HISTOIRE DU DROIT DES GENS ET DES RELATIONS  INTERNATIONALES

TOME I. — L’ORIENT

PREMIÈRE PARTIE. — LES THÉOCRATIES.

LIVRE III. — L’ÉGYPTE

CHAPITRE II. — LE DROIT DES GENS.

 

 

§ 1. Influence du régime théocratique sur le droit des gens.

Les Égyptiens n’ont pas eu comme les Perses, les Macédoniens et les Romains l’ambition de fonder une monarchie universelle. Les conquêtes des Pharaons ne sont qu’un accident dans le développement de la civilisation égyptienne ; cependant elles sont d’une grande importance pour le droit des gens. C’est pour la première fois que nous rencontrons dans nos recherches un peuple régi par une ciste sacerdotale, sortant de son isolement, pour entreprendre des expéditions lointaines. L’Inde a eu, il est vrai, son époque héroïque ; mais nous ne pouvons pour ainsi dire qu’en soupçonner l’existence : les faits manquent pour en apprécier le caractère. Les témoignages qui restent de l’histoire égyptienne, bien que mutilés, suffisent pour constater l’influence du régime théocratique sur le droit de guerre.

La question est d’un haut intérêt pour l’histoire des progrès de l’humanité. Nous entrerons bientôt dans un âge de violence et de force brutale. Des peuples nomades, à demi-sauvages, se ruent sur le midi de l’Asie ; quand leurs invasions sans cesse renouvelées finissent par l’établissement de la monarchie persane, les peuples de l’Occident se présentent sur la scène, et les annales du genre humain n’offrent plus qu’un spectacle uniforme de carnage et de destruction. Les sociétés théocratiques de l’Inde et de l’Égypte semblent au premier abord moins entachées de sang. Nous avons dit ailleurs[1] pourquoi les états despotiques et conquérants ont dû prendre la place des états sacerdotaux, et quels progrès ils étaient appelés à réaliser. Si dans ce passage d’un état paisible à un mouvement désordonné, il y a eut beaucoup de sang versé, gardons-nous de croire qu’il y ait eu plus d’humanité véritable dans les théocraties. Les guerres de l’Égypte nous montreront autant de cruauté qu’il y en a eu dans les conquêtes des Barbares, et ces atrocités n’ont pas pour excuse les indomptables passions des peuples guerriers. Tel est l’enseignement que nous puiserons dans le droit des gens de l’Égypte.

§ 2. Conquêtes des Pharaons.

Bossuet dit que l’Égypte aimait la paix parce qu’elle aimait la justice[2]. L’esprit pacifique des riverains du Nil a déjà frappé Strabon[3], mais il en cherche la cause dans les circonstances physiques et géographiques[4] plutôt que dans le caractère des habitants : se suffisant à eux-mêmes, dit-il, ils ne pouvaient avoir le désir de se répandre au-dehors par la conquête. Nous n’attribuerons pas les dispositions pacifiques des Égyptiens à leur amour de la justice, mais clics étaient trop profondément empreintes dans leur caractère pour que des influences extérieures les expliquent suffisamment. Les nations comme les individus naissent avec des facultés diverses que nous pouvons constater, mais dont la cause nous échappe, c’est le mystère de la création. Les Égyptiens étaient un peuple agriculteur et théologique, comme les Indiens et les Hébreux. Les inondations merveilleuses du Nil, la fertilité extraordinaire qu’elles donnent au sol, développèrent le goût des travaux agricoles ; la caste des prêtres le favorisa, elle s’en fit un instrument pour civiliser les indigènes de l’Afrique. L’agriculture fut considérée comme le fondement de l’état social, tés prêtres ne l’envisageaient pas seulement sous le rapport économique ; ils y voyaient une manifestation de la vie divine ; un lien intime l’unissait à la religion[5]. Des idées religieuses se mêlant aux actions journalières des Égyptiens, imprimèrent à ce peuple un esprit particulier. Il semble moins préoccupé de la réalité que de la pensée de la mort[6]. Aux festins, on portait autour de la salle un cercueil, pour rappeler la brièveté de l’existence au milieu des plaisirs[7]. La vie actuelle était regardée comme fort peu de chose. Ils appelaient leurs habitations des hôtelleries, les tombeaux leurs demeures éternelles[8]. Les constructions les plus célèbres de l’Égypte sont des monuments funéraires[9].

Il serait difficile d’imaginer des dispositions plus contraires à l’esprit guerrier. Si en outre on considère que les Égyptiens étaient régis par une caste sacerdotale, pacifique de sa nature, ou conçoit que les conquêtes des Pharaons aient paru peu probables. Les expéditions de Sésostris ont trouvé plus d’incrédules que celles de tous les autres conquérants à demi-fabuleux de l’Asie. Je n’y crois pas plus, dit Voltaire, qu’au million de soldats qui sortaient par les cent portes de Thèbes ; il ajoute : en lisant dans Diodore, comme quoi le père de Sésostris destina son fils à subjuguer le monde, on pense lire l’histoire de Picrocole ; les Égyptiens, le plus lâche des peuples, étaient plus faits pour être subjugués que pour conquérir la terre[10]. Les historiens les plus graves partageaient ces doutes. Robertson signale tout ce qu’il y a de circonstances merveilleuses et incroyables dans le récit de Diodore, il lui parait impossible de concilier ce que l’écris vain grec raconte des guerres maritimes de Sésostris avec le génie égyptien, hostile à la navigation[11]. Un des grands savants de l’Allemagne poussa le scepticisme plus loin : d’après Heyne, Sésostris est un personnage mythique, ses actions sont des faits astronomiques présentés sous la forme d’histoire, son expédition en Orient est une figure du cours du soleil[12]. Ces doutes des hommes les plus éminents dans la science doivent nous tenir en garde contre le scepticisme exagéré des systèmes qui remettent toute l’antiquité en question. Sésostris éleva des colonnes triomphales[13] en Asie et en Afrique, pour éterniser le souvenir de ses victoires[14]. Hérodote déclare les avoir vues, elles existaient encore du temps de Strabon[15]. Des voyageurs modernes ont retrouvé les inscriptions qui étaient gravées sur ces monuments[16]. Nous possédons en Europe des statues, peut-être de véritables portraits d’un roi dont où contestait naguère l’existence[17].

Les conquêtes des Pharaons ne peuvent plus être révoquées en douté. On n’a qu’à jeter les yeux sur la description des monuments de l’Égypte pour se convaincre qu’ils célèbrent les actions glorieuses de rois guerriers. Tantôt c’est le commencement d’une bataille, tantôt la victoire des Égyptiens, la fuite des ennemis ; ici la lutte des masses, là les combats des chefs, soit à pied, soit sur des chariots, comme les héros d’Homère ; à l’assaut d’une citadelle succède le sac d’une ville avec toutes ses horreurs. C’est la représentation de tout un âge héroïque, une Iliade en pierres[18].

Jusqu’où s’étendirent les conquêtes des Égyptiens ? Ici l’incertitude reparaît. Les savants semblent céder à regret à l’évidence des faits ; obligés d’admettre l’existence de Sésostris, on dirait qu’ils s’efforcent de diminuer l’importance de ce personnage. Le sacerdoce, dit-on, a voulu élever le grand Pharaon au-dessus des conquérants étrangers, persans et grecs qui envahirent successivement l’Égypte. Ses guerres, d’abord circonscrites dans des limites assez étroites, s’étendent, dans les récits des prêtres, à mesure que leurs rapports avec l’étranger prennent de l’extension. Sésostris conquiert l’Asie jusqu’à l’Inde, parce qu’Alexandre avait conquis l’Asie jusqu’à l’Indus[19]. Il est vrai qu’il y a des variations dans les récits des auteurs anciens sur les expéditions de Sésostris, mais les savantes recherches de Lepsius ont donné la solution de ces difficultés. Le Sésostris des Grecs est le Séthosis de Manéthon ; un passage de l’historien égyptien conservé par Josèphe atteste qu’il conduit l’île de Chypre et la Phénicie, il vainquit les Assyriens et les Aèdes[20]. Le fils le Séthosis, le célèbre Ramsès, surnommé Miamoun, poursuivit les entreprises de son père, il porta ses armes plus loin, mais dans la même direction. Les Grecs rapportèrent à Sésostris toutes les victoires de son fils ; ainsi s’expliquent les relations, non pas contradictoires, mais en apparence exagérées des historiens[21].

Les monuments confirment la véracité des écrivains grecs et des prêtres de l’Égypte, qui leur servent d’autorité. Tacite raconte[22] que Germanicus, visitant l’Égypte, s’arrêta devant les ruines de l’antique Thèbes ; l’immensité des constructions frappa le général romain de cet étonnement mêlé d’admiration qu’éprouvèrent dix-huit siècles plus tard les légions de la République française. Il voulut connaître le sens des inscriptions qui couvraient les monuments. Un prêtre lui dit qu’elles rapportaient les expéditions de Ramsès : il avait, à la tête de 700.000 hommes, conquis la Libye, l’Éthiopie, vaincu les Mèdes, les Perses, les Bactriens, les Scythes ; il tenait sous sa domination la Syrie, l’Arménie, la Cappadoce. L’interprète lui dit encore quel était le montant des tributs payés par les vaincus, en argent, ou en produits ; ils égalaient, ajoute l’historien, ceux que Rome impose aujourd’hui aux nations. Ces inscriptions, constatant les victoires remportées par un roi égyptien quatorze siècles avant notre ère, existent encore. Le récit de Diodore qui a provoqué les plaisanteries de Voltaire s’accorde au fond avec celui de Tacite. Cependant il y a un fait mentionné par l’écrivain grec dont jusqu’ici on n’a pas trouvé la confirmation sur les monuments. D’après lui, des flottes auraient pris possession des îles situées dans la Mer Rouge, ainsi que de tout le pays littoral jusqu’à l’Inde ; le héros égyptien aurait poussé ses conquêtes plus loin qu’Alexandre[23]. Cette dernière partie du récit de Diodore serait-elle une exaltation de Sésostris duc au patriotisme du sacerdoce égyptien ?

Interrogeons maintenant les inscriptions que les égyptologues ont déchiffrées, elles nous donneront une idée des guerres des Pharaons[24].

Dans un grand tableau, le Dieu Amon-Ra présente la harpé[25] au belliqueux Ramsès pour frapper vingt-neuf peuples du nord et du midi ; dix-neuf noms de contrées ou de villes existent encore, le reste a été détruit pour construire des masures modernes. Le roi des dieux adresse à Miamoun un grand discours : Amon-Ra a dit : Mon fils, mon germe chéri, maître du monde, soleil gardien de justice, ami d’Ammon, toute force t’appartient sur la terre entière ; les nations du septentrion et du midi sont abattues sous tes pieds, je te livre les chefs des contrées méridionales ; conduis-les en captivité et les enfants à leur suite ; dispose de tous les biens existant dans leur pays, laisse respirer, ceux qui voudront se soumettre et punis ceux dont le cœur est contre toi. Je t’ai livré aussi le Nord..., la Terre Rouge est sous tes sandales...

Quatre tableaux retracent les principales circonstances d’une guerre de Ramsès Miamoun contre des nations asiatiques dont les traits et le costume rappellent les Assyriens[26] et les Mèdes, tels qu’ils sont représentés sur les cylindres babyloniens ou persépolitains. Beaucoup d’autres peuples figurent sur les champs de bataille, ou parmi les prisonniers, mais on n’a pu jusqu’ici préciser leur nationalité. On voit que l’Asie méridionale est le théâtre de la guerre, mais quels sont les combattants ? La sculpture ne donne pas de réponse à cette question, et les inscriptions sont en partie mutilées ou détruites. Les savants de l’expédition française ont cru reconnaître des Indiens à leurs habillements[27], mais les historiens et les égyptologues avouent qu’on ne peut former sur la race des vaincus que des conjectures plus ou moins probables[28]. Les mêmes doutes existent pour les batailles navales[29]. Dans quelles mers, entre quelles nations se sont elles livrées ? Est-ce la Méditerranée où la mer des Indes ? sont-ce les Phéniciens ou les Indiens[30] ? L’avenir nous expliquera peut-être ces mystères.

Après avoir suivi le conquérant dans une partie de ses expéditions, arrêtons-nous un instant a son triomphe. Le vainqueur est de retour à Thèbes. On voit les chefs des pays conquis conduits par Ramsès devant le temple d’Amon-Ra. Les princes vaincus glorifient le dieu bienfaisant, le seigneur du monde, soleil gardien de justice, ami d’Ammon : Ta vigilance n’a point de bornes ; tu règnes comme un puissant soleil sur l’Égypte ; grande s est la force ; nos sources t’appartiennent, ainsi que notre vie, qui est en ton pouvoir à toujours[31].

Voilà quelques traits des plus anciennes conquêtes dont l’histoire ait gardé le souvenir. La politique justifiait les entreprises des rois égyptiens. L’ambition qui les poussa en Asie .s’est transmise comme un héritage à tous les princes qui ont voulu fonder sur les bords du Nil un empire puissant : les Ptolémées et les sultans mamelucks, Saladin et Méhémet-Ali n’eurent pas d’autre politique que Sésostris et Ramsès[32]. Cependant les Pharaons n’échappèrent pis à la malédiction que le dernier siècle prononça contre les conquérants[33]. Les philosophes ont méconnu la mission civilisatrice de la guerre dans l’antiquité ; en réprouvant la conquête égyptienne, ils ont condamné des hommes et des choses glue nous commençons à peine à connaître aujourd’hui. L’Égypte au quatorzième siècle avant notre ère jouissait d’une civilisation avancée ; les vainqueurs ont dû exercer sur les vaincus l’influence que les nations civilisées exercent toujours sur les peuples barbares. L’occupation fut à la vérité temporaire, mais des établissements plus durables laissèrent en Asie les sentences de la culture égyptienne. Hérodote dit que Sésostris fonda une colonie aux environs du Palus Méolide ; ces colons donnèrent naissance aux Colchidiens ; encore du temps de l’historien grec, la parenté des deux peuples se montrait dans la constitution physique, les usages, la langue[34]. Serait-ce à la conquête de Sésostris qu’il faut rapporter l’étonnante ressemblance qui existe entre les Chaldéens et les Egyptiens[35] ?

Nous dirons plus loin qu’il y avait d’antiques relations commerciales entre l’Egypte et les peuples asiatiques ; les conquêtes des Pharaons favorisèrent ces liaisons. Si la tradition n’a pas exagéré la gloire du héros égyptien, il fut aussi grand dans la paix que dans la guerre. Nous ne parlons pas des gigantesques monuments de Ramsès, les plus magnifiques, dit Champollion, qu’ait jamais élevés la main des hommes[36], il y a une œuvre plus grande récente que les palais, c’est le canal qui devait joindre le Nil à la mer Rouge. Aristote, Strabon et Pline disent que Sésostris conçut le projet de cette communication et qu’il en commença l’exécution[37]. Ainsi ce roi fléau, ne se serait pas borné à conquérir les peuples, il aurait eu l’idée de les unir.

§ 3. Droit de guerre.

Nous ne voulons pas idéaliser le personnage de Sésostris. Le traitement que ce conquérant superbe infligea aux vaincus révèle un despote oriental plutôt qu’un émule d’Alexandre. Nous admirons le palais de Karnac et le Ramesséum, mais notre admiration ne doit pas nous faire oublier que ces monuments furent élevés par des prisonniers de guerre. Le vainqueur prit soin de constater dans ses inscriptions qu’aucun indigène n’y avait travaillé[38]. Le préjugé du droit du plus fort est tellement enraciné dans les esprits, que Bossuet loue Sésostris d’avoir suivi en cela l’exemple du sage Salomon ; le roi des Hébreux employa également les peuples tributaires aux ouvrages qui out rendu son règne immortel[39]. Peut-être le grand historien n’aurait-il pas exalté la conduite de Sésostris, s’il avait su que le héros, objet de ses louanges, était ce même Pharaon dont la tyrannie souleva les Hébreux[40], Bossuet ajoute qu’il eût été plus digue de gloire s’il n’avait pas fait traîner son char par des rois vaincus[41]. Ce trait caractérise le conquérant asiatique. Les monuments et les témoignages des auteurs représentent également les anciens Égyptiens connue un peuple cruel.

N° 1. Sacrifice des prisonniers.

Les Égyptiens ont-ils pratiqué les sacrifices humains ? Quelles étaient les victimes de cette horrible superstition ? Celte question divisait déjà les auteurs anciens, le dissentiment continue parmi les savants modernes. Sur l’existence des sacrifices, les témoignages nous paraissent certains ; mais étaient-ce les prisonniers qu’on immolait, comme chez les Celles ? Les analogies historiques rendent la chose probable. Les monuments semblent également attester que les Égyptiens usaient dans toute sa barbarie du droit de vie et de mort reconnu au vainqueur par l’antiquité ; mais les égyptologues ne sont pas d’accord sur le sens qu’il faut donner à ces représentations. Dans l’obscurité qui règne encore sur l’antique Égypte, nous devons nous borner au rôle de rapporteur et nous contenter de probabilités.

Hérodote prétend que les Grecs ont calomnié les Égyptiens en leur imputant l’usage des sacrifices humains. Comment croire, dit-il, qu’un peuple à qui il n’est pas permis de sacrifier un animal, voulut tuer des hommes[42] ? Mais la nature humaine cache dans son sein d’éclatantes contradictions. Les Indiens, les plus doux des hommes, sont humains envers les animaux et souvent cruels envers leurs semblables. Que doit-on attendre des habitants de l’Égypte, dont le naturel n’était pas porté à la douceur ?

Les riverains du Nil se distinguaient par un génie farouche la superstition les portait à la cruauté. Celui qui tuait, même involontairement, un chat ou un ibis ; était condamné à mourir ; parfois le, peuple, sans attendre le jugement ; se jetait sur le coupable et le massacrait[43]. Une barbarie asiatique éclate dans leurs lois. Rien de plus horrible que là prétendue humanité envers les parents coupables d’infanticide ; ils ne subissaient pas la peine capitale, mais ils devaient pendant trois jours et trois nuits demeurer auprès du cadavre et le tenir embrassé. Le législateur était à la recherche de supplices ; on coupait les mains aux parricides avec des joncs aigus, et on les brûlait vifs sur des épines[44]. La mutilation était un principe dominant : on punissait chacun par la partie du corps avec laquelle il avait commis le crime[45]. Les punitions corporelles étaient prodiguées ; on appliquait la bastonnade même aux femmes et aux enfants. Le bâton servait d’encouragement au travail ; bientôt il fallut cet ignoble traitement pour forcer les Égyptiens à remplir les obligations que l’état impose aux citoyens[46]. La barbarie des lois, loin de moraliser les hommes, les dégrade et les abrutit. Les Égyptiens finirent par avoir la réputation d’un peuple cruel, féroce dans ses vengeances[47]. L’invasion des idées, des sentiments de la Grèce ne parvint pas à les humaniser. Encore sous l’Empire romain, ils étaient notés pour leur manque d’humanité.

Hérodote s’est donc fait illusion pur la douceur des mœurs égyptiennes. Tout ce qu’on peut conclure de son témoignage, c’est que les sacrifices humains étaient depuis longtemps tombés en désuétude. Généralement pratiqués dans la haute antiquité, ils disparurent partout avec les progrès de la civilisation. Pour les temps anciens, nous opposerons à l’apologie de l’historien grec l’autorité d’un écrivain indigène. Plutarque rapporte d’après Manéthon, que les Égyptiens brûlaient dans la ville d’Ilithyia des hommes appelés typhoniens et jetaient leurs cendres aux vents[48]. Le même historien[49] nous apprend qu’on immolait aussi des hommes à Héliopolis ; le sang coulait chaque jour sur les autels, jusqu’à ce que le roi Amosis ordonnât de substituer aux victimes humaines des figures de cire de grandeur naturelle ; ayant lui les hommes typhoniens étaient choisis et marqués avec le même soin et les mêmes formalités que les animaux destinés aux sacrifices[50].

Quelle est l’origine de ces cruelles superstitions ? Il nous est impossible de pénétrer ce mystère horrible : les sacrifices humains étaient usités chez tous les peuples de l’antiquité, chez les nations soumises à une caste sacerdotale ils se perpétueront ; l’idée dit sacrifice, de l’expiation, plus profondément empreinte dans les religions dominées par les prêtres, rit taire la voix -le l’humanité. Quelques savants[51] ont voulu laver le peuple égyptien de cette tache. Se fondant sur ce que le roi qui abolit les sacrifices est le même qui expulsa les Hycsos, ils attribuent cette barbare coutume aux conquérants de l’Égypte ; ils croient concilier ainsi l’opinion d’Hérodote, d’après lequel il n’y aurait jamais eu de sacrifices sanglants chez les Égyptiens, avec le témoignage de Manéthon qui en constate l’existence. L’explication ne nous parait pas satisfaisante. Rien dans le texte de Manéthon n’indique qu’il parle des Nomades. S’il s’agissait d’un usage des Hycsos, pourquoi Amosis en aurait-il conservé la substance en remplaçant les hommes par des figures de cire ? Ce fait prouve que cette superstition était profondément enracinée dans l’Égypte ; le législateur a dû lutter contre la barbarie populaire, et lui donner une espèce de satisfaction en maintenant des sacrifices symboliques destinés à tenir lieu des sacrifices réels.

Les monuments ne sont pas aussi explicites que le témoignage de Manéthon. Si nous en croyons les auteurs de la Description de l’Égypte, les Égyptiens auraient immortalisé leur cruauté par les arts[52]. Les tombeaux des rois, dans les ruines de Thèbes, offrirent, aux savants français une vue qui les glaça d’épouvante : Dans la grande salle sépulcrale règne une frise couverte de peintures qui représentent une suite d’hommes rouges et bleus, ayant la tête tranchée ; au-dessus ou voit des bourreaux, armés de à couteaux, et coupant des têtes ; les victimes sont liées dans les attitudes les plus pénibles ; le sang jaillit de tous côtés ; des serpents coupés par morceaux sont toutes à toutes ces scènes d’horreur et, de dégoût[53]. D’autres sculptures ne paraissent pas laisser de doute sur la condition des malheureux qu’on sacrifie : A Thèbes on remarque un sacrificateur dont la main droite, armée d’une massue, est levée pour assommer un homme que l’on tient devant deux divinités. Aux vêtements et à la barbe de la victime, on reconnaît qu’il appartient à une nation dont les combats contre les Égyptiens et la défaite sont sculptés sur les murs du grand édifice de Karnac[54].    

Cependant beaucoup d’égyptologues refusent de croire à l’existence de sacrifices humains chez un peuple aussi civilisé que les Égyptiens. Les uns supposent que les monuments représentent le supplice des criminels[55] ; ou les tourments des enfers, d’autres conjecturent que le sacerdoce a voulut flétrir la tyrannie des rois[56] ; le plus grand nombre voient dans les représentations, qui semblent indiquer des sacrifices, des groupes hiéroglyphiques exprimant l’idée de la soumission absolue au vainqueur, du droit de vie et de mort dont celui-ci était investi[57]. Nous sommes disposé à croire qu’à l’époque héroïque des Sésostris et des Ramsès les autels des dieux n’étaient plus souillés du sang des victimes humaines : les sculptures n’avaient plus dès lors qu’un caractère symbolique. Mais cette supposition ne lave pas les Égyptiens de l’accusation qui pèse sur leur mémoire. Les tableaux qui tachent les monuments de l’Égypte ne seraient-ils pas une image du passé ? Un peuple n’ayant jamais pratiqué les sacrifices humains, aurait-il tu l’idée de chercher clans ces affreuses superstitions l’expression de sa pensée, les caractères de son écriture[58] ?

N° 2. Traitement des vaincus.

Dans le tombeau d’Osymandras on voit la représentation d’un siége : un héros égyptien se précipite sur les ennemis et les contraint de fuir dans le plus grand désordre. Les vaincus se retournent en élevant les mains, comme pour implorer sa clémence. Mais le vainqueur est inexorable : les guerriers égyptiens prennent par les cheveux les ennemis qu’ils rencontrent et les tuent coups de massue, de poignard ou de sabre ; les femmes, les enfants mêmes ne sont pas épargnés[59].

Ce tableau est une image de la cruauté des Egyptiens. A voir leurs usages de guerre, tels qu’ils sont représentés sur les monuments, on se croirait ait milieu des sauvages de l’Amérique. Les têtes des ennemis morts forment l’ornement du char du vainqueur[60] ; les rois se glorifient dans les inscriptions de ces trophées qui dégouttent de sang[61]. La manière de dénombrer les vaincus tombés sur le champ de bataille, rappelle les coutumes des conquérants les plus barbares ; les Turcs comptent les oreilles, les Égyptiens coupent les mains et les parties génitales et les enregistrent[62].  

Un savant égyptologue[63], tout en présentant les mœurs égyptiennes sous le jour le plus favorable, est obligé d’avouer que les prisonniers étaient traités avec une dureté qui lui parait en contradiction avec l’humanité des vainqueurs. Ils avaient les mains liées derrière le dos ou sur la tête, une corde passée autour du cou les attachait entre eux ; parfois le roi enchaînait les prisonniers de ses propres mains[64], comme des criminels ; l’instrument qui servait de menottes s’est conservé dans les usages de l’Égypte jusqu’à nos jours. Les princes vaincus partageaient le sort commun ; le haut rang qu’ils avaient tenu les exposait à des outrages d’autant plus sanglants après leur défaite ; le vainqueur les attachait sous l’axe de son char[65]. Si les Pharaons abusaient à ce point des droits de la guerre, quelle devait être la conduite des masses ? Les guerriers égyptiens maltraitaient leurs prisonniers à coups de javelot[66] ; on voit même sur les monuments des captifs ayant le poing droit coupé[67].

L’Empire des Pharaons  en Asie a été de trop courte durée pour que nous puissions apprécier leur politique à l’égard des peuples subjugués. Le peu de renseignements que les monuments fournissent nous font croire que le régime des conquérants était celui de tous les despotes asiatiques. Ce n’est pas leur clémence qui est exaltée dans les inscriptions emphatiques destinées immortaliser leur nom, c’est leur colère ; on les compare à des lions irrités, inexorables[68]. Comment auraient-ils été humains envers de ennemis qu’ils considéraient comme une race impure et perverse[69] ? L’Égypte seule mérite l’attention des Pharaons. Les nations barbares qui osent leur résister sont des coupables[70]. Une inscription de Sésostris résume la politique égyptienne : il gouverne l’Égypte, il châtie la terre étrangère[71].

Les peuples conquis étaient soumis à leurs tributs[72] : la charge devait être lourde, car à chaque moment ils se révoltaient[73]. Une partie des vaincus étaient traînés en esclavage, et employés à élever ces gigantesques monuments, qu’on peut à peine admirer, quand on sait que des nations entières furent sacrifiées à la gloire des superbes vainqueurs. L’histoire a conservé quelques souvenirs de leur malheureuse condition. L’excès de l’oppression poussa les captifs à se révolter contre leurs tout puissants maîtres ; la tradition rattache à cette insurrection la fondation d’une cité égyptienne, portant le nom de Babylone[74]. La condition des Hébreux établis en Égypte donne une idée de la domination des Pharaons. Méprisés comme impurs, détestés corme nomades, ils furent relégués dans un espace de terre trop étroit pour contenir une population nombreuse ; l’encombrement, la malpropreté engendrèrent cette terrible maladie qui fut dans l’antiquité comme la marque distinctive des Hébreux ; la lèpre augmenta le dégoût qu’ils inspiraient ; traités en brutes plutôt qu’en hommes, ils furent accablés des travaux les plus humiliants[75]. La tyrannie alla jusqu’au meurtre des enfants mâles, pour amener l’extinction de cette race maudite. La profonde dégradation des Israélites, lorsque Moïse, à la voix de Dieu, les appela à l’indépendance, est la condamnation de la politique des Pharaons[76].

Les Égyptiens ont laissé sur leurs monuments une image de leur, droit international. On a reproché à Louis XIV les statues enchaînées représentant les nations qu’il foule aux pieds. Le grand Roi ne se doutait pas qu’il était l’imitateur de conquérants barbares. Une tradition recueillie par Vitruve[77] donne une origine grecque aux Cariatides. Les auteurs de la Description de l’Égypte croient que les Grecs les empruntèrent aux Égyptiens. Dans le pavillon de Medynet-Abou, des ouvrages sont portés par quatre figures d’hommes dont on ne voit que la moitié du corps ; elles sont étendues sur le ventre, et avec leurs mains péniblement appuyées sur une dalle inférieure, elles paraissent faire de violents efforts pour soulever le poids dont elles sont accablées, leur poitrine est revêtue de cottes d’armes, ce qui prouve que ce sont des captifs qu’on a voulu représenter dans cette position humiliante[78]. Nous laisserons la question d’origine indécise, les cariatides de l’Égypte, comme celles de la Grèce et du Louvre expriment la même idée, l’ignominie du vaincu été l’insolence du vainqueur. Ces sentiments ne se manifestaient pas seulement dans lit sculpture. Les voyageurs ont trouvé dans les tombeaux des sandales qui portent sous la plante du pied des figures coloriées de pasteurs ayant les membres garrottés ; ainsi les conquérants foulaient aux pieds l’image de leurs ennemis vaincus[79]. Le langage répondait aux représentations des arts : les dieux promettent aux rois de placer toute la terre sous leurs pieds[80]. Si le symbole est l’expression fidèle de l’idée, il est difficile d’imaginer des conquérants plus insolents que les Pharaons, et une condition plus dégradante que celle des peuples qu’ils subjuguaient.

N° 3. Cause de la barbarie du droit de guerre des Égyptiens.

Tel fut le droit de guerre des Égyptiens. Il n’est pas moins barbare que celui des peuples nomades, qui envahirent et dévastèrent si souvent l’Asie. Imputerons-nous la cruauté des Égyptiens à la caste sacerdotale ? Le sacerdoce pas plus que la royauté ne crée le génie d’un peuple. Il est probable que les castes supérieures sont sorties de l’Orient, elles trouvèrent une race indigène en possession des rives du Nil. Quelles étaient les mœurs, la culture des habitants primitifs ? Aucun document historique ne nous éclaire sur cette importante question ; mais nous ne leur ferons pas injure en supposant qu’ils étaient à peu près sauvages. Il existe encore aujourd’hui des analogies remarquables entre les coutumes des populations africaines et celles que nous avons rencontrées dans l’empire des Pharaons. Les nègres de la Nubie ont l’usage de prendre sur les morts les parties génitales, les vainqueurs apportent ces dépouilles obscènes a leurs femmes qui s’en parent comme de trophées[81]. Il est probable que le droit de guerre des Égyptiens est un débris de cette barbarie africaine.

Mais si ou tic peut imputer à la caste sacerdotale la cruauté des Égyptiens, n’est-elle pas du moins coupable d’avoir donné la sanction de la religion aux horribles sacrifices des sauvages ? Ce n’est qu’en hésitant que nous risquons cette accusation. Pour apprécier l’influence des prêtres sur la civilisation de l’Égypte, il  faudrait sur le développement moral du peuplé des témoignages précis qui nous manquent. Cependant l’histoire des théocraties nous force à reconnaître que la caste sacerdotale ne recule pas devant le sang[82] ; son génie n’est pas celui de l’humanité, mais un esprit sombre et farouche qui s’allie facilement à tous leurs excès. Les sacrifices humains disparurent à la vérité de l’Égypte, au point que du temps d’Hérodote on pouvait révoquer en doute qu’ils eussent jamais existé. Mais jusque dans l’abolition de cette affreuse superstition la main du sacerdoce parait étrangère. C’est un roi, un guerrier qui a la gloire de cet acte d’humanité.

 

 

 



[1] Comparez États despotiques, Introduction, § 3.

[2] Bossuet, Discours sur l’Histoire Universelle, IIIe Partie, § III. — Comparez Rollin, Histoire des Égyptiens, ch. III.

[3] Strabon, lib. XVII, p 568 (éd. Casaubon).

[4] Strabon, lib. XVII, p 568 (éd. Casaubon).

[5] Heeren, Aegypten, Sect., II, p. 605-607. — Real Encyclopaedie der Alterthumswissenshaft, T. V, p. 1012, 1018 ; T. IV, p. 270, aux mots Osiris et Isis.

[6] Lamennais, Esquisse d’une philosophie, T. III, p. 150. Une pensée domine l’Égypte, pensée grave et triste, dont nulle autre ne la distrait, qui, du Pharaon environné des splendeurs du trône jusqu’au dernier des laboureurs, pèse sur l’homme, le préoccupe incessamment, le possède tout entier, et cette pensée est celle de la mort. Ce peuple a vu le temps s’écouler, comme les eaux du fleuve qui traverse ses plaines nues, et il s’est dit que ce qui passe si vite n’est rien, et, se détachant de cette vie caduque, il s’est reporté par sa foi, par ses désirs et ses espérances, vers une autre vie, permanente, immuable. Pour lui l’existence commence au tombeau.

Les tableaux que les monuments nous ont conservés de la vie privée des Égyptiens, de leurs fêtes, de leurs jeux, prouvent qu’ils n’étaient pas étrangers aux plaisirs de la vie. Mais la disposition au spiritualisme le plus exalté et le matérialisme se rencontrent parfois dans le même peuple, témoin l’Inde.

[7] Hérodote (II, 78) paraît croire que cet usage avait pour objet d’engager les convives à se réjouir, tant que durerait la vie : Plutarque qui rapporte le même fait, en donne une explication plus conforme au génie égyptien (Sept. Sapient. Conviv., c. 2. Cf. Plutarque, De Osir., c. 17).

[8] Diodore, I, 51.

[9] Les pyramides ont déjà été représentées par les anciens, comme les tombeaux des rois (Diodore, I, 61). Il n’est plus permis de douter de l’exactitude de leurs rapports ; on a trouvé le cercueil, le nom et probablement les os de l’un des rois qui ont fait construire ces gigantesques monuments. Dans la grande pyramide et dans un assez grand nombre d’autres on a découvert le sarcophage en pierre qui devait contenir le cercueil (Ampère, dans la Revue des deux Mondes, 1846, T. IV, p. 339. — Letronne, dans le Journal des Savants, 1841, p. 450. — Bunsen, Aegypten, T. II, p. 361 et suiv. — Real Encyclopaedie der Alterthunswissenschaft, T. VI, p. 803).

Une partie de la chaîne libyque a été creusée pour servir de tombeaux ou plutôt de demeures aux morts ; ce sont les fameuses, hypogées qui ont fait l’admiration de tous les voyageurs ; tes catacombes surpassent les magnifiques édifices qui s’élèvent sur la terre, en nombre, en richesses, en ornements et en luxe (Description de l’Égypte, T. III, ch. IX, Sect. 10 et 11).

[10] Voltaire, Philosophie de l’Histoire, chapitre de l’Égypte.

[11] Robertson, Recherches sur l’Inde ancienne, note I.

[12] Commentar. Soc. Gœtting, T. V, p. 122. Telle est aussi l’opinion de De Pauw, Recherches sur les Égyptiens, T. I, p. 32 et suiv. — Comparez Buttmann, Mythologus, T. I, p. 198 et suiv.

[13] Lepsius (Annali dell’ Instituto archeologico, T. X, p. 15) dit que le mot στήλαι n’indique pas une colonne, mais des monuments sculptés, des bas-reliefs tels que ceux qu’on trouve en Égypte.

[14] On représentait, d’après Hérodote, les parties sexuelles de l’homme pour caractériser les peuples guerriers, et celles de la femme pour flétrir les tribus lâches et efféminées (Hérodote, II, 103, 106).

[15] Hérodote, II. — Strabon, XVI, p. 529 ; XVII ; p. 50, éd. Casaubon.

[16] Dans la Syrie (Lepsius, Annali, T. X, p. 12) ; Lepsius y a lu deux dates qui correspondent à l’époque à laquelle Diodore place les conquêtes de Sésostris. Les inscriptions portent le nom de Ramsès (Voyez sur les confusions des noms de Ramsès et de Sésostris, plus bas).

[17] Champollion, Lettres relatives au Musée royal égyptien de Turin, Ire lettre, p. 14.

[18] Heeren, Aegypten, Sect. III (Supplem., p. 464, 465, 477).

[19] Letronne, Mémoire sur le monument d’Osymandyas, dans les Mémoires de l’Institut, T. II, p. 43 et suiv.) observe que le Sésostris des écrivains postérieurs à Alexandre a poussé ses conquêtes plus loin que le Sésostris d’Hérodote. Celui-ci soumet la Syrie et l’Asie Mineure ; ses vaisseaux entrent dans la Mer Rouge, mais ils y sont arrêtés par les bas-fonds. Le Sésostris de Diodore pénètre avec ses vaisseaux jusque dans la mer indienne, son armée de terre conquiert non seulement l’Inde, mais tout le pays au-delà du Gange, jusqu’à l’Océan oriental. On voit que les prêtres surchargeaient la légende de Sésostris, à mesure que leurs connaissances géographiques s’étendaient. Avouer que le héros de leur histoire n’avait pas porté ses armes aussi loin que le guerrier macédonien eût coûté à leur amour-propre ; ils lui firent dépasser les conquêtes d’Alexandre. Les prêtres remplirent leurs livres sacrés d’histoires faites après coup, d’exagérations palpables, de mensonges évidents ; ils les débitaient sans crainte ni des voyageurs qui ne savaient pas leur langue et n’entendaient point leurs symboles (ibid., p. 376).

[20] Josèphe, C. Apion, I, 15.

[21] Lepsius, Chronologie der Aegypter, T. I, p. 182 et suiv.

[22] Tacite, Annales, II, 60.

[23] Diodore, I, 53-55.

[24] Champollion-Figeac, l’Égypte, p. 155 et suiv.

[25] Sabre recourbé, garni d’un manche.

[26] La nationalité est douteuse, Layard (Nineveh and its Remains, London, 1849, T. II, p. 403-407) dit que les Assyriens ne figurent pas parmi les peuples décrits sur les monuments de l’Égypte, ou dans les inscriptions hiéroglyphiques.

[27] Description de l’Égypte, T. II, p. 106. (Ch. IX, Sect. I, § 5, art. 3).

[28] Heeren, Aegypten, Sect. III, Suppl. p. 472-475. — Letronne, Journal des Savants, 1844, p. 562.

[29] La forme des vaisseaux, disent les savants français, ne permet pas de douter que les combats ne se livrent sur mer [Description de l’Égypte, T. II, p. 123 (Ch. IX, Sect. I, 56). Comparez Wilkinson, Customs and Manners of the ancient Egyptians, T. III, p. 202, 208, — Rosellini, Monumenti Storici, T. III, P. 2 ; p. 86, suiv.)]

Cependant un savant italien dit que les eaux figurées sur les monuments représentent le Nil et que les ennemis sont des Nubiens (Annali dell’ inst. di corrisp. archeol., T. VIII, p. 844).

[30] D’après Heeren (Aegypten, Sect. III, Supplém. p. 469-471) et les savants français (Description de l’Égypte, T. II, p. 113, Ch. IX, sect. I, § 5, art. 3), les peuples qui figurent dans les batailles navales seraient Indiens. — Rosellini (Monumenti Storici, T. III, P. I, p. 484 ; T. 2, p. 249-258) ne croit pas que les conquêtes des Pharaons se soient étendues jusqu’à l’Inde ; d’après lui, les peuples représentés sur les monuments appartiennent à l’Asie occidentale. Cependant il avoue que l’état imparfait des monuments rend la question douteuse.

[31] Champollion, l’Égypte, p. 159. Sur les cérémonies religieuses qui accompagnaient le triomphe, voyez Description de l’Égypte, T. II, p. 93-101, Ch. IX, Sect. 1, § 5, art. 1. — Wilkinson, Mamers and Customs, T. V, p. 284-287.

[32] Niebuhr, Vorträge der alte Geschichte, T. I, p. 91. — Movers, Die Phœnizier, T. II, Ire part., p. 329, 348, 415, 416. En admettant avec Movers l’existence d’un antique empire d’Assyrie, s’étendant jusque dans la Palestine, les expéditions des rois égyptiens en Asie deviendraient de véritables guerres défensives ; ils devaient repousser le flot qui menaçait l’Égypte, sous peine de se voir emportés ; la conquête des Hycsos avertissait les Pharaons que la domination, ou au moins une influence dans l’Asie occidentale, était une condition de leur existence (Movers, ibid., p. 298).

[33] Volney appelle Sésostris le roi fléau (Chronologie des Égyptiens, ch. 2).

[34] Hérodote, II, 102, 103. - Niebuhr, Vorträge über alte Geschichte, T. I, p. 74.

[35] La découverte des ruines de Ninive a donné une éclatante confirmation aux témoignages égyptiens, en attestant que l’Asie a subit a une époque très reculée, l’influence de l’Égypte. Les monuments portent l’empreinte évidente du style égyptien (Layard, Nineveh aud its Remains, T. II, p. 205) ; des emblèmes particuliers à l’art égyptien se trouvent dans les sculptures assyriennes ; les sphinx énigmatiques sont les gardiens des temples de Ninive, comme de ceux de Thèbes (ibid., p. 460, 461). Des vases, parfaitement semblables à ceux qu’on découvre dans les tombeaux égyptiens, existent dans les ruines de Ninive (ibid., p. 219, 220, 304) ; des tombeaux mêmes, présentant tous les caractères des sépultures égyptiennes, ont été trouvés, et jusqu’à des inscriptions hiéroglyphiques (ibid., p. 9, 10, 18-20, 209, et T. I, p. 353).

[36] Champollion, Notice sur l’Égypte, dans le Dictionnaire de la Conservation.

[37] Voyez sur ce canal, la dissertation de Letronne, dans son Recueil des Inscriptions grecques et latines de l’Égypte, T. I, p. 100-103, et Revue des deux Mondes, 1841, T. III. Le savant académicien, se fondant sur l’autorité d’Hérodote, soutient que la première conception du canal est due à Nékos. Lepsius a fait de nouvelles recherches sur cet intéressant sujet ; il en résulte que les contradictions entre les divers historiens ne sont qu’apparentes. Les auteurs parlent de deux canaux. Le premier et le plus ancien allait du Nil à Sela-Biar. Il est certain que ce canal fut construit par Ramsès ; dans les ruines des anciennes constructions on a trouvé une figure de ce prince (Lepsius, Chronologie des Aegypter, T. I, p. 249-255).

[38] Diodore, I, 50. Comparez Rosellini, Monumenti Storici, III, 2, p. 185.

[39] Discours sur l’histoire universelle, IIIe partie.

[40] L’identité du Pharaon qui employa les Juifs aux plus rudes corvées et de Ramsès, le fils de Sésostris, est établie par Lepsius, Chronologie der Aegypter, T. I, p. 358, 359.

[41] Diodore, I, 58. — Hérodote II, 108. — Tzetz., Hist., III, 83.

[42] Hérodote, II, 45.

[43] Diodore, I, 83.

[44] Diodore, I, 77.

[45] Diodore, I, 78. On appliquait cette loi au viol ; pour l’adultère commis sans violence, l’homme était condamné à recevoir mille coups de verges, et la femme à avoir le nez coupé.

[46] Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, T. II, p. 40, 41. Les Egyptiens étaient honteux quand ils né pouvaient pas montrer sur leurs corps des marques nombreuses attestant leurs efforts pour échapper au tribut. Le bâton est encore aujourd’hui considéré en Égypte comme un don de Dieu.

[47] Polybe, XV, 33, 10. — Comparez Niebuhr, Vorträge über alte Geschichte, T. I, p. 150.

[48] Plutarque, De Isis et Osiris, c. 73.

[49] Manéthon ap. Porphyre, De Abstin., II, 55.

[50] Les hommes typhoniens étaient ceux qui avaient des cheveux roux comme Typhon. C’est par l’usage des anciens rois d’Égypte d’immoler sur le tombeau d’Osiris des hommes typhoniens, que Diodore explique la fable de Busiris massacrant les étrangers : les hommes roux étant rares en Egypte, tandis qu’ils sont fréquents dans d’autres pays, les victimes étaient plus souvent des étrangers que des indigènes (Diodore, II, 88, Cf. Eusèbe, Præpar. Evang, IV, 18, sqq., Schmidt, De sacrificiis Aegyptiorum, p. 181, 276, 289).

[51] Jablonski, Panth. Aegypt. T. II, p. 72-77. — Röth, Geschichte unserer abendlandischen Philosophie, T. I, p. 216 et suiv.

[52] Un tableau du grand temple de Philae représente quatre hommes couchés sur le ventre ; leurs mains sont placées derrière le dos et liées, avec les pieds ; un sacrificateur debout, tourné vers une figure décorée des attributs ordinaires aux divinités, les perce avec une lance. Si l’on entre dans le temple, on voit, sur une colonne, un sacrificateur qui enfonce une lance dans le crâne d’un malheureux dont un autre sacrificateur a déjà percé le corps ; les deux exécuteurs sont vêtus et mitrés comme les figures qui dans les autres bas-reliefs, remplissent les fonctions de prêtres. Un spectacle plus horrible est représenté auprès du temple de Dendérah : Deux hommes, enchaînés par les coudes, sont agenouillés devant un Dieu ; le sacrificateur les assujettit dans cette position en appuyant son pied sur leurs jambes, et il s’apprête à enfoncer sa pique dans leur tête. Un lion est placé entre les jambes du sacrificateur pour dévorer les victimes ; déjà sa gueule a saisi le bras de l’un de ces infortunés (Description de l’Égypte, T. VI, p. 151 et suiv. Mémoire sur les grottes d’Elethyia. — Comparez ibid., T. III, p. 361, 376, chap. X, § 5, art. 3, 4. — T. I, p. 69 et suiv., ch. 1, § 5. — Denon, Voyage en Egypte. Explication de la planche 134).

[53] Description de l’Égypte, T. III, p. 188, ch. IX, sect. 11.

[54] Description de l’Égypte, T. VI, p. 151, 152. Mémoire sur les  grottes d’Elethyia.

[55] Description de l’Égypte, T. II, p. 60, Ch. IX, Sect. I, § 8.

[56] Hamilton, Aegyptiaca, p. 157.

[57] Champollion, Lettres écrites de l’Égypte, p. 288, 346. — Champollion-Figeac, L’Egypte, p. 48-45. — Ampère, Voyage et Recherches en Égypte et en Nubie (Revue des deux Mondes, 1848, T. III, p. 50).

Wilkinson (Customs and Manners, T. V, p. 341-344) dit que les monuments ne présentent aucune trace de sacrifices humains.

[58] Charma (Essais de philosophie orientale, p. 885, suiv.) soutient contre Champollion l’existence des sacrifices humains chez les Égyptiens ; il se fonde sur les auteurs anciens et les monuments. Heeren admet aussi le sacrifice des prisonniers comme un fait incontestable. Comp. Schwenk, Die mythologie der Aegypter, p. 15 et suiv. Klemm, Kulturgeschichte der Menschheit, T. V, p. 390, suiv., 410 et suiv.

[59] Description de l’Égypte, T. II, p. 256 (ch. IX, sect. 3, Ire partie).

[60] Le teste dei duci ucci inghirlandano la parte posteriore del carro. Rosellini, Monumenti storici, III, 1, p. 330. — Comparez Description de l’Égypte, T. II, p. 481 (Chap. IX, sect. 8, § 4).

[61] Ecco il dio buono che rallegrasi in vedere il sangue, avendo resciso le teste al corpo degli uccisi, Rosellini, ibid. et p. 379.

[62] Les sculptures du palais de Medynet-Abou représentent cette scène en détail. Un homme courbé et vêtu d’une longue robe compte les mains en les prenant une à une. Un écrivain placé derrière lui, les enregistre sur un rouleau de papyrus. Ailleurs des parties génitales coupées sont mises en tas et comptées devant le vainqueur. (Description de l’Égypte, T. II, p. 88, 294, Chap. IX, Sect. 1, § 5, art. 1, et Chap. IX, Sect. 8, IIe partie).

[63] Wilkinson, Manners and Customs, T. I, p. 39.

[64] Rosellini, Monomenti Storici, T. III, P. 1, p. 329.

[65] Wilkinson, Manners and Customs, T. V, p. 285, L’auteur, dans sa partialité pour les Égyptiens, ne sachant comment expliquer cet indigne traitement, suppose que c’est une licence des sculpteurs (ibid., T. I, p. 397). Il ne s’aperçoit pas qu’un peuple chez lequel l’art aurait recours à de pareilles représentations devrait être un peuple cruel. Les artistes idéalisent les héros, ils ne les avilissent pas.

[66] Description de l’Égypte, T. II, p. 107 (Chap. IV, Sect. 1).

[67] Cailliaud, Voyage à Méroé, ch. 56 (T. III, p. 283). Les égyptologues donnent à ces représentations l’explication la plus favorable aux Égyptiens ; ils supposent que c’est un défaut de sculpture, ou, si la mutilation est réelle, qu’elle est la suite d’un accident dit combat (Rosellini, Monumenti Storici, T. III, P. 1, p. 355). — D’après Diodore, les captifs ayant le poing droit coupé sont un symbole qui indique que les prisonniers n’ont pas fait usage de leurs mains dans les combats (Diodore, I, 48).

[68] Rosellini, Monumenti Storici, T. IV, p. 18, T. III, P. 2, p. 54.

[69] Rosellini, passim. Comparez plus bas, ch. III, § 1, n° 1.

[70] La victoire des Pharaons est toujours représentée comme un châtiment que les dieux infligent aux peuples impurs (Rosellini, Monumenti storici, T. III, P. 1, p. 350 et note ; T. III, P. 2, p. 163, 213 et passim).

[71] Rosellini, Monumenti Storici, T. III, P. 2, p. 163.

[72] Rosellini, ibid., T. III, P. I, p. 444, 445.

[73] Rosellini, ibid., T. III, P. 2, p. 107.

[74] Diodore, I, 56.

[75] Il y a un tableau clans les catacombes de l’Egypte représentant des Hébreux occupés à faire des briques ; des Égyptiens les surveillent, tenant en mains le bâton qui en Égypte ne servait pas seulement de marque de commandement (Rosellini, Monumenti Civili, T. II, p. 234 et suiv.)

[76] Schiller, Die Sendung Moses (T. XV, p. 3-7, des Oeuvres, édit. de Carlsruhe). — Genèse, XLIII, 32. — Josèphe, Antiquités, II, 9.

[77] Vitruve, De architect., I, 1.

[78] Description de l’Égypte, T. II, p. 60 (ch. IX, Sect. I, § 4) ; T. II, p. 77-79 (ch. X, Sect. I, § 5, art. 1).

[79] Cailliaud, Voyage à Méroé, T. I, p. 260 (ch. XV). — Champollion, Lettres relatives au Musée égyptien de Turin, IIe lettre, p. 58.

[80] Sotto i tuoi calzari (Rosellini, Monumenti Storici, t. III, P. 1, p. 344, 404) ; ou : Sotto i tuoi sandali (Ibid., T. III, P. 2, p. 117). L’expression a passé dans la poésie hébraïque : Ponam inimicos tuos scabellum pedum tuorum. Psaumes, CX, 1.

[81] Cailliaud, Voyage à Méroé, T. III, ch. 41.

[82] Voyez Livre des Hébreux, chap. II, § 1. — Comparez Tome III, p. 179, sur les sacrifices humains dans le Druidisme.