HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME PREMIER

 

CHAPITRE XIII. — La carrière de l’abbé Dubois (6 septembre 1656 - 1er juillet 1716).

 

 

La carrière de Dubois. — Enfance et jeunesse. — Dubois attaché au duc de Chartres. — Il succède à M. de Saint Laurent. — Tolère et favorise les vices de son élève. — Le plan d’éducation n’est rempli qu’en partie. — L’incrédulité. — La perversité. — L’avidité. — La fourberie. — Son premier voyage en Angleterre. — Il est rappelé en France précipitamment. — Ce qu’il rapporte de son voyage. — Années d’incertitude. — Tares physiques et morales. — Son langage et son style. — Ses apologistes. — Son génie politique. — L’abbé est nommé conseiller d’État. — Cabale imaginée par Saint Simon. — Première lettre de Dubois à Stanhope. — Réponse de Stanhope. — Deuxième lettre de Dubois. — Avances de Dubois et situation de l’Angleterre. — Langage de lord Stanhope. — Diversion faite par l’Empereur. — Hostilité à l’égard de l’alliance : en France, en Angleterre. — La mission de Dubois.

 

La carrière de Dubois

La maison du duc d’Orléans était, au témoignage de d’Argenson[1], « farcie de scélérats » parmi lesquels l’abbé Dubois jouissait d’une place d’honneur, car si « on ramasse tout ce que la haine et la malignité ont répandu de venin sur les favoris des princes, on trouvera qu’ils furent ménagés en comparaison du traitement fait à Dubois. Si l’on en croit ses accusateurs, écrit le chevalier de Piossens, il n’avait ni religion, ni probité, ni honneur, ni sentiments d’humanité, ni aucune espèce de mérites et était absolument incapable des emplois qu’on lui confiait[2]. » Dubois était à tel point décrié que sa réputation bravait la médisance et décourageait la calomnie. Ses contemporains ne le voyaient pas autrement que la postérité, à laquelle la griffe de Saint-Simon l’a abandonné, livide, hideux et inquiétant. Sans naissance, il avait l’âme d’un laquais et les vices d’un grand seigneur, capable de s’égaler à toutes les corruptions, de se prêter à toutes les complaisances, de se livrer à toutes les infamies, pourvu qu’il en retirât un profit ou un avantage quel qu’il fut. Le Régent, son élève, rendait à certaines dépravations, dont il se sentait personnellement incapable, l’hommage d’une sorte de vénération ; Dubois ne croyait pas plus au vice qu’à la vertu, il ne les dédaignait pas, ne les méprisait pas, il les ignorait comme des affectations sans réalité, des niaiseries capables tout au plus de divertir un moment l’esprit. Chimérique, il ne pouvait se défendre de la faiblesse de faire une place dans les calculs de son ambition à la fantaisie du hasard, qu’il se réservait de corriger ô force de ténacité, de sagacité ou de fourberie. Courageux jusqu’à la bravoure, il lui plaisait de faire compter avec lui ceux qui affectaient de ne le compter pour rien, et il s’amusait à ce rôle de provocateur silencieux et pacifique dont se flattent volontiers les avortons en révolte contre les conventions sociales. Il n’avait garde d’ébranler l’édifice, il préférait élargir et embellir le logement qu’il s’y destinait. Grand chasseur de bénéfices, qu’il collectionnait sans vergogne et exploitait sans merci, Dubois n’était pas homme à sacrifier son intérêt à la morale. N’ayant du sacerdoce que la couleur et la forme de son habit, l’impatience du pouvoir et l’avidité des richesses l’amenèrent à convoiter la prêtrise, ce qui était un sacrilège ; à s’emparer de l’épiscopat, ce qui était une profanation ; à se hausser au cardinalat, ce qui n’était plus qu’une comédie. Cette surprenante carrière valut à celui qui la remplit des haines vigoureuses, un mépris sans bornes et de médisantes indulgences, qui n’ont rien laissé ignorer des circonstances singulières de la vie de Guillaume Dubois.

 

Enfance et jeunesse

Il était fils d’un apothicaire, profession sur les prérogatives de laquelle Molière venait de répandre un comique ineffaçable. Ce nom d’apothicaire avait le privilège, depuis la « cérémonie » du Malade imaginaire, de mettre nos pères en gaieté ; on pouvait porter les noms les plus idoines : Dubois, par exemple, ou Dupont ou Durand, c’était en vain ; l’apothicaire ne portait qu’un seul nom et ne répondait qu’à ce nom : Diafoirus ; et le fils de l’apothicaire s’appelait : Thomas Diafoirus. Pour combler la mesure, cet apothicaire sortait de Brive-la-Gaillarde, an vocable truculent, et venait tenter la fortune à Paris. Il avait seize ans pour lors, un habit sur le dos, quelques chemises dans sa besace, peut-être un écu ou deux dans sa bourse, une tonsure toute fraîche, les yeux et le museau d’un jeune renard[3]. Quelques succès de rhétorique remportés dans sa bourgade natale lui avait valu l’aubaine d’une bourse au collège Saint-Michel, proche de la place Maubert[4]. Dénué de ressources, tout lui était bon pourvu qu’il en tirât pied ou aile. Le principal du collège se délivrait sur lui, pour quelques sols, des corvées par trop importunes, et Dubois paradait dans les obits des paroisses environnantes[5], sommeillait dans une stalle, musardait à une absoute, écornait la sportule due à son collège, ou bien, entre deux cours, il donnait une répétition et « courait le cachet[6] ».

Des leçons particulières lui donnaient accès dans quelques maisons cossues, lui découvraient un monde à exploiter : marchand, marquis, prince ou duc[7], il s’insinuait, se faufilait, expliquant l’histoire où bien montrant la géographie, prêt à tout pourvu qu’il sortît de cette condition précaire. Comme il enseignait les quatre parties du monde à un jeune Choiseul, il fut présenté à M. de Saint-Laurent, sous-gouverneur du duc de Chartres, qui songea à l’abbé pour une place de sous-précepteur du neveu de Louis XIV, aux appointements annuels de cinq cents livres, dont le pauvre hère s’estima fort honoré[8]. Il avait le pied à l’étrier.

 

Dubois attaché au duc de Chartres

Dans l’éducation de son fils, Monsieur ne voyait qu’une seule chose : le gouverneur, qu’il voulait de grande maison ; le reste ne lui importait guère. Le sous-gouverneur, Saint-Laurent, était un parfait honnête homme et le plus propre à élever un prince doué admirablement et rapproché du trône. Un pareil Mentor était un gêneur dont la société du Palais-Royal ne pouvait se défaire mais qu’elle saurait annuler. Dubois, qui avait rôdé, on ne sait avec quel titre, dans l’entourage ou dans la valetaille de Mlle de Lenclos, y avait sans doute appris, s’il l’ignorait encore, qu’on ne fait pas fortune au service des honnêtes gens et il s’attacha de préférence à ceux de qui les scrupules égalaient les siens. Des récits qu’on n’a aucune bonne raison de récuser font voir l’abbé imposé à M. de Saint-Laurent plutôt que choisi par lui, et ses parrains sont les hommes les plus compromettants qu’il soit possible d’imaginer : le chevalier de Lorraine, le marquis d’Effiat et le duc de Vendôme[9].

 

Il succède à M. de Saint-Laurent

Contraint de souffrir un collaborateur aussi fâcheusement recommandé, Saint-Laurent « comptait l’éloigner de son élève aussitôt que celui-ci aurait terminé ses études, et il ne voulait pas qu’il fût un seul instant auprès du duc de Chartres, si ce n’est à l’heure des études[10]. » Au Palais-Royal, la surveillance restait possible et permettait de contenir la perversité de l’abbé ; à Saint-Cloud, la responsabilité de Saint-Laurent ne pouvait se flatter d’éviter tout accident. En conséquence, le sous-précepteur annonça sa démission si l’accès du château et du parc n’était interdit à Dubois[11]. On ne s’étonne plus dès lors que Saint-Laurent fut en butte à une sorte de conjuration dont il racontait à Racine, son ami, les pénibles circonstances : tracasseries, rebuffades, déchaînement de toute la maison du jeune prince contre lui, sans en excepter le sous-précepteur et les valets de chambre[12]. « Pour mon malheur, écrira trente ans plus tard, la mère du Régent, Saint-Laurent mourut en quelques heures. L’abbé se présenta alors ; on n’avait aucun précepteur sous la main ; il resta donc auprès de mon fils et il pouvait si bien s’exprimer comme un honnête homme que je l’ai regardé comme tel jusqu’au mariage de mon fils[13]. »

 

Tolère et favorise les vices de son élève

Le jeune prince après avoir convenablement déploré la mort du sous-gouverneur ne tarda pas à l’oublier. Dubois laissa flotter les rênes et l’enfant fit ses débuts dans le vice. « Il n’avait que treize ans, écrit sa mère, lorsqu’une dame de qualité l’instruisit[14] » ; or c’est presque au jour de sa treizième année que Dubois avait commencé à avoir autorité sur son élève[15]. On ne peut guère admettre que cette initiation fut restée inconnue à l’abbé, qui favorisait des aventures plus périlleuses encore. « Je tiens de mon fils lui-même, écrira Madame, que l’ayant rencontré un jour tout seul dans une rue au moment où son élève se disposait à une criminelle fréquentation, l’abbé ne fit qu’en rire au lieu de le prendre par le bras et de le ramener à la maison[16]. » Qu’y eut-il trouvé « à la maison ? » D’abominables débauchés associés aux dépravations de son père, des libertins comme Sillery, des invertis comme d’Effiat, des ivrognes comme Cayeux ! En comparaison de ces effrontés, la réputation de Dubois paraissait chargée, tout au plus, de peccadilles, et le personnage était si mince que tout ce qu’il pouvait faire ou penser ne comptait pour rien. Au reste, Monsieur se souciait fort peu des progrès intellectuels de son fils ; il ne se souciait pas plus de lui que s’il n’eut pas été au monde[17]. Madame se reposait volontiers de l’éducation de cet enfant sur le petit abbé qui lui avait plu, qu’elle trouvait capable, beau parleur et de bonne compagnie[18] et qui lui permettait de consacrer le meilleur de son temps à ses dix chiens, ses perroquets, ses canaris, ses chasses et ses correspondances. Entre une lettre de quinze pages et une autre lettre de vingt pages, Madame griffonnait à l’adresse de Dubois un de ces billets — quarante-trois ont été conservés[19] — où elle prodigue les formules laudatives qui justifiaient à ses propres yeux le coupable abandon dans lequel grandissait le jeune prince. A six jours de distance cette mère mondaine, au sens le plus frivole du mot, reprochait à son fils les larmes que son inconduite lui coûtait et remerciait le précepteur de l’application qu’il mettait à faire de ce fils un honnête homme[20] !

Dubois devait à lui-même autant qu’à son élève d’élaborer un plan d’éducation ; il n’y manqua pas. La pièce nous a été conservée[21], elle est telle qu’on doit l’attendre d’un pédagogue avisé à qui la Fortune a donné pour pupille le neveu unique d’un roi très puissant et qui ne se défend pas d’entrevoir la perspective d’une brillante carrière. M. de Chartres a « beaucoup d’esprit, extrêmement de bon sens... et un génie particulier pour les affaires », de sorte que si les circonstances l’amènent à prendre part au gouvernement « il se rendra très considérable ». C’était un horoscope dans lequel l’abbé, sans doute, ne s’oubliait pas. « Puisque le prince a l’esprit excellent, disait-il encore, il faut le faire valoir. »

 

Le plan d’éducation n’est rempli qu’en partie

Le plan devait servir à cela et on doit reconnaître que l’élève se montra admirablement doué et merveilleusement formé ; Dubois avait eu le mérite de déterminer les connaissances nécessaires et d’en adapter l’acquisition aux facultés du prince dans l’esprit duquel il s’insinua par degrés et dont il finit par s’emparer tout-à-fait[22]. L’abbé « est instruit, disait Madame, il a donné de l’instruction à mon fils[23] » et elle s’en remettait à lui de montrer au jeune homme « le vrai chemin de la vertu[24] ». La science comme la vertu demeurèrent d’aimables Etrangères pour le Régent qui posséda des connaissances générales sur tout ce qui faisait l’« honnête homme » de son temps, mais qui effleura toutes choses et n’approfondit rien de ce qui rentrait dans le plan majestueux et compliqué de son précepteur : religion, histoire, philosophie, droit public, langues modernes, mathématiques. Ce que le duc d’Orléans connut le mieux, il ne le tenait pas de l’abbé Dubois ; peinture, musique, chimie, cérémonial. Peut-être le maître avait-il contribué à développer chez l’élève l’art d’une diction facile, claire et séduisante, que possédait Dubois avec en plus un pétillement de mots très bas, d’expressions déshabillées et d’images malsaines ou malpropres.

 

L’Incrédulité

Quant à l’irréligion portée jusqu’à l’athéisme et l’impiété pratiqués, avec une affectation cynique par le jeune prince, il est impossible de déterminer la part de Dubois dans cette perversion. Si c’est une grave responsabilité d’imputer à autrui des pratiques et des opinions qu’il semble avoir adoptés, c’est coup sûr une naïveté excessive de recourir à des formules protocolaires pour faire la preuve de croyances auxquelles la conscience  n’acquiesçait pas. Dans un royaume où la religion et le clergé étaient « institutions d’État », certains ménagements s’imposaient ; gestes ou locutions, on ne pouvait braver l’esprit public et, sous la Régence, on n’y songea pas tout de suite. On a vu le Régent faire ses Pâques en 1716, jusqu’à la fin de sa vie on le verra suivre la procession de la Fête-Dieu sans que personne puisse apercevoir dans cette soumission à un usage consacré l’acquiescement de l’esprit à des croyances qu’il repousse publiquement et à des dogmes qu’il nie. De même Dubois, faisant courir sa plume, laisse échapper quelque phrase dont on pourrait à la rigueur conclure à un assentiment quelconque aux vérités chrétiennes ; ce serait s’abuser volontairement. Ceux qui l’ont vu vivre et qui l'ont regardé mourir n’ont pu croire qu’une lueur de foi chrétienne continuât à éclairer cette âme déchue. Consternés, ils observaient cet homme qui « sans croire en Dieu, sans religion, sans h» moindre ombre de probité, sans mœurs, connu pour tel des François et des Etrangers, se fit faire archevêque et devint cardinal par le moyen du roi d’Angleterre[25] » ; cet abbé qui « s’il était aussi bon chrétien qu’il est habile serait un homme excellent, mais qui ne croit à rien[26] » ; ce moribond qui refusait le sacrement suprême et de qui on ne peut dire avec certitude qu’il se soit confessé à l’instant de paraître devant Dieu ; ses dernières heures ponctuées de jurons et de blasphèmes, ressemblant à la fin d’un désespéré.

 

La perversité

Laissons cette conscience au jugement de Celui à qui rien n’est caché, continuons à dévisager le fils d’apothicaire qui trouva le secret d’émouvoir par le scandale de son élévation et de sa perversité une société cuirassée contre la surprise autant que contre la colère. Ce que cette société reprochait à Dubois elle n’en avait fait grief ni à Colbert, ni à Vauban, dont l’origine n’offrait rien d’illustre, mais dont toute la carrière s’était développée en pleine lumière. Au contraire c’est dans l’obscurité d’une salle d’étude qu’avait poussé cette plante malsaine, dans le voisinage suspect d’une jeune garçon trop précoce, qui en avait fait plus tard l’ornement, le confident et l’associé d’une existence de plaisirs louches et d’amusements débraillés. L’histoire de France, à aucune époque de sa durée, n’avait présenté un spectacle analogue ; pour rencontrer une faveur et une souillure qui pussent être comparées à la sienne il eut fallu remonter haut dans le passé, évoquer les carrières de Rufin ou d’Eutrope, imaginer quelque chose des dépravations monstrueuses d’une Cour byzantine. Dubois végétait dans cette ombre équivoque qui autorise tous les mépris, étant de ceux devant lesquels il est permis de tout faire et de tout dire. Il pouvait entendra sans sourciller les propos des roués, mais il ne lui était plus permis de participer aux orgies ; sa santé ruinée devenait comme la rançon publique de ses fredaines et son frugal régime apparaissait aux convives comme l’expiation des ripailles d’autrefois. La machine était trop frêle pour le service qu’il en exigeait. L’un après l’autre, les organes lui refusaient l’obéissance. Le mal qui l’emporta est du nombre de ceux qu’on ne peut décrire et les couplets qu’il inspira n’ont pu se chanter qu’aux tables où, vivant, il s’était assis.

 

L'avidité

La vraie place de Dubois, celle que lui assignait son tempérament, et peut-être ses aptitudes, était à l’armée. « C’est un abbé, dira de lui le maréchal de Luxembourg, dont on ferait sans peine un vaillant mousquetaire[27] ». Mais le sort en avait décidé autrement et au lieu de collectionner les blessures, l’abbé collectionnait prébendes et bénéfices. Outre son traitement doublé[28], il obtenait un canonicat à la collégiale Saint-Honoré, le rectorat du collège Saint-Michel, l’abbaye d’Airvaux en Poitou « de préférence à cent compétiteurs[29] », le prieuré de Brive[30], l’abbaye de Saint-Just en Beauvaisis. Insatiable, il demandait autre chose encore[31], s’adressait à Madame, à Fénelon, au P. de la Chaise, à Mme de Maintenon, au Roi lui-même, si l'historiette qui le montre sollicitant le chapeau de cardinal, en récompense d’une négociation délicate, pouvait être acceptée[32].

 

La fourberie

Avide de bénéfices crottés, Dubois sollicite tout ce qui passe à portée de ses convoitises et de son avarice. « J’avais eu d’abord de l'attachement pour lui, avouera Madame, parce que je croyais qu’il aimait tendrement mon fils et qu’il ne cherchait en tout que son bien et son avantage ; mais quand j’ai vu que c’était un chien perfide que ne s’occupe que de ses propres intérêts... toute mon estime s’est changée en mépris[33]. » Il le savait, mais que lui importait alors l’estime de cette vieille princesse radoteuse et acariâtre. « Quelque chose de désagréable que je puisse lui dire, il tourne tout en plaisanterie[34]. » Voilà l’homme qu’a eu devant les yeux la société de la Régence, allant son chemin, poussant sa pointe, toujours souriant, toujours rageant, toujours mentant. « C’est le plus grand fourbe, le plus grand hypocrite de Paris, dit-on[35] ; il est tellement fourbe que son plus grand plaisir est de raconter des choses où il n’y a pas un mot de vrai[36]. » Vivant en marge du sacerdoce qu’il exploite, ni abbé, ni soldat, ni partisan, ni diplomate, il s’est accroché à la maison d’Orléans, il s’y est pour ainsi dire incrusté, sans titre désormais, sans charge, « exclu de toute grâce[37] », il en convient, et persévère dans son rôle indécis et fâcheux, sorte de bouffon domestique qu’on croirait par la taille, par la laideur et par la malice, comme par l’esprit, de la lignée des Chicot et des Triboulet.

 

Son premier voyage en Angleterre

Il ne vise pas encore à la succession de Richelieu, pas plus d’ailleurs qu’à celle de Fénelon ; il y a temps pour tout. Son début dans la « carrière » convient merveilleusement à ses aptitudes ; ce n’est pas une mission diplomatique, ce n’est qu’un rôle d’espionnage. Dans les dernières années du XVIIe siècle il n’était à peu près personne qui ne pressentît l’épreuve imminente d’une guerre terrible que retardait de quelques mois ou de quelques jours à peine la santé chancelante du roi d’Espagne Charles II[38]. Pour la prévenir, si c’était possible, Louis XIV envoya à Londres le maréchal de Tallard afin de négocier avec Guillaume III[39] ; dans sa suite on glissa l’abbé Dubois, sans titre, sans mission, sans appointements. Mlle de Lenclos le fournissait de recommandations.

« C’est un petit homme délié qui vous plaira », écrivait-elle à Saint-Evremond[40] et celui-ci exhibait cette bouture d’épicurien parmi les sociétés où l’on ne se piquait que d’esprit et de politesse, chez Hortense Mancini, chez Stanhope, chez la comtesse de Sandwich avec laquelle Dubois se lia d’amitié.

Pendant que le maréchal négociait au compte du Roi, l’abbé tripotait pour le service de Monsieur qui invoquait en faveur des droits successoraux de la branche d’Orléans ceux qu’il tenait de sa mère Anne d’Autriche. Ce fut son début dans la diplomatie secrète[41], début qui lui Laissa tout le loisir de découvrir et étudier l’Angleterre. Ce séjour écourté ne laissa pas d’exercer sur Dubois une influence si profonde et d’amener des conséquences tellement imprévues qu’on ne peut lui accorder moins d’attention qu’au voyage de Voltaire ou à celui de Montesquieu dont les résultats se sont faits sentir pendant une partie du XVIIIe siècle. En 1698, quelques-uns des principaux effets de la révolution survenue dix années auparavant se faisaient pleinement sentir. Le pouvoir était obligé de compter avec l’opinion et de ménager quiconque pouvait l’influencer ou la conduire. Les écrivains avaient montré de quel poids pouvait peser une plume et le développement de la presse grandissait chaque jour leur importance. Les whigs faisaient appel à plusieurs hommes de lettres pour des postes considérables, par eux une tradition favorable aux lettres s’établit dans les régions ministérielles et cette tradition fut adoptée et appliquée par les tories. La profession d’écrivain grandit dans l’estime et, de métier précaire, s’éleva à la dignité de carrière honorée ; une vague d’égalité porta au niveau des plus grands seigneurs et des plus hauts fonctionnaires Swift, Congreve, Addison et bien d’autres. Tout leur fut accessible. « Grâce à vous, écrivait Steele à Montague, l’homme d’esprit s’est mis à devenir homme d’affaires[42]. »

 

Il est rappelé en France précipitamment

Ceci fut pour Dubois une révélation. Parti de rien on pouvait donc arriver à tout, et il se proposait d’aller étudier sur place, à Oxford et à Cambridge, ces phénomènes qu’il ne désespérait pas d’imiter. Cependant soit turbulence naturelle soit émerveillement, il se trémoussait si bien qu’on le remarqua. L’ambassadeur impérial et les partisans de l’Autriche prirent ombrage de cette agitation dont le but leur échappait[43]. Ils supposèrent donc qu’à l’abri de la mission officielle de Tallard, l’abbé remplissait une mission secrète de la part de Jacques II auprès des catholiques anglais. Ce soupçon semble avoir germé parmi le groupe de protestants réfugiés à Londres[44] aussi mal disposés à l’égard d’un abbé présumé catholique qu’à l’endroit d’un libertin de la coterie de Chelsea. Torcy entretenait des correspondances avec ces réfugiés, mis au courant de leur préventions il écrivit à Tallard : « L’abbé Dubois fait beaucoup de bruit en Angleterre ; on croit qu’il y est avec des ordres et de grands desseins. Le Roi croit que la curiosité seule l’y a mené. Cependant, monsieur, vous lui rendrez un grand service de lui conseiller de revenir. Ce que je vous en dis est plus que de moi seul, mais je crois que vous ne devez le conseiller que comme de vous[45]. » Le ton presque comminatoire sur lequel l’ordre était donné de la part de Louis XIV et l’indication fournie au maréchal de soutenir au gouvernement de Guillaume III qu’il ne s’agissait que d’un voyage de curieux, montrent assez quel embarras le diplomate novice attirait à son gouvernement. Dès le 18 mai, le maréchal avait signifié au remuant « curieux » d’avoir à regagner la France, sans lui laisser le temps nécessaire à la double visite d’Oxford et de Cambridge[46] ; il semble d’ailleurs avoir éprouvé un vif soulagement à être délivré de ce surveillant qui savait les affaires de l’ambassade mieux que l'ambassadeur lui-même. Comme Torcy l’interrogeait sur une audience de Guillaume III, Tallard répondit au ministre : « Si le Roi désire être informé de quelque particularité, l’abbé Dubois vous en rendra compte mieux que moi[47] ». Présenté à Louis XIV, l’abbé ne recueillit pour prix de sa mésaventure que ce persiflage : « Voilà ce que c’est d’avoir tant d’esprit ! monsieur. On ne saurait aller par le inonde avec tout le mérite que vous possédez sans s’attirer des affaires[48]. »

 

Ce qu’il rapporte de son voyage

Dubois rapportait de son voyage tout autre chose et beaucoup plus que la reconnaissance de droits contestables à la succession de la couronné d’Espagne dans la branche d’Orléans. Il rapportait une conception dynastique opposée à celle qui prévalait alors en France. La révolution de 1688 ouvrait aux ambitions princières des perspectives très différentes de celles que leur ménageait la conception française du droit divin. Il est difficile de ne pas croire que Dubois ait entretenu son ancien élève, dont l’audace était sans limites, des chances nouvelles que lui offrait la théorie de la couronne au plus digne, au plus capable, au plus populaire ; il n’est guère moins difficile de penser que ces entretiens furent sans influence sur les tentatives esquissées quelques années plus tard en Espagne par le duc d’Orléans pour se faire substituer, avec le concours de l’Angleterre, à Philippe V devenu impossible.

Agent confidentiel et domestique, comme on disait alors, de la maison d’Orléans, Dubois attachait ses destins personnels à la fortune de ses maîtres. N’ayant pu les servir à Londres à leur gré, il était homme à chercher une revanche et l’événement la lui procura. Lorsque s’ouvrit la succession d’Espagne, Philippe d’Orléans ne put que faire constater le silence gardé sur ses droits par le testament de Charles II ; il entreprit de faire connaître ces droits, mais la mort l’ayant prévenu, son fils réitéra la protestation paternelle et la pièce nous a été conservée corrigée de la main de Dubois. Cette fois il ne s’agissait plus d’une mission clandestine, mais, de l’aveu de Louis XIV et de Torcy, l’abbé se rendit en Languedoc sous prétexte de saluer Philippe V, en réalité pour s’informer des motifs de ce silence dans le testament et de la conduite à suivre pour annuler les effets de cette omission et garantir les droits de la branche cadette en cas d’extinction de la branche aînée. Dubois, après une longue attente, rapporta de son voyage de bonnes paroles et de belles promesses qui, après de longs mois d’attente et d’interminables formalités, aboutirent à la reconnaissance des droits éventuels du duc d’Orléans au trône d’Espagne[49].

 

Années d’incertitudes

Inséparables, Philippe d’Orléans et son abbé reparurent à l’armée devant Turin, en 1706. L’année suivante, le prince reçut un commandement en Espagne où Dubois ne put se-faire tolérer. Sa faveur subissait une éclipse, on lui préférait l’abbé de Thésut pour la charge de secrétaire des commandements, la première de la maison d’Orléans[50] ; mais peut-être n’était-ce qu’une feinte disgrâce, La suspicion et la distance n’étaient pas des obstacles de nature à séparer les deux compères ; ils entretinrent une correspondance dont une partie seulement a été retrouvée[51]. C’est alors, et sans aucun doute, sous cette influence que le duc d’Orléans suggérait à Philippe V l’introduction dans les provinces de Valence, Aragon et Catalogne d’« un vrai gouvernement à l’anglaise[52] ». Lord Stanhope suggérait la candidature de Philippe d’Orléans[53] laquelle aboutissait pour celui-ci à une éclatante disgrâce. En 1709, sa carrière politique semblait terminée ; en 1712, les morts de la famille royale et la renonciation de Philippe V ramenaient le duc d’Orléans sur la première marche du trône au moment où la vieillesse et le déclin de Louis XIV décidaient lord Stair et Dubois à se tâter et à peser les chances de leur candidat.

 

Tares physiques et morales

En 1715, celui qu’on nommait l’abbé Dubois atteignait la soixantaine. C’était un petit homme maigre et mince, à museau de fouine ; plissé, ridé, ratatiné, livide dans la broussaille d’une perruque blonde. Deux yeux perçants et malins trouaient comme des escarboucles cette face blafarde et mauvaise d’oiseau rapace, qu’on désigne en mauvais français sous le nom de sacre, que tous comprennent et qu’il est impossible de désigner autrement. Tous les vices combattaient en lui à qui en demeurerait le maître, toutes les corruptions rivalisaient à laquelle submergerait son âme pourrie. L’avarice, l’ambition et la débauche étaient ses dieux et le but de sa vie ; le mensonge porté jusqu’à la perfidie, la flatterie poussée jusqu’à la servilité, l’impiété érigée jusqu’à l’athéisme étaient ses moyens et le secret de sa carrière. Bigame, empoisonneur, sodomite a-t-on dit ; et comment le savoir ? De tels crimes, à les supposer commis par un tel homme, n’auraient pas laissé trace et ne comportent aucune preuve. Celui qui avait pris sur lui-même au point de réprimer le don de répartie et jusqu’à simuler le bégaiement pour se donner le loisir de la réflexion a-t-il été imprévoyant à ce point de laisser subsister les pièces qui le condamneraient ?

Il savait ce que valent quelques lignes d’écriture et il collectionnait les témoignages : ceux de Fénelon et ceux du P. la Chaise, de qui il soutirait ces vagues politesses dont les apologistes font des certificats ; ceux de Madame et ceux de Saint-Simon, qui pour se venger d’avoir été ses dupes l’ont, celle-ci, griffé de sa lourde patte, celui-là cloué au pilori[54]. Les contemporains assistèrent avec stupeur à cette élévation, consignèrent avec dégoût chaque progrès de la scandaleuse ascension de cet homme qui n’était ni plus incrédule, ni plus perverti, ni plus repoussant que beaucoup d’entre eux, mais qui était tout cela si absolument qu’il s’en dégageait quelque chose de diabolique qui donnait le frisson. Et ils ne savaient pas tout. Ce qui manqua à leur instruction ce sont les lettres que ce représentant de la France adressait à son plus constant ennemi ; après deux siècles écoulés la lecture fait monter la rougeur au front. Il eut mieux valu pour la mémoire de celui qui les a écrites que fut retrouvé le chiffre de la pension que lui servait, dit-on, l’Angleterre : on saurait le prix auquel il tarifait ses flagorneries, faute de quoi on doit craindre d’y lire l’aveu de ses trahisons.

 

Son langage et son style

Son langage était volontiers insolent, délibérément obscène ; on ne peut citer ses réparties qu’après corrections, ses mots ne brûlent pas le papier, ils le souillent. Son style a moins de verdeur que son langage, n’osant pas être grossier il n’est que trivial. Est-ce vraiment là une langue nouvelle et si agile qu’elle fait penser à Voltaire ? N’est-ce pas plutôt l’enflure d’une rhétorique indigente dissimulée sous le papillotage de comparaisons malséantes. Tous les dictons du plat pays corrézien sont érigés en règles de sagesse par ce provincial émancipé.

 

Ses apologistes

Dubois n’a pas eu que des détracteurs, il a trouvé pis encore : des apologistes[55]. Celui-ci, le premier en date, s’est laissé piper par les textes et après avoir enfilé les témoignages a pensé voir son « héros » réhabilité. Celui-là a réclamé de bonne foi l’aveu de la pension, en a poursuivi l’impossible trouvaille dans les documents et conclu, de sa déconvenue, à la probité du négociateur. Cet autre n’a aperçu qu’une victime des luttes religieuses au cours desquelles Dubois immola les jansénistes aux jésuites. Le dernier venu, non content d’encadrer Dubois entre Mazarin et Talleyrand, découvre Minerve sous les traits de l’abbé soufflant la sagesse et prêchant la modestie dans les cabinets du Palais-Royal.

 

Son génie politique

Entre d’Effiat et Chaulieu ses parrains, de même qu’entre Saint-Evremond et Fontenelle ses amis, Dubois apparaît comme un génie politique ; il n’était rien moins que cela. Une vieille princesse peu clairvoyante mais que la haine rendait perspicace l’a mis à son rang le jour où elle écrivait : « Alberoni a un copain[56] ! » Qu’on lui accorde l’invention, la ténacité, l’ardeur au travail ; on ne peut les lui contester pas plus qu’à son « copain ». Il a entrevu avec lucidité ce que peut valoir à Philippe d’Orléans l’alliance avec l’Angleterre, il ne comptera jamais ce qu’elle peut coûter à la France. Alberoni a aperçu quelle destinée réserve la suprématie de la Méditerranée au roi d’Espagne qui saura étendre la main sur l’Italie. Entre les deux abbés, champions de politiques rivales, se livre un combat qui retient pendant plusieurs années l’attention de l’Europe. Agent occulte, artisan de diplomatie secrète, Dubois a pu souhaiter la grandeur de son ancien élève, il y a travaillé assidûment, bien que, en réalité, il n’ait envisagé et poursuivi que sa grandeur personnelle. « Dubois sorti du néant, a dit Lémontey, eut dans sa volonté la hardiesse que son maître avait dans l’esprit, et s’éleva toujours. » Mais il n’éleva que sa fortune, qui fut, tout compte fait, une fortune de scandale. Il s’usa à la peine et tomba comme étouffé en arrivant au sommet, énervé par la perpétuelle inquiétude et les incessants recommencements d’une œuvre subtile, toute en échafaudages, s’écroulant sur soi-même à mesure qu’elle monte, dépourvue du seul fondement des édifices d’État, l’intérêt permanent de la nation, — et très inutile enfin dans son objet même, car si Louis XV était mort avant sa majorité, le même intérêt national que Dubois blessa par ses alliances d’Angleterre et d’Autriche, aurait comme poussé le Régent au trône et l’y aurait soutenu ; les prétentions de l’Espagne ne l’auraient rendu que plus populaire, et l’Autriche et l’Angleterre, pour épouser sa cause, n’auraient eu qu’à suivre leur propre politique ; le traité d’Utrecht n’avait point besoin de garanties[57].

Cette carrière tourmentée, fiévreuse, haletante dans son escalade continue ; sans autre mobile que l’intérêt particulier d’un maître servi par égoïsme d’ambition plutôt que par dévouement personnel, sans véritable proposition d’État ; sans, grande lumière ; carrière faite avec les ressources de la France, parfois contre la France, pour elle dans les rencontres, mais jamais, comme il aurait convenu, pour elle-même et pour elle exclusivement, éveille la curiosité et la retient, mais n’appelle point la sympathie ; elle n’inspire point d’admiration, elle ne laisse pas de regrets ; elle manque de souffle et de grandeur.

 

L’abbé est nommé conseiller d’Etat

Le 2 septembre 1716, Madame avait arraché au Régent la promesse de ne pas donner d’emploi à l’abbé, et de toutes les places dont le prince disposa souverainement aucune ne fut attribuée à son ancien précepteur. La vieille princesse pensa peut-être avoir partie gagnée, mais « quand je prie mon fils de ne pas faire une chose, disait-elle, il la fait à plusieurs reprises et sous mes yeux[58] » ; quatre mois, jour pour jour, après la promesse consentie, Dubois entrait dans la voie des honneurs. Voulant être conseiller d’État, il pria le duc de Saint-Simon d’en faire au Régent les premières ouvertures. Saint-Simon lui souhaita toute sorte de bien, mais l’invita à considérer de plus près s’il était l’homme d’une telle place, le dépit que sa nomination causerait aux conseillers d’État et l'animosité que tout le conseil et tous ses concurrents voueraient au Régent, qu’il professait toujours vouloir servir. Dubois fut un peu surpris, répliqua maladroitement et se retira[59]. La duchesse de Berry se montra plus accessible[60] et, quatre jours après leur première entrevue, l’abbé reparut chez Saint-Simon, l’aborda radieux : « Je viens, dit-il, vous rendre compte que je suis conseiller d’État. » Le duc s’en déclara ravi. « Prenez seulement garde aux suites, ajouta-t-il, et puisque l’affaire est faite, tenez-vous gaillard, et veillez-y seulement sans les craindre. » Les suites furent telles qu’on les pouvait prévoir.

« Il n’y eut personne, depuis le chancelier jusqu’au dernier des maîtres des requêtes, qui ne se crût personnellement offensé, et qui ne le montrât. L’abbé, qui ne pensait qu’à soi, tenait ce qu’il avait voulu, et ne se soucia point du bruit ni de son maître[61]. »

 

Cabale imaginée par Saint-Simon

L’échec désormais certain de la tentative du Prétendant en Écosse, donnait raison à la politique préconisée par Dubois[62] ; l’humeur hargneuse de Stair, les objurgations hautaines de Stanhope ne pouvaient être contenues que par un personnage nouveau plus souple que le maréchal d’Huxelles. Saint-Simon a imaginé l’existence d’un triumvirat formé par Canillac, le roué, Noailles et Dubois d’accord avec lord Stair, afin de pousser le Régent à l’alliance anglaise[63]. Saint-Simon, partisan convaincu de l’alliance espagnole, n’a eu qu’à laisser libre cours à son imagination pour composer une conspiration bien noire, très active et fort invraisemblable. Il est remarquable que ce complot dont lord Stair tient et manœuvre tous les fils n’a laissé aucune trace dans la correspondance de l’ambassadeur avec son gouvernement. Dans les dépêches de la période correspondante, les noms de Dubois et de Canillac ne se lisent jamais et celui de Noailles est accompagné de la recommandation de s’en méfier. Ce qui paraît plus certain que l’existence de cette obscure cabale c’est que le Régent compta sur le savoir-faire de l’abbé et y fit appel dans l’espoir de réparer une situation compromise par ses hésitations et le manque de franchise de sa politique. Les sympathies de Dubois pour l’Angleterre, ses relations avec lord Stanhope le désignaient pour une tentative de rapprochement.

Par ordre de Stanhope, lord Stair avait remis au Régent, le 9 mars, un mémoire rédigé en termes capables d’obtenir de graves concessions. Le maréchal y donna, le 13, une réponse flatteuse mais négative ; dans l’intervalle, le 12 mars, Dubois entrait en scène. Il écrivait à lord Stanhope[64] :

 

Première lettre de Dubois à Stanhope

« Milord, on ne peut faire profession, comme je fais, d’être de vos anciens amis, sans prendre beaucoup de part aux succès que vos soins et votre vigilance ont eus dans les derniers mouvements d’Écosse, et sans vous congratuler sur l’événement qui les a fait finir si promptement. J’ai été trop instruit des liaisons d’estime et de confiance que vous avez eues avec Monseigneur le duc d’Orléans, pour n’être pas charmé du prompt retour du Prétendant, parce que d’une part il vous est glorieux, et d’autre part il vous désabuse des bruits qui s’étaient répandus d’une influence secrète de notre Cour pour cette entreprise, et vous fait voir qu’ils n’ont eu aucun fondement. J’espère que rien n’altérera les anciennes dispositions où je vous ai vu, et je souhaite qu’on ne néglige rien de part ni d’autre de ce qui peut contribuer à la correspondance entre nos deux maîtres. Je vous supplie, Milord, de me continuer l'honneur de votre bienveillance et d’être persuadé que dans toutes les occasions qui se présenteront, vous trouverez en moi l’ami que vous avez si bien traité, et toute l’estime et la reconnaissance que je vous dois, avec laquelle je suis... »

 

Réponse de Stanhope

Le 19, Stanhope répondait sur un ton glacial[65] : « Je suis très aise d’apprendre d’aussi bonne part l’heureuse disposition de votre Cour. Les apparences véritablement commençaient à nous alarmer ; mais comme nous savons très certainement que non seulement nos intentions, mais toute notre conduite n’a pu donner aucun fondement aux bruits que certaines gens ont affecté de publier par tout le monde, comme si le Roi voulait la guerre, et qu’il fit agir auprès d’autres puissances pour les y porter, nous voulons bien croire que ces bruits n’ont point été autorisés ni débités à dessein de colorer les projets qui se pourraient former contre nous. Nous voulons bien croire aussi, sur ce que vous nous faites dire, que tous les bruits d’une influence secrète de votre Cour pour l’entreprise du Prétendant, n’ont été qu’une pure invention des jacobites pour animer leur parti. Quelques soupçons que l’on ait pu avoir par le passé, il est sûr qu’il n’y a rien de si aisé pour l’avenir, que de se convaincre les uns les autres que l’on veut vivre en paix, si tant est que véritablement on le souhaite.

« Pour [ce qui est] d’ici, je vous en réponds ; et il faut espérer qu’un prince aussi éclairé que monseigneur le Régent, ne sera point la dupe de nos malheureux fugitifs, qui lui attireront très certainement de mauvaises affaires, pour peu qu’il leur prête l'oreille. La France aussi bien que l’Angleterre serait bien à plaindre si de pareilles gens étaient capables de nous brouiller. Mais je veux espérer qu’il n’en sera rien, et que de part et d’autre, comme vous le dites très bien, on ne négligera rien de ce qui peut contribuer non seulement à la correspondance, mais à une étroite amitié entre nos maîtres : j’ose vous assurer hardiment que votre conduite à cet égard sera la règle de la nôtre. Pour mon particulier, je souhaiterais par dessus toutes choses de contribuer à une telle correspondance.

« Vous savez ce qui nous blesse, et vous êtes les maîtres de faire cesser tout fondement de jalousie. Quand monseigneur le Régent y aura bien fait attention, je suis persuadé qu’éclairé comme il est, il trouvera que c’est une très mauvaise politique, et très contraire à ses intérêts personnels, que de nous obliger d’être toujours dans un état plus violent que n’est celui d’une guerre ouverte. Vous voyez que je vous tiens parole et vous parle franchement : je crois que c’est toujours le meilleur que de savoir à quoi s’en tenir. »

 

Deuxième lettre de Dubois

Quelques jours après avoir reçu cette réplique, Dubois écrivit de nouveau, le 10 avril[66] :

« Milord, votre lettre du 19 [= 30] mars me fait voir clair au travers des nuages, que mille bruits confus, produits par divers intérêts, et peut-être par le zèle de quelques acteurs, avaient répandus, et je suis ravi de savoir par un canal aussi sûr que le vôtre, les véritables intentions de votre gouvernement. Je crois pouvoir vous répondre que celles du nôtre sont bonnes et droites. Le caractère de notre Régent ne laisse pas lieu de craindre qu’il se pique de perpétuer les préjugés et le train de notre ancienne Cour ; et comme vous le remarquez vous-même, il a trop d’esprit pour ne pas voir son véritable intérêt.

« Je n’ai pas oublié que dans nos anciennes conversations, vous m’avez souvent dit qu’il ne peut y avoir de solide liaison entre les souverains, qu’autant que chacun d’eux y trouve également son intérêt ; et vous avez sagement observé dans votre lettre, que ce principe conduit nos deux maîtres, non seulement à une honnête correspondance entre eux, mais même à une étroite amitié. Je vous suis trop redevable de vous être souvenu de la parole que vous m’aviez donnée autrefois, de me parler franchement dans les occasions qui se présenteraient, pour ne vous pas avouer avec la même franchise que je pense tout comme vous, et que cet intérêt réciproque doit leur assurer la solidité et la durée des liaisons qu’ils prendraient ensemble. Je suis tellement convaincu de cette vérité, que je suis déterminé à contribuer de tous mes soins à cette union, et que je vous assure que si, dans les mesures qui se peuvent prendre de part et d’autre, vous avez lieu de craindre que des intérêts détournés n’apportent quelque obstacle au bien commun des deux maîtres, au premier avis que vous me donnerez, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour vous aider à démêler la vérité, à rendre simple ce qui prendrait quelque détour, et à parvenir à une liaison qui ne soit plus sujette à aucun soupçon. » La suite n’était que compliments, mais Dubois pensait avoir inspiré confiance en parlant de sa volonté de contribuer à la liaison ; en réalité, soit aversion, soit dédain, Stanhope négligea cette promesse. Il éprouvait peu d’attrait pour la France et ne supposait pas au dernier venu parmi les conseillers d’État les moyens de parvenir à réaliser l’alliance franco-anglaise ; la lettre de l’abbé demeura sans réponse.

 

Avances de Dubois et situation de l'Angleterre

Dès le mois de janvier, c’est-à-dire dès que Dubois est parvenu à s’infiltrer au conseil d’État et à convaincre le Régent de la nécessité d’une alliance anglaise, notre ambassadeur à Londres, M. d’Iberville, reçoit une direction ferme et des ordres pressants : « Insinuez, lui écrit-on, à la fin de janvier, qu’un traité avec moi de l’Angleterre, l’Empire et la Hollande assurerait la tranquillité de l’Europe. Laissez entendre que je n’ai point changé de sentiments depuis la proposition faite en mon nom au comte de Stair, quoique je n’aie reçu aucune réponse de la part du roi de la Grande-Bretagne[67]. » Au mois d’avril, on recommandait de « persuader aux ministres que rien n’affermirait mieux l’autorité[68] » de Georges Ier qu’une alliance avec Louis XV. Au mois de mai, il était enjoint à notre ambassadeur de mettre en relief les avantages personnels que les membres du cabinet britannique retireraient d’une alliance franco-anglaise, et de n’oublier rien en vue de les convaincre « que l’on n’a voit point en France d’éloignement pour eux, qu’au contraire on contribuerait volontiers[69] » à leur satisfaction.

 

Langage de Lord Stanhope

Ces avances venaient d’autant mieux à leur heure que le succès militaire remporté sur les jacobites n’avait pas affermi autant qu’on pourrait le croire la situation de la dynastie hanovrienne. L’entourage de George Ier, avide, rapace et grossier, n’attirait que haine et mépris ; la présence d’une troupe de 6.000 hollandais entretenait la défiance et on devait s’attendre, tantôt sur un point tantôt sur un autre, à des mouvements séditieux. Cette, considération eut suffi à donner aux avances du Régent un sérieux attrait[70]. Les conseillers du souverain s’étaient, l’un après l’autre, humanisés. Bernstorff, Bothmar et Gortz, tous allemands et hostiles à l’entente étaient gagnés[71] ; Robert Walpole et lord Townshend renonçaient à combattre un projet[72], dans lequel Marlborough, lui-même, était « entré à pleines voiles[73] ». Duywenworden, ambassadeur des Etats-Généraux et le marquis de Montéleon, ambassadeur d’Espagne, le recommandaient chaleureusement[74]. Aux instances de ces deux derniers diplomates, lord Stanhope répondait que « la France pendant tout le cours de la rébellion a montré tant de mauvais vouloir pour le. Roi qu’il semble très nécessaire qu’elle nous donne quelque preuve réelle de ses dispositions amicales avant que le Roi puisse songer à entrer dans de nouveaux engagements » et il réitérait les exigences relatives au renvoi du Prétendant « au delà des Alpés », l’expulsion des jacobites notoires et l’abandon du canal de Mardyck. Une fois ces trois points obtenus, nul obstacle ne détournerait plus Georges Ier de se joindre à l’alliance entre la Hollande et la France[75]. Stanhope conservait avec ses deux interlocuteurs des formes courtoises auxquelles succédait, dans la correspondance avec lord Stair le ton péremptoire. « Sa Majesté, lui écrivait-il, a déclaré aux Etats-Généraux qu’aussi longtemps que ce pas n’aura pas été franchi préalablement, elle ne pourra ni ne voudra entendre à ouvrir des négociations avec la France. Si les Français sont sincères dans leurs propositions, c’est à eux, qui ont envoyé le Prétendant à Avignon, à trouver les moyens de l’en faire sortir, et il importe à S. M. que S. A. R. ait à la tirer d’incertitude sur cette matière le plus tôt possible, puisque la conduite qu’elle tiendra à cet égard, devra servir de règle à S. M. pour sa gouverne[76]. »

 

Diversion faite par l’Empereur

Le Régent n’apercevait aucun moyen de se soustraire à ces fâcheux trois points. Il connaissait les desseins formés par Alberoni et, comme le secret d’Alberoni ressemblait au secret de Polichinelle, Charles VI était également instruit du projet d’alliance anglo-espagnole. Pour le prévenir, il proposait à la France un accord dans lequel, pour entrée de jeu, l’Alsace était livrée à l’Empire. Le Régent répondit qu’en sa qualité d’administrateur du royaume il ne pouvait envisager une cession territoriale[77]. L’Empereur se rabattit sur la Sicile, la succession éventuelle de la Toscane, de Parme et de Plaisance, enfin le Mantouan, autant valait dire : la guerre avec l’Espagne. Le Régent refusa de prolonger la conversation[78] et n’ayant plus le choix, se décida, pour l’alliance anglaise. Par un sentiment de délicatesse presque excessive, le Régent chargea notre ambassadeur à Madrid, M. de Saint-Aignan, d’instruire Philippe V des motifs de sa conduite et de lui remontrer les avantages qu’il retirerait pour lui-même à concourir à cette alliance (28 avril). Philippe V, qui se croyait au moment de conclure un traité avec l’Angleterre, répondit ironiquement qu’il n’v avait rien dans le traité d’Utrecht qui eût besoin d’être garanti ni confirmé[79].

 

Hostilité à l’égard de l’alliance en France

Les suggestions de Dubois triomphaient et l’alliance franco-anglaise sortait de la région des rêves. Cette alliance avait contre en France elle l’opinion publique en France et en Angleterre, elle ne comptait guère de partisan convaincu que le mince prestolet qui allait s’en faire le courtier en Hollande, le négociateur à Hanovre et le diplomate triomphant à Londres. La France, si elle eût été mise au courant de ses démarches l’eût désavoué d’un cri unanime. De même qu’elle se sentait éprise de tendresse pour le chevalier de Saint-Georges, elle gardait à son duc d’Anjou une inviolable fidélité. Depuis qu’elle l’avait envoyé, presque enfant, loin d’elle, la représenter en Espagne, elle l’avait suivi à travers les récits des diplomates, des négociants et des soldats qui l’avaient vu à l’œuvre, n’apercevant que ses qualités : droiture, courage, fermeté ; ignorant tout le reste, cette dévotion étroite, cette sensualité maladive, cette sauvagerie farouche connues seulement d’un très petit nombre. Sentimentale, la France est en même temps réaliste ; elle se souvenait de ce qu’une guerre de douze années lui avait coûté d’hommes et d’argent, elle se souvenait qu’on la lui avait représenté comme un fructueux placement et elle voulait qu’il rapportât. Tenue dans l’ignorance des combinaisons louches et des rancœurs d’Alberoni et d’Élisabeth Farnèse, la France eût difficilement compris la politique anti-française de ce roi à qui son aïeul avait dit publiquement : « Souvenez-vous que vous êtes prince français » ; elle n’eut pu croire qu’il fût-possible de se détacher de l’Espagne pour s’unir à l’Angleterre. Mais calculs et répugnances ne comptaient guère en regard de l’ambition furieuse de Dubois déterminé à faire prévaloir sa politique à tout prix. « Il est clair, écrivait-il au Régent, que cette alliance [avec l’Angleterre] déterminera le système de l’Europe pour longtemps et donnera à la France une supériorité qu’elle ne pourra acquérir autrement. Cela posé, elle me paraît sans prix » et le Régent écrivit dans la marge : « Je pense comme vous sur tout cela[80]. »

 

En Angleterre

L’Angleterre ressentait à l’égard de la France une aversion aussi bruyante dans ses manifestai ions que l’antipathie française. Depuis le revirement amené par la mort de la reine Anne et la disgrâce qui avait frappé les inspirateurs et les négociateurs de la paix d’Utrecht, il n’était pas un ministre whig qui consentit à jouer sa fortune et à risquer sa tête en participant à un traité avec la France. « Les Anglais, écrivait Dubois, portent leurs scrupules et leur timidité si loin qu’ils refusent de corriger une faute d’orthographe dans la crainte que dans dix ans cela puisse servir à faire leur procès au Parlement, ce qui est devenu en eux comme un sentiment involontaire contre lequel rien ne les rassure[81]. » C’est contre ces répugnances que Dubois, en France, et Stanhope, en Angleterre, eurent a combattre. Ni l’un ni l’autre ne pouvait faire appel à la popularité de leur maître car les acclamations qui avaient accueilli Georges Ier et Philippe d’Orléans faisaient place à l’indifférence. Cependant ces princes se trouvaient dans des situations analogues, ils évitaient à l’Angleterre et à la France la guerre civile. Ils représentaient des utilités plus que des principes ; mais, en politique, les utilités deviennent parfois des nécessités.

Dubois eut le mérite de le comprendre, le talent de le faire voir et le courage d’aller au cœur de la situation. Elle se réduisait à un triple règlement de succession : celle d’Angleterre à la maison de Hanovre, celle d’Espagne à la maison d’Anjou, celle de France à la maison d’Orléans, et les conséquences n’allaient à rien moins qu’à maintenir la dynastie protestante en Angleterre, empêcher la réunion des deux couronnes de France et d’Espagne sur la même tête, contraindre l’Empereur à rester chez lui. Ainsi ramassée la conception ne gagnerait rien à être livrée à des exécutants officiels prévenus ou hostiles ou maladroits. « Milord, avait dit un jour le duc d’Orléans a lord Stair, il est bien fâcheux que les piques des ministres brouillent les princes[82] » ; l’occasion étant propice, le Régent s’affranchit des ministres et des chancelleries et employa un « confident ».

 

La mission de Dubois

Dubois était indiqué par ses relations amicales et sa correspondance récente avec Stanhope qu’on savait devoir accompagner Georges Ier dans le voyage projeté au Hanovre. Le choix déplut à d’Huxelles, mais fut confirmé par le Régent qui, dès le 6 juin, par un billet écrit de sa main, priait « M. le marquis de Torcy de faire expédier un ordre aux maîtres de poste de fournir au sieur de Sourdeval les chevaux dont il aura besoin pour une chaise à deux personnes et pour les gens de sa suite. » Un deuxième billet, de la même main, ordonne de délivrer un passeport pour le sieur de Sourdeval et son secrétaire, afin qu’il puisse librement passer sans être arrêté, retardé ni fouillé. Sourdeval était le secrétaire de Dubois : son maître et lui ayant interverti les rôles[83]. Muni de 10.000 livres en argent blanc et de 4.000 livres en or, Dubois emportait en outre une instruction datée des 16 et 30 juin[84], une lettre du Régent adressée à lord Stanhope[85] et une lettre de créance qui ne devait être présentée à Georges Ier qu’après le succès des premières ouvertures : « Si l’abbé Dubois, qui va en Hollande pour ses affaires particulières, s’y trouve lorsque Sa Majesté y passera, et s’il a l’occasion d’avoir l’honneur de lui rendre témoignage des sentiments qu’il connaît en moi pour la personne de Votre Majesté et pour l’union de la Grande-Bretagne et de la France, je la supplie d’avoir créance en lui, et d’être persuadée qu’il ne peut exagérer mon estime et mon respect pour Votre Majesté[86]. » Le prince ne s’était arrêté à cette formule qu’après plusieurs essais dont les brouillons nous sont parvenus et qui furent jugés trop expressifs.

Rien de plus vague et de plus irrégulier que la mission confiée au courtier diplomate dont le voyage ressemblait à une de ces aventures qui assureront le succès de Gil Blas. Non seulement il jouait son avenir, mais il allait jouer la fortune de la France. « Caché sous un faux nom, déguisé en cavalier hollandais et se donnant tantôt pour un malade en voyage, tantôt pour un amateur en quête de livres ou de tableaux, l’abbé devait courir en poste au fond de la Hollande, guetter le passage du roi Georges sur la route du Hanovre, se glisser dans le cortège, remettre au secrétaire d’État Stanhope la lettre du Régent, et, dans l’éclair de cette unique entrevue, saisir la chance d’un rapprochement[87]. »

 

 

 



[1] Mémoires et journal inédit du marquis d’Argenson, ministre des Affaires Etrangères de Louis XIV, édit. Bathery, in-8°, Paris, 1857, t. I, p. 88.

[2] Piossens, Mémoires de la Régence de S. A. R. le duc d'Orléans, in-12, La Haye, 1729, t. II, p. 123.

[3] Madame à la raugrave Louise, Paris, 13 novembre 1716, dans Correspondance, édit. G, Brunet, 1904, t. I, p. 281.

[4] Rue de Bièvre ; les n° 10 et 12 de cette rue, occupés par des logements ouvriers ont fait, partie du collège.

[5] Arch. nat., 877 ; quittances du 18 octobre 1678 ; du 12 août 1679 ; du 25 mai 1680 « pour droits de bourse et d’obits d’une demi-année ».

[6] Arch. nat., M 762, f. 31 : Recueil des ecclésiastiques tant séculiers que réguliers qui n'ont pas écrit.

[7] Sévelinges mentionne un sieur Maroy, marchand du Petit-Pont, un marquis de Pluvault, un prince de Gourgues, un duc de Choiseul.

[8] Arch. nat., M 762, fol. 31 : papiers du P. Léonard ; Saint-Simon, Mémoires, édit. A. de Boislisle, t. I, p. 63.

[9] Bibl. Mazarine, ms. 2354 : Vie de Dubois, fol. 3, 8 ; Sévelinges, op. cit., t. I, p. 2 ; Bibl. nat., ms. 67, Recueil Cangé ; Piossens, op. cit., p. 57.

[10] Madame à la raugrave Louise, 23 octobre 1716, dans Correspondance, édit. G. Brunet, 1904, t. I, p. 274.

[11] Duc de Luynes, Mémoires, édit. L. Dussieux et E. Soulié, in-8°, Paris, 1860, t. V, p. 78 ; 18 juillet 1743.

[12] Racine à Boileau, 8 août 1687, dans Œuvres de Racine, édit. Régnier, t. VI, p. 575.

[13] Madame à la raugrave Louise, 23 octobre 1716, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. I, p. 274.

[14] Madame à la raugrave Louise, 15 juin 1716, op. cit., t. II, p ; 121.

[15] Le duc de Chartres était né le 2 août 1674, le brevet de précepteur est du 30 septembre 1687.

[16] Madame à la raugrave Louise, 8 novembre 1715, op. cit., t. III, p. 183.

[17] Lettre de Madame, citée dans la Revue bleue, 18 juillet 1896.

[18] Madame à la raugrave Louise, 13 novembre 1716, dans Correspondance, t. I, p. 281.

[19] Les autographes se trouvent aux Archives du château de Chantilly, Papiers de Condé, série I, t. IX ; publiés par V. de Seilhac, L'abbé Dubois, in-8°, Paris, 1862, t. I. Pièces justificatives, p. 205-245 ; L. Wiesener, Le Régent, l’abbé Dubois et les Anglais, t. I, p. 248-253, a groupé les passages les plus avantageux pour Dubois ; G. Depping, La princesse Palatine, son fils et l’abbé Dubois, dans Revue politique et littéraire (Revue bleue), 1898, 4e série, t. X, p. 197-204, 298-308.

[20] Madame au duc de Chartres, 19 mars 1691 ; et Madame à Dubois, 25 mars 1691.

[21] Extrait du plan d'éducation pour le duc de Chartres (écrit en juillet 1688), dans V. de Seilhac, op. cit., t. I, p. 185 suivantes. ; voir H. Druon, Philippe d'Orléans, Régent. Sa jeunesse, l'influence que son éducation eut sur sa vie, dans Mémoires de l’Académie Stanislas, 1894, 5e série, t. XII, p. 104-151 ; P. Bliard, Dubois et l'éducation du duc de Chartres, dans Bulletin de la Société scientifique et archéologique de la Corrèze, 1901, t. XXIII, p. 21-61.

[22] Duclos, Mémoires secrets, édit. Michaud, 3e série, t. X, p. 494.

[23] Madame à la raugrave Louise, 23 octobre 1716, op. cit., t. I, p. 274.

[24] Arch. du château de Chantilly, Papiers de Condé, série I, t. IX, fol. 137 : Madame à l'abbé Dubois, 25 septembre 1693.

[25] British Museum, ms. addit. 20319, fol. 279 v° : M. de Torcy au cardinal Gualterio, 4 mars 1720.

[26] Madame à la raugrave Louise, 23 octobre 1716, op. cit., t. I, p. 274.

[27] C. de Sévelinges, Mémoires secrets du cardinal Dubois, t. I, p. 4.

[28] Arch. nat., M 762, fol. 31 : Papiers du P. Léonard.

[29] Arch. du château de Chantilly, Papiers de Condé, I, t. IX, fol. 55 : le P. de la Chaise au duc de Chartres, 25 décembre 1690.

[30] V. de Seilhac, op. cit., t. I, p. 246-250 ; P. Bliard, op.cit., t. I, p. 61-64.

[31] V. de Seilhac, op.cit., t. II, p. 280 ; Dubois au P. de la Chaise, juin 1694.

[32] D’Argenson, Mémoires, 1857, t. I, p. 190.

[33] Madame à la raugrave Louise, 8 novembre 1719, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 183.

[34] Madame à la raugrave Louise, 13 novembre 1716, op. cit., t. II, p. 281.

[35] Madame à la duchesse de Hanovre, 19 novembre 1713, dans Correspondance, édit. E. Jaéglé, t. II, p. 202.

[36] Madame à la duchesse de Hanovre, 17 décembre 1713, op. cit., t. II, p. 203.

[37] V. de Seilhac, op. cit., t. I, p. 285-287 : Dubois au P. de la Chaise, août 1682.

[38] Madame à la raugrave Louise, 1er octobre 1699, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. I, p. 40 ; Torcy, Mémoires, édit. Michaud, p. 525.

[39] Dangeau, Journal, t. VI, p. 223 ; 6 novembre 1697 ; Sourches, Mémoires, t. V, p. 355.

[40] Saint-Evremond, Œuvres mêlées, édit. Giraud, t. III, p. 396.

[41] V. de Seilhac, op. cit., t. I, p. 66.

[42] A. Beljame, Le public et les hommes de lettres en Angleterre au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1881, p. 225-236.

[43] Wien Staats Archiv, Anglica ; Auersperg à Léopold Ier, Londres, 4 avril 1798, dans Gœdeke, Geschichte des Spanischen Erbfolgekriegs, t. I, App., p. 110.

[44] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 175, fol. 60 ; Tallard à Torcy, Londres, 16 mai 1698.

[45] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 175, fol. 24 ; Torcy à Tallard, Londres, 6 mai 1698.

[46] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 175, fol. 60 ; Tallard à Torcy, Londres, 18 mai 1698.

[47] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 175, fol. 105-106 ; Tallard à Torcy, Londres, 29 mai 1698.

[48] C. de Sévelinges, Mémoires secrets et correspondance inédite du cardinal Dubois, 1815, t. I, p. 5.

[49] A. Baudrillart, Philippe V et la Cour de France, in-8°, Paris, 1890, t. II, p. 17-23.

[50] V. de Seilhac, op. cit., t. I, p. 112 ; P. Bliard, op. cit., t. I, p. 96-97.

[51] V. de Seilhac, op. cit., t. I, p. 316, 331, 335, 338.

[52] Le duc d'Orléans à Philippe V, 16 juillet 1708, dans A. Baudrillart, op. cit., t. I, p. 292.

[53] Torcy, Journal, édit. F. Masson, p. 319 ; 19 décembre 1710.

[54] A. Chéruel, Saint-Simon et l’abbé Dubois. Leurs relations de 1718 à1722 d'après les mémoires de Saint-Simon et les correspondances du temps, dans Revue historique, 1876, t. I, p. 140-153, a montré qu'en 1718, Saint-Simon vivait en bons termes avec Dubois et approuvait ce qu’il savait de sa politique ; en 1720, il n’en était plus de même et il semble qu’il ne s’exprimait pas alors d’une manière, différente de celle qu’on peut lire dans les Additions à Dangeau en 1780 et dans les Mémoires en 1740.

[55] MM. V. de Seilhac, L. Wiesener, P. Bliard et E. Bourgeois.

[56] Madame à la raugrave Louise, Saint-Cloud, 26 juillet 1721, dans Correspondance, édit. E. Jaéglé, t. II, p. 103.

[57] A. Sorel, Rapport sur le concours pour le Prix du Budget (Section d'Histoire) dans Comptes rendus de l’Académie des Sciences morales, nouv. série 1892, t. XXXVIII, p. 131 suivantes.

[58] Lettres nouvelles inédites de la Princesse Palatine, trad. par A. Rolland, in-12, Paris 1863, lettre du 9 mai 1700.

[59] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 329.

[60] Gazette de la Régence, p. 48 ; 6 janvier 1716.

[61] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 329-330 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 287-289, Ier janvier 1716, s’aventure jusqu’à dire que le choix de l’abbé « lui a fait d’autant plus plaisir et d’honneur qu’il ne l’avait point demandé », voir les Additions de Saint-Simon, op. cit., t. XVI, p. 288.

[62] V. de Seilhac, L'abbé Dubois, premier ministre de Louis XV, d'après des mémoires manuscrits de l'abbé d'Espagnac, accompagnés de lettres inédites écrites par la mère du Régent et de nombreux papiers de la famille Dubois, in-8°, Paris, 1862, t. I, p. 168.

[63] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 355-358.

[64] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 1 : Dubois à Stanhope, 12 mars 1716 ; C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 165-166 ; L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 275 ; P. Bliard, op. cit., t. I, p. 128-129.

[65] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 3 et 4 : Stanhope à Dubois, 19 (=30) mars 1716 ; C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 166-168 ; L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 275-277 ; P. Bliard, op. cit., t. I, p. 129.

[66] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol5 et 6 : Dubois à Stanhope, 10 avril 1716 ; C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 172-175 ; L. Wiesener, op. cit., t. I, p. 277-279 ; P. Bliard, op. cit., t. I, 129-130.

[67] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 284, fol. 55 : Louis XV à M. d'Iberville, 31 janvier 1716.

[68] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 288, fol. 413 : Louis XV à M. d'Iberville, 22 avril 1716.

[69] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 280, fol. 277 : Instructions à M. d'Iberville, 8 mai 1716.

[70] Lord Stanhope à lord Stair, 16 avril, dans John Murray Graham, The Stair Annals, in-8°, Edimbourg, 1875, t. I, p. 397.

[71] W. Coxe, Memoirs of the Life and Administration of sir Robert Walpole, in-8°, London, 1798, t. I, p. 88.

[72] Lord Townshend à Georges Ier, 11 novembre 1710, dans Mahon, History of England, from the peace of Utrecht to the pence of Versailles, 1713-1783, in-12, Leipzig, 1853, t. I, p. 325.

[73] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 281, fol. 58, 67 : Instructions à M. d'Iberville, 28 mai 1716.

[74] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. fol. 232 : M. d'Iberville au maréchal d'Huxelles ; voir ibid., t. 284, fol. 222, 224, 227 ; lord Stanhope à lord Stair, 8 mars, dans The Stair Annals, t. I, p. 494.

[75] Oxenfoord Castle, Stair Papers, t. V : lord Stanhope à lord Stair, Whitelhall, 28 mars (= 8 avril) 1716.

[76] Oxenfoord Castle, Stair Papers, t. V ; lord Stanhope à lord Stair, Whitehall, 16 (= 27 avril) 1716.

[77] Arch. de Vienne, Protokol der Conferenz-Sitzung, 2 février 1716 ; voir Weber, Die Quadrupel Allianz vom Jahre 1718, p. 14.

[78] Arch. Aff. Etrang., Autriche, Le maréchal d'Huxelles à M. de Saint-Luc, 20 août 1716 ; Weber, op. cit., p. 22.

[79] Arch. Aff. Etrang., Espagne, t. 251, fol. 98 : Saint-Aignan au maréchal d'Huxelles, 17 juin 1716.

[80] Léon Aubertin, L'Esprit public au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1873, p. 81.

[81] Dubois au maréchal d'Huxelles, dans Ch. Aubertin, op. cit., p. 78.

[82] Oxenfoord Castle, Stair Papers, t. III, B : Lord Stair à lord Stanhope, Paris, 22 mars 1716.

[83] Ch. Aubertin, op. cit. ; p. 69-70.

[84] Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 20, suivantes. : Instructions à l’abbé Dubois, 16-20 juin 1716.

[85] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 15 : le Régent à lord Stanhope, dans P. Bliard, op. cit., t. I, p. 143.

[86] Ch. Aubertin, op. cit., p. 70 ; Arch. Aff. Etrang., Angleterre, t. 277, fol. 12, 13, 19 : le Régent à Georges Ier.

[87] Ch. Aubertin, op. cit., p. 69.