HISTOIRE DE FRANCE CONTEMPORAINE

 

LIVRE III. — LES PARTIS ET LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE.

CHAPITRE II. — LA PRODUCTION ET L'ÉCHANGE À L'INTÉRIEUR.

 

 

I. — LA PRODUCTION.

ON ne peut pas évaluer avec précision la production, ni les échanges intérieurs de la France agricole et manufacturière. Les statistiques, même suspectes, manquent. Le Consulat avait demandé aux préfets de l'an X des rapports sur l'état économique des départements ; il y eut sous Napoléon un bureau de statistique au ministère de l'Intérieur d'où sortit l'Exposé de la situation de l'Empire en 1812. Mais la Restauration supprima cette invention révolutionnaire. Le comte de Vaublanc ayant demandé le 15 mars 1823 la nomination d'une commission d'enquête sur l'agriculture, le commerce et l'industrie, pour remédier au manque de documents sur cette matière et à la fausseté des renseignements fournis par la Douane, la Chambre refusa de prendre la proposition en considération. Le bureau et le service de la statistique ne furent reconstitués qu'en 1831. Il faut donc se contenter des renseignements épars soit dans les Enquêtes de 1828, soit dans les statistiques privées, qui rarement indiquent leurs moyens d'information et leur méthode de calcul, soit dans les comptes financiers des administrations fiscales, dont c'est le rôle d'évaluer certains produits pour les taxer. Autant de sources d'abondance médiocre et de valeur insuffisante.

Aussi convient-il de laisser au statisticien Ch. Dupin la responsabilité de ses affirmations, quand il évalue, vers 1820, le revenu brut des 52 millions d'hectares de la terre de France à 5 313 millions, le revenu net (frais de culture déduits) à 1.626 millions[1], soit 30 fr. 38 l'hectare[2] ; la production en froment à 51 millions et demi d'hectolitres, en seigle à 30 millions, en avoine à 8, en maïs à 6, en sarrasin à 8 et demi, en orge à 12 et demi, etc. — C'est encore de Dupin que nous tenons que la France a 6.521.170 hectares de forêts, 2.422.703 chevaux, 6.700.000 bœufs, taureaux ou génisses ; et assez de brebis pour donner 35 millions de kilos de toisons. Les chiffres de l'administration inspirent plus de confiance quand ils sont établis en vue d'une recette ; l'administration des contributions indirectes évalue — il n'est pas sûr qu'elle le fasse avec une précision parfaite — la récolte des liquides en vue de la perception des droits : d'après elle, la France produit par an environ 35 millions d'hectolitres de vin, qui valent en moyenne 15 fr. 51 ; 8.868.000 hectolitres de cidre, qui valent 7 fr. 57 : 3 millions d'hectolitres de bière ; 560.000 hectolitres d'alcool pur fabriqué avec du vin[3].

La production minière et métallurgique, limitée à quelques centres peu nombreux, est chiffrée dans une enquête périodique du Service des mines. La France produit 1 million de tonnes de houille en 1811, et 1 million et demi en 1825. Elle fabrique dans ses hauts fourneaux 114.000 tonnes de fonte en 1818, 197.000 en 1825, 213.000 en 1827, 220.000 en 1828. C'est à peu près le chiffre de sa consommation, les droits d'entrée ayant réduit l'importation à 6 ou 7.000 tonnes. On fabrique avec cette fonte, dans les feux d'affinerie, 100.000 tonnes de fer en 1818, 150.000 en 1828. Un tiers de la fonte est traité à la houille, le reste au bois. De 1820 à 1828, la fabrication de la fonte au coke et du fer à la houille augmente au détriment de la fabrication au bois. Mais le progrès est lent. Il y a des maîtres de forges qui persistent à croire à la supériorité des produits fabriqués au bois, quoique leurs clients — quincailliers et fabricants de machines — ne l'aperçoivent pas. Le bon marché même de la fabrication a la houille, tout réel qu'il est, n'est pas une raison décisive de sa victoire prochaine. On calcule que, pour obtenir une tonne de fer au bois, il faut quatre tonnes de charbon de bois, soit 300 francs ; pour obtenir une tonne de fer à la houille, il faut 2 tonnes de houille, soit 88 francs. Mais ce sont des prix moyens, arithmétiques et non réels, et qui cachent des différences considérables suivant les régions ; car les prix de la matière première ne sont pas encore nivelés par la facilité des transports. Le stère de bois coûte 2 fr. 80 dans la Nièvre, 5 francs en Franche-Comté, 2 fr. 25 en Bretagne, 4 fr. 50 en Champagne. La tonne de fer revient en Normandie à 540 et 580 francs, en Champagne à 445 et 460 francs ; mais les usines de Saint-Étienne et du Creusot, qui donnent le fer à 360 et 350 francs, ne peuvent faire concurrence au fer normand ; la Normandie est trop loin du Forez. Ainsi le fer et la fonte au bois prolongent une existence condamnée.

On possède quelques chiffres qui évaluent la production des industries du tissage. Les relevés des douanes, qui indiquaient en 1812 l'entrée de 10 millions et demi de kilos de coton brut, donnent 28 millions en 1825, 30 millions en 1827 ; l'enquête libre de 1828 donne pour certain, que les filatures de coton représentent 3.600.000 broches à 40 francs, soit un capital de 144 millions ; les tissages, 280.000 métiers à 50 francs, soit 14 millions ; les fabriques de toiles peintes, 68 millions. La Condition des soies de Lyon publie ses chiffres : elle enregistre, en 1814, 417.150 kilos ; en 1820, 534.587 kilos ; en 1826, 462.286 kilos ; en 1829, 587.137 kilos.

l'usage n'est pas encore établi de faire tout conditionner, et il faut probablement augmenter ces chiffres d'un tiers pour avoir la quantité réelle de soie consommée par l'industrie lyonnaise. On connaît mieux la variété de la production et les progrès de son outillage. La fécondité dans la création des dessins date du moment où l'on a trouvé le moyen de les exécuter facilement, c'est-à-dire du jour où le métier Jacquard a été perfectionné par Breton. Le Jacquard s'est alors répandu ; on en compte 1.200 en 1819, 3.248 en 1821, 4.202 en 1825, sur un total de 26.000 métiers qui, à cette date, battent à Lyon. Les Lyonnais ne négligent rien des procédés qui peuvent accroître les rendements et perfectionner les produits. La Réunion des Fabricants, sorte de chambre syndicale fondée en 1825, qui groupe, dès sa fondation, 96 maisons, est une société d'encouragement qui appuie et qui suscite le zèle de la Chambre de commerce à subventionner les inventeurs. A la Société royale d'agriculture, Grognier et Bonafous étudient scientifiquement le mûrier et l'éducation des vers à soie. L'Académie lyonnaise des Sciences, Belles-Lettres et Arts accueille les Mémoires des industriels. C'est un concours général d'initiatives et de bonnes volontés, une concentration de toute l'activité intellectuelle pour le progrès d'une industrie qui, depuis l'Empire, rejette au second plan toutes les autres, qui se confond peu à peu dans l'opinion générale avec la ville elle-même, la Grande Fabrique, comme on disait au XVIIIe siècle, la Fabrique, comme on dit alors et encore aujourd'hui.

L'imprimerie, contrôlée par le timbre et la censure, est l'objet d'une statistique assez précise. On imprime, non compris les journaux, 45 millions de feuilles en 1814, 55 en 1815, 81 en 1820, 128 en 1825, 144 en 1826. De tous les progrès constatables en ce temps, c'est le plus rapide ; sous l'Empire, de superficie presque double en 1812, la production totale n'était que de 79 millions. La politique du gouvernement, généralement très hostile à la presse, n'a pas pu arrêter l'essor de l'imprimerie ; les journaux seuls ont souffert de la guerre qu'on leur a faite ; le nombre en a diminué : il descend de 28 millions de feuilles en 1820, à 26 millions en 1896.

C'est le signe d'un progrès dans l'aisance générale et dans le luxe que le développement des industries d'art. Les orfèvres sont au nombre de 8.382 en 1818, de 11.412 en 1825 ; ils travaillaient, en 1818, 16.170 hectogrammes d'or et 381.134 d'argent ; en 1825, 41.078 hectogrammes d'or et 696.075 d'argent. — L'acajou, le placage, les dauphins et les conques envahissent l'ébénisterie, ses chefs-d'œuvre, ce sont les meubles de Jacob, les pianos d'Erard et de Pleyel.

Dupin, dont l'arithmétique n'est jamais timide, évalue, aussi hardiment que le revenu foncier, le revenu net du travail ; il est de 3.691 millions pour l'industrie, 9 765 millions pour l'agriculture. Comme il y ajoute celles des ressources du budget qui retournent aux citoyens, soit 318 millions, et en retranche le budget des recettes (impôts perçus sur les revenus des citoyens), soit 971 millions, il estime — produits nets de l'agriculture compris — le revenu total de la France à environ 8 403 millions, moins 971, soit 7 milliards 432 millions.

 

Il est difficile de situer les formes principales de cette activité économique. Le Midi certainement est plus agricole, le Nord plus industriel ; le Midi envoie au Nord ses vins, eaux-de-vie, huiles, bétail, laines, et il en reçoit des objets manufacturés. Mais les industries nettement localisées sont en petit nombre.. Les hauts fourneaux se groupent naturellement dans les pays voisins du minerai, de la houille et du bois ; la Meuse, les Ardennes, la Moselle, la Haute-Saône, la Haute-Marne, la Côte-d'Or, la Nièvre en ont ensemble près de 200, et fournissent plus de la moitié de la production totale. Les centres de la filature et de la draperie sont restés fixés aux mêmes points qu'avant la Révolution. S'il y a des transformations, elles se font sur place. Le coton, introduit à Mulhouse avec la première fabrique d'indiennes en 1746, chasse à peu près complètement. l'ancienne filature et draperie de laine. Mais, ni dans l'utilisation de matières nouvelles, ni dans la production ou le transfert de la force motrice, on n'aperçoit encore des conditions favorables à la création de nouveaux centres : la houille commence à peine à être un combustible industriel.

Le gouvernement montra le souci d'encourager les progrès matériels. Trois expositions nationales des produits de l'industrie furent organisées à Paris, en 1819, 1823 et 1827. Elles comptèrent 1.052, 1.642 et 1.695 exposants, et eurent un vif succès de curiosité. Mais le progrès vint surtout des institutions scientifiques destinées à produire ou à vulgariser les inventions pratiques. L'École spéciale de commerce et à industrie, fondée en 1820 par des particuliers, donna pour la première fois en France un enseignement des connaissances techniques nécessaires à un commerçant ; elle avait 70 élèves en 1825. Le Conservatoire des arts et métiers commença de fonctionner en 1820 ; l'École centrale des arts et manufactures est de 1829. Mais on se plaint dans le monde industriel de la rareté des écoles pratiques plus élémentaires. Les Écoles d'arts et métiers d'Angers et de Châlons semblent insuffisantes ; on voudrait des écoles municipales de dessin et de mécanique, une sorte d'enseignement primaire supérieur ; il commence à naître dans le Nord et dans l'Est, où les villes comprennent l'utilité de cette dépense et y pourvoient sur leur budget. A Lyon, l'initiative privée crée en 182 une école de commerce où on enseigne les langues étrangères ; la municipalité paie des cours de géométrie pratique pour les ouvriers. Un legs du major général Martin lui permet d'ouvrir en la première école professionnelle de France, la Martinière. Le but, c'est de créer un personnel d'ouvriers instruits et habiles ; ils font défaut, en métallurgie surtout, où la supériorité de rendement des ouvriers anglais est sans cesse constatée.

Le perfectionnement de l'outillage industriel est lent. On ignore à peu près les machines à vapeur en 1814 ; on les admire comme une grande nouveauté chez quelques filateurs de Rouen en 1817 ; on en compte seulement 1.500 en France en 1827. La machine-outil apparaît sous sa premièn3 forme avec les peigneuses et les cardeuses de laine. C'est en 1816 que le premier métier à dentelle est importe d'Angleterre à Calais ; en 1822, apparaissent les premiers métiers à tulle, anglais eux aussi. Les premiers métiers mécaniques sont installés à Lyon en 1826 ; mais leur valeur productive reste insignifiante. La première machine à papier fonctionne eu 1830. La filature du coton, qui n'était pas arrivée à produire au delà du numéro 60 (c'est-à-dire un fil de 60.000 mètres au kilo), insuffisant pour les étoffes fines et les dentelles, s'efforce à le dépasser ; il y a un numéro 291 à l'exposition de 123 ; mais c'est un article exceptionnel, qu'on ne rencontre pas encore dans le commerce. On voit la bougie stéarique à l'exposition de 1827, et aussi le premier papier fabriqué mécaniquement. La lithographie (invention du Bavarois Sennefelder, en 1790) eut ses premières presses à Mulhouse en 1814, à Paris en 1816 ; elle permit l'imagerie à bon marché.

Le progrès scientifique ne touche guère l'agriculture. L'exemple est pourtant donné, et des résultats sont obtenus par la Ferme expérimentale de la Société des Sciences de Strasbourg, qui invite à ses cours les futurs instituteurs de la classe normale. Mathieu de Dombasle, depuis 1822, a adjoint à sa ferme de Bovine une fabrique d'instruments aratoires ; c'est chez lui qu'on voit la première machine à battre le blé : elle vient d'Écosse. Il n'y a pas encore de réunions agricoles, d'expositions, de concours, de courses de chevaux. Un Anglais, Bulwer, après enquête, place la France agricole de ce temps au dernier rang des pays de l'Europe du Nord. Les paysans, persistant dans leur routine, font des profits très faibles, et ne cessent de réclamer plus de protection. L'usage est encore, en beaucoup d'endroits, de semer du blé, puis de l'avoine, et de laisser ensuite la terre reposer une année sur trois. La méthode des assolements, pratiquée depuis longtemps dans la Flandre française, se répand pourtant, supprime peu à peu les jachères et multiplie les prairies artificielles. L'éducation des bestiaux est aussi négligée en France, écrit A. Blanqui en 1828, que l'éducation primaire des hommes.... Tant que nos paysans seront catéchisés comme dans les Castilles et qu'on imprimera pour leur usage des histoires de revenants, des complaintes et de grossières relations de miracles, on ne plantera point de mûriers, on n'aura pas de laines fines, ni de belles races de chevaux, ni de meilleures méthodes. Les paysans arriérés et misérables sont pour l'industrie de très médiocres clients : Nous avons encore, écrit Laffitte en 1826, l'indigente France du XIVe siècle pour consommer les produits de l'ingénieuse France du XIXe siècle.

Le gouvernement eut du moins le mérite de protéger par une législation efficace les débris du domaine forestier. Les forêts avaient été dévastées en 1814 et en 1815, et réduites de 281.000 hectares (238 millions de francs) par les aliénations opérées en exécution des lois du 23 septembre 1814 et du 25 mars 1817. Pour la première fois depuis 1789, on avait violé le principe, posé par la Constituante, de l'inaliénabilité des grandes masses forestières. Il y eut des protestations de savants, de préfets, contre le déboisement qui résultait infailliblement de la vente. Le gouvernement y fut sensible, réorganisa l'administration des forêts (1820-1821), fonda l'école de Nancy (1824-1826) et fit voter (1827) le code forestier. On calcula que la France avait environ 6.500.000 hectares de bois, dont 1.100.000 à la Couronne et à l'État, 1.900.000 aux communes et aux établissements publics, et le reste aux particuliers. Le code proclama l'utilité de la forêt pour la conservation des sources, le maintien des terrains en montagne et l'intégralité des climats, régla le régime des trois catégories de bois, fixa les droits d'usage, et créa le cantonnement. Mais il se borna à assurer la conservation du domaine existant, il ne fit rien pour le reboisement, déjà signalé comme nécessaire par des savants comme Humboldt et Moreau de Jonnès et d'autres pour arrêter la dégradation des montagnes. On continua e de combattre les ravages des torrents par des digues et des barrages.

 

II. — L'ÉCHANGE.

LA circulation des personnes et des marchandises est assurée sur tout le territoire par la poste et par les diligences des Messageries nationales : dans certaines régions, d'autres voitures publiques augmentent et facilitent les transports : les omnibus de Paris (1828), les Petites diligences de la banlieue parisienne (249 voitures avec 2.618 places), les pataches, petites voitures à un cheval qui vont de Paris à Strasbourg, à Metz, à Nancy, à Lyon. Pour l'Ouest et le Sud, la patache est remplacée par la messagerie à cheval : la cavalcade des voyageurs qui change de chevaux à chaque relai est précédée d'un messager en chef, en voiture, qui traîne les bagages, l'ait préparer les repas et le gîte. Les coches d'eau de la Haute-Seine mènent de Paris à Briare, à Montereau, à Auxerre.

La malle-poste est le plus rapide de tous ces véhicules ; sa vitesse moyenne de 8 minutes ½ environ par kilomètre en 1816, passe à 5 minutes ¾ en 1830 (on a attelé 4 chevaux par voiture au lieu de 3). Chabrol, ministre des Finances, célébra ce résultat dans un rapport au Roi (1830) : 86 heures suffisaient à peine pour courir les 77 postes qui nous séparent de Bordeaux : 45 heures nous y conduisent aujourd'hui : il fallait 87 heures pour arriver à Brest : on s'y rend maintenant en 62 heures ; la route de Lyon exigeait 68 heures : elle n'en demande plus que 47. Toulouse était à 110 heures de Paris : il n'en est plus qu'à 72 heures. Il fallait, en 1828, 10 jours et 14 heures pour recevoir à Paris une réponse de Marseille : après la réforme, il ne faut plus que 8 jours. La poste transporte d'ailleurs peu de voyageurs, chaque malle n'en pouvant contenir que quatre : c'est un service d'État. Ce transport des voyageurs par la poste rapporte environ 2 millions par an.

Les Messageries, société anonyme organisée en 1809 pour remplacer l'ancienne Régie générale supprimée en 1797, font partir chaque jour 300 coches ou diligences de Paris ; elles emportent 3.000 voyageurs, mettent un jour pour aller de Paris à Chartres, à Saint-Quentin ; 2 jours pour Metz, Lille, Tours ; 3 jours pour Dijon ; 4 jours pour Lyon, Nantes, Rennes, Sedan ; 5 pour Besançon, Bordeaux ; 8 pour Toulouse. La diligence est deux fois moins rapide que la poste : sa vitesse horaire de Paris à Lyon est de 5 kilomètres ; de Paris à Toulouse, de 3 kil. 900. La circulation par voitures publiques double entre 1816 et 1828 ; on le voit à l'impôt perçu soit sur le prix des places pour les voitures à service régulier, soit sous forme de droit fixe pour les voitures à volonté ; il est de 2.380.000 francs en 1816 ; de 5.500.000 francs en 1828. Il y a 6.960 voitures estampillées en 1818 ; 14.255 en 1825.

Pourtant la facilité et surtout la vitesse des communications restent médiocres. On n'ajoute rien aux 34.000 kilomètres des anciennes routes royales, qui ne sont pas tous de bonne qualité : 16.000 seulement sont convenablement entretenus ; 14.000 sont à réparer, 4.000 à terminer. C'est une dépense que le ministre de l'intérieur évalue (10 mai 1829) à 200 millions. L'Angleterre, écrit l'économiste Blanqui en 1827, fait voler sur les routes plus de 50.000 voitures publiques ; la France en fait aller au pas 15.900 environ.

On construisit de nouveaux canaux. Une étude d'ensemble des voies navigables fut ordonnée ; la conclusion fut que 2.760 kilomètres de canaux étaient nécessaires pour compléter les anciens, que 10.800 étaient à créer. Le projet fut partiellement exécuté ; 921 kilomètres nouveaux furent creusés. La dépense, 188 millions, fut fournie en partie par les emprunts de l'État, en partie par des compagnies concessionnaires, qui se chargèrent du travail et partagèrent avec l'État les bénéfices de l'exploitation. Ce fut le cas pour le canal des Ardennes, le canal de Bourgogne, et pour les quatre canaux (Bretagne, Nivernais, canal latéral à la Loire, canal du duc de Berry), etc. Une société se constitua en 1825 pour étudier le projet d'un canal de Paris à la mer. Mais on souffrait davantage du manque de communications directes entre la France du Nord et celle du Midi. Les marchandises de Provence passaient par Gibraltar pour venir à Paris. La circulation sur le canal du Midi ne dépassait pas 80.000 tonneaux. Le Rhône resta une voie inutile, ou à peu près. Le halage à chevaux, seul procédé pour la montée du fleuve, était coûteux. Une compagnie essaya, sans succès, du halage à vapeur ; une autre, sans plus de succès, de la navigation à vapeur ; c'est en 1829 seulement qu'un bateau réussit à descendre de Lyon à Arles en 13 heures et à remonter en 7 jours d'Arles à Lyon avec 1.150 tonnes de marchandises. La Saône donna moins de mécomptes. Après les voyages célèbres du marquis de Jouffroy en 4816, entre Lyon et Chalon, une compagnie fit circuler de 1822 à 1826 un service régulier pour les marchandises ; puis la navigation à vapeur fut organisée pour les voyageurs et, après quatre ans, les coches d'eau, halés par les chevaux, durent disparaître ; la compagnie des Messageries construisit elle-même deux hirondelles pour son service de voyageurs. L'ouverture partielle du canal de Bourgogne permit enfin de prévoir en 1829 une route plus rapide et moins coûteuse sur Paris, en reliant la Saône à la Seine.

La construction des voies ferrées commença sous la Restauration. On utilisait déjà, au commencement du siècle, des rails de fer et même des bandes de bois dans les exploitations de mines d'Anzin et du Creusot. Les Anglais avaient installé dans le Northumberland et dans d'autres districts miniers des chemins à rails pour porter les charbons aux canaux voisins. Ce mode de transport avait été décrit en 1801 dans les Annales des Arts et Manufactures d'O'Reilly, et signalé en 1817 dans le Bulletin de la Société d'encouragement à l'industrie nationale à l'attention des ingénieurs français. Ils imitèrent en effet les Anglais, et ne virent, comme eux, dans le chemin de fer qu'un moyen plus pratique pour les propriétaires de mines d'acheminer leurs charbons à la plus prochaine voie navigable ou an plus voisin des centres de consommation. Ce fut la raison des quatre premières concessions de chemins de fer français ; les trois premières, celle de Saint-Étienne à Andrezieux (1823), celle d'Andrezieux à Roanne (1828), celle de Saint-Étienne à Lyon (1826), eurent pour objet de diriger les charbons du Forez soit sur la Loire, soit sur le Rhône.

Au moyen du chemin de fer, écrivait la Chambre de, commerce de Lyon le 1er mars 1827, qui nous amènera les produits du bassin houiller du déparie-ment de la Loire à si bas prix qu'il semblera qu'une mine en a été découverte au milieu de nous, toutes les usines qui emploient des machines à vat.eur pourront être mises en activité ; placées sur le Rhône et la Saône, débouchant par le Rhône à la Méditerranée, arrivant par la Saône aux canaux qui mettent, cette ris  ire en communication avec le Rhin et la Seine, elles pourront expédier avec facilité et économie leurs produits dans le Midi et dans le Nord de la France et de l'Europe.

La quatrième ligne, celle d'Épinac (1830), devait conduire les charbons du Centre au canal de Bourgogne La ligne de Saint-Étienne à Andrezieux (18 kilomètres), qui fut ouverte le 1er octobre 1828, laissa voir l'inexpérience des constructeurs ; ils se servaient de rails en fonte, très cassants ; le tracé comporta des courbes en lacets de 50 mètres de rayon ; on ne savait pas encore éviter les pentes par des tranchées ou par des tunnels. La ligne d'Andrezieux à Roanne (67 kilomètres), qui s'ouvrit en 1834, ne se composait guère que de plans inclinés reliés par des paliers. Les constructeurs de la ligne de Saint-Étienne à Lyon (57 kilomètres), les frères Seguin, montrèrent plus d'habileté technique : les courbes furent faites à grand rayon, les pentes corrigées par 15 tunnels, par des tranchées profondes et des remblais ; cette ligne coula 12 millions. La section Saint-Étienne-Givors fut ouverte le 1er octobre 1830. La traction sur les chemins de fer était simultanément faite par des chevaux et des bœufs sur les pentes fortes ou sur les trajets sinueux, par des locomotives sur les pentes douces ou les plans horizontaux, et, sur les plans inclinés, par des machines fixes qui hissaient les voilures au moyen de cordes. On utilisait aux descentes la pesanteur du chariot, des freins réglant sa chute.

Il ne venait à l'idée de personne, lors des premières constructions, qu'on pût employer les chemins de fer à autre chose qu'ail transport des matières lourdes, pour gagner du temps, et aussi pour ménager les routes défoncées par le gros charroi. Un ingénieur, Borgnis, écrivait en 1818, dans sa Mécanique appliquée, à propos des chemins de fer anglais : On a propose de rendre applicable cette invention à toute espèce de voitures ; mais je ne crois pas que cette application puisse jamais être mise en usage avec succès. Et il donnait pour raison la difficulté qu'il y aurait à construire des voitures ayant toutes le même écartement de roues. Seuls, les Saint-simoniens du Producteur surent prévoir qu'une puissance de locomotion semblable ne pouvait être introduite chez les hommes sans opérer une vaste révolution dans l'état de la société, que les villes provinciales d'un empire deviendraient autant, de faubourgs de la capitale. Les chemins de fer n'intéressent, encore vraiment que les utopistes. La loi les ignore ; c'est une simple ordonnance qui établit les concessions, perpétuelles et sans clauses de reprise[4]. Ils ne donnent lieu à aucune spéculation de Bourse. Le public n'imagine pas qu'ils puissent transporter des voyageurs. On a calculé uniquement l'économie qui résultera de leur usage pour le transport des marchandises : elle sera des 2/3 entre Saint-Étienne et Lyon, 5 fr. 50 par tonne au lieu de 15,50 ; les voies qui doivent déverser les produits des mines et de l'industrie de Saint-Étienne sur la Loire ou sur le Rhône une fois achevées, le canal latéral projeté pour faciliter la navigation difficile de la Haute-Loire et relier le chemin de fer au canal latéral de Digoin à Briare permettra aux métallurgistes de Saint-Etienne de produire la tonne de fer à 300 francs.

Aucun chiffre n'indique avec précision la circulation des marchandises ; mais on a des indices. De 1816 à 1828, les contributions indirectes passent de 140 millions à 212 ; les droits de navigation et (le péage de 4 à 6 millions ; le dixième des octrois (part de l'État) de 4 à 5 millions ; le timbre de 25 à 29 millions. Le revenu des postes (y compris la taxe des voyageurs) passe de 19 à 31 millions. On distribue à Paris 28.000 lettres par jour en 1816, 43.000 en 1828 ; on eu expédie de Paris 67).000 en 1816, 118.000 en 1828. Mais le service est encore très sommaire dans les départements. Sur 37 367 communes, il v en a 35 587 sans bureau de poste, et même sans relations avec les bureaux. C'est en 1829 seulement qu'une loi décide que, moyennant une surtaxe de 10 centimes perçue sur le destinataire, les lettres seront distribuées tous les deux jours dans toutes les communes de France. C'était une réforme hardie. Elle fut appliquée l'année suivante : A dater du 1er avril 1830, déclara le ministre des Finances, cinq mille facteurs devront recueillir et distribuer les lettres dans toutes les communes rurales du royaume. Cette grande et utile mesure fera cesser l'espèce d'isolement dans lequel sont placés les sept dixièmes de la population de la France.... La marche de chaque facteur devra être d'environ 5 lieues par jour ; ce service sera le plus actif qui ait jamais été conçu et exécuté en ce genre, puisque le parcours journalier sera de 25.000 lieues environ. La taxe des lettres était restée jusqu'en 1827 proportionnée à la distance réelle à parcourir et au poids, conformément à la loi du 27 frimaire an VIII, mais ce régime provoquait des réclamations fréquentes sur l'interprétation des tarifs. La loi de 1827 décida le retour an système de la loi de 1791, qui mesurait les distances à vol d'oiseau. Le nouveau tarif fixa le prix de l'affranchissement de 2 à 12 décimes, suivant la distance aérienne, polir une lettre simple pesant 7 grammes et demi. Ainsi, une lettre simple payait 1 fr. 10 de Paris à Marseille.

 

Les capitaux employés dans le commerce et dans l'industrie sont encore peu mobiles. Les sociétés anonymes, régies par l'article 37 du Code de commerce qui soumet leur constitution à l'approbation du gouvernement, sont rares. De 1815 à 1829, on compte seulement 98 fondations nouvelles pour l'exploitation de mines, de canaux, de théâtres, de forges, de fonderies, de verreries, d'industries diverses, de banques. Un petit nombre sont cotées à la Bourse de Paris : ce sont les compagnies de gaz (1826), de salines et mines de sel de l'Est, de canaux, qui dépassent rarement le pair et s'y maintiennent mal, et huit compagnies d'assurances contre les risques de mer, contre l'incendie et sur la vie. Celles-ci forment la nouveauté la plus intéressante : les assurances d'incendie avaient toutes disparu pendant la Révolution ; les assurances sur la vie, interdites pendant l'ancien régime, furent introduites en France, à l'imitation de l'Angleterre, en 1820. Les autres transactions de la Bourse de Paris se pratiquent sur les fonds de deux établissements de crédit, la Banque de France et la Caisse hypothécaire, et sur les fonds publics ; c'est-à-dire, sur les trois types, 3, 4 et demi et 5 p. 100, de la rente française, sur les fonds des villes de Paris (dont le premier emprunt est de 1815) et de Bordeaux. Les fonds des États étrangers, interdits depuis l'arrêt du conseil du 7 août 1785, ne sont réinscrits à la Bourse de Paris que le 18 novembre 1823, considérant, dit l'ordonnance, qu'il peut être utile de donner un caractère légal et authentique aux opérations nombreuses qui se font déjà sur les emprunts étrangers. Ce sont les valeurs des Deux-Siciles, de l'Espagne et d'Haïti. Le chiffre total des valeurs inscrites à la cote de Paris est de 3 en 1801, de 4 en 1814, de 13 en 1820, de 32 en 1825, de 38 en 1830[5].

Quant à l'importance des transactions de Bourse, il est impossible de l'évaluer exactement. Qu'elle soit faible, cela n'est pas douteux, l'activité du marché étant à peu près limitée aux ventes et achats de rentes, et les rentes étant nominatives jusqu'à 1831. Le marché est aux mains d'un petit nombre de capitalistes parisiens. Le gouvernement s'efforce d'y intéresser la province et les petits porteurs ; une loi de 1819 ouvre dans chaque Recette générale de département un grand-livre auxiliaire de la Dette Publique, pour faciliter les placements momentanés, pour donner l'occasion de faire produire des intérêts aux économies destinées aux acquisitions territoriales. Une loi de 1822 abaisse à 10 francs le minimum inscriptible de rentes, qui était de 50 francs, pour faciliter l'emploi des petits capitaux et encourager l'économie dans les classes laborieuses. Toutefois, si la spéculai ion est limitée à un petit nombre d'individus, elle est plus active que ne le laisserait croire l'étroitesse du marché[6]. Le prix des charges d'agents de change qui, alors variable, suit assez exactement la valeur des opérations qui les rémunèrent, est de 280.000 francs en 1818, monte à 600.000 en 1823, à 937.000 en 1825, pour retomber à 600.000 en 1827, à 750.000 en 1828, à 612.000 en 1830.

Certains indices permettent, non de donner le chiffre des transactions commerciales, mais d'y noter un certain progrès. Le stock monétaire est évalué à 2.075 millions en 1814 et à 2 400 millions en 1830. L'échange à crédit supplée de plus en plus à la rareté ou au peu de mobilité de la monnaie ; l'accroissement d'affaires des banques marque un meilleur aménagement des ressources monétaires. Le total des comptes courants de la Banque de France, de 23 à 26 millions sous l'Empire, tombé à 1.300.000 francs en 1814, se maintient à 56 millions environ de 1820 à 1830. La circulation fiduciaire des effets de commerce est en accroissement constant : la Banque de France encaisse à Paris des effets au comptant pour 393 millions en 1816, pour 828 en 1830 ; elle en escompte pour 206 millions en 1815, pour 617 en 1830. Le taux de l'escompte, du 5 p. 100 entre 1813 et 1819, se maintient ensuite à 4 p. 100. La circulation moyenne des billets de la Banque de France, de 3 millions en 1812, avec une encaisse moyenne de 81 millions, est de 153 millions en 1820 (encaisse : 195 millions), de 223 millions en 1830 (encaisse : 145 millions). Mais ils ne circulent guère qu'à Paris, seule ville où ils soient remboursables ; ils perdent en province 1 à 2 p. 100. Depuis la suppression (en 1817) des comptoirs départementaux de la Banque de France, trois Banques départementales, Rouen, Nantes et Bordeaux, créées en 1817 et 1818, la première au capital de 1 million, la deuxième au capital de 600.000 francs, la troisième au capital de 315.000 francs, sont autorisées à émettre des billets, à ouvrir des comptes courants, à escompter le papier de commerce. On sait peu de chose de leurs opérations avant 1830. Rouen, en 1827, escompta pour 17.426.000 francs, avec une encaisse de 1.626.000 francs et une circulation de 2.840.000 francs, et distribua de 1818 à 1826 un dividende moyen de 7,8 p. 100. La circulation des billets de Bordeaux fut de 3 millions en 1820, de 8 millions et demi en 1825. Nantes eut plus de peine à vaincre la défiance du public à l'endroit du papier-monnaie ; sa banque ne sortit de la médiocrité qu'après 1830.

 

Comparé au prodigieux mouvement contemporain des marchandises, des valeurs mobilières, de la monnaie, du papier de commerce et des billets, l'échange et par conséquent la production semblent sous la Restauration plus proches de l'ancien régime que de nous. C'est la révolution dans les moyens de transports, c'est la vapeur et les chemins de fer qui feront la démarcation entre l'ancien régime économique et le nouveau. Il y aura quelque chose de changé eu France le jour où les effets sur Paris n'arriveront plus à la Banque de France dans le coffre de la diligence des Messageries nationales, confiés à la vigilance du cocher qui les encaisse.

 

 

 



[1] Cette moyenne, que Chaptal réduit à 28 francs, est formée au moyen de chiffres extrêmes, qui vont de 216 francs pour le département de la Seine, à 5,99 pour celui des Basses-Alpes. La Corse est restée en dehors des évaluations du revenu total et du revenu à l'hectare.

[2] C'est le chiffre donné par Chaptal (De l'industrie française, I, 209) d'après l'évaluation de la valeur foncière imposable déterminée par le baron Louis en 1815 ; mais les maisons y sont comprises. Le revenu des terres seules serait, d'après Chaptal, de 1.486 millions seulement.

[3] C'est la loi du 24 juin 1824 qui a modifié profondément le régime fiscal des alcools en substituant à la taxe au volume la perception au degré : tous les droits anciens disparurent pour faire place à un droit général de consommation fixe à 50 francs par hectolitre l'alcool pur. Ce droit, abaissé à 24 francs en 1830, fut rétabli à 50 francs en 1855.

[4] Il faut noter pourtant à Lyon une opinion de praticiens intéressante. Quand il est question en 1825 de faire une ligne parallèle au Rhône, de Lyon à Arles, la Chambre de commerce proteste contre un projet de concession à perpétuité : Dans l'état actuel des progrès de l'industrie et de, science, qui oserait répondre que le chemin de fer, regardé aujourd'hui comme une invention infiniment utile et ingénieuse, ne sera pas relégué dans cent ans au nombre de ces procédés surannés dont le perfectionnement des arts nous fait aujourd'hui dédaigner l'emploi.

[5] Il est, en 1914, de 1.176 ; les affaires industrielles (chemins de fer compris), entrent dans ce chiffre pour 634, les banques pour 162, les fonds d'Etats et de villes pour 288, les assurances pour 42. Le capital nominal engagé dans les valeurs françaises était, en 1904, de 58.670.422.700 francs, dans les valeurs étrangères de 130.079.673.800 francs.

[6] Le spéculateur à la Bourse fait alors son apparition dans la Comédie. En 1821, Picard, Waflard et Fulgence donnent Le Jeu de Bourse ou la Bascule ; en 1826, trois comédies, Le Spéculateur, de Biboutté, L'Agiotage, de Picard et Empis, L'Argent ou les Mœurs du Siècle, de Casimir Bonjour, mettent en scène des joueurs de Bourse. Le Globe constate, à propos de la comédie de Picard : Le jeu, l'agiotage sont le trait de caractère du jour ; le critique des Débats écrit : Ce jeu effroyable, ce jeu qui, par le nombre de ses victimes, devrait paraitre plutôt favorisé que repoussé par l'opinion, ne compte cependant aucun approbateur sincère. Ceux qui jouent sont les premiers à condamner leur faiblesse ; ceux qui gagnent (et on peut les compter) rougissent d'un succès dont les expériences quotidiennes leur ont appris à redouter le lendemain.... Les hommes prudents se plaignent avec indignation que l'autorité retienne captif sur ses lèvres le mot puissant qui mettrait un terme à tant de malheurs ou à tant de désastres. (Voir Des Granges, La comédie et les mœurs sous la Restauration et la monarchie de juillet, Paris, 1906, chap. V.)