DES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS

DES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS

 

PREMIÈRE PARTIE. — ORIGINE, COMPOSITION, ET RESTES AUTHENTIQUES DES PLUS ANCIENS JOURNAUX ROMAINS.

 

 

L'INCERTITUDE sur la vraie date des plus anciens journaux romains est venue principalement du texte équivoque où Suétone dit de César : Inito honore, primas omnium instituit, ut tam senatus quam populi diurna acta conficerentur et publicarentur[1]. Faut-il traduire : Devenu consul, il introduisit le premier l'usage de rédiger et de publier les actes quotidiens du peuple et du sénat ; ou, avec plus d'exactitude je crois, et plus de vraisemblance, les actes du sénat aussi bien que du peuple, en laissant entendre que depuis longtemps on publiait ceux du peuple, et que ce furent ceux du sénat qui, l'an de Rome 694, furent publiés pour la première fois ?

Avant d'essayer d'apporter quelques preuves à l'appui de cette explication qui me paraît plus naturelle que les nombreuses restitutions proposées pour ce passage, il ne sera pas inutile de distinguer des actes diurnaux ou journaux plusieurs autres sortes d'actes qu'il est important de ne confondre ni entre eux, ni avec ceux qui font l'objet de cette discussion, avec ceux de la ville ou du peuple.

Commençons par les plus anciens de tous, par les actes de l'état civil, comme on dirait aujourd'hui ; acta civilia. Juste Lipse qui, dans une savante note sur ces mots de Tacite, componendis patrum actis[2], a travaillé le premier à éclaircir une partie de ces questions, n'a peut-être pas séparé assez nettement des autres actes ceux de l'état civil, dont l'institution, connue des Athéniens, datait dans Rome, selon Denys d'après Pison[3], du règne de Servius Tullius ; dont la surveillance fut ensuite comprise dans les attributions des censeurs[4], puis des questeurs, puis des préfets du trésor[5], et où s'inscrivaient jour par jour les naissances, les mariages, les répudiations, les divorces, les morts. On trouvera du moins, dans ce premier essai, tous les éclaircissements que peuvent donner sur cette classe de registres publics les diverses autorités des lettres de Cœlius dans Cicéron[6], de Sénèque[7], de Juvénal[8], de Suétone, qui avait consulté les actes de naissance de Tibère et de Caïus[9] ; Apulée[10], Capitolin[11], le Digeste[12], etc. Ces textes, réunis alors par Juste Lipse, le sont encore par tous ceux qui parlent des actes civils chez les Romains. Il faut toutefois y joindre, entre autres passages, les deux mentions que fait Polybe des états dressés par les nations italiennes de tous les hommes en âge de porter les armes[13], et qui, comme les lois annales pour les magistratures, supposent la tenue régulière de registres de naissance ; l'endroit de Dion Cassius où il est dit que, lorsque le second fils de Livie fut rendu à son père Tibérius Néron par Auguste, celui-ci ordonna que le fait fût constaté dans les actes[14] ; le texte du grammairien Servius, qui atteste, comme Capitolin, qu'on inscrivait les naissances au temple de Saturne[15] ; la phrase de Suétone où le registre des décès est appelé ratio Libitinæ [16], et la Chronique d'Eusèbe traduite par saint Jérôme, où le même registre est nommé simplement ephemeris[17].

Distinguons ensuite les actes du forum, forensia ; et dans ces actes, ceux du pouvoir populaire, et ceux des tribunaux.

Les premiers, semblables à ces pièces officielles dont les républiques grecques conservaient le dépôt, δημόσι γράμματα[18], comprenaient les lois, les plébiscites, le résultat des élections dans les comices, les édits ou proclamations des tribuns, des édiles, des autres magistrats du peuple. On les déposait, comme les sénatus-consultes et les traités, dans les archives annexées à plusieurs temples, à celui de Jupiter an Capitole, de Cérès, de la Liberté, des Nymphes, surtout à celui de Saturne. Actes authentiques et obligatoires, ils étaient nécessairement publiés.

Les actes judiciaires, les arrêts des divers juges, l'étaient aussi[19]. En tête ils portaient les noms des consuls, comme on le voit encore dans Ammien[20], et dans saint Augustin qui, d'après l'usage légal[21], les appelle gesta[22]. Ils étaient recueillis, du temps de l'Empire, par d'anciens militaires dont la charge est peu connue, evocati Augusti ab actis fori[23], et en général par les greffiers, scribæ, exceptores, notari, ab actis, dont l'office est amplement décrit par Lydus[24], et souvent indiqué dans les lois romaines, la Notice de l'Empire, et les inscriptions. Alb. Barisoni, au chapitre 4e du traité posthume de Archivis, mis au jour par Poleni[25], essaie de prouver que chaque tribunal conservait ainsi, dans un tabularium particulier, le recueil de ses actes.

Mais il faut remarquer surtout que ce même titre d'acta se donnait aussi quelquefois, dans un sens plus restreint, à un résumé des Discours prononcés, soit dans la tribune publique, soit dans les basiliques et le comitium. Lorsque le jeune Tacite écrivait le dialogue sur les Orateurs, Mucien, l'ami de Vespasien, avait déjà formé onze volumes de ces analyses d'anciens Discours, Actorum libri[26] ; expression que les interprètes auraient mieux expliquée, s'ils s'étaient ressouvenus de ces autres locutions du même ouvrage, temporum nostrorum actores[27], nostris actionibus interesse[28], inactionibus eorum[29] ; de plusieurs phrases de Pline le jeune[30], et des passages où Cicéron lui-même appelle ses Discours actiones[31]. Parler c'était encore agir pour un citoyen.

L'emploi de ce mot comme signifiant les procès-verbaux des faits, par exemple, les actes des triomphes de Pompée[32], les actes du tribunat de Clodius[33], ceux de la dictature de César[34] ou de toute autre magistrature[35], ceux de Caligula, ceux de Tibère[36], se retrouva dans un monde nouveau, quand le christianisme eut à son tour ses actes des apôtres, ses actes des saints et des martyrs. Les actes du forum furent alors remplacés par ceux des conciles.

Les vicissitudes de cette sorte d'actes publics sont dignes d'être observées en passant. Les actes des dépositaires de l'autorité, soumis autrefois, après leur charge, à un rigoureux examen, et confirmés mi abrogés selon qu'ils avaient bien eu mal usé du pouvoir public, devinrent, au temps du pouvoir d'un seul, comme des lois sacrées sur lesquelles on prêtait serment[37] ; on jura même non-seulement sur ce qu'avait fait le prince, mais sur ce qu'il voudrait faire, sur ses actes à venir[38] : gage d'aveugle soumission, déjà donné par le sénat à Marc-Antoine[39], et sans doute à Octave[40]. Il est vrai que les actes de quelques Césars furent abrogés aussi ; mais cette justice tardive et illusoire n'empêchait pas Domitien d'étudier et d'imiter ceux de Tibère[41]. Les anciens recueils d'actes pouvaient comprendre les libres Discours des orateurs du forum, tels que ceux que le grammairien Asconius, comme on le verra tout à l'heure, avait extraits des actes du peuple, ou ces Discours de Pompée, de Crassus, de Curion, de Lucullus, que Mucien avait fait entrer dans sa collection ; tandis que sous le même titre, Actorum libri, Acholius[42] ne put donner que les décrets d'une volonté absolue, inscrits aussi comme actes publics dans les Codes[43], ou les cérémonies et les compliments de ce qu'on appelait encore le sénat. Enfin la république chrétienne vient rendre à ce mot, ainsi dégradé, les idées de liberté et de grandeur qu'il avait exprimée longtemps.

Une autre classe d'actes, celle des actes ou journaux militaires, acta militaria ou bellica ; dut éprouver moins de révolutions : ils formèrent ; en effet, dès les premiers temps une classe à parti dont les principaux documents, amassés pendant une longue suite de guerres avec tant de peuples, furent peut-être rassemblés plus tard dans le trésor militaire fondé par Auguste[44]. Comme il y a dans les légions, dit Végèce, plusieurs fonctions qui demandent des militaires instruits, il faut que les inspecteurs, non contents de chercher dans tous les jeunes soldats la taille, la force, la bonne volonté, distinguent encore ceux qui savent écrire par notes, compter et calculer ; car le détail de toute la légion, le service public et particulier, les dépenses, s'écrivent jour par jour dans les actes avec plus de régularité, si j'ose le dire, que ne se tiennent dans les villes les registres des approvisionnements ou de l'état civil[45]. Les militaires chargés de ce soin, librarius legionis[46], librarius manipularis[47], s'appelaient encore actuarii[48], comme les sténographes et les copistes[49], ou bien actarii, si l'on en croit Vélins Longus, qui les définit scriptores actorum[50], Cassiodore, qui le cite[51], Bède, qui transcrit l'un et l'autre[52], et une inscription du temps d'Antonin le Pieux où on lit : Actarius leg. VII. gem.[53] C'est probablement de la réunion des diverses pièces rédigées par eux que se composaient les archives du camp, mentionnées par l'histoire à l'avènement d'Héliogabale[54], que parcourait souvent Alexandre Sévère[55], et dont le gardien est nommé dans les inscriptions tabularius castrensis[56]. On peut croire que dans ces dépôts, outre les états de situation, ceux des peines et des récompenses, les différentes sortes de congés[57], les privilèges accordés aux vétérans[58], les itinéraires et les cartes[59], se conservaient aussi les rapports adressés par les généraux au sénat, et que, lorsque les armées envoyaient à Rome de ces lettres couronnées de lauriers qui annonçaient des victoires, elles ne manquaient pas de les joindre, dans le recueil de leurs actes, aux pages plus modestes et plus simples qui constataient leur nombre et leurs services.

Rentrons dans Rome, et indiquons rapidement, pour arriver plus tôt à notre objet, les actes ou procès-verbaux des assemblées et des collèges ou confréries.

Les actes du sénat, acta senatus, furent secrets jusqu'à César. Un voile épais dérobe à tous les yeux les délibérations de cette assemblée, qui rappelle quelquefois l'oligarchie vénitienne, et la prudence toujours soupçonneuse, toujours menaçante, du conseil des Dix. En 311, lorsque les tribuns du peuple n'avaient pas encore entrée au sénat, dont ils ne firent partie qu'en 623, ce corps politique se montre bien sûr de la discrétion de ses membres, puisqu'il fait publier un faux procès-verbal d'une de ses séances, pour mieux tromper le peuple et ses tribuns[60]. Le même secret continue de couvrir les décisions du sénat sur la guerre contre Persée[61], sur la troisième guerre contre Carthage[62]. N'est-ce pas une preuve suffisante de ce silence que l'étrange histoire du jeune Papirius, extraite d'un Discours de Caton[63] ? Qu'on la regarde comme un fait réel, ou comme un apologue satirique du défenseur de la loi Oppia contre les femmes ; l'ancien usage n'est pas moins attesté par ce récit que par celui que Polybe avait lu dans quelques historiens grecs sur d'autres fils de sénateurs, admis aux séances après la crise de Sagonte[64].

Ces délibérations, environnées d'un secret impénétrable, n'étaient cependant rédigées le plus souvent que par de simples secrétaires pris en dehors du sénat[65], scribæ, librarii, notarii ; mais, dans les affaires graves, elles l'étaient par des sénateurs mêmes[66]. Quoique l'on compte un préteur parmi ceux qui recueillirent ainsi les dépositions des témoins contre Catilina[67], il paraît, si les habitudes de l'Empire peuvent ici faire juger de celles des temps consulaires, que cette fonction était réservée de préférence aux sénateurs les plus jeunes qui, entrés comme questeurs au sénat, s'y acquittaient de ce devoir de secrétaires, ab actis senatus[68], avant de parvenir à l'édilité ou, du temps des Césars, au tribunat du peuple. Telle fut la marche que suivirent dans leur carrière publique cette foule de sénateurs dont Marini a rassemblé les noms et les titres d'après les historiens et les inscriptions, en faisant voir que le même ordre était adopté par le sénat de Tibur[69]. Depuis Auguste, le secrétaire du sénat romain dut être presque toujours un confident du prince : Tacite le dit de Junius Rusticus, qui remplit cette charge sous Tibère[70]. Adrien la remplit sous Trajan[71].

Leurs registres s'appelaient indifféremment actes ou commentaires[72]. Cicéron nomme tables publiques les procès-verbaux des interrogatoires que, pour plus de garantie, il fit rédiger par des sénateurs pendant l'affaire des conjurés, et qu'il fit aussitôt répandre en Italie et dans les provinces[73] : nouvelle preuve que, même avant César, on publiait quelquefois les actes du sénat.

Mais ce n'était là qu'une exception. Dans le cours ordinaire de l'ancien gouvernement romain, malgré la liberté apparente et les clameurs du forum ; malgré les Rostres, où un sénateur daignait venir, en quelques grandes circonstances, raconter au peuple les décisions du patriciat ; malgré les tribuns qui n'obtinrent que fort tard d'assister, avec leur droit d'opposition, aux assemblées du conseil suprême, le sénat, héritier des rois, soulevait rarement le voile du lieu sacré où méditait sa prudence, où s'agitaient ses passions ; rien ne diminuait aux yeux du vulgaire la grandeur des maîtres du monde ; et c'est ainsi que Prusias, dans son respect et sa terreur, les confondait avec les dieux de leurs temples[74].

La même force inconnue qui avait préparé en secret la chute d'Antiochus ou de Persée, sans qu'on se doutât, à Rome même, que le sénat délibérait sur eux, réglait dans le silence, par ses décrets souverains, en face de la tribune et des comices, la religion, les mœurs, toute la discipline intérieure de l'État. L'Italie, aussi bien que les provinces lointaines, n'apprenait souvent les ordres de cette puissance mystérieuse que par l'arrivée d'un édit qu'il fallait faire à l'instant graver sur une table de bronze, comme celle qui, vers le milieu du dix-septième siècle, fut heurtée par la charrue d'un laboureur au fond de la Calabre, et qui se trouve maintenant au musée de Vienne ; copie authentique du sénatus-consulte de l'an 567 contre la célébration des fêtes de Bacchus ; témoignage contemporain qui s'accorde et avec l'ensemble du récit dé Tite-Live, et avec les peintures de quelques-uns des vases grecs que nous rend aussi de temps en temps le même sol d'où le sénatus-consulte est sorti[75].

Et plus tard, cet ordre qui enjoint au préteur de chasser de Rome, en 592, les rhéteurs et les philosophes[76] ; cette décision qui, en 636, fixe les limites entre les Génois et quelques peuplades voisines[77] ; ce décret qui ordonne à l'un des consuls de l'an 654 d'offrir de grandes victimes à Mars, dont les lances se sont agitées dans son temple[78] ; ces récompenses décernées à plusieurs Grecs, en 675, pour leurs services pendant la guerre Sociale[79] ; ce pardon, d'une date moins certaine, accordé au peuple de Tibur qui s'est justifié[80] ; enfin, tous ces nombreux sénatus-consultes recueillis par Brisson au second livre des Formules, sont encore d'autres extraits, rendus publics parce qu'ils étaient obligatoires, des actes du sénat.

Les sénateurs des villes municipales[81] et les décurions des colonies[82] faisaient rédiger de même et quelquefois publier les actes de leurs séances.

Quant aux actes des collèges ou confréries, on peut s'en faire une idée plus complète que de tous les autres par la collection que Marini a formée des actes des fratres Arvales, principal sujet de ce riche ouvrage de critique où tant d'autres sujets sont traités. C'est surtout quand on étudie ces soixante-sept tables de marbre, dont la plupart ne sont que les procès-verbaux des cérémonies de ce collège, que l'on se demande si le peuple qui inscrivait ainsi sur la pierre ou le bronze les plus modestes sacrifices de ses prêtres, les noms des titulaires de ses plus petites fonctions civiles ou religieuses, et jusqu'à ceux de ses gladiateurs, pouvait négliger d'inscrire quelque part, et de transmettre aussitôt à la connaissance de tous, les décisions de ses assemblées, les victoires de ses légions.

N'oublions pas non plus, après tous ces actes que l'on peut considérer, en partie du moins, comme publics, les actes privés de la maison des empereurs, acta ou commentarii principis[83], dont le rédacteur, nommé souvent dans les inscriptions ab actis[84], a commentariis[85], a memoria Augusti[86], et, s'il était chargé du fisc, actor summarum[87], actor Cresaiis[88], avait sous ses ordres des scribes ou employés, connus aussi par la multitude de leurs épitaphes[89].

Ajoutons enfin, pour terminer cette longue énumération, les actes ou comptes des simples particuliers : le livre journal de Fannius, de Verrès, de Quintius, d'Atticus, codex, tabulæ, ephemeris[90] ; celui de l'avare dans Properce et dans Ovide, ratio, ephemerides[91] ; celui d'un spéculateur dans le premier Sénèque, quotidianum diurnum[92] ; celui de l'usurier dans Sénèque le fils, kalendarium[93] ; celui de la maîtresse de maison dans Juvénal, longi transversa diurni[94]. L'intendant, chargé de tenir ces comptes, est nommé actor dans Columelle[95] ; procurator dans Pline le jeune[96] ; actuarius dans Pétrone, que je vais laisser parler. Il nous donne, en effet, un exemple de ces actes ou journaux privés, lorsque l'intendant de Trimalcion actuarius, interrompt les extravagances de son maître pour lui lire ses registres, assez semblables, dit l'auteur lui-même, aux actes de la ville, tanquam urbis acta, ressemblance instructive qui m'engage à les citer :

Le 7 des calendes de sextilis. Dans la terre de Cumes, propriété de Trimalcion, il est né trente garçons et quarante filles ; on a porté, de l'aire au grenier, cinq cent mille boisseaux de blé ; on a dompté cinq cents bœufs. Le même jour, l'esclave Mithridate a été mis en croix, pour avoir mal parlé du Génie de notre Caïus. Le même jour, encaissement de ce qui n'a pu être placé, cent mille sesterces. Le même jour, incendie dans les jardins de Pompéi ; le feu a commencé par la demeure du fermier Nasta. — Qu'est-ce ? dit Trimalcion ; depuis quand a-t-on acheté pour moi les jardins de Pompéi ?L'année dernière, répond l'intendant, et c'est ce qui fait que le compte n'en a pas encore été rendu. Trimalcion irrité s'écrie : Si je ne sais pas dans les six mois les terres que j'ai achetées, je défends qu'elles soient mises à mon compte. — On lit ensuite les ordonnances des édiles, les testaments où les gardes champêtres disent pourquoi ils n'ont rien légué à Trimalcion, les dettes des fermiers, l'aventure d'une affranchie surprise chez le baigneur et répudiée par le surveillant, la relégation du valet de chambre à Baies, la mise en accusation de l'économe et son jugement par les gens de la maison[97].

On voit déjà, dans cette imitation des actes de la ville, les naissances, qui devaient y être quelquefois annoncées, ainsi que les mariages et les funérailles[98] ; l'état de la récolte, que donnaient jadis les Annales des pontifes[99] ; un incendie, comme ceux que Tite-Live, pour des temps fort anciens, paraît souvent raconter d'après des documents authentiques[100] ; les édits, qu'il fallait se hâter de faire connaître à tous ; des images de prospérité et de richesse, que les particuliers et les peuples aiment qu'on répande autour d'eux ; des procès, des condamnations, des supplices, presque dans les mêmes termes auxquels les historiens des Césars nous ont accoutumés ; des aventures amoureuses, comme celles dont nous verrons bientôt Cicéron, du fond de la Cilicie, chercher la nouvelle dans le journal de Rome[101].

Cet exemple même est une preuve que la distinction que je viens de faire entre les différentes sortes d'actes ne saurait être toujours bien rigoureuse et bien précise : aussi je ne veux point dire que les actes surtout de l'état civil, du forum, des camps, du sénat, ne fussent pas très-souvent compris dans les actes dont il me reste à parler, dans les actes diurnaux, acta diurna, nommés encore acta populi, urbis, urbana, publica, ou simplement acta ; mais ils n'en faisaient point nécessairement partie, et il était même impossible qu'ils fussent insérés d'une manière complète dans ces tables quotidiennes, où tant d'autres détails réclamaient quelque place. Arrivons donc enfin à ces actes publics de chaque jour, à ces véritables journaux.

Le plus ancien texte latin où l'on peut croire qu'il en soit fait mention est, si je ne me trompe, un fragment de l'historien P. Sempronius Asellio qui, après avoir été tribun militaire sous le second Scipion au siège de Numance, prise et détruite l'an de Rome 620, écrivit, au moins en quatorze livres, l'histoire des guerres puniques et celle des Gracques. Aulu-Gelle, qui parle souvent de P. Sempronius[102], et qui se montre avec raison plus indulgent que Cicéron[103] pour le style d'un vieux soldat, s'exprime en ces termes : Écrire l'histoire, non par années, mais par jours, c'est faire ce que les Grecs appellent une éphéméride, mot dont nous trouvons la traduction latine dans le premier livre de Sempronius Asellio, lorsqu'il établit ainsi la différence entre des annales et une histoire : Les annales indiquaient seulement, dit-il, le fait et l'année du fait, comme ceux qui écrivent un journal (DIARIUM), que les Grecs nomment éphéméride. Mais nous pensons que ce n'est pas assez de dire qu'une chose a été faite ; il faut dire encore dans quelle intention et par quel moyen[104]. Pourquoi, dans les premiers mots du texte, les seuls qui aient ici de l'importance, y a-t-il annales demonstrabant, et ensuite qui diarium scribunt ? les annales an passé, et le journal au présent ? C'est que trois ans après la prise de Numance, l'an 623, ou du moins vers ce temps, sous le pontificat de P. Mucius[105], avait cessé la rédaction des Annales des pontifes, et que sans doute une publication journalière ou plus fréquente, diarium, acta diurna, venait de les remplacer.

Dans l'état où nous restent les monuments' de la langue, latine, ce mot diarium, qui a désigné, depuis, des mémoires tenus jour par jour sur les grands pontifes de Rome moderne[106], et qui sert encore de titre à un journal romain, Diario di Roma, paraît ici pour la première fois, et même on n'en trouverait pas un autre exemple, sinon dans un auteur qui transcrit cette citation, Isidore de Séville[107] ; car on ne lit partout ailleurs que le pluriel diaria, la nourriture de chaque jour, le pain quotidien[108]. Un nouveau besoin fit naître un mot nouveau, ou plutôt le nouveau sens d'un ancien mot.

Quoique l'on traduisît ainsi l'éphéméride des Grecs, nous ne voyons pas que ceux-ci eussent jamais songé à un tel sens, à une telle idée : leurs Éphémérides d'Alexandre[109], peut-être même leurs commentaires de la maison royale de Macédoine[110], n'étaient que des journaux historiques, comme pouvait l'être l'Éphéméride  de Varron[111], ou ce journal cité par Servius[112], que rédigeait César dans ses campagnes, et qu'il faut distinguer de ses Mémoires qui, malgré le titre que leur donne une fois Plutarque[113], ne sont point des éphémérides. Des recueils ainsi nommés furent consultés par Trébellius Pollion sur Gallien[114] ; sur Carus et sur Aurélien, par Vopiscus, à qui un vieillard, son contemporain, put offrir encore l'éphéméride ou le journal du règne de Probus[115]. Ce mot, par lequel Philostrate désigne les Discours sacrés où le sophiste Aristide raconte presque jour par jour ses maladies, ses visions, ses voyages aux divers temples d'Esculape[116], signifie de même dans les Géoponiques le journal, tenu par le fermier, des travaux champêtres de chaque jour[117] ; et il est employé aussi par Synésius, à la fin de sa quatrième Lettre, dans le sens d'un journal privé, sens qu'il paraît avoir eu longtemps avant Synésius[118], et qui ne se rapporte pas aux nouvelles publiques. La vie politique des Grecs, non moins active que celle de Rome, mais resserrée dans leurs petits états, n'appelait point un aussi rapide et aussi énergique instrument de publicité que cet immense empire dont les armées conquérantes détruisirent en peu d'années Carthage, Corinthe et Numance.

Le moment est venu où l'inscription lente et solennelle de quelques noms, de quelques faits d'armes, de quelques triomphes, sur la table annuelle des pontifes, ne suffit plus à l'ambition des chefs, à la curiosité des citoyens. Trois ans après la chute de Numance, les Annales cessent, et il est vraisemblable que dès lors le journal commence : diarium, ce mot que Rome moderne a conservé, se trouvait déjà dans un contemporain des Scipions. L'histoire était demeurée jusque-là sous la tutelle des prêtres, chargés, par une noble pensée des fondateurs, de garder en même temps à la patrie ses dieux et sa gloire : ils seront toujours dépositaires des dieux qui lui ont donné la puissance ; mais le récit de ses actions appartient à tous, c'est une langue nationale que tous ont le droit de parler, et qui doit retentir aussitôt chez tous les peuples. L'histoire alors sort du sanctuaire, elle devient profane, ou, comme on le dirait d'un autre âge, elle se sécularise. Il y avait loin des Annales aux actes diurnaux ; de l'étroite tablette où le pontife indiquait en peu de lignes les grands événements de l'année entière, et encore plus, du clou sacré enfoncé dans le mur du temple, si l'on veut n'y voir qu'une image de la durée, à l'histoire minutieuse et infatigable des plus petits faits de chaque jour : cet intervalle est franchi.

Sans doute cette coïncidence de la fin des grandes Annales, dont le terme est fixé par Cicéron au pontificat de P. Mucius, vers l'an 623, avec le commencement immédiat d'un journal régulier, n'est qu'une conjecture ; mais elle n'a rien d'invraisemblable, si l'on réfléchit tant aux circonstances politiques de cette année-là et des suivantes qu'à d'autres textes qui paraissent venir à l'appui du premier.

Et d'abord, il est digne d'observation que cette année 623, où déjà C. Gracchus se préparait aux luttes prochaines de son tribunat, soit précisément celle où l'on croit que la loi Atinia ouvrit le sénat aux tribuns du peuple[119], et où dut commencer ainsi, pour les débats de ce grand conseil, et en général pour toutes les affaires, une nouvelle publicité.

Ensuite, à ce premier témoignage, celui de Sempronius, on peut essayer d'en ajouter d'autres.

Dans l'esprit du grammairien Servius, les Annales et les journaux se confondent, lorsqu'il dit que les Annales comprenaient tous les événements mémorables jour par jour, per singulos dies[120]. Ces mots, qui ne sont vrais que des actes diurnaux, semblent prouver que, de ces deux sortes de mémoires, les uns avaient succédé aux autres avec assez peu d'interruption pour qu'on fût excusable de ne pas les distinguer toujours, surtout après un si long temps ; et il est à croire que les journaux du dernier siècle du gouvernement consulaire entraient pour beaucoup dans ce recueil historique en quatre-vingts livres que Servius désigne par le titre commun d'Annales.

Pline l'ancien, sur un fait de l'an 639, une pluie de lait et de sang, prodige semblable à ceux que les Annales enregistraient, s'exprime ainsi : Relatum in monumenta est[121]. Les pontifes ayant renoncé à leurs Annales avant 639, il veut assurément parler des actes ; et comme, dans la même phrase, d'après la même autorité, monumenta, il compare ce prodige à un autre de l'an 292, qui ne pouvait être consigné que dans les Annales, il ne fait, non plus que Servius, entre ces deux sortes de documents, aucune distinction.

Il faudrait même supposer, si l'on pouvait avoir quelque confiance dans les prétendus actes qui feront l'objet de la seconde partie de ces recherches, que, longtemps avant la fin des Annales pontificales, déjà se publiait séparément l'histoire quotidienne de Rome ; car ils comprennent sept jours de l'an 585, et on y trouve plusieurs petits faits que les pontifes n'admettaient certainement pas dans l'histoire de l'année. C'est là ce qui faisait dire contre toute vraisemblance à Henri Dodwell, persuadé de l'authenticité de ces textes, que les actes diurnaux servaient de matériaux aux grands pontifes pour leurs fastes et leurs Annales 2. Mais nous verrons que tous ces fragments, ceux que l'on ne place qu'après l'an 623 comme ceux que l'on fait remonter jusqu'au temps des Annales, jusqu'à Paul-Émile vainqueur de Persée, ne sont qu'une docte fiction.

Quant aux restes authentiques des actes ou journaux, je n'en trouve point de l'an 639 à l'an 671 de Rome : alors, c'est-à-dire au temps des 'secondes proscriptions de Sylla, on pourrait reconnaître quelques vestiges des actes, et croire que c'est d'après le témoignage de ceux de cette année que phis tard Caton, pendant sa questure, obligea les meurtriers de restituer le prix de leurs crimes[122], puisque d'autres proscripteurs, Octave et ses complices, craignant que ce souvenir n'inquiétât leurs satellites, publièrent qu'ils n'inscrivaient nul d'entre eux dans les actes publics[123]. Mais peut-être ne s'agit-il ici que des registres des questeurs, quoique l'interprète de Dion, Fabricius, entende ailleurs[124] par cette même expression les actes diurnaux.

Si les autres noms que leur donnent les historiens grecs de Rome sont toujours un peu vagues[125], ceux dont les écrivains latins se sont servis laissent quelquefois aussi dans l'incertitude. Outre les termes déjà cités, diarium, ephemeris, acta diurna, monumenta, il se peut qu'ils les aient désignés encore par les mots qui expriment ou les livres journaux des familles, diurnum quotidianum, rationarium, commentarii, ou les procès-verbaux des magistrats et des juges, tels que ces regesta ou registres dont Vopiscus fit usage pour ses biographies des empereurs[126], et que Lydus appelle indifféremment regesta ou quotidiana[127] ; mais ces derniers mots paraissent se rapporter à des temps beaucoup plus modernes[128].

Il ne serait peut-être pas impossible d'entrevoir aujourd'hui ce que renfermait ce journal de Rome, sinon vers l'époque où je crois pouvoir en placer l'origine, du moins peu de temps après le premier consulat de César. Un jeune chevalier romain, M. Cœlius Rufus, d'une famille plébéienne de Pouzzoles, fut, comme nous dirions, le correspondant littéraire et quelquefois politique de Cicéron qui, pendant son proconsulat de Cilicie, depuis l'an 702, reçut de lui les nouvelles de Rome : Cœlius, léger, dissipateur, turbulent, mais pour qui la facilité un peu faible de son protecteur garda toujours quelque sympathie ; habile danseur[129], qui fut édile, préteur, tribun du peuple ; que nous ne jugeons plus que sur sa mauvaise réputation et sur quelques lettres frivoles, mais qui mérita d'être loué comme orateur grave par Quintilien[130], par Tacite[131], et dont il semble que Marc-Aurèle ait étudié encore les Discours[132], partisan exalté de Catilina, quoique disciple et client de l'auteur des Catilinaires ; un des amants de la fameuse Clodia, et qui finit par la détester au point qu'on l'accusa de l'avoir empoisonnée ; qui fut aussi ardent que Curion pour le parti de César dans la querelle décidée à Pharsale, et qui périt dans une émeute qu'il avait excitée contre César ; en un mot, un de ces caractères trop communs dans les temps de guerres civiles, et qui perdent au jeu sanglant des intérêts et des ambitions un talent et un courage qu'ils auraient dû réserver à la patrie.

Dans plusieurs des dix-sept Lettres ingénieuses, vives, originales, qui nous restent de lui, et dont les unes renferment de simples nouvelles de société, les autres des révélations plus importantes sur les causes de la grande lutte qui se préparait alors, il dit lui-même qu'il envoie en Asie comme un journal de Rome[133] ; et il s'attire en effet le reproche de prendre ses nouvelles dans la compilation de Chrestus[134]. Nous pouvons donc savoir, en lisant ses Lettres, quelles étaient, de l'an 702 à l'an 705 de Rome, et les nouvelles du journal fondé en quelque sorte ou renouvelé par César, et celles de la compilation de Chrestus, Grec d'ailleurs inconnu, qui était peut-être un des rédacteurs de la feuille où Cœlius allait chercher ses histoires de gladiateurs, ses causes célèbres, ses anecdotes de théâtre, toutes les aventures dont il voulait amuser son ami.

Je sais bien que dernièrement encore M. Orelli[135] a mieux aimé expliquer, comme Paul Manuce, compilatio Chresti par un vol dont l'esclave ou l'affranchi Chrestus se fût rendu coupable mais je persiste dans l'autre sens, qui est à peu près celui de Middleton[136], de Schütz[137], et des derniers éditeurs du lexique de Forcellini[138] sens que je n'aurais pas osé peut-être donner moi-même, mais que je dois m'empresser d'accepter.

Voici quelques-uns de ces bruits de ville que Cœlius emprunte aussi quelquefois, comme il l'avoue, des nouvellistes qui se tenaient dans le forum au pied de la tribune, subrostrani[139] : la fausse nouvelle de la mort de Cicéron, qu'on disait assassiné en route, mensonge du genre de ceux dont les gazettes modernes ne se garantissent pas toujours, quoiqu'elles aient des moyens plus sûrs de s'instruire, et sans doute plus d'amour de la vérité ; des récits exagérés de quelques échecs de César dans les Gaules[140] ; beaucoup de procès[141] ; Messalla injustement absous, et son avocat qui était son oncle, Hortensius, accueilli au théâtre par les murmures, les huées, les sifflets[142] ; l'année suivante, la mort d'Hortensius[143] ; les intrigues des comices[144] ; le divorce de Dolabella, et les soins officieux de Cœlius pour lui faire épouser Tullie[145] ; d'autres divorces, d'autres mariages ; Servius Ocella surpris en adultère, où ? vous ne le saurez pas ; ubi hercule ego minime vellem[146] ; plusieurs déclamations, assez ordinaires dans cette sorte d'écrits, contre les vices et la corruption du siècle[147] ; plusieurs portraits, où on laisse voir que Pompée manque d'esprit[148], et César de probité[149] ; l'Italie envahie par César[150], et les premiers cris de guerre retentissant déjà dans les murs de Corfinium.

Cicéron lui-même, écrivant les nouvelles de Rome soit à Quintus son frère, soit à Atticus son ami, peut donner aussi quelque idée de l'immense variété de faits dont se composaient les actes du peuple : ses Lettres, pour une suite de plus de vingt ans, remplacent cette collection perdue ; elles forment comme un journal, trop pressé de suivre les événements pour ne pas les devancer quelquefois ; mais c'est une ressemblance de plus avec un journal.

Enfin, si nous voulons connaître la nature et la forme des actes diurnaux vers les dernières années du septième siècle de Rome, nous avons mieux que des conjectures ; plusieurs textes authentiques nous en ont été transmis par les scholies d'Asconius Pédianus, qui consultait encore, sous Caïus et Claude, le journal du temps de César.

Le plus ancien fragment conservé par Asconius qui, dans ce que nous avons de ses notes, ne commence, il faut bien l'avouer, à citer les actes que pour l'année d'après le premier consulat de César, se rapporte aux troubles de Rome pendant le tribunat de Clodius, en 695 ; et on y lit quelques paroles d'un tribun son ennemi : Pompée fut assiégé chez lui, dit le scholiaste, par un affranchi de Clodius, Damion, comme je l'apprends par les actes de bette année où, le 15 des calendes de septembre, L. Novius, tribun du peuple, collègue de Clodius, délibérant avec les tribuns sur l'appel porté devant eux contre le préteur Flavius par Damion, s'exprime ainsi : Ce satellite de P. Clodius m'a frappé et blessé ; des hommes armés, des bandes apostées m'ont arraché à mes devoirs publics ; Cn. Pompée a été assiégé chez lui. Puisqu'on en appelle à moi, je n'imiterai pas celui que je blâme, je n'arrêterai pas le cours de la justice. — Et il parle de l'intercession[151].

Pour l'an 699, Asconius trouve dans les actes le jour où Scaurus fut accusé, le lendemain des nones de quintilis[152].

Pour l'an 701, dont Pline avait lu aussi les actes, où il avait trouvé une pluie de briques[153], Asconius y recueille de très-amples renseignements sur toute l'affaire de Milon. Il en extrait la date précise de la mort de Clodius, le 13 des calendes de février, opposant à l'autorité de l'historien Fénestella celle des actes et du plaidoyer même[154]. Tous les détails qu'il donne ensuite de la rencontre près de Bovilles, détails où il n'est pas toujours d'accord avec la narration du défenseur ; le tableau qu'il trace des agitations populaires et des Discours du forum qui suivirent la catastrophe, remontent probablement aussi jusqu'à ces témoignages contemporains.

Le jour de la mort de Clodius, dit-il plus  loin, parlèrent devant le peuple, comme je le vois par les actes, Salluste et Q. Pompée, tous deux ennemis particuliers de Milon, et tribuns assez turbulents[155].

C'est encore dans les actes qu'il avait trouvé l'extrait et quelques passages des Discours qui, six semaines après, furent prononcés devant le peuple ; restes importants de l'éloquence tribunitienne oubliés, comme celui de L. Novius, dans toutes les éditions, même les plus récentes, des fragments des orateurs romains : Afin de répondre mieux à ce qu'exigent les études de votre âge, dit Asconius à ses fils, j'ai lu d'un bout à l'autre les actes de tout ce temps-là ; j'y ai vu que, la veille des calendes de mars, un sénatus-consulte avait déclaré que le meurtre de P. Clodius, l'incendie de la curie, l'attaque de la maison de M. Lepidus, étaient des attentats contre la république ; que les actes de ce jour ne contenaient rien de plus ; que le lendemain, jour des calendes, Munatius avait rendu compte au peuple de ce que le sénat avait décrété la veille ; que dans ce Discours il avait dit en propres termes : Q. Hortensius, en proposant une information extraordinaire devant le questeur, pour avoir goûté un peu de douce vengeance, s'est préparé, je crois, beaucoup d'amertume à dévorer. Contre un homme d'esprit nous n'avons point manqué d'esprit ; nous avons trouvé Fufius pour dire : Je demande la division. Et au second article nous avons opposé notre intercession, Salluste et moi[156].

On ne peut douter, d'après tous ces témoignages d'Asconius, combinés avec celui du Dialogue des Orateurs sur le recueil de Mucien[157], que les Discours du forum ne fussent au moins analysés dans le journal de la ville ; et on aurait dû remarquer depuis longtemps que Cicéron y lisait en 703, au fond de sa province d'Asie, ceux du tribun du peuple Curion[158].

Voilà les seuls textes certains qui nous restent des actes du peuple avant l'établissement de l'Empire. Ce commentateur des deux plaidoyers pour Scaurus et pour Milon est bien certainement Asconius Pédianus. Les auteurs de la plupart des autres scholies publiées sous ce nom, et particulièrement de celles qui ont paru de nos jours, sont de simples grammairiens, qui n'avaient plus ou qui négligeaient de tels documents historiques.

La dictature de César, qui dut être le triomphe des journaux du peuple et du sénat, ne nous en a point laissé de fragments incontestables : elle nous fournira seulement un Fait qui appartient à leur histoire. César, selon Dion Cassius, fit mettre dans les actes, au jour des Lupercales (le 15 février de l'an 709), qu'il avait refusé le diadème ; et l'auteur grec emploie ici le mot par lequel il exprime d'ordinaire les actes du peuple, ές τά ύπομνήματα[159]. Son interprète Fabricius[160] se trompe donc en y voyant les actes du sénat, que Dion désigne clairement quand il veut en parler, τά τής βουλής ύπομνήματα [161]. On pourrait hésiter s'il n'a point, en cet endroit, indiqué les fastes, lorsqu'on lit cette accusation contre Antoine dans la seconde Philippique : Il a osé faire inscrire dans les fastes au jour des Lupercales : Marc-Antoine consul a déféré la royauté, par l'ordre du peuple, à César, dictateur perpétuel ; César ne l'a pas acceptée[162]. Mais il est possible que l'historien et l'orateur aient voulu parler de deux Choses différentes, et que César se fût contenté de publier le fait dans les actes du peuple, tandis que son complice osa l'inscrire dans les fastes, dans un calendrier religieux.

Il reste plusieurs traces certaines, pour les années de la dictature de César, et pour quelques-unes de celles qui la précèdent et qui la suivent, des actes du sénat, de ce journal plus grave, renfermé jusqu'à César dans le secret des archives patriciennes, et qu'en avait fait sortir, l'an 694 de Rome, la politique de ce chef dès lors tout-puissant du parti populaire, lorsque, fort d'un titre légal, et de son ascendant sur le peuple, sur l'armée que lui livrait la faiblesse aveugle de Pompée, sur une portion de la noblesse même, il brisait ainsi le dernier rempart où s'était retranchée si longtemps la domination de quelques familles, et commençait à Son tour le despotisme hardi de son premier consulat.

Cœlius extrait de ces actes, désormais publics, une rapide analyse de quelques séances[163], et la copie littérale du long sénatus-consulte du dernier jour de septembre 702[164], pièce justificative qui n'est pas sans importance dans l'histoire de la guerre civile.

Les Lettres de Cicéron lui-même nous transmettent quelques autres séances du sénat[165] ; cat les actes officiels des délibérations, même quand ils eurent franchi l'enceinte où on les cachait au peuple, ne dispensèrent pas de ces confidences de l'amitié.

Mais ces procès-verbaux du sénat, à peine échappés au silence, à peine nés à la publicité, sont déjà menteurs ; c'est un service qu'ils rendent à César. De telles falsifications n'étaient pas jusque-là sans exemple[166] ; mais le secret en épargnait la honte au sénat. Maintenant l'outrage est public : le dictateur surtout employa souvent cette tyrannie nouvelle contre les vaincus de Pharsale : Votre ami, écrivait Cicéron à Pétus, quand l'idée lui en vient, met mon nom aux sénatus-consultes qui se font chez lui ; et j'apprends qu'il est arrivé dans l'Arménie et la Syrie des décrets auxquels on dit que j'ai pris part, avant que j'en sache un seul mot. Et ne croyez pas que je veuille plaisanter : non, il y a des rois fort éloignés qui m'écrivent pour me remercier d'avoir contribué par mon suffrage à les faire nommer rois, tandis que j'ignorais non-seulement qu'ils eussent été nommés rois, mais qu'ils fussent au monde[167]. On voit que le bulletin des sénatus-consultes sous la dictature, s'il existait encore, ou s'il venait à se retrouver dans les ruines de l'ancien Capitole ou du trésor de Saturne, pourrait être un document assez embarrassant pour les historiens.

Parmi les sénatus-consultes rédigés alors dans le sénat ou ailleurs, de gré ou de force, mais certainement publiés, en l'honneur de Jules César dictateur, il y en eut, dit-on, qui furent gravés sur des colonnes d'argent en lettres d'or[168] : ceux-là ne se retrouveront jamais.

Il est aisé de reconnaître que la politique de César, par cette publication jusqu'alors inusitée des actes du sénat, vrais ou faux, voulut dès ce moment les confondre avec ceux du peuple. César, en qui Sylla voyait plus d'un Marius, combattit toute sa vie le sénat, son ennemi implacable, et qui fut son meurtrier. Le sénat, défiant et soupçonneux comme toutes les assemblées oligarchiques, d'autant plus révéré que sa voix descendait rarement dans la foule, et puissant surtout par cet esprit de suite que rendent presque impossible les fantaisies de l'opinion publique, avait trouvé longtemps une garantie de sécurité, un droit au respect des peuples, un instrument de pouvoir, dans le secret de ses délibérations : César lui arrache d'abord cette arme qui aurait pu protéger encore le patriciat déchu, cette arme qui lui était nécessaire autrefois, lorsqu'il gouvernait l'Italie et toutes les conquêtes romaines, lorsqu'il décidait de la paix et de la guerre, lorsqu'il envoyait Scipion combattre à Zama, Popillius tracer un cercle de sa baguette autour d'Antiochus. Enlever au sénat le secret, ce privilège de quiconque dirige la guerre et les traités, c'était déjà dire qu'il ne gouvernait plus. Mais c'est peu pour César d'avoir affaibli son ennemi : vainqueur, il continue de se venger ; le dictateur achève ce qu'avait commencé le consul ; par cette publication que sa haine prévoyante avait jadis instituée, et que la force vient de remettre en sa main souveraine, il assure encore mieux l'humiliation du sénat ; il lui fait dire et décréter tout ce qu'il veut.

Le complice de César, celui qui voulut être son successeur, le consul Antoine, osa comme lui se jouer du nom et de l'autorité de ce corps naguère tout-puissant, soit en altérant les copies des décrets soit en faisant porter aux archives publiques, et probablement aussi publier dans les actes, des sénatus-consultes rédigés chez lui par ses amis[169].

L'usage de publier les actes du sénat avec ceux du peuple ou les actes diurnaux de Rome, observé peu régulièrement sans doute dans l'intervalle entre le premier consulat de César et sa dictature, repris alors avec plus de suite, dut être arrêté bientôt par le désordre des nouvelles guerres civiles, par la terreur des proscriptions, et plus encore par la prudence d'Octave qui, s'appliquant à consolider avec adresse le despotisme que l'audace d'un autre avait conquis, et pacifiant tout, la curiosité publique, l'éloquence, l'histoire, comme la liberté[170], ne laissa écrire et parler que ceux qui parlaient ou écrivaient pour lui.

Devenu, lui aussi, maître absolu, comme chef du parti du peuple, selon cette règle prophétique établie par le génie de Platon[171], Auguste toléra l'ancienne publication des actes du peuple, quelquefois allégués pour son règne[172], et qui durent être soumis dès lors à cette rigoureuse censure que nous leur voyons imposée par Tibère et par Domitien ; mais, quoiqu'il permît aux jeunes fils des sénateurs ce qui leur était interdit depuis Papirius, d'assister aux séances avec leurs pères[173], il défendit expressément que l'on continuât de publier les actes du sénat[174]. Peut-être n'osa-t-il pas en abuser aussi insolemment que César. Peut-être même, par politique ou par pitié, voulut-il épargner à ce conseil, jadis roi, l'aveu public de l'abdication de son pouvoir : comme si ce pouvoir n'avait pas été pour jamais détruit, et dans la réalité et dans l'opinion, le jour où un vétéran des légions de César, entrant tout armé dans le sénat, et demandant le consulat avant l'âge pour le fils adoptif de son général, pour le jeune Octave, s'était écrié en montrant son épée : Faites-le consul, ou ceci le fera sans vous ![175]

Il y eut, peu de temps après, le sénat de Tibère. Un seul fait rappellera qu'on n'était point libre alors de publier toutes les paroles ni toutes les nouvelles : Dion Cassius raconte qu'un grand portique de Rome ayant penché d'un côté fut redressé par la merveilleuse industrie d'un architecte, dont le nom est resté inconnu, parce que la jalousie de Tibère ne permit pas que ce nom fût inscrit dans les actes[176].

Sous Néron, l'empereur populaire, les séances du sénat sont de nouveau racontées dans les actes diurnaux ou le journal de Rome[177].

Nous retrouvons ensuite la même publicité sous Domitien, qui la surveilla comme Tibère[178] ; sous Trajan, les Antonins, Alexandre Sévère, les Gordiens, Valérien, Probus, jusque dans les derniers siècles de l'Empire. Mais si les actes du peuple, surtout ceux des chrétiens[179], ont encore de la grandeur, ces procès-verbaux du sénat qui, du temps des Scipions, des Marius même, conservaient les délibérations où se réglait la destinée de l'ancien monde, ne servent plus qu'à enregistrer des flatteries pour les caprices d'un seul maître, des propositions de temples pour Néron[180], l'apothéose de Claude[181], le titre de dieu pour Domitien[182], ou ces protocoles d'acclamations, communiqués depuis Trajan aux actes du peuple, mais consignés toujours dans ceux du sénat, et que les successeurs des Tite-Live et des Tacite, les Capitolin[183], les Lampride[184], les Pollion[185], les Vopiscus[186], y ont patiemment copiés pour nous les transmettre, comme les dernières et les plus honteuses pages de l'histoire romaine.

Ce n'est pas que, dans une longue variété de fortunes, le sénat n'ait fait quelquefois de nobles efforts pour se relever de son impuissance et de sa honte : il essaya tous les remèdes qui pouvaient le faire vivre, même la liberté ; il imagina une fois, vers le temps de Gratien, de se compléter lui-même en élisant librement ses membres[187], comme font aujourd'hui les académies ; et le sénat ne fut point sauvé.

On a voulu faire entrevoir ici une des causes de sa ruine. Dès que le chef du parti du peuple, de ce parti représenté enfin pleinement par César consul, avait eu la force de faire accepter au sénat la publicité entière de ses actes, le sénat avait été perdu. Pourquoi ? c'est qu'alors encore le sénat, avec la souveraineté religieuse, une grande part de l'autorité législative, le droit de guerre et de paix, la libre disposition du trésor, des provinces, des armées, de la dictature même, exerçait un pouvoir presque despotique, et qu'un tel pouvoir ne saurait- se passer du secret.

S'il faut m'excuser d'avoir ainsi poursuivi jusqu'à son dernier terme l'histoire des actes du sénat depuis leur première publication, je puis dire qu'il est fort difficile de les distinguer toujours de ceux du peuple, et de reconnaître avec certitude quand ils se séparent ou se confondent. A cette vue générale sur les uns et les autres, il serait encore plus difficile de joindre toutes les vicissitudes particulières à travers lesquelles les actes diurnaux ou journaux romains, principal objet de ces recherches, se perpétuèrent jusqu'à la fin de l'Empire, et dont je n'ai pu rappeler qu'un petit nombre en commençant. Mais de telles études sur les derniers siècles de la domination romaine, où l'existence de cette sorte d'actes n'est douteuse pour personne, sont en dehors de la présente discussion.

Il s'agissait surtout de faire voir, au moins par des probabilités, que la publication des actes du peuple dut être antérieure au premier consulat de César, où commença seulement celle des actes du sénat, et que le témoignage de Suétone, bien compris, n'a rien de contraire à cette opinion, puisqu'un historien qui dit que César voulut que les actes du sénat fussent publiés aussi bien que ceux du peuple, ne dit point qu'avant César ceux du peuple ne l'eussent jamais été. Voilà pourtant ce que lui font dire les interprètes, et ce que prétend soutenir dans une longue digression son éditeur Ernesti[188], dont l'autorité est trop grave pour ne point mériter quelque attention.

Son premier argument pour croire que les actes du peuple n'ont point commencé avant l'année 694 de Rome, c'est que les fragments d'actes publiés comme vrais par Pighius et par Dodwell, et qui seraient de l'an 691, ou même de l'an 585, sont évidemment faux. Je ne dis point le contraire ; niais la fausseté de ces fragments, fausseté que j'appuierai même de nouvelles preuves, parce qu'elle n'est point encore assez constatée parmi les savants, n'oblige pas nécessairement à nier que de vrais actes du peuple aient été publiés avant César. Comment un si habile critique a-t-il donné quelque importance à un argument si faible ?

Une autre raison qu'il allègue pour supposer une interruption totale de documents de ce genre entre les Annales des pontifes et le recueil de César dont parle Suétone, c'est, dit-il, le silence complet des anciens sur la publication, pendant cet intervalle, des actes du sénat et du peuple. Ceux du sénat ne furent, en effet, regardés comme publics que depuis César ; mais je crois avoir indiqué plusieurs traces de l'existence antérieure de ceux du peuple, dans Sempronius, dans Pline, dans Servius. Ernesti s'autorise même du silence de Cicéron dans le célèbre passage où il nous apprend sous quel pontife cessèrent les Annales, sans ajouter par quoi elles furent remplacées[189]. Il lui était fort inutile de le dire ; car il résulte naturellement de tout le reste qu'elles furent remplacées par les historiens. L'orateur examine en cet endroit le style convenable à l'histoire : ce n'était certainement pas le lieu de faire mention des acta diurna, consacrés ou aux actes de l'autorité publique, aux sénatus-consultes, aux plébiscites, aux édits des préteurs, aux arrêts des tribunaux, qu'il n'était point dans l'usage des anciens historiens de transcrire textuellement, ou aux Discours du forum, que chacun d'eux ne reproduisait aussi qu'avec les formes de son propre style, ou à ces petites aventures que Cœlius aimait tant à raconter, et que, dans leurs idées, la dignité de l'histoire repoussait encore plus.

Une dernière observation d'Ernesti porte sur cette correspondance de Cœlius : il croit y voir que la publication des actes fut suspendue quelque temps avant la guerre civile entre César et Pompée, puisque Cœlius est obligé, dit-il, de payer un rédacteur pour les nouvelles qu'il envoie à Cicéron[190], et que celui-ci se plaint qu'on lui écrit des futilités dont nul, quand il est à Rome, n'oserait parler devant lui[191]. Mais il me semble que cela peut fort bien s'entendre et d'un compilateur, operarius, comme dit Cœlius lui-même[192], chargé de faire un choix parmi les nombreuses nouvelles à la main qui circulaient tous les matins dans la ville, et de la manière de faire ce choix. Parce qu'on y lisait beaucoup de choses futiles, est-ce une raison pour croire que ce ne fussent pas des extraits de journaux ?

Quand Cicéron dit, en écrivant de Laodicée à Atticus, l'an 703 : J'ai les actes de la ville jusqu'aux nones de mars[193] ; quand il écrit, vers le même temps, à Cœlius, au sujet de cet Ocella surpris deux fois en adultère[194] : Je ne trouve point cela dans les actes[195] ; et de Rome à Cornificius, l'an 709 : Je suis sûr qu'on vous envoie les actes de la ville[196] ; Ernesti n'y voit que des nouvelles particulières écrites par un esclave ou un affranchi. Peu importerait encore : on sait bien que les nouvelles publiques elles-mêmes ne pouvaient-être transcrites aussi que par des affranchis ou des esclaves. Mais si l'on admet de tels compilateurs de nouvelles dans toutes les maisons des hommes mêlés au gouvernement, des proconsuls, des propréteurs, des questeurs, des publicains, nous voilà bien près de l'idée que l'on croit moderne d'une correspondance journalière entre la capitale et les provinces, et de ce service de bulletins régularisé par César pour les délibérations du sénat. En voyant Cicéron à Laodicée, Cornificius en Afrique, recevoir jour par jour les actes de Rome, il est difficile de croire que, dans une ville où Atticus spéculait sur la publication des œuvres de son ami[197], l'intérêt particulier n'eût point aidé à la propagation des nouvelles.

Plus tard, pendant un séjour à la campagne, Pline le jeune prie un ami de lui faire transcrire-les nouvelles de la ville[198]. Dira-t-on, pour cela, qu'elles n'étaient pas alors publiées et conservées, tandis que nous avons à tout moment dans les historiens de l'Empire la preuve qu'ils avaient sous les yeux celles qui remontaient jusqu'au temps de Néron, de Claude, de Tibère et d'Auguste ?

Ernesti, en élevant cette difficulté, n'a point songé qu'un témoignage certain nous permet d'affirmer.que les actes du peuple, entre le premier consulat et la dictature de Césars avaient été aussi recueillis et conservés. Le procès de Scaurus et celui de Milon sont postérieurs, l'un de cinq ans, l'autre de sept, au premier consulat de César : or, nous avons vu que l'auteur des scholies sur les plaidoyers prononcés dans ces deux causes s un contemporain dé Claude, Asconius Pédianus, cite plusieurs fois, comme supplément à cette partie de l'histoire, les actes ou journaux du temps, et même ceux de l'année 695. Les actes du peuple n'étaient donc pas alors interrompus, et rien ne prouve qu'ils l'aient été en 702, ni pendant les autres années de la correspondance de Cœlius. Quand les actes pouvaient être consultés si longtemps après leur date, n'est-on pas autorisé à croire qu'ils étaient, non pas seulement communiqués à quelques citoyens par leurs amis, mais régulièrement publiés ?

Dion Cassius est parfaitement d'accord avec cet imposant témoignage : il regrette, lorsqu'il arrive à l'époque impériale, les nombreux matériaux que lui fournissaient les temps où des rapports sur les événements les plus lointains étaient adressés au sénat et au peuple, et où ceux qui se défiaient des historiens pouvaient chercher la vérité en comparant leurs récits aux actes publics[199]. Ce n'est pas qu'il n'eût entre les mains ceux du temps des Césars, qu'il désigne souvent par le même mot[200] ; mais on reconnaît dans tout ce passage qu'il n'a plus la même confiance pour cette publication, surveillée, altérée, et quelquefois interdite par l'autorité d'un seul maître.

Si l'on trouve ici une nouvelle preuve que la publication des actes du sénat et du peuple avait commencé et s'était perpétuée longtemps avant l'Empire, ce ne peut être, j'en conviens, une raison pour croire qu'il y eût alors, ou même sous l'Empire, des entrepreneurs de feuilles véritablement quotidiennes, quoique le mot de journaliste se lise presque dans le code Théodosien diurnarii[201] ; ni pour se figurer des bureaux de rédaction, des abonnements, des distributeurs partant à heure fixe des ateliers d'un copiste en chef, ou des magasins de Sosie le libraire. Il n'est pas non plus nécessaire de prétendre que la publication des actes, surtout de ceux du sénat, ennemi des innovations et encore plus de César, ne fut jamais interrompue, et qu'elle se maintint aussi régulière que celle de nos journaux. Et cependant il est certain qu'elle triompha, sous quelque forme qu'on se la représente, de bien des obstacles et des dangers, puisque suspendue en vain par un ordre suprême d'Auguste tout-puissant[202], et bientôt reprise, à condition d'être censurée par Tibère et par Domitien[203], elle dura, comme l'attestent Vopiscus[204] et les codes[205], jusque vers les derniers temps du despotisme romain.

A ces divers motifs de penser que les journaux, pour leur conserver le nom qu'ils avaient déjà, ont été en usage à Rome non-seulement avant l'Empire, mais avant l'année 694 ; aux textes nombreux que j'ai recueillis, pour éclaircir ce point, dans les débris qui nous restent de l'antiquité latine, on peut ajouter enfin une raison morale, qui semble dominer toutes les autres, C'est la nature même de l'esprit humain.

Dans un gouvernement où l'ambition était excitée et tenue en éveil à tous les instants, où l'immense chaîne des intérêts et des espérances embrassait au loin tous les rangs des citoyens, où l'ascendant de l'homme public se formait de l'appui unanime des tribus, des municipes, des colonies, et même des nations étrangères, la parole, ce grand instrument politique, ne suffisait pas aux communications entre les patrons et les clients, entre Rome et tous les peuples. Comment, surtout depuis que l'industrie grecque vint exploiter la fortune de Rome, comment supposer qu'un affranchi ; un Grec ingénieux et actif, un Chrestus, n'imaginât pas de rapprocher par une rapide correspondance tous ces membres du vaste corps dont les suffrages donnaient la puissance et la gloire ? Admettons que le sénat se fût obstiné pendant plus de six siècles à envelopper presque tous ses, actes d'un impénétrable silence : il y allait peut-être de sa domination. Mais le sénat, depuis les Gracques et Marius, n'était point Rome tout entière. Est-ce que le peuple qui, souvent oublié dans le sénat, régnait du moins au forum, et qui n'avait pas intérêt à étouffer dans cette étroite enceinte la voix de ses tribuns, ses plébiscites, ses jugements, ses élections, avait dû attendre si longtemps du caprice ambitieux d'un consul une tardive publicité ? est-ce qu'il n'avait jamais songé à faire retentir aussitôt ses félicitations ou ses menaces jusqu'aux derniers confins de son empire ? est-ce qu'il avait toujours compté sur Castor et Pollux pour faire parvenir aux sept collines quelque nouvelle des fils de Mars ? A qui persuadera-t-on qu'un général dans sa province lointaine, Sylla combattant Mithridate, Pompée luttant contre Sertorius, ne pût apprendre que de la complaisance de ses amis les vicissitudes d'une ville où se réglaient ses destinées, et que lui qui faisait partir tous les jours des rapports au sénat et au peuple, il n'en reçût aucun sur les délibérations souveraines, sur les commotions civiles, qui d'un moment à l'autre pouvaient en faire un vainqueur ou un vaincu, un dictateur ou un proscrit ? et que même aux portes de Rome, dans leurs villa de Tusculum ou de Tibur, les chefs de cette grande nation gouvernée par les comices n'eussent pas soin de se faire apporter chaque jour le bulletin des discours de Saturninus, le nombre des voix obtenues par Vatinius ou par Caton ?

C'est ce même besoin des esprits, ces mêmes sollicitudes de la vie politique, qui firent naître la gazzetta vénitienne, d'abord manuscrite[206], et qui chez nous ont fait circuler les nouvelles à la main, longtemps avant que l'imprimerie pût librement répandre les faits de chaque jour, de chaque heure, avec une prodigieuse rapidité.

On peut être trompé par les calculs de l'érudition, souvent incomplète, défectueuse, et dont les richesses s'accroissent si lentement ; il est rare qu'on le soit par les témoignages tirés du cœur et des passions de l'homme. L'érudition même, par ses conquêtes récentes, nous autorise à une autre induction non moins spécieuse ; et lorsqu'un texte inattendu des Lettres de Fronton à Marc-Aurèle vient de nous apprendre qu'il y avait des relais de poste au temps de Caton l'ancien[207], il est bien permis de croire qu'il y avait des journaux avant César.

 

 

 



[1] Suétone, Cæsar, c. 20.

[2] Tacite, Annales, V, 4.

[3] Denys d'Halicarnasse, IV, 18.

[4] Tite-Live, IV, 8 ; VI, 27 ; XLIII, 16.

[5] Tacite, Annales, XIII, 28 ; Capitolin, M. Aurèle, c. 9 ; Gordien, c. 4. On peut voir, sur ces deux témoignages de Capitolin, H.-J. Arntzenius, Act. societatis Rheno-trajectinœ, t. I, p. 146. Voyez aussi, Lampride, Anton. Diadumène, c. 6.

[6] Cicéron, Epist. fam., VIII, 7.

[7] Sénèque, de Benef., III, 16.

[8] Juvénal, II, 136 ; IX, 84.

[9] Suétone, Tibère, c. 5 ; Caligula, c. 8 et 36.

[10] Apolog., pag. 577, t. II, Oudendorp.

[11] Loc. cit.

[12] XXII, 3, 29 ; XXVII, 1, 2, etc.

[13] Polybe, II, 23, 24.

[14] Dion, XLVIII, 44, ές τά ύπομνήματα, ce qui ne veut pas dire in sua commentaria, comme on lit dans la traduction latine, trop fidèlement suivie par R. Wilmans, de Dionis Cassii fontibus, Berlin, 1836, p. 21.

[15] Servius, ad Georg., II, 502.

[16] Suétone, Néron, c. 39.

[17] Chronique d'Eusèbe, époque de Vespasien, éd. de 1658, p. 163.

[18] Démosthène, de Cor., c. I, p. 243, éd. de Reiske ; Eschine, adv. Ctesiph., c. 10, p. 375, éd. de Taylor c. 28, p. 394, etc.

[19] Digeste, passim ; Dion, LXXI, 28 ; Lampride, Alex. Sévère, c. 33 ; Ammien Marcellin, XXV, 3.

[20] Et acta super eo gesta non sine magno legebantur horrore, quam id voluminis publici contineret exordium : CONSULATU TAURI ET FLORENTII, INDUCTO SUB PRÆCONIBUS TAURO. Ammien, l. c.

[21] Cod. Théodosien, II, 29, 2 ; Cod. Justinien, IV, 3, 1 ; Symmaque, Epist., X, 36, etc.

[22] Au sujet de son ouvrage intitulé : Acta contra Fortunatum Manichœum, saint Augustin dit, Retractation., I, 16 : Quæ disputatio, nobis altercantibus, excepta est a notariis, veluti Gesta conficerentur ; nam et diem habet, et consulem. En effet, l'ouvrage commence ainsi : QUINTO KALENDAS SEPTEMBRIS, ARCADIO AUGUSTO BIS ET RUFINO VIRIS CLARISSIMIS CONSULIBUS. Voyez aussi de Trinitate, III, 11, etc.

[23] Gruter, Inscript., 445, 10 ; Muratori, 838, 3 ; Marini, Atti degli Arvali, p. 792.

[24] J.-L. Lydus, de Magistratib., p. 182.

[25] Supplem. ad Thesaur. antiquitat., t. I, p. 1088.

[26] De Oratorib., c. 37.

[27] De Oratorib., c. 26.

[28] De Oratorib., c. 17.

[29] De Oratorib., c. 32.

[30] Pline, Epist., I, 18 ; II, 5, 19 ; IX, 15.

[31] Cicéron, de Officiis, II, 1 ; Orat., c. 43 ; Epist. fam., X, 28. Voyez sur la formule agere cum populo, XIII, 15 ; Macrobe, Saturnales, I, 16, et les commentateurs de Cicéron, pro leg. Manil., c. 1.

[32] Pline, XXXVII, 6.

[33] Cicéron, pro Domo, c. 31.

[34] Cicéron, Philippiques, I, 7 et suivantes.

[35] Cicéron, de Legib., III, 4.

[36] Suétone, Claude, c. 11 ; Domitien, c. 20.

[37] Tacite, Annales, I, 72 ; IV, 42, etc.

[38] Dion, LVII, 8.

[39] Appien, Bell. civ., V, 75.

[40] Dion, XLVIII, 34.

[41] Suétone, Domitien, c. 20.

[42] Dans Vopiscus, Aurélien, c. 12.

[43] Pars actorum Diocletiani et Maximiani AA. et CC., Code, X, 47, 2, etc.

[44] Ærarium militare. Voyez Suétone, Auguste, c. 49 ; Tacite, Annales, I, 78 ; Dion, LV, 25, etc.

[45] ... Quotidie adscribitur octis majore prope diligentia, quam res annonaria vel civilis polyptychis adnotatur. Végèce, II, 39. Voyez aussi II, 7.

[46] Ap. Gruter, p. 563, 1.

[47] Ap. Reines., p. 527.

[48] Aur. Victor, de Cæs., c. 33 ; Ammien, XX, 5 ; XXV, 10 ; Code, XII, 50, 7, etc.

[49] Suétone, Cæsar, c. 55 ; Sénèque, Epist. 33.

[50] Pag. 2234, Putsch.

[51] Pag. 2287.

[52] Pag. 2328.

[53] Gruter, p. 260, 1.

[54] Dion, LXXIX, 2.

[55] Lampride, Alex. Sévère, c. 21.

[56] Marini, Atti degli Arv., p. 499.

[57] Digeste, III, 2, 2 ; XLIX, 16, 13 ; Marini, Atti, p. 433 et suivantes.

[58] Le titre de Veteranis (Cod. Théodosien, VII, 20, 2 ; Cod. Justinien, XII, 47, 1) donne une idée des actes militaires au temps de Constantin.

[59] Végèce, III, 6.

[60] Tite-Live, IV, 11.

[61] Tite-Live, XLII, 4 ; Valère Maxime, II, 2, 1.

[62] Valère Maxime, II, 2, 1.

[63] Aulu-Gelle, I, 23. Sur le groupe de la villa Ludovisi, où l'on croyait reconnaître Papirius et sa mère, v. Winckelmann, Storia delle arti del disegno, éd. de Rome, t. I, p. xxvj ; t. II, p. 344 ; Visconti, Opere varie, éd. de Milan, t. I, p. 158, etc.

[64] Polybe, III, 20.

[65] Denys d'Halicarnasse, XI, 21, etc.

[66] Cicéron, pro Sulla, c. 14, 15 ; J. Capitolin, Gordien, c. 12 ; Hérodien, VII, 10.

[67] Cicéron, ibid.

[68] Inscript. ap. Gruter, p. 458, 6.

[69] Atti degli Arvali, p. 790.

[70] Annales, V, 4.

[71] Spartien, Hadrian., c. 3.

[72] Acta ou commentarii. Tacite, Annales, XV, 74.

[73] Cicéron, pro Sulla, c. 14, 15.

[74] Dion Cassius, fragment 162, t. I, p. 154, éd. de Sturz.

[75] Tite-Live, XXXIX, 8-19 ; fac-simile du décret dans l'édition de Drakenborch, t. VII, p. 197. Voyez Bœttiger, Opuscula, p. 216, etc.

[76] Suétone, de Cl. rhet., c. 1 ; Aulu-Gelle, XV, 11.

[77] Gruter, p. 204, etc. A Gênes, au tribunal de commerce, derrière les juges.

[78] Aulu-Gelle, IV, 6.

[79] Gruter, p. 503 ; Brisson, de Formul., p. 266, éd. de 1583.

[80] Gruter, p. 499, 12 ; Kircher, Vet. et nov. Latium, III, 6 ; Volpi, Vet. Lat., t. X, p. 61, etc. L'inscription sur bronze, que l'on croyait perdue depuis un siècle, fut retrouvée à Rome par Visconti : v. Iconogr. rom., t. I, p. 131, éd. de Milan.

[81] Brisson, de Formul., p. 297 ; Marini, Atti, p. 421.

[82] Voyez les Cénotaphes de Pise publiés par Noris, et dans les Inscript. de Gori, t. II, p. 10.

[83] Commentarii principales, Tacite, Hist., IV, 40 ; diurni commentarii, Suétone, Auguste, c. 64 ; commentarii, Trajan, ap. Plin. Epist., X, 106.

[84] Muratori, Inscript., p. 315, 3.

[85] Gruter, Inscript., p. 307, 1, etc.

[86] Reinesius, Inscript., p. 399 ; Muratori, p. 892, 11 ; Lampride, Alex. Sévère, c. 31.

[87] Suétone, Domitien, c. 11.

[88] Marini, Atti, p. 518. Ou bien encore, procurator ab ephemeride, Gruter, p. 474, 4 ; procurator rationis privatarum summarum, Muratori, p. 172, 2 ; Oderici, Dissertat., p. 199 ; tabularius rationis patrimonii Cœsarum, Gruter, p. 589, 8 ; Muratori, p. 2042, 7. Et plus tard, rationalis, Lampride, Alex. Sev., c. 45, 46, etc. ; rationarius, Ammien Marcellin, XV, 5. On lit aussi ce titre nouveau, procurator usiacus (ούσιακός, τής ούσίας), dans une inscription expliquée par M. Letronne, Statue de Memnon, p. 198.

[89] Adjutores ab actis, Marini, Iscrizioni Albane, p. 55 ; ou a commentariis, Donati, Inscript., t. II, p. 327, 7 ; ou a rationibus, Gruter, p. 318, 5 ; ou tabulariorum a rationibus, id., p. 589, 7 ; ou rationalium, Doni, cl. VII, n. 179, etc. Voyez Jac. Gouthières, de Officiis domus Augustœ, II, 13 ; III, 35.

[90] In codice accepti et expensi, Cicéron, pro Rosc. com., c. 2 ; accepti tubulas omnes, id., in Verrem, I, 23, et le scholiaste ; ad ephemeridem revertitur, id., pro Quint., c. 18 ; ex ephemeride, Corn. Nepos, Attic., c. 13.

[91] Properce, III, 23, 19 ; Ovide, Amor., I, 12, 25.

[92] Controverses, V, 33.

[93] De Benef., VII, 10, etc. D'où la charge de curator kalendarii dans les municipes (sur laquelle on peut voir les Lettres de Reinesius à Rupert, Leipzig, 1660, p. 86), et les employés nommés kalendares, Gruter, p. 478, 9.

[94] Juvénal, VI, 483, où le scholiaste explique diurnum par ratiocinium, dans le sens de rationes, Columelle, I, 4, et de rationarium, compte rendu de l'administration d'Auguste, Suétone, Auguste, c. 28. Voyez Chr.-Fr. Wolle, de Rationario imp. rom., Leipzig, 1773, p. 11.

[95] Columelle, I, 7 et 8. Actor paraît exprimer une charge publique dans une inscription des syringes de Thèbes. Letronne, Statue de Memnon, p. 249.

[96] Pline, Epist., III, 19.

[97] Pétrone, c. 53.

[98] Suétone, Tibère, c. 5 ; Caligula, c. 8 et 36 ; Cicéron, Epist. fam., VIII, 7, 11.

[99] Quotiens annona cara. Caton dans Aulu-Gelle, II, 28.

[100] Tite-Live, XIX, 63 ; XXIV, 47, etc.

[101] Cicéron, Epist. fam., VIII, 7 ; et II, 15 : In astis non erat.

[102] Aulu-Gelle, II, 13 ; XIII, 3, etc.

[103] Cicéron, de Legib., I, 2.

[104] Annales libri tantummodo quod factum est, quoque anno gestum sit, ea demonstrabant ; id est eorum quasi qui diarium scribunt, quam Græci άφημερίδα vocant. Nobis non modo satis esse vidéo quod factum esset id pronuntiare, sed etiam quo consilio quaque ratione gesta essent demonstrare. Ap. Aulu-Gelle, V, 18.

[105] Cicéron, de Orat., II, 12 ; Dodwell, Append. ad prœlect. Camden., p. 656.

[106] Voyez Mémoires de l'Académie des Inscriptions, t. XVII, p. 597 ; Notices des manuscrits, t. I, p. 68 ; t. II, p. 546, etc. Il ne faut pas confondre avec le journal, diarium, comme celui de Bureard, le Diurnal, ou livre des prières du jour, ni le Liber diurnus romanorum pontificum, espèce de recueil de formules à l'usage particulier de l'église de Rome, publié par le père Jean Garnier (Paris, 1680), et qu'il rapporte au septième ou au huitième siècle.

[107] Etymolog., I, 43.

[108] Les grammairiens latins en font une règle, Carisius, I, p. 21 ; Analecta grammatica, Vienne, 1836, p. 100. Quotidiana se disait pareillement de la distribution qui se faisait chaque jour aux chanoines. Voyez ce mot dans le Glossaire de Du Cange.

[109] Plutarque, Alex., c. 23, 76 ; Symposiac., I, 6, 1 ; Arrien, Alex., VII, 25 ; Athénée, X, 44 ; Elien, Hist. div., III, 23.

[110] Lucien, Éloge de Démosthène, c. 26 ; Polybe, XVIII, 16.

[111] Nonius, II, 22 ; Auct. Itinerar. Alexandri, c. 6 ; Priscien, VI, p. 711, Putsch.

[112] Ad Æn., XI, 743.

[113] Vie de César, c. 22.

[114] Trébellius Pollio, Gallien, c. 18.

[115] Vopiscus, Aurelian., c. 1 ; Carus, c. 4 ; Probus, c. 2.

[116] Philostrate, Vitæ Sophist., II, 9.

[117] Géoponiques, II, 45.

[118] Comme dans Plutarque, de Vitando ære alieno, c. 5.

[119] Aulu-Gelle, XIV, 8 ; Pline, VII, 45.

[120] Servius, ad Æn., I, 373.

[121] Pline, II, 57.

[122] Plutarque, Caton, c. 17.

[123] Dion Cassius, XLVII, 6.

[124] LVII, 16.

[125] Dion, XLIV, 11 XLVIII, 44 ; LVII, 21 ; LX, 33 ; LXVII, 11 ; LXXI, 28 ; LIII, 19 ; LVII, 12 ; LVII, 23.

[126] Vopiscus, Probus, c. 2.

[127] Lydus, de Magistratibus, III, 20.

[128] Dies s'est dit aussi pour diarium ou diarnum, s'il n'y a point de faute dans ce texte où Arnobe rapproche les Annales et les journaux, VII, 9 : Quanta vix explicari decem millibus queant vel Annalium, vel dierum.

[129] Macrobe, Saturnales, II, 10.

[130] Quintilien, X, 2.

[131] De Oratorib., c. 21.

[132] Frontonis Epist. ad Antonin. imp., II, 1, éd. de Rome, p. 157, où Mgr Mai restitue par conjecture dans une lettre de Marc-Aurèle : Legi ex Cœlio paullulum.

[133] Commentarium rerum urbanarum. Apud. Cicéron, Epist.fam., VIII, 2, 11.

[134] Apud. Cicéron Epist. fam., II, 8 : Quid ? tu me hoc tibi mandasse existimas, ut mihi gladiatorum compositiones, ut vadimonia dilata, et Chresti compilationem mitteres, et ea, quæ nobis, quum Romæ sumus, narrare nemo audeat ?

[135] Onomastic. Talliunum, p. 144, Zurich, 1836.

[136] The Life of Cicero, sect. 7, tom. II, p. 162, éd. de Bâle. Il traduit : and Chrestus's news-letter.

[137] Lexicon Ciceronian., au mot Compilatio.

[138] Au même mot.

[139] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 1.

[140] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 1.

[141] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 8, 12.

[142] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 2.

[143] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 13.

[144] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 3, 4, 14.

[145] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 6, 13.

[146] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 7.

[147] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 6, 17.

[148] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 1, 15.

[149] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 5.

[150] Cœlius, ap. Cicéron Epist. fam., VIII, 15.

[151] Obsessus est etiam [Pompeius] a liberto Clodii Damione, ut ex actis ejus anni cognovi, in quittas XV kal. septembr. L. Novius, tribunus plebis, collega Clodii, quum Damio adversus Flavium prœtorem appellaret tribunos, et tribuni de appelatione cognoscerent, ita sententiam dixit : Et hoc apparitore P. Clodii vulneratus sum ; et hominibus armatis, prœsidiis a dispositis, a republica remotus sum ; Cn. Pompeius obsessus est. Quum appeler, non utar ejus exemplo, quem vitupero, et judicium tollam. Et reliqua de intercessione. Asconius, ad Cicéron orat. pro Milone, p. 47, ed. Orelli, 1833.

[152] Asconius, ad Cicéron orat. pro Scauro, p. 19. Ailleurs, Onomast., 1838, part. III, p. 321, au lieu de postridie, on préfère pridie d'après les manuscrits.

[153] Lateribus coctis pluisse, in ejus anni acta relatum est. Pline, II, 57. Et Lydus d'après lui, de Ostent., c. 6.

[154] A. d. XIII kal. febr. (acta enim magis sequenda et ipsam orationem, quæ actis congruit, puto quam Fenestellam, qui a. d. XIV kal. febr. tradit) Milo Lanuvium, etc. Asconius, ad orat. pro Milone, p. 32.

[155] Asconius, ad orat. pro Milone, p. 49.

[156] Asconius, ad orat. pro Milone, p. 44. Cette explication, qui se rapporte au chap. 6 du plaidoyer pour Milon a été citée avec raison par Chapman, Essai sur le sénat romain, p. 264 de la trad. fr.

[157] De Oratorib., c. 37. Voyez plus haut.

[158] Cicéron, Epist. ad Attic., VI, 2.

[159] Dion, XLIV, 11.

[160] Ad. h. l.

[161] Dion, LXXVIII, 22.

[162] Cicéron, Philippiques, II, 34 : At edam adscribi jussis in fastis ad Lupercalia, C. Cæsari dictatori perpetuo M. Antonium consulem populi jussu regnum detulisse, Cæsarem uti noluisse.

[163] Ap. Cicéron, Epist. fam., VIII, 4, 11.

[164] Cicéron, Epist. fam., VIII, 8.

[165] Epist. ad Attic., I, 19 ; IV, 2 ; Epist. fam., I, 1, 2 ; X, 12, 16 ; Epist. ad Quint. fr., II, 1, 3, etc.

[166] Voyez Beaufort, République romaine, t. I, p. 463.

[167] Cicéron, Epist. fam., IX, 15.

[168] Dion, XLIV, 7.

[169] Cicéron, Philippiques, V, 4 ; Epist. fam., XII, 1.

[170] Tacite, de Oratorib., c. 38.

[171] République, VIII, 13.

[172] Pline, VII, 11.

[173] Suétone, Auguste, c. 38.

[174] Ne acta senatus publicarentur. Suétone, Auguste, c. 36.

[175] Suétone, Auguste, c. 26.

[176] Dion, LVII, 21.

[177] Tacite, Annales, XVI, 21.

[178] Dion, LXVII, 11.

[179] Saint Augustin, Epist. 213, etc.

[180] Tacite, Annales, XV, 74.

[181] Tacite, Annales, XII, 69, etc.

[182] Suétone, Domitien, c. 13 ; Dion, LXVII, 13 ; Aurélius Victor, de Cæs., c. 11.

[183] J. Capitolin, Gordien, c. 5 ; Maximin, c. 16, 26, etc.

[184] Lampride, Alex. Sévère, c. 6-12, 56.

[185] Pollion, Claude, c. 4, 18.

[186] Vopiscus, Aurelian., c. 13, 14 ; Tacite, c. 4, 15 ; Probus, c. 11, etc.

[187] Symmaque, Novem orationum partes, Rome, 1823, p. 61.

[188] J.-Aug. Ernesti, Excurs. ad Sueton. Cæs., c. 20 ; et dans ses Opuscula, Leyde, 1782, p. 45.

[189] Cicéron, de Orat., II, 12.

[190] Epist. fam., VIII, 1.

[191] Epist. fam., II, 8.

[192] Epist. fam., VIII, 1.

[193] Habebam acta urbana usque ad nonas martias. Epist. ad Attic., VI, 2.

[194] Epist. fam., VIII, 7.

[195] De Ocella parum ad me plane scripseras : et in actis non erat. Epist. fam., II, 15.

[196] Rerum urbanarum acta tibi mitti certo scio. Quod ni ita putarem, ipse perscriberem. Epist. fam., XII, 23.

[197] Cicéron, Epist. ad Attic., XIII, 15, 32, etc.

[198] Urbana acta transcribe. Pline, Epist., IX, 15.

[199] Dion, LIII, 19.

[200] Dion, LIII, 19 et passim.

[201] Cod. Theod., VIII, 4, 8.

[202] Suétone, Auguste, c. 35.

[203] Dion, LVII, 21 ; LXVII, 11.

[204] Vopiscus, Probus, c. 2.

[205] Préambule de code Théodosien, Gesta in senatu urbis Romæ, etc.

[206] Voyez Ménage, Origini della Lingua italiana, Genève, 1685, page 246, au mot Gazzetta.

[207] Epist. ad Antonin. imp., I, 2, pag. 150 de l'éd. de Rome.