HISTOIRE DU DROIT DES GENS ET DES RELATIONS  INTERNATIONALES

TOME I. — L’ORIENT

PREMIÈRE PARTIE. — LES THÉOCRATIES.

LIVRE III. — L’ÉGYPTE

CHAPITRE III. — RELATIONS INTERNATIONALES.

 

 

§ 1. Considérations générales.

N° 1. Isolement. Mœurs inhospitalières des Égyptiens.

Si l’on s’en tient aux relations apparentes, on peut dire avec Montesquieu que l’Égypte était le Japon de l’antiquité[1]. Ses mœurs, ses institutions, fruit d’un développement original, l’éloignaient de tout commercé avec les nations étrangères. On a cherché la cause de ce caractère individuel de la civilisation égyptienne dans la constitution physique du pays. Hérodote en a déjà fait la remarque : Comme le climat de l’Égypte diffère de tous les autres climats, et que le Nil est d’une nature différente des autres fleuves, de même les habitants suivent des usages et des lois qui sont contraires à ceux des autres nations[2]. Un géographe éminent a donné d’ingénieux développements à cette idée. Le Nil, dit Ritter, est le seul fleuve des Tropiques qui se décharge dans une mer méditerranée. Tous les cours d’eau de l’Inde, de la Chine, de l’Amérique aboutissent à l’Océan ; la vue de l’immensité des mers appelle leurs riverains à une vie d’expansion. En Égypte ce n’est pas la mer qui attire les regards des habitants ; le seul phénomène qui les frappe, c’est le débordement du Nil, d’où leur vient la fécondité et la vie. L’activité des Égyptiens était donc liée à leur vallée étroite, rien ne les sollicitait à franchir ces limites : concentrée dans cet espace resserré, la force intérieure de ce peuple se développa avec d’autant plus de puissance et d’originalité. La nation égyptienne est le produit de la nature de sa vallée ; elle est sortie du sol où elle resta enchaînée, comme les statues de ses dieux du porphyre de ses carrières[3].

L’influence du climat sur le caractère particulier de la civilisation égyptienne est incontestable ; mais elle n’explique pas à elle seule l’éloignement que les riverains du Nil montraient pour toute communication avec l’étranger. Les Égyptiens, comme les habitants de l’Inde, se croyaient un peuple élu : ils se disaient autochtones, la race humaine par excellence : le langage hiéroglyphique identifie l’Égypte avec le monde, les Égyptiens avec l’humanité[4]. La source de ces prétentions est l’orgueil religieux : le sacerdoce a la possession exclusive de la vérité ; les riverains du Nil sont des hommes purs, leur sol sacré est la région de la pureté ; le reste de l’univers, le séjour de l’impureté[5]. De là une horreur profonde pour les étrangers. Un Égyptien aurait cru se souiller en mangeant avec un Hébreu[6] ; cette exclusion injurieuse ne frappait pas seulement les Pasteurs, race maudite, immonde ; tous les peuples étaient mis sur la même ligne : Il n’y a point d’Égyptien, ni d’Égyptienne, dit Hérodote, qui voulut embraser un Grec, ni même se servir du couteau d’un Grec, de sa broche, de sa marmite, ni goûter de la chair d’un bœuf qui aurait été coupée avec le couteau d’un Grec[7]. Ce sentiment de répulsion s’étendait jusqu’aux objets de la nature physique. Il était défendu aux prêtres égyptiens de toucher à des aliments ou à des boissons de provenance étrangère[8].

La séparation religieuse qui existait entre les Égyptiens et le reste du genre humain fut consacrée par une marque extérieure : la circoncision faisait des habitants de l’Égypte de même que des Hébreux un peuple privilégié. C’était le principe d’un orgueil immense. Les Égyptiens avaient un profond dédain pour les institutions étrangères. Hérodote remarque comme un trait caractéristique de la nation, son éloignement pour les usages de tous les autres hommes[9]. Le grand pontife faisait jurer aux rois, en les consacrant que, sous aucun prétexte, ils n’introduiraient une coutume étrangère[10]. Les Égyptiens, si le vœu du sacerdoce avait pu s’accomplir, n’auraient pas connu d’autre pays que la vallée du Nil. Les prêtres s’étaient interdits à eux-mêmes les voyages maritimes[11] ; ils les considéraient comme une action impie et ne les permettaient que lorsque l’intérêt de l’état les commandait[12]. Les habitants de l’Égypte attachaient aux voyages des idées tellement lugubres, qu’ils laissaient croître leurs cheveux en signe de deuil jusqu’au retour dans leur patrie ; cette coutume subsistait encore du temps de Diodore[13].

A leur tour, les Égyptiens inspiraient peu de sympathie aux autres peuples. Mille superstitions, mille usages particuliers créaient d’inépuisables antipathies. Ceux-ci s’abstenaient de manger des lentilles, ceux-là des fèves, du fromage ou des oignons ; les uns méprisaient ce que les autres avaient en honneur. Ces observances devenaient souvent une cause de désunion entre les diverses provinces de l’Égypte, à plus forte raison devaient-elles séparer les Égyptiens des nations étrangères. Diodore raconte comme témoin oculaire qu’un Romain, ayant tué un chat, fut assailli dans sa maison par la populace et ne put être soustrait à sa fureur ; cependant le crime était involontaire, le Roi envoya des magistrats pour sauver le coupable, et les Égyptiens avaient tout à craindre de la vengeance de Rome[14]. Comment communiquer avec des hommes fanatiques à ce point ?

L’antipathie des riverains du Nil pour tout ce qui était étranger explique un trait peu honorable de leurs mœurs. Seuls de tous les peuples, ils n’ont pas pratiqué la plus belle vertu du monde ancien : l’hospitalité. Qui ne connaît les autels sanglants du cruel Busiris ?[15]. Cette tradition a donné une triste célébrité aux Égyptiens ; mais déjà dans l’antiquité elle était l’objet de vives controverses. Hérodote nia  les sacrifices humains. Isocrate écrivit un plaidoyer en règle en faveur de Busiris[16]. Eratosthène soutint qu’il n’avait pas existé de roi portant ce nom[17]. Parmi les savants modernes, les uns font de Busiris un personnage mythique ou astronomique[18] ; d’autres le considèrent comme une invention des Grecs[19]. Il est possible qu’il n’y ait pas eu de roi Busiris, mais on n’invente pas de pareilles fables pour des peuples hospitaliers. Les sacrifices humains sont attestés par le témoignage des Égyptiens eux-mêmes ; les victimes, ne pouvaient être que des vaincus ou des étrangers. Le mythe est en tout cas l’expression du caractère des Égyptiens, leurs mœurs inhospitalières étaient proverbiales[20].

Tant que la constitution théocratique, fut en vigueur, ainsi à l’époque la plus florissante de sa civilisation, l’Égypte resta fermée aux étrangers. Il est probable que dans les temps reculés l’exclusion était absolue[21]. Mais le besoin des relations commerciales se fait sentir chez les peuples les plus isolés ; les Chinois eux-mêmes ouvrirent une ville aux étrangers ; Naucratis fut le Canton de l’Égypte ; c’était autrefois, dit Hérodote, la seule ville de commerce ; si un étranger abordait à une autre bouche du Nil, il devait jurer qu’il n’y était pas entré de son plein gré, et se rendre ensuite avec son vaisseau à l’embouchure Canopique ; si les vents contraires s’y opposaient, il était obligé de transporter ses marchandises autour du Delta, jusqu’à ce qu’il arrivât à Naucratis[22]. En accordant un port aux commerçants, les Égyptiens n’entendaient pas permettre aux étrangers de s’établir sur leur sol. Ce n’est qu’à la dissolution de la constitution sacerdotale que la Région de la Pureté fut ouverte aux impurs. Psammétique assigna des terres à des mercenaires grecs en reconnaissance de leurs services : Hérodote dit que les Ioniens et les Cariens furent le premier peuple que les Égyptiens eussent reçu chez eux[23].

N° 2. Navigation. Commerce.

Ératosthène a essayé de justifier la conduite des Égyptiens : se suffisant à eux-mêmes par la merveilleuse fertilité de leur territoire, ils devaient voir avec peu de faveur des étrangers aborder sur leurs côtes ; qu’y venaient-ils faire ? dans ces temps à de violence, les marchands étaient le plus souvent des pirates qui enlevaient les hommes et les biens[24]. Nous croyons qu’il faut chercher la raison de l’isolement de l’Égypte dans sa constitution théocratique[25]. Ce régime explique aussi l’éloignement de ses habitants pour la navigation[26].

Les théocraties ne sont pas favorables au commerce extérieur. L’Inde brahmanique a été visitée par les peuples étrangers, mais elle n’a pris qu’une part passive à ces relations. Les Juifs ont été, jusqu’à leur dispersion, un peuple essentiellement agriculteur. Il en était de même des Égyptiens. Ils avaient la mer en horreur ; des circonstances particulières donnèrent une couleur locale à cette aversion. L’Égypte, couverte entièrement par la mer dans les temps primitifs, sortit successivement du sein des eaux, grâce aux terres que le Nil charrie dans ses inondations annuelles ; l’Égypte, dit Hérodote, est un présent du fleuve[27]. Le Delta, formé par ses alluvions, était sans cesse menacé par les envahissements de la mer, jusqu’à ce que les digues l’eussent mis à l’abri des flots. La mer représentait donc pour les Égyptiens une puissance hostile ; elle devint l’emblème de Typhon, l’ennemi d’Osiris. La mer n’est pas un élément aux yeux des prêtres, elle ne fait pas partie de l’univers, c’est un excrément étranger, quelque chose de corrompu, une source de maladies. La mer est le produit du feu, qui dessèche toutes choses et empêche la production ; c’est le domaine de Typhon, tandis qu’Osiris est le principe de toute vie, de toute croissance[28]. Tout ce qui sort de la mer est en horreur aux Égyptiens, même le sel et les poissons[29].

Comment concilier cette horreur de la mer avec les traditions sur les conquêtes de Sésostris, les colonies sorties de l’Égypte et le commerce des riverains du Nil avec les peuples du midi de l’Asie ? Laissons de coté pour le moment la colonisation, objet d’une vive controverse. Les monuments attestent les expéditions maritimes des Pharaons ; l’éloignement des Égyptiens pour la navigation est tout aussi certain. Pour expliquer cette contradiction, nous n’avons que des conjectures. On pourrait dire que les rois conquérants firent violence au génie égyptien, et créèrent une marine malgré les préjugés populaires. Mais cette hypothèse est peu satisfaisante ; une marine ne s’improvise pas, l’esprit d’une nation ne se change pas d’un jour à l’autre ; d’ailleurs pour armer des flottes, il faut du bois et du fer, et l’Égypte en manque. Il est plus naturel de supposer que les Égyptiens, devenus conquérants, se servirent des flottes des vaincus. Les Perses avaient pour la mer et la navigation une antipathie qui rappelle en tout les sentiments du sacerdoce égyptien ; ils eurent cependant des flottes puissantes et livrèrent des batailles navales qui seront à jamais célèbres dans les annales de la liberté. Leurs préjugés étaient restés les mêmes ; ce n’étaient pas les vainqueurs qui montaient les vaisseaux, mais les vaincus, les marins de Tyr et de Sidon. Tous les conquérants de l’Asie se servirent des Phéniciens pour se créer une marine[30] ; il est probable que les Pharaons obéirent à la même nécessité[31].

L’existence d’un commerce considérable dans la vallée du Nil se conçoit plus facilement, même en admettant que les Égyptiens n’eussent pas de marine. Le spectacle que l’Inde nous a offert se reproduit en Égypte : la nature l’a destinée à cure un des grands centres commerciaux de l’univers. Des institutions religieuses, politiques, n’ont pu contrarier les desseins de la Providence. Le sol égyptien est célèbre pour sa fertilité, il est arrosé par un fleuve navigable dans la plus grande partie de son cours. Ces éléments de prospérité se développèrent de bonne heure. Il se faisait un commerce actif dans l’intérieur dit pays. Des relations commerciales existaient entre les nations du midi de l’Asie ; l’Égypte placée entre deux mers, dont l’une baigne les rivages de l’Inde, fut entraînée dans le mouvement. Les monuments attestent l’existence d’un vaste commerce. On trouve dans les tombeaux les objets les plus variés servant aux commodités de la vie et au luxe ; les matières premières dénotent une origine asiatique. Les meubles en bois de mahagoni[32], les vases chinois[33] prouvent qu’il y avait des communications suivies avec l’Inde et la Chine. Ce sont ces relations qui donnèrent l’idée aux Pharaons de relier le Nil avec la Mer Rouge par un canal[34].

Le commerce avec l’Orient ne doit pas nous surprendre, aujourd’hui que les expéditions guerrières des Égyptiens sont certaines. Ces conquêtes supposent des liaisons entre les peuples de l’Afrique et de l’Asie. Qu’importe que l’empire des Pharaons ait été passager ? les conquérants passent, les liens qu’ils créent, subsistent. L’éloignement que les Égyptiens avaient pour la mer était un obstacle ; mais dans l’antiquité, le commerce se faisait principalement par voie de terre. Située entre l’Asie et l’Afrique, l’Égypte était pour ainsi dire la route naturelle des marchands. Cela est si vrai que, même dans les temps modernes où le commerce est devenu essentiellement maritime, de nombreuses caravanes parcourent encore la vallée du Nil. Méroé était le rendez-vous et l’entrepôt des caravanes éthiopiennes qui partaient d’Égypte ou qui y allaient. Le commerce s’étendait plus loin, jusqu’aux riches pays du sud de l’Afrique ; les Égyptiens en recevaient l’or, l’ébène et les esclaves ; de l’Arabie ils tiraient l’encens, de l’Inde les épices et le coton, de la Phénicie et de la Grèce les vins, le sel des déserts de l’Afrique. Ils livraient en échange leurs tissus de lin et de laine et leurs grains. Déjà dans le siècle de Moïse, l’industrie de l’Égypte avait atteint un haut degré de perfection[35] ; ses toiles étaient très estimées des Grecs, les Carthaginois en faisaient l’objet d’un commerce d’échange sur les côtes de l’Afrique occidentale. On voit par la tradition sur la migration hébraïque que des les temps les plus reculés, l’Égypte était le grenier des contrées voisines[36].

Bien que l’Égypte ait été le centre d’un trafic considérable, les Égyptiens ne furent jamais un peuple commerçant. Montesquieu a déjà remarqué combien ils étaient indifférents pour le commerce du dehors ; ils en étaient si peu jaloux, dit-il, qu’ils laissèrent celui de la Mer Rouge à toutes les nations qui y eurent quelque port[37]. Le régime théocratique les éloignait des peuples étrangers. Cependant l’Égypte était si heureusement située, qu’elle n’attendait qu’on changement dans sa constitution pour devenir le siège du commerce du made. Lés Persans préparèrent cette révolution, Alexandre l’acheva ; mais la mission de l’Égypte sacerdotale est dès lors remplie. Quelle fut cette mission ? Si l’Égypte n’a été ni commerçante, ni conquérante, comment est-elle entrée en communication avec l’humanité ?

La tendance des théocraties à l’isolement est en opposition avec les desseins de Dieu : la séparation absolue des peuples en corps isolés serait la mort de l’humanité. Aussi cet isolement n’a-t-il existé d’une manière complète ni chez les Indiens, ni chez les Égyptiens, ni chez les Hébreux. Les plus vieilles traditions nous montrent l’Égypte en rapport avec les peuples auxquels se rattache plus particulièrement la civilisation occidentale. Homère y fait aborder Ménélas, et le héros grec est bien accueilli ; Pâris y vient avec Hélène, le Pharaon repousse le prince troyen, non comme étranger, mais comme criminel. Les enfants de Jacob y reçoivent d’abord une hospitalité généreuse. Ces traditions nous indiquent les voies par lesquelles la Providence a unis l’Égypte sacerdotale en communication avec les autres peuples.

§ 2. L’Égypte et la Grèce.

La Grèce doit-elle sa civilisation à l’Égypte ? C’est une de ces questions d’origine et de filiation des idées qui par leur nature même n’admettent pas une preuve complète. Au milieu de l’obscurité qui règne encore sur le berceau des nations on doit se contenter de quelques faibles lumières. Dans les récits des auteurs anciens sur les rapports entre l’Égypte et la Grèce, il importe d’abord de séparer les faits incertains, contestables, des faits historiques. Parmi les premiers nous rangeons les colonies égyptiennes ; parmi les seconds, les relations qui s’établirent entre les deux peuples à dater du septième siècle.

N° 1. Colonisation.

Les peuples de l’antiquité étaient doués d’une admirable vertu d’expansion. Les uns, animés de passions guerrières, conçoivent l’ambitieux projet de conquérir le monde, et ils ne se reposent que lorsqu’une grande partie de la terre forme un seul empire ; d’autres étendent à la fois leur domination et leurs idées par des colonies. Les théocraties n’échappent pas à cette loi divine. Les Ariens de l’Inde civilisèrent les îles de l’Archipel. Si nous en croyons la tradition sacerdotale, les Égyptiens envoyèrent des colonies dans toutes les parties du monde : Osiris parcourut la terre et répandit partout l’agriculture et la civilisation. Les prêtres rapportaient des faits plus positifs à l’appui de leurs prétentions. Selon eux[38] des colons, partis de l’Afrique, établirent sur les rives de l’Euphrate une société semblable à celle de l’Égypte ; les Chaldéens étaient, comme les prêtres égyptiens, exempts de charges publiques, comme eux ils s’occupaient de sciences et de l’observation des astres. Les Colchidiens et les Juifs avaient la même origine, l’usage de la circoncision, commun à ces peulples, attestait leur parole. Des Egyptiens fondirent la plus ancienne des tilles grecques, Argos, et la plus célèbre cité de la Grèce, Athènes. Enfin, dit Diodore, ils se vantent d’avoir dispersé leur race dans une grande partie du monde[39].

Les Grecs, de leur côté, faisaient remonter la source de leur civilisation à l’Égypte. Nous ne parlons pas d’Inachus, premier prêtre-roi d’Argos ; quelques historiens voyaient dans ce personnage mythique, fils de l’Océan, le symbole d’une colonie venue par la mer, probablement des rives de l’Afrique[40]. Nous rangeons aussi parmi les mythes, la colonie égyptienne d’Ogygès[41] qui introduisit dans l’Attique le culte de Neptune[42]. Passons encore l’Égyptien Lélex que les Mégariens comptaient parmi leurs anciens rois[43], pour arriver aux établissements plus célèbres de Cécrops et de Danaüs. Le premier partit, dit-on, de Saïs pour l’Attique, vers le milieu du seizième siècle avant notre ère. Cinquante ans plus tard, Danaüs, laissant les belles eaux du Nil, qui s’enfle lorsque le soleil, se promenant site son char à travers les airs, fond les neiges de l’Éthiopie, vint à Argos, où il s’établit dans la ville d’Inachus, et il donna le nom de Danaens à ceux qui portaient auparavant celui de Pélages[44]. La postérité reconnaissante exagéra peut-être les bienfaits de la civilisation que les étrangers portèrent en Grèce ; des écrivains modernes ont encore embelli le tableau[45]. Cécrops défendit, suivant Pausanias, de sacrifier aux dieux rien qui eût vie, il voulut qu’on leur offrit seulement des gâteaux et des parfums[46]. Il fonda le culte de Minerve, de Saturne, de Rhéa[47]. La religion lui servit à humaniser les mœurs. Il institua le mariage[48] ; il réunit les hommes et bâtit des villes[49]. A l’abri de leurs remparts ; les Athéniens furent les premiers des Grecs à déposer, pendant la paix, ces armes meurtrières, qu’auparavant ils ne quittaient jamais[50]. Danaüs est aussi représenté comme initiateur, il introduisit le culte de Minerve et d’Aphrodite[51] ; les célèbres Danaïdes, ses filles, établirent, les Thesmophories[52]. D’après ces traditions, le polythéisme grec serait d’origine égyptienne. Telle est en effet la conviction qu’Hérodote puisa dans les conversations des prêtres d’Égypte[53].

Jusque dans les temps modernes, on avait admis comme un fait incontestable, que la civilisation grecque a sa source en Orient[54]. L’esprit critique du dix-neuvième siècle attaqua les traditions de Cécrops et de Danaüs, comme tant d’autres- qui avaient cours sur l’origine des institutions et la filiation des peuples. Une école de savants, plus Grecs que les Grecs eux-mêmes, rejeta l’influence égyptienne comme une fable inventée par les prêtres d’Égypte et acceptée trop facilement par les crédules hellènes. Un des plus profonds historiens allemands, Ottfried Müller dont la science regrettera toujours la mort prématurée, se mit à la tête de ces philhellènes. Son Histoire des tribus helléniques commence par un véritable manifeste :

Pausanias reprochait déjà aux Grecs d’admirer les choses étrangères et de négliger les monuments de la Grèce. Ce reproche frappe surtout la manie orientale d’Hérodote[55]. Le père de l’histoire a eu des imitateurs parmi les savants modernes. De même que les écrivains des derniers siècles trouvaient les origines de toutes choses chez les Juifs, nos orientalistes les cherchent chez les Égyptiens, les Phéniciens, les Indiens. Avant tout, il faudrait étudier la Grèce, et l’Orient, au lieu de s’égarer dans de vagues hypothèses qui n’avancent en rien les progrès de la science[56]. L’auteur soumet ensuite la tradition de Cécrops et de Danaüs à une vive critique :

Cécrops, égyptien vient de Saïs en Égypte[57].

Quels sont les garants de cette émigration ? Ni Homère, ni les poètes cycliques n’en font mention. D’après les logographes, Cécrops est autochtone, fils de la terre. Hérodote lui-même ne connaît pas l’Égyptien Cécrops. Il faut descendre jusqu’à Théopompe pour rencontrer l’opinion d’une colonisation de l’Attique par l’Égypte, et jusqu’aux scoliastes d’Alexandrie pour apprendre que Cécrops est le fondateur d’Athènes. Qui dons a inventé la fable du Cultivateur[58] Cécrops, passant la mer malgré l’antipathie des Égyptiens pour la navigation et les voyages ? Les prêtres qui sous les Ptolémées se consolaient de leur décadence en imaginant que la moitié du monde avait été civilisée par les riverains du Nil[59]. Müller conclut que l’origine égyptienne de Cécrops est un sophisme historique[60]. Quant à Danaüs, il le considère comme la représentation mythique de la souche achéenne des Danaens, et qui pourrait croire que ceux-ci fussent des Africains[61] ? Ce mythe n’à pas plus de fondement que celui de Cécrops[62].

Si la colonisation est fabuleuse, que deviennent les prétendus rapports qu’on dit exister entre la Grèce et l’Égypte ? Lorsque Hérodote vint en Égypte, deux siècles s’étaient écoulés, depuis que Psammétique avait concédé des terres aux Ioniens ; les Grecs, race active, s’étaient répandus sur tout le pays. Quel fut le résultat du contact des deux nations ? L’Égypte marchait vers une rapide décadence ; le sacerdoce était frappé de la civilisation hellénique qui avait toute la force de la jeunesse et qui bientôt allait jeter un éclat immortel. Les Grecs de leur côté admiraient ces monuments d’une antique culture dont les ruines excitent encore aujourd’hui l’enthousiasme. Les prêtres imbus de l’idée de leur supériorité, se fondant sur l’incontestable ancienneté de leurs institutions, prétendirent que la religion, la philosophie, les arts de la Grec étaient d’origine égyptienne. Les voyageurs, que la réputation de la sagesse sacerdotale attirait dans les temples, étaient tout disposés à recevoir des traditions qui faisaient dériver la civilisation hellénique d’une nation aussi célèbre. Ainsi s’explique l’égyptomanie d’Hérodote et de Diodore et l’opinion qui s’accrédita dans les deux pays sur une parenté des deux peuples[63]. Mais, ajoute un autre écrivain allemand[64], quand on pénètre au fond de la religion égyptienne et du polythéisme grec, on ne trouve aucun indice de filiation. L’Égypte est théocratique, la Grèce développe librement ses sentiments religieux, comme ses arts, sa littérature, sa philosophie. Il n’y a pas même de ressemblance extérieure dans les noms ; si quelques mythes, tels que ceux d’Osiris et de Bacchus, paraissent avoir de l’analogie, rien ne nous autorise à croire que les Grecs les aient empruntés à l’Égypte ; n’ont-ils pas plutôt leur source en Orient, d’où sont venus les Hellènes aussi bien que les Égyptiens ? Cette origine commune explique mieux qu’une colonisation, dénuée de toute preuve historique, de toute probabilité, les rapports qui pourraient exister entre les religions de l’Égypte et de la Grèce.

Nous admirons la science et la sagacité d’Ottfried Müller. Si nous osons le combattre, c’est en nous appuyant sur les noms les plus célèbres dans le domaine de la philologie, de l’histoire et des arts[65]. Que les détails de la colonisation ne soient pas authentiques, que les récits soient vagues et parfois contradictoires, qui pourrait s’en étonner ? il s’agit de faits remontant à plus de seize siècles avant notre ère. Il est probable que l’agriculteur Cécrops, que Danaüs n’ont jamais existé ; mais cela prouve-t-il qu’il n’y a eut aucune relation entre l’antique Égypte et la Grèce barbare. En dépouillant ces traditions des circonstances fabuleuses qui les entourent, il reste néanmoins ce fait que, d’après la croyance des Grecs aussi bien que des Égyptiens, la civilisation hellénique a son origine dans la vallée du Nil[66]. Dire que cette parenté est une invention des prêtres, c’est avancer une hypothèse ingénieuse, mais gratuite ; nous ne croyons plus que les corps sacerdotaux en ont toujours et partout imposé à la crédulité populaire dans leur enseignement religieux. Nous ne croirons pas davantage que le monde savant ait été depuis l’antiquité jusqu’au dix-neuvième siècle la dupe des fables historiques forgées par le sacerdoce.

Si on nous demande de sortir de ces généralités et de produire des preuves positives, nous citerons Platon, Hérodote et les écrivains alexandrins dont les témoignages nous paraissent suffisants pour attester des rapports antiques entre l’Égypte et la Grèce. Platon raconte dans le Timée que Solon, voyageant en Égypte, fut en grande considération à Saïs ; les habitants de cette ville aimaient beaucoup les Athéniens, comme ayant la Même origine. Solon, avouait qu’en conversant sur les temps primitifs avec les prêtres les plus instruits dans les antiquités, il s’était aperçu que ni lui, ni aucun autre Grec, n’en avait pour ainsi dire aucune connaissance. Un jour, voulant les amener a s’expliquer sur les anciens temps, il leur parla de la fable de Deucalion et de Pyrrha, de leur conservation après le déluge, de l’histoire de leur, race ; il cherchait a calculer le nombre d’années qui s’étaient écoulées ; alors en des vieux prêtres s’écria : Ô Solon, Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants,... aucune vieille tradition n’a mis dans vos âmes ni opinion ancienne, ni connaissance mûrie par les années[67]. Pourquoi voir dans cette scène remarquable une momerie sacerdotale. Ceux qui avaient bâti les Pyramides à une époque où la Grèce était encore à demi-sauvage ; n’étaient-ils pas en droit d’appeler les Grecs des enfants ? Mais laissons la forme du récit ; bornons-nous à constater que dès le temps de Solon la tradition rattachait Athènes à l’Égypte. Théopompe n’a donc pas inventé cette fable, et les scoliastes d’Alexandrie ont pu posséder sur ces relations des documents que dans notre ignorance des antiquités égyptiennes nous aurions mauvaise grâce de mépriser.

La colonie de Danaüs repose sur des témoignages plus précis que celle de Cécrops. On trouve dans l’histoire de l’Égypte un fait qui parait s’y rapporter. Hérodote et Manéthon racontent qu’une dissension s’éleva entre Séthosis (Sésostris) et son frère Hermaïs ; ce dernier émigra. Manéthon rattache cette émigration à l’établissement de Danaüs en Grèce ; il n’affirme pas que la colonisation fût constatée dans les annale des prêtres ; mais la discorde des deux frères et la fuite de Hermaïs donnent quelque probabilité à la tradition de Danaüs, surtout si l’on considère le mouvement d’expansion qui emportait à cette époque les Égyptiens. C’est vers le même temps que fut établie la colonie des Colchidiens, qu’on ne peut révoquer en doute[68]. La colonisation étant prouvée pour l’Asie, elle dévient possible au moins pour la Grèce ; la croyance des Grecs la rend probable. La rejeter en la traitant de mythe, ce n’est ras résoudre la difficulté. Le mythe réduit à son essence dit que Danaüs et Egyptus étaient frères[69] : c’est l’expression de la parenté des deux civilisations.

Hérodote a pu errer en cherchant l’origine de tout le polythéisme hellénique dans la théologie égyptienne ; mais nous ne pouvons croire qu’il se soit fondamentalement trompé. On écarte son témoignage ainsi que celui de Diodore en les accusant d’égyptomanie ; on représente leurs récits comme le produit de la vanité sacerdotale et de la crédulité grecque. Mais les Grecs aussi passaient pour les plus vains des hommes. A-t-on oublié le mépris qu’ils affectaient pour tout ce qui n’était pas grec, la séparation qu’ils établissaient dans le genre humain, plaçant d’un côté la race élue des Hellènes, et confondant le reste sous la dénomination injurieuse de Barbares ? Tacite et Pline disent que les Grecs n’admiraient qu’eux-mêmes et qu’ils étaient de tous les peuples les plus fiers de leur gloire[70]. Il est difficile de concilier cette  excessive vanité, ce dédain des hommes et des choses étrangères avec la prétendue manie qu’on suppose non seulement  à un ou deux historiens, mais à toute une nation, de chercher chez des Barbares l’origine de son culte, de ses arts, de sa philosophie.

On dit que les témoignages historiques, insuffisants pour attester la colonisation, sont aussi en opposition avec ce que nous savons du caractère et des tendances des sociétés théocratiques et spécialement de l’Égypte[71]. L’isolement est à la vérité une loi fatale des théocraties, mais on s’est trompé en le croyant absolu. L’Égypte s’est trouvée placée dans des circonstances qui auraient provoqué des émigrations, même chez un peuple étranger à toute idée de colonisation. Des Nomades subjuguèrent les paisibles riverains du Nil ; la conquête fût rude et la domination oppressive : quoi de plus naturel que de quitter une patrie foulée par un vainqueur barbare ? N’est-ce pas à des invasions, à des conquêtes que sont dues en grande partie les colonies grecques ? Les Nomades furent chassés : cette époque de mouvement, de vie surabondante, était également favorable à de nouveaux établissements. Or les colonies dont on attribue la fondation aux Égyptiens, coïncident avec la domination et l’expulsion des Hycsos. Elles supposent à la vérité la pratique de la mer, et l’horreur des Égyptiens pour la navigation est certaine. Mais la difficulté disparaît devant les monuments qui attestent les expéditions maritimes des Pharaons. Un peuple qui a livré des combats sur mer a aussi pu envoyer des colons en Grèce.

L’étude des antiquités égyptiennes, qui a fait de nos jours des progrès si inespérés, semblerait devoir mettre un ternie à la division qui règne encore dans la science sur les rapports de l’Égypte et de la Grèce. Si, comme nous le croyons, les Grecs doivent les germes de leur culture intellectuelle à des colonies, il faut qu’il reste des traces de cette initiation dans la religion hellénique. Mais il est impossible de comparer les systèmes religieux des deux peuples. La théologie de l’Égypte est encore couverte de ténèbres. Nous ne pouvons mieux faire que d’exposer le système d’un savant égyptologue, tout eu faisant nos réserves sur les résultats auxquels l’ont conduit de consciencieuses recherches.

Les exagérations des Philhellènes ont provoqué une violente réaction. Un philosophe allemand, après s’être livré avec ardeur à l’étude des origines égyptiennes, a repris hardiment l’opinion d’Hérodote et, bravant le reproche d’égyptomanie, a revendiqué en faveur de l’Égypte une grande partie de la civilisation ancienne[72]. Hérodote, tout en rapportant le panthéon grec à l’Égypte, admettait une origine purement hellénique pour plusieurs dieux. Röth va plus loin. Il trouve eu Grèce la trinité des Égyptiens, leur conception de la formation du monde avec les dieux qui y président, les douze grandes divinités qui régissent la terre. Les traditions qui constituent à proprement parler la mythologie, l’histoire des immortels, ces belles fictions chantées par Homère, ont leur origine dans la théogonie l’Égypte. La langue harmonieuse des Hellènes a conservé des traces de cette filiation ; les noms d’un grand nombre des habitants de l’Olympe sont égyptiens[73]. Le dogme de la vie future[74], avec tous les mythes nés de circonstances particulières au sol de l’Égypte, a passé chez les Grecs[75]. Röth ne laisse à la Grèce que ses héros, personnages à moitié historiques, sortis des entrailles de la nation.

Nous ne savons si la science acceptera les conclusions du hardi égyptologue. Mais tout en tenant compte de l’incertitude d’un système bâti sur l’interprétation des hiéroglyphes, il est constant que les analogies considérables existent ; elles ont laissé des traces dans la langue : cela suffit pour confirmer le témoignage d’Hérodote. Nous ne voulons pas à notre tour nous faire accuser d’égyptomanie. Nous reconnaissons des différences essentielles entre les Égyptiens et les Hellènes. La langue, les institutions, les mœurs différent. La Grèce, dans les desseins de la Providence, ne devait pas être la copie de l’Égypte. Elle était appelée à civiliser le monde ; pour cette haute mission, il lui fallait un génie particulier. Mais cela ne faisait pas obstacle à ce qu’elle reçût les germes de la culture intellectuelle d’un peuple qui l’avait précédé dans la voie de la civilisation. La colonisation était partielle, elle ne pouvait pas transformer les Grecs en à Égyptiens. La race hellénique, douée au plus haut degré du génie de l’art, modifia, nationalisa en quelque sorte les doctrines importées de l’étranger.

N° 2. Rapports entre l’Égypte et la Grèce dans les temps héroïques.

La colonisation était un fait accidentel, isolé ; elle ne mit pas la Grèce en rapport avec l’Égypte. Les relations commerciales, politiques ne s’établirent entre les deux pays l’époque où l’Egypte sacerdotale tomba en décadence. Vers le milieu du septième siècle avant notre ère, un changement de dynastie ouvrit la vallée du Nil aux Hellènes. Les savants qui ont discuté les origines de la civilisation hellénique n’ont pas assez insisté sur l’influence que cet événement a exercée. Les auteurs anciens disent que les hommes les plus éminents de la Grèce passèrent la mer, pour s’instruire dans les sciences et les arts des Égyptiens. C’est en effet vers ce temps qu’on voit paraître chez les Grecs, la philosophie, l’astronomie, les mathématiques qui jusque là étaient restées étrangères à leur génie poétique[76]. Ne doit-on pas voir dans les Hellènes des disciples de l’Égypte, mais des disciples qui surpassèrent bientôt leurs maîtres ?

Recueillons d’abord les traditions que l’antiquité nous a léguées sur ces communications entre l’Égypte et la Grèce. Le fait seul de voyages entrepris dans un but intellectuel, a quelque chose de  remarquable. Les anciens n’ont guère eu de voyageurs allant à la découverte de terres inconnues. Mais de la Grèce sont sortis des philosophes, des hommes d’état, des historiens, des poètes, des artistes pour aller puiser, chez une nation renommée par sa sagesse, des vérités religieuses, des connaissances physiques et politiques, des inspirations pour l’imagination.

Les anciens font remonter l’origine de la philosophie à Thalès[77], et ils constatent en même temps qu’il se livra à l’étude de la sagesse chez les Égyptiens[78] ; les prêtres du Nil furent ses seuls maîtres[79]. Un autre des sept sages, le plus grand des législateurs grecs, voyagea aussi en Égypte, Solon rappelle lui-même dans ses poésies son séjour :

Sur un bras du Nil, près des rives de Canope.

Il eut de fréquents entretiens sur la philosophie avec Psénophis l’Héliopolitain, et Sonchis le Saïte, les plus sages d’entre les prophètes. C’est d’eux qu’il entendit le récit sur l’Atlantide qu’il se proposait de mettre en vers pour le faire connaître à la Grèce[80]. Avant lui, Lycurgue avait visité les Égyptiens ; il admira leur gouvernement, il prétend même qu’il l’imita en séparant dans sa constitution les guerriers des manœuvres et artisans[81].

On dirait que les sanctuaires de l’Égypte étaient les écoles de l’antiquité ; les Grecs ne cessaient d’y affluer. Le premier philosophe qui enseigna l’immortalité de l’âme, Phérécyde, puisa ce dogme fondamental dans les enseignements des prêtres[82]. Son disciple, Pythagore fit un long séjour en Égypte. C’était l’époque des relations intimes entre le trop heureux Polycrate et Amasis. Le philosophe reçut des lettres de recommandation du tyran de Samos pour le Pharaon[83] ; mais la protection royale ne suffit pas pour lui ouvrir l’accès des temples ; il fallut, dit-on, qu’il se fit en quelque sorte Égyptien, en se soumettant à la circoncision[84]. Alors il n’y eut plus rien de caché pour cet ardent investigateur de la sagesse ; il apprit la langue sacrée, et lut les livres dans lesquels les prêtres avaient déposé les résultats de leurs observations et de leurs méditations[85]. L’histoire a conservé le nom du prophète avec lequel Pythagore était particulièrement lié[86].

Il n’y a pas de nom célèbre dans la philosophie que les anciens n’aient rattaché à l’Égypte. Le maître de Périclès et d’Euripide, Anaxagore, qui le premier eut conscience d’un gouvernement providentiel ; Diogène, le philosophe cosmopolite[87], qui s’inspira surtout des dogmes de l’Orient, furent attirés sur les bords du Nil par le renom de la sagesse sacerdotale[88]. Platon, le plus illustre de ces visiteurs, y resta treize ans ; les prêtres montrèrent à Strabon la maison que le philosophe athénien avait habitée à Héliopolis[89]. L’amour de la science le conduisit en Égypte ; si nous en croyons Plutarque, il ne fut pas trompé dons son attente ; pour subvenir à ses besoins, l’illustre penseur se résigne à vendre de l’huile[90]. Plutarque a encore recueilli une autre tradition sur le séjour de Platon en Égypte. Les Lacédémoniens, en pillant le tombeau d’Alcmène, trouvent une inscription en caractères inconnus ; ils s’adressèrent au prophète Chonuphis pour en obtenir l’interprétation ; après plusieurs jours de recherches dans les plus vieux livres, le prêtre répondit que le Dieu, auteur de l’oracle, conseillait aux Grecs de déposer les armes, pour vivre dans la paix et la tranquillité ; que, s’il s’élevait des dissensions entre eux, ils devaient les décider d’après le droit, comme il convient à des sages. Platon n’oublia pas cet enseignement de la religion ; il expliqua dans le même sens un oracle de Delphes[91], et dans ses immortels dialogues il fit de la paix et de la concorde une loi pour les cités grecques. Le philosophe fut accompagné dans son voyage par le mathématicien Eudoxe[92], d’autres disent par Euripide. Tout ce que la Grèce possédait d’hommes supérieurs se donnaient rendez-vous sur les bords du Nil. On y vit des médecins[93], des astronomes[94], des historiens[95], des poètes[96], des artistes[97].

Qu’y a-t-il de vrai dans ces traditions ? A l’époque où la philosophie ancienne fit alliance avec la religion, on chercha dans les dogmes de l’Orient la source des spéculations grecques ; on fit remonter ces rapports aux plus anciens philosophes ; Pythagore, Diogène furent mis en relation avec tous les cultes, avec tous les corps sacerdotaux. Mais ces fables ne doivent pas jeter du doute sur les communications intellectuelles qui existèrent entre l’Égypte et la Grèce. Les Égyptiens attachaient une grande importance à ces témoignages de considération ; ils marquaient les visites des philosophes dans leurs annales ; ils montraient leurs portraits, dit Diodore, ou des lieux, des édifices portant leurs noms[98]. Nous avons recueilli les noms des prophètes qui servirent de maîtres à Solon, à Pythagore ; un savant égyptologue a reconnu qu’ils sont égyptiens[99]. Rien ne nous autorise donc à soupçonner une supercherie sacerdotale.

Ces rapports ne laissèrent-ils pas de traces dans la civilisation hellénique ? Ecartons d’abord les exagérations que la tradition a mêlées à la vérité. Nous ne prétendons pas que la paisible et industrieuse Égypte ait fourmi à Lycurgue le modèle de sa société guerrière ; Solon n’a pas été chercher sur les bords du Nil, le type de la démocratie athénienne. Ces constitutions sont réellement autochtones, elles germèrent dans le sol de la Grèce. Mais dans le domaine des arts, de la science, le génie grec, bien qu’admirablement doué de la Providence, a put recevoir la première impulsion par le contact avec le foyer d’une antique civilisation.

Ce que Diodore rapporte des emprunts faits par l’art hellénique à l’Égypte parait peut vraisemblable. Cependant l’étude attentive des monuments a prouvé que les Grecs doivent aux Égyptiens les éléments de leur architecture[100].

Les connaissances mathématiques et astronomiques des Égyptiens sont encore l’objet de vives discussions. Un des plus savants égyptologues, après une étude consciencieuse, a émis l’opinion que les astronomes grecs puisèrent une partie de leur science dans les entretiens des prêtres, et plus tard dans les livres qui furent traduits sous les Ptolémées[101].

Les rapports entre les doctrines philosophiques des deux peuples sont plus importants que quelques emprunts faits à la science. Mais ici l’histoire nous abandonne, et la comparaison des dogmes est impossible, tant qu’on n’aura pas pénétré les secrets de la théologie égyptienne. Cependant quelques points sont dès maintenant hors de doute. Les savants mêmes qui admettent le développement indépendant de la religion hellénique avouent qu’à dater du septième siècle, le mysticisme oriental exerça une influence considérable sur la Grèce[102]. Les philosophes subirent également l’ascendant de la sagesse égyptienne. Pythagore se disait fils d’Hermès[103]. L’idée fondamentale de sa théologie, la métempsycose est essentiellement orientale ; Hérodote dit que les philosophes grecs l’empruntèrent à l’Égypte[104]. Les monuments prouvent que cette conception remonte chez les prêtres égyptiens à la plus haute antiquité[105]. Si les recherches de Röth sur la religion de l’Égypte se confirment, il faut encore rapporter aux communications de Pythagore avec les prêtres son célèbre dogme de la Trinité[106]. D’après un autre égyptologue, le philosophe de Samos emprunta à la science sacerdotale sa théorie des nombres[107] et de la musique[108]. Pythagore aimait à donner à sa pensée une expression symbolique, les anciens comparaient déjà ces symboles aux formules mystérieuses des Egyptiens[109]. Le philosophe imita les prêtres jusque dans le détail de leurs usages[110].

On s’est prévalu du silence de Platon sur la théologie égyptienne pour soutenir que cette sagesse tant vantée est chimérique. Cependant les témoignages unanimes des anciens disent que le philosophe athénien apprit des prêtres la science des nombres et des choses célestes[111]. Si nous avions des idées égyptiennes une connaissance aussi étendue que des doctrines grecques, nous pourrions suivre dans les écrits de Platon les traces de l’influence sacerdotale. Le peu que les hiéroglyphes nous ont révélé sur la science des prêtres prouve qu’on a eu tort de rejeter comme fabuleuse la parenté de la philosophie grecque et de la théologie orientale. L’immortalité de l’âme est un des problèmes fondamentaux de toute religion et de toute philosophie : les développements que Platon donné à ce dogme portent l’empreinte de l’Égypte. Les prêtres, d’après Hérodote, admettaient une durée de trois mille ans pour les métempsycoses successives[112]. Ce chiffre se lie à la fameuse période du Phénix, conception essentiellement égyptienne[113]. Platon indique le même nombre pour la migration des âmes pures[114]. Le Phénix était chez les Egyptiens le symbole des âmes purifiées ; de là vient qu’on les représentait sous la forme d’oiseaux avec des têtes d’homme. Les Grecs adoptèrent l’idée et l’image : les âmes pures de Platon sont ailées[115].

Le commerce de l’Égypte avec le génie hellène e devine plus intime lorsque l’Égypte des Pharaons passa aux successeurs d’Alexandre. Mais l’Égypte était alors en pleine décadence ; la Grèce elle-même était épuisée. C’était l’époque de la fusion des doctrines et ses cultes. Longtemps indifférentes ou ennemies, la philosophie et la religion finirent par se rapprocher. La philosophie se fit religion, elle puisa aux dogmes orientaux comme à la source la plus pure de la sagesse. Ne devait-elle pas avant tout s’adresser aux monuments qui restaient de la science égyptienne ? Un savant historien de l’école d’Alexandrie dit que le Néoplatonisme dérive de l’Égypte au moins autant que de la Grèce[116].

Ainsi des colonies égyptiennes ont communiqué aux Grecs les premiers éléments de la civilisation. Lorsque la Grèce, inspirée par sa lutte héroïque contre les Perses, se jette dans la carrière des arts, de la philosophie, elle va s’instruite dans les sanctuaires de l’Égypte. Enfin à la veille de la chute du monde ancien, l’Égypte contribue avec l’Orient au syncrétisme philosophique et religieux qui accompagna la naissance du Christianisme et qui ne fut pas sans influence sur son développement. Les Égyptiens sont donc entrés en communion avec l’humanité. Si nous devons en grande partie notre civilisation à la Grèce, n’est-il pas juste que nous rapportions l’honneur et la gloire de ce bienfait au peuple qui a initié les Grecs eux-mêmes à la vie intellectuelle et morale[117] ?

§ 3. L’Égypte et la Phénicie.

L’autochtonie de la civilisation hellénique n’a pas trouvé faveur. Quelle que soit l’incertitude qui règne sur l’origine et la filiation des idées, un fait parait acquis à la science, c’est qu’il y a dans la vie grecque des éléments orientaux. Cependant les preuves d’une colonisation égyptienne sont vagués et incomplètes. Beaucoup de savants ont cherché à concilier la croyance des anciens à une influence exercée par l’Égypte sur la Grèce, avec les doutes qui naissent des témoignages historiques, en supposant que la communication entre l’Égypte et la Grèce a été indirecte. Il y avait dans l’antiquité un peuple doué à un haut degré du génie commercial ; les Phéniciens visitèrent l’Égypte et la Grèce : n’auraient-ils pas été les intermédiaires entre les deux peuples ?

Des relations existaient entre les Phéniciens et les Egyptiens les deux peuples se touchant pour ainsi dire, devaient nécessaire tuent entrer en contact. Le défaut de documents ne nous permet pas le suivre le développement historique de ces rapports internationaux, mais l’action exercée par la Phénicie sur l’Égypte et par les Égyptiens sur les Phéniciens atteste qu’ils ont dû être intimes. Il reste dans la langue, la mythologie, les traditions populaires de l’Égypte des traces de l’influence phénicienne[118]. D’un autre côté, les ressemblances entre la théologie des Phéniciens et la science de l’Égypte sont si considérables qu’on a soutenu que la première est la copie de celle-ci[119]. Ces communications du génie sacerdotal et de l’esprit commerçant ont été fécondes ; elles ont produit la découverte la plus importante pour les progrès de l’humanité, celle de l’écriture.

Les anciens disent que les Égyptiens inventèrent l’écriture[120], mais ils reconnaissent que les Phéniciens l’ont perfectionnée[121]. D’après les recherches des philologues, l’invention des caractères phéniciens est due au contact de la race sémitique avec l’Égypte[122]. L’empire de l’habitude maintient une écriture compliquée, quelqu’imparfaite qu’elle soit, témoin la Chine. Les Égyptiens n’auraient pas inventé l’alphabet phonétique ; mais des peuples étrangers, parlant une langue d’un génie différent et voulant y appliquer les signes hiéroglyphiques, furent portés naturellement à employer les hiéroglyphes plutôt comme expression de sons que comme représentation d’objets réels. C’est ainsi que naquit l’écriture phénicienne[123]. Quand le commerce des deux nations n’aurait produit que cette grande découverte, il faudrait le considérer comme un événement providentiel. L’écriture alphabétique est l’instrument le plus puissant des relations intellectuelles des peuples[124].

Les rapports entre les Égyptiens et les Phéniciens ont réagi sur toute l’humanité. L’Égypte était isolée,  mais dans son isolement elle développa une puissante civilisation ; les Phéniciens, race essentiellement voyageuse, visitèrent les côtes de l’Europe, de l’Afrique et de l’Inde ; ils communiquèrent aux peuples avec lesquels le commerce les mit en relation, les fruits de le culture égyptienne. Les Grecs conservèrent le souvenir de cette bienfaisante influence, en donnant le nom de lettres phéniciennes aux  caractères qui ont servi à transmettre à la postérité les chefs-d’œuvre de l’esprit humain[125].

Les Phéniciens n’ont-ils pas eu des relations plus directes avec la Grèce ? Nous parlerons ailleurs de leurs colonies[126]. Si nous en croyons les hypothèses de quelques savants, les rapports entre les Phéniciens et les Grecs ne se seraient pas bornés à quelques rares établissements, une partie de la population de la Grèce serait d’origine phénicienne. On sait que l’Égypte a été conquise par des Nomades connus sous le nom de Hycsos. L’opinion que ces pasteurs fameux étaient un rassemblement de peuples Sémitiques, Phéniciens et Arabes, est aujourd’hui généralement admise[127]. Les Hycsos, expulsés de l’Égypte, occupèrent en partie la Palestine, en partie les îles grecques et la Grèce continentale[128]. Ne serait-ce pas cette émigration forcée qui a donné lieu à la croyance d’une colonisation égyptienne ? Cette hypothèse a pour elle l’autorité de savants éminents[129] ; le philosophe égyptologue, dont nous avons exposé le système sur la civilisation de l’Égypte, lui a donné une nouvelle extension : les colonies de Cécrops et de Danaüs disparaissent aux yeux de Röth, dans l’immensité de l’action que les Égyptiens exercèrent sur la Grèce et sur tout l’Occident.

Les Hycsôs dominèrent l’Égypte pendant cinq siècles[130]. Ce contact séculaire les initia à la religion, aux sciences, aux arts du peuple conquis[131]. Après leur expulsion, ils se répandirent non seulement dans la Phénicie proprement dite, la terre de Canaan, la Syrie, mais aussi dans toutes les îles de la Mer Égée ; notamment en Crète, d’où ils envahirent la Grèce et une partie de l’Italie sous les noms divers de Philistins, Cariens, Pélages[132]. La conquête de l’Empire des Pharaons, dans le système que nous exposons, était un événement providentiel. L’Égypte, séparée du reste du monde par sa constitution sociale, fut mise en relation avec l’humanité par les conquérants. Sa civilisation fut communiquée à la Grèce, à l’Italie, à l’Asie occidentale par les Hycsos expulsés de son sein ; une partie des Pasteurs établis dans la Phénicie portèrent plus tard les bienfaits de la culture égyptienne sur toutes les côtes du monde[133].

Cette hypothèse est-elle fondée ? L’identification des Pélages et des Phéniciens nous inspire des doutes sur la solidité du système. La parenté des Mages et des Hellènes nous parait un fait acquis à la science. Mais si le savant égyptologue a exagéré l’influence civilisatrice de l’Égypte, ses recherches concourent cependant a l’action de l’Orient sur la Grèce. Seulement, dans l’état actuel des connaissances historiques, la voie par laquelle les Égyptiens soit entrés en communion avec le genre humain, reste douteuse.

§ 4. L’Égypte et les Hébreux.

N° 1. Les Hébreux en Égypte.

Les doutes qu’on a élevés sur les rapports de l’ancienne Égypte avec la Grèce, ne se présentent pas pour les relations des Hébreux avec le royaume des Pharaons. Il est constant que les descendants de Jacob l’ont habité, les deux peuples ont eu une existence commune, autant qu’elle peut l’être entre les races diverses séparées par des préjugés religieux et nationaux. Mais de nouvelles difficultés naissent quand il s’agit de préciser l’influence que le séjour des Israélites en Égypte a exercée sur le Mosaïsme.

Il n’y a pas de nation dans l’histoire de laquelle l’action de la Providence soit plus visible que dans celle des Hébreux. Destinés à conserver en dépôt le dogme de l’unité de Dieu, et a servir de berceau à la doctrine qui devait régénérer le monde, les Hébreux furent dès la plus Haute antiquité mis en rapport avec le peuple théologique par excellence. Le patriarche vénéré à la fois par l’Orient et par l’Occident visita l’Egypte. La Genèse dit qu’une famine força Abraham à chercher dans la vallée fertile du Nil la nourriture que l’Arabie lui refusait[134]. L’historien Josèphe ajoute qu’il se résolut d’autant plus volontiers à aller en Égypte, qu’il désirait d’apprendre les sentiments des prêtres de ce pays, touchant la divinité ; s’ils étaient mieux instruits que lui, il se conformerait à leur croyance ; si au contraire il l’était mieux qu’eux, il les convertirait à la vérité. Nous ne savons si le célèbre patriarche songeait à entrer dans des discussions théologiques avec le sacerdoce égyptien, mais la pensée que lui prête l’écrivain juif peint admirablement la mission religieuse du peuple de Dieu, et l’action que l’Égypte était destinée à exercer sur lui[135].

Ce fut encore une famine qui conduisit en Égypte les fils de Jacob : qui, ne connaît la belle légende de Joseph ? Les Israélites furent admis à s’établir sur le territoire de l’Égypte, et ils y restèrent pendant quatre cent trente ans[136]. On se représente ordinairement les Hébreux au milieu des Égyptiens, comme une race méprisée, tenue à l’écart, foulant le sol, mais n’entrant pas en communication avec les classes dominantes. Le récit de la Genèse ne s’accorde pas avec cette supposition, qui confond l’époque de l’oppression du peuple étranger avec le premier temps de son séjour. Joseph, d’après la tradition hébraïque, remplit une des premières charges, la caste sacerdotale lui ouvre ses rangs, il épouse la fille d’un prêtre d’Héliopolis[137]. Il est impossible qu’un homme de race israélite ait gouverné le royaume, et que le peuple d’où il sortait soit resté dans un état de dégradation, les deux nations se sont donc mêlées. Or l’Égypte avait à cette époque atteint le plus haut degré de sa civilisation ; les Hébreux étaient encore dans l’enfance ; a race la plus civilisée a dû agir sur un peuple jeune, ouvert à toutes les impressions[138].

La Providence veilla à ce qu’il y eût des rapports plus intimes entre le sacerdoce égyptien et les Hébreux ; elle suscita de leur sein un génie supérieur qu’elle initia miraculeusement à la science des prêtres. Moïse sauvé de la mort qu’une politique cruelle avait décrétée contre tous les enfants de la race étrangère fut adopté par la fille du Pharaon[139]. La tradition[140] des deux peuples le représente comme un membre de la caste sacerdotale. Les Actes des Apôtres disent que Moïse fut instruit dans toutes les sciences des Égyptiens[141]. D’après Josèphe et Philon[142], le sacerdoce lui communiqua toutes ses connaissances, même sa philosophie ésotérique. L’historien égyptien Manéthon fait du législateur hébreu un prêtre d’Héliopolis, un apostat qui s’enfuit du sanctuaire pour se mettre il la tête des Juifs révoltés[143]. Les écrivains grecs appellent également Moïse un prêtre égyptien, ils rapportent même l’origine des Juifs à l’Égypte[144]. L’éducation égyptienne de Moïse était une nécessité providentielle[145]. Homère dit que l’homme réduit en esclavage perd la moitié de son âme ; le sort ses Hébreux sous la domination égyptienne donne une triste confirmation aux paroles du poète. La servitude dégrada les Hébreux ; ils arrivèrent à ce degré d’avilissement où l’homme abruti par la souffrance et le mépris n’a même plus la force de vouloir un changement dans sa misérable condition. Comment du milieu d’un pareil peuple un sauveur aurait-il pu sortir ? Dieu envoya pour délivrer  les Israélites un homme de leur sang, mais à qui l’éducation avait rendu la vie qui manquait à la masse. Moïse entreprit l’œuvre la plus difficile que jamais législateur ait conçue, celle de régénérer un peuple avili. La science du sacerdoce ne lui vint-elle pas en aide dans le travail prodigieux de sa législation. Les savants sont partagés sur cette importante question. Les uns suivent à la lettre la tradition ; d’après eux Moïse est l’élève des prêtres égyptiens, sa théologie est une imitation de leur doctrine[146]. Les autres nient cette antique sagesse sacerdotale qui doit avoir inspiré le prophète hébreu, ils soutiennent que c’est dans les croyances de ses pères, dans son génie et dans la révélation divine que Moïse a puisé les éléments de ses lois immortelles[147].

N° 2. Influence de la théologie égyptienne sur le Mosaïsme.

L’origine du débat remonte aux Pères de l’Église. Les premiers disciples de Jésus-Christ se distinguaient à peine des Juifs, mais a mesure que les dogmes nouveaux se développaient, les différences profondes qui séparent la loi chrétienne du Mosaïsme éclatèrent ; peut-être les défenseurs du Christianisme exagéraient-ils la distance entre leurs croyances et celles d’une secte dans laquelle ils rencontraient les adversaires les plus acharnés. C’est sans doute sous l’impression de ce sentiment que Saint Jean Chrysostome dit que, toutes les cérémonies des Juifs, lors leurs sacrifices, toutes leurs purifications, l’Arche, le Temple lui-même ont leur origine dans la Gentilité[148]. Mais comment concilier cette imitation avec la révélation dont Moïse est l’organe ? Dieu, répondent les Pères de l’Église, voyant les Hébreux imbus de superstitions égyptiennes, maintint les choses extérieures du culte ; mais il leur imprima la sainteté en leur donnant une signification nouvelle : c’était une voie pour élever les idolâtres à la vraie religion[149]. Cette justification de la Providence est en harmonie avec les plus hautes spéculations de la philosophie moderne. Mais elle ne satisfaisait pas entièrement des esprits prévenus en faveur d’une révélation positive. Elle semblait reconnaître que la sagesse égyptienne est plus vieille que les traditions du peuple de Dieu. Saint Augustin protesta contre cette induction impie : Les Patriarches et les Prophètes ont été initiés à la science de la vie par Dieu lui-même, la prétendue antiquité des Égyptiens n’est que vanité et mensonge[150].

La parole puissante du Père de l’Église domina longtemps la Chrétienté. Au dix-septième siècle, la discussion se ranima avec vivacité. Les libres penseurs attaquèrent la divinité de l’Écriture, sainte. Les savants distingués, sans mettre en doute l’authenticité du Pentateuque, remarquèrent les analogies nombreuses qui existent entre les rites de la religion égyptienne et les cérémonies du culte hébreu ; l’esprit de système envahissant la science, les égyptologues crurent retrouver toutes les croyances, toutes les institutions de l’Égypte chez les Hébreux : Ou l’Égypte procède de la Judée, s’écrie Kircher, ou la Judée procède de l’Égypte[151]. Deux théologiens anglais, Marsham[152] et Spencer[153] poursuivirent la comparaison jusque dans les moindres détails[154]. Les opinions des pieux savants semblaient aboutir aux mêmes conséquences que les doutes des incrédules. Les juifs cessaient en quelque sorte d’être le peuple de Dieu, la sagesse égyptienne l’emportait sur l’inspiration de Moïse, la révélation de l’ancienne loi était menacée[155]. Les Chrétiens fidèles voyant s’écrouler sous eux les fondements de leur foi, combattirent à outrance toutes les interprétations qui pouvaient compromettre l’autorité de l’Ancien Testament. Nous résumerons rapidement le débat.

Remontant jusqu’à la doctrine de la vie, source de la civilisation des peuples, les égyptologues découvraient dans la science de l’Égypte les dogmes qu’on croyait être la propriété exclusive du peuple élu ; la sagesse sacerdotale semblait même dépasser la théologie mosaïque, ait point de toucher à la doctrine chrétienne. L’unité de Dieu, la Trinité[156] étaient enseignées dans les sanctuaires égyptiens. La création du monde, la destinée de l’homme dans l’autre vie[157] occupèrent les méditations des prêtres ; ils donnèrent à ces problèmes importants une solution que Moïse leur emprunta, mais qu’il crut devoir envelopper sous le voile du mystère. Les fondements de la théologie étant identiques, les rites, les cérémonies du culte devaient être semblables. Un signe extérieur séparait les riverains, du Nil de toutes les autres nations : la circoncision servait aussi de marque distinctive aux Hébreux[158]. Leur aversion pour les étrangers était la même et avait la même source ; des observances multipliées et singulières étaient communes aux deux peuples : faut-il rappeler leur aversion pour l’animal immonde dont le nom servit plus tard à flétrir la race maudite et misérable des descendants d’Israël[159] ? Nous ne parlons pas des pratiques superstitieuses que les Hébreux emportèrent de la terre d’Égypte, on sait avec quelle ténacité ils y restèrent attachés ; les prophètes s’épuisèrent en invectives inutiles contre ces dieux de matière et de boue[160]. L’Égypte laissa des traces dans le culte que Moïse prescrit au nom de l’Éternel. L’institution des lévites a son origine dans la caste des prêtres[161] ; ils étaient soumis aux mêmes observances ; leurs habillements de lin, leur manière de vivre, les purifications, les ablutions, la tonsure étaient empruntées au sacerdoce égyptien[162]. La ressemblance ne se bornait pas aux choses extérieures, elle s’étendait  jusqu’à des rites, intimement liés aux croyances religieuses[163]. Le bouc émissaire des Juifs a son type dans le bœuf émissaire des Égyptiens[164] ; le mystérieux Urim, qui révélait au grand prêtre les volontés de Jéhova, n’est que l’application au culte du vrai Dieu d’une superstition égyptienne[165]. Les découvertes qu’on a faites de nos jours dans les antiquités de l’Égypte nous permettent d’ajouter une dernière ressemblance et qui n’est pas une des moins considérables. Les savants avaient déjà remarqué que les temples des Juifs étaient construits sur le plan de ceux qui couvrent la plaine du Nil[166]. Les voyageurs modernes virent sur les monuments de l’Égypte, le modèle de l’arche sacrée qui renferme Ici Saint des Saints[167].

Les théologiens qui trouvaient dans l’Égypte la filiation historique de la législation de Moïse, ne prétendaient pas nier la divinité de sa mission. A l’exemple des Pères de l’Église, ils apercevaient dans cette analogie même la sagesse des desseins providentiels. Hais les plans si magnifiquement déroulés par les Chrysostome, prenaient dans les écrits des savants modernes une couleur politique qui blessait le sentiment religieux des chrétiens. Ils disaient avec Tacite que les innovations devaient se cacher sous l’image du passé[168]. Il semblait aux croyants que ces calculs de la faiblesse humaine rabaissent la grandeur de Dieu qui impose ses lois sans tenir compte des mauvaises passions ou des erreurs des hommes. Un théologien hollandais, pénétré de l’origine divine des institutions mosaïques, écrivit une réfutation du système qui en cherchait la source dans l’Égypte[169].

L’embarras du défenseur du Mosaïsme est grand. Il ne peut pas nier que les Hébreux étaient imbus de superstitions égyptiennes[170] ; mais laissant de côté les croyances populaires, il s’attache à prouver que dans le domaine de la théologie, Moïse ne doit rien à la caste sacerdotale. Admettre que le grand législateur est le disciple des prêtres, c’est supposer que la civilisation de l’Égypte est antérieure à celle du peuple de Dieu ; mais cette antiquité n’est attestée par aucun témoignage certain ; les probabilités sont plutôt en faveur de la race élue[171]. Qu’est-ce après tout que la théologie tant vantée des Égyptiens ? Ce que nous en savons de plus certain consiste en inepties. La doctrine de la Trinité qu’on leur attribue repose sur le témoignage du fabuleux Hermès Trismégiste[172]. Leur connaissance de Dieu, de la création, de l’immortalité de l’âme a une origine commune à tous les peuples, la raison et la tradition ; les Hébreux n’avaient pas besoin de puiser ces vérités à la source impure de l’Égypte, ils y ont été initiés par Dieu lui-même[173]. L’auteur ne conteste pas les ressemblances qui existent dans les cérémonies du culte. Mais l’analogie ne prouve pas la parenté. Dieu lui-même a imposé à son peuple la marque distinctive de la circoncision ; pourquoi y voir une imitation de l’Égypte ? La sainteté du Mosaïsme doit nous empêcher de chercher chez des idolâtres le principe des institutions que nous pouvons rapporter avec plus de vérité à Dieu[174]. Cependant le savant théologien sent que, faire intervenir à chaque pas la volonté divine pour explique ; l’origine de cérémonies et de rites qui sont identiques avec ceux d’un peuple au sein duquel les Hébreux ont vécu pendant des siècles, c’est en définitive un moyen d’échapper à l’évidence des faits. Il a donc recours à une autre supposition qui concilie la divinité du Mosaïsme avec les analogies historiques. Il avoue que l’Egypte ressemble à la Judée, mais il croit que ce sont les Égyptiens qui procèdent des Hébreux[175]. D’antiques rapports ont existé entre les deux races ; Abraham séjourna en Égypte ; Joseph la gouverna ; d’après une opinion qui ne manque pas d’autorités, les Juifs l’auraient même conquise sous le nom de Hycsos ; Moïse conversa avec les prêtres ; des liens politiques s’établirent entre l’Égypte et la Palestine ; Salomon épousa la fille d’un Pharaon. Ce contact séculaire initia les Égyptiens aux dogmes du Mosaïsme. Ainsi leur science a sa source dans la loi de Moïse, de même que les doctrines des philosophes grecs[176].

Le système qui rattache au Mosaïsme l’origine des croyances et des institutions égyptiennes a perdu tout crédit[177], mais l’incertitude règne toujours sur l’importante question de la transmission de la science égyptienne aux Hébreux. L’obscurité qui couvre la doctrine sacerdotale rend impossible une comparaison approfondie des dogmes de l’Égypte grée le Mosaïsme Nous ne pouvons procéder que par voie d’hypothèse. Il y a un point sur lequel s’accordent tous, les auteurs, juifs et chrétiens, qui ont écrit sur le Mosaïsme. Philon, Maimonide, Eusèbe, Origène, Saint Jérôme, Saint Chrysostome avouent qu’il y a des analogies considérables dans les institutions religieuses des Hébreux et des Égyptiens. La ressemblance est si grande qu’elle a frappé les anciens ; les écrivains latins et grecs confondent les cultes des deux peuples[178] ; l’historien juif Josèphe répondant à l’Égyptien Apion dit qu’en insultant aux rites des hébreux, il attaque, sans le savoir, les anciennes cérémonies de sa patrie.

Les emprunts faits par Moïse à l’Égypte se bornent-ils au culte ? On l’a prétendu[179]. Cette opinion nous parait contraire à la nature des choses ; on doit la rejeter, abstraction faite de tout témoignage historique. Le culte est la forme extérieure d’une conception théologique. Si les cérémonies varient d’une religion à l’autre c’est parce qu’elles expriment des dogmes différents ; ainsi le culte et l’idée religieuse se confondent. Concevrait-on qu’un peuple empruntât au Christianisme sa liturgie, sans adopter en même temps les croyances dont le rituel est l’expression ? Si le culte juif procède de la religion égyptienne, nous pouvons hardiment conclure que la théologie mosaïque a la même source. Ce n’est pas à dire que Jérusalem soit la copie de Memphis : Moïse est supérieur à ses maîtres ; il a rejeté les castes : cet abandon d’un élément intimement lié à l’organisation de l’Égypte nous autorisé à admettre que dans le domaine théologique il a également dépassé la science sacerdotale.

Le Mosaïsme, comme toutes les religions, a ses racines à la fois dans le passé, le présent et l’avenir. Pour être accepté par le peuple, il devait se rattacher aux croyances populaires ; ces croyances, souillées par les superstitions égyptiennes, avaient eu plus de pureté du temps des patriarches ; un retour vers la foi des pères était déjà un progrès. Moïse s’inspira aussi des spéculations des prêtres : tout atteste que le sacerdoce s’était élevé à la notion d’un Dieu suprême, Dieu qu’il soit difficile de préciser la nature, la portée de sa doctrine. Mais le Mosaïsme n’est devenu une religion puissante, et la prophétie d’une religion plus puissante encore, qu’à la condition d’apporter un nouvel élément dans le développement de la théologie. Les grands révélateurs, tout en prenant leur point de départ dans le passé, le transforment ; c’est ainsi que se rivalise le progrès continu de l’humanité. La différence qui sépare le Mosaïsme de l’Égypte et de tous les cultes de l’antiquité éclate dès les premiers commandements que le prophète adresse à son peuple sur le mont Sinaï : Je suis l’Éternel ton Dieu ; tu n’auras point d’autres dieux devant ma face, tu ne feras point d’image taillée, ni aucune ressemblance des choses qui sont là haut dans les cieux, ni ici bas sur la terre ; tu ne te prosterneras pas devant elles et tu ne les serviras point[180]. Moïse ne se borne pas à défendre le culte des idoles et à établir le monothéisme ; son Dieu unique est aussi un Dieu créateur et sauveur ; il a annoncé au peuple élu comme Celui qui a tiré du pays d’Égypte et de la maison de servitude ; il sauvera de même les peuples et les individus qui auront foi en lui ; Jéhova est le précurseur du Christ[181].

Cette appréciation des origines du Mosaïsme rend justice et au grand législateur des Hébreux et au sacerdoce égyptien. Moïse est l’intermédiaire providentiel par lequel la mystérieuse sagesse de l’antique Égypte s’est communiquée au monde. Les Juifs étaient un people théologique comme les Égyptiens ; la vocation des deux peuples était religieuse. Celle des Juifs s’est accomplie d’une manière éclatante ; mais pour s’être réalisée dans le silence des temples, l’influence du sacerdoce égyptien n’est pas moins importante : Ce que la pensée humaine a produit de plus essentiel en théologie dans les collèges de l’Égypte s’est transmis jusqu’à nos jours par la Judée[182].

 

 

 



[1] Montesquieu, Esprit des Lois, XXI, 6.

[2] Hérodote, II, 35.

[3] Ritter, Géographie, Afrique, p. 478-480 (traduct. fr., édit. de Bruxelles).

[4] Les Égyptiens sont désignés dans les Inscriptions sous le nom de race, ou d’espèce humaine (Rosellini, Monumenti Storici, T. IV, p. 230). L’Égypte est le monde (Ibid., T. III, P. I, p. 117, note 3 et passim).

Les Égyptiens, dit Ampère (Recherches et Voyages en Égypte, dans la Revue des deux Mondes, 1846, T. III, p. 400), ne paraissent pas avoir eu moins de mépris que les Chinois pour le reste du genre humain. Ceux-ci n’ont qu’une expression pour désigner leur Empire et le monde entier ; les Égyptiens se servaient aussi du même signe, les deux régions, pour exprimer et les deux parties de l’Égypte et les deux zones dont se compose l’univers. Dans un curieux tableau où sont représentées plusieurs races pour eux barbares, les Égyptiens sont distingués par l’appellation homme, romi. Homme et Égyptien étaient donc synonymes.

[5] L’Égypte est toujours désignée dans les inscriptions comme la Terre de la pureté et de la justice (Rosellini, Monumenti Storici, T. III, P. I, p. 37, 51, 89, 261 ; T. IV, p. 89, 90). Les pays étrangers sont la Terre des impure (Ibid., T. III, P. I, p. 346). Les alliés mêmes des Égyptiens n’échappèrent pas à cette flétrissure (Champollion, Grammaire égyptienne, p. 138).

[6] Genèse, XLIII, 32 : Et on servit Joseph à part, et les Égyptiens qui mangeaient avec lui furent aussi servis à part, parce que les Égyptiens ne pouvaient manger avec les Hébreux ; car c’est une abomination aux Égyptiens.

[7] Hérodote, II, 41.

[8] Chaeremon. ap. Porphyre, De Abstin., IV, 7.

[9] Hérodote, II, 91.

[10] Synes., De Provid., p. 79.

[11] Plutarque, Sympos. Quæst., VIII, 8.

[12] Chaeremon ap. Porphyre, De Abstin., IV, 8.

[13] Diodore, I, 18.

[14] Diodore, I, 83.

[15] Quis inlaudati nescit Busiridis aras ? Virgile, Géorgiques, III, 5.

[16] Isocrate, Busir., § 86, sqq.

[17] Strabon, XVII, p. 552, éd. Casaubon. — Diodore, tout en comptant Busiris parmi les rois d’Égypte, dit ailleurs que ce nom désigne dans le langage égyptien le tombeau d’Osiris (Diodore, I, 88, 85).

[18] Real Encyclopédie der classichen Alterthumswissenschaft, au mot Busiris, T. I, p. 1202.

[19] O. Müller dit que c’est une tradition née à l’époque où les Grecs commencèrent à fréquenter l’Égypte, les mœurs singulières du peuple exerçaient sur les étrangers une espèce de répulsion (Prolegomena zu einer wissenschaftlichen Mythologie, p. 174). Saint Martin (Mémoires de l’Institut, Belles Lettres, T. XII, p. 171) dit que la haine des Égyptiens ne frappait pas tous les étrangers, mais seulement les Grecs ; ils considéraient les Grecs comme les descendants de leurs anciens oppresseurs. — Lepsius (Die Chronologie der Ægypter, T. I, p. 271-278), se fondant sur l’autorité d’Ératosthène, rattache l’origine de ce mythe au caractère inhospitalier des habitants de la ville de Busiris. L’existence d’une ville appelée de ce nom est, d’après le savant égyptologue, la seule chose historique dans cette tradition.

[20] Strabon XVII, 549, 552, éd. Casaubon. — Cf. Diodore, I, 67.

[21] Strabon, XVII, p. 545. Diodore, I, 67.

[22] Hérodote, II, 179.

[23] Hérodote, II, 154.

[24] Strabon, XVII, p. 565, éd. Casaubon. L’explication du savant géographe est aussi celle de Heeren, Ægypten, Sect. III, p. 677.

[25] Kircher explique également l’isolement de l’Égypte par la politique sacerdotale, mais là où nous trouvons matière à blâme, le savant Jésuite ne voit qu’un sujet d’éloges. (Oedip. Ægypt., p. 159)

[26] Des circonstances accidentelles concoururent à empêcher les riverains du Nil de se livrer à la navigation. Les bois de construction leur manquent ; les Phéniciens, le seul peuple qui aurait pu leur en fournir, n’étaient pas disposés à se créer des rivaux. Les Égyptiens ne pouvaient donc pas avoir de marine considérable. Mais l’Égypte sacerdotale eût-elle possédé les plus magnifiques forêts, n’en serait pas moins restée hostile à la navigation, à cause de l’éloignement pour les étrangers qui est dans la nature des théocraties (Comparez Benjamin Constant, De la Religion, liv. V, ch. 4, T. II, p, 253, note 2, édit. de Bruxelles).

[27] Hérodote, II, 4, sq.

[28] Plutarque, De Isid. et Osir., 7, 33.

[29] Plutarque, Ibid. c. 82 : Les prêtres ont la mer en abomination et appellent le sel l’écume de Typhon, et est l’un des points qu’on leur défend de n’user jamais de sel à la table, et la raison pour laquelle ils ne saluent jamais les pilotes et les gens de marine, pour autant qu’ils sont ordinairement sur la mer, et gagnent leur vie à l’art de naviguer, et aussi l’une des principales causes pourquoi ils abominent le poisson, de sorte que quand ils veulent écrire le haïr, ils peignent un poisson (Trad. d’Amyot). — Comparez Plutarque, Quæst. conviv. VIII, 8, 2.

[30] La tradition le dit de Sémiramis ; la chose est certaine pour Salomon, Nékos et Alexandre. Movers, Die Phœnizier, T. II, P. I, p. 268.

[31] Goguet (De l’origine des lois, T. IV, p : 188,) pense que Sésostris se servit d’ouvriers phéniciens pour construire ses flottes, et que la plus grande partie des équipages étaient tirés de la même nation. Comparez Movers, II, p. 299.

[32] On a trouvé dans les tombeaux beaucoup de meubles faits avec du bois de l’Inde (Rosellini, Monumenti Civili, T. III, p. 164 ; T. II, p. 31, note). — Les momies sont enveloppées de coton.

[33] Rosellini (Monumenti Civili, T. II, p. 337) et Wilkinson (Manners and Customs, T. III, p. 100-109), ont trouvé des vases chinois en faïence vernie dans les tombeaux égyptiens. Rosellini dit avoir vu dans les collections égyptiennes de Salt des miroirs métalliques pareils identiquement à ceux qui sont en usage en Chine (Lettre à Davis du 9 avril 1887, dans les Annales de correspondance archéologique). Ces vases sont tous très petits. On a conjecturé qu’ils contenaient des essences aromatiques (Kleinm, Kulturgeschichte der Menschheit, T. V, p. 285). — Champollion-Figeac (L’Égypte, p. 85) dit que des personnages indubitablement chinois de physionomie et de costume sont peints au nombre des peuples étrangers représentés dans un des plus anciens tombeaux de Thèbes.

[34] L’existence de cette communication, dit Saint-Martin, suppose un trafic constant, et prouve que l’Égypte était, dès la plus haute antiquité, le centre d’un commerce actif entre les deux extrémités de l’ancien monde (Mémoires de l’Institut, Belles-Lettres, T. XII, p. 171).

[35] Champollion a donné quelques détails intéressants sur l’industrie égyptienne (dans un travail sur l’Égypte ancienne fait pour Méhémet Ali en 1829) : L’Égypte fournissait le monde de ses toiles de lin et de ses tissus de coton, égalant en finesse tout ce que l’industrie de l’Inde et de l’Europe exécutent aujourd’hui de plus parfait. Les métaux, dont l’Égypte ne renferme aucune mine, mais qu’elle tirait des pays tributaires ou d’échanges avantageux avec les nations indépendantes, sortaient de ses ateliers travaillés sous diverses formes, et changés, soit en armes, en instruments, en ustensiles, soit en objets de luxe ou de parure recherchés à l’envi par tous les peuples voisins. Elle exportait annuellement une masse considérable de poterie de tout genre, ainsi que les innombrables produits de ses ateliers de verrerie et d’émaillerie, arts que les Égyptiens avaient portés au plus haut degré de perfection. Elle approvisionnait enfin les nations voisines de papyrus ou papier.

[36] Heeren, Ægypten, IVe Sect. ; Ethiop., ch. III.

[37] Esprit des Lois, XXI, 8.

[38] Diodore, I, 28, 29.

[39] L’historien Istrus qui vivait sous Ptolémée Évergète, composa sur ces anciennes émigrations un traité cité par Étienne de Byzance (v° Αίγιαλός et Ώλενος) et par Constantin Porphyrogénète (Themat. Imper. I, 15).

[40] Real Encyclopædie der classischen Alterthumswissenschaft, au mot Inachus.

[41] Asclépiade, historien égyptien, cité par Damascius (Isidore ap. Photius, Cod. CCXLII). D’après une autre tradition, Ogygès était autochtone.

[42] Raoul Rochette, Histoire de l’établissement des colonies grecques, T. I, p. 95 et suiv.

[43] Pausanias, I, 39. — Raoul Rochette, T. I, p. 101-109.

[44] Euripide, fragm. ap. Strabon, V, 211, VII, 371.

[45] Ce fut sans doute un beau spectacle, dit Barthélemy, de voir des peuples agrestes et cruels s’approcher en tremblant de la colonie étrangère, en admirer les travaux paisibles, abattre leurs forêts aussi anciennes que le monde, découvrir sous leurs pas mêmes une terre inconnue et la rendre fertile, se répandre avec leurs troupeaux dans la plaine, et parvenir enfin à couler dans l’innocence ces jours tranquilles et sereins qui font donner le nom d’âge d’or aux siècles reculés (Voyage du jeune Anacharsis, introduction).

[46] Pausanias, VIII, 2, 1.

[47] Macrobe, Saturnales, I, 10.

[48] Athénée, Deipnos. XIII, 2. — Justin, II, 6.

[49] Strabon, IX, p. 174, éd. Casaubon.

[50] Barthélemy, Voyage du jeune Anacharsis, Introduction.

[51] Pausanias, II, 19, 3-5. — Hérodote, II, 182.

[52] Hérodote, II, 171.

[53] Hérodote II, 50. Cf. II, 43, 49, 51, 58.

[54] Le savant Marsham (Can. chron. sæc. IX, p. 154) dit : Est extia omnem controversiam, Græcorurn veteres, doctrina maxime insignes, tam sacram quam moralem suam doctrinam ex Ægypto deduxisse.

[55] Die Morgenländerei Herodot’s.

[56] O. Müller, Orchomenos und die Minyer, p. 1-3 (2e édit.).

[57] Marm. Par.

[58] Ce mot est en français dans le texte allemand ; Müller aurait-il pensé au tableau idyllique tracé par Barthélemy ? mais la tradition de Cécrops a trouvé créance, en Allemagne aussi bien qu’en France.

[59] Müller, Orchomenos, p. 99-102.

[60] Comparez Voss, Kekrops, dans les Mythologische Briefe, T. III, p. 180-190. La dissertation de Voss sur l’origine des doctrines mystiques est un véritable pamphlet contre la science sacerdotale de l’Égypte, qu’il qualifie de Aegyptischer Wust (Ibid., p. 1-179).

[61] Voici comment Müller explique la formation du mythe. A l’époque où la Grèce et l’Égypte entrèrent en relation, les corps sacerdotaux des deux pays cherchèrent à relever leur importance, en faisant remonter leur origine commune à des temps antiques, dans lesquels il aurait existé des liaisons entre les Égyptiens et les Grecs ; les premiers exploitaient leur réputation d’ancienneté pour se dire les initiateurs des Grecs, ceux-ci cherchaient à rattacher ces colonies étrangères à des ancêtres autochtones. C’est ainsi que Danaüs, quoique sorti de l’Égypte est, d’apis la tradition hellénique, un descendant d’Épaphus.

[62] Müller, Orchomenos, p. 108.107 ; Prolegomena zu einer wissenechaftlichen Mythologie, p. 175, 176, 182-187.

Grote (History of Greece, T. II, p. 857 et suiv.) suit l’opinion de Müller, mais sans discuter la question. — Lœbell (Die Weltgeschichte in Umrissen) croit également que la colonisation égyptienne ne repose sur aucun fondement historique ; cependant il admet une influence de l’Orient sur la Grèce.

[63] Müller, Orchomenos, p. 37-99.

[64] Haakh, dans la Real Encyclopædie der classischen Alterthumswissenschaft, T. I, p. 121 et suiv. - Comparez Voss, Bacchos, Osiris (Mythologische Briefe, T. V, p 59-85).

[65] La colonisation égyptienne est admise par :

Heeren, Gricchenland, Sect. III, p. 90 et suiv. (4e édition) ;

Creuser, Symbohk, T. III, p. 5 et suiv., 152 et suiv. ;

Niebuhr, Vorträge über alte Geschichte, T. I, p. 96 et suiv. ;

Raumer, Vorlesungen über alte Geschichte, VIIIe leçon (T. I, p. 186 et suiv.) ;

Plass, Geschichte Griechenlands, T. I, p. 298 et suiv. ;

Hœck, Kreta, T. I, p. 47-52 ;

Ulrici, Geschichte der hellenischen Dichtkunst, T. I, p. 47 et suiv. ;

Roettiger, Ideen zur Kunsimÿthologie, T. I, p. 205 et suiv. ;

Bulwer, Athens, I, 1, 5 (p. 9, et suiv.) ;

Fréret, Mémoire sur l’origine et l’ancienne histoire des premiers habitants de la Grèce (Histoire de l’Académie des Inscriptions, T. XXI, p. 7).

[66] Nous avons été heureux de voir cette opinion partagée par Niebuhr. Le grand douteur a trouvé que ses disciples avaient dépassé les limites du doute raisonnable. Il ne comprend pas, dit-il, comment on a pu contester l’existence de la colonie phénicienne de Cadmus ; il croit également à la réalité de la colonisation égyptienne. (Vorträge über alte Geschichte, T. I, p. 96, 97).

[67] Platon, Timée, p. 21, sq.

[68] Lepsius, Die Chronologie der Ægypter, T. I, p. 281, 282. Comparez Rosellini, Monumenti Storici, T. II, p. 1-4 ; Wilkinson, Manners and Customs, T. I, p. 57-58.

[69] Buttmann, Mythologus, T. II, c. 177 et suiv.

[70] Tacite, Ann., II, 88. — Pline, H. N., VI, 6 (5) : Genus in gloriam suam effusissimum.

[71] Un littérateur français, que la passion de la science a conduit sur les bords du Nil, a trouvé en présence des monuments une nouvelle raison de douter de la réalité des colonies. Ampère (Voyages et Recherches en Égypte, dans la Revue des deux Mondes, 1846, T. IV, p. 824) dit qu’on na rien découvert jusqu’ici sur les monuments qui ressemblât à une émigration ; que les Égyptiens paraissent avoir été du peuple sédentaire, attaché à sa patrie qui était pour lui le monde. Tout pays dont la physionomie est bien marquée, toute civilisation qui à un caractère à part, détournent les hommes d’établir ailleurs leur existence... Comment un Chinois vivrait-il hors de la Chine ? Pour lui ce serait changer de planète. Ces observations sont plus spirituelles que vraies. Les documents historiques l’emportent sur les systèmes. Il est constant que les Chinois, qu’on voudrait renfermer dans l’Empire du milieu, comme dans une planète à part, ont envoyé des colonies dans les îles de Sumatra, de Java, de Bornéo, de Formose, au Japon, en Corée, dans toute la Tartarie, jusqu’en Arménie. (Rémusat, Nouveaux mélanges, T. I, p. 88 et suiv.). Si les Chinois ont cédé à l’action providentielle qui fait de la sociabilité une loi pour les peuples comme pour les individus, pourquoi les Égyptiens seuls feraient-ils exception ?

[72] Röth, Geschichte unserer abendlandischen Philosophie, T. I, p. 279-328.

[73] D’après Röth, les noms d’Ammon, Pan, Erinnys, Asclepios, Okeanos, Thémis, Leto, Héraclès, Perseus, Typhœus, Poseidon, Hékalé, et beaucoup d’autres noms du panthéon grec sont égyptiens (Ibid., p. 324).

[74] Il n’y a qu’une partie de ces croyances qui n’a pas été reçue chez les Grecs, c’est la métempsycose. L’écrivain allemand explique cette différence dans la théologie des deux Peuples : il croit qu’à l’époque où la religion égyptienne a été communiquée aux Grecs, le dogme de la métempsycose n’était pas encore formé (Ibid., p. 825).

[75] Les auteurs de la Description de l’Égypte ont déjà relevé cette ressemblance : Comment ne pas reconnaître dans l’Osiris que l’on voit ici, le type original de ce Minos que les Grecs nous montrent remplissant, armé d’un sceptre d’or, les fonctions de juge dans les enfers ? Ce monstre qui précède Osiris, n’aurait-il pas pu fournir la première idée de Cerbère défendant l’entrée des sombres lieux ? Et quand Homère nous montre Mercure introduisant les âmes dans les enfers, comment n’en point reconnaître le type original dans Thot, ce Mercure égyptien, qui paraît enregistrer, sous les yeux d’Osiris, le résultat de la pesée qui se fait des bonnes et des mauvaises actions des morts ?... Si l’on veut pousser plus loin les rapprochements, on trouvera dans les sculptures des grottes d’Élethyia, l’origine du cocher Charon, de sa barque fatale et des fleuves de l’enfer.... Ces mythes n’ont pas pu prendre naissance en Grèce, ils viennent des localités de l’Égypte : On ne pouvait aller déposer les morts dans leur dernier asile, sans traverser le Nil, où quelques canaux qui en étaient dérivés, ou quelques lacs formés de la surabondance de ses eaux. De là est venu tout ce que nous voyons peint dans les hypogées, et tout ce que les Grecs nous ont appris de Charon et de sa barque, du fleuve et du marais fangeux du Cocyte (Description de l’Égypte, chap. IX, sect. 4, T. II, p. 330 et suiv.).

Wilkinson signale encore d’autres analogies entre les deux mythes (Manners and Customs, T. V, p. 433-435). D’après le savant égyptologue, le nom même de Charon est égyptien ; il est identique avec Horus (Ibid., p. 484).

[76] L’histoire, dit Saint Martin, n’avait fait connaître jusque là que des poètes, occupés à retracer, dans leurs chants lyriques ou épiques, les actions des héros et des dieux ; tout à coup paraissent une multitude de philosophes, d’astronomes et de savants, qui n’ont point eu de précurseurs de leur nation, mais qui sont tous disciples des Égyptiens (Mémoires de l’Institut, Belles Lettres, T. XII, p. 179).

D’après Al. Humboldt (Cosmos, T. II, p. 174), le contact de la Grèce avec l’Égypte, depuis le septième siècle, a exercé une influence plus durable sur la civilisation hellénique que les colonies contestées de Cécrops et de Cadmus.

[77] Plutarque, De Plac. Phil., I, 8.

[78] Plutarque, De Plac. Phil., I, 8. Cf. De Isid., c. 10. — Clément d’Alex., Stromates, I, 14, p. 352, éd. Potter.

[79] Diogène Laërce, I, 27.

[80] Plutarque, Solon, 16 ; de Isid., c. 8

[81] Plutarque, Lycurgue, c. 4. Cf. Isocrate, Busir., 17, sqq.

[82] Cicéron, Tusculanes, I, 16. — Clément d’Alex., Stromates, I, 14, p. 352, éd. Potter.

[83] Diogène Laërce, VIII, 8, 11.

[84] Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 15, p. 854, éd. Potter.

[85] Diogène Laërce, VIII, 8, 11. — Val. Maxime, VIII, 7, Ext. 2 : Literis gentis ejus assuefactus, præteriti sevi sacerdotum commentarios scrutatus, innumerabilium sæculorum observationes cognovit.

[86] Œnuphis d’Héliopolis (Plutarque, De Isid., 10). — Cf. Diodore, I, 98. — Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 15, p. 356, éd. Potter ; — Strabon, XIV, 489, éd. Casaubon.

[87] Démocrite lui-même, dit-on, se glorifiait de ses longs voyages (Eusèbe, Præpar. Evang., X, 4).

[88] Cedrenus, p. 94, B. — Diodore, I, 90. — Diogène Laërce, IX, 85.

[89] Strabon XVII, p. 594 ; éd. Casaubon. — Cf. Cicéron, De fin., V, 39. — Diodore, I, 90. — Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 15, p. 858, éd. Potter.

[90] Plutarque, Solon, c. 2.

[91] Plutarque, De Gen. Socr., c. 7.

[92] Strabon, XVII, 554.

[93] Chrysippe (Diogène Laërce, VII, 186 ; VIII, 87).

[94] L’observatoire d’Eudoxe portait encore son nom du temps de Strabon (Strabon, XVII, 554)

[95] Hécatée, Hérodote.

[96] Euripide (Diogène Laërce, III, 8) ; Alcée (Strabon, I, p. 25, éd. Casaub.).

[97] Diodore, I, 96.

[98] Diodore, I, 96.

[99] Lepsius, Die Chronologie der Ægypter, T. I, p. 48.

[100] Les savants de l’expédition française ont déjà énoncé cette opinion. On ne peut méconnaître même dans les détails de l’architecture des à Grecs l’imitation de celle des bords du Nil ; en comparant le chapiteau décoré des feuilles de palmier et le chapiteau corinthien entouré de feuilles d’acanthe (Descript. de l’Égypte, chap. I, § 2, T. I, p. 23). L’étude de l’archéologie égyptienne a confirmé cette opinion. Lepsius (Annali dell’ Intituto di Correspondenza archeologica, T. IX, p. 7 et suiv.) dit qu’il y a des rapports frappants entre l’art égyptien et l’art grec. L’art égyptien avait atteint sa perfection à une époque où le nom de la Grèce n’existait pas encore ; tout prouve qu’il est sorti des entrailles de l’Egypte (Ibid, p. 101). On peut au contraire suivre le développement de l’art grec, en prenant pour point de départ l’art égyptien (Voyez le travail de Lepsius sur l’architecture égyptienne, ibid., p. 65-102 ; le savant archéologue prouve que l’origine de la colonne grecque doit être cherchée en Egypte). — Tous les égyptologues et les architectes partagent cette opinion (Rosellini, Monumenti Civili, T. I, p. 60 — Champollion, Lettre sur le Musée de Turin, IIe lettre, p. 66. — Belzoni, Voyage en Égypte, p. 282 et suiv. — Bœttiger, Archæologie der Mahlerei, p. 8 et suiv. — Hirt, Geschichte der Baukunst, T. I, p. 103-105, 183, 221, 222. — L’Hôte, Lettres sur l’Égypte, dans le Journal des Savants, 1816, p. 606. — Niebuhr avoue que le plus grand admirateur des Hellènes ne peut nier que l’art grec n’ait son origine dans l’Égypte (Vörträge über alto Geschichte, T. I, p. 866). — Voyez la Note V ci-dessous.

NOTE V — Origine assyrienne de l’art grec.

L’origine égyptienne de l’art grec paraissait un fait acquis à la science. Mais la découverte des ruines de Ninive a tout remis en question. La comparaison des sculptures assyriennes et des monuments de la Grèce a fait supposer à un savant archéologue que l’Assyrie est le berceau de l’art grec (Raoul-Rochette, dans le Journal des Savants, 1850, janvier). L’étude de Ninive est trop peu avancée pour qu’on puisse hasarder un jugement définitif. Nous nous bornerons à constater les rapports remarquables qui existent entre l’Assyrie et la Grèce.

Dans le symbolisme des religions asiatiques, on voit toujours figurer des animaux. Hais il y a, à cet égard, une différence remarquable entre .l’Égypte et l’Assyrie. L’Égypte dans la combinaison de l’homme et de l’animal, met toujours la tête de l’animal sur un corps humain, tandis que l’Assyrie compose la même image symbolique, en plaçant le plus souvent la tête humaine sur un corps d’animal. Le Sphinx est la seule exception au système égyptien ; le Sphinx, composé d’une tête d’homme placée sur un corps de lion, pourrait bien être un emprunt fait par l’Égypte à l’Asie. Ce principe de l’archéologie assyrienne est devenu la règle de l’art grec, où la nature humaine prévaut toujours sur la nature animale. L’analogie existe jusque dans les détails. La manière dont sont traitées les ailes des animaux symboliques de Ninive, se retrouve identiquement dans l’art grec. Le sphinx de la Grèce est la reproduction du sphinx assyrien. Rien n’est plus fréquent sur les vases grecs, de manière dite phénicienne, que la figure du sphinx femelle ailé, la tête nue, ou coiffée de la tiare, conformément au modèle asiatique (Raoul-Rochette, Journal des Savants, février 1850). Raoul-Rochette explique la fable du Sphinx d’après des idées assyriennes ; c’est donc en Asie qu’elle a pris naissance (p. 90-92). L’auteur remarque encore que les usages de la sépulture chez les Assyriens ressemblent à ceux des Perses et des Étrusques (Journ. des Savants, Novembre 1849, p. 681).

[101] Lepsius (Die Chronologie der Ægypter, T. I, p, 55 et suiv.). Les connaissances astronomiques des Égyptiens sont vivement controversées. Letronne leur à contesté cette science, Biot et Lepsius ont pris le parti de l’Égypte.

[102] Grote, History of Greece, T. I, p, 82, 492.

[103] Diogène Laërce, VIII, 4.

[104] Hérodote, II, 123.

[105] Lepsius, Todtenbuch der Ægypter (Préface, p. 13 et suiv.).

[106] Röth, Geschichte unserer altendlandischen Philosophie, T. I, p. 74, 75, 228, 229, et note 82.

[107] Wilkinson, Manners and Customs, T. IV, p. 197.

[108] Wilkinson, ibid., T. II, p. 247.

[109] Plutarque, De Isid., c. 10.

[110] Pythagore emprunta aux prêtres l’usage des habits de lin ; il défendit à ses disciples de manger des fèves, des poissons, à l’imitation des prêtres égyptiens (Diogène Laërce, VIII, 24, 88, 84. Cf. Hérodote, II, 81). En voyant un Pythagore adopter des usages dont la signification nous échappe, il ne nous est plus permis de les trouver ridicules.

[111] Cicéron, De Fin., V, 29 : Numeros et cœlestia. — Apulej., De dogm. Plat., I : Astrologiam et ritus prophetarum.

[112] Hérodote, II, 128.

[113] Lepsius, Die Chronologie der Ægypter, T. I, p. 196.

[114] Platon, Phèdre, p. 248, E.

[115] Lepsius, Die Chronologie der Ægypter, T. I, p. 195.

[116] Simon, Histoire de l’école d’Alexandrie, T. I, p. 66.

[117] Rosellini, Monumenti Storicii, T. I, Introduzione, p. 1.

[118] Lepsius, Die Chronologie der Ægypter, T. I, p. 290.

[119] Röth, Geschichte unserer abendlandischen Philosophie, T. I, p. 209, 210, 244 suiv. — Movers, die Phoenizier, T. II, 1re part., p. 251 et suiv. — Movers dans l’Encyclopédie d’Ersch, sect. III, T. 24, p. 367 et suiv.

[120] Les Phéniciens eux-mêmes croyaient que les Égyptiens avaient inventé les premiers caractères (Sanchoniat. fragm., p. 22, éd. Orelli). Tacite dit que les Égyptiens n’ont fait que communiquer à la Grèce l’invention des Égyptiens (Annal., XI, 14).

[121] Diodore, V, 74.

[122] Ewald, Geschichte des Volkes Israël, T. I, p. 474. — Humboldt, Cosmos, T. I, p. 151 suiv. — Röth, Geschichte der Philosophie, T. I, p. 325.

[123] Lepsius (Annali dell’ Instituto archeologico, T. IV, p. 47 et suiv.) partage cette opinion ; il ajoute que le même phénomène s’est répété dans les écritures de l’Europe ; elles sont devenues purement alphabétiques du moment où elles ont été implantées chez nous, et n’ont conservé aucune trace de l’écriture syllabique d’où elles dérivent.

[124] Herder dit : Der Sterbliche, der dies Mittel, den flüchtigen Geist nicht nur in Worte, sondern in Buchstaben zu fesseln, erfand ; er wirkte als ein Gott unter den Menschen. — Comparez Humboldt, Cosmos, T, II, p. 152 : L’écriture alphabétique fut le véhicule des plus nobles conquêtes auxquelles purent s’élever les Grecs dans la double sphère de l’intelligence et du sentiment, de la réflexion et de l’imagination créatrice, et qu’ils léguèrent à la postérité la plus reculée, comme un impérissable bienfait.

[125] C’est ainsi que Limburg Bronwer (Histoire de la Civilisation des Grecs dans l’âge héroïque, T. I, p. 104), Haakh (Real Encyclopädie der Altrrthumswissenschaft, au mot Ægyptische Religion, T. I, p. 103), et Wachsmuth (Hellenische Alterthumskunde, § 122, T. II, p. 434-438, 2e édit.) expliquent les rapports entre la Grèce et l’Égypte. L’historien juif Josèphe m’ait déjà émis la même opinion (C. Apion, I, 12).

[126] Voyez le Livre des Phéniciens, Ch. III, § 2.

[127] Raoul Rochette, Mémoire sur l’Hercule assyrien et phénicien, p. 872-874. Quelques égyptologues (Champollion, Rosellini et Wilkinson) soutiennent que les Hycsos étaient des Scythes ; ils se fondent surtout sur le nom de Sceto, qui désigne les Nomades dans les Inscriptions. Mais la valeur de ce mot, ainsi que de tant de dénominations de peuples et de pays qu’on rencontre dans les textes hiéroglyphiques, est encore inconnue. L’opinion générale se fonde sur le témoignage de Manéthon (Josèphe, c. Apion, I, 14. — Eusèbe, Praepar. Evangel., I, 13).

[128] Hécatée d’Abdére dit que les Hébreux, qu’il confond avec les Hycsos, émigrèrent les uns en Grèce, les autres en Palestine (Diodore, fragm., lib. XL, 3).

[129] Cette hypothèse émise par Fréret (Mémoire sur l’origine des anciens habitants de la Grèce, dans l’Histoire de l’Académie des Inscriptions, T. XXI, p. 7) est adoptée par Sainte-Croix (De l’état et du sort des anciennes colonies, p. 69), Clavier (Histoire des premiers temps de la Grèce, T. I, p. 18) et Raoul Rochette (Histoire de l’établissement des colonies grecques, chap. IV, T. I, p. 60-83). Elle a trouvé faveur en Angleterre (Thirwall, Geschichte Griechenlands, ch. III, T. I, p. 75 et suiv.) et en Allemagne (Plass, Geschichte des alten Griechenlands, p. 298 et suiv. — Movers, Die Phoenizier, T. I, p. 48 47).

[130] 2800-1790 avant notre ère.

[131] Röth, Geschichte unserer abendlandiscben Philosophie, T. I, p. 201 et suiv.

[132] D’après, Röth, les mots Pélages et Philistins désignent un même peuple (note 25). L’auteur n’admet pas que les Pélages soient Grecs ; les Pélages sont des immigrants phéniciens, la population primitive de la Grèce était de race arienne (p. 829 et suiv.).

[133] Röth, p. 239 et suiv., 826 et suiv., 90, 91.

[134] Genèse, XII, 10.

[135] Joseph., Antiq., 8, 1. — L’historien grec Eupolemus dit qu’Abraham enseigna l’astrologie aux prêtres égyptiens (Eusèbe, Præpar. Evang., IX, 17. — Cf. ibid., IX, 18).

[136] Exode, XII, 40. Le texte hébreu donne le chiffre de 430 ans. D’après l’interprétation des Septante, les 430 ans comprennent le temps écoulé depuis l’entrée d’Abraham dans le Canaan jusqu’à la sortie de l’Égypte. Ce calcul, qui est suivi par saint Paul et l’historien Josèphe, réduit les 430 ans du texte hébreu à 215. M. Lepsius est allé plus loin ; le résultat de ses savantes recherches sur la chronologie égyptienne est que les Juifs n’ont séjourné en Égypte que pendant 90 ans. Ce séjour coïncide avec le règne de Sésostris, de son fils Ramsès, et de Menephtès, successeur de Ramsès (Lepsius, Die Chronologie der Ægypter, T. I, p. s l e et suiv.).

Ewald considère le nombre donné par le texte hébreu comme exact (Geschichte des Volkes Israël, T. I, p. 351 et suiv.). Il défend cette opinion contre Lepsius, dans les Gœttingische gelchrte Anzeigen, 1850, n° 83.

[137] Genèse, XLI, 45, 50.

[138] Ewald, Geschichte des Volkes Israël, T. 1, p. 273 suiv.

[139] Exode, II, 10.

[140] L’Écriture Sainte ne dit rien sur l’éducation de Moïse. La lacune a été remplie par la tradition que nous rapportons (Joseph., Antiq., II, 9, sq.), Munk (la Palestine, p 118) dit que l’éducation sacerdotale de Moïse n’a rien que de très probable.

[141] Actes des Apôtres, VII, 22.

[142] Philon, De Vita Mos., lib. I, p. 606, A, B, éd. Turneb. — Comparez les passages des Pères de l’Église cités par Brucker (Histor. crit. Philos., T. I, P. 78, sq.).

[143] Manéthon, p. 460, sq.

[144] Strabon, XVII, p. 528.

[145] Schiller, Die Sendung Moses (T. XV, p. 6, 7 des Œuvres complètes, édit. de Carlsruhe).

[146] Schiller, die Sendung Moses. — De Wette, Biblische Dogmatik. — Reinhold, Die hebräischen Mysterien. — Michaélis, Mosaïsches Recht. — P. Leroux, de l’Humanité, p. 523 suiv. — J. Reynaud dans l’Encyclopédie Nouvelle, au mot Zoroastre, T. VIII, p. 794.

[147] Vatke, Die Religion des alten Testaments, nach den kanonischen Büchern entwickelt, Ir Theil, IIIes Kap. § 46. — Hengstenberg, Die Authentic des Pentateuch, T. I, p. 204 et suiv.

[148] Chrysostome, Homil. VI, De Stella quam viderunt Magi.

[149] Chrysostome, ibid. — Cyrille, de Adorat., XVI. — Cf. Origène, Epist. ad Gregor., c. 2 (Oper., T. I, p. 31, éd. La Rue).

[150] Augustin, De Civit. Dei, XVIII, 39. — Clément d’Alexandrie dit que la philosophie hébraïque est antérieure à toute philosophie (Stromates, I, 21, p. 320, éd. Potier).

[151] Kircher, Oedip. Aegypt. Propyl. Agonist. c. 2.

[152] Maraham, Canon chrouicus, Ægyptiacus, Ebraicus, Graccus. Londini, 1672, p. 149, sqq.

[153] Spencer, Dissertatio de Urim et Thummim ; — De ritual. legib. Heb.

[154] Les recherches des anciens égyptologues ont été résumées dans l’ouvrage de Witsius, intitulé : Ægyptiaca, sire de acgyptiacorum sacrorurn cum hebraicis collatione.

[155] Les philosophes du dix-huitième siècle s’emparèrent de ces analogies pour combattre la révélation mosaïque, et indirectement le christianisme. On sait assez, dit Voltaire, que la figure du serpent, les chérubins, la cérémonie de la vache rousse, les ablutions nommées depuis baptême, les robes de lin réservées aux prêtres, les jeûnes, l’abstinence du porc et d’autres viandes, la circoncision, le bouc émissaire, tout enfin, fut imité de l’Égypte (Examen important de Milord Bolingbroke, ch. V).

[156] Wits., lib. I, cap. 2, 3.

[157] Wits., I, 4.

[158] Wits., I, 7, 1. 2. La circoncision est dans son essence, un sacrifice sanglant. En vouant son corps à Dieu, l’homme se consacrait pour ainsi dire à la Divinité ; il portait sur lui-même la marqué ineffaçable du lien qui l’attachait à l’Être suprême et des devoirs que ce lien lui imposait. Chez les Juifs, la circoncision acquit l’importance d’un véritable sacrement ; c’est par la circoncision que les enfants d’Israël entraient dans la communion de Jéhova. Lorsque le peuple de Dieu semblait oublier sa haute mission, les prophètes la lui rappelaient, en proclamant que la circoncision du corps n’était qu’une figure de la circoncision de l’âme.

La circoncision était en usage chez les Égyptiens, les Hébreux et chez d’autres peuples de l’Asie et de l’Afrique. Où devons-nous chercher son origine ? Ewald, à qui nous empruntons ces observations, remarque qu’un trouve encore aujourd’hui la circoncision chez des tribus africaines qui n’ont pu l’emprunter que de l’Égypte ; les peuples asiatiques qui avaient cette coutume, étaient en relation avec les Égyptiens : il est donc probable que la circoncision est d’origine égyptienne (Geschichte des Volkes Israël, T. II, p. 97-102).

[159] Wits., I, 7, 10-12.

[160] Josué, XXIV, 14. — Ézéchiel, XX, 7, 8 ; XXIII, 8, 8, 19. Le célèbre veau d’or était un souvenir du bœuf sacré des égyptiens (Wits., II, 2, 12. 14).

[161] Schmidt, De Sacerd. et Sacr. Ægypt., p. 8. — Comparez Munk, la Palestine, p. 171.

[162] Wits., I, 6, 11. — Comparez Munk, la Palestine, p. 174, 175.

[163] On peut voir dans Wilkinson des détails sur les rapports entre les sacrifices des Égyptiens et ceux des Hébreux (Manners and Customs, T. V, p. 346-352).

[164] Ceux qui offrent des sacrifices, dit Hérodote (II, 39), prient les dieux de détourner les malheurs qui pourraient arriver à toute l’Égypte ou à eux-mêmes, et de les faire retomber sur la tête de la victime. Écoutons le Lévitique (XVI, 21) : Le pontife ayant mis les deux mains sur la tête du bouc, il confessera toutes les iniquités des enfants d’Israël, toutes leurs offenses et tous leurs péchés : il en chargera avec imprécation la tête de ce bouc et l’enverra au désert par un homme destiné à cela. — Comparez Wilkinson, Manners and Customs, T. II, p. 378 ; Wits., I, 7, 13. 15.

[165] Wits., I, 8.

[166] Wits., I, 6, 9. — Tous les objets sacrés, dit Munk (Palestine, p. 157, suiv.) avaient du rapport avec ce qui était en usage chez les Egyptiens.

[167] La ressemblance entre l’arche d’alliance et la barque sacrée des Égyptiens est frappante, Description de l’Égypte, ch. I, § 4, (T. I, p. 51-58). Après la construction de l’arche, l’Eternel commanda à Moïse de faire une table destinée à recevoir les objets requis pour les libations : cette table existe également dans les temples de l’Égypte, et chose étonnante, les proportions données dans l’Exode correspondent parfaitement à celles des monuments égyptiens (Description de l’Égypte, ch. I, § 5, T. I, p. 82).

Les savants théologiens dont nous résumons le système ont encore remarqué d’autres ressemblances entre l’Égypte et les Hébreux ; mais comme elles sont étrangères au dogme proprement dit, nous les avons négligées. Telles sont les analogies qui existent dans la législation des Egyptiens et des Hébreux étaient presque les seuls peuples de l’antiquité qui défendissent l’exposition des enfants. La Polygamie était permise, mais les prêtres et les lévites étaient soumis à la loi sévère du célibat. L’usage de la léviration leur était commun (Wits., I, 5).

Il y a également des rapports entre l’architecture de l’Égypte et celle des Hébreux. (Heeren, Ægypten, Supplement Band, p. 482 et suiv.)

[168] Arcanum novi status, imago antiqui (Tacite).

[169] Witsius, dans la Monographie précitée, la Dédicace et livre I, 1, l. 4 ; III, 14.

[170] Wits., II, 2.

[171] Wits., III, 1, sq.

[172] Wits., II, 4, sq.

[173] Wits., II, 14-16.

[174] Wits., III, 6, II, 8, sq.

[175] Cette hypothèse a été reproduite au dix-huitième siècle par un anonyme. L’auteur de l’Histoire véritable des Temps fabuleux essaya de prouver que l’histoire d’Égypte n’est autre chose qu’une traduction fautive et un commentaire grossier de l’Écriture Sainte. Bergier trouve ce singulier paradoxe très vraisemblable (Traité de la vraie Religion, T. I, p. 445).

[176] Wits., III, 12, sq.

[177] Voyez la réfutation de cette opinion dans Basnage, Histoire des Juifs, livre III, ch. 18 et 19. Il prouve que la religion des Égyptiens est plus ancienne que celle des patriarches. Calmet avoue qu’il y a des ressemblances entre les lois religieuses des deux peuples ; il ne croit pas que les Égyptiens les aient empruntées aux Hébreux. Il admet en conséquence que les Hébreux les ont prises des Égyptiens (Dissertations sur l’Écriture Sainte, T. II, Ire Partie, p. 35-39).

[178] Lorsqu’on résolut de chasser de Rome ceux qui y introduisaient des cérémonies étrangères, on y comprit les Juifs avec les Égyptiens (Suétone, Tibère, 26. Ceremonias externas, Ægyptios Judaicosque ritus. Tacite les confond également, Annal., II, 85 : De sacris Ægyptiis Judaicisque pellendis.).

Les Juifs étaient généralement considérés par les historiens grecs et latins comme une colonie des Égyptiens : Strabon, XVI, p. 513, éd. Casaub. Apion, ap. Joseph, II, 3. — Tacite, Histor., V, 2. — Alex. Polyhistor (ap. Étienne de Byzance, v° Ιουδαία) rapporte l’origine des Juifs à Typhon, le satan de l’Égypte.

[179] Encyclopédie d’Ersch et Gruber, Sect. II, T. 8, p. 328.

[180] Exode, XX, 2-5.

[181] Voyez le développement de ces idées dans Ewald, Geschichte des Volkes Israël, T. II, p. 88 et suiv., 93 et suiv. Le savant historien du peuple juif nous paraît cependant attacher trop peu d’importance à l’influence égyptienne, en la représentant comme négative : d’après lui, c’est en opposition avec le culte matériel de l’Égypte que le spiritualisme Mosaïque s’est développé (T. I, p. 475 et suiv., T II, p. 34 et suiv.) ; la lutte d’où le peuple israélite, guidé par Moïse, sortit vainqueur était une lutte religieuse (T. II, p. 42 et suiv.). — Comparez Winer, Biblisches Realwörterbuch, au mot Gesetz, T. I, p. 416 et suiv.

[182] J. Reynaud, dans l’Encyclopédie Nouvelle, au mot Zoroastre, T. VIII, p. 793 et suiv.