I. — L'OFFRE DU TRÔNE D'ESPAGNE AU PRINCE DE HOHENZOLLERN. LA Révolution espagnole de 1868 avait chassé la reine Isabelle, mais les officiers qui avaient pris le pouvoir tenaient à maintenir la royauté en Espagne. L'assemblée des Cortès décida de choisir un roi. Napoléon préférait Alfonse, fils d'Isabelle, et désirait écarter le duc de Montpensier, fils de Louis-Philippe, mais il avait déclaré qu'il reconnaîtrait tout gouvernement issu de l'élection. Les Espagnols cherchèrent longtemps un prince qui consentit à régner sur un peuple en révolution. Le prince de Portugal et deux princes de la famille royale d'Italie refusèrent. Un député espagnol, Salazar, proposa le frère du prince de Roumanie, Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen. Ces princes catholiques n'avaient avec les Hohenzollern de Prusse qu'une parenté très éloignée, datant du XIIIe siècle ; mais leur père, Antoine, avait cédé son territoire au roi de Prusse, et avait été premier ministre de Guillaume en 1858. L'idée venait de Bismarck, qui menait l'affaire très secrètement, d'accord avec le général Prim,. chef du gouvernement espagnol. Voulait-il placer à la frontière française un roi dévoué à la Prusse, pour obliger la France en cas de guerre à immobiliser des troupes sur les Pyrénées ? ou remporter un succès diplomatique en établissant un prince prussien en Espagne malgré le gouvernement français ? L'opération, assurément dirigée contre la France, ne pouvait pourtant être un guet-apens pour entraîner l'Empereur à la guerre malgré lui ; on ne pouvait calculer si longtemps d'avance des faits qui échappaient à toute prévision. Bismarck manœuvra en secret pour surprendre la France, comme il avait surpris l'Autriche et la Russie en 1866 en envoyant Charles de Hohenzollern en Roumanie ; il mit longtemps à faire accepter l'opération au roi Guillaume, et au prince Antoine, chef de la famille. L'offre fut faite à trois reprises. 1° Dans l'automne de 1869, Salazar, probablement à la solde de Bismarck, alla voir en Allemagne le prince Léopold, qui mit pour condition le consentement de Guillaume et de Napoléon, ce qui équivalait à un refus. Le projet fut connu vaguement de l'ambassadeur français à Madrid, qui le désapprouva. 2° En février 1870, Salazar vint à Berlin avec deux lettres de Prim, il vit Bismarck et le roi. Ce fut pour Guillaume, qui n'était pas encore dans le secret, un coup de tonnerre dans un ciel serein ; il se déclara opposé en principe. Mais l'offre de la couronne, devenue un secret d'État, fut discutée par un Conseil des princes et de quelques confidents, qui fut unanime à l'accepter comme un devoir patriotique prussien (15 mars). Léopold refusa ; on proposa son frère Frédéric, il refusa. 3° Bismarck, sans prévenir son roi, envoya en Espagne, pour s'informer des chances de succès, deux agents secrets, un officier et un fonctionnaire des Affaires étrangères, Lothar Bucher, ancien socialiste rallié, avec l'ordre d'éviter tout ce qui pourrait susciter une fermentation en France, par conséquent de mentionner son nom. Si on fait du bruit en France, nous répondrons simplement : — Voulez-vous dicter les décisions de la nation espagnole et d'un particulier allemand ? Son jeu était de présenter l'élection du prince comme une question à régler entre le gouvernement espagnol et la famille des Sigmaringen, en dehors du roi de Prusse. Cette fiction mettait le gouvernement français dans l'alternative, ou d'assister impuissant à l'élection, ou de révolter le sentiment national des Espagnols en intervenant dans leurs affaires intérieures. Cette manœuvre exigeait le secret absolu : Bismarck se cachait même de son roi ; les dépêches de Madrid étaient envoyées à Léopold. Le prince royal de Prusse, d'accord avec Bismarck, finit par prévenir son père (29 mai). Guillaume, mécontent qu'on eût opéré à son insu, ne consentit pas tout d'abord. Prim ayant fait en Espagne une allusion à l'élection d'un roi, Napoléon, alors à Vichy, chargea l'ambassadeur français Mercier de se renseigner sur le bruit qui courait d'une intrigue d'un prince prussien. Prim nia. Bismarck obtint enfin le consentement écrit de Guillaume (21 juin). Mais, l'affaire ayant traîné, Prim avait laissé ajourner l'Assemblée des Cortès chargée de l'élection et, quand Salazar revint en Espagne, apportant l'adhésion du prince (26 juin), Prim était absent. Il fallut, pour convoquer les Cortès, s'adresser au président Zorilla, qui n'était pas dans le secret. Zorilla, étonné, avertit le directeur du journal la Epoca, qui rendit l'affaire publique. Le secret fut éventé, le coup préparé par Bismarck était manqué. Prim, en arrivant à Madrid, avoua sa déception ; mais il pria l'ambassadeur français de l'aider à faire accepter de l'Empereur cette nouvelle peu agréable. II. — LA PROTESTATION DE LA FRANCE. NAPOLÉON, désagréablement surpris, fit aussitôt protester en Espagne et en Prusse. Gramont télégraphia aux agents français, à ceux de Madrid de combattre avec tact et prudence l'intrigue ourdie par Prim et la Prusse contre la France, à ceux de Berlin de dire : Nous ne pouvons voir sans quelque surprise un prince prussien chercher à s'asseoir sur le trône d'Espagne. Comptant faire impression par une attitude énergique, il déclara à l'ambassadeur prussien que la France ne tolérerait pas l'élection du prince. Ce ton, pris dès le début, engageait le conflit ouvert entre la France et la Prusse. En Prusse, le personnel du gouvernement était absent de Berlin : le roi prenait les eaux à Ems, Bismarck se reposait dans son domaine. Le chargé d'affaires français, qui remplaçait l'ambassadeur français Benedetti en congé, ne trouva au ministère qu'un subalterne, qui déclara ne rien savoir et attendre les ordres du roi. C'était peut-être un plan concerté, pour laisser le temps de faire l'élection en donnant au gouvernement prussien l'attitude officielle de spectateur désintéressé. A Paris, l'opinion fut irritée. Les journaux publièrent des articles violents ; ils parlèrent de reconstitution de l'empire de Charles-Quint, de proconsul prussien ; Vaillant écrivait dans son carnet (5 juillet) : Il me semble que c'est la guerre, ou à bien peu près. Le Conseil, tenu le 6 au matin à Saint-Cloud, discuta la guerre et demanda à Lebœuf si l'armée était prête : Lebœuf loua l'armée, sa discipline, son fusil, ses mitrailleuses. On parla des alliances possibles : l'Empereur donna lecture des lettres échangées en 1869 entre lui et les souverains d'Autriche et d'Italie ; le Conseil eut l'impression d'une promesse de secours. Au Corps législatif, en réponse à une interpellation, Gramont lut une déclaration où il se défendait de toute immixtion dans les affaires espagnoles. Mais nous ne croyons pas que le respect des droits d'un peuple voisin nous oblige à souffrir qu'une puissance étrangère, en plaçant un de ses princes sur le trône de Charles-Quint, puisse déranger à notre détriment l'équilibre des forces en Europe, et mettre en péril les intérêts et l'honneur de la France. Le gouvernement compte à la fois sur la sagesse du peuple allemand et l'amitié du peuple espagnol ; mais il saurait remplir son devoir sans hésitation et sans faiblesse. Les formes polies n'empêchaient pas d'apercevoir la menace finale, le défi à la Prusse apparaissait sous l'évocation solennelle du trône de Charles-Quint. La majorité applaudit, les députés de gauche crièrent : C'est la guerre. A la Bourse, le 3 p. 100 baissa de 1 fr. 40. Le gouvernement travailla à faire avorter la candidature. Gramont et Ollivier, ayant étudié ensemble les cas où une couronne avait été offerte à un membre de la famille régnante d'un grand État, résumèrent les précédents (Belgique, Espagne, Grèce) en deux règles : aucune grande Puissance ne doit laisser accepter à un de ses membres un trône contre le gré d'une autre puissance ; — l'État qui réclame doit s'adresser, non à la nation qui offre le trône, mais à la famille du prince. Ils décidèrent, suivant ces précédents, de s'adresser au roi de Prusse. Benedetti reçut l'ordre d'aller à Ems faire auprès de Guillaume une démarche verbale confidentielle. Ce procédé, contraire à l'étiquette, permettait, en surprenant le roi loin de Bismarck, de l'amener à se désintéresser d'une affaire où on l'avait engagé malgré lui. Guillaume avait écrit à la reine (5 juillet) : La bombe espagnole a éclaté d'un coup, mais tout autrement qu'on avait dit. Puis (7 juillet) : Entre nous, je verrais volontiers que Léopold ne fût pas élu. Bismarck, connaissant ses sentiments, lui écrivit de ne pas traiter avec Benedetti, et de le renvoyer à son ministre des Affaires étrangères. Les instructions officielles de Benedetti lui prescrivaient de prier le roi d'intervenir pour conseiller au prince de refuser : ce serait rendre service à la paix. et affermir les bons rapports avec la Prusse (7 juillet). Une lettre privée de Gramont indiquait le but véritable : Nous savons que le prince a combiné l'affaire avec le gouvernement prussien.... Voici la seule réponse qui puisse nous satisfaire et empêcher la guerre : Le gouvernement n'approuve pas l'acceptation du prince, et lui donne l'ordre de revenir sur cette détermination.... Nous sommes très pressés, parce qu'il faut prendre les devants... et commencer les mouvements de troupes.... Si vous obtenez du roi qu'il révoque l'acceptation, ce sera un immense succès... ; sinon, c'est la guerre. Gramont voulait forcer la Prusse à découvrir son jeu en reconnaissant son échec publiquement et vite, et déjà il prévoyait la guerre. Guillaume, à Ems, reçut Benedetti le 9, et lui répondit en se maintenant dans la fiction que le gouvernement prussien était étranger à l'affaire : lui-même, comme chef de famille, n'avait pas encouragé le prince à accepter ; si le prince retirait son acceptation, il n'interviendrait pas: c'est à Madrid que la France devait agir. Cette réponse désappointa Gramont, qui cherchait un succès diplomatique. Il craignit une manœuvre dilatoire destinée à attendre la réunion des Cortès. Un Conseil tenu le 10 décida de télégraphier à Benedetti que le gouvernement, débordé par l'opinion, voulait une réponse. Napoléon prévint Victor-Emmanuel que, s'il recevait une réponse négative ou évasive, il marchait, et qu'il comptait sur l'Italie et l'Autriche. Le 11, un Conseil discuta les mesures militaires, Gramont y lut deux dépêches de Benedetti. Il avait rencontré à la promenade le roi, qui lui avait dit n'avoir encore aucune réponse du prince ; il avertissait Gramont que la guerre deviendrait inévitable si la France faisait des préparatifs militaires. Le Conseil n'autorisa que le rappel des soldats en permission. L'ambassadeur autrichien transmit le 11 les conseils de prudence envoyés par Beust le 9 : ne pas s'attaquer au roi de Prusse, traiter la question en question espagnole, sinon, l'Allemagne du Sud suivrait la Prusse. Mais la majorité du Corps législatif s'énervait d'attendre. Pour la calmer, Gramont déclara qu'il attendait une réponse d'où dépendrait sa résolution. La droite, pour faire tomber le ministère, affecta de traiter l'affaire d'Espagne comme secondaire : quand elle serait réglée, il faudrait poser la question du traité de Prague et forcer la Prusse à un Congrès. Gramont, intimidé, télégraphia à Benedetti (11 juillet au soir) que son langage ne répondait plus à la position prise par le gouvernement : il devait l'accentuer. Nous demandons que le roi défende au prince de persister dans sa candidature. Guillaume avait reçu le 10 une lettre du prince Antoine, très déconcerté par l'émotion de la France, mais trop engagé pour reculer ; il en avertit Benedetti (le 11), et dit que la décision devait venir du prince Léopold, parti pour un voyage. Il se plaignit des armements de la France, et promit la paix si on lui laissait le temps. Benedetti insistant sur le danger d'un retard, le roi l'autorisa à télégraphier qu'il espérait recevoir le lendemain un message de Léopold, et l'invita à dîner. Il gardait un ton cordial, mais ne voulait plus s'occuper seul de l'affaire ; il ordonna à son ambassadeur à Paris de regagner son poste. III. — LE REFUS DU PRINCE DE HOHENZOLLERN. PENDANT ces négociations avec le roi de Prusse, Napoléon agissait par des moyens personnels sur les deux parties directement intéressées, le gouvernement espagnol et le prince de Hohenzollern. Il profitait de l'antipathie du général Serrano à l'égard de Prim pour lui demander à titre de service personnel d'engager le prince Antoine à décider son fils à se retirer. Sur les Hohenzollern Napoléon agit par le moyen de l'agent du prince Charles de Roumanie à Paris, Strat, que l'ambassadeur espagnol lui amena en secret la nuit à Saint-Cloud. Le prince Antoine était à Sigmaringen ; déjà résolu à refuser ; son fils Léopold, qui était censé voyager en Suisse, se tenait caché aux environs. Strat alla voir Antoine et lui remontra les dangers qui menaçaient un roi étranger en Espagne. Léopold et sa femme ne voulaient pas renoncer à la couronne, mais, dans cette famille où l'autorité paternelle était absolue, le père décida seul, et envoya la renonciation, au nom de son luis ; celte forme indirecte surprit le public. La nouvelle fut télégraphiée le soir (11 juillet) en chiffres à l'ambassadeur espagnol à Paris, le lendemain en clair à Prim. C'était le premier succès diplomatique de la France sur la Prusse. Un officier envoyé par Guillaume à Antoine, pour l'avertir qu'il verrait avec plaisir le retrait, arriva après la décision ; Guillaume fut satisfait d'être débarrassé d'une affaire engagée malgré lui, et mal engagée. Cela m'ôte une pierre du cœur, écrivit-il à sa femme. Bismarck, surpris et déçu, envoya un confident du roi, le prince Eulenburg, à Ems, dire qu'il considérait la guerre comme nécessaire. A Paris, la nouvelle produisit des impressions opposées. Thiers fut satisfait qu'on eût forcé la Prusse à reculer ; Guizot paria de belle victoire diplomatique. Ollivier, plein de joie, porta la dépêche au Corps législatif, la lut aux députés et annonça la nouvelle à la foule ; il croyait la paix assurée. A la Bourse, la rente haussa de deux francs. Napoléon fut partagé entre la satisfaction d'éviter la guerre et la crainte de l'opinion. Il dit aux officiers de service : C'est un grand soulagement pour moi ; une guerre est toujours une grosse aventure. Il écrivit à Ollivier qu'il faudrait, à la Chambre, bien faire sentir que c'est sur l'injonction du roi de Prusse que la candidature a été retirée, Le pays sera désappointé. Mais qu'y faire ? A l'ambassadeur italien qui le félicitait de cette grande victoire morale, il répondit : L'opinion en France aurait préféré la guerre, mais la renonciation est une solution satisfaisante. Gramont venait de télégraphier à Benedetti : Employez votre habileté, je dirai même votre adresse, à constater que la renonciation du prince nous est annoncée, communiquée ou transmise par le roi de Prusse ou son gouvernement.... La participation du roi doit à tout prix être consentie par lui ou résulter des faits d'une manière saisissable. Il fut déçu par la forme de la dépêche du prince, une notification à Prim, qui escamotait la participation du roi de Prusse à la candidature, et lui enlevait, à lui, l'occasion d'un succès personnel. IV. — DEMANDE DE GARANTIES AU ROI DE PRUSSE. LA droite du Corps législatif ne trouva pas la solution suffisante. Duvernois, l'orateur du groupe, demanda à interpeller le ministère sur les garanties qu'il a stipulées ou compte stipuler pour éviter le retour de complications successives avec la Prusse. Gramont, n'ayant pu obtenir l'aveu public de la participation passée du roi de Prusse, chercha son succès diplomatique dans une demande de garantie publique pour l'avenir. L'ambassadeur prussien, Werther, rentré à Paris, étant venu le voir, il essaya de lui faire dire que le roi avait pris part au désistement ; Werther maintint que la renonciation venait de l'initiative du prince, Gramont proposa alors, puisque le roi n'avait pas voulu être désagréable à la France, qu'il écrivît à l'Empereur une lettre amicale, dont il formula ainsi le contenu : En autorisant le prince à accepter la couronne, le roi ne croyait pas porter atteinte aux intérêts ni a la dignité de la nation française. Il s'associe à la renonciation du prince.... Ollivier, survenu pendant l'entrevue, appuya la proposition de Gramont. Werther put avoir l'impression qu'une proposition faite par le ministre des Affaires étrangères et le principal ministre représentait bien la pensée du gouvernement français. L'entourage de l'Empereur, animé des mêmes sentiments que la droite, trouvait la renonciation insuffisante ; on s'étonnait qu'elle fût signée, non du prince Léopold, mais du père Antoine. Napoléon, après une conversation avec Gramont à Saint-Cloud, fit ordonner par dépêche à Benedetti de se rendre auprès du roi pour lui demander de déclarer qu'il s'associait à la renonciation du prince et donnait l'assurance qu'il n'autoriserait pas de nouveau cette candidature. La réponse pressait : L'animation des esprits est telle que nous ne savons pas si nous parviendrons à la dominer. C'était remettre en question le succès acquis à la France par l'échec de Bismarck, et rouvrir le conflit en laissant cette fois à la Prusse le choix entre la paix et la guerre. Cette résolution décisive, Napoléon l'avait prise sans consulter le Conseil, sur l'avis du seul ministre des Affaires étrangères ; il ne se croyait pas tenu de faire approuver sa politique extérieure par un cabinet parlementaire. Les chefs de la droite vinrent à Saint-Cloud, se moquèrent de la dépêche du père Antoine, et mirent Napoléon en défiance contre une ruse des Hohenzollern. Il écrivit le soir même à Gramont, qu'après avoir relu la dépêche du père Antoine, il jugeait bon d'accentuer la position à prendre : 1° Nous avons eu affaire à la Prusse, non à l'Espagne. 2° La dépêche du prince Antoine à Prim est un document non officiel pour nous, que personne n'a été chargé de nous communiquer. 3° Léopold a accepté, c'est le père qui renonce. 4° Benedetti doit insister pour une réponse catégorique par laquelle le roi s'engagera pour l'avenir à ne pas permettre au prince Léopold, qui n'est pas engagé, de suivre l'exemple de son frère et de partir un beau jour pour l'Espagne. 5° Tant que nous n'avons pas une communication officielle d'Ems, nous ne sommes pas censés avoir eu de réponse à nos justes demandes. 6° Pas de réponse, nous continuerons nos armements. 7° Impossible de faire une communication aux Chambres avant. C'était un nouvel acte de pouvoir personnel. Ollivier et Gramont firent ajouter : Afin que nous soyons sûrs que le fils ne désavouera pas le père, et qu'il n'arrivera pas en Espagne ce qui est arrivé pour son frère en Roumanie, il est indispensable que le roi veuille bien nous dire qu'il ne permettra pas au prince de revenir sur la renonciation. Nous ne saurions considérer la renonciation... comme une réponse suffisante... encore moins y voir une garantie pour l'avenir. Le lendemain (13 juillet), le gouvernement reçut d'Autriche et d'Angleterre le conseil de ne rien demander de plus. Toute l'Europe dirait... que la France s'est jetée dans une querelle par orgueil et ressentiment, dit lord Lyons. Mais les journaux français avaient déjà pris un ton violent. Le matin, l'Empereur tint Conseil à Saint-Cloud. Le ministre de la Guerre Lebœuf demanda l'appel des réservistes. Les ministres furent unanimes à juger insuffisante la renonciation d'Antoine tant qu'elle ne serait pas ratifiée par Léopold, approuvée par Guillaume, acceptée par l'Espagne. Ils proposèrent, par 8 voix contre 4, d'ajourner l'appel des réserves jusqu'à ce qu'on sût le résultat des démarches de Benedetti, et de se contenter de l'approbation du roi de Prusse sans exiger sa garantie pour l'avenir. Au Corps législatif les ministres furent reçus froidement ; le chef de la droite reprocha au ministère la lenteur dérisoire des négociations avec la Prusse, et demanda à interpeller sur une conduite qui risquait de porter atteinte à la dignité nationale. Thiers, inquiet, réunit quelques ministres et les engagea à résister à la droite qui cherchait à les entraîner à la guerre. Mais les ministres n'osèrent pas affronter l'irritation des Chambres, et ils se laissèrent pousser à la guerre, qu'ils ne désiraient pas, parce qu'ils eurent moins peur de la Prusse que de leurs adversaires parlementaires. V. — LE REFUS DU ROI DE PRUSSE ET LA PUBLICATION DU REFUS PAR BISMARCK. LE 13 juillet, à 9 heures du matin, Benedetti rencontra dans le parc d'Ems Guillaume, qui s'avança vers lui et lui dit gaiement qu'il avait reçu une bonne nouvelle, qui le délivrait de tout souci, c'était la dépêche de renonciation publiée dans un journal allemand. Benedetti lui transmit alors la demande de l'Empereur, et le pria de lui permettre d'annoncer qu'il interdirait au prince de poser à nouveau sa candidature. Guillaume, surpris, répondit qu'il attendait le message officiel sur la décision du prince Léopold et ne pouvait donner aucune déclaration. Benedetti insista ; Guillaume, mécontent, répliqua : Je ne veux ni ne puis prendre un pareil engagement.... Cette affaire m'a donné trop de préoccupations pour ne pas désirer qu'elle soit définitivement écartée.... Mes cousins sont d'honnêtes gens et, s'ils ont retiré la candidature... ce n'est pas avec l'arrière-pensée de la reproduire plus tard. Sur une nouvelle insistance, il répondit n'avoir plus rien à ajouter, et il rompit l'entretien, déjà irrité. Il écrivit à la reine que Benedetti était devenu de plus en plus insistant et presque impertinent, et semblait avoir pour instructions de lui arracher cette promesse, afin de le mêler officiellement à l'affaire. Le projet de lettre suggéré par Gramont à Werther lui parvint un peu après et l'indigna ; il écrivit à la reine : Il faut que je paraisse comme un pécheur repentant.... ils ont résolu à tout prix de nous provoquer. Deux ministres prussiens envoyés par Bismarck venaient d'arriver à Ems ; ils conseillèrent au roi de cesser cette négociation irrégulière par entrevues personnelles dans une ville d'eaux, et de revenir à la procédure normale d'une négociation à Berlin entre l'ambassadeur et le ministre. Guillaume décida de ne plus recevoir Benedetti, mais en gardant des formes courtoises ; Benedetti, obéissant à son ministre, insista pour obtenir une audience. A trois reprises le roi lui envoya son aide de camp Radziwill. 1° A deux heures, Radziwill lui dit que le roi venait de recevoir la lettre du prince Antoine confirmant la renonciation, et considérait la question comme close. Benedetti répondit qu'il avait sollicité l'autorisation de transmettre l'approbation du roi, et qu'une nouvelle dépêche l'obligeait à insister. 2° A trois heures, Radziwill vint dire que le roi avait donné son approbation dans le même esprit et le même sens qu'à l'acceptation ; quant à l'engagement pour l'avenir, il renvoyait à ses déclarations antérieures. 3° A cinq heures et demie, Radziwill revint répéter que le roi consentait à donner son approbation, mais ne pouvait reprendre la discussion sur les assurances. C'étaient trois refus d'audience, mais de formes polies, sans rupture. Le roi, n'étant pas à Ems en qualité de souverain, n'était pas obligé de donner audience à un ambassadeur. Le lendemain, partant pour Berlin, il vit Benedetti à la gare, et lui dit adieu gracieusement. Abeken, le fonctionnaire placé auprès de Guillaume par Bismarck, avait, l'après-midi du 13, sur l'ordre du roi, télégraphié à Berlin le récit de la journée. La dépêche commençait par une courte lettre du roi à Abeken racontant l'entrevue dans le parc ; expliquait ensuite que le roi, sur l'avis d'Eulenburg et d'Abeken, avait résolu de ne plus recevoir Benedetti, et de lui faire dire simplement par un aide de camp qu'il avait reçu du prince confirmation de la nouvelle et n'avait plus rien à dire à l'ambassadeur. Abeken, en terminant, disait que le roi laissait à Bismarck le soin de décider si la nouvelle exigence de Benedetti et le refus qui lui a été opposé devaient être communiqués aux ambassadeurs et aux journaux. Bismarck, déjà irrité, reçut la dépêche le soir, à table avec le ministre de la Guerre Roon et le chef d'état-major Moltke, partisans de la guerre ; ils y virent le maintien de la paix, et furent consternés. Bismarck demanda quel temps il faudrait, en cas de guerre subite, pour compléter les préparatifs ; Moltke répondit que la Prusse avait avantage à précipiter la guerre. Bismarck, profitant de l'autorisation du roi, rédigea un court récit calculé de manière à aggraver l'impression du refus. Après une phrase sur la nouvelle de la renonciation communiquée officiellement à la France par l'Espagne, il ajoutait : Depuis, l'ambassadeur français a adressé à Ems au roi la demande de l'autoriser à télégraphier à Paris que le roi s'engageait à tout jamais à ne point permettre la reprise de la candidature. Là-dessus Sa Majesté le roi a refusé de recevoir à nouveau l'ambassadeur, et lui a fait dire par l'aide de camp de service qu'Elle n'avait plus rien à lui communiquer. Bismarck a raconté longtemps après (nous n'avons aucun autre renseignement) qu'il expliqua ainsi sa manœuvre à ses compagnons : Il est essentiel que nous soyons les attaqués.... Si je communique aux journaux ce texte et le télégraphie à nos ambassades, il sera bientôt connu à Paris... et y produira sur le taureau gaulois l'effet du chiffon rouge. Vingt ans plus tard, Bismarck, pour montrer son rôle personnel dans l'œuvre de l'unité allemande, révéla ce qu'il avait fait pour décider la France à la guerre. Les socialistes lui reprochèrent d'avoir falsifié la dépêche d'Ems. Cette expression adoptée par les journaux français est inexacte ; Bismarck était autorisé à publier, non pas le lexie de la dépêche d'Abeken (que sa forme même rendait impropre à être publiée), mais le refus du roi, et son texte ne contenait aucune affirmation fausse ; la forme seule différait. Bismarck rendit public le refus du roi par un procédé insolite, sans aucun caractère officiel. Le texte publié la nuit dans un supplément de la Gazette de l'Allemagne du Nord, organe officieux, fut télégraphié aux ambassades prussiennes. Cette méthode divulguait le refus sans engager la responsabilité officielle du gouvernement prussien. VI. — LA DÉCLARATION DE GUERRE. LA nouvelle du refus d'audience, arrivant brusquement à Paris, fit une impression si forte qu'elle ôta au personnel du gouvernement la faculté de réfléchir. Ce défaut de sang-froid sur lequel Bismarck avait compté s'explique par les conditions anormales où l'on vivait depuis deux semaines. Tout avait été irrégulier et insolite : l'intrigue secrète entre Prim et Bismarck révélée par hasard, la décision personnelle de l'Empereur prise en dehors du ministère, la négociation à Ems par entrevues personnelles entre Benedetti et Guillaume en villégiature, l'annonce de la renonciation par le père du candidat au trône, l'annonce des refus d'audience par un article de journal. On avait perdu le bénéfice des formes lentes de la diplomatie régulière, qui obligent les gouvernants à peser leurs décisions. Gramont, qui croyait tenir un succès personnel, se trouvait tout d'un coup en face d'un échec. Il arriva chez Ollivier en disant : Vous voyez un homme qui vient de recevoir une gifle. Les ministres, réunis le matin, connurent d'abord le refus d'audience, puis l'article de la Gazette, enfin le rapport de Benedetti annonçant que le roi semblait résolu à ne pas accorder la garantie ; quelques-uns hésitaient ; les préfets, consultés par le ministre de l'Intérieur sur l'opinion dans leur département, avaient tous, excepté 15, répondu qu'on ne désirait pas la guerre. L'après-midi, le Conseil officiel se réunit aux Tuileries, présidé par l'Empereur, examina le texte du refus, conclut qu'il constituait une offense voulue, équivalente à une déclaration de guerre et vota à l'unanimité le rappel des réservistes. La séance fut interrompue pour déchiffrer la dépêche de Benedetti ; la réponse du roi y parut moins raide. Gramont proposa une Conférence européenne pour confirmer l'interdiction aux familles régnantes de laisser accepter une couronne par un de leurs membres ; Napoléon approuva, le Conseil accepta un projet de déclaration en ce sens. L'Empereur, revenu à Saint-Cloud, annonça ce moyen terme, l'impératrice répondit : Je doute que cela réponde au sentiment du pays ; sur la prière de Lebœuf, Napoléon convoqua pour le soir même un autre Conseil à Saint-Cloud. Gramont y lut les dépêches des agents français de Berlin, de Berne, de Munich, annonçant que les ministres prussiens venaient d'informer officiellement les cabinets du refus de recevoir l'ambassadeur. Le Conseil renonça au projet de Conférence. A Paris, sur les boulevards, la foule criait : Vive la guerre ! A Berlin ! Avec la permission de l'Empereur on chanta à l'Opéra la Marseillaise, interdite pendant tout l'Empire. Le 15 juillet ; une déclaration, approuvée par un Conseil, tenu à Saint-Cloud le matin, fut lue aux Chambres à une heure. Elle racontait la négociation d'Ems, la demande de garanties, le refus du roi, ajoutant que le gouvernement prussien, pour donner à ce refus un caractère non équivoque, l'avait communiqué officiellement aux cabinets de l'Europe. Nous n'avons rien négligé pour éviter une guerre, nous allons nous préparer à soutenir celle qu'on nous offre. Le Corps législatif vota d'urgence un crédit de 50 millions. Thiers et l'extrême gauche votèrent contre. Thiers expliqua son vote dans un discours accueilli par les insultes de la droite, et qui devait après la guerre lui assurer le gouvernement de la France : Voulez-vous que l'Europe tout entière dise que le fond était accordé et que, pour une question de forme, vous vous êtes décidés à verser des torrents de sang ? Je demande qu'on nous donne connaissance des dépêches d'après lesquelles on a pris cette résolution car c'est une déclaration de guerre. Il conclut en déclinant la responsabilité d'une guerre aussi peu justifiée. Ollivier répondit que, malgré ses efforts pour maintenir la paix, la guerre était rendue nécessaire par un affront qui engageait l'honneur. Il déclara n'avoir reçu que des dépêches confidentielles que les usages diplomatiques ne permettaient pas de communiquer. Gambetta ayant réclamé la dépêche, non par extrait... mais par une communication authentique, Ollivier répondit que les agents prussiens avaient partout répandu la nouvelle du refus de recevoir l'ambassadeur, que les mesures militaires commençaient en Prusse. Et, dans un moment d'exaltation, lui, le partisan de la paix, prononça le mot fameux qui devait lui fermer à tout jamais la carrière politique : De ce jour commence... une grande responsabilité ; nous l'acceptons d'un cœur léger. Il expliqua que l'insulte était constituée non par le refus, mais par la publication ; Thiers répliqua Nous avons la guerre par la faute du cabinet.... Il fallait réparer Sadowa, mais il fallait attendre.... Insister, c'était faire naitre des questions d'orgueil entre deux grandes nations également susceptibles, et la guerre devenait inévitable.... Il fallait donner à l'Europe le temps d'intervenir. Thiers croyait inévitable la guerre contre la Prusse, mais il jugeait l'occasion mal choisie. L'extrême gauche républicaine, favorable ou résignée à l'unité allemande, condamnait la guerre. Jules Favre demanda communication des dépêches... par lesquelles le gouvernement prussien avait notifié sa résolution aux gouvernements étrangers. Le chef du centre gauche, Buffet, déclara indispensable que toutes les pièces fussent communiquées au moins à la Commission. La proposition fut rejetée par 159 voix contre 84 (de la gauche et du centre gauche). La Commission, élue à six heures, se réunit avec le mandat d'obtenir des éclaircissements ; elle écouta successivement trois ministres. — Le ministre de la Guerre Lebœuf, interrogé sur l'état de l'armée, fit la même réponse que Niel son prédécesseur : la France était prête et avait une avance sur la Prusse. — Ollivier annonça qu'il était appelé par des soucis urgents, et sortit aussitôt. — Gramont, arrivé en retard, apporta des pièces classées par numéros et en lut des extraits. La Commission voulait savoir : 1° Si la France avait demandé à la fois au roi de Prusse l'approbation du désistement et la garantie. Il me semble, dit le président, que vous avez toujours demandé la même chose. — Gramont ne contredit pas. 2° En quoi consistait l'insulte. — Gramont répondit que c'était la dépêche de Bismarck aux agents prussiens pour leur annoncer le refus de recevoir l'ambassadeur français ; il n'en avait pas le texte, mais la connaissait par les confidences faites aux agents français. 3° Si la France avait des alliances. — Gramont répondit : Si je vous ai fait attendre, c'est que j'avais chez moi l'ambassadeur d'Autriche et le ministre d'Italie. J'espère que la Commission ne m'en demandera pas davantage. Le rapport, rédigé en hâte, déclara que les pièces avaient été communiquées, que le ministre avait fait des déclarations très complètes et très nettes, et que le gouvernement, de la première à la deuxième phase des négociations, avait loyalement poursuivi le même but. Le rapport en donnait pour preuve une dépêche du 12 juillet, qu'il faisait remonter au début de la crise. Le soir même, le rapport fut présenté au Corps législatif par Talhouet, du centre droit, un des 84 qui avaient voté pour la communication. Les députés, fatigués par une séance qui dura jusqu'à une heure du matin, se laissèrent persuader sans discuter. Seul, Gambetta prononça un discours. Il ne suivait pas la politique étrangère de l'extrême gauche et ne s'opposait pas, en principe, à la guerre. Il blâma la politique de faiblesse suivie depuis 1866 envers la Prusse ; si les députés s'étaient départis du sang-froid et de la mesure qui convenaient aux résolutions d'une aussi grande portée, c'était l'effervescence d'un sentiment longtemps contenu... par une politique extérieure que je déplore, que je déteste. Mais ce sentiment tardif les obligeait à donner à l'Europe de fortes raisons de ce changement de politique ; la Chambre ne doit pas, sur des susceptibilités... dans les étiquettes royales, lancer la France dans une guerre, qui aboutira à vider la question de la prépondérance entre la race française et la race germanique. Elle ne peut compter sur les sympathies de l'Europe, sur l'assentiment de la France, que si l'insulte est bien démontrée. Gambetta réclamait donc le texte de la dépêche prussienne aux gouvernements étrangers. La Chambre vota les crédits à l'unanimité moins 11 voix républicaines et 3 abstentions. Le Sénat vota sans discussion, et alla à Saint-Cloud, où son président Rouher félicita l'Empereur d'avoir su attendre, et l'engagea à redevenir dépositaire du pouvoir impérial. L'impératrice parut satisfaite. Mais il n'est pas sûr qu'elle ait dit que, dans l'intérêt de son fils, elle avait désiré la revanche de Sadowa. C'est le journal de son adversaire le prince Napoléon qui lui a attribué le mot fameux : C'est ma guerre ! et elle l'a fait démentir. L'Angleterre, invoquant le vœu du Congrès de 1856, offrit ses bons offices aux deux États en conflit ; tous deux les rejetèrent. Le Conseil des ministres discuta s'il fallait déclarer la guerre, ou en laisser l'initiative à la Prusse. Le ministre de la Marine réclama la déclaration exigée par le traité de 1856 pour avoir le droit de faire des prises maritimes ; les autres cédèrent. Les bureaux des Affaires étrangères rédigèrent une déclaration de guerre qui fut communiquée aux Chambres et envoyée à la Prusse le 19 juillet. La France accepta la responsabilité de la rupture, ce qui donna à la Prusse l'avantage de prendre le rôle d'offensée. Bismarck déclara au Reichstag (19 juillet) : Qu'il n'avait reçu du gouvernement français aucune autre communication officielle que la déclaration de guerre. Les entretiens de Benedetti avec le roi dans une ville d'eaux n'étaient que des conversations personnelles, non des actes d'État ; l'unique motif de la guerre, la dépêche d'Ems, n'était qu'un télégramme paru dans un journal, et que le gouvernement prussien avait envoyé à ses agents et aux gouvernements amis pour les orienter sur l'affaire. Au fond, le conflit diplomatique sur la candidature Hohenzollern n'avait été que la forme extérieure de la lutte entre la France et la Prusse pour la prééminence en Europe. L'historien prussien Delbrück attribue à la Prusse la qualité d'offensé parce que le peuple français prétendait avoir la préséance sur le peuple allemand ; on pourrait dire aussi que le peuple français se sentait offensé parce qu'il avait la préséance et que la Prusse voulait la lui enlever. Le personnel impérial n'eut peut-être pas pleine conscience du caractère irréparable de cette rupture. L'adieu du ministre français au représentant de la Prusse à son départ de France a donné l'impression qu'il croyait encore possible une guerre courte, suivie d'une réconciliation, peut-être aux dépens des neutres. Le gouvernement français fit voter au Corps législatif une loi sur la presse interdisant aux journaux de discuter les opérations militaires ; puis il déclara la session close (21 juillet). L'Empereur partit pour l'armée sans traverser Paris (28 juillet), laissant l'impératrice régente. |