70 : Canillac à Dubois, 13 septembre 1716.

[79] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. VI : lord Stanhope à lord Stair, Hanovre, 7 septembre 1716.

[80] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 86 : Dubois au Régent, 11 septembre 1716.

[81] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 128 : Dubois à d’Iberville, 19 septembre ; ibid., Hollande, t. 310, fol. 3 : Dubois à Pecquet, 2 octobre 1716.

[82] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 136 : Dubois à Canillac, 19 septembre 1716.

[83] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 70 : Canillac à Dubois, 13 septembre 1716.

[84] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. V ; lord Townshend à M. d’Iberville, Hampton-Court, 7 (=18) septembre ; Public Record Office, Domestic Various, n° 23 : Methuen à Stanhope, 8 (= 19) septembre 1716.

[85] Public Record Office, Regencies, vol. 8 : Stanhope à M. Methuen, Hanovre, 19 septembre 1716.

[86] Public Record Office, Domestic Various, n° 23 : M. Methuen à lord Stanhope, Hampton-Court, 11 (= 22) septembre 1716.

[87] Oxenfoord Castle, Stair Papers vol. V, M. d’Iberville à M. Methuen, 10 (= 21) septembre 1716.

[88] W. Coxe, Memoirs of H. Walpole, t. II, p. 82-84 : Steph. Poyntz à lord Stanhope, Hampton-Court, 11 (=22) septembre 1716 : L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 324-326.

[89] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 101 : M. de Châteauneuf à Dubois, 19 septembre 1716.

[90] Public Record Office, Regencies n. VIII : lord Stanhope à M. Methuen, 25 septembre 1716.

[91] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. VIII ; correspondance de Robethon.

[92] Public Record Office, Regencies, vol. 8 : lord Stanhope à M. Methuen, Hanovre, 25 septembre 1716.

[93] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 84-85 : lord Stanhope à lord Townshend, Hanovre, 25 septembre1716.

[94] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 290, fol. 351-358 ; Relation de l’entretien de Dubois avec le roi d’Angleterre au sujet de l'alliance du 29 septembre 1716.

[95] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 290, fol. 351-358 : Relation du 29 septembre 1716.

[96] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol, 212 : Dubois à d’Huxelles, 27 septembre 1716.

[97] Coxe, op. cit., t. II, p. 86 : lord Stanhope à lord Townshend, Hanovre, 29 septembre 1716.

[98] Arch. Aff. Etrang., Hollande, t. 310, fol, 2, 3, 4 : Dubois à Pecquet, 2 octobre 1716.

[99] Public Record Office, Regencies, vol. 8 : lord Stanhope à M. Methuen, Hanovre, 25 septembre 1716 ; L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 492-493.

[100] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 234 : Dubois au Régent, 30 septembre 1716.

[101] Public Record Office, Regencies, vol. 8 : Ch. Stanhope à Methuen, Hanovre, 6 octobre 1716 : Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. VIII, Robethon à lord Stair, Hanovre, 9 octobre 1716 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 221.

[102] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 98 : lord Stanhope à H. Walpole, Hanovre, 6 octobre 1716.

[103] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 470 : 9 octobre.

[104] Sévelinges, op. cit., t. I, p. 221.

[105] G. de Lamberty, Mémoires pour servir à l’histoire du XVIIIe siècle, in-4°, Amsterdam 1734, t. IX, p. 560-563.

[106] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 278, fol. 174 ; Note du 2 octobre par Dubois, et Nocé ; dans Kaulek et Plantet, Recueil de fac-similés de Paléographie moderne, Paris 1889, pl. X.

[107] Brit. Mus., nouv. acq. 8756 : Mémoires de Cellamare, fol. 130.

[108] E. Bourgeois, Le Secret du Régent et la politique de l’abbé Dubois (1909).