Satires contre le feu Roi. — L’opinion impatiente de changements. — La question religieuse et la question de l’alliance. — Premiers bruits de réformes. — Lit de justice retardé. — Transfert du Roi à Vincennes. — Accueil des Parisiens. — Funérailles de Louis XIV. — Lit de justice du 12 septembre. — Idolâtrie du petit Roi. — Politique religieuse du Régent. — Création des Conseils. — Par qui imaginés et recommandés. — Leur institution. — Mécanisme des Conseil. — Suppression des secrétaires d’État. — Attributions des Conseils. — Crozat fait les fonds nécessaires. — Leur composition : Conscience. — Affaires Etrangères. — Guerre. — Marine. — Affaires du dedans. — Finance. — Le Conseil de Régence. — Emoluments. — Rivalités. — Le duc de Saint-Simon. — Le duc de Noailles.Satires contre le feu RoiIl avait suffi au Régent de faire allusion au droit de remontrances pour entraîner tout le Parlement pendant que ses émissaires, répandus parmi la foule, promettaient la diminution des impôts déchaînant la joie publique. La mémoire du feu Roi faisait tous les frais de cette réaction. « Je suis irritée, écrira Madame, lorsque je songe combien on a mal parlé du feu Roi, et combien Sa Majesté a été peu regrettée de tous ceux à qui elle avait fait le plus de bien[1]. » Le lieutenant de police, d'Argenson, se disait « scandalisé des discours qui se tenaient dans le public contre la mémoire du feu Roi ». — « Mais encore que dit-on ? » demanda le Régent. D'Argenson répugnait à répondre, enfin il dit « qu’on traitait le feu Roi de banqueroutier, de voleur, d’homme qui avait emporté le bien de tous ses sujets », et proposa des arrestations. — « Vous n’y entendez rien, répondit le Régent, il faut payer les dettes du défunt et tous ces gens-là se tairont[2]. » Ils ne se tairont pas, ils chanteront. Le chansonnier de Clairambault-Maurepas a recueilli un choix de ces pauvretés où la vie, les derniers moments, les adieux, la mort, le deuil, les exploits, le tombeau de Louis XIV provoquent les invectives, les reproches, les injures les plus grossières et les plus plates dont l’origine ou l’inspiration janséniste semble évidente lorsqu’on relève le nombre d’allusions faites au Père Le Tellier. Son confrère, le P. de la Rue, dira[3] : Quel bruit impétueux, quelle rage effrénée Travaille à l’instant tous les cœurs ? A peine de Louis la course est terminée, Ses sujets déchaînés vomissent mille horreurs ; De libelles grossiers l’injurieux déluge Inonde la ville et la cour. La halle même… Parmi tant de satires, une seule a mérité de n’être pas oubliée parce qu’on l’imputait à un jeune imprudent, « le petit Arouet », qu’elle conduisit à la Bastille[4]. L’opinion s’engouait pour le Régent qui avait épuisé la calomnie. Sous lui, disait-on, on va[5] … voir des merveilles, Et la France va recueillir Le fruit de mille veilles. L'opinion impatiente de changements« On se promet ici d’heureux changements[6] », lit-on dans la Gazette de la Régence et les chroniqueurs ne manquent pas de noter chaque jour nouvelles, symptômes et promesses. La Bastille s’ouvre et laisse sortir ceux qui n’y sont pas retenus pour des « crimes énormes[7] ». Saint-Éloi, la Conciergerie et le For-l’Évêque cessent de retenir bon nombre de détenus pour dettes[8]. Mais l’opinion se passionne beaucoup plus pour les disgrâces qui vont frapper l’entourage du feu Roi et renouveler l’atmosphère du pouvoir. Déjà on escompte le renvoi du chancelier et du contrôleur-général[9]. Passant à côté de Desmaretz, le chevalier de Bouillon, chantonne : « Adieu paniers, vendanges sont faites[10] ». La réception faite au Père Le Tellier enchante tous ceux qui se flattent que, sous le nouveau règne, la Constitution « perdra quatre-vingt-quinze pour cent[11] ». Planqué du Père du Trévou, confesseur du Régent, le P. Le Tellier fut au Palais-Royal et dit au duc d’Orléans : « Je viens pour savoir ce que Votre Altesse Royale a résolu de disposer de ma personne ». A quoi le prince répondit : « Mon père, vous me prenez pour un autre. C’est à vos supérieurs de disposer de vous et nullement à moi[12] » ; et saluant la députation : « Mes pères, j’ai bien des affaires ; je me recommande à vos prières », et il s’esquiva. On en fait des gorges chaudes, on tourne la réception en dialogue : « Je me recommande à vos prières » — « Prières de jésuites » — Ce n’est pas la grâce efficace[13]. » La question religieuse et la question de l’allianceC’est que la question religieuse prime toutes les autres, même les finances. Tandis que les opposants se persuadent que « le Régent semble vouloir montrer beaucoup d’indulgence sur le fait de la religion[14] », les constitutionnaires s’inquiètent. L'évêque d’Angers déclare au Régent que « le clergé espère surtout que l’Église alarmée trouvera dans [le prince] un juste et zélé défenseur[15] ». Mais le cardinal de Noailles se montre tous les jours au Palais-Royal et la Sorbonne dépose son syndic, coupable d’avoir fait opposition au cardinal[16]. En même temps, le Régent, qui cultive sa popularité, procède à des économies chétives qu’on présente comme des réformes considérables : suppressions sur les écuries, sur la bouche, sur la musique du Roi et réductions promises sur sa maison[17]. Le bruit court dans Paris que le prince s’est « déclaré pour l’entretien de la paix et pour ôter tout sujet de plainte aux Etrangers. Nous verrons, disent ceux que préoccupe la politique Etrangère, comment l’affaire de Mardyck ira désormais[18] » ; et ils n’ignorent pas que, le 3 septembre, au lendemain de la cassation du testament, « l’ambassadeur d’Angleterre et celui de Hollande se rendirent secrètement au Palais-Royal, où le premier fit offre d’argent…, et le second fit offre de troupes » au Régent « pour lui assurer la couronne de France en cas que le jeune Roi vint à mourir et que le Roi d’Espagne voulut s’y opposer[19] ». En effet, dès le 5 septembre, Philippe d’Orléans écrit à Georges Ier que « si quelque chose peut me flatter, c’est de pouvoir librement à présent marquer à Votre Majesté combien j’ai été sensible à l’honneur de son amitié » et il « la supplie de croire que, tandis que son administration durera, il n’oubliera rien de tout ce qui pourra en assurer les liens[20] ». Et lord Stair se multiplie pour circonvenir le Régent, poussant le scrupule jusqu’à se souvenir de la vieille Madame qui a son franc-parler avec son fils et à «qui un présent fait à propos inspire ou rafraîchit des sympathies pour la famille royale d’Angleterre[21]. Premiers bruits de réformesAvant de songer à la politique Etrangère, le Régent avait à surmonter de graves difficultés intérieures et même des périls. « On a répandu dans la ville, écrit sa mère, plus de quarante placards contre lui... J’avoue que je m’inquiète en le voyant en butte à tant d’animosité[22]. » Secouant cette nonchalance que lui imposait l’état de demi-disgrâce où le retenait le feu Roi, il « prend les affaires tellement à cœur, qu’il n’a plus de repos ni jour ni nuit[23] ;... travaille depuis six heures du matin jusqu'à minuit[24] ». Il lui faut assister à de longues cérémonies : messe de Requiem, compliments des cours souveraines, entendre des harangues, y répondre[25]. Ses moindres démarches sont épiées, commentées ; mais le prince ne se hâte pas. Le 3 septembre, il tient deux conseils où ne se trouvent que les ministres du feu Roi, « tous fort en peine[26] » ; le lendemain, conseil d’Etat avec les mêmes ; le surlendemain « on ne doute pas qu’il n’y ait de grands changements,... mais cela ne sera déclaré que quand le Roi aura été au Parlement », et on parle de six conseils[27]. Dès ce jour, les réformes se confirment dans la maison du Roi, dans les bâtiments et dans les équipages de chasse, qui sont mis sur le pied où ils étaient à la mort de Louis XIII. Les matelots du grand canal sont congédiés, toutes les terres au-delà du grand canal affermées pour la culture, les quatre cents chevaux de la petite écurie réduits à quatre attelages et il est question de confier la garde et l’entretien de Versailles à six Suisses et à douze jardiniers[28]. Les cérémonies funèbres alternaient avec les pompes de l’avènement. Le 4 septembre, les entrailles de Louis XIV furent portées à Notre-Dame dans un carrosse[29] ; le 6, le cœur fut présenté à la maison professe des jésuites par le cardinal de Rohan[30]. Ce jour avait d’abord été fixé pour le premier lit de justice de Louis XV, « mais les dames de la Cour firent entendre que cela ne se pouvait point, parce qu’en France, on n’entreprenait et on ne faisait rien de grand ni de solennel le vendredi, qui passait pour un jour malheureux. On a eu, dit Mathieu Marais, cette complaisance pour les dames et pour cette superstition[31]. » La séance fut donc remise au lendemain et le Premier Président fit assembler les chambres pour concerter le cérémonial[32]. Lit de justice retardéAprès-dîner les gardes du corps étaient venus prendre les clés et se rendre les maîtres du Palais d’où ils firent retirer tous les marchands[33]. La curiosité des Parisiens rêvait aux moyens de triompher des « difficultés presque insurmontables » opposées à ceux qui voulaient pénétrer dans la Grand’Chambre[34]. Le samedi 7 septembre, dès huit heures du matin, les présidents pénétraient dans la salle fameuse où une partie des conseillers, en robe rouge, s’étaient présentés dès quatre heures du matin. Le lit de justice de velours violet à bandes de velours cramoisi, chargé de fleurs de lys et de porcs épics d’or, était placé dans l’angle du fond et la place du Roi marquée par un carreau de velours cramoisi fleurdelisé avec trois oreillers de même pour appuyer l’enfant de tous les côtés. Carreaux, pliants, chaise a bras, bancs, forment une disposition compliquée où viennent prendre place magistrats, dignitaires, invités, curieux et jusqu’à un abbé, maître des requêtes, faufilé entre messieurs, que découvre le président de Novion qui l’interpelle, le gourmande, lui reproche de n’être pas à sa place, lui ordonne de se retirer ou de se cacher si bien qu’on ne puisse l’apercevoir et, finalement, l’oblige « de s’asseoir à plate-terre ». Tout le monde en place, les députations prêtes à se rendre au devant du Roi, les présidents prêts, au signal, à se draper dans leurs fourrures, on attend[35]. Au dehors, les officiers du Châtelet, la connétablie, la maréchaussée, le gouverneur de Paris, le prévôt des marchands, les échevins et autres officiers de l’Hôtel de ville, tous à cheval, en habits de cérémonie, avec les régiments des gardes françaises et suisses et les Cent-Suisses de la garde du Roi attendent sur le Cours la Reine[36]. Paris, en habits de fête, est dans les rues. Vers dix heures débouche un carrosse à huit chevaux, escorté des gendarmes d’Orléans, c’est le Régent qui remercie et renvoie tout le monde : le Roi est enrhumé et n’a pas bien dormi la nuit, il ne viendra pas[37]. Pendant que la nouvelle circule il disperse la foule, un bruit sourd se répand au Palais que le Roi s’est trouvé incommodé et reste à Versailles. Bientôt le sieur Millin, premier secrétaire du chancelier, en habit de grand deuil, manteau long et crêpe traînant, se présente à l’entrée du parquet où le Premier Président lui fait signe de la main de ne point avancer davantage. Il annonce que le Régent et le chancelier prient le Premier Président et le procureur-général d’aller se concerter avec eux au Palais-Royal. Ils partent et le président de Novion les remplace en attendant leur retour. L’attente semble longue, les uns disputent sur la convenance du procédé, les autres n’ont de souci que pour la santé du Roi ; ces derniers peuvent se rassurer. L’enfant n’est ni enrhumé ni souffrant, mais sa gouvernante n’a pu venir à bout de sa mauvaise tête. Pour n’aller pas à Paris il a fait semblant d’être malade, a boudé, s’est mutiné, a refusé son déjeuner. Mme de Ventadour alors l’a conduit à Trianon où l’appétit lui est revenu avec la gaieté et, pendant que Messieurs se morfondent sur les fleurs de lys, il gambade avec un enfant de son âge qu’il nomme son housard[38]. Enfin le Premier Président rentre, en robe rouge, explique que le Roi a une maladie qui ne se peut nommer en si bonne compagnie[39] et que le Parlement est prorogé jusqu’à ce que la santé du jeune Louis XV soit rétablie[40]. Transfert du Roi à Vincennes« Le lendemain, le Régent qui était importuné du séjour de Versailles parce qu’il aimait à demeurer à Paris où il avait tous ses plaisirs sous sa main[41], » songea à exécuter la seule des volontés du feu Roi qui fut à sa convenance. Les médecins de la Cour, tous « commodément logés à Versailles » opinaient contre le transport du Roi à Vincennes ; le Régent envoya chercher à Paris les médecins appelés en consultation les jours précédents, les aborda, les chambra dans le cabinet de Mme de Ventadour et, en présence de la gouvernante, du duc du Maine et du maréchal de Villeroy leur demanda leur avis sur la salubrité de Vincennes. Tous les six médecins de Paris « qui n’avaient rien à gagner au séjour de Versailles » s’étendirent sur les avantages de Vincennes qui jouit d’« un air médiocre dans un terrain uni, où il n’y a ni montagnes ni vallées, la rivière assez loin et couverte par le bois ». Le feu Roi y avait été élevé et y avait pris cette forte constitution qui l’avait fait vivre soixante-dix-sept ans ; « au lieu qu’à Versailles l’air était épais, marécageux plein de brouillards entre les montagnes, parmi des eaux forcées et croupissantes » et trois Dauphins y étaient morts. La cause était gagnée d’avance. On laissa Poirier, Boudin et Dodart, médecins de la Cour, disserter à Taise sur les avantages de Versailles avec l’appui de Mme de Ventadour[42], et il fut résolu qu’on mènerait Louis XV à Vincennes, le lendemain. Accueil des ParisiensLe lundi 9 septembre, à deux heures[43] ; le jeune Roi quitta Versailles dans son carrosse d’où il fît jeter quelque argent au peuple au bas de la place d’Armes[44]. Il arriva à Paris vers quatre heures. Le cortège se composait de cinq carrosses avec une escorte de gardes du corps, gendarmes et chevau-légers[45]. On suivit le Cours jusqu’à la porte Saint-Honoré et on traversa le rempart jusqu’à la porte Saint-Antoine. Partout une infinité de carrosses et de peuple criait : « Vive le Roi ! » si bien que l’enfant criait lui-même « Vive le Roi ! » de toute sa force[46]. Tous les regards se dirigeaient vers son carrosse où, entre le Régent et la duchesse de Ventadour, Louis XV était assis sur un siège un peu plus bas et un peu plus avancé, pour être plus aisément aperçu. Il était vêtu de noir en justaucorps, avec un chapeau noir tout uni, portant le cordon bleu et la plaque du Saint-Esprit en broderie d’argent sur son habit. L’appétit lui étant venu, le Régent fit arrêter le carrosse au droit de la porte Gaillon, derrière le jardin de l’hôtel de Conti. Pendant qu’il mangeait, le Régent lui fit remarquer l’empressement des Parisiens en lui disant : « Voyez, Sire, combien votre peuple de Paris vous aime et comme il prend plaisir à vous voir ; il est bon que vous lui en sachiez bon gré, ainsi, saluez-le[47]. » On admira sa beauté, sa taille, sa bonne grâce, on trouva qu’il portait son chapeau de bon air, bref, il ne se put rien ajouter aux tendresses et aux acclamations des Parisiens[48]. Funérailles de Louis XIVLe même jour, à sept heures du soir, commencèrent les funérailles de Louis XIV. Après le chant des vêpres des morts, le cercueil fut levé du lit de parade et porté par seize officiers de la chambre et de la garde-robe dans la saille des gardes d’où ceux-ci le transportèrent sur le chariot d’armes arrêté, dans la cour de marbre. Le corps était couvert d’un poêle de velours noir croisé de moire d’argent. Vers huit heures on se mit en marche, dans cet ordre : Pauvres à pied, en deuil, portant des flambeaux. Les officiers d’office, à pied ; quelques-uns à cheval. Les pages et les gens de livrée. Carrosses des principaux officiers. Le maître des cérémonies. Le grand maître des cérémonies. Les mousquetaires noirs. Les mousquetaires gris. Les chevau-légers. Les officiers de la chambre et de la garde-robe. Premier carrosse du Roi où étaient les aumôniers ordinaires et le P. Le Tellier. Deuxième carrosse où étaient : le duc de Bourbon, grand-maître de France ; le cardinal de Rohan, grand-aumônier ; le duc de Tresmes, le duc de la Trémouille, le duc de Mortemart tous premiers gentil hommes de la chambre, et le chevalier de Dampierre, premier écuyer de M. le Duc[49]. Les trompettes de la chambre, à cheval. Le roi et les hérauts d’armes caparaçonnés. Quatre aumôniers à cheval, portant les quatre coins du poêle. Le prince Charles de Loi raine, grand-écuyer, à cheval. Le duc de Villeroy, capitaine des gardes du corps, à cheval. Les gardes du corps, les gendarmes. Le convoi traversa le pont de Sèvres et le bois de Boulogne. En passant au parc de Madrid, on renouvela les flambeaux au nombre de huit à neuf cents[50] ; on se trouva arrêté par une des portes du parc de Boulogne qu’il fallut abattre afin de laisser passer le chariot funèbre[51]. Ensuite on se dirigea vers Montmartre pour gagner la plaine Saint-Denis. Outre l’illumination d’un millier de flambeaux, tous les carrosses de Paris bordaient les chemins, également éclairés avec des torches. « Le peuple regardait cela comme une fête, et, plein de la joie d’avoir vu le Roi vivant, n’avait pas toute la douleur » convenable[52]. Aux premières lueurs du jour, vers cinq heures du matin, le cortège arriva au grand pavé qui conduit de Paris à Saint-Denis, entre la Croix penchée et la Croix des Cave[53] ; il y fut joint par un grand nombres d’officiers des sept-offices à pied, par les gardes de la prévôté de l’Hôtel et par les Cent-Suisses. Là attendaient dom Robert Marchand, prieur de l’abbaye, à la tête de cent vingt moines tous revêtus de chapes de velours noir, du clergé séculier et régulier et du corps de ville[54]. Toute cette troupe s’ouvrit, formant deux haies, pour donner passage à la tête du cortège. Lorsqu’arriva le chariot, le cardinal de Rohan et le prieur de Saint-Denis encensèrent le cercueil, ensuite on reprit la marche au chant des psaumes, et on arriva au seuil de la basilique sur les sept heures du matin. Le cardinal présenta le corps qui fut déposé à l’entrée de l’église pendant les discours, encensements et aspersions[55], et porté de là au chevet du chœur où il devait être gardé nuit et jour par deux moines, deux gardés du corps et deux gardes de la manche pendant quarante jours, jusqu’au service solennel[56]. Lit de justice du 12 septembreIl restait à réparer le contretemps qui avait fait manquer le lit de justice et la déclaration de la Régence. Le jeudi 12 septembre[57], le Roi partit de Vincennes après son dîner, à une heure après-midi pour aller au Parlement. Dans un premier carrosse à six chevaux les grands officiers qui jetaient de l’argent au peuple ; dans le carrosse royal, attelé de huit chevaux pie, le Roi avec le Régent, Mme de Ventadour, M. le Duc, le duc du Maine, le comte de Toulouse et le maréchal de Villeroy. L’escorte se composait de deux compagnies de mousquetaires, suivis d’un détachement de cinquante chevau-légers, après lesquels, venaient quatre brigades des gardes du corps suivis de hoquetons de la prévôté de l’Hôtel, des Cent-Suisses précédant le carrosse du Roi de chaque côté duquel marchaient les valets de pied les uns à sa livrée, les autres en deuil ; derrière venait tout le guet des gardes du corps et un détachement de cinquante gendarmes vêtus de neuf. Enfin les carrosses de suite. Depuis Vincennes jusqu’au Palais, on marcha en cet ordre, au pas, au travers d’une foule si compacte qu’on fut obligé, pour ouvrir le passage, de faire mettre les baïonnettes aux fusils, ce qui n’empêcha pas qu’il n’y eût quelques personnes étouffées. Les fenêtres des maisons étaient ornées de riches tapis et remplies de spectateurs. En arrivant à la barrière du Trône, le duc de Tresmes gouverneur de Paris, présenta au Roi M. Bignon, prévôt des marchands, suivi de quatre échevins, de tous les officiers de l’Hôtel de ville quarteniers, dizainiers, juges-conseils, notables et bourgeois, tous à cheval. Le Roi descendit de carrosse dans les bras du maréchal de Villeroy et reçut les clefs de la ville avec un compliment de bienvenue du prévôt des marchands. Le Roi remonta en carrosse et reprit sa marche entre une haie d’archers du guet à cheval et à pied, de gardes françaises et suisses. Un exempt des gardes du corps en avant du carrosse et deux écuyers aux portières jetaient de l’argent au peuple, de temps en temps. On suivit le faubourg et la rue Saint-Antoine, la Grève, le quai Pelletier, le pont Notre-Dame pour entrer au Palais par la porte qui fait face à la rue de la Vieille-Draperie. Vers trois heures, le Roi arriva au Palais, son carrosse s’arrêta au pied de l’escalier de la Sainte-Chapelle et les oiseliers de Paris, suivant l’usage, lui présentèrent à la portière deux cages remplies d’oiseaux pour les ouvrir lui-même et leur donner la liberté, ce qu’il fit. Sur les degrés l’attendaient depuis longtemps le comte de Charollais, le prince de Conti et le prince de Dombes ; l’abbé de Champigny, trésorier, en chape, attendait à la tête du Chapitre. Louis XV était vêtu de violet foncé, avec un long manteau et un rabat de toile de Hollande. Il monta à pied le grand degré, le duc de la Trémoille portant la queue de son manteau. Quand il fut sur le perron, le prince Charles de Lorraine, le prit dans ses bras et le porta dans le chœur de la Sainte-Chapelle pour adorer la vraie croix, voir les reliques et entendre la députation composée des quatre présidents de Novion, de Ménars, de Lamoignon et d’Aligre avec six conseillers. Tous se dirigèrent alors vers la Grand’Chambre. Le prince Charles portait le Roi, derrière qui le duc de Villeroy, le Premier Président et Mme de Ventadour tenaient chacun une lisière. L’enfant voulut marcher, on le mit à terre quelque temps, ensuite le prince Charles le reprit sur ses bras et le porta jusqu’à l’entrée de la Grand’Chambre. Là, le duc de Tresmes, faisant l’office de grand chambellan, s’empara de lui et le porta jusqu’au lit de justice, l’y déposa et s’assit à ses pieds entre le maréchal de Villeroy et la duchesse de Ventadour tenant toujours la lisière. Le chancelier prit place, les princes du sang, le pairs et le duc de Tresmes ôta le chapeau du Roi trois fois, qui est la salutation d’usage. L’enfant s’avisa de l’enlever une fois de plus car la longueur du crêpe lui déplaisait, mais le silence s’étant établi, la séance commença. Le Roi avait oublié son discours. Le duc de Villeroy le lui chuchota trois ou quatre fois à l’oreille, alors, ôtant son chapeau, l’enfant dit de bonne grâce : « Messieurs, je viens vous assurer de mon affection : mon chancelier vous dira le reste. » Le chancelier se découvrit, mit un genou devant le Roi pour lui demander la permission de parler, se rassit et fit un discours analogue aux circonstances ; puis vint le tour du Premier Président et celui de l’avocat-général qui conclut à. la Régence conformément à l’arrêt du 2 septembre. Le chancelier prit les opinions et prononça l’arrêt de Régence[58]. La séance avait duré une heure. Le Roi avait tout regardé de sa place, sans bouger, faisant attention à tout, s’épongeant avec un mouchoir. On le reconduisit avec le même cérémonial, parmi les acclamations et les cris de la foule, au bruit du canon de la Bastille, soulevant une joie et des espérances que sa vie et son règne devaient tristement démentir. Idolâtrie du petit RoiMais un sentiment d’infinie tendresse soulevait alors tous les cœurs pour ce frêle rejeton de qui la beauté, la pâleur, la gentillesse tenaient en éveil l’instinct maternel de la nation tout entière. Cet orphelin a miraculeusement retrouvé une, mère, c’est la France. Il n’était cœur de femme qui ne se serrât à la pensée de le perdre, c’était l’enfant gâté dont les caprices et les espiègleries dérident les fronts les plus sévères, dont les bobos attendrissent les indifférents, dont les colères et les escapades n’épuisent aucune indulgence. On recueillie ses mots et on admire ses enfances. Un grave avocat au Parlement, philosophe, érudit, récolte ces traits qui courent sur toutes les lèvres. Quand on eut appris au petit Roi sa phrase pour le lit de justice, il a trouvé mauvais qu’on le traitât en enfant, a protesté qu’il ne voulait pas que son chancelier dise le reste et qu’il dirait tout lui-même. Cependant il oublie sa réponse à la députation du clergé, ne songeant qu’à un chapeau qui l’intéresse et qui tombe à terre. « Ah ! le voilà tombé ! crie-t-il enchanté. » A la Vrillière il demande ce qu’il est : « Secrétaire d’État, ayant l’honneur de travailler avec Sa Majesté. » Vite, il l’amène dans son cabinet et lui donne, pour travail, à éplucher des noisettes. A Bontemps qui entre dans son cabinet, il crache au nez en riant : « Retirez-vous, je suis avec mon chancelier » ; le chancelier c’est le petit camarade habillé en housard[59]. Politique religieuse du RégentTout ceci délassait, déridait, après ces dernières années de gravité morose ; mais pendant que le petit Roi occupait les imaginations et les cœurs, le Régent inaugurait des méthodes nouvelles de gouvernement. D’abord, tout ailla bien. Le Parlement, remis en possession du droit de remontrances nageait dans l’ivresse. Non seulement, le nouveau maître se montrait chaud parlementaire, mais encore hostile aux jésuites et à la bulle ; son entourage n’avait pas besoin d’être stimulé dans cette voie et dépassait le prince qui par inclination, nonchalance et dédain n’eut tracassé personne sur le fait de la religion[60]. Le public, amusé, assistait à un Etrange chassé-croisé. Tandis que la Bastille laissait sortir les jansénistes, la province cessait de retenir les exilés. L’archevêque de Tours, l’évêque de Châlons se montraient à Paris[61], le nonce Bentivoglio, perdu de mœurs, avait reçu, disait-on, l’invitation de « retourner au plus tôt possible à Rome[62] » et le Père Le Tellier était exilé à Amiens[63]. Aux cardinaux de Rohan et de Bissy venus prendre ses ordres sur l’affaire de la Constitution, le Régent répondait : « Messieurs, n’y pensez plus ; il aurait été bien plus à propos que vous ne vous en fussiez pas tant mêlés[64]. » Cette conduite ne pouvait manquer de soulever contre lui les jésuites et leur parti sans que les jansénistes et les parlementaires compensassent ce déchet. Quant aux protestants, très nombreux encore mais impuissants et opprimés par une législation implacable, ils ne pouvaient compter pour rien politiquement. Le duc d’Orléans sollicité par sa mère et par lord Stair en faveur des galériens n’osait faire que de vagues promesses[65], sachant que jansénistes et jésuites ne tombaient d’accord que sur ce seul point de ne pas souffrir qu’on donnât quelque relâche à la persécution. Le peuple n’était pas moins animé contre les hérétiques. Ainsi au milieu de la réaction bruyante contre tout ce qui avait appartenu et tout ce qui se réclamait du dernier règne, le Régent n’était pas dispensé de recourir aux ménagements. Il a, écrivait sa mère « autant d’ennemis que d’amis et je crains que le nombre de ses ennemis n’aille en augmentant[66] ». Création des conseilsAprès quelques conseils tenus avec les ministres du feu Roi, le Régent ne se sentit pas en mesure d’entrer en lutte contre ses amis et leur sacrifia des administrateurs émérites. La réaction présentait un fougueux caractère aristocratique et réclamait la disgrâce de ministres tirés du tiers-état ; celle du contrôleur-général, Desmaretz, semblait certaine[67] ; celle du chancelier l’était plus encore et le rusé compère avait eu l’adresse de répandre dans le public que sa disgrâce n’aurait d’autre cause que son refus de révéler le contenu du testament. Enfin, le 14 septembre, on apprit que Voysin donnait sa démission de secrétaire d’État de la guerre pour se conserver les sceaux. Le lendemain on sut que Pontchartrain et Torcy étaient épargnés ; Desmaretz payant pour tous, était mis à l’écart sans compensation. Ce jour-là, deux Déclarations, datées de Vincennes, annoncèrent la création des Conseils et la suppression des secrétaires d’État. « On s’attendait bien, dira le président Hénault, à voir de nouveaux favoris, mais ce qu’on n’attendait pas, c’est que les ministres fussent choisis parmi les favoris et que les courtisans devinssent les arbitres du gouvernement. Le pouvoir absolu dont avait joui le feu Roi semblait avoir appris à ses pareils qu’ils ne devaient confier leur autorité qu’à ceux qui n’ayant nul droit d’y prétendre par leur état, s’efforcent de se maintenir par leur travail dans une place qu’on peut leur ôter sans conséquence, au lieu qu’en donnant sa confiance aux grands du royaume, il est à craindre qu’ils n’en abusent et que plus ils semblent avoir droit pu gouvernement, plus il est dangereux de les y appeler[68]. » Rien n’était plus opposé à l’esprit du gouvernement de Louis XIV que le recours aux Conseils. L’idée, on le sait déjà, appartenait au groupe de consultants politiques qu’interrogeait de duc de Bourgogne. Louis XIV en trouva le projet dans la cassette de ce prince et l’ayant lu devant le duc d’Antin, le jugea en deux mots : « Ces gens-là, dit-il ne connaissent guère les Français, ni la manière dont il faut les gouverner[69]. » Les Français d’ailleurs, épuisés, lassés par un régime qui avait tari la fortune publique, impatients d’un système qui avait conduit l’État au bord de la ruine, s’émancipaient, rêvaient d’autre chose. « C’est chose inconcevable, écrivait l’ambassadeur d’Angleterre, combien ils détestent ici leur condition et raffolent de la nôtre[70]. » Le Régent était disposé à tenter l’aventure au sujet de laquelle, à la suite de quelques entretiens avec Saint-Simon, Noailles et les roués, il s’imaginait avoir profondément réfléchi. Rien, cependant n’était plus prématuré que l’expérience dans laquelle il allait se lancer sans savoir ce qu’il voulait obtenir et ce qu’il voulait éviter. Le duc d’Orléans n’avait pas même tiré profit des longues journées de l'agonie du feu Roi pour déterminer ses choix à tête reposée, en sorte que cette mort prévue parut le surprendre et il se trouva « noyé d’affaires, d’ordres à donner et de choses à régler. Il se trouva en même temps assiégé de gens qui voulaient être de ces conseils[71]. » Par qui imaginés et recommandésLe nom du duc de Bourgogne, si populaire alors, suffisait à la recommandation des Conseils au jugement de la foule. A la Cour l’idée rencontrait aussi, mais pour d’autres raisons, de chauds adhérents. Saint-Simon, qui s’en était fait le prôneur et qui, de bonne foi, s’en croyait l’inventeur, a pris soin d’expliquer ce qu’il a dû, vingt fois, exposer au duc d’Orléans. « Mon dessein, dit-il, fut de commencer à mettre la noblesse dans le ministère, avec la dignité et l’autorité qui lui convenait, aux dépens de la robe et de la plume, et de conduire sagement les choses par degrés et selon les occurrences, pour que peu à peu cette roture perdît toutes les administrations qui ne sont pas de pure judicature... pour soumettre tout à la noblesse en toute espèce d’administration. L’embarras fut l’ignorance, la légèreté, l’inapplication de cette noblesse accoutumée à n’être bonne à rien qu’à se faire tuer, à n’arriver à la guerre que par ancienneté, et à croupir, du reste dans la plus mortelle inutilité, qui l’avait livrée à l’oisiveté et au dégoût de toute instruction hors de guerre, par l’incapacité d’état de s’en pouvoir servir à rien. Il était impossible de faire le premier pas vers ce but sans renverser le monstre qui avait dévoré la noblesse, c’est-à-dire le contrôleur-général et les secrétaires d’État[72]. » Après la mort du duc de Berry, Saint-Simon avait vu jour au succès de son plan destiné au duc de Bourgogne. Il le relut, le remania, le récrivit vers la fin de 1714 ou au commencement de 1716 pour le duc d’Orléans[73]. On en a déjà fait connaître quelque chose[74]. L’auteur préconise l’institution de sept conseils chargés de la religion, des affaires Etrangères, de la guerre, de la marine, des finances, des dépêches (affaires principales) et d’ordre (veillant à tout ce qui est relatif aux titres, honneurs, dignités, rangs et préséances). Le conseil des parties et le conseil d’État étaient conservés ; ce dernier composé de cinq ministres, dont aucun ne sera de robe ni de plume et n’en aura jamais été. Ce que Saint-Simon, tout entier à ses haines et à ses rancunes, poursuivait avec acharnement c’était la satisfaction « de dépouiller les secrétaires d’État de toutes les plumes Etrangères que ces oiseaux de proie ont arrachées à tous et partout, et de ne leur laisser que leur naturel plumage » ; c’est-à-dire l’habit de gens de robe, le rabat, — et un rabat sans ressemblance à cravate — jamais d’or, d’argent sur leurs habits, ni couleur rouge ou bleue, encore moins d’épée. Ce plumage les réduira « a écrire les ordres qu’ils reçoivent, à faire les expéditions qui leur seront ordonnées, ...à ne signer que ce qui lui sera commandé en toute affaire, [à n’]influer sur aucune et sur rien que les bagatelles...[75] » Trente années plus tard, Saint-Simon condamnera la tentative de 1715 où le Régent n’avait pris de ce premier plan « que la plus faible écorce[76] ». La déclaration du Roi portant « établissement de plusieurs Conseils pour la direction des affaires du royaume » exposait, dans son préambule, les motifs de la réforme[77]. Leur institution« Le feu Roi, faisait-on dire à Louis XV, pouvait par ses qualités personnelles et ses vertus éminentes suffire seul au gouvernement de son royaume : la droiture de son cœur, l’élévation de son esprit, l’étendue de ses lumières, augmentées et soutenues par une longue expérience, lui rendaient tout facile dans l’exercice de la royauté ; mais la faiblesse de notre âge demande de plus grands secours ; et quoique nous pussions trouver tous ceux dont nous avons besoin dans la personne de notre très cher oncle le duc d’Orléans, régent de notre royaume, sa modestie lui a fait croire, que pour soutenir le poids d’une régence qui lui a été si justement déférée, il devait proposer d’abord l'établissement de plusieurs conseils particuliers, où les principales matières qui réclament l’attention directe et immédiate du souverain, seraient discutées et réglées, pour recevoir ensuite une dernière décision dans un conseil général, qui ayant pour objet toute l’étendue du gouvernement, serait en état de réunir et de concilier les vues différentes des conseils particuliers. Cette forme de gouvernement a paru d’autant plus Convenable à notre très cher oncle le duc d’Orléans, régent du royaume, qu’il sait que le plan en avait déjà été tracé par notre très honoré père, dont nous aurons au moins la satisfaction de suivre les vues, si le Ciel nous a privé de l’avantage d’être formé par ses grands exemples. Il était persuadé que toute l’autorité de chaque partie du ministère étant réunie dans la personne d’un seul, devenait souvent un fardeau trop pesant pour celui qui en était chargé, et pouvait être dangereuse auprès d’un prince qui n’aurait pas la même supériorité de lumières que le Roi notre bisaïeul ; que la vérité parvenait si difficilement aux oreilles d’un prince qu’il était nécessaire que plusieurs personnes fussent également à portée de la lui faire entendre, et que si l’on n’intéressait au gouvernement un certain nombre d’hommes aussi fidèles qu’éclairés, il serait presque impossible de trouver toujours des sujets formés et instruits, qui fissent moins regretter la perte des personnes consommées dans la science du gouvernement et qui fussent même en état de les remplacer. » Le préambule ajoutait que « cet établissement ne pouvait être suspect par sa nouveauté, puisqu’on ne ferait ainsi que suivre l’exemple de ce qui s’observait avec succès dans d’autres royaumes (allusion à l’Espagne)[78], et qui s’était observé en France pendant le règne de plusieurs rois. » Après des assurances de prospérité et de félicité publiques, le Régent exprimait le désir d’une large collaboration, en sorte « que les bons sujets de toutes conditions, et surtout ceux de la plus haute naissance, donnent aux autres l’exemple de travailler continuellement pour le bien de la patrie », et « que toutes les affaires soient réglées, plutôt par un concert unanime, que par la voie de l’autorité. » Mécanisme des ConseilsLe mécanisme du nouveau gouvernement consistait en six conseils particuliers désignés sous les noms de conseil de conscience, pour les matières ecclésiastiques ; conseil des affaires Etrangères ; conseil de la guerre ; conseil de finance ; conseil de la marine et conseil des affaires du dedans du royaume, succédant a l’ancien conseil des dépêches. Le conseil privé et les directions contentieuses des finances ainsi que les cours, tribunaux et juridictions étaient maintenus avec leurs attributions. Une commission mixte tirée des conseils de finance et de la marine devait s’occuper des intérêts du commerce et donna naissance, trois mois plus tard, à un septième conseil[79]. Toutes les affaires discutées au sein des conseils faisaient l'objet de rapports soumis au Conseil général de Régence, à qui seul appartenait la décision à la pluralité des voix, sauf en ce qui concernait les charges et emplois, les nominations et collations de bénéfices, les gratifications, pensions, grâces et rémissions, laissées à la seule volonté du Régent. Chacun des six (puis sept) conseils était composé d’un président, de conseillers et de secrétaires. Le président rapportait les résolutions au Conseil général de Régence, où il avait séance et voix délibérative. Le Régent pouvait, à son gré, convoquer tous les présidents et même quelques membres des conseils afin d’éclaircir le Conseil de Régence dans les questions importantes. Les trois derniers articles de la déclaration du 15 septembre (art. 7-9) concernaient la réception des placets, leur analyse et leur renvoi par le Régent suivant la nature de l’affaire ; les règlements d’administration judiciaire élaborés par le chancelier ; enfin les questions relatives au domaine et aux droits de la Couronne. Suppression des secrétaires d'EtatSur un point essentiel la Déclaration donnait pleine satisfaction aux ennemis des secrétaires d’État qu’elle anéantissait, excluait des conseils, réduisait à la signature des expéditions ayant besoin de la formule « en commandement » et quelques autres plus insignifiantes. Comme humiliation suprême et pour leur faire épuiser la lie du calice, on les introduisait au Conseil de Régence, privés de voix délibérative et même consultative, pour tenir registre de ses décisions. Toutefois « l’ombre de ce qu’ils ne faisaient que cesser d’être pouvant les y rendre dangereux », on imagina de les avilir en quelque façon en associant leurs noms à des chiffres dont l’énormité pouvait engendrer le soupçon. Voysin rendait sa charge de secrétaire d’Etat de la guerre, et recevait en échange 400.000 francs. Torcy ne gardait pas sa charge de secrétaire d’État des affaires Etrangères, « mais, écrit Dangeau, M. le duc d’Orléans veut qu’il soit content, et il lui a dit de lui demander avec confiance tout ce qui pourra lui faire plus de plaisir en cette occasion, et pour lui marquer l’estime et la considération qu’on a pour lui on lui fera payer 800.000 francs, qui est le prix de sa charge, et on lui fera encore d’autres grâces aussi considérables[80]. Pontchartrain fut épargné six semaines, puis sacrifié et démis de sa charge d’où le poussait la haine furieuse de Saint-Simon[81]. La Vrillière, une sorte de nain ridicule, mais souple, serviable, un peu servile aussi, resta seul en place et en fonction de secrétaire d’État et devenait une manière de greffier du Conseil de Régence, avec voix délibérative, lorsque Pontchartrain en fut sorti[82]. C’était encore l’œuvre de Saint-Simon. A l’instigation de Saint-Simon, toujours, Desmaretz fut le seul des ministres de Louis XIV congédié par un court billet du Régent[83] ; il y répondra de la belle façon par un Mémoire demeuré le parfait modèle de la manière simple, noble, respectueuse, ferme dont un homme droit, modeste, sûr de lui-même peut seul exposer et défendre sa gestion financière. Nous le retrouverons. Attributions des conseilsPlusieurs règlements d’organisation déterminèrent les attributions des Conseils. On y aperçoit un tableau de l'administration au début du XVIIIe siècle. Si le nouveau régime entraîna une modification importante, il ne toucha guère aux rapports établis entre les autorités locales et le gouvernement central. Trop ignorants et présomptueux, les parrains de ce régime n’y avaient pas apporté l’attention scrupuleuse et l’étude assidue que le duc de Bourgogne lui avait consacrée et ne se trouvaient pas en mesure de réaliser le plan de décentralisation médité par ce prince. Toute l'utilité des conseils devait consister à assouvir des rancunes, à substituer la lenteur et l’incompétence à l’arbitraire éclairé, à maintenir, à développer et à perpétuer les abus qu’on se vantait de détruire. Le Conseil de conscience[84] fut chargé, en général, des affaires de religion ce qui entraînait les règlements au sujet des hérétiques, la protection des convertis, la discipline ecclésiastique en ce qui regardait le culte, les diocèses, chapitres, monastères et communautés, les droits régaliens, les libertés de l’Église gallicane, la nomination et la collation de bénéfices, les conflits on matière théologique dans les universités. Le Conseil des affaires Etrangères avait les attributions que son titre suffit à faire connaître. Le Conseil de la guerre[85] délivrait les pouvoirs et « provisions » aux maréchaux de France, lieutenants-généraux, brigadiers, gouverneurs et lieutenants du Roi, expédiait les commissions de directeurs et inspecteurs de troupes, dressait l’état des officiers à placer et à remplacer, contrôlait les marchés de vivres et de fourrages, les transports, l’habillement, l’armement, les munitions, révisait la comptabilité de la guerre faisait la solde et réglait tous les comptes de fortifications. Des décisions ultérieures précisèrent et étendirent sur différents points les attributions du conseil de la guerre[86]. Le Conseil de marine[87] s’occupait de tout ce qui avait trait à la marine du Levant et du Ponant, galères, consulats, colonies, concessions et compagnies coloniales ; établissement, agrandissement, défense et entretien des ports, havres, rades et arsenaux ; protection du commerce, inspection des négociants en chaque échelle (sauf pour le détail de leur commerce), sûreté des côtes, privilèges et garanties de la marine marchande. Le conseil était chargé, sauf à en référer aux affaires Etrangères, des relations et traités avec les régences d’Alger, de Tunis, de Tripoli et du Maroc, des rachats et échanges d’esclaves et de la protection des Lieux saints. Tous les marchés pour les fournitures générales et particulières se faisaient par adjudication à ce conseil. Au Conseil du dedans[88] ressortissait tout ce qui regardait les affaires contentieuses et administratives des provinces (pays d’élection) ; les pays d’État demeuraient sous La Vrillière. Le Conseil de finance[89] entraînait la suppression du contrôleur-général dont il recueillait l’héritage. En même temps étaient supprimés les sept intendants des finances[90] et les six intendants du commerce[91]. Enfin le Conseil du commerce[92] de terre et de mer, tant au dedans qu’au dehors du royaume, attirait à lui les fabriques, manufactures et les questions relatives à la pêche, à l’exportation des blés, etc.. Crozat fait les fonds nécessairesChaque conseil devait compter dix membres et on ne pouvait promulguer les règlements et organisation sans faire connaître les noms de ceux qui devaient les interpréter. La promesse faite au Parlement le 2 septembre tardait fort à recevoir son exécution. Le Régent différait de jour en jour les nominations dans l’espoir que la convoitise lui vaudrait d’avantageux pots-de-vin. Aussi sa déception était-elle grande de voir les conseils si peu recherchés qu’on leur préférait les charges abolie de secrétaires d’Etat que les ambitieux s'attendaient à voir revivre[93]. Dans cet embarras humiliant, un simple négociant, nommé Crozat, prêta un million au Roi en barres d’argent et s’engagea pour deux autres millions[94]. On n’attendait que cette aubaine, la Déclaration fut envoyée au Parlement et enregistrée avec celle qui restituait à cette Cour le droit de remontrances[95]. Leur composition - ConscienceLa France connut alors le nom des hommes qui allaient la gouverner. Qu’en pensa l’opinion publique ? Jean Buvat et Mathieu Marais n’en soufflent mot. Dangeau transcrit les noms des élus, la Gazette de la Régence offre une lacune à cette date ; mais Saint-Simon parle pour tous ceux qui se taisent[96]. A l’en croire, le choix des membres fut arrêté dans les conférences tenues entre le Régent et lui[97]. Dans les sentiments où se trouvait le prince à l’égard des partisans de la Bulle, le conseil de conscience « se trouva tout fait[98] ». L’alarme était vive dans le camp ultramontain ; les cardinaux de Rohan, de Bissy, le nonce Bentivoglio et les autres chefs de la Constitution « mouraient de frayeur » de voir le cardinal de Noailles à la tête des affaires ecclésiastiques, « ils remuaient tout pour l’empêcher, ils criaient à l’aide à tout le monde ». Bissy « éperdu », s’était même adressé à Pain !-Simon qui, avec le duc de Noailles et Canillac, pressentant l’embarras où jetterait une intervention du pape, décida d’enlever la nomination. « Il n'y avait pas de temps à perdre » et, sur l’heure, il s’adressa au Régent, lui représenta l’alternative « où il se trouverait entre désobliger si formellement le pape, ou lui donner pied à se mêler du gouvernement intérieur, avec les conséquences pernicieuses qui en résulteraient ». Le prince comprit, mais hésita, balança ; « je le pressai, dit Saint-Simon, et j’en vins à bout. Il appela le duc de Noailles, en s’approchant du monde « et annonça qu’il lui donnait le conseil de finance et, à son oncle, le conseil de conscience ». Tout retentit de cette nouvelle aussitôt après dans le Palais-Royal, et dès le soir à Paris. Le lendemain toute la ville le sut, et la joie et les applaudissements parurent universels, autant que la douleur et le dépit furent extrêmes dans le parti opposé. Il était temps. On sut que la prière du pape était résolue. Il la changea en plaintes, mais assez douces, auxquelles le Régent répondit plus doucement encore, mais avec une fermeté, mêlée de force compliments et respects[99]. » Outre la présidence, le cardinal avait la feuille des bénéfices. Le Régent lui composa un conseil de gens de métier et rompus aux affaires ecclésiastiques, les uns tirés du clergé, les autres du Parlement, bien instruits des revendications gallicanes. C’étaient l’archevêque de Bordeaux, M, de Bezons, frère du maréchal, homme d’honneur, instruit et considéré, rude d’abord et complaisant en affaires autant qu’on pouvait l’être honnêtement. Avec lui, Daguesseau, procureur général, qui avait tenu tête au feu Roi ; Joly de Fleury, avocat général, fin, adroit ; l’abbé Pucelle, conseiller-clerc au Parlement, neveu de Catinat, de la première réputation pour la capacité et l’intégrité. » Les chefs de la Constitution furent atterrés, supplièrent le pape d’intervenir et n’en obtinrent rien du tout. Le Parlement débordait de joie et d’orgueil et le public approuvait. Ce conseil se réunit à l’archevêché et désigna en qualité de secrétaire l’abbé Dorsanne, docteur de Sorbonne, grand vicaire et official de Paris, prêtre d’une haute conscience et d’une rare sincérité, en qui ses ennemis eux-mêmes ne trouvaient rien à reprendre[100]. Affaires Etrangères - Guerre - MarineEu égard à l’émotion générale des esprits par suite de la querelle religieuse, la composition du conseil de conscience était celle qui passionnait le plus vivement l’opinion. Elle apprit sans être troublée, on peut le croire, que le maréchal d’Huxelles, l’abbé d’Estrées, le marquis de Canillac et le comte de Cheverny dirigeraient d’assez loin les affaires Etrangères où Pecquet, l’un des principaux commis de Torcy, tint la place de secrétaire ; c’était un de ces laborieux qui travaillent autant par goût que par devoir avec le sentiment d’être utiles et la joie d’être ignorés[101] Villars ne pouvait pas ne pas présider le conseil de la guerre, ayant avec lui le duc de Guiche, le marquis de Biron et le chevalier d’Asfeld, tous maréchaux longtemps après, Reynolds, Jeoffreville, Levis, Puységur ayant chacun un département, enfin deux intendants des provinces frontières, Saint-Contest et Le Blanc pour la comptabilité[102]. Le conseil de marine fut aisé à composer avec le comte de Toulouse comme chef ; le maréchal d’Estrées vice-amiral, président ; le maréchal de Tessé, général des galères. Dedans du royaumeLa présidence du conseil du dedans fut offerte au maréchal d’Harcourt qui s’en excusa sur son bafouillement, suite de plusieurs apoplexies ; on mit le duc d’Antin à sa place. Il a raconté l’affaire à sa façon, qui n’est pas-celle de Saint-Simon[103] ; sous lui se trouvaient Beringhem, premier écuyer ; Brancas, depuis maréchal ; Fieubet et Roujeault, maîtres des requêtes, Goislard, Ferrand et Menguy, conseillers au Parlement[104]. FinanceAu conseil de finance, le Régent se réservait le titre d’ordonnateur[105], comme l’avait été le feu Roi, signant et arrêtant tous les états de fonds et toutes les ordonnances comptables et les comptants, tant pour dépenses secrètes, remises, intérêts qu’autres de toute nature. Villeroy fut chef du conseil, « mais sans s’en mêler directement, et il demeura à cet égard comme il était du temps du feu Roi ». Le duc de Noailles fut président[106] par suite du refus opposé par Saint-Simon aux offres du Régent auquel il expliqua que « le commerce, les monnaies, le change, la circulation, toutes choses essentielles à la question des finances, il n’en connaissait que les noms, et que c’était un détail devenu science et grimoire qui le passait ». Les conseillers furent : le marquis d’Effiat, ami du Régent, Rouillé du Coudray « qui fait trembler les gens d’affaires parce qu’il est informé de tous les traités[107] », Le Pelletier des Forts, La Houssaye et Fagon, conseillers d’État ; les présidents Dodun et Gilbert de Voisins ; les maîtres des requêtes d’Ormesson, de Gaumont et de Baudry[108]. Le Conseil de RégenceToute l’activité des conseils aboutissait au Conseil général de Régence, dont la composition ne dépendait qu’en partie du Régent obligé de subir certains choix parmi ceux qui lui étaient adversaires ou suspects[109]. Tels étaient le duc du Maine, le comte de Toulouse, le maréchal de Villeroy, le maréchal d’Harcourt qui n’avait décliné le conseil du dedans que pour une destination plus relevée[110], le chancelier Voysin. Il fallut contrebalancer ces gens douteux par des hommes sûrs. On ne pouvait compter pour rien M. le Duc déclaré chef, sous le duc d’Orléans, dans Ha séance du 2 septembre, « jeune homme de vingt-trois ans dont l’intelligence n’avait rien de prématuré[111] ». Le Régent ne pouvait refuser son ami éprouvé et encombrant le duc de Saint-Simon, mais pour les autres il n’en fit qua son idée et imposa ses choix : le maréchal de Bezons, vieux soldat peu loquace et très dévoué au prince ; le marquis de Torcy dont lord Stair escomptait la disgrâce et qui s’imposa par son mérite, son expérience de tous les cabinets de l’Europe et par le secret des postes qu’il possédait[112]. Le Régent voulait un évêque, il prit Bouthillier vivant depuis quinze ou seize ans dans la retraite sauf quatre jours par an où il faisait, à Fontainebleau, sa cour au feu Roi, d’où il retournait s’ensevelir à Troyes où « il ne voyait pas même les passants » et faisait de longs séjours à la chartreuse. Rompu aux affaires ecclésiastiques, bien instruit des prétentions et des méthodes romaines, gai, poli, mais reclus par persuasion et par goût. A défaut de Fénelon, le Régent appela ce saint homme, que l’air de la Régence ébroua un peu plus qu’il n’eut fallu[113]. Tous ces membres avaient voix délibérative. Pontchartrain et La Vrillière se trouvaient là. Celui-ci tenant le registre, l'autre sans fonction aucune « que celle qu’il avait prise, de moucher les chandelles, ce qui s’était tourné également en coutume de sa part et en dérision, sans contrainte, de celles de tous les assistants[114] ». EmolumentsLes chefs des conseils, les ducs de Noailles, de Guiche et le maréchal d’Estrées, reçurent 20.000 livres d’appointements ; les membres du conseil 10.000, à l’exception du cardinal de Noailles, de Daguesseau et Joly de Fleury. Au Conseil de Régence, les traitements furent de 20.000 livres ; M. le duc de Maine et le comte de Toulouse ne voulurent rien accepter. Les secrétaires reçurent 6.000 livres. Au total la dépense s’élevait à six cent quarante-huit mille livres[115]. Les conseils se rassemblèrent au Louvre, sauf celui de conscience, qui se tint à l’archevêché. Les chefs et les présidents fixèrent à leur discrétion les jours et le nombre des séances. Ils eurent des audiences réglées avec le Régent et durent une fois par semaine ou davantage faire leur rapport au Conseil de Régence. Ici, le Régent, décidé « à vivre en bonne amitié avec ses parents[116] » faisait bon visage à M. le Duc, gardait une mesure froide et polie avec le duc du Maine, plus d’onction quoique avec de la réserve avec le comte de Toulouse. Il marquait beaucoup de prévenance à Villeroy qui laissait faire, se croyant admirable. Bezons, Harcourt, Voysin comptaient pour rien ; d’Antin non content de sa présidence, se ménageait une plus grande faveur et visait déjà à faire rétablir à son profit la charge de surintendant et ordonnateur général des bâtiments[117]. Ainsi chacun songeait à se pouvoir. RivalitésCe n’est guère anticiper de dire dès maintenant que les conflits et les rivalités ne tardèrent pas à surgir ; conflits d’attributions entre les conseils, rivalités entre les divers membres. « Trois espèces d’hommes, choisis par la convenance, par la faiblesse et par la nécessité remplissaient les listes des conseils : d’abord de grands seigneurs, vieux dans les intrigues, novices dans les affaires, et moins utiles par leur crédit qu’embarrassants par leur morgue et par leurs petitesses ; ensuite les amis du Régent, l’élite des roués, esprits frondeurs et pervers, ignorants et spirituels, hardis et paresseux, et bien mieux faits pour harceler que pour conduire un gouvernement. Enfin au-dessous d’eux étaient jetés pêle-mêle des conseillers d’Etats, des maîtres des requêtes, des membres du Parlement gens instruits et laborieux, destinés désormais à ramper dans le fond des comités, et à réparer sans gloire et sans émulation les bévues qu’il fallait attendre de l'incapacité de leurs premiers collègues et de l’étourderie des seconds[118]. » Dans les rangs de cette assemblée peu nombreuse et extrême en tout, par le talent comme par l’ineptie, par le vice comme par la vertu, où la bêtise solennelle d’un Villeroy collaborait avec l’activité trépidante d’un Noailles, et la probité d’un Daguesseau avec l’avidité d’un d’Antin, les arts et les lettres n’avaient aucun représentant. Les sciences, mieux partagées, y avaient leur protecteur, et c’était le Régent en personne. « Je compte, dit-il avec cette grâce spirituelle qui lui appartenait, demander au Roi, à sa majorité, d’être toujours secrétaire d’état de l’Académie des sciences ; ce serait, ajoutait-il, un amusement pour ma vieillesse[119]. » Le duc de Saint-SimonLes lettres auraient pu se réclamer d’un autre protecteur mais Le dont personne, ni lui-même, ne soupçonnait alors la gloire littéraire. A ses contemporains, le duc de Saint-Simon paraissait avoir le langage d’un « crocheteur[120] », et son style laconique, sec, dur, bouillant, inconsidéré lui ressemblait trop pour qu’on put s’y méprendre. « Il ne pouvait être imité par personne[121] ». Le goût a changé depuis lors et cette trivialité, ces incorrections auxquelles on était alors très sensible sont devenues des originalités qui ont conquis à Heur auteur du premier coup et au premier rang, dans la littérature française, une place qui ne lui sera pas disputée. Figurer parmi les grands écrivains de la France eut été pour ce duc et pair la suprême disgrâce : il avait d’autres ambitions et le métier d’auteur ne convenait pas aux gens de sa sorte, aussi n’a-t-il voulu et pensé n’être qu’historien. « Je n’ai pas dû me piquer de savoir bien écrire, dit-il. Je n’ai songé qu’à l’exactitude et à la vérité. » Et lorsque cette prodigieuse galerie de portraits, de caricatures et de grimaces, d’anecdotes, d’historiettes et de ragots, d’indiscrétions, de médisances et de calomnies fut ouverte au public, l’éblouissement fut tel qu’on ne lui contesta pas ce titre d’historien, le seul cependant auquel il n’eut aucun droit. Portraitiste inimitable, il note un trait du visage, un geste, une attitude, une ressemblance, crayonne autour quelques lignes et laisse une figure aussi vivante qu’un croquis de La Tour. A force d’en dessiner, toute une classe d’hommes, toute la société de son temps semble revivre dans ses Mémoires, parfois il tente une scène épisodique et lui donne les dimensions d’un événement où chacun s’agite, se trémousse, donne l’illusion d’une journée historique alors qu’il ne s’agit que de ce coup d’État anodin et périodique qu’on nommait, en ce temps, lit de justice. N’importe, l’illusion fut complète et Saint-Simon apparut comme l’historien de la Régence. C’était sa revanche contre une fatalité qui lui avait interdit d’en être le régulateur. Du moins ferait-il tout ce qui dépendait de lui pour s’en représenter comme le metteur en scène. Inséparable du Régent, il le fréquentait moins par goût que par hasard et parce que tous deux insociables, le prince par abjection le duc par outrecuidance, leurs deux isolements s’attiraient. Saint-Simon aurait, à l’en croire, désigné et imposé au duc d’Orléans presque tous les choix dont furent composés les conseils. La réalité est très différente et le favori imaginaire ne put faire prévaloir ses amis particuliers que comme une compensation des dégoûts qu’on lui infligea. Le sens politique du Régent le mettait à couvert des accès de rage d’un maniaque qui eût sacrifié le repos et la prospérité du royaume aux prérogatives de la pairie, mais par ménagement pour une susceptibilité intraitable, le prince écoutait patiemment des projets, discutait complaisamment des titres dont il était déterminé à ne tenir aucun compte. Parfois devant une attaque imprévue ou irrésistible le Régent accordait une victime à son implacable janissaire. La disgrâce de Pontchartrain était décidée depuis des semaines le jour où l'impétuosité de Saint-Simon l’arracha de haute lutte. Beauvilliers lui disait un jour que « tout ce qui lui passait par la tête, il croyait le voir » ; il ne croyait pas le voir, il le voyait réellement et il le peint avec des traits si précis que, nous-mêmes, nous croyons voir ce qui n’a jamais existé. Il en est ainsi pour ces États-Généraux qu’il conseillait au duc d’Orléans de réunir aussitôt après la mort de Louis XIV pour déposséder les princes légitimés. Tout est prévu, préparé, disposé d’avance : le salon de Marly, les carrosses, les discours, les délibérations ; cependant rien n’aboutit quoique rien n’ait manqué que l’homme d’État qui emporte les convictions et soumet les résistances. Il avait conseillé au Régent de se proclamer régent lui-même avec l’assentiment des ducs et pairs et des grands officiers de la couronne. Le prince loua l’idée, approuva le plan et, le moment venu, l’écarta pour s’adresser au Parlement. Lié avec Saint-Simon depuis l’enfance il avait eu le temps de le connaître et de voir qu’il était le contraire d’un homme d’État. Obstiné et indécis, le pygmée se montrait résolu pour les bagatelles, intransigeant sur les distinctions, hésitant dans les intérêts d’État. La plume aux doigts il réformait le royaume, mais au-moment d’agir il bronchait ; découvrant des difficultés nouvelles, il retardait et renonçait. La volonté était infirme autant que le corps était chétif. C’est ainsi que la plupart des mesures qu’il avait le plus souhaitées, il y a renoncé à l’instant de l'exécution. Au commencement de la Régence, il conseillait au duc d’Orléans la convocation des États-généraux ; un an après, quand le Régent y paraissait disposé, il l’en détourna. Il détestait le Parlement, et condamnait en principe la vénalité des offices ; lorsqu’il fut question du remboursement aux magistrats du prix de leurs charges, il souleva des objections et le projet fut abandonné. Il s’apitoyait sur l’infortune et l’exil des protestants dont il souhaitait le retour jusqu’à l’instant où le Régent lui communiqua son projet de rappel des huguenots fugitifs ; Saint-Simon le déconseilla. Ces contradictions trouvent dans la débilité de cette âme fougueuse leur explication. Saint-Simon aimait les apparences de la force et les vanités du pouvoir, il en redoutait les responsabilités. Le Régent lui proposa la présidence du conseil de finance, lui offrit les sceaux, le voulut faire gouverneur de Louis XV, Saint-Simon refusa tout ; finalement il accepta une ambassade où les affaires étaient remplacées par des cérémonies. Ce fut son apothéose ; désormais il ne compta plus Le Régent le combla d'amitié, l’écouta avec patience, souffrit ses algarades, colères ou bouderies, et s’amusa de ses ricanements. Ce petit homme loyal, chaste et dévot apparaissait un peu plus chaque jour un anachronisme. Au milieu des orgies de la Régence, il fait songer à ces philosophes cyniques, hargneux et inutiles, qui rôdaient sans être invités autour des festins infâmes, acceptaient l’aumône dédaigneuse d’une sportule et s’éloignaient en insultant les convives. Le duc de NoaillesLe duc de Noailles n’avait pas, comme Saint-Simon, vécu au sein d’une demi-disgrâce. Courtisan par tradition de famille et par aptitude personnelle il avait épousé une nièce de Mme de Maintenon en temps opportun pour sa fortune, guerroyé pour Philippe V au moment où ses services assuraient sa carrière, recherché le duc d’Orléans dès le jour où ce prince allait devenir maître des affaires. Adrien-Maurice de Noailles gai, vif, séduisant, cultivé, ambitieux, doué d’une imagination dont lui-même était dupe, ne s’embarrassait d’aucune difficulté parce qu’au lieu de les résoudre il les escamotait, sauf à les retrouver plus graves et plus menaçantes. Avec les projets éclos et mûris dans son esprit très ouvert et très chimérique, il possédait un arsenal de solutions séduisantes et impraticables, dont il pensait venir à bout grâce à une rare obstination au travail et à une fertilité d’invention déconcertante. Il exposait les problèmes d’administration, avec la magnificence d’un feu d’artifice, et ses projets en avaient tout le brillant et l’inconsistance. Ce hâbleur ensorcelait tout le monde et devait les sages mesures de son administration à l’expérience consommée de son conseiller Rouillé du Coudray, il lui suffisait d’en recueillir les fruits. Avide de popularité il procédait à quelques économies mesquines destinées à frapper les imaginations plus qu’à soulager le trésor. Cependant l’opinion ne s’en laissait pas imposer. De dévot devenu libertin, Noailles passait pour n’être pas incorruptible. Un jour que Rouillé arrivait un peu tard au conseil des finances, Noailles lui dit : « Le vin de Champagne vous a peut-être arrêté ? » A quoi l’autre répliqua : « Je n’ai pas été jusqu’au pot-de-vin[122] ». Duclos a dit de lui avec justesse : « Il n’a de suite que son intérêt personnel qu’il ne perd jamais de vue[123]. » La maturité l’éclaira et l’améliora, elle tira de lui des ressources solides ; à cette heure on ne trouve encore que le grand seigneur éloquent, séduisant, superficiel, sujet à éblouir les autres et lui-même et à quitter la route pour se jeter dans les chemins de traverse. |
[1] Madame, Correspondance, édit. G. Brunet, in-12, Paris 1904, t. I, p. 296 ; 19 mars 1717. Dans La Vie de Philippe d’Orléans, petit-fils de France, Régent du Royaume pendant la minorité de Louis XV, par M. L. M. D. M. (dont on a fait le P. de la Motte, jésuite, fugitif en Hollande où il prit le nom de La Hode. Le P. C. Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, 1894, t. V, col. 1340, n’admet pas l’identification), in-12, Londres, 1736, t. I, p. 148-149 : « Toutes ses entreprises furent condamnées, ses vertus flétries, ses vices exagérés, ses statues insultées par de sanglantes affiches qu'on y attacha, personne n’osait parler en sa faveur et il n’était pas sûr de le faire. »
[2] Marais, Journal et mémoires, édit. de Lescure, in-8°, Paris, 1863, t. I, p. 204 ; 17 septembre 1715.
[3] Recueil Clairambault-Maurepas, Chansonnier historique du XVIIIe siècle, édit. E. Raunier, in-12, Paris 1879, t. I, p. 63.
[4] Les J'ai vu... avaient pour auteur Ant. L. Lebrun (1680-1743), auteur d’opéras qui ne trouvèrent jamais de musiciens, Buvat, Journal, t. I, p. 63.
[5] Recueil Clairambault-Maurepas, t. I, p. 127 : Les bienfaits de la Régence ; Gazette, p. 13 : « On n’a jamais vu si peu de tristesse de la mort d’un roi et tant de joie de ce que la justice a été rendue au duc d’Orléans par rapport à sa naissance et par rapport à son mérite personnel. »
[6] Gazette de la Régence, janvier 1715 - juin 1719, édit E. de Barthélémy, in-12, Paris, 1887, p. 10.
[7] Buvat, Journal de la Régence, édit. E. Campardon, in-8°, Paris, 1865, t. I, p. 93-94 ; Marais, op. cit., p. 184 ; Gazette, p. 11.
[8] Buvat, Journal, t. I, p. 91.
[9] Gazette, p. 11.
[10] Gazette, p. 15.
[11] Gazette, p. 11.
[12] Buvat, Journal, t. I, p.
50-51.
[13] Marais, Journal, t. I, p. 189.
[14] Gazette, p. 12.
[15] Marais, Journal, t. I, p. 185.
[16] Gazette, p. 11. Voir aussi Buvat, Journal, t. I, p. 97, Le Rouge fut remplacé par Ravechet, que nous retrouverons.
[17] Gazette, p. 11 ; Buvat, Journal, t. I, p. 49, 98.
[18] Gazette, p. 11.
[19] Buvat, Journal, t. I, p. 54.
[20] Public Record Office, France, vol. 346 ; le Régent à Georges Ier, Versailles. 5 septembre 1715.
[21] Madame, Correspondance, édit. Brunet, t. I, p. 185, Versailles, 6 septembre 1715.
[22] Madame, Correspondance, t. I, p. 190, Paris, 17 septembre.
[23] Madame, Correspondance, t. I, p. 184, Versailles, 10 septembre.
[24] Madame, Correspondance, t. I, p. 191, Paris, 24 septembre.
[25] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 167 ; Buvat, Journal, t. I, p. 49 ; Aligre, Relation, p. 24-25.
[26] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 165 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 209.
[27] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 167.
[28] Buvat, Journal, t. I, p. 50.
[29] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 166 ; Anthoine, Journal, p. 98 ; Buvat, Journal, t. I, p. 00 ; Marais, Journal, t. I, p. 185 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 209.
[30] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 167 ; Anthoine, Journal, p. 98-100 ; Buvat, Journal, t. I, p. 51 ; Marais, Journal, t. I, p. 187 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 209 ; A. Callet, Les cœurs de Louis XIII et de Louis XIV, dans La Cité, Bulletin de la Société historique et archéologique du IVe arrondissement, 1906-1907, t. III, p. 195-199.
[31] Marais, Journal, t. I, p. 187-188.
[32] Aligre, Relation, p. 25.
[33] Aligre, Relation, p. 26 ; Gazette, p. 12.
[34] Gazette, p. 13.
[35] Aligre, Relation, p. 26-31.
[36] Buvat, Journal, t. I, p. 51 ; Marais, Journal, t. I, p. 188.
[37] Buvat, Journal, t. I, p. 51 ; Marais, Journal, t. I, p. 188 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 168.
[38] Buvat, Journal, t. I, p.
51-52.
[39] Marais, Journal, t. I, p. 188, nous dit qu’il n’osa prononcer le mot le dévoiement.
[40] Aligre, Relation, p. 33 ; Marais, Journal, t. I, p. 188 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 210 ; Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises depuis Van 420 jusqu’à la Révolution de 1789, in-8°, Paris, 1830, t. XXI, p. 26, n° 3 ; Buvat, Journal, t. I, p. 54-55.
[41] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 211.
[42] Marais, Journal, t. I, p. 190-191 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 169.
[43] Narbonne, Journal, p. 46 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 169 ; Marais, Journal, t. I, p. 192.
[44] Narbonne, Journal, p. 46.
[45] Anthoine, Journal, p. 100.
[46] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 170 ; Marais, Journal, t. I, p. 192.
[47] Buvat, Journal, t. I, p. 52.
[48] Marais, Journal, t. I, p. 192.
[49] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 170 ; Additions de Saint-Simon, p. 171 et Mémoires, t. VIII, p. 211.
[50] Anthoine, Journal, p. 102.
[51] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 170.
[52] Marais, Journal, t. I, p. 192. C’est tout ; ni les Anthoine, ni Buvat ne soufflent mot, pas même Saint-Simon, des prétendues scènes d’outrages et de ripailles rapportées par Duclos, Mémoires secrets, édit Michaud, p. 498. Dans La vie de Philippe d'Orléans, par M. L. M. D. M., 1736, t. I, p. 148-149, on lit que « la joie qu’on avait d’être délivré de sa tyrannie (c’est ainsi qu’on s’exprimait) éclata surtout le jour du convoi qui transportait son corps à Saint-Denis, au chant des prêtres, on mêlait des chansons pleines de satyres grossières, cette marche eut plus l’air d’une mascarade que d’une pompe tant elle fut accompagnée d’éclats de rire et d’action encore plus indécentes. » La légende se forme, Duclos, Lémontey, Michelet, H. Martin, Jober y ajoutent tous plus ou moins. Il faut se souvenir qu’il était cinq heures du matin à la mi-septembre.
[53] Anthoine, Journal, p. 102.
[54] Anthoine, Journal, p. 102 ; Narbonne, Journal, p. 47-48 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 170 ; Buvat, Journal, t. I, p. 54.
[55] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 170 ; Anthoine, p. 102-104.
[56] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 219 ; Anthoine, Journal, p. 115-123 ; Buvat, Journal, t. I, p : 100.
[57] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 172 ; Buvat, Journal, t. I, p. 55-57 ; Marais, Journal, t. I, p. 199-201 ; Aligre, Relation, p. 37-42 ; Anthoine, Journal, p. 105-113.
[58] Buvat, Journal, t. I, p. 73-74 ; Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XXI, p. 26-36.
[59] Marais, Journal, t. I, p. 194-195.
[60] Madame à la raugrave Louise, Paris. 27 septembre 1715, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. I, p. 191 ; Marais, op. cit., t. I, p. 204, 17 septembre.
[61] Marais, Journal, t. I, p. 198-199.
[62] Buvat, Journal, t. I,
p. 96-97.
[63] Avec une pension annuelle de six mille francs, Lémontey, op. cit., t. I, p. 44.
[64] Buvat, Journal, t. I, p. 99.
[65] Madame à la raugrave Louise, Paris 8 oct., 15 oct., 1715, op. cit., t. I. p. 193-195.
[66] Madame à la raugrave Louise, Paris, 18 octobre, op. cit., t. I, p. 195.
[67] Buvat, Journal, t. I, p. 95-96 ; Marais, Journal, t. I, p. 196.
[68] Mémoires du président Hénault, dans L. Perey, Le président Hénault et Mme du Deffand. La Cour du Régent et la Cour de Louis XV et de Marie Leczinska, in-8°, Paris, 1893, p. 41.
[69] Mémoires du duc d’Antin, cités par Lémontey, op. cit., t. I, p. 44.
[70] Oxenfoord Castle, Stair Papers, t. II, Lord Stair à lord Stanhope, 8 mars 1715.
[71] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 179 ; Mémoires, t. VIII, p. 215.
[72] Saint-Simon, Mémoires, t. XI, p. 427.
[73] P. Mesnard, Projets de gouvernement du duc de Bourgogne, Dauphin, Mémoire attribué au duc de Saint-Simon, in-8°, Paris, 1860.
[74] Introduction du présent volume, p. XLI.
[75] P. Mesnard, op. cit., p.
72-73.
[76] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 215.
[77] Isambert, Recueil des anciennes lois françaises, t. XXI, p. 36-40 ; donné le 15, enregistré au Parlement le 16 septembre.
[78] Le prince de Cellamare disait à ce propos : « Les Français ont habillé leur gouvernement à l’espagnole. »
[79] Lémontey, op. cit., t. I, p. 47, exagère en écrivant : « Aux premiers mouvements de cette machine on s’aperçut que le commerce y avait été oublié. »
[80] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 175 ; Additions de Saint-Simon, (p. 176), « qui l’avait voulut perdre et fut outré de le voir » épargner, finit par se rapprocher de lui, et l’amitié s’en suivit, « tellement qu’ils sont demeurés amis intimes. » Torcy obtint l’érection en office, avec 50.000 francs de traitement, de la charge de grand maître et surintendant général des postes, courriers et relais de France, Villars, Mémoires, t. IV, p. 75.
[81] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 175, 176 ; p. 202-204 ; p. 229, 230 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 252-254, 289 ; Buvat, Journal, t. I, p. 107.
[82] Saint Simon, Mémoires, t. VII, p. 239-230, 290-292 ; Dangeau, Journal, t. XVI. p. 198, 299.
[83] Au renouvellement des fermes, le Régent, pressé par d’Effiat et Villeroy, fit donner 350.000 livres à Desmaretz qui, y ayant droit en qualité de contrôleur général, avait refusé de les toucher au dernier renouvellement, dans l’extrémité où se trouvait l’État, Dangeau, Journal, t. XVI, p. 195.
[84] Isambert, op. cit., t. XXI, p. 71 ; Règlement du 22 décembre 1715 ; p. 121, Arrêt du conseil du 10 août 1716. Il s’appela aussi Conseil des affaires ecclésiastiques.
[85] Isambert, op. cit, t. XXI, p. 49 : Ordonnance du 3 novembre 1715.
[86] De Luçay, Des origines du pouvoir ministériel en France. Les secrétaires d'Etat depuis leur institution jusqu’à la mort de Louis XV, in-8°, Paris, 1881, p. 191.
[87] Isambert op. cit., t. XXI, p. 56 : Ordonnance du 3 novembre 1715.
[88] Isambert, op. cit., t. XXI, p. 43 : Ordonnance du 1er octobre 1715.
[89] Isambert, op. cit., t. XXI, p. 61 : Ordonnance du 14 novembre 1715.
[90] Isambert, op. cit., t. XXI, p. 48 : Edit du 17 octobre 1715 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 220 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 174.
[91] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 212.
[92] Isambert, op. cit., t. XXI, p. 69 : Déclaration du 14 décembre 1715.
[93] D’Armenonville acheta 400.000 l. la charge de Voysin, De Luçay, op. cit., p. 182, il pensait, dit Saint-Simon « que cette carcasse inanimée pouvait se relever, et était une bonne provision à faire. »
[94] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 177, Additions de Saint-Simon, 177-178, et Mémoires, t. VIII, p. 213.
[95] Isambert, op. cit., t. XVI, p. 36 : Déclaration portant établissement de plusieurs conseils, 15 septembre ; ibid., p. 40 : Déclaration restituant le droit de remontrances, 15 septembre 1715.
[96] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 178.
[97] Saint-Simon. Mémoires, t. VIII, p. 215-216.
[98] Saint-Simon, Additions, t.
XVI, p. 183-184.
[99] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 216-217.
[100] Voir la notice acerbe que lui consacre Picot dans la Biographie universelle, 1852, t. XI, p. 244-245 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VII, p. 219 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 197.
[101] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 220-221 ; Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 188-190.
[102] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 221-223 ; Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 185-187 et Dangeau, Journal, t. XVI, p. 178.
[103] Mémoires du duc d’Antin, in-8°, Paris, 1822, p. 128 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 223-224 ; Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 190.
[104] Saint-Simon, Mémoires, t. VII, p. 224-225.
[105] Isambert, op. cit., t. XXI, p. 42 : Déclaration du 23 septembre 1715.
[106] Il écrivait à sa tante, Mme de Maintenon, le 24 septembre 1715, cette lettre : « Mgr. le duc d’Orléans exige de moi absolument d’entrer dans le conseil de finance qu'il a formé... composé de gens les plus accrédités dans le public... Ce sont eux qui gouverneront la barque et nous les verrons faire. Quoiqu’il ne puisse rien rouler sur mon compte particulier... c’est avec la dernière peine que je me suis rendu aux instances, C. Millot, Mémoires politiques et militaires pour servir à l'histoire de Louis XV, composés sur les pièces originales recueillies par M. A. M. de Noailles, in-12, Paris, 1776-1777, t. V, p. 11.
[107] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 169.
[108] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 174 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 220.
[109] Saint Simon, Mémoires, t. VIII, p. 215, 226.
[110] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 180.
[111] P.-E. Lémontey, Histoire de la Régence, in-8°, Paris, 1832, t. II, p. 22.
[112] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 227-228.
[113] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 181-182.
[114] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 288 ; voir Buvat, Journal, t. I, p. 107.
[115] Dépôt de la Guerre, t. 2520 : Registre des délibérations du conseil de la guerre depuis le 28 septembre 1715 jusqu’au 28 août 1716. Le chancelier, Villeroy, Torcy, La Vrillière, Pontchartrain conservèrent leurs appointements sans innovation. Buvat, Journal, t. I, p. 24, dit que la charge de chancelier valait soixante mille écus de traitement par an, outre les émoluments des sceaux.
[116] Madame à la raugrave Louise, Paris 13 septembre 1715, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. I, p. 188.
[117] Isambert, op. cit., t.. XXI, p. 78, n° 40 : Édit de janvier 1716, enregistré le 7 septembre suivant ; Villars, Mémoires, t. IV, p. 75-76.
[118] Lémontey, op. cit., t. I, p.
46-47.
[119] Histoire de l’Académie des Sciences, 1716 ; le règlement pour l’Académie des Sciences est du 3 janvier 1716 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 205, 7 octobre 1715 ; Caumartin de Saint-Ange à Mme de Balleroy, Paris, 11 octobre 1715, dans E. de Barthélémy, Les correspondants de la marquise de Balleroy, in-8°, Paris, 1883, t. I, p. 50 ; Lémontey, op. cit., t. I, p. 50-51.
[120] Caumartin de Saint-Ange à Mme de Balleroy, Paris, 1erfévrier 1716, dans E. de Barthélémy, op. cit., t. I, p. 71.
[121] Marais.
[122] Buvat, Journal, t. I, p.
117.
[123] Duclos, Mémoires secrets, coll. Petitot, 2e série, t. LXXVI, p. 212-213.